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table des matières de paul d'égine

 

PAUL D'ÉGINE

 

 

LE LIVRE DE LA CHIRURGIE.

introduction

 

Oeuvre numérisée par Marc Szwajcer

 

 

 

 




 


 

PAUL D’ÉGINE.

 

 

LE LIVRE DE LA CHIRURGIE.

 

 

 

 

CHAPITRE PREMIER.

PRÉFACE DE LA CHIRURGIE.

Nous divisons le traité de la chirurgie en deux parties : l'une qui traite des maladies de la chair; l'autre, des maladies des os, tant fractures que luxations, et nous allons commencer par les premières, en écrivant avec notre concision habituelle.

Ainsi donc, débutant de nouveau par les parties supérieures, nous exposerons la manière de cautériser la tête et principalement le sommet.

CHAPITRE II.

DE LA CAUTÉRISATION DE LA TÊTE DANS LES OPHTHALMIES, LES DYSPNÉES ET L'ÉLÉPHANTIASIS.

Lorsqu'une humeur tombe des parties supérieures sur les yeux, lorsque la respiration devient difficile à cause de l'abondance d'humidité superflue qui se porte de la tête vers la poitrine, et qui, par son cours, en offense les parties, on pratique de cette manière la cautérisation du milieu de la tête : on rase d'abord le sommet du crâne, on y applique des cautères à boutons et l'on brûle le derme jusqu'à l'os ; puis, quand l'eschare est tombée, on rugine l'os. Quelques-uns cautérisent l'os lui-même de manière à en faire tomber une lamelle, afin que par-là il se fasse une perspiration et une évacuation faciles des humeurs de la tête; et, après avoir quelque temps conservé l'ulcère, ils le font ensuite cicatriser.

A ceux qui sont affectés d'éléphantiasis, quelques-uns font cinq eschares à la tête : une à la partie antérieure au-dessus de l'endroit appelé bregma ; une autre un peu plus bas, en haut du front, vers la racine des cheveux ; la troisième vers la partie appelée occiput, et les deux autres vers les os appelés écailleux, au-dessus de l'endroit où sont attachées les oreilles, l'une à droite, l'autre à gauche. En détachant ainsi plusieurs croûtes, on fait évaporer et sortir de l'intérieur de la tête une grande quantité d'humeurs épaisses, et l'on empêche par là que la face devienne malade.

On applique aussi un autre cautère sur la région splénique, afin que par l'eschare faite à la peau, on guérisse l'organe sécréteur de l'élément mélancolique.

CHAPITRE III.

DE L'HYDROCÉPHALE.

 

L'hydrocéphale prend son nom de la nature propre de l'humeur qui la forme, laquelle est aqueuse. Elle vient aux enfants ou parce qu'au moment même de l'accouchement, les sages-femmes leur compriment maladroitement la tête; ou par une cause latente; ou par suite de rupture d'un ou de plusieurs vaisseaux, quand le sang qui en découle se change en une humeur inutile ; ou par un relâchement qui permet à la matière de transsuder et de se répandre entre la peau et le péricrâne. En effet, l'humeur s'amasse ou entre la peau et le péricrâne, ou entre le péricrâne et l'os, ou entre l'os et la méninge.

Lorsque l'humeur se tient entre la peau et le péricrâne, il s'ensuit une tumeur facile au toucher, sans changement de couleur à la peau, indolente, élevée et convexe, séparée des doigts qui la pressent par peu de parties, cédant et se déplaçant facilement.

Lorsque l'humeur se trouve entre le péricrâne et l'os, les autres choses se passent de même; seulement la tumeur est plus dure, cédant lentement parce qu'il y a plus de parties interposées, et la douleur est plus forte.

Si l'humeur se trouve entre l'os et la méninge, il y a bien une tuméfaction, mais elle ne cède pas à la pression, parce que les os des enfants nouveau nés, étant récemment solidifiés, cèdent facilement, surtout lorsque l'humeur s'est frayé une route au dehors par les sutures entr'ouvertes. On constate facilement cet effet en ce que, pendant cette pression, l'eau repoussée reflue dans la profondeur de la tête. Une douleur plus forte a lieu dans ce cas : la tête entière s'écarte, le front se déjette en dehors et les yeux sont fixes et continuellement larmoyants.

Nous ne pratiquons pas d'opération à ces malades, quoique cependant quelques chirurgiens perforent et enlèvent une portion d’os de la manière qui sera décrite dans le chapitre où l'on traitera des fractures de la tête. Mais si l'humeur est déposée entre la peau et le péricrâne, et si la tumeur est petite, nous faisons, par son milieu, une seule incision transversale. Si la collection se trouve entre le péricrâne et l'os, et si la tumeur est grosse, nous ferons deux incisions qui se couperont par leur milieu. Si la tumeur est encore plus grosse, nous ferons trois incisions imitant la lettre H.

Après avoir enlevé l'humeur par cette opération, nous introduirons de la charpie dans la plaie et nous la banderons convenablement; puis, jusqu'au troisième jour, nous l'arroserons avec un mélange d'huile et de vin; après ces trois jours, nous enlèverons le bandage et nous amènerons la guérison à l'aide de charpie enduite de médicaments; puis, si au bout de quelque temps l'os ne se recouvre pas de chair, nous le ruginerons doucement.

Paul d'Egine omet de parler, dans ce chapitre, d'un quatrième cas d'hydrocéphalie : c'est celui dans lequel la collection d'humeur se trouve entre le cerveau et les enveloppes. Des auteurs antérieurs à lui en ont cependant fait mention.

Plusieurs commentateurs pensent que ce chapitre est extrait des œuvres perdues pour nous du chirurgien ancien Léonidès, souvent cité par notre auteur, comme on le verra plus loin.

Comparez, sur le même sujet, le chapitre extrait d'Antyllus, collection de Nicétas, p. 121.

CHAPITRE IV.

DE L'ARTÉRIOTOMIE.

Dans les fluxions chroniques des yeux et dans la maladie vertigineuse, nous avons coutume d'inciser les artères situées derrière les oreilles. Il faut, en conséquence, raser la partie postérieure de la tête et noter avec les doigts la place de l'artère que l'on trouvera facilement à cause de ses pulsations, puis la couper jusqu'à l'os par une incision longue de deux travers de doigts en suivant une ligne préalablement tracée avec de l'encre. Si l'on ne rencontre pas le vaisseau, il faut mesurer une distance de trois doigts à partir des oreilles et inciser ensuite en coupant transversalement les artères jusqu'à ce qu'on voie sortir le sang par saccade à la manière du pouls, et jusqu'à ce que l'instrument ait touché l'os. Après l'écoulement d'une suffisante quantité de sang, on divise le péricrâne, de peur qu'il ne s'enflamme par la tension ; puis, ayant raclé l'os, nous introduisons dans la plaie un petit coin de chiffon et nous la guérissons avec le pansement de charpie médicamenteuse. Mais si l'os reste alors dégarni, nous le rugirions de la même manière.[1]

Cette opération est décrite dans Aétius, d'après Sévérus.

CHAPITRE V.

DE L'ANGIOTOMIE[2] ET DE LA CAUTÉRISATION.

Dans les hémicrânies et dans les fluxions chroniques ou même aiguës avec rhume chaud et cuisant sur les yeux, produisant de la chaleur et de l'œdème dans la région des muscles crotaphites, tous approuvent la section des vaisseaux. Ayant donc préalablement rasé les cheveux vers les tempes, nous cherchons avec les doigts, après avoir d'abord usé de fomentations chaudes, ou même après avoir exercé une constriction sur le cou. Quand les vaisseaux sont devenus visibles, nous les notons avec de l'encre et nous faisons à la peau un pli transversal avec les doigts de notre main gauche et avec ceux d'un aide ; après quoi nous pratiquons une incision superficielle sur le vaisseau lui-même. Ensuite, quand la peau a été complètement incisée, nous soulevons le vaisseau avec des érignes et nous le dénudons par la dissection; puis nous le tenons élevé et isolé de toutes parts. S'il est petit, nous le tirons et le tordons avec un crochet mousse et nous le coupons entièrement, de manière à en enlever une portion. Mais s'il est gros, on passe dessous une aiguille enfilée d'un lacet double, ou d'un fil de lin écru, ou de quelque autre fil fort, et lorsque le vaisseau, d'abord coupé droit avec un phlébotome, aura donné une suffisante quantité de sang, nous lierons la portion dénudée à ses deux extrémités : puis nous enlèverons la partie intermédiaire, soit tout de suite, soit à l'époque de la résolution. Quelques-uns[3] avec des cautères à boutons brûlent les vaisseaux sans les couper, jusqu'à une grande profondeur.

Or, après l'opération, on met dans la plaie de la charpie sèche, puis une compresse par-dessus, après quoi on applique le bandage. Après la résolution, c'est-à-dire lorsque les fils des ligatures seront putréfiés et tombés, on amènera la guérison à l'aide des remèdes incarnatifs soit secs, soit liquides, et appliqués sur de la charpie, et à l'aide des cicatrisants.

Le mode opératoire décrit dans ce chapitre doit être remarqué, parce que l'auteur y renvoie souvent dans le cours de l'ouvrage.

CHAPITRE VI.

DE L'HYPOSPATHISME.

Cette opération tire son nom de la forme de l'instrument qui sert à la faire. On emploie l'hypospathisme lorsqu'un rhume abondant et chaud s'est porté sur les yeux, que le visage devient rouge et qu'autour du front le malade a comme la sensation d'un fourmillement et d'un mouvement vermiculaire.

Ayant donc rasé les cheveux du front, nous prescrivons au patient de mouvoir sa mâchoire inférieure, afin d'éviter les muscles crotaphites, que nous reconnaîtrons à ce mouvement; puis nous faisons sur le front trois incisions droites, parallèles, longues chacune de deux doigts, profondes jusqu'à l'os, et distantes entre elles de trois doigts. Après cela nous enfonçons l'hypospathistère[4] dans l'incision voisine de la tempe gauche en allant vers celle du milieu, et nous détachons toute la peau et même le péricrâne interposés. Ensuite nous répétons avec l'instrument la même opération en partant de l'incision du milieu jusqu'à la dernière. Puis, introduisant aussitôt la pointe du bistouri étroit[5] dans la première incision, de telle sorte que son côté tranchant soit dirigé vers la partie charnue adhérente à la peau, et son côté mousse vers l'os, nous le poussons jusqu'à l'incision médiane en coupant tous les vaisseaux qui descendent de la tête vers les yeux, mais toutefois en ménageant la partie superficielle de la peau. Nous faisons de même depuis l'incision médiane jusqu'à la dernière, en coupant également tous les vaisseaux.

Dès que le sang a suffisamment coulé, on exprime les caillots, puis on fait trois rouleaux de charpie que l'on insère dans chacune des incisions, et, après les avoir recouverts de compresses imbibées d'eau, on applique le bandage. Le lendemain nous arrosons avec de l'huile et du vin non seulement les plaies, mais encore les tempes et les oreilles, de crainte d'inflammation. Le troisième jour, nous levons l'appareil et nous lotionnons abondamment, puis nous amenons la guérison en mettant dans les plaies de la charpie enduite de basilicum dissous dans de l'huile rosat.

CHAPITRE VII.

DU PERISCYPHISME.

Quand des vaisseaux nombreux et profonds envoient aux yeux une abondante humeur, nous pratiquons l'opération du périscyphisme. Les malades présentent les signes suivants : vous trouverez d'abord leurs yeux atrophiés, petits, ayant la vue faible, les angles rongés, les paupières ulcérées et les cils tombant; des larmes ténues, très acres et chaudes s'y produisent; ils sentent dans la profondeur de la tête une douleur aiguë et cruelle, et ils ont des éternuements continuels.

Ayant donc rasé préalablement la tête et évitant, comme il a été dit, de toucher l'endroit où se meuvent les muscles crotaphites, nous ferons une incision transversale en commençant à la tempe gauche et finissant à l'autre. Cette incision aura ses extrémités aux endroits où il n'y a pas de mouvement, et nous la conduirons un peu au-dessus du front, en ayant soin d'éviter la suture coronale. Léonidès dirige l'incision par le milieu du front. L'os ayant été mis à nu, nous séparerons, par plusieurs coins ou mèches de charpie, les extrémités des vaisseaux et les lèvres de la plaie, et nous y appliquerons un bandage, puis nous arroserons avec du vin mêlé d'huile, comme il a été dit plus haut. Après avoir levé ce premier pansement, et lorsque déjà l'inflammation sera affaiblie, nous raclerons l'os jusqu'à ce qu'il recommence à se couvrir de chair, et nous traiterons par le pansement sarcotique, nous servant de médicaments faits de poudres sèches favorables à la régénération de la chair, parmi lesquels

Farine de froment......................... 2 parties.

Colophane..................................... 1 partie.

Tel est aussi le remède appelé cephalicum, ou bien les sarcotiques tirés de la pierre ponce. En effet, la peau étant rendue compacte par une épaisse cicatrice, et les orifices des vaisseaux étant fermés, l'humeur ne peut plus se porter sur les yeux comme auparavant.

 

CHAPITRE VIII.

DE LA SUTURE DE LA PAUPIÈRE SUPÉRIEURE ET DES AUTRES MODES D'OPÉRER CEUX QUI ONT DES CILS ANORMAUX.

On appelle distichiasis la croissance anormale de poils qui viennent se surajouter à la rangée naturelle des cils de la paupière. Cette maladie provient d'une disposition fluxionnaire lorsque afflue une humeur abondante, il est vrai, mais non corrosive ni mordante; car le séjour d'une humidité plus âcre, plus cuisante, ou de quelque autre manière corrosive, détruirait même les cils naturels de la paupière. Nous avons, en conséquence, recours à la suture, tantôt dans cette affection, tantôt dans la phalangose, lorsque le bord ciliaire se tourne en dedans de l'œil et que la rangée des poils se retourne avec lui, et tantôt encore dans les paupières relâchées, lorsque les cils naturels piquent le globe de l'œil.

Ayant donc placé le malade assis soit devant nous, soit à notre gauche, nous retournons la paupière supérieure, si elle a de longs cils, en les saisissant eux-mêmes avec l'index et le pouce de la main gauche, si elle en a de trop courts, en passant une aiguille munie d'un fil par le milieu du bord ciliaire, de dedans en dehors ; puis, tirant la paupière avec la main gauche au moyen du fil, nous la renversons derrière ce fil, en la repliant avec le bouton du bistouri tenu de la main droite. Alors nous faisons l'incision interne plus en dedans que les poils qui piquent, en l'étendant le long du bord ciliaire, depuis le grand angle de l'œil jusqu'au petit. Après l'incision nous enlevons le fil et nous plaçons sous le pouce de la main gauche une petite compresse pour relever le sourcil. Ensuite, disposant d'autres petites compresses aux extrémités des angles de l'œil, nous prescrivons à un aide, qui doit se tenir derrière le malade, de tendre la paupière au moyen de ces compresses, et alors, avec le bistouri à suture, nous faisons d'abord l'incision dite obéliée, un peu au-dessus des cils naturels, d'un angle de l'œil à l'autre, profonde seulement de manière à diviser la peau. Après cette incision nous faisons celle en forme de croissant, en la commençant à l’endroit où commence l'incision obéliée, et en lui donnant une hauteur telle qu'elle circonscrive toute la peau jugée superflue, et en la terminant aussi au même endroit que l'autre. La peau circonscrite par ces deux incisions se trouve avoir la forme d'une feuille de myrte : fixant ensuite une érigne dans l'angle qui est à notre droite, nous disséquons toute cette portion de peau ; et, après avoir épongé la plaie, nous réunissons ses bords par trois ou quatre points de suture en commençant par le milieu. Il faut piquer l'aiguille dans l'incision inférieure elle-même et se servir d'un fil de laine. Après avoir coupé les fils non près des sutures, mais de manière qu'il en reste une longueur de trois doigts, nous attirons ces bouts de fils vers le front, où nous les collons avec un des emplâtres agglutinatifs. Avec la pointe d'une aiguille nous débarrassons les sutures des poils de la paupière qui s'y trouveraient pris.

Ce procédé opératoire est vulgaire et sûr. Toutefois quelques-uns évitent la dissection. C'est pourquoi, après l'incision interne, soulevant avec une pince blépharocatoque, c'est-à-dire appropriée à la courbure de la paupière, la peau inutile, ils la coupent avec un bistouri, puis ils font les sutures comme nous l'avons dit. Cependant, si la piqûre faite par les poils n'a lieu seulement que dans une portion de la paupière, il convient de ne faire aussi l'opération que dans cette partie. Nous imbibons ensuite des compresses avec de l'oxycrat, nous les appliquons et nous bandons le tout; nous les arrosons en outre d'oxycrat trempé d'eau, jusqu'au troisième jour, où nous les enlevons. Puis, après avoir coupé les bouts inutiles des fils, nous oindrons les paupières avec le safran, le glaucium ou avec quelqu'un des collyres antiphlogistiques, tels que le crocinum ou quelqu'un de ceux composés avec des roses. Si les sutures viennent à s'enflammer, nous appliquons dessus quelque emplâtre émollient, et nous lénifions l'œil en y instillant du lait et du blanc d'œuf mélangés. Il faut couper et resserrer les sutures qui se relâcheraient.

J'ai connu quelqu'un qui, après avoir fait la dissection de la paupière, comme il a été dit, n'avait pas recours à la suture, mais amenait la guérison avec des remèdes cicatrisants. En effet, la plaie en se fermant tirait petit à petit la paupière et obligeait les cils à se porter en dehors. De même aussi un autre ne disséquait pas la paupière, et ne faisait pas les deux incisions externes ; mais, après avoir pratiqué seulement l'incision interne, il soulevait avec les doigts ou avec un crochet le pli de la paupière ; puis avec deux morceaux de roseaux ou deux lamelles égales en longueur à la paupière et ayant la largeur d'un étroit phlébotome, saisissant toute la peau médiane inutile, il serrait avec un lien chaque extrémité des lamelles ; et ainsi toute la peau enserrée, ne recevant pas de nourriture et par suite se mortifiant dans l'espace de dix à quinze jours au plus, tombait avec les roseaux ou lamelles, de sorte qu'il ne paraissait presque pas de cicatrice.

CHAPITRE IX.

DE LA CAUTÉRISATION DES PAUPIÈRE8 PAR MÉDICAMENTS.

Tous les anciens, pour le dire en un mot, ont rejeté l'ustion des paupières à l'aide de médicaments caustiques, tant à cause de l'acrimonie dont le remède menace les yeux, que parce qu'une cautérisation trop forte fait naître la lagophtalmie, maladie dans laquelle les paupières restant entr'ouvertes, la vue est lésée par la moindre cause quelconque. Néanmoins, comme beaucoup de malades, lorsqu'ils sont affectés de piqûre continuelle des cils, ne peuvent pas même parfois entendre parler de la suture, ils nous harcellent souvent de telle sorte que dans notre embarras nous en venons, comme malgré nous, à la brûlure par médicaments. Or voici quelle est la composition[6] de ces remèdes :

Chaux vive ......................                         2 parties

Savon gaulois ou commun                                  2 parties

Quelques-uns prennent aussi trois parties de fleurs de nitre et, après les avoir broyées, ils les incorporent dans de la lessive filtrée ou dans celle provenant du savon, de la cendre de figuier ou de chêne, avec de l'urine d'un enfant impubère. Nous appliquons avec le bout d'une sonde cette substance sur la paupière, en lui donnant la forme d'une feuille de myrte, pour brûler un espace égal à celui qu'on aurait compris dans l'opération de la suture. Lorsque la peau est enflammée par cette première application, on enlève le remède avec une éponge et l'on en applique une seconde fois en le laissant en place jusqu'à ce que la peau noircisse. Si elle ne noircit pas, on en fait une troisième application. Mais lorsque la peau est devenue noire et que l'eschare s'est enfin formée, on enlève le remède par un lavage et on emploie les lotions et les affusions jusqu'à la chute de l'eschare, après quoi il convient d'amener la cicatrice à l'aide de la raclure de linge et de collyres adoucissants.

CHAPITRE X.

DE LA LAGOPHTALMIE.

On appelle lagophtalmiques ceux qui ont la paupière supérieure rétractée en haut. Cet accident arrive soit naturellement, soit par suite de cicatrice d'une plaie, et cette dernière survient ou spontanément ou à la suite d'une opération de suture ou de cautérisation maladroitement faite, comme nous le disions tout à l'heure. Dans ce dernier cas, on ne peut guère obtenir qu'une médiocre amélioration, pourvu encore que la paupière ait une épaisseur suffisante. En effet, il faut que la cicatrice elle-même soit divisée et que ses lèvres soient séparées par de la charpie; on emploie en tous cas une ligature jusqu'à complet abaissement de la paupière, ayant soin de ne pas se servir d'onguents très siccatifs, mais plutôt de ceux qui relâchent, tels que le suc de fenugrec et le basilicon tétrapharmacum dissous dont on recouvre de la charpie.

CHAPITRE XI.

DE LA SUTURE ET DE L'USTION PAR MÉDICAMENTS DE LA PAUPIÈRE INFÉRIEURE.

La paupière inférieure est sujette à autant d'affections des cils que la supérieure ; car si elle devient plus grande qu'elle ne doit être, elle se retourne et subit la phalangose et le distichiasis. Par conséquent on doit employer ici le même mode de suture que pour la paupière supérieure, mais dans un ordre inverse, faisant d'abord l'incision en forme de croissant, à cause de l'embarras qui serait causé par l'écoulement du sang, et ensuite l'incision obéliée. Quant à l'incision interne, elle doit être omise, parce que la paupière inférieure se retourne promptement par suite de son poids naturel. Le reste du traitement se fait comme dans la suture de la paupière supérieure, excepté que les bouts des fils ne doivent pas être collés sur le front. Mais si le patient redoute ici l'opération tranchante et préfère la cautérisation par médicaments, elle vous a déjà été enseignée.

CHAPITRE XII.

DE L'ECTROPION.

De même que la paupière supérieure est sujette à la lagophtalmie, de même l'inférieure est sujette à l'ectropion. Toutefois cette dernière maladie ne vient point naturellement, mais la paupière se renverse tantôt à la suite d'un relâchement causé par l'application de remèdes employés pour combattre une inflammation, tantôt par suite de suture ou de cautérisation maladroitement faite.

Prenant donc une aiguille munie d'un fil double, nous perçons la partie charnue en poussant de l'angle gauche vers le droit; puis, après avoir fixé le fil aux deux extrémités de l'aiguille, nous soulevons la partie charnue avec cette même aiguille, et nous la divisons ainsi elle-même à l'aide d'un bistouri en dégageant en même temps par là l'aiguille. Si la paupière reprend sa forme naturelle et se retourne en dedans, nous nous contentons de cette opération ; mais si après cette incision de sa partie charnue elle reste encore renversée, nous plaçons sous la partie coupée de la paupière le bout cyathiforme de la sonde, et nous faisons à la partie interne de cette même paupière deux incisions partant des deux angles de la coupure déjà faite, et amenées en pointe de manière à les réunir en leur donnant la forme du lambda (L); puis nous enlevons cette petite portion. La partie pointue de la portion coupée se trouvera en bas près de l'œil, et la partie large en haut près de la rangée ciliaire. Après cela, nous réunissons les parties séparées avec une aiguille munie d'un fil de laine, nous contentant de deux points de suture.

Mais si l'ectropion provient de suture ou de cautérisation, nous ferons une simple incision le long de la première cicatrice elle-même au-dessous des poils de la paupière, et nous séparerons les lèvres de la plaie en y mettant de la charpie. Pour le reste, nous agirons comme dans la lagophtalmie, à l'exception des fomentations, jusqu'à ce que la suture soit solide.

CHAPITRE XIII.

DE L'ANABROCHISME ET DE LA CAUTÉRISATION PAR LE FER.

Nous employons l'anabrochisme chez ceux dont les yeux sont piqués par un petit nombre de cils, comme un, deux ou trois au plus, voisins les uns des autres. Prenant donc une aiguille extrêmement fine, nous passons dans son trou les deux bouts réunis d'un cheveu de femme ou d'un fil très ténu de byssus, de manière que la partie insérée présente une anse double; un autre fil de byssus ou cheveu de femme sera introduit dans cette anse. Alors nous faisons passer l'aiguille à travers la rangée ciliaire dans l'endroit d'où paraissent provenir les poils qui ont une mauvaise direction, et à l'aide d'une sonde auriculaire ayant fait entrer le poil ou les poils dans l'anse, nous les attirons; et si le poil de la paupière est emprisonné, nous resserrons l'anse ; mais si un ou plusieurs viennent à s'échapper, nous faisons revenir l'anse à l'aide du bout de fil que nous y avons fait entrer ; et ayant introduit de nouveau le cil ou les cils, nous les attirons.

S'il y a seulement un poil ténu qui pique l'œil, nous attirons en même temps que lui un autre de ceux de la rangée ciliaire, et nous les collons ensemble en les oignant avec de la gomme ou avec quelque autre chose de gluant, et nous les lions jusqu'à cohésion des deux poils.

Quelques-uns préfèrent la cautérisation à l'anabrochisme. Ils renversent la paupière et arrachent avec un épiloir le poil ou les poils qui piquent, soit un, deux ou trois ; puis ils poussent le bout d'une sonde ou une sonde d'oreille, ou quelque autre mince instrument incandescent dans le lieu d'où le poil ou les poils ont été arrachés. De cette manière la peau devenant plus épaisse ne permet plus à un autre poil de naître.

CHAPITRE XIV.

DES HYDATIDES.

L'hydatide consiste en une substance grasse, étendue par une disposition naturelle sous la peau de la paupière. Chez quelques personnes, et surtout chez les petits enfants qui ont le tempérament plus humide, cette substance s'accroît et cause des accidents en surchargeant l'œil et en y amenant par là des fluxions. Aussi chez eux les paupières paraissent aqueuses sous les sourcils et ne peuvent se relever comme il convient. Si nous les comprimons avec les doigts en séparant ces derniers, l'intervalle qui les sépare se gonfle. Elles se fluxionnent surtout au point du jour, et les malades ne peuvent soutenir les rayons du soleil. En général, les yeux larmoient et sont affectés d'ophtalmies continuelles.

Ayant donc disposé convenablement le malade, nous presserons la paupière avec deux doigts, l'index et le médian, un peu séparés pour rassembler dans leur intervalle une certaine collection hydatique. Nous ordonnerons à un aide placé derrière le malade et fixant solidement la tête, de tirer modérément la paupière en liant par le milieu du sourcil; et, prenant nous-même un phlébotome, nous inciserons transversalement la paupière par le milieu, sans faire une incision plus grande que celle usitée dans les phlébotomies, mais assez profondément pour diviser toute la peau et aussi pour atteindre l'hydatide elle-même. Il faut apporter un grand soin à cela. En effet, beaucoup, en plongeant trop profondément l'instrument, incisent la cornée, ou blessent en tous cas le muscle de la paupière. Alors, si l'hydatide se montre, nous l'extrayons aussitôt; sinon, nous incisons de nouveau avec précaution; puis, dès qu'elle paraît, nous la saisissons avec les doigts garnis d'un linge fin, et nous l'arrachons en lui imprimant des mouvements de rotation et de va-et-vient. Lorsqu'elle est retirée, nous recouvrons la plaie d'une compresse imbibée d'oxycrat, et nous la bandons. Quelques-uns avec le bout de la sonde mettent dans l'incision du sel pulvérisé, afin de dissoudre ce qui pourrait rester de l'hydatide.

Après avoir levé ce bandage, s'il n'y a pas d'inflammation, nous amenons la guérison à l'aide de collyres onctueux faits avec le lycium, le glaucium ou le safran. S'il y a de l'inflammation, nous y remédions par des cataplasmes et autres moyens appropriés.

CHAPITRE XV.

DES PAUPIÈRES ADHÉRENTES.

La paupière supérieure devient adhérente tantôt avec la rangée ciliaire inférieure, tantôt avec la conjonctive, tantôt avec la cornée elle-même. Cette maladie produit de la difficulté dans les fonctions de l'œil. Il faut, en conséquence, détruire l'adhérence avec; un ptérygotome, soit en introduisant une sonde auriculaire sous la paupière par sa portion libre, soit en la tirant en haut avec un crochet. On prendra garde de ne pas blesser la cornée, de peur qu'il n'en résulte une cause de procidence de l'œil. Après l'opération, nous ferons une injection dans l'œil et nous séparerons les paupières avec de la charpie, pour qu'une nouvelle adhérence ne survienne pas; puis nous placerons dessus de la laine trempée dans du blanc d'œuf, et, après le troisième jour, nous nous servirons de collyres atténuants et cicatrisants.

CHAPITRE XVI.

DU CHALAZIUM.

Le chalazium consiste dans la concrétion d'une humeur inutile à la paupière. Si elle a lieu sur sa face externe, nous incisons transversalement la paupière en dehors avec un bistouri, et ensuite nous enlevons le chalazium avec une sonde auriculaire ou avec quelque autre instrument semblable. Si l'incision est grande et entr'ouverte, nous en rapprochons les lèvres par une suture et nous mettons dessus un petit emplâtre. Si elle est petite, nous omettons la suture et nous traitons de la même manière. Mais si le chalazium est en dedans de manière à briller à travers le cartilage, nous renversons la paupière et nous la divisons transversalement en dedans, puis nous enlevons le chalazium et nous faisons une injection d'eau salée.

CHAPITRE XVII.

DE l'ACROCHORDON ET DE L'ENCANTHIS.

Après avoir saisi avec une pince sarcolabe les acrochordons de la paupière et les encanthis du grand angle de l'œil, nous les coupons avec un bistouri et nous mettons sur la plaie de la calamine pulvérisée.

CHAPITRE XVIII.

DU PTÉRYGION.

Cette maladie provient d'une membrane nerveuse qui commence en général au grand angle de l'œil et qui rampe petit à petit vers le dedans. Elle nuit à l'œil parce qu'elle empêche ses mouvements en comprimant le globe, et parce qu'en s'accroissant elle finit par couvrir toute la pupille. Elle est plus facile à guérir quand elle est mince et blanche, et nous l'opérons ainsi : ayant séparé les paupières, nous attirons le ptérygion après l'avoir saisi avec un crochet médiocrement recourbé ; puis, prenant une aiguille un peu courbe vers sa pointe, dans le trou de laquelle on a enfilé un crin de cheval et un fil de lin fort, nous la faisons passer sous le milieu du ptérygion. Nous lions alors celui-ci avec le fil de lin et nous le tirons en haut; ensuite, sciant pour ainsi dire avec le crin la portion proche de la pupille, nous la détachons jusqu'au bout. Quant à la partie restant près du grand angle, nous l'arrachons de sa base avec le bistouri à suture, en ayant soin de laisser intacte la caroncule naturelle de cet angle, de peur qu'étant détruite, il n'en résulte la maladie appelée rhyas.

Quelques-uns, après avoir tiré avec le fil de lin, comme nous l'avons dit, détachent le ptérygion tout entier avec le ptérygotome, en se gardant de toucher à la tunique cornée. Après l'opération, nous mettons sur la plaie un peu de sel pulvérisé, puis de la laine imbibée de blanc d'œuf que nous bandons. Après avoir levé ce premier appareil, nous instillons pendant longtemps de l'eau salée. S'il survient de l'inflammation, nous usons des moyens déjà décrits pour la guérir.

CHAPITRE XIX.

DU STAPHYLOME.

Le staphylome est une incurvation de la tunique cornée, débilitée en même temps que la rhagoïde, tantôt par suite de fluxion, tantôt par suite d'ulcération. Nous l'opérons, non pour rappeler la vue perdue, car cela est impossible, mais afin de rendre au malade une beauté relative. Ainsi donc, après avoir avec une aiguille traversé la base du staphylome de bas en haut, il faut en faire passer une seconde munie d'un fil de lin double, en partant de l'angle le plus à notre portée et allant vers l'angle opposé, par la même base du staphylome ; puis, la première aiguille restant en place, on coupe l'anse du fil et on lie les deux moitiés supérieure et inférieure du staphylome avec les fils correspondants. Ensuite on enlève l'aiguille et l'on applique de la laine trempée dans du blanc d'œuf. Après avoir levé ce premier appareil, on adoucit l'œil par des injections émollientes jusqu'à la chute des fils et celle du staphylome.

CHAPITRE XX.

DE L'HYPOPYON.

Il nous suffira de rapporter les paroles de Galien au sujet des yeux purulents; elles sont ainsi conçues : « Un oculiste de notre temps, nommé Justus, a guéri plusieurs hypopyons par succussion de la tête. Il fait placer les malades droit sur un siège ; puis, leur saisissant la tête par les deux côtés, il la secoue de telle sorte qu'on voit clairement descendre le pus. Celui-ci reste en bas à cause de la pesanteur de sa substance, tandis que les cataractes n'y restent pas, à moins qu'on ne les presse bien exactement. »

Le même Galien, en continuant, dit encore : « Souvent nous avons évacué entièrement le pus en incisant la cornée un peu au-dessus de l'endroit où toutes les tuniques se réunissent les unes aux autres. Quelques-uns nomment ce lieu l'iris, d'autres le nomment couronne. » Ainsi parle Galien dans son livre de la méthode thérapeutique. Après l'évacuation du pus, nous nettoyons la plaie avec des injections d'hydromel ou de fenugrec uni au miel, et ensuite nous employons le traitement ordinaire.

CHAPITRE XXI.

DES CATARACTES.

La cataracte est une accumulation d'humeur inutile sur la membrane cornée près de la pupille. Elle empêche la vision ou du moins que la vision soit claire. Elle provient surtout du refroidissement et de la faiblesse de l'esprit visuel ; et c'est pour cela que les vieillards et ceux qui sont longtemps malades y sont plus sujets. Elle survient aussi par suite d'un violent vomissement, d'un coup et de plusieurs autres causes. Or nous avons parlé, dans le troisième livre, des cataractes qui, n'étant pas encore mûres, n'exigent pas d'opération ; maintenant nous allons donner les signes caractéristiques de celles qui ont acquis une consistance et une coagulation complètes. Tous ceux donc qui sont atteints de cette maladie voient la lumière un peu plus ou un peu moins, et par là nous distinguons les cataractes de l'amaurose et du glaucome, maladies dans lesquelles on ne voit pas du tout la lumière. Galien nous enseignera encore les différences, les degrés d'épaississement des cataractes et quelles sont celles qu'on doit opérer.

Après avoir fermé l'œil atteint de cataracte, il faut avec le pouce presser la paupière contre l'œil et faire en comprimant un mouvement de va-et-vient; puis, ouvrant et examinant l'œil, nous observons la cataracte. En effet, quand l'humeur n'est pas encore coagulée, la pression du doigt produit une certaine diffusion, et d'abord la cataracte parait plus étendue, ensuite elle revient de nouveau dans sa forme et dans sa grandeur propres; mais quand l'humeur est concrétée, la pression ne produit aucune modification ni dans son étendue ni dans sa forme. Toutefois, comme ce signe est commun aux cataractes très denses et à celles qui ne le sont que médiocrement, nous les distinguons par leur couleur. Celles qui ont la couleur du fer, ou azurée ou plombée, sont convenablement coagulées et bonnes à abaisser; celles qui ressemblent au gypse ou à la grêle sont trop épaissies. Ayant donc recueilli ces notions dans Galien, nous ferons asseoir le malade en face de la lumière à l'abri du soleil, et après avoir bandé soigneusement l'œil qui n'est pas malade, nous écarterons les paupières de l'autre, et nous mesurerons, en partant de ce qu'on appelle l'iris, du côté du petit angle de l'œil, un espace égal au noyau d'une sonde, et là nous marquerons, en pressant avec la tête de l'aiguille à ponction, l'endroit où l'on devra ponctionner. Pour l'œil gauche nous nous servirons de la main droite, et pour le droit de la gauche. Puis, retournant la pointe de l'aiguille à ponction, qui est ronde à son extrémité, nous l'enfonçons vigoureusement à travers la partie marquée, de manière à arriver jusque-là où l'on ne rencontre plus d'obstacle. La profondeur du coup doit avoir pour mesure l'espace qui sépare l'iris de la pupille. Dirigeant l'instrument en haut sur le sommet de la cataracte, car on voit clairement le fer à travers la diaphanéité de la cornée, nous ferons descendre la cataracte de sa place dans les parties inférieures. Si elle a été immédiatement abaissée, nous restons un instant tranquille ; mais si elle remonte, nous la faisons de nouveau descendre. Après l'abaissement de la cataracte, nous retirons doucement l'instrument par des mouvements de rotation.

Après cela, dissolvant dans de l'eau un peu de sel de Cappadoce, nous en instillerons dans l'œil, puis nous appliquerons un bandage, après avoir placé en dehors de l'œil de la laine imbibée de jaune d'œuf mêlé à de l'eau de rose, en ayant soin de bander en même temps l'œil non malade pour qu'ils ne puissent faire ensemble aucun mouvement. Nous ferons coucher le malade dans une demeure obscure, et nous lui prescrirons de rester dans un repos complet, de prendre peu de nourriture, et nous laisserons le bandage jusqu'au septième jour, à moins que quelque circonstance s'y oppose; après quoi, l'ayant enlevé, nous éprouverons la vue en montrant au malade quelques-uns des objets visibles, ce que nous éviterons de faire pendant l'opération ou immédiatement après, parce que la cataracte revient de nouveau promptement par suite d'une attention forcée. Mais si quelque inflammation survient, nous la combattrons en débandant l'œil même avant le septième jour.

Je crois utile de dire ici qu'il est fait mention de l'opération de la cataracte par succion dans Guy de Chauliac, Trait. 6, doct. 6, ch. 2, ainsi que dans Galeatius de Sancta Sophia, comm. sur le 9e livre de Rhazès. — C'est aussi à cette opération que se rapporte le passage suivant d'Albucasis (édition et traduction Channing) : « Ex Iracensibus quis ad me venit quondam, dixitque quod in Irak conficitur » makdach (c'est une aiguille) perforatum, quo exsugitur aqua. In regione nostra nunquam ejusmodi factum vidi, neque in aliquo antiquorum libro vidi descriptum. Novum fortasse est inventum. » ( Albucasis, t. Ier, liv. II, sect. 23.)

CHAPITRE XXII.

DE L'AEGILOPS.[7]

L'aegilops est une tumeur abcessiforme qui vient entre le grand angle de l'œil et le nez. Cette maladie est difficile à guérir tant à cause de la délicatesse des parties que de la crainte motivée par les rapports qu'elle a avec l'œil. Toutefois si l'abcès s'avance vers la superficie, il faut enlever jusqu'à l'os tout ce qui proémine; et, dans le cas où la fistule descend vers la joue, nous l'ouvrons tout entière et nous ruginons l'os s'il n'est pas encore carié ; mais s'il est carié, nous le brûlons avec des cautères à boutons, en ayant soin de placer sur l'œil une éponge imbibée d'eau froide. Il y en a.qui, après l'excision des chairs, se servent d'un trépan pour diriger l'eau ou le pus dans la narine. Quant à nous, nous nous contentons de la cautérisation, et nous brûlons avec les cautères propres à l'aegilops jusqu'au point de détacher une lamelle. Après la cautérisation, nous faisons usage de miel mélangé avec la farine de lentille ou d'écorce de grenadier, et des autres moyens siccatifs.

Mais si l'aegilops se porte vers l'angle de l'œil et point du tout vers la superficie, alors avec un ptérygotome ou avec un phlébotome nous séparons les parties situées entre l'angle de l'œil et l'abcès ; nous extrayons du fond les chairs, et ensuite nous desséchons convenablement. Or du verre réduit on poussière fine, dont on saupoudre la plaie, dessèche merveilleusement. Il en est de même de l'aloès avec l'encens. Nous avons donné dans le troisième livre le reste du traitement convenable à l'aegilops.

CHAPITRE XXIII.

DU MÉAT AUDITIF IMPERFORÉ.

Cette maladie est congénitale lorsqu'une membrane quelconque obstrue le méat auditif soit à l'entrée, soit profondément. Elle peut survenir aussi après la naissance quand une ulcération envahit le conduit et produit des excroissances de chair qui le bouchent. Si la membrane obstruante est profondément située, l'opération sera difficile. Il faudra toutefois essayer de l'inciser avec quelque instrument délicat. Si elle est à l'entrée, nous l'enlèverons avec un bistouri pointu et en coupant tout autour s'il en est besoin. Lorsqu'il y a une excroissance de chair, nous la disséquons avec un ptérygotome ou avec la spatule à polypes. Ensuite, ayant fait un rouleau de charpie proportionné à la capacité du conduit, nous le trempons dans l'eau, et après l'avoir roulé dans de la poudre de calamine ou dans quelque autre médicament fait de poudre sèche, nous le plaçons dans le conduit, afin que la chair ne repullule pas. S'il survient de l'inflammation, nous enlevons aussitôt le rouleau.[8] Mais si une hémorragie du méat se déclare, nous y plaçons une éponge imbibée d'eau froide et non» usons au surplus des moyens convenables.

CHAPITRE XXIV.

DES CORPS ÉTRANGERS ENTRÉS DANS LE CONDUIT AUDITIF.

Il entre dans l'oreille non seulement de petites pierres, mais aussi des morceaux de verre, des fèves et de petits morceaux de silique. A la vérité, le verre et les pierres conservent dans l'oreille leur volume propre; mais les fèves, les morceaux de silique et les autres choses de ce genre, gonflées par l'humidité naturelle du corps, causent de grandes douleurs. Il faut par conséquent les extraire ou avec une sonde auriculaire, ou avec un petit crochet, ou avec une pince, ou par une violente succussion de la tête, l'oreille étant placée sur un bourrelet. Nous avons aussi extrait souvent ces objets en les aspirant à l'aide d'un chalumeau, de même que l'eau tombée dans le méat auditif, en ayant soin d'enduire de cire le contour du chalumeau à l'endroit où il entre dan» l'oreille, pour qu'il n'y ait d'aucun côté issue à l'air. Nous avons extrait les petites pierres et les corpuscules semblables avec une sonde auriculaire entourée de laine trempée dans de la résine de térébenthine ou dans quelque substance collante, en la faisant entrer doucement dans le conduit auditif. Si le corps étranger ne cède pas, introduisez un errhin dans les narines, et bouchez le nez et la bouche. S'il ne cède à aucun de ces moyens, nous l'extrayons à l'aide d'une opération chirurgicale avant que l'inflammation ou des convulsions ou un danger quelconque soit survenu. Plaçant donc le malade convenablement et renversant son oreille, nous faisons près de sa base, en arrière de ce qu'on appelle le lobe, une petite incision en forme de croissant, et avec la cupule de la sonde auriculaire nous retirons le corps étranger introduit. Après l'extraction, il faut coudre la blessure et employer le traitement usité dans les plaies sanglantes.

Conf. Celse, lib. VI, sectio 7 ad finem. On y trouve quelques détails sur la succussion de la tête.

CHAPITRE XXV.

DES POLYPES.

Le polype est une tumeur anormale survenant dans les narines, et ainsi nommée à cause de sa ressemblance avec le polype de la mer. En effet, outre que leurs chairs sont semblables, cette affection enveloppe les narines des malades avec les bras qui lui sont propres de la même manière que l'animal se défend contre ceux qui l'attaquent. Elle obstrue les fosses nasales et amène la difficulté de respirer et de parler. Si les polypes sont durs, rénitents, livides et de mauvaise nature, comme s'ils se tournaient en cancer, il faut les laisser ; mais s'ils sont friables, mous, torpides et point de mauvaise nature, il faut les enlever par l'opération.

Ayant donc placé le malade assis dans la direction des rayons solaires, nous dilaterons le canal nasal avec la main gauche; puis avec la droite nous détacherons tout le pourtour du polype ou du sarcome à l'aide d'une spathe à polype, pointue, en forme de feuille de myrte, en ayant soin de diriger le tranchant de l'instrument vers la partie par laquelle le polype est implanté dans le nez. Après cela, nous retournons l'instrument en sens inverse et avec sa partie concave nous amenons au dehors le morceau coupé. Si alors nous trouvons le conduit nasal libre et nettoyé, nous procédons au pansement. Si, au contraire, il reste quelque portion du polype, nous prenons un autre instrument propre à ruginer, et à l'aide de son grattoir tranchant nous enlevons les parties qui restent, en appuyant, en tournant et en raclant vigoureusement.

Nous brûlons avec des cautères à boutons ceux qui sont de mauvaise nature; et après la brûlure nous employons les moyens appropriés à la cautérisation. Mais après l'extraction, nous épongeons soigneusement et nous baignons les narines avec de l'oxycrat ou avec du vin; et si par la partie supérieure du palais le liquide injecte va dans le pharynx, les résultats de l'opération sont bons; s'il n'y va pas, il est clair que des portions charnues sont implantées sur l'os ethmoïde ou dans les parties supérieures du nez où les instruments à polype n'ont pu les atteindre. Nous enfilons donc dans le trou de la sonde à deux noyaux un fil de lin convenablement gros et semblable à une petite ficelle, muni de nœuds par intervalles de deux nu trois doigts ; puis nous introduisons dans lu partie supérieure du nez, près des trous ethmoïdaux, l'autre bout de la sonde, et nous le faisons passer par la partie supérieure du palais et par la bouche. Alors, à l'aide des deux mains, nous déchirons les sarcomes en les sciant pour ainsi dire avec les nœuds du fil.

Après l'opération, nous maintenons le conduit dilaté avec de la charpie disposée en mèche. Le troisième jour passé, nous consumons ce qui pourrait rester avec des trochisques de Musa et avec d'autres remèdes semblables ; en même temps on dessèche la partie. Mais ensuite nous employons les trochisques propres à amener la cicatrisation, adaptant au nez, s'il le faut, pendant tout le traitement, des tuyaux de plomb.

CHAPITRE XXVI.[9]

DU COLOBOME.

La mutilation des oreilles et des lèvres se traite ainsi : nous enlevons d'abord la peau a la partie inférieure, puis nous réunissons ensemble les lèvres des plaies, après avoir enlevé les parties indurées ; ensuite nous cousons et nous agglutinons.

CHAPITRE XXVII.

DES ÉPULIES ET DES PARULIES.

L'épulie est une excroissance de chair qui survient aux gencives près d'une dent. La parulie est un petit abcès des gencives. Nous coupons l'épulie après l'avoir saisie avec une pince ou avec un crochet. Quant à la parulie, nous l'incisons tout autour et nous la remplissons de charpie. Je sais aussi que souvent on la guérit en faisant avec le phlébotome une simple piqûre pour évacuer le pus. Après l'opération, nous prescrivons de laver avec du vin, puis le lendemain avec de l'hydromel; et après cela nous appliquons sur la plaie de la poudre d'anthère[10] jusqu'à ce que la cure soit terminée ; mais si l'ulcération survenue aux gencives n'est pas guérie par les remèdes appropriés, nous la cautérisons avec des cautères à boutons.

CHAPITRE XXVIII.

DE L'EXTRACTION DES DENT8.

Nous déchaussons la dent jusqu'à l'alvéole, puis nous l'arrachons en l'ébranlant peu à peu avec le davier. Si elle est cariée, il faut d'abord boucher la carie avec un petit rouleau de charpie, afin qu'elle ne se brise pas sous la pression de l'instrument. Après l'extraction, nous mortifions les lambeaux de chair en les saupoudrant avec du sel très ténu. Ensuite on lave avec du vin ou avec de l'oxycrat jusqu'à guérison. Mais lorsque quelques dents superflues ont poussé près des autres, nous les coupons avec un ciseau si elles adhèrent à l'alvéole ; et nous les enlevons avec le davier si elles n'y adhèrent pas. Lorsqu'une dent a pris trop d'accroissement ou que déjà elle a été cassée, nous limons ce qui est excédant ou inutile, et nous élaguons les écailles (le tartre?) qui s'y forment, comme cela arrive, avec la cupule d'une sonde ou avec une rugine, ou avec une lime.

CHAPITRE XXIX.

DU FILET DE LA LANOUE (ANKYLOGLOSSE).

L'ankyloglosse est une maladie tantôt congénitale, lorsque des membranes denses et écourtées dès le principe retiennent la langue, tantôt acquise, par suite de cicatrice trop épaisse provenant d'une ulcération sous cet organe. On reconnaît ceux qui ont de naissance cette maladie, parce qu'ils commencent tard à parler, et parce qu'il apparaît sous leur langue un filet plus épais que de raison sans qu'un ulcère ait précédé : ceux qui ont acquis la maladie portent une cicatrice clairement visible. On disposera donc le patient assis sur un siège, et, tenant la langue élevée vers le palais, on coupera transversalement ce filet nerveux. Si la bride provient de quelque cicatrice, on la perce avec un crochet et on tire la callosité en haut, puis on affranchit le filet en le coupant transversalement, ayant bien soin d'éviter la section des parties profondes; car cette section a produit souvent des hémorragies difficiles à contenir. Après l'opération on lave avec de l'eau froide ou de l'oxycrat; ensuite on amène la guérison par des moyens relâchants et propres à la réunion des chairs.

CHAPITRE XXX.

DES AMYGDALES.

De même que les glandes indurées ont été appelées strumes, de même aussi on a nommé antiades, à cause de leur position en face l'une de l'autre, les amygdales enflammées, hypertrophiées et comme indurées, amenant la difficulté de la déglutition et de la respiration. Pendant l'inflammation nous nous abstenons de les opérer ; mais lorsque l'inflammation devient modérée, et surtout lorsqu'elles sont blanches, contractées et qu'elles ont une base étroite, nous pratiquons l'opération. En effet, si elles sont gonflées par l'humidité et rouges, et si elles ont une large base, elles sont disposées aux hémorragies.

Ayant donc placé le malade devant les rayons du soleil, et lui ayant ordonné d'ouvrir la bouche, pendant qu'un aide lui contient la tête et qu'un autre avec un glossocatoque lui presse la langue sur la mâchoire inférieure, nous-même saisissons un crochet avec lequel nous traversons l'amygdale et l'attirons autant que nous pouvons sans entraîner en même temps les membranes. Ensuite nous la séparons tout entière de sa base avec l'ankyiotome approprié à notre main ; car il y a deux instruments de cette espèce ayant des courbures à tranchants opposés. Après l'extraction de l'une, nous opérons l'autre de la même manière en sens inverse.

L'opération finie, le malade doit se gargariser avec de l'eau froide ou de l'oxycrat. Mais s'il survenait une hémorragie, qu'on se serve d'une décoction tiède de ronces, de roses et de myrte. S'il sort une grande abondance de sang, nous donnons pour laver la bouche du suc de plantain et de consoude, puis le trochisque de succin et de la terre sigillée de Lemnos délayée dans de l'oxycrat. L'hémorragie étant arrêtée, le jour suivant il faut oindre la partie avec des fleurs de roses, du safran et de l'amidon incorporés dans du lait ou de l'eau, ou du blanc d'œuf, ou de l'eau de roses. Si de l'ichor vient à sortir des plaies, qu'on emploie des lavages et des onctions de miel.

CHAPITRE XXXI.

DE LA LUETTE.

La luette, qui est pour ainsi dire l'archet de la voix, reçoit souvent une fluxion de la tête et s'augmente anormalement. On la nomme cion si elle est oblongue et mince, et staphyle si elle est épaissie et ronde à sa partie inférieure. Chacun de ces noms signale une ressemblance. Or si cette affection ne peut céder aux moyens généraux, je veux dire aux évacuations produites par les saignées et les purgatifs, ni aux topiques soit styptiques, soit répercussifs, soit résolutifs, nous en venons à l'opération de peur que l'irritation continuelle n'amène la toux, l'insomnie et même quelquefois aussi la suffocation. Nous nous abstenons d'opérer les luettes qui sont contractées, arrondies, non allongées, saignantes et noirâtres ; mais il faut opérer celles qui sont minces, allongées, écourtées à la pointe, relâchées, pas trop sanguinolentes mais blanchâtres, car il arrive alors que l'inflammation cesse aussitôt. Il ne faut enlever dans les staphyles que ce qui dépasse la grandeur naturelle ; car si on les coupe entièrement, on lèse considérablement tous les organes thoraciques, et on rend les malades aphones.

Ayant donc disposé le patient sur un siège en face des rayons du soleil, nous lui ordonnons d'ouvrir largement la bouche ; puis, saisissant avec une pince ou une tenette la partie inutile, nous l'attirons par en bas et nous la coupons avec le staphylotome ou avec le bistouri à suture. Après l'opération il faut employer les moyens dont nous avons parlé au chapitre de l'angiotomie. Mais souvent, soit à cause de la pusillanimité du malade, soit par crainte d'hémorragie, soit à cause de la sécheresse du remède, nous nous abstenons du fer et nous préférons consumer la partie malade avec un médicament caustique. Prenant donc le remède caustique mentionné dans la cautérisation des paupières ou tout autre de ce genre, nous en remplissons les cavités de l'instrument à brûler les staphyles; puis, prescrivant au malade d'ouvrir fortement la bouche, tandis qu'un aide refoule la langue avec le glossocatoque, nous saisissons dans l'instrument suffisamment ouvert une portion de luette égale à celle que nous aurions coupée. Au reste, le médicament ne doit avoir une consistance, ni liquide, de peur qu'en coulant il n'atteigne pas la staphyle, mais aille brûler les parties situées au-dessous, ce pourquoi nous ordonnons au malade de ne pas faire un mouvement de déglutition pendant tout le temps de la cautérisation ; ni tout à fait épaisse, afin qu'il adhère facilement à la luette. Si par une seule application la pointe de la luette devient noire, nous cessons ; sinon, nous recommençons.

Pendant tout le temps de l'opération le malade s'inclinera en avant, afin que la salive en se liquéfiant coule en dehors de la bouche, entraînant avec elle les particules du médicament. Or, la mortification a lieu en une heure, et la partie mortifiée tombé le troisième ou le quatrième jour. Après la cautérisation, nous enveloppons le doigt index avec de la laine douce ou de l'étoupe, et nous nettoyons tout ce qui est autour de la luette, ou bien nous prescrivons au malade de se gargariser avec de l'eau. Ensuite nous réchauffons la région du cou avec des embrocations de camomille, aussi bien dans cette opération que dans celle de l'extraction des amygdales, à cause des rapports de sympathie. Nous nous servons aussi de même des gargarismes et des onctions.

CHAPITRE XXXII.

DES ÉPINES ARRÊTÉES DANS LE PHARYNX.

Souvent en mangeant on avale des arêtes de poissons ou autres qui restent dans différentes parties. Lorsqu'on les voit, on les arrache avec l'instrument appelé proprement acanthobole; mais on se sert d'un autre moyen, si elles sont plus bas, dans l'œsophage même. Les uns disent qu'il faut avaler de plus gros morceaux, tels que des trognons de laitue ou des bouchées de pain ; d'autres veulent qu'on avale une éponge propre et molle, d'une grosseur médiocre et attachée par un fil, puis, qu'on la retire à l'aide de ce fil, et qu'on répète cette opération, afin que l’arête s'insère dans l'éponge et qu'on la fasse sortir. Léonidès prescrit d'employer à l'extérieur des cataplasmes suppuratifs, tels que ceux de farine d'orge crue, afin que l'épine en se putréfiant sorte d'elle-même. Mais si nous assistons le patient à l'heure même, ou encore avant que l'estomac ait digéré, l'arête ne nous étant pas visible, nous ferons vomir en enfonçant les doigts ou des plumes dans la gorge ; car quelquefois l'objet qui est fiché se trouve chassé par le vomissement.

CHAPITRE XXXIII.

DE LA TRACHÉOTOMIE.[11]

Les plus grands chirurgiens ont décrit cette opération. Antyllus en parle ainsi : « Nous réprouvons l'opération dans les suffocations, ainsi que nous le dirons au sujet de la diététique ; car l'incision est inutile, lorsque toutes les bronches et le poumon sont malades. Mais dans les inflammations des parties situées au voisinage de la bouche et du menton, ou quand les amygdales bouchent l'ouverture de la bronche, si la trachée-artère n'est pas malade, il est raisonnable de pratiquer la trachéotomie pour éviter le danger de l'asphyxie. Lors donc que nous nous mettrons à l'œuvre, nous inciserons une portion de la trachée-artère vers deux ou trois anneaux plus bas que le commencement de la bronche ; car il serait dangereux de la diviser tout entière. Cet endroit est avantageux, parce qu'il n'y a pas de chair et parce que les vaisseaux sont situés loin du lieu que l'on coupe. Inclinant donc en arrière la tête du patient de manière à rendre la bronche plus apparente, nous faisons une incision transversale en la conduisant entre deux de ses anneaux, afin de ne pas couper les cartilages, mais bien la membrane qui les unit. Si un opérateur n'est pas sûr de lui pour cette opération, qu'il divise la peau en la soulevant avec un crochet ; puis, étant arrivé sur la trachée-artère, qu'il fasse l'incision en rangeant de côté les vaisseaux, s'il s'en présente par hasard. » Voilà ce que dit Antyllus. Il jugeait que la bronche était incisée de ce que le souffle de la respiration sortait par la plaie avec, quelque impétuosité et que la voix était anéantie.

Lorsque le danger de la suffocation est passé, on rafraîchit les lèvres de la plaie et on les réunit par une suture, ayant soin de coudre seulement la peau sans les cartilages; ensuite on emploie les remèdes hémostatiques. Si la conglutination ne se fait pas, nous employons un pansement sarcotique. Nous faisons usage du même traitement, s'il se présente à nous quelqu'un qui, désirant la mort, s'est lui-même coupé la gorge.

CHAPITRE XXXIV.

DE L'ABCÈS.

J'ai suffisamment dit, dans le quatrième livre, que l'abcès est une corruption et un changement de la chair ou des parties charnues, quelles sont les différentes manières dont il prend naissance et combien il y en a de diverses espèces. Il reste seulement à parler maintenant des opérations qui conviennent, lorsqu'il est complètement tourné en pus. Nous connaissons ce changement à ce que les douleurs, la fièvre, si la fièvre a d'abord existé, la rougeur, les pulsations et les autres signes d'inflammation se sont amoindris, à ce que la tumeur prend la forme conique, et que le pus fluctue sous la pression des doigts, surtout si l'abcès est superficiel; c'est alors que le moment est venu de recourir à l'opération. Mais lors même que l'abcès n'est pas senti par le toucher et qu'il ne prend pas la forme conique, parce qu'il est profondément situé, nous opérons néanmoins en nous attachant aux autres signes de ce changement. Il faut savoir aussi qu'on ouvre quelquefois les abcès avant leur entière conversion en pus, lorsqu'ils sont situés près des organes principaux ou près de quelque articulation, de peur que quelque ligament ou organe nécessaire ne soit contaminé par le contact permanent du pus. Hippocrate prescrit d'ouvrir avant complète maturité les abcès situés près de l'anus, dans la crainte d'une perforation.

Nous ne les ouvrons pas tous par des incisions semblables, mais en suivant les lignes naturelles comme au front, et les traces des cheveux, comme à la tête, évitant la difformité autant que possible. Nous faisons des incisions droites sur les membres en suivant la direction des muscles et des tendons, ayant soin d'éviter les nerfs et les artères, ainsi que les organes importants. Il faut agir avec une prévoyante assurance, tantôt coupant en droite ligne, tantôt ouvrant transversalement l'abcès, suivant l'exigence de chaque cas. Dans les petits abcès nous faisons une seule incision ; mais dans les grands, nous en faisons plusieurs selon leur dimension, coupant toujours à l'endroit où la partie est plus mince et mieux disposée pour l'écoulement du pus. Ceux qui sont terminés en pointe, crus, amincis et mortifiés, nous les incisons en forme de triangle ou de feuille de myrte, ou de toute autre figure angulaire, la forme circulaire étant impropre à la cicatrisation. Nous faisons une simple incision à ceux qui ne sont pas élevés en pointe. Lorsque nous trouvons que le foyer est grand, si la peau qui le recouvre est charnue et propre à la conglutination, nous faisons seulement, suivant le lieu, les divisions nécessaires à l'écoulement du pus, mais si elle est mince et très dénuée de chair, nous l'incisons tout entière d'une seule fois dans sa longueur ; et après cette simple division, si les parties situées de chaque côté paraissent très amincies et dénuées de chair, nous les enlevons.

Après l'opération nous épongeons. Si l'abcès est petit et qu'il n'y ait qu'une incision, nous insérons une simple tente dans la plaie : s'il est grand et qu'il y ait plusieurs incisions, nous y mettons une compresse distendue et pliée. Nous remplirons également de charpie ceux dont les bords ont été enlevés. S'il y a une hémorragie, il faut se servir d'eau fraîche et d'oxycrat ; si elle persiste, nous saupoudrons avec des fleurs de calamine ; nous nous en servons aussi quand parfois le pus est aqueux. Si l'on est en hiver et que les parties soient nerveuses, nous pansons avec des compresses imbibées d'huile et de vin ; si l'on est en été et que les parties soient charnues, nous les garnissons de compresses imbibées d'eau et d'huile, ou même de vin et d'huilé froids, et après avoir mis un bandage, le jour suivant nous lotionnons avec les mêmes liqueurs. Le troisième jour, nous débandons et épongeons, puis nous employons la charpie enduite de tétrapharmacum; et s'il n'y a pas d'inflammation, nous pansons avec la même lotion pour maintenir la charpie ; si, au contraire, il y a inflammation, nous mettons un cataplasme maturatif après avoir d'abord lotionné. Lorsque l'inflammation est amortie, nous faisons usage d'un pansement suppuratif et incarnatif. Nous traitons les trajets fistuleux par des remèdes agglutinatifs, comme on l'a dit dans le quatrième livre, chapitre des trajets fistuleux.

CHAPITRE XXXV.

DES STRUMES.

La strume est une glande indurée qui survient principalement au cou, aux aisselles et aux aines. Elle tire son nom ou des rochers à fleur d'eau, ou des porcs, soit parce que c'est une espèce animale très féconde, soit parce que les porcs ont le cou semblable. Elle survient sur la partie antérieure du cou, sur un de ses côtés ou sur l'autre, ou sur tous les deux : il peut y en avoir une ou deux ou plusieurs. Toutes sont renfermées dans des membranes qui leur sont propres, de même que les stéatomes, les athéromes et les mélicéris. Celles qui sont douloureuses et qui empirent par le contact et par l'application des remèdes, sont de mauvaise nature; aussi quelques-uns les disent cancéreuses, et il est évident qu'elles ne guérissent pas par l'opération. Quant à celles qui sont bénignes tant au contact qu'à l'usage opportun des médicaments, il faut les opérer de la manière suivante.

Nous débarrassons des parties surjacentes les strumes qui sont superficielles et qui rampent près du derme, après avoir pratiqué une simple incision ; puis, tirant la peau avec des crochets, nous disséquons les lèvres de l'incision, comme nous avons dit au chapitre de l'angiotomie, et nous enlevons peu à peu les strumes. Celles qui sont plus grosses, nous les traversons avec un crochet, et, les tenant élevées, nous les disséquons de même et les délivrons de toutes parts des parties qui les retiennent, ayant bien soin d'éviter partout les artères carotides et les nerfs récurrents. Si quelque vaisseau venant à être ouvert met obstacle à l'opération, nous le saisissons dans un fil, ou bien nous le coupons entièrement, à moins qu'il ne soit gros ; et lorsqu'il ne restera plus qu'une base étroite à la strume, nous la couperons adroitement ; puis, à l'aide du doigt indicateur, nous rechercherons si par hasard il ne resterait pas d'autres strumes, et nous les enlèverons de la même manière.

Mais si, comme cela arrive souvent, nous soupçonnons qu'il y a un ou plusieurs grands vaisseaux à la racine de la strume, nous ne la couperons pas par sa base, mais nous la saisirons dans un fil, afin qu'elle puisse tomber spontanément peu à peu et sans danger; alors nous mettrons dans la plaie de la charpie enduite de remèdes. Si, au contraire, nous la coupons à l'heure même, nous réunirons les lèvres de la plaie. En tous cas, il faut toujours faire les incisions en ligne droite; et si elles ne présentent aucune portion inutile, nous les cousons aussitôt; mais si par suite de la tuméfaction strumeuse il y a trop de peau, nous coupons le superflu en forme de feuille de myrte et nous la cousons ; puis nous appliquons un remède approprié aux plaies saignantes.

CHAPITRE XXXVI.

DES STÉATOMES, DES ATHÉROMES ET DES MÉLICÉRIS.

Ces maladies, quoique étant de la famille des abcès, en diffèrent en ce que les abcès proprement dits sont des affections inflammatoires, douloureuses, contiennent une humeur âcre et rongeante, et ne sont pas renfermés dans une membrane ou tunique propre. Elles diffèrent les unes des autres en ce que la matière contenue dans le stéatome ressemble à de la graisse, comme son nom l'indique ; celle de l'athérome, à de la bouillie de blé ; et l'humeur du mélicéris, à du miel. On diagnostique ces tumeurs de cette manière : le stéatome est plus épais que les autres, il se déplace sous le toucher et il a une base plus étroite. Le mélicéris cède sous la main qui le palpe comme un corps mou, il s'étend lentement et reprend vite sa forme.

Nous opérons ces tumeurs de la même manière que les strumes pour ce qui regarde l'incision, la dissection et la suture, ainsi que pour le reste de la curation, ayant soin seulement de ne pas entamer leur enveloppe, de peur que l'humeur qui y est contenue n'entrave l'opération en se répandant, et qu'on n'en laisse une portion, ce qui est cause que la tumeur se reproduit souvent au poignet, aux malléoles et aux parties qui font mouvoir les jointures; il en est de même aussi quand on laisse tout ou partie d'une strume. Si donc il en reste quelque portion, il est mieux de ne pas faire de suture, mais il faut consumer ce qui reste par des médicaments suppuratifs.

CHAPITRE XXXVII.

DE L'ANÉVRYSME.

L'anévrysme est une tumeur facile au toucher, cédant aux doigts et formée par du sang et de l'esprit. Galien en parle ainsi : « Quand une artère est élargie, on a la maladie appelée anévrysme. Elle a lieu aussi quand une artère est blessée et que la peau qui la recouvre se cicatrise ; dans ce cas, la blessure de l'artère reste sans se fermer ni se remplir de chair. On reconnaît ces sortes de maladies par la pulsation des artères, de même aussi que parce que toute la tumeur disparaît sous la pression et que la substance qui la forme revient de suite dans les artères. » Ainsi parle Galien. Pour nous, voici comment nous distinguons les anévrysmes les uns des autres : ceux qui proviennent de dilatation des artères paraissent plus allongés et sont situés profondément : sous le choc des doigts on entend un certain bruit, tandis qu'aucun son n'est entendu dans ceux qui viennent de blessure : ces derniers sont plus arrondis et se rencontrent plus superficiellement.

Nous nous abstenons d'opérer les anévrysmes situés aux aisselles, aux aines, au cou et ceux des autres parties qui seraient très volumineux, à cause de la grosseur des vaisseaux. Mais il faut opérer de cette manière ceux qui sont aux extrémités, dans les membres ou à la tête : si la tumeur a lieu par dilatation, nous faisons une incision droite à la peau suivant la longueur de l'anévrysme; puis, tenant ouvertes avec des crochets les lèvres de la plaie, ainsi que nous l'avons dit au chapitre de l'angiotomie, nous disséquons et séparons les parties avec le scalpel de manière à mettre à nu l'artère ; ensuite nous la lions avec deux fils passés au moyen d'une aiguille ; et après avoir d'abord ouvert avec le phlébotome la partie de l'artère située entre les deux fils et avoir vidé tout ce qu'elle contient, nous employons le pansement suppuratif jusqu'à la chute des fils.

Mais si l'anévrysme provient de blessure d'artère, il faut à l'aide des doigts saisir avec la peau tout ce qu'on peut prendre de l'anévrysme; ensuite passer une aiguille munie de deux fils au-dessous de ce qui reste ; puis couper l'anse avec des ciseaux et lier ainsi la tumeur avec les deux fils d'un côté et de l'autre, comme nous l'avons dit au sujet du staphylome. Si l'on craint que les fils ne glissent, il faut passer une autre aiguille munie également de deux fils dans le même endroit que la première ; et après avoir coupé l'anse on lie ainsi la tumeur avec quatre fils; puis, ouvrant cette tumeur par le milieu, on évacue le sang et on coupe la peau superflue, laissant seulement la partie qui est liée. Enfin on applique une compresse imbibée de vin et d'huile, et on emploie le traitement par la charpie enduite de remèdes.

CHAPITRE XXXVIII.

DE LA BRONCHOCÈLE.

C'est une tumeur volumineuse et arrondie qui vient sur le cou et qui reçoit sa dénomination des parties sous-jacentes. Il y a deux espèces de bronchocèles : les unes sont de nature graisseuse et les autres anévrysmatiques. Nous reconnaissons ces dernières aux mêmes signes que les anévrysmes, et nous nous abstenons d'y toucher, de même qu'à tous les anévrysmes dont l'opération est pleine de danger, et par-dessus tout à ceux du cou, à cause du volume des artères. Quant aux bronchocèles graisseuses, il faut les opérer comme les stéatomes en ayant soin de séparer et d'éviter les vaisseaux de la même manière que nous avons dit pour les strumes.

CHAPITRE XXXIX.

DU GANGLION.

Le ganglion est l'enroulement d'un nerf provenant de coup ou de fatigue et situé le plus souvent aux poignets, aux malléoles et aux parties qui meuvent les jointures : il survient cependant aussi à d'autres endroits. Il se présente sous forme de tumeur sans changement de couleur à la peau, élastique et indolente. Si on la presse fortement, elle donne une sensation d'engourdissement. Elle n'est pas située profondément, mais sous la peau même, et se déplace sur les côtés ; mais si on veut la pousser en avant ou en arrière, on ne le peut nullement. Il n'est pas sans péril de la couper sur les jambes, sur les bras et sur les extrémités. Le danger consiste en ce que le membre peut rester estropié. Quant aux ganglions de la tête ou du front, nous les opérons en incisant la peau avec un bistouri; et s'ils sont petits, en les maintenant avec une pince et en les coupant par leur base; s'ils sont plus gros, nous les saisissons avec un crochet et nous les enlevons en les disséquant tout autour; puis, réunissant les bords de la plaie, nous pansons avec des remèdes hémostatiques.

CHAPITRE XL.

DE LA PHLÉBOTOMIE.

La manière de faire la phlébotomie est bien connue de tous. Cependant nous ne devons pas l'omettre, tant afin que la chirurgie soit complète, qu'en raison de ses distinctions techniques. Le principal but de la saignée est l'évacuation du sang surabondant. Or cette surabondance est signalée de deux manières : la première est relative à la force du sang lors même que les veines ne paraissent pas pleines : dans cet état les malades deviennent aussitôt faibles et débiles, leur tempérament ne pouvant supporter ce poids, comme si c'était un fardeau; la seconde est relative aux vaisseaux qui contiennent le sang, celui-ci considéré dans le parenchyme même et quoique les forces le supportent sans peine : dans ce cas les veines sont quelquefois rompues, et il survient des hémoptysies et d'autres hémorragies. La surabondance du sang relative à sa force se reconnaît donc par la pesanteur qui survient au corps ; celle relative aux vaisseaux se reconnaît par leur tension et parce qu'ils paraissent pleins. Ce sont là deux signes qui indiquent l'évacuation. Il faut donc saigner quelquefois dès le premier jour de l'indisposition, si la nécessité l'exige, ayant soin seulement de n'opérer qu'après la digestion des aliments dans l'estomac et leur sanguification complète dans le foie. Mais si pour quelque motif la saignée n'a pas été faite au commencement, il n'est pas inopportun de saigner après le septième jour, si le besoin l'exige et si l'état des forces ne s'y oppose pas.

Celui qui doit saigner devra examiner s'il n'y a pas dans les intestins quelque grande rétention de matière stercorale, et l'évacuera d'abord au moyen d'un lavement émollient, afin que la déplétion n'attire pas des intestins dans les veines quelque parcelle putréfiante des excréments. Nous saignons en n'importe quel temps ceux dont une maladie actuelle exige la soustraction du sang, ayant soin, et seulement dans les pyrexies, d'éviter l'instant d'acuité des paroxysmes partiels. Mais si la fièvre est continue, le moment du matin est en tout cas le plus convenable. Quant à ceux qui n'ont pas actuellement de maladie, mais qui désirent une soustraction de sang comme moyen prophylactique, le printemps est le plus favorable. Toutefois dans la jeunesse jusqu'à quatorze ans, comme aussi après la soixantième année, on doit éviter cette évacuation, à moins que quelque nécessité indispensable ne nous y contraigne ; et en général il faut éviter de saigner ceux dont les forces sont trop débiles. Dans les inflammations commençantes d'un organe, il faut que l'évacuation soit faite sur les parties opposées, et dans les inflammations chroniques sur les parties voisines ; car nous saignons en plusieurs endroits, quoique le plus souvent ce soit en dedans de l'articulation du coude. Mais il faut faire attention à ceci : que l'artère est en général située au-dessous de la veine interne appelée aussi axillaire (basilique), et le nerf (le tendon du biceps) au-dessous de la médiane. La veine d'en haut, appelée épaulière (céphalique), n'offre aucun sujet de crainte. Dans les maladies de la tête, nous ouvrons la veine épaulière (céphalique) ; dans celles qui viennent aux organes situés au-dessous du cou, nous ouvrons l'axillaire (basilique). L'ouverture de la médiane convient dans les unes et les autres.

Or donc il faut avec une bandelette étroite faire une ligature autour des muscles du bras; et après avoir, en faisant frotter les mains l'une contre l'autre, fait gonfler la veine qui convient au cas présent, on doit la diviser transversalement dans toute sa largeur seulement ; car les incisions plus grandes que cela sont difficiles à cicatriser et celles qui sont trop petites sont sujettes à s'enflammer, outre qu'aussi elles empêchent l'écoulement de l'humeur épaisse. Dans les cas où nous nous attendons à tirer encore du sang le second, le troisième et quelquefois le quatrième jour, il faut diviser le vaisseau plus obliquement, afin qu'en pliant le bras la veine restant entr'ouverte ne se cicatrise pas promptement ; c'est du moins ainsi qu'a pensé Antyllus. Quant à la quantité de sang qu'on doit extraire, il faut la mesurer à la vigueur des forces et à la véhémence de la maladie. S'il y a une grande quantité d'humeur et si la matière est effervescente, nous tirons du sang en une seule fois jusqu'à lipothymie, pourvu que les forces du malade soient vigoureuses ; de sorte que la défaillance arrive, non pas parce que l'humeur s'écoule dans l'estomac, ce qui cause chez beaucoup de gens une lipothymie dès le commencement et avant un écoulement de sang suffisant, mais en raison de la soustraction même du sang. S'il est besoin d'une forte évacuation, et que les forces soient languissantes, il faut répartir l'écoulement; et, ayant fait d'abord une soustraction incomplète, la renouveler une seconde fois, et une troisième, si cela est nécessaire.

Au reste, nous pratiquons l'évacuation sanguine non seulement lorsque tout le corps se trouve dans un état de diathèse pléthorique, comme dit aussi Galien, mais encore à cause de la véhémence de la maladie, lors même que tout le corps est équilibré par une bonne répartition des humeurs, comme dans les hémorragies du nez ou de quelque autre partie, quand ce n'est pas la réplétion qui les produit; il faut faire alors une évacuation révulsive sur les parties opposées, mais surtout dans les fortes inflammations, comme dans les coliques et les calculs néphrétiques, dans les ophtalmies et dans les maladies aiguës également pressantes. En effet, la douleur et la chaleur de la partie enflammée sont des causes de fluxion même s'il n'y a aucune humeur superflue dans la totalité du corps. Il faut en conséquence agir alors plus parcimonieusement, pratiquant l’évacuation qui paraît le mieux s’accorder avec l’âge et le tempérament du sujet, ayant soin de considérer le temps, le lieu et les habitudes du malade. Dans le cas où quelque grande inflammation existe dans le voisinage de la veine ouverte, comme chez ceux qui sont affectés de pleurésie ou d'hépatite, il est très bon d’attendre qu'il y ait changement dans la couleur et dans la consistance du sang ; car celui-ci dans l’inflammation est autre que dans l'état naturel ; en effet, pendant qu'il s'échauffe davantage, il devient plus rouge et plus jaune, si auparavant il était plus cru : et lorsque au contraire il n'était pas cru d'abord, la coction le rend noir. Il ne faut pas cependant attendre ce changement en toute occasion; il est quelquefois convenable d'arrêter la saignée avant qu'il se manifeste, et cela pour deux raisons : ou à cause de la débilité des forces, et vous reconnaîtrez qu'elle a lieu par le toucher du pouls; car vous le trouvera irrégulier, quant à sa force et à son développement, et même presque effacé; la vigueur naturelle venant à s'affaisser montre que désormais les forces s'affaiblissent : ou à cause de la malignité de l'inflammation, car quelquefois elle ne s'affaiblit pas, mais se soutient vigoureusement. Si aucune de ces circonstances ne s'y oppose, et si le malade est dans toute la force de l'âge, on doit attendre le changement, surtout si l'air ambiant est tempéré.

Mais lorsque le sang s'arrête avant un écoulement suffisant (et cela a lieu ou pour cause de pusillanimité du sujet et de lipothymie, ou par suite d'un thrombus, ou parce que la bande serre trop fort), nous gouvernons en raison de chacun de ces accidents : contre les lipothymies, en faisant respirer des odeurs ; contre la constriction, en relâchant la bande ; contre le thrombus, en le dissolvant par une lotion d'huile ou par la pression avec les doigts. Le reste de ce qui regarde la saignée est connu de tous. Toutefois cela concerne les saignées du bras.

Mais si l'on pratique la saignée au front comme cela a lieu dans les céphalalgies, après avoir bassiné la partie, nous lierons le cou avec une bandelette, en interposant un doigt devant la trachée-artère pour éviter la suffocation ; et quand la veine du front sera gonflée, nous l'inciserons avec la pointe d'un phlébotome ou d'un bistouri. Nous ouvrirons de la même manière les veines jugulaires superficielles dans l'ophtalmie chronique, procurant l'écoulement du sang avec la cupule d'une sonde. Nous divisons encore transversalement les veines qui sont au-dessous de la langue dans les esquinancies, en omettant la ligature du cou. Quelques-uns incisent de la même manière les veines apparentes aux grands angles des yeux dans les maladies chroniques de la tête et des yeux. Dans ces mêmes cas ils font aussi jaillir le sang des veines intérieures des narines en les froissant avec le bouton d'une sonde, ou en les irritant avec un corps raboteux. Ils ouvrent aussi les vaisseaux situés derrière les oreilles dans les maladies de la tête, et ceux du jarret chez les néphrétiques : comme aussi on saigne les veines des extrémités après avoir lié les parties qui sont au-dessus, pour les faire gonfler par le frottement des mains et par la marche. Dans les maladies de la rate, c'est la main gauche ; dans celles du foie, c'est la droite qu'on saigne à la veine située entre le petit doigt et l'annulaire. En effet, la saignée des extrémités, faite surtout loin du mal, produit une révulsion plus efficace. Dans les affections coxalgiques ou utérines on incise au pied la veine qui se trouve au-dessus de la malléole interne.

CHAPITRE XLI.

DES VENTOUSES.

Nous ne faisons usage des ventouses ni au commencement des maladies, ni quand il y a pléthore, mais seulement lorsque tout le corps a été d'abord évacué, qu'il n'y a plus d'afflux dans la partie, et qu'enfin il est nécessaire d'opérer quelque mouvement, de soulever et d'attirer l'humeur vers le dehors. La ventouse sèche dissout les flatuosités, arrête les rhumes qui tombent sur l'estomac, attire le sang, et d'un autre côté détourne celui qui se porte sur un endroit lorsqu'on la pose sur les parties opposées. Elle fait encore venir à la périphérie le sang des parties profondes, et en général elle produit le déplacement des humeurs et l'évacuation des esprits. La ventouse scarifiée fournit aux principes une perspiration plus efficace, en faisant sortir sensiblement des parties profondes les matières nuisibles. En effet, elle provoque l'évacuation non seulement du sang, mais aussi des autres humeurs, surtout lorsqu'elle est appliquée avec une très grande flamme.

Si nous voulons faire l'évacuation sur des parties charnues, il faut d'abord scarifier et ensuite appliquer la ventouse. Mais si la partie est peu charnue, on doit d'abord poser la ventouse sèche, et quand la partie s'est tuméfiée, nous scarifions, puis nous la replaçons une seconde fois. Si nous voulons provoquer une faible évacuation, nous nous contenions d'une seule incision; si, une forte, nous en faisons plusieurs. De même, si nous voulons retirer le sang le plus subtil, nous scarifions superficiellement; si, le plus épais, profondément, et aussi quand nous voulons évacuer le sang extravasé par suite de coups. La profondeur moyenne des incisions a pour limite l'épaisseur seule de la peau. Or, quelques-uns ont imaginé pour cet usage un instrument composé de trois bistouris égaux joints ensemble de manière à faire d'un seul coup trois incisions; mais nous croyons que cet instrument est incommode, et nous nous servons d'un simple bistouri. D'autres emploient des ventouses de verre, afin qu'on puisse voir au travers la quantité de sang écoulée dans l'opération; mais celles d'airain, supportant une plus grande flamme, tirent davantage que celles de verre, qui d'ailleurs se brisent facilement. Ceux qui avec des cornes attirent en suçant par la bouche, font une moindre évacuation d'une part, et de l'autre ne dessèchent pas là où il le faudrait, comme avec les ventouses enflammées.

Au reste, lorsque nous devons appliquer la ventouse, nous disposons verticalement la partie et nous plaçons l'instrument horizontalement. En effet, si nous le collions verticalement sur le malade couché, la mèche tomberait en même temps que la flamme sur la peau et la brûlerait douloureusement sans nécessité. Il faut que la capacité de la ventouse soit proportionnée à la grandeur de la partie qu'elle doit couvrir ; c'est pourquoi il y a beaucoup de ventouses de diverses dimensions. De même aussi celles qui ont un long cou et une large panse tirent davantage que les autres. En tout cas, il faut se garder d'appliquer les ventouses près des mamelles; car celles-ci venant à tomber dedans, et s'y gonflant considérablement, les ventouses deviennent difficiles à retirer, et alors on doit les envelopper d'épongés imbibées d'eau chaude, car c'est ainsi qu'elles se relâchent. Si de cette manière elles ne se relâchent pas, il faut les perforer.

CHAPITRE XLII.

DE LA CAUTÉRISATION DES AISSELLES.

Lorsqu'il s'est produit une luxation de l'articulation de l'épaule, chez quelques personnes la tête de l'humérus tombe très fréquemment hors de sa cavité, soit à cause d'une humidité surabondante, soit parce qu'un glissement incessant a frayé un chemin dans cet endroit. Alors nous sommes obligés de recourir à la cautérisation. Il faut en conséquence faire coucher le malade sur le dos ou sur le côté sain ; puis, au moyen des doigts de la main gauche ou à l'aide de crochets, tirant la peau de la partie interne de l'aisselle, celle surtout vers laquelle tombe la tête de l'os, nous brûlons avec un cautère incandescent mince et allongé, de telle sorte que le fer, poussé de part en part, fasse deux eschares d'un seul coup; et s'il y a un grand intervalle entre elles, nous faisons passer une sonde à noyau dans le trajet, et nous faisons une autre eschare entre les deux premières, brûlant jusqu'à ce que le cautère rencontre la sonde. Hippocrate conseille de faire encore deux autres eschares de chaque côté de celle du milieu et à égale distance des deux premières, de manière à avoir une figure tétragonale. Nous ne brûlons pas plus profondément que la peau, parce qu'au-dessous se trouvent les nerfs, les glandes et les autres organes qui peuvent produire l'inflammation et la difficulté de fonctionner. On traite par l'application de poireau et de sel écrasé et par les autres moyens convenables aux eschares. Après tout cela, il faudra prescrire au malade d'user prudemment de son bras.

CHAPITRE XLIII.

DES SIX DOIGTS ET DES DOIGTS SURAJOUTÉS.

Il peut naître des doigts anormaux à la main, tantôt près du pouce, tantôt près du petit doigt ; on en voit rarement près des autres. Or de ces surcroissances, les unes sont entièrement charnues et les autres ont des os, quelquefois même des ongles. Parmi ceux qui ont des os, les uns naissent de l'articulation et ont leur jointure commune avec l'autre doigt ; les autres sont greffés sur la phalange, et ces derniers sont toujours privés de mouvement. Les premiers peuvent quelquefois se mouvoir. L'amputation de ceux qui sont charnus est facile; car nous retranchons en totalité ce qui est inutile avec un bistouri. Mais l'enlèvement de ceux qui proviennent de l'articulation est plus difficile. Quant à ceux qui sont greffés sur la phalange, nous en coupons d'abord la chair circulairement jusqu'à l'os, ensuite nous coupons l'os lui-même avec un exciseur, ou nous l'enlevons avec la scie. Dans le reste du traitement nous ruginons et nous faisons cicatriser comme nous le disions pour les blessures des os.

CHAPITRE XLIV.

DE L'OPÉRATION ET DE LA CAUTÉRISATION DE L'EMPYÈME.

On a trouvé que la cautérisation appliquée aux empyïques est un moyen très efficace. Il faut en conséquence imbiber d'huile la racine de grande aristoloche et leur pratiquer des eschares à l'aide de la flamme. On en fait une entre la commissure des clavicules, après avoir tiré en haut la peau ; deux petites près du menton, en s'éloignant des carotides ; deux plus grandes au-dessus des mamelles entre les troisième et quatrième côtes ; deux autres entre les cinquième et sixième côtes, en tournant un peu en arrière ; une autre vers le milieu du sternum ; une autre au-dessus de l'orifice de l'estomac ; trois en arrière, une vers le milieu du dos, deux de chaque côté du rachis pas trop superficielles et dépassant celle du milieu du dos.

D'autres, comme le dit aussi Léonidès, avec un cautère olivaire incandescent, poussent la brûlure jusqu'au foyer purulent, après avoir marque dans l'espace intercostal l'endroit de l'abcès. Quelques-uns même ont osé faire une autre opération : ils divisent un peu obliquement la peau par une incision transversale entre la cinquième et la sixième côte; puis, perçant avec le bistouri pointu la membrane qui tapisse les côtes (la plèvre), ils évacuent le pus. Mais ceux-là, ainsi que ceux qui brûlent avec le fer jusqu'au foyer, ou donnent immédiatement la mort, l'esprit vital s'échappant entièrement avec le pus, ou produisent des fistules incurables.

CHAPITRE XLV.

DU CANCER.[12]

Le cancer est une tumeur inégale, bosselée, hideuse à voir, livide, douloureuse : tantôt sans ulcération, et alors Hippocrate l'appelle latent ; quand on l'opère, il revient pire ; tantôt s'ulcérant, car comme il tire son origine d'une bile noire, il est en général corrosif. Le cancer s'établit dans beaucoup de parties du corps, mais surtout à la matrice et aux mamelles chez les femmes. Il a des veines étendues de tous côtés, de même que le crabe a des pieds ; c'est de là qu'il a pris le nom de cet animal. Nous avons suffisamment exposé au quatrième livre son traitement pharmaceutique, et au troisième livre ce qui concerne le cancer de l'utérus. Il est nécessaire de l'enlever lorsque les parties sont putréfiées ou simplement dénaturées. Quant aux cancers de l'utérus, il n'est ni possible ni utile de les opérer. Mais pour ceux qui sont extérieurs et surtout pour ceux des mamelles, nous exposons leur mode d'ablation.

Quelques-uns consument avec des cautères toute la partie excédante; d'autres cautérisent après avoir enlevé toute la mamelle. Mais Galien n'accepte que l'opération seulement qui se fait par ablation, et la décrit en ces termes : « Si par hasard j'entreprends de guérir le cancer par l'amputation, je commence par faire évacuer les humeurs mélancoliques en purgeant le patient ; ayant donc coupé exactement tout ce qui est malade de manière à ne laisser aucune racine, laissez couler le sang et ne vous hâtez pas de l'arrêter, mais pressez même les veines à l'entour pour en faire sortir le plus épais ; ensuite traitez de la même manière que les autres plaies. » Ainsi parle Galien.[13] On doit opérer de cette manière les autres ulcères malins et putrides, tels que les ulcères phagédéniques et gangreneux, et autres semblables.

CHAPITRE XLVI.

DE L'HYPERTROPHIE DES MAMELLES CHEZ LES HOMMES.

Les mamelles des hommes se gonflent un peu, comme celles des femmes, à l'époque de la puberté. Mais chez la plupart elles s'affaissent ensuite. Chez quelques-uns pourtant la graisse qui survient entretient l'accroissement qu'elles ont d'abord pris. Il est bon d'opérer cette messéante difformité qui donne l'air efféminé. Faisant donc une incision en croissant à la partie inférieure de la mamelle, nous disséquons et nous enlevons la graisse, puis nous réunissons par des points de suture. Mais si par hasard la mamelle tombe, à cause de sa grosseur, sur les parties inférieures, comme chez les femmes, nous faisons à sa partie supérieure deux incisions semi-lunaires se rejoignant par leurs extrémités, de manière que la plus grande embrasse la plus petite; ensuite nous disséquons la peau qui est dans l'intervalle, puis nous enlevons la graisse et nous employons de même les sutures. Si par erreur nous avons coupé moins qu'il ne faut, nous incisons de nouveau et nous enlevons la portion surabondante, puis nous cousons et nous appliquons un remède approprié aux plaies sanglantes.

CHAPITRE XLVII.

DE LA CAUTÉRISATION DU FOIE.

S'il survient une douleur gravative à ceux qui ont un abcès au foie, cela montre que sa partie charnue est malade. Si la douleur est aiguë, c'est que le pus est dans sa tunique, et il faut cautériser ainsi : Ayant fait chauffer soigneusement un mince cautère à bouton, nous l'appliquons un peu au-dessus de l'aine à l'endroit où se termine le foie, et nous faisons une seule eschare. Après avoir brûlé tout le derme et être arrivé jusqu'à la tunique, nous évacuons le pus. Après l'évacuation, nous nous servons des lentilles broyées avec du miel, ainsi que de l'hydromel et des remèdes incarnatifs; puis ensuite des médicaments cicatrisants.

CHAPITRE XLVIII.

DE LA CAUTÉRISATION DE LA RATE.

Après avoir soulevé avec des crochets la peau qui recouvre la rate, nous la brûlons de part en part avec un long cautère incandescent de manière à faire deux eschares d'un seul coup. Nous renouvelons trois fois cette opération, de sorte qu'il y ait en tout six eschares. Marcellus se servait de l'instrument appelé trident ou cautère en forme de trident et faisait d'un seul coup les six eschares.

CHAPITRE XLIX.

DE LA CAUTÉRISATION DE L'ESTOMAC.

Dans les rhumes chroniques de l'estomac, les modernes emploient la cautérisation. Les uns avec des cautères à bouton font trois eschares : une au cartilage xiphoïde, et les deux autres plus bas en forme de triangle ; et quant à la profondeur, ils brûlent tout le demie : les autres en font une seule plus grande sur l'orifice même de l'estomac. Il y en a qui ne brûlent pas avec le fer, mais avec ce qu'on appelle des isques.[14] Or les isques sont des corps spongieux qui viennent dans les chênes et dans les noyers. Ils sont mis en usage principalement chez les Barbares. On laisse les plaies rester longtemps sans se cicatriser; bien plus, on les excite, afin qu'à l'aide de l'évacuation considérable qui se fait par là, l'orifice de l'estomac ne soit plus atteint par les rhumes.

CHAPITRE L.

DE L'HYDROPISIE.[15]

Nous avons dit dans le troisième livre comment se forment les collections hydropiques, combien il y en a de différentes espèces, quelles sont leurs causes, comment on les reconnaît et quel est leur traitement pharmaceutique. Il a été déjà montré dans ce livre que l'ascite seule réclamait l'opération. Nous arrivons maintenant à décrire cette opération.

Nous plaçons le malade debout, et s'il ne le peut pas, nous le faisons asseoir; si cela même lui est impossible, alors nous refusons d'opérer un homme arrivé à ce degré de faiblesse. Le malade donc se tenant droit, nous prescrirons à des aides placés derrière lui de comprimer avec les mains et de repousser l'enflure en bas vers l'hypogastre; puis nous-même saisissant un scolopium[16] ou un phlébotome, si l'hydropisie provient des parties situées autour des intestins, nous inciserons l'abdomen jusqu'au péritoine perpendiculairement au-dessous et à la distance de trois doigts de l'ombilic. Mais si le mal vient primitivement d'une affection du foie, nous inciserons sur la partie gauche de l'ombilic; si c'est au contraire d'une affection de la rate, sur la partie droite ; car il ne faut pas couper du côté sur lequel les malades doivent se coucher. Après avoir divisé la peau surjacente avec la pointe de l'instrument, nous ouvrirons le péritoine un peu au-dessus de cette première incision en poussant jusqu'à ce que l'instrument ne rencontre plus d'obstacle. Après cela nous placerons dans l'incision de la paroi hypogastrique et dans celle du péritoine un tube d'airain taillé de la même manière que les roseaux pour écrire, et par ce canal nous évacuerons l'eau proportionnellement aux forces mesurées par le toucher du pouls. Nous enlèverons ensuite le tube pour arrêter l'écoulement. Il s'arrête en effet aussitôt, attendu que les incisions ont été faites non parallèlement. Pour plus de sûreté, nous placerons de la charpie roulée dans l'ouverture seulement de la paroi abdominale. Puis, ayant couché et réconforté le malade, le lendemain nous évacuerons encore un peu d'eau, suivant les forces, à l'aide du tube, et nous ferons ainsi les jours suivants jusqu'à ce qu'il reste le moins possible d'eau, évitant toujours une évacuation complète. En effet, beaucoup de gens inexpérimentés font sortir l'esprit vital en même temps que l'eau et tuent aussitôt le malade. Mais tous ceux qui s'inquiètent davantage d'agir avec sécurité, n'enlèvent à l'aide de l'opération que ce qu'il faut pour alléger les forces d'un grand poids et consument le reste avec les moyens hydragogues, tels que les bains de sable, l'insolation, la soif et une nourriture desséchante. Ils emploient aussi la cautérisation en faisant cinq eschares : sur l'estomac, sur le foie, sur la rate, sur l'hypogastre et sur l'ombilic. Les uns se servent de cautères de fer minces, les autres de ce qu'on appelle les isques et de quelques autres matières analogues; et beaucoup ont mieux guéri par cette méthode, quelquefois sans avoir été ponctionnés du tout.

CHAPITRE LI.

DE L'EXOMPHALE.

L'exomphale, naît tantôt parce que, le péritoine étant rompu en cet endroit, l'épiploon ou l'intestin tombe en avant, tantôt parce qu'une humeur inutile se glisse sous l'ombilic; d'autres fois parce qu'il s'y engendre de la chair; d'autres fois encore parce qu'il s'y amasse du sang par suite de la rupture d'une veine ou d'une artère, comme dans l'anévrysme ; parfois ce n'est pas du sang, mais de l'esprit seulement. Or si c'est l'épiploon qui est sorti, il apparaît à l'ombilic une tumeur sans changement de couleur, molle au toucher, indolente et inégale ; si c'est l'intestin, outre ce que nous venons de dire, la tumeur est plus inégale et disparaît sous la pression des doigts ; quelquefois aussi elle fait entendre un gargouillement et augmente davantage par les bains et par les efforts ; si c'est de l'humeur, elle est de même molle au toucher, et elle ne cède, ni ne diminue, ni n'augmente par la pression; si c'est du sang, outre les signes déjà énumérés, la tumeur paraît plus livide; si c'est de la chair qui la forme, elle est plus épaisse, plus résistante et conserve sa même étendue; si c'est de l'esprit, elle est molle au toucher, un certain bruit se fait entendre par la percussion et elle disparaît sous la pression.

Nous opérons de la manière suivante : Faisant tenir debout le malade, nous lui ordonnerons de pousser avec effort en retenant son haleine, et avec de l'encre à écrire nous dessinerons tout le contour de la tumeur ombilicale. Nous ferons ensuite coucher le malade sur le dos et avec un scalpel nous circonscrirons la tumeur par une entaille en suivant la ligne tracée ; puis, la soulevant par le milieu avec un crochet, nous placerons une ficelle de lin ou une corde de boyau dans l'entaille, et nous arrêterons cette ligature par une anse nodale ; car, étant ainsi retenue, elle ne pourra s'échapper en glissant. Alors nous ouvrirons par son sommet la tumeur ainsi étranglée, et nous introduirons le doigt index pour rechercher soigneusement si une spirale d'intestin ou une partie d'épiploon n'a pas été en même temps serrée : si l'intestin est pris, nous relâchons l'anse de la corde et nous le repoussons à l'intérieur; si c'est l'épiploon, nous l'attirons et nous en coupons la partie inutile, après avoir lié les vaisseaux qui interviennent, comme cela est naturel. Ensuite, prenant deux aiguilles munies d'un fil simple, nous les poussons en forme de chi (C) par l'entaille circulaire qui a été faite ; et ayant coupé les anses des fils, nous faisons la constriction avec leurs, quatre chefs, comme nous l'avons dit au sujet de l'anévrysme.

Après que les parties liées se sont putréfiées et sont tombées, nous traitons par le pansement de charpie enduite de remèdes, nous efforçant d'obtenir toujours une cicatrice profonde. Voilà ce qu'il faut faire quand la maladie est constituée par l'intestin ou par l'épiploon. Mais si la tumeur est formée par de la chair, de l'eau ou du sang, nous l'ouvrons circulairement par son milieu, puis nous évacuons ce qu'il y a dans l'ombilic en dehors du péritoine, et nous employons le traitement incarnatif. Quand au contraire l'exomphale est formé par dilatation ou par interclusion d'esprit, nous nous abstenons d'opérer, de même que pour les anévrysmes.

CHAPITRE LII.

DES BLESSURES DU PÉRITOINE ET DU PROLAPSUS DES INTESTINS OU DE L'ÉPIPLOON, AINSI QUE DE LA MANIÈRE DE FAIRE LA GASTRORRHAPHIE, D'APRÈS GALIEN.[17]

Il faut examiner maintenant comment on traite le mieux possible les blessures du péritoine. Si la blessure est petite, de sorte que l'intestin sorti soit gonflé et ne puisse plus être replacé, il est nécessaire ou d'évacuer la flatuosité ou d'agrandir la plaie. Le premier moyen vaut mieux à mon sens, s'il est possible de l'employer. Or comment y arriverait-on mieux qu'en supprimant la cause qui fait gonfler l'intestin? Quelle est donc cette cause? C'est le refroidissement de l'air ambiant, de sorte que la guérison consiste dans la chaleur. Il faut en conséquence imbiber une éponge douce d'eau tiède, et, après l'avoir exprimée, en réchauffer l'intestin. Que l'on prépare cependant du vin austère et chaud ; car il échauffe davantage que l'eau et donne de la force à l'intestin.

Si malgré cela l'intestin reste gonflé, on doit inciser du péritoine autant qu'il faut pour faire rentrer la portion intestinale sortie. L'instrument droit qu'on appelle syringotome est propre à cette incision. Dans les blessures de la partie inférieure, la position convenable pour le malade est d'avoir le bassin élevé ; pour les blessures du côté droit, d'être couché sur le côté gauche, et pour les blessures du côté gauche, d'être couché sur le côté droit; et cela est bon pour les grandes comme pour les petites blessures. Mais le replacement des intestins dans leur lieu propre, lorsqu'il doit avoir lieu dans les grandes blessures, exige un aide adroit ; car il doit, après avoir embrassé en dehors la blessure tout entière dans ses mains, repousser en dedans et comprimer les parties en les découvrant peu à peu à celui qui les coud; en outre, il doit encore maintenir doucement ce qui est cousu jusqu'à ce que la suture entière soit exactement achevée. Disons maintenant quelle est la manière convenable de faire dans ces cas ce qu'on appelle la gastrorrhaphie. Puis donc qu'il est nécessaire de faire adhérer l'épigastre au péritoine, on doit commencer par la peau et pousser l'aiguille de dehors en dedans. Dès qu'elle a traversé la peau et tout le muscle droit, laissant de côté le péritoine adjacent, il faut la pousser de dedans en dehors à travers la lèvre opposée du péritoine, et percer de dedans au dehors l'autre partie de l'épigastre. L'aiguille, ayant ainsi traversé complètement, sera de nouveau introduite de dehors en dedans, en perçant cette même lèvre épigastrique ; ensuite, ayant laissé de côté le péritoine adjacent pour aller vers celui qui est placé à l'opposé, il faudra le transpercer de dedans en dehors et en même temps que lui tout l'épigastre qui lui est contigu. On continuera en recommençant ainsi jusqu'à ce que toute la blessure soit cousue de même.

L'intervalle entre les points de suture qui a pour but de tenir serrées les parties internes devra être très petit ; mais celui qui a pour but de maintenir sans rupture la peau entre les points de suture ne doit pas être petit. Évitant donc l'exagération pour l'un comme pour l'autre, on doit prendre pour les deux un terme moyen, comme aussi pour la consistance du fil lui-même ; car trop fort, il brise la peau, tandis que trop mince il peut se rompre lui-même. De même si l'on passe l'aiguille trop près des bords de la plaie, ce qui reste de peau étant insuffisant, est exposé et forcé à se rompre ; si, au contraire, on la passe trop loin, il reste beaucoup de peau non agglutinée. Ces remarques s'appliquent à toutes les solutions de continuité, mais il faut en tenir compte surtout dans les gastrorrhaphies.

Ainsi donc il faut agir comme nous venons de le dire quand on veut réunir le péritoine à l'épigastre, ce qu'on obtient avec peine, parce qu'il est de structure nerveuse ; ou bien, comme quelques-uns font, il faut réunir les unes aux autres les parties qui sont de même nature, savoir : le péritoine au péritoine, et l'épigastre à l'épigastre. Voici comment cela se fait : Nous enfonçons une aiguille dans la partie de l'épigastre la plus proche de nous, de dehors en dedans et seulement dans l'épigastre ; puis, passant par-dessus les deux lèvres du péritoine, nous retournons l'aiguille de nouveau de dehors en dedans, et nous la passons dans les deux lèvres du péritoine ; ensuite nous la retournons derechef et nous traversons de dedans en dehors l'épigastre du côté opposé. Ce procédé diffère du mode vulgaire et facile qui d'un seul coup fait passer l'aiguille par les quatre bords, en ce qu'il cache exactement le péritoine en dedans de l'épigastre.

Les médicaments convenables sont de même substance que ceux reconnus propres aux plaies sanglantes. Afin qu'aucune des parties nobles ne souffre par sympathie, il faut choisir de la laine douce imbibée d'huile modérément chaude et la placer tout autour dans l'intervalle des aines et des aisselles. Il est bon aussi d'introduire un clystère dans les intestins. Si quelque portion des intestins eux-mêmes a été blessée, qu'on injecte du vin austère noir et tiède, et surtout si la paroi tout entière a été lésée. Or les gros intestins se guérissent facilement, mais les intestins grêles difficilement. Le jéjunum est tout à fait incurable, tant à cause du nombre et de la grosseur de ses vaisseaux que parce que sa tunique est mince et nerveuse, comme aussi parce qu'il reçoit toute la bile sans mélange et que de tous il est le plus près du foie. On doit entreprendre de guérir les parties inférieures et charnues de l'estomac ; et l'on peut y réussir non seulement parce qu'elles sont très épaisses, mais aussi parce que le séjour des médicaments curatifs a lieu facilement dans cet endroit, tandis que dans les blessures de l'œsophage et de l'orifice de l'estomac les remèdes ne font qu'effleurer en passant ces parties : et quant aux blessures qui sont dans son orifice, sa trop grande sensibilité s'oppose d'ailleurs à leur guérison. Lorsque dans les ruptures du péritoine il y a chute de l'épiploon et qu'il devient livide et noir, il faut le saisir avec un fil avant qu'il soit devenu noir, a cause du danger de l'hémorragie, et couper ce qui est au-dessus du fil, mettant les chefs du fil pendants dans l'extrémité inférieure de la plaie cousue, afin de pouvoir les enlever facilement lorsqu'ils seront rejetés par suite de la suppuration de la blessure.

CHAPITRE LIII.

DU PRÉPUCE ÉCOURTÉ.

Pour remédier à la difformité de ceux à qui il manque un peu de peau aux parties honteuses, quelques-uns ont imaginé deux genres d'opération. Parfois on coupe circulairement la peau à l'extrémité supérieure des parties, afin qu'après la solution de continuité faite, la peau inférieure soit attirée jusqu'à ce qu'elle recouvre ce qu'on appelle le gland. D'autres fois on dissèque avec un bistouri la partie interne à partir de la racine du gland, puis on tire en bas, et après avoir interposé un morceau de linge dans l'incision faite, afin que le prépuce ne se réunisse pas au gland, on enveloppe le prépuce tout autour avec un linge fin. Antyllus préfère cette manière et l'expose longuement. Quant à nous, nous nous sommes contenté, d'en parler sommairement, parce que cette opération est rarement nécessaire dans l'exercice de l'art chirurgical, puisque la maladie n'apporte aucune difficulté dans les fonctions et que la difformité qui en résulte n'est pas assez grande pour qu'on lui préfère la douleur d'une opération.

CHAPITRE LIV.

DE L'HYPOSPADIAS.[18]

Beaucoup de gens ont le gland imperforé dès leur naissance, mais l'orifice existe sous la partie appelée chien (filet ou frein) vers la terminaison du gland. Par suite de cette disposition, ils ne peuvent ni pisser en avant à moins qu'ils ne replient fortement la partie vers le bas-ventre, ni faire des enfants, puisqu'ils ne peuvent darder en droite ligne leur sperme dans la matrice. En outre, cette maladie produit une difformité qui n'est pas à dédaigner. Or la manière la plus simple et la plus sure de l'opérer est celle qui se fait par incision.

Il faut en conséquence faire coucher le malade sur le dos, puis attirer fortement le gland avec les doigts de la main gauche, et ensuite le couper à l'endroit de la couronne avec la pointe d'un bistouri, en ayant soin de ne pas faire l'incision oblique, mais semblable à une ciselure circulaire, de manière qu'au milieu il y ait une saillie ayant la forme du gland. Souvent il survient une hémorragie: si cela a lieu, nous l'arrêtons à l'aide des moyens hémostatiques; s'ils ne suffisent pas, nous employons la cautérisation avec des cautères minces.

CHAPITRE LV.

DU PHIMOSIS.

Il y a deux causes qui font naître le phimosis : l'une lorsque le prépuce, après avoir couvert le gland, ne peut plus être ramené; l'autre lorsque ayant été ramené en arrière, il ne peut plus recouvrir le gland. Cette dernière espèce a reçu le nom particulier de paraphimosis. La première espèce provient ou d'une cicatrice survenue au prépuce, ou d'une excroissance charnue : la seconde se produit dans les inflammations des parties honteuses, lorsque, la peau étant amenée en arrière, le gland gonflé ne peut plus admettre le prépuce.

Si donc une cause quelconque amène la première espèce de phimosis, nous l'opérons de la manière suivante : Après avoir disposé convenablement le malade, nous tirons le prépuce en avant et nous plaçons dans son bord libre trois ou quatre crochets ; et les donnant à tenir à des aides, nous leur prescrivons de tirer et d'ouvrir le prépuce autant que possible. Ensuite si la contraction externe provient d'une cicatrice, nous divisons avec un phlébotome ou avec un scolopium la partie interne du prépuce en faisant sur cette partie trois ou quatre incisions droites et également distantes l'une de l'autre. Or le prépuce est formé de deux membranes autour du gland. Nous incisons l'une d'elles, c'est-à-dire l'interne ; car ayant ainsi détruit l'obstacle qui vient de la cicatrice, nous ramenons le prépuce.

Mais si c'est une excroissance de chair à l'intérieur du prépuce qui produit le phimosis, nous faisons des scarifications sur toute la chair en tirant le prépuce ; puis nous raclons les saillies charnues entre les incisions. Ensuite nous enfermons le gland tout entier dans un tuyau de plomb, après l'avoir enveloppé de papyrus desséché. Ce tuyau doit avoir partout une dimension égale. En effet, l'interposition de ce tuyau empêchera le prépuce amené de nouveau sur le gland d'y adhérer, maintenu comme il le sera à distance par le tuyau de plomb et par l'enveloppe de papyrus; et celui-ci, en se gonflant par la sérosité, éloignera encore davantage la peau. C'est ainsi que nous agissons pour opérer le phimosis provenant soit de cicatrice, soit d'excroissances charnues.

Quant à l'affection appelée paraphimosis, si elle devient chronique, il y a adhérence et elle est incurable, à moins qu'on ne veuille employer les mêmes moyens que pour le prépuce écourté. S'il arrive au contraire qu'il n'y ait pas adhérence, on l'incise tout autour par trois, quatre ou plus de scarifications en droite ligne, et, en baignant le prépuce avec beaucoup d'huile tiède, on l'attire au dehors.

CHAPITRE LVI.

DU PRÉPUCE ADHÉRENT.

L'adhérence a lieu entre le prépuce et le gland par suite d'une ulcération préexistant sur l'un des deux. Il faut donc disséquer et s'efforcer de détruire autant que possible les adhérences avec la pointe d'un scalpel ou d'une spathe à polype, ayant grand soin surtout de discerner nettement le gland du prépuce adhérent. Si cela présente des difficultés, il vaut mieux prendre quelque chose du gland pour le prépuce que de faire le contraire; car le prépuce étant mince est facile à perforer. Après la destruction de l'adhérence, il faut placer entre le gland et le prépuce un linge fin imbibé d'eau froide, afin que l'adhérence ne puisse plus se former de nouveau; puis nous faisons cicatriser les parties avec du vin astringent.

CHAPITRE LVII.

DE LA CIRCONCISION.

Nous ne parlons pas ici de ceux qui sont circoncis comme étant d'une religion particulière, mais de ceux chez qui le prépuce devient noir par suite de maladie envahissant les parties honteuses. IL faut exciser circulairement chez eux tout ce qui est devenu noir, et après cela se servir d'écaillé d'airain avec du miel ou d'écorce de grenade et d'ers à la manière des remèdes qu'on applique sur de la charpie. Si parfois il y a hémorragie, il faut employer les cautères semi-lunaires dans un double but, je veux dire pour arrêter l'hémorragie et pour borner l'ulcération phagédénique. Lorsque le gland tout entier a été consumé, nous plaçons dans le méat urinaire un petit canal de plomb par lequel nous faisons uriner le malade.

CHAPITRE LVIII.

DES THYMES AUX PARTIES GÉNITALES.

Les thymes sont des excroissances charnues placées tantôt sur le gland, tantôt sur le prépuce. Or, les unes sont de mauvaise nature, les autres non. Il convient de racler ces dernières avec le tranchant d'un bistouri et de saupoudrer avec de la calamine. Quant à celles de mauvaise nature, il faut cautériser après leur excision. S'il y a des thymes placées les unes correspondant aux autres en dedans et en dehors du prépuce, il ne faut pas les opérer toutes à la fois, de peur de perforer par inadvertance le prépuce qui est mince : mais il faut d'abord enlever celles de la partie interne; et après leur cicatrisation, opérer celles de la partie externe. Cependant quelques modernes les guérissent en les coupant avec des ciseaux, ou en les liant avec un crin de cheval ; de même que d'autres les brûlent avec des cautères froids.

CHAPITRE LIX.

DU CATHÉTÉRISME ET DE L'INJECTION DE LA VESSIE.

Si l'urine reste dans la vessie par suite de quelque empêchement, tel que thrombus, pierres, ou par quelque autre cause, nous employons le cathétérisme pour évacuer le trop plein.

Prenant donc un cathéter en rapport avec l'âge et le sexe, nous le dirigeons adroitement. Or voici la manière de le bien diriger: nous attachons le milieu d'un brin de laine avec un fil de lin ; puis, à l'aide d'un jonc pointu, poussant ce fil dans le canal du cathéter, nous adaptons la laine au trou qui se trouve au bout de l'instrument; nous coupons ensuite avec des ciseaux l'excédant de la laine, et nous trempons le cathéter dans l'huile. Nous plaçons le malade sur un siège après l'avoir préalablement baigné, si rien n'en empêche, et prenant le cathéter, nous le portons d'abord en droite ligne jusqu'à la racine de la verge; puis nous replions les parties, de manière à les incliner vers l'ombilic, car à cet endroit de son trajet, le canal de la vessie devient oblique, et nous dirigeons le cathéter dans le sens de cette obliquité. Lorsqu'il arrive le long du périnée, près de l'anus, nous inclinons de nouveau la partie, l'instrument y restant placé, et nous la ramenons à sa situation naturelle. En effet, à partir du périnée, le canal de la vessie se dirige en haut; nous poussons alors le cathéter jusqu'à ce qu'il ait pénétré dans la cavité vésicale. Après cela nous retirons le fil engagé dans l'instrument, afin que l'urine entraînée par la laine sorte au dehors, comme cela a lieu dans les siphons. C'est ainsi que se fait le cathétérisme. Mais comme nous avons souvent besoin de baigner la vessie quand elle est ulcérée, si les seringues auriculaires peuvent transmettre l'injection, nous les employons en les appliquant de la manière décrite : si cela est impossible, nous adaptons au cathéter une peau ou vessie de bœuf, et nous injectons par le conduit du cathéter.

CHAPITRE LX.

DE LA PIERRE OU DE LA LITHOTOMIE.[19]

Comme nous avons exposé ailleurs les causes qui engendrent les pierres, et que ces pierres viennent dans la vessie principalement chez les enfants, et dans les reins chez ceux qui sont avancés en âge, nous arrivons à la manière de les extraire par l'opération. Et d'abord nous exposerons les signes de la présence des pierres dans la vessie.

L'urine des calculeux est aqueuse, mais elle a un sédiment sablonneux; la verge est sujette à un prurit continuel; elle se relâche et revient en érection sans motif, parce que les malades irrités, et surtout les enfants, y portent très souvent les mains. Quand une pierre tombe sur le col de la vessie, l'ischurie survient subitement. Or, parmi ceux que l'on taille, les enfants, jusqu'à l'âge de quatorze ans, sont ceux qui guérissent le mieux, à cause de la mollesse de leur corps. Les vieillards guérissent difficilement, parce que leur corps est rebelle à la cicatrisation des plaies. Les personnes d'âge moyen tiennent le milieu entre les autres, conformément à cette raison. A leur tour, ceux qui ont de grosses pierres guérissent bien, parce qu'ils sont habitués aux inflammations ; ceux qui en ont de petites guérissent difficilement par la raison contraire.

Les choses étant ainsi, et l'opération résolue, nous employons d'abord la succussion, soit qu'elle se fasse par des aides, soit que le malade saute lui-même d'un lieu élevé, afin que la pierre vienne descendre sur le col de la vessie. Ensuite nous plaçons le patient assis presque droit, en lui mettant ses mains sous ses cuisses, pour que la vessie se trouve resserrée en un petit espace. Si, en palpant en dehors, il nous paraît que la pierre, ébranlée par la secousse, est descendue vers le périnée, nous procédons immédiatement à l'opération ; mais si elle n'est pas descendue, nous introduirons dans l'anus, après l'avoir oint d'huile, le doigt indicateur de la main gauche si le malade est un enfant, et aussi celui du milieu si c'est un homme plus âgé, et ces doigts étant renversés, nous fouillerons et amènerons la pierre en la faisant descendre peu à peu sur le col de la vessie, où nous la fixerons. Puis, avec un ou plusieurs doigts, nous la pousserons ainsi fixée vers le dehors, et, prescrivant à un aide de comprimer la vessie avec les mains, nous ordonnerons à un autre de relever en haut les testicules avec la main droite et de tendre avec la gauche le périnée des deux côtés, là où l'incision doit être faite.

Nous-même alors, saisissant l'instrument appelé lithotome, nous ferons une incision oblique entre l'anus et les testicules, non pas sur le milieu du périnée, mais sur le côté, près de la fesse gauche, en nous servant de la pierre comme point d'appui et de telle sorte que l'incision ait en dehors une ouverture spacieuse, mais qu'en dedans elle ne soit pas plus grande qu'il ne faut pour que la pierre puisse y passer. En effet, quelquefois en pressant avec un ou plusieurs doigts sur l'anus, la pierre s'élance gracieusement et sans plus de retard au dehors, en même temps qu'on achève l'incision. Quand elle ne sort pas ainsi, nous l'extrayons au moyen du tirepierre.

Après la sortie du calcul, nous arrêtons l'hémorragie à l'aide des hémostatiques secs, comme la poudre de manne, d'encens, d'aloès, de consoude, de misys ou autres semblables; puis nous appliquons de la laine ou des compresses imbibées de vin et d'huile, et nous employons le bandage lithique, c'est-à-dire à six chefs. Si l'on craint encore l'hémorragie, il faut placer des compresses d'oxycrat et d'eau de roses, et, faisant recoucher le malade, nous le lotionnons fréquemment.

Vers le troisième jour, on lève l'appareil et on arrose abondamment avec de l'eau et de l'huile; ensuite on emploie la charpie enduite des quatre remèdes, en ayant soin de la lever et de la changer très souvent, à cause de l'âcreté de l'urine. S'il survient quelque inflammation, nous la combattons par les cataplasmes et les lotions appropriés, et nous injectons dans la vessie de l'eau de rose, de camomille ou de butyre, à moins que quelque inflammation ne nous en empêche. De même, si la plaie devient rongeante ou de quelque autre manière maligne, nous adaptons à chacun de ces cas les moyens convenables. Mais si elle ne s'enflamme pas, nous baignons le malade et nous appliquons un emplâtre de diachylon sur les reins et sur l'hypogastre. Toutefois, pendant tout le temps de la cure, il faut attacher les cuisses ensemble, afin que les appareils ne soient pas dérangés.

Si une petite pierre vient à tomber dans la verge et ne peut s'en aller avec l'urine, nous tirerons fortement le prépuce en avant, et nous le lierons sur le sommet du gland. Nous lierons aussi en arrière le canal de la verge, en opérant la constriction vers l'extrémité près de la vessie, et ensuite nous ouvrirons à sa portion inférieure la partie qui contient la pierre, en nous servant de cette dernière comme point d'appui; puis, en courbant la verge, nous expulserons le calcul. Nous enlèverons alors les ligatures et nous ferons agglutiner la plaie. Or, on place une ligature en arrière, afin que le calcul ne retourne pas sur ses pas, et l'on en place une en avant pour qu'après la sortie de la pierre, la peau du prépuce déliée revienne sur elle-même et couvre l'incision.

CHAPITRE LXI.

DES PARTIES QUI ENVELOPPENT LES TESTICULES.

Nous donnons d'abord la description des parties qui enveloppent les testicules, pour l'instruction de ceux qui sont appelés à en enlever les tumeurs. Or, le testicule lui-même est une substance glanduleuse et friable, ayant pour fonction d'élaborer le sperme et de le rendre prolifique.

Les organes appelés parastates et crémasters sont des prolongements des méninges de la moelle épinière qui arrivent aux testicules avec les veines artérielles, parle moyen desquelles le sperme jaillit dans la verge.

Les vaisseaux spermatiques sont des veines qui se portent sinueusement de la veine cave aux testicules, et par lesquelles ceux-ci se nourrissent.

L'élytroïde est une tunique de nature nerveuse, libre par sa portion convexe et en avant du testicule, mais adhérant à celui-ci par sa partie concave et en arrière : elle tire son origine de la membrane péritonéale.

On a nommé adhérence postérieure cette partie par où elle adhère au testicule.

Les dartos sont les membranes qui réunissent la peau extérieure à la tunique élytroïde en s'y collant elles-mêmes à l'endroit où cette tunique est adhérente à la partie postérieure du testicule.

A son tour, cette peau extérieure rugueuse qui enveloppe les testicules a été nommée oschéon (scrotum).

CHAPITRE LXII.

DE L'HYDROCÈLE.

On a donné ce nom à une collection d'humeurs inutiles dans une des parties qui forment le tissu des bourses, collection qui produit une tuméfaction sensible. Cette humeur se tient le plus souvent dans l'élytroïde, autour du testicule et à la partie antérieure, là principalement où l'elytroïde est séparée du testicule. Rarement la maladie a lieu en dehors de la membrane élytroïde, mais souvent l'humeur se rassemble dans une tunique propre, et les chirurgiens appellent cette maladie en épigénète. Lorsque la maladie survient par suite d'une cause préexistante, telle qu'une asthénie des parties, le sang, apporté pour nourrir les organes, se transforme en une substance aqueuse ou séreuse inutile; lorsque c'est par suite d'un coup, l'humeur est sanguinolente et comme bourbeuse.

Toutefois il y a un signe commun : c'est une tumeur indolente, immobile dans le scrotum, ne disparaissant pas dans quelque circonstance que ce soit, mais cédant à la pression quand il y a une petite quantité d'eau, et ne cédant pas quand il y en a beaucoup. Dans les cas où l'humeur se tient dans l'elytroïde, la tumeur est arrondie, un peu oblongue comme un œuf, et alors le testicule est caché comme s'il était noyé de toutes paris. Mais quand l'humeur est en dehors de l'elytroïde, sous les dartos, on la sent à travers un petit nombre de parties interposées. Si l'eau est colligée dans une membrane propre, la tumeur prend l'aspect d'un autre testicule, à cause de sa sphéricité et de son isolement. Si l'humeur est aqueuse, la tumeur sera transparente, sans changement de couleur ; si elle est bourbeuse ou sanguinolente, la tumeur paraîtra livide ou rougeâtre. Lorsque ces signes apparaîtront dans les deux parties du scrotum, on saura qu'il y a deux hydrocèles.

Nous faisons l'opération de la manière suivante : après avoir rasé le pubis et le scrotum du patient, s'il n'est pas un enfant, nous le couchons à la renverse sur un banc, et nous mettons sous ses fesses beaucoup de vieux linge, et sous son scrotum une grosse éponge ; puis, nous tenant à sa gauche, nous ordonnons à un aide, placé à sa droite, de tirer d'un côté la verge et de tendre vers le ventre la peau du scrotum. Alors, saisissant un bistouri, nous divisons le scrotum dans le sens de sa longueur, depuis son milieu jusqu'auprès du pubis, en faisant une incision droite, parallèle à la ligne qui divise en deux parties le scrotum, et nous coupons jusqu'à l'elytroïde. Si l'humeur est dans une membrane propre, nous ferons l'incision là où se montre le sommet de la tunique congénère. Séparant alors les lèvres de la plaie avec un crochet, nous disséquerons les dartos avec le couteau à hydrocèle et avec le bistouri ; et, après avoir dénudé l'elytroïde, nous l'ouvrirons avec un phlébotome vers son milieu, à cet endroit principalement où elle s'éloigne du testicule ; ensuite ayant évacué dans un vase la totalité ou la plus grande partie de l'humeur, nous enlèverons avec des érignes l'elytroïde et surtout toute sa partie la plus mince.

Pour ce qui suit, Antyllus emploie la suture et les moyens appropriés aux plaies sanglantes; mais les modernes se servent du pansement appelé incarnatif. Si l'on trouve que le testicule est atteint de putridité ou de quelque autre altération maligne, nous saisissons, au moyen d'un fil, les vaisseaux qui sont avec le crémaster, el nous enlevons le testicule en coupant le crémaster lui-même. Nous agissons deux fois de la même manière quand il y a deux tumeurs, et nous faisons de chaque côté les incisions à la partie du scrotum qui se trouve près des aines. Après cela, dirigeant le bouton d'une sonde dans l'incision vers l'extrémité inférieure du scrotum, et recourbant le scrotum avec cet instrument, nous faisons, avec la pointe d'un bistouri, une ouverture pour l'écoulement des caillots sanguins et du pus.

A l'aide du même bouton de sonde, nous insérons une lente dans l'incision supérieure, et, après avoir épongé les plaies, nous mettons de la laine imbibée d'huile dans l'incision inférieure près du testicule : extérieurement nous mettons encore d'autre laine imbibée d'huile et de vin sur le scrotum, sur l'hypogastre, sur les aines, sur le périnée et sur les lombes. Puis, ayant appliqué sur le tout un triple linge, nous lions avec le bandage à six chefs et avec des bandes bien ajustées. Nous couchons le malade après lui avoir mis de la laine sous le scrotum pour que cet organe repose mollement, et nous étendons sous lui une peau douce pour recevoir les ablutions. Nous lotionnons avec de l'huile tiède jusqu'au troisième jour, après lequel, l'appareil étant levé, il faut changer la tente au moyen de la fleur de farine, et mettre dans la plaie de la charpie enduite des quatre remèdes.

On doit, continuer les ablutions extérieures jusqu'au septième jour, à cause de l'inflammation ; après quoi nous nous servons de l'onguent conservateur des bandages. Après l'expurgation de la plaie, lorsqu'il y a désormais une carnification modérée, et que l'on a fait baigner les malades, il faut enlever la tente et employer pour la suite du traitement ce que nous avons dit précédemment. Si, dans l'intervalle, il survenait de l'inflammation, ou une hémorragie, ou quelque chose de semblable, il faudrait obvier à chacun de ces accidents par les moyens convenables, pour ne pas répéter ce qui a été dit.

Si l'on préfère employer la cautérisation pour les hydrocèles, comme cela paraît bon aux modernes, on agit comme il vient d'être dit pour toutes choses avant, après et dans l'opération elle-même, à l'exception seulement de l'ouverture par l'instrument tranchant et de l'incision évacuatrice. Faisant donc rougir dix à douze cautères ayant la forme du gamma (G), et deux cultellaires, nous brûlons d'abord le scrotum par son milieu avec les cautères gammoïdes, puis, ayant séparé les membranes avec un bistouri ou avec un crochet mousse, nous les brûlons comme en coupant avec le cautère cultellaire. L'élytroïde étant dénudée, et on la reconnaîtra facilement parce qu'elle est blanche et sans ouverture, nous la brûlons avec le bout d'un cautère gammoïde, et nous évacuons l'humeur. Après cela, nous tirons avec des crochets toute sa partie dénudée, et nous l'enlevons avec le cautère cultellaire.

CHAPITRE LXIII.

DU SARCOCÈLE ET DU POROCÈLE.

La maladie du sarcocèle est constituée par de la chair qui survient dans quelqu'une des parties composant les bourses. Cette affection provient d'une cause latente qui fluxionne et indure le testicule, ou de suites de coups, ou d'un traitement malhabile après l'opération de la hernie. Dans ces derniers cas, il s'ensuit une induration sans changement de couleur à la peau. Si donc la tumeur devient squirrheuse, elle perd sa couleur et sa sensibilité ; mais quand elle est de mauvaise nature, il y a des douleurs lancinantes.

Pour opérer, nous disposons le malade comme précédemment, et nous incisons de la même manière. Si la maladie vient de la camitication d'un testicule, nous divisons également le dartos et la tunique ; ensuite, tirant le testicule et le faisant sortir hors de la tunique, nous séparons le crémaster des vaisseaux, nous lions ceux-ci et nous coupons le crémaster, puis nous enlevons le testicule carnifié comme un corps étranger. Mais si la concrétion charnue se trouve sur l'une des tuniques ou sur l'un des vaisseaux, après avoir incisé le scrotum et les membranes sous-jacentes, nous enlevons tout ce qui est carnifié. Si c'est l'adhérence postérieure qui est indurée, nous enlevons toutes les parties environnantes et même le testicule, car il est impossible que cet organe reste sans elle.

Quant aux callosités, on les trouve au testicule et à l'élytroïde, et on les distingue du sarcocèle et de l'hydrocèle par leur grande rénitence, par leur dureté et par leur inégalité. On doit les opérer comme le sarcocèle.

CHAPITRE LXIV.

DU CIRSOCÈLE ET DU PNEUMATOCÈLE.

On appelle simplement varices les vaisseaux du scrotum et des dartos dilatés. Mais si les autres vaisseaux qui nourrissent le testicule se dilatent, on nomme celle affection cirsocèle. Les signes en sont manifestes. En effet, on remarque tout d'abord une sorte de gonflement quelque peu sinueux, ayant l'apparence d'une grappe, et un relâchement du testicule. Elle occasionne quelques autres inconvénients, surtout pour la course, pour la gymnastique et pour le voyage.

Voici comment nous l'opérons : après avoir placé convenablement le malade, nous palpons le scrotum et nous repoussons le crémaster à la partie inférieure. On le reconnaît facilement parce qu'il est plus mince que les vaisseaux, plus ferme et résistant, comme quelque chose de fort et de solide; en outre, parce que sa compression fait souffrir le malade et qu'il est situé près de la verge. Puis, saisissant dans le scrotum les vaisseaux avec nos doigts et avec ceux d'un aide, et les tirant fortement, nous dirigeons obliquement le tranchant d'un bistouri sur ces vaisseaux servant d'appui à l'instrument. Ensuite, à l'aide de crochets que nous fixons, disséquant les parties situées sous la peau et mettant à nu les vaisseaux, comme nous l'avons dit dans les chapitres de l'angiotomie et des anévrysmes, nous faisons passer dessous une aiguille munie d'un fil double, et après avoir coupé l'anse du fil, nous lions les vaisseaux aux endroits où commence et où finit leur dilatation; alors nous faisons dans le milieu une incision droite, et, après avoir évacué le sang coagulé, nous appliquons le pansement suppuratif, afin que les fils tombent d'eux-mêmes avec les vaisseaux.

Toutefois, Leonidès dit qu'il faut agir ainsi, lorsque quelques-uns seulement des vaisseaux qui nourrissent le testicule sont dilatés j mais que si tous le sont, on doit emporter avec eux le testicule, de peur qu'étant dépouillé de ses vaisseaux nutritifs, il ne tombe en consomption.

Quant au pneumatocèle, qui est de la famille des anévrysmes, Leonidès défend absolument de l'opérer, à cause du danger imminent d'une hémorragie qu'on ne pourrait arrêter. Mais comme il peut venir de deux manières, savoir : ou des quatre vaisseaux qui alimentent le testicule, ou des artères qui sont dans les dartos et dans le scrotum, les modernes, tout en désespérant de celui-ci, opèrent le premier. Or nous les distinguons ainsi : celui qui vient des artères, en ce qu'il disparaît facilement sous la pression des doigts ; celui qui vient des veines nourricières du testicule, en ce qu'il ne disparaît point du tout, ou avec beaucoup de peine.

Au reste, nous opérons comme il a été dit au sujet du cirsocèle, en retirant et en liant chaque veine.[20]

CHAPITRE LXV.

DE L’ENTÉROCÈLE.

L'entérocèle est le glissement de l'intestin dans le scrotum. Il survient ou par la rupture du péritoine, qui se brise dans la cavité abdominale, ou par la distension de ce même péritoine. Or ces deux accidents, je veux dire la rupture et la distension, proviennent de quelque violence précédente, telle que coups, saut ou cri. Mais l'entérocèle par distension a lieu proprement à cause d'un relâchement ou d'une autre asthénie de cette partie.

Les symptômes communs à tous les deux sont : tumeur manifeste dans le scrotum, laquelle devient plus grosse qu'auparavant, par suite d'exercice, par les chaleurs, par rétention de la respiration et par d'autres circonstances. Si on la comprime, elle se retire lentement pour revenir de nouveau très vite. L'intestin reste en place en haut quand les malades sont couchés sur le dos, jusqu'à ce qu'ils se remettent debout. Le séjour des matières stercorales dans le scrotum amène souvent du danger; aussi la compression de la tumeur est douloureuse et fait parfois entendre un gargouillement.

Les signes particuliers pour l'entérocèle par distension sont: que la chute n'a pas lieu en masse, mais par parties, avec le temps, et quelquefois par des causes fortuites ; que la tumeur parait égale et profonde, l'intestin hernie étant serré de toutes parts par le péritoine. Dans l'entérocèle par rupture, au contraire, la chute a lieu entièrement dès le principe et seulement par des causes déterminées; la tumeur considérable, inégale et superficielle, apparaît immédiatement sous la peau, parce que les intestins sont tombés hors du péritoine. Si l'épiploon tombe seul dans les bourses, par suite de la rupture du péritoine, on appelle cette affection epiplocèle ; si l'intestin tombe aussi, on l'appelle épiplo-entérocèle ; si, en outre, il paraît de l'eau dans l'élytroide, l'appellation est composée de ces trois éléments. Au reste, nous ne soumettons à l'opération ni ces affections, ni l'entérocèle par rupture. Nous opérons seulement l'entérocèle par distension, et de la manière suivante.

Le malade étant couché sur le dos, et la peau soulevée par un aide près de l'aine, nous la divisons en travers, et nous la coupons entièrement comme dans l'angiotomie. Quelques-uns ne font pas l'incision en travers, mais droite. Avec des crochets, nous déployons l'incision, qui doit avoir une dimension égale à celle du testicule à enlever. Ensuite, plaçant de nouveau des érignes dans la peau, autant qu'en exige la grandeur de la plaie, nous séparons avec un crochet mousse ou avec un scalpel les membranes et la graisse, et nous les coupons avec un bistouri. Ayant ainsi mis à nu le péritoine de tous côtés, nous poussons le doigt indicateur vers les parties postérieures du scrotum, entre le péritoine et les dartos, pour détruire l'adhérence postérieure ; puis, avec la main droite, nous replions en dedans l'extrémité du scrotum en même temps qu'avec la main gauche nous tirons en haut le péritoine, et que nous élevons vers l'incision le testicule avec Sa tunique. Alors nous prescrivons à notre aide de tirer le testicule, et nous-même, après avoir détruit complètement l'adhérence postérieure, nous examinerons avec les doigts si quelque spirale d'intestin n'est pas restée dans l'élytroïde, et nous la pousserons dans le bas-ventre.

Ensuite, prenant une grande aiguille munie d'un fil double tressé à dix brins, nous la passerons par le milieu de l'extrémité du péritoine qui se trouve près de l'incision ; puis, ayant coupé l'anse, nous ferons quatre chefs que nous enlacerons de chaque côté en forme de X (chi), en serrant fortement le péritoine; et entortillant de nouveau les bouts de fil, nous serrerons vigoureusement, de manière qu'aucun des vaisseaux nutritifs ne puisse désormais fournir des aliments. Et pour qu'ensuite il ne survienne pas d'inflammation, nous placerons une deuxième ligature plus en dehors, à moins de deux doigts de distance de la première. Ces ligatures étant faites, nous laissons une portion du péritoine delà grandeur d'un doigt, et nous le coupons lui-même entièrement tout autour, en enlevant en même temps aussi le testicule. Après avoir fait encore une incision au scrotum pour servir de voie à l'écoulement, nous y insérons une tente, et nous arrosons d'huile les bandages, comme dans l'opération de l'hydrocèle, agissant pour le reste comme il a été dit à ce sujet.

J'ai connu quelques chirurgiens fort capables, qui, après l'excision de l'élytroïde, brûlaient l'extrémité de la plaie avec des cautères incandescents, sans doute par crainte d'hémorragie. Ces mêmes chirurgiens, après l'opération, baignaient aussitôt les malades dans un grand bassin de bois contenant de l'eau chaude : jusqu'au septième jour, ils renouvelaient ce bain jusqu'à cinq fois en vingt-quatre heures, surtout chez les enfants; et cela réussissait à merveille, car les malades restaient sans inflammation, et les fils tombaient promptement avec les autres parties. Dans l'intervalle des bains, on leur faisait les lotions déjà mentionnées. Un autre, outre les moyens déjà décrits, leur frictionnait le rachis pendant ce même temps avec du poivre pilé dans de l'huile.

CHAPITRE LXVI.

DU BUBONOCÈLE.

La maladie appelée bubonocèle précède l'entérocèle par distension. En effet, quand d'abord le péritoine se distend, l'intestin se glisse et s'arrête quelque temps dans l'aine pour y former le bubonocèle, que les anciens opèrent de cette manière.

Après avoir fait l'incision transversale longue de trois doigts sur l'aine tuméfiée, et avoir retiré les membranes et la graisse, sur le milieu du péritoine mis à nu et à l'endroit où il proémine, on applique le noyau d'une sonde avec lequel on repousse les intestins dans le fond du ventre ; puis on joint l'une à l'autre par des sutures les deux portions saillantes du péritoine qui se trouvent de chaque côté du noyau de la sonde ; ensuite on retire la sonde. Il ne faut ni couper le péritoine, ni enlever le testicule ou autre chose, mais appliquer le pansement approprié aux plaies sanglantes. Toutefois, comme les modernes ont jugé la cautérisation préférable dans le bubonocèle, nous devons naturellement la décrire.

Après s'être donné un mouvement modéré, le malade, se tenant debout, sera invité à tousser et à retenir avec effort sa respiration ; et quand la tumeur de l'aine se sera montrée, on fera avec de l'encre ou avec un collyre une figure triangulaire sur la place qui doit être brûlée, en traçant une ligne oblique en haut, suivant la direction de l'aine. Nous marquons aussi d'un signe le milieu du triangle; ensuite, ayant fait coucher le malade et rougir des cautères, nous portons d'abord un de ceux en forme de clou sur le signe du milieu, puis ceux en forme de gamma (G) sur les côtés du triangle; enfin, avec un troisième en forme de carré long ou avec le lenticulaire, nous achevons le triangle. Un aide doit essuyer pendant toute la cautérisation la sanie avec un chiffon. Nous brûlons en profondeur jusqu'à ce que nous atteignions la graisse chez les malades qui ont une constitution moyenne ; mais il ne faut pas s'attacher à ce signe chez ceux qui sont sans graisse, à cause de leur maigreur, de crainte que par erreur nous ne brûlions le péritoine, ni non plus chez ceux qui sont trop replets et trop gras, car chez eux la graisse apparaît avant que la brûlure soit suffisante. Nous comprendrons mieux le point qu'il faut atteindre par l'habitude de la pratique.

Après la cautérisation, nous broyons du sel avec du poireau et nous le plaçons sur l'eschare, puis nous appliquons le bandage en forme de chi (C), adapté à l'aine. Les jours suivants nous pansons avec les remèdes propres à faire tomber l'eschare, tels que la farine de lentille avec du miel, et autres semblables

CHAPITRE LXVII.

DU RHACOSIS.

Le relâchement de la peau du scrotum, sans que les parties qu'il renferme y participent, donne lieu au rhacosis, maladie fort disgracieuse. Leonidès, après avoir fait coucher le malade sur le dos, coupait ce qui était superflu, en s'appuyant sur une petite planche ou sur un cuir épais, et réunissait les bords par des sutures. Mais Antyllus maintenait d'abord la peau inutile par trois ou quatre points de suture, puis la coupait, en dehors des points de suture, avec des ciseaux tranchants ou avec un bistouri, et, après l'avoir fortifiée par des sutures, la traitait à la manière des plaies sanglantes.

CHAPITRE LXVIII.

DE L'EUNUCHISME.

Notre art ayant pour but de ramener à leur état naturel les parties qui en sont écartées, l'eunuchisme se trouve dans un ordre contraire. Mais puisque, malgré nous, quelques hommes puissants nous obligent souvent à faire des eunuques, je dois dire en abrégé le moyen de pratiquer cette opération. Il y a deux manières, l'une par écrasement, l'autre par excision.

La première se fait ainsi : les enfants, encore en bas âge, sont placés dans un bassin d'eau chaude; ensuite, quand les parties sont relâchées, dans ce même bain, on presse sous les doigts les testicules jusqu'à ce qu'ils soient anéantis et, qu'étant dissous, on ne les sente plus sous le toucher.

Quant à l'excision, elle se fait ainsi : Celui qu'on doit faire eunuque sera placé sur un banc, et avec les doigts de la main gauche on tendra le scrotum avec les testicules; puis, après les avoir distendus, on fera deux incisions droites avec un bistouri, une pour chaque testicule. Dès que ces glandes saillissent, on les dissèque et on les extirpe en laissant seulement une très petite portion de l'adhérence postérieure en continuité avec les vaisseaux. Cette méthode est préférable à celle par écrasement; car, ceux qui ont eu les testicules écrasés recherchent quelquefois le coït, parce qu'apparemment quelque partie de ces organes a échappé à l'écrasement.

CHAPITRE LXIX.

DES HERMAPHRODITES.

La maladie des hermaphrodites a été nommée ainsi par composition des noms de Mercure et de Vénus. Elle apporte beaucoup de difformité à l'un et à l'autre sexe. Il y en a, selon Léonidès, quatre espèces différentes : trois pour les hommes et une pour les femmes.

Pour les premiers, la place des parties sexuelles féminines, garnies de poils, apparaît tantôt au périnée, tantôt au milieu du scrotum; la troisième espèce a lieu chez ceux qui urinent par une sorte d'urètre situé au scrotum.

Pour les femmes, on trouve souvent en haut de leurs parties génitales, près du pubis, une surcroissance pareille à l'organe viril, trois parties s'élevant alors en saillie, l'une comme la verge et deux comme les testicules. La troisième espèce, qui chez les hommes consiste en ce que l'urine est évacuée par le scrotum, est incurable. Mais les trois autres se guérissent en enlevant les parties inutiles et en traitant à la manière des plaies.

CHAPITRE LXX.

DE LA NYMPHOTOMIE ET DU CERCOSIS.

Quelquefois le clitoris est très grand et se présente avec une difformité indécente. C'est ainsi qu'on raconte que chez quelques femmes cet organe entre en érection à la manière des hommes et recherche le coït. Ayant donc fait coucher la femme sur le dos, nous saisissons avec une pince le clitoris, et nous coupons avec un bistouri sa partie superflue. Nous nous gardons de couper trop profondément, de peur qu'il n'en résulte l'affection rhyadique.

Quant au cercosis, qui est une excroissance charnue de l'orifice de la matrice, remplissant la partie sexuelle des femmes, et parfois se prolongeant en dehors semblablement à une queue, il faut le couper de même que le clitoris.

CHAPITRE LXXI.

DES THYMES, DES CONDYLOMES, DES HÉMORRHOÏDES AUX PARTIES GÉNITALES FÉMININES.

Les thymes sont des éminences tantôt rouges, tantôt blanches, la plupart du temps sans douleur et ressemblant aux corymbes du thym.

Les condylomes sont des tumeurs rugueuses de même que les hémorroïdes, qui sont en cette partie semblables à celles situées à l'anus. Quelquefois elles saignent aussi.

Il faut saisir avec des pinces toutes ces tumeurs des parties sexuelles féminines que nous pouvons voir à l'inspection du corps nu et les enlever avec le tranchant de l'hémispathe ; puis nous employons la noix de galle pulvérisée ou de l'alun schisteux ; car les meilleurs chirurgiens repoussent la ligature pour ces maladies.

CHAPITRE LXXII.

DES IMPERFORATIONS ET DU PHIMUS.

Les femmes peuvent avoir les parties génitales imperforées, tantôt naturellement, tantôt par suite de quelque maladie précédente. L'obstacle est situé, ou profondément, ou dans les lèvres, ou dans les parties intermédiaires. L'imperforation a lieu, soit par adhérence, soit par obstruction. L'obstacle est constitué soit par de la chair, soit par une membrane. Or, cette maladie apporte une grande difficulté pour le coït, pour la conception ou pour la parturition, quelquefois même pour l'écoulement menstruel, si toutefois la chair ou la membrane bouche entièrement ; car parfois il y a un trou au milieu.

Ayant donc trouvé la cause à la simple inspection ou par l'immission du dioptre, s'il y a seulement adhérence, nous la détruisons avec le syringotome par une incision droite ; mais s'il y a une cloison, nous la lirons en la saisissant avec des crochets, que ce soit une membrane ou de la chair, et nous l'enlevons avec le. syringotome; puis nous arrêtons l'hémorragie à l'aide des médicaments siccatifs rendus adoucissants. Ensuite nous employons les cicatrisants en plaçant un phallus enduit de quelque remède de cette espèce, dans les cas surtout où l'opération n'a pas été faite trop profondément, de peur que les parties ne se réunissent de nouveau.

Quant au phimus qui se trouve à l'orifice de l'utérus, on l'opère de la même manière.

CHAPITRE LXXIII.

DE L'ABCES DE L'UTÉRUS.[21]

Lorsqu'à l'orifice de la matrice il existe un abcès pouvant être traité par la chirurgie, il ne faut pas l'ouvrir trop promptement, mais seulement lorsque l'affection a atteint sa maturité, que l'inflammation est arrivée à son plus haut degré, et que les parties humides adjacentes sont devenues plus ténues à cause de la puissance de l'utérus.

Pour opérer, on placera la femme renversée sur un siège, ayant les jambes relevées sur le ventre et les cuisses éloignées l'une de l'autre. Les bras seront placés sous les jarrets et y seront attachés avec des liens correspondant les uns aux autres, qu'on suspendra au cou. L'opérateur, étant placé à droite, se servira d'un dioptre adapté à l'âge.

Or, il faut auparavant mesurer avec une sonde la profondeur du vagin de la femme, de peur que, si le canal d'un dioptre est trop grand, il n'arrive que la matrice soit comprimée; et si on trouve que le canal de l'instrument est plus grand que celui du vagin, il faut placer des compresses sur les grandes lèvres, afin que le dioptre s'appuie sur elles. Ensuite on introduit le dioptre de telle sorte que la vis soit à la partie supérieure; l'instrument est maintenu par l'opérateur, mais c'est un aide qui doit tourner la vis au moyen de laquelle les lames s'écartent et dilatent le vagin.

Lorsqu'on a rencontré l'abcès, si on le trouve mou et ténu, ce qu'on sent par le toucher du doigt, il faut l'ouvrir à son sommet avec une spathe ou avec un poinçon, et après l'évacuation du pus, placer une mèche de charpie très moelleuse imbibée d'huile et d'eau de roses dans l'ouverture, ou mieux en dehors de cette ouverture, dans le vagin et sans compression. On mettra en dehors des grandes lèvres, sur le bas-ventre et sur les reins, de la laine grasse ou nette imbibée d'huile.

Le troisième jour, on fera asseoir la malade dans un mélange tiède d'eau et d'huile, ou dans une décoction de mauves ; et après avoir détergé, on insinuera doucement dans la plaie une tente enduite de tétrapharmacum seul ou avec du miel épuré, ramolli avec du beurre ou de l'eau de roses. Ensuite on couvrira les parties extérieures de cataplasmes jusqu'à ce qu'il n'y ait plus d'inflammation et que la partie soit purifiée. Si elle se nettoie difficilement, il faut injecter, avec une seringue auriculaire, une décoction d'iris ou d'aristoloche ou du miel. On cicatrise avec de la calamine dissoute dans du vin dont on imbibera de la charpie. Mais si l'abcès est en dedans de l'orifice utérin, il faut s'abstenir d'opérer.

CHAPITRE LXXIV.

DE l'extraction du foetus et dE l'embryotoMIE.

Nous avons décrit dans le troisième livre[22] les soins à donner aux femmes qui ont des couches difficiles. Mais si par ces moyens le travail de l'accouchement ne s'améliore pas, nous avons naturellement recours à la chirurgie. Avant d'en venir là, on doit considérer si la femme a des chances en sa faveur ou non ; et si elle peut être sauvée, alors nous employons la main, sinon nous nous abstenons d'opérer Or, celles qui sont dans des conditions funestes tombent dans la léthargie, dans des défaillances, et sont difficiles à rappeler à elles-mêmes; et lorsqu'elles sont ranimées par des cris, après avoir faiblement répondu, elles s'assoupissent de nouveau. Quelques-unes ont des convulsions, ou agitent leurs nerfs, ou tombent dans l'abattement ; on sent le pouls fortement gonflé, mais languissant et faible. Celles, au contraire, qui peuvent être sauvées, n'éprouvent rien de semblable.

La femme étant donc couchée à la renverse sur un lit et pendante sur le bord, des femmes ou des servantes contiennent de chaque côté les jambes élevées ; et s'il ne s'en trouve pas de présentes, on attache au lit par quelques liens le thorax de la malade, afin que le corps n'obéisse pas aux efforts de traction de manière à paralyser la force de cette traction. Ensuite on fait écarter les grandes lèvres par un aide, et on dirige vers l'orifice de l'utérus la main gauche rétrécie par une réunion vigoureuse des doigts et enduite d'un corps gras. On dilate cette ouverture et on y répand de l'huile pour la relâcher, puis on cherche l'endroit où l'on devra fixer l'instrument extracteur (embryulque).

Or, les endroits propres à cet objet, dans le cas où la tête se présente, sont les yeux, l'occiput, le palais de la bouche, le menton, les clavicules et les parties qui se trouvent sur les côtés et vers les hypochondres : dans le cas de présentation par les pieds, ce sont les os pubiens, les espaces intercostaux et encore les clavicules. Il faut ensuite saisir de la main droite l'embryulque en cachant sa courbure avec les doigts et l'insinuer doucement dans la main gauche, puis le ficher dans un des endroits désignés en poussant jusqu'à ce qu'il ne rencontre plus d'obstacle; un second embryulque sera placé à l'opposé de celui-ci, afin que la traction se fasse en équilibre et sans pencher d'un côté plus que de l'autre. Après cela, on doit tirer d'une manière égale non pas seulement en droite ligne, mais d'un côté et de l'autre, comme on fait pour l'extraction des dents; et il ne faut pas qu'il y ait de temps d'arrêt pendant la traction. On doit aussi introduire l'index, ou même plusieurs doigts enduits d'un corps gras, entre l'orifice de la matrice et le corps qui s'y trouve enserré, et le tourner tout autour comme pour opérer un décollement. Si l'instrument obéit comme de raison, il faudra le reporter sur des parties plus élevées et faire ainsi jusqu'à l'extraction complète de l'embryon.

Quand le bras se présente et que le resserrement empêche de le repousser, il faut l'envelopper de chiffons pour qu'il ne glisse pas et le tirer un peu, puis le détacher tout entier de l'épaule. On doit faire de même si les deux bras se présentent. On doit de même aussi couper les jambes aux aines si elles se présentent et si le reste du corps ne les suit pas; puis on s'applique à extraire ensuite le reste du corps. Lorsque la tête se trouve trop grosse, et qu'il en résulte un enclavement parce que l'embryon est hydrocéphale, il faut perforer le crâne avec une spathe à polype, ou avec un poinçon, ou avec un bistouri pointu caché entre les doigts, afin qu'étant vidée elle puisse sortir ; si la tête est naturellement grosse, on ouvre de même le crâne et on le concasse avec les pinces à l'aide desquelles on extrait les dents ou les os; et si les os font saillie, il faut aussi les enlever. Lorsque la tête est déjà sortie et que c'est le thorax qui se trouve enclavé, on doit ouvrir avec le même instrument les parties voisines des clavicules jusqu'à ce qu'on arrive dans la cavité, afin que, l'humeur étant évacuée, le thorax puisse sortir ; mais s'il ne sort pas encore, il faut rompre et enlever les clavicules elles-mêmes, et alors le thorax sortira. Lorsque le ventre est ballonné par suite de la mort du fœtus ou parce qu'il est hydropique, on le vide par la même méthode et en même temps les intestins eux-mêmes.

Ceux qui présentent les pieds sont facilement dirigés par leur inclinaison vers l'ouverture de l'utérus, et si le thorax bu le ventre s'enclavent, on les attire à l'aide de chiffons et on évacue les matières qu'ils contiennent par le même mode d'incision. Mais si, toutes les autres parties étant enlevées, la tête remonte et se trouve retenue, il faut introduire la main gauche et la porter jusqu'au fond de l'utérus si la dilatation du col le permet, puis, après avoir recherché la tête, la faire rouler avec les doigts vers l'orifice. Ensuite, ayant fixé un ou deux embryulques, on n'emploie pas la force, de peur d'enflammer le col de l'utérus; mais on doit faire usage d'injections abondantes et grasses, de bains de siège, de lotions et de cataplasmes, afin que le col se dilate et que la tête soit évacuée comme il a été dit. Quant aux fœtus qui présentent les flancs, s'ils peuvent être redressés, on se sert des méthodes décrites ; s'ils ne le peuvent pas, on coupe le fœtus lui-même en dedans tout entier, et on l'extrait par morceaux en faisant bien attention qu'il n'en reste pas à notre insu quelque portion à l'intérieur.

Or, après l'opération, il faut employer les moyens usités dans l'inflammation de l'utérus; et s'il survient une hémorragie, vous connaissez aussi son traitement.

CHAPITRE LXXV.

DE LA RÉTENTION DU DÉLIVRE.

Souvent, après l'expulsion du fœtus, le délivre est retenu dans l'utérus. On l'appelle aussi Deutérion (secondines). Or, si l'orifice de l'utérus est dilaté, et si le délivre lui-même est détaché, et reste enroulé en boule dans quelque partie de la matrice, il est très facile de le faire sortir. En effet, il n'y a qu'à introduire dans la cavité la main gauche chauffée et enduite d'un corps gras, et expulser l'arrière-faix qui se présente.

Si, au contraire, il est adhérent au fond de l'utérus, on doit de même introduire la main, saisir et tirer le délivre, non pas, toutefois, en droite ligne dans la crainte d'un prolapsus de la matrice, ni avec une grande force , mais il faut l'amener, d'abord, avec douceur en le tirant de çà, de là, sur les côtés, et ensuite un peu plus fortement; car c'est ainsi qu'il obéit et que son adhérence se détruit.

Dans le cas où l'orifice utérin se trouve fermé, on doit employer les moyens déjà décrits pour ce cas; et si les forces de la malade ne sont pas affaiblies, on doit user des sternutatoires et faire des fumigations aromatiques dans un vase. Si alors l'orifice utérin se dilate, il faut introduire la main et s'efforcer de tirer comme il a été dit; et lors même que de cette manière on ne réussirait pas à faire sortir le délivre, on ne doit pas pour cela se troubler ; car au bout de quelques jours il se putréfiera et tombera dissous en sanie ichoreuse; mais comme l'odeur fétide tourmente la tête et incommode l'estomac, il faudra faire brûler des parfums convenables.[23] On recommande pour cela la cardamome et la figue sèche.

CHAPITRE LXXVI.

DE LA CAUTÉRISATION DANS LA COXALGIE.

De même que celle de l'épaule, l'articulation de l'ischion, séparée chez quelques malades à cause d'une grande quantité d'humidité, réclame la cautérisation. C'est pourquoi Hippocrate parle ainsi : « Chez ceux dont une coxalgie chronique a séparé l'articulation, la jambe périt de consomption, et ils deviennent boiteux si on ne les cautérise pas. » Il faut donc ici brûler précisément dans l'endroit où l'articulation s'est déplacée; car c'est ainsi que l'humeur surabondante sera desséchée, et le lieu de la cicatrice venant à se resserrer ne pourra plus recevoir l'os. C'est pourquoi il est nécessaire que la cautérisation soit faite très profondément. Or les modernes font trois eschares dans leurs cautérisations, une en arrière, près de la cavité où se loge la tête de l'os, l'autre à la partie supérieure externe du genou, et la troisième au-dessus de la malléole externe, à l'endroit le plus charnu.

CHAPITRE LXXVII.

DES FISTULES ET DES CÉRIONS.

Comme c'est ici le lieu de traiter des fistules de l'anus, il ne gérait pas hors de propos de disserter d'abord sur les fistules en général.

La fistule donc est une sinuosité indurée, jusqu'à un certain point indolente, survenant dans beaucoup de parties du corps, mais résultant le plus souvent d'abcès malhabilement traités. L'induration est une sorte de chair compacte, blanche et sans humidité, à cause décela aussi indolente, parce qu'elle n'a ni veines ni nerfs dans sa texture. Le conduit est tantôt sec, tantôt humide, et, dans ce dernier cas, ou l'humeur coule sans interruption, ou parfois elle s'arrête, son orifice se trouvant par occasion obstrué, puis se rouvrant de nouveau. Or, les fistules se terminent tantôt dans les os, tantôt dans les nerfs, et tantôt dans quelque autre des parties nobles. Leur trajet est droit ou sinueux, et elles ont une ou plusieurs ouvertures. Nous n'opérons pas du tout, ou bien nous opérons avec beaucoup de prudence et de précaution celles qui intéressent les grandes artères, les nerfs, les tendons importants, la plèvre, ou quelqu'un des organes principaux. Quant aux autres, nous y mettrons la main de cette manière.

Nous les explorerons d'abord, si elles sont droites, avec (le manche d') un scalpel ; si elles sont sinueuses, avec une sonde à deux noyaux, flexible; telles sont les soudes en étain et en cuivre très minces. Quant à celles qui ont deux ou plusieurs ouvertures et qui ne se prêtent pas à l'examen par la sonde à deux noyaux, nous ferons une injection dans leur trajet par un des orifices, et au moyen du passage de l'injection dans les autres ouvertures, nous trouverons s'il y a une seule fistule ayant plusieurs orifices ou s'il y a plusieurs fistules. Après cette exploration, si le conduit est superficiel et étroit, nous l'ouvrons avec un bistouri aidé de l'introduction d'une sonde, puis nous enlevons la callosité en raclant avec les ongles ou avec le tranchant du bistouri, suivant la disposition qu'elle affecte ; s'il est large, il faut retrancher les parties inutiles. S'il n'est pas superficiel, mais qu'il s'avance profondément en droite ligne, nous l'incisons aussi profondément que possible, en détachant circulairement tonte la callosité, et, s'il en reste quelque chose, nous détruisons ce reste avec un remède caustique. Si une portion ne cède pas au médicament caustique, nous la brûlons au moyen d'un cautère en fer.

Lorsque la fistule se termine à un os, nous nous contentons de ruginer celui-ci s'il n'est pas malade; mais s'il est carié ou atteint quelque autre corruption, nous enlevons tout ce qui est malade à l'aide de tenailles tranchantes, et, si cela est nécessaire, nous le perforons d'abord avec un trépan soit qu'il soit malade jusqu'à la seconde lame seulement, soit qu'il le soit jusqu'à la moelle. Mais si l'os est saillant comme lorsqu'il est fracturé, nous le scions. Prenant donc deux bandes, nous plaçons l'une par son milieu sous l'os proéminent que nous faisons soulever par un aide; quant à l'autre, qui doit être plus épaisse et faite en laine, nous adaptons également son milieu à la chair qui est sous l'os; puis, saisissant par en bas ses bouts, nous prescrirons d'abaisser la chair par le moyen de cette bande, de peur que les dents, de la scie ne la déchirent. C'est ainsi que nous faisons la résection.

Mais lorsque quelqu'une des parties nobles est sous-jacente, telles que la plèvre ou la moelle épinière, ou une autre semblable, avant d'exciser ou de scier l'os, nous plaçons au-dessous de lui l'instrument appelé méningophylax. Quand l'os, sans être malade dans sa continuité, se trouve pourtant dénudé de toutes parts, il faut le scier de la même manière ; car il est impossible que des os flottant en tous sens se révèlent de chair. De même si le bout de l'os près d'une articulation est malade, il faut en faire la résection ; et si parfois la totalité d'un os, comme le cubitus, le radius, le tibia ou quelque autre semblable, est cariée, on doit l'enlever entièrement. Toutefois, si la tête du fémur, ou l'ischion, ou une vertèbre du dos est malade, il faut s'abstenir de l'enlever à cause du danger qui résulterait du voisinage des artères, des veines et des autres parties nobles adjacentes. C'est ainsi et d'après cette méthode qu'on doit agir, en ayant toujours et partout égard à la position, au voisinage et au rapport des parties malades, de même qu'à la grandeur du mal et à la vigueur des forces du patient.

Le cérion est un conduit fistuleux qui est arrosé par une humeur melliforme. On le traite par les mêmes opérations et par les mêmes remèdes que les fistules ou autres sinuosités.

CHAPITRE LXXVIII.

DES FISTULES A L'ANUS.

On reconnaît les fistules à l'anus, d'une part, celles qui sont latentes, à ce qu'elles causent de la douleur sans que leur orifice soit apparent, qu'elles répandent par l'anus une humeur purulente, et que chez beaucoup de malades elles sont précédées par les signes d'un abcès ; d'autre part, celles qui sont apparentes en y introduisant une sonde ou une soie de porc, car l'instrument pénètre au fond et rencontre sans obstacle le doigt indicateur enfoncé dans l'anus lorsque la fistule s'ouvre à l'intérieur ; et quand elle ne s'y ouvre pas, l'instrument ne communique pas immédiatement avec le doigt, mais on le sent au travers de la partie qui reste imperforée. Quant à celles qui sont obliques et sinueuses, on les reconnaît, parce que l'instrument ne pénètre pas beaucoup, et que le pus est proportionnellement très abondant.

On reconnaît celles qui sont près de l'intestin, parce qu'il sort par fois de leur orifice des vers ou des matières stercorales. Presque toutes présentent à leur ouverture une partie indurée. Or, sont incurables les fistules qui ont perforé le col de la vessie ou celles qui sont à l'articulation de la cuisse, ou celles qui se sont avancées vers l'intestin rectum lui-même ; sont difficiles à guérir celles qui n'ont pas d'orifice et sont à cause de cela latentes, celles qui se terminent à un os et celles qui se divisent en plusieurs anfractuosités. Les autres sont en général faciles à guérir.

Nous les opérons ainsi : Le malade étant couché sur le dos et les jambes relevées en haut de manière que les cuisses soient inclinées sur le ventre de même que quand on veut donner un clystère, si l'extrémité de la fistule se présente superficiellement, nous introduisons un manche de scalpel on une sonde auriculaire dans l'orifice, et nous divisons la peau qui le recouvre par une seule incision ; lorsque l'extrémité de la fistule aboutit au fond de l'anus, après avoir introduit le manche du scalpel dans l'ouverture, si nous trouvons la fistule perforée, nous saisissons le bout du manche en enfonçant le doigt indicateur de la main placée à l'opposé de la fesse malade, puis nous le recourbons et nous le faisons ressortir au dehors; ensuite nous coupons par une simple incision les parties qui recouvrent cet instrument.

Si, au contraire, nous trouvons que la fistule n'est pas perforée et qu'elle se termine seulement au fond de l'anus, de telle sorte qu'une partie écailleuse et membraneuse se trouve interposée entre le bout de l'instrument et le doigt indicateur qui explore, nous perçons violemment cette partie avec le bout du manche du scalpel, et ayant fait passer l'instrument dans l'anus, nous divisons de même les parties qui le recouvrent avec un bistouri, comme nous l'avons déjà dit; ou bien encore, après avoir percé le fond du conduit vers l'anus avec la pointe de la petite faux du syringotome, introduisant l'instrument lui-même par l'anus, nous incisons aussitôt avec son tranchant tout ce qui est interposé. Après l'incision nous saisissons avec une petite tenaille ou avec une pince toutes les parties qui tapissent la fistule divisée (ce sont en général des parties indurées), et nous les disséquons en ayant soin d'éviter de tous côtés le muscle sphincter. Quelques-uns, en effet, l'endommagent en incisant profondément avec maladresse, et de là résulte pour le patient l'écoulement involontaire des matières fécales.

Mais si quelques malades pusillanimes refusent cette opération, on doit recourir à la ligature hippocratique. En effet, Hippocrate prescrit d'enfoncer dans la fistule, au moyen du manche percé d'un scalpel ou de la sonde à deux noyaux, un fil de lin cru et quintuple, et de joindre ensemble les deux chefs de ce fil, puis de les serrer chaque jour jusqu'à ce que, toute la partie interposée entre les deux orifices delà fistule étant coupée, le fil tombe. Si la solution de continuité se fait attendre, il faut alors que le fil dont on se sert soit enduit de psarus ou de quelque autre matière sèche analogue. Quelques-uns enfilent le fil de lin dans le trou de la petite faux du syringotome et le font traverser de la manière que nous avons dite, ce qui, je crois, n'est pas convenable. En effet, en voulant éviter l'opération, ils ajoutent à ses inconvénients la lenteur de la guérison.

Au sujet des fistules latentes, voici ce que dit Léonidès : « Lorsqu'une fistule profonde a perforé le sphincter, soit qu'elle ait commencé par l'anus, soit que, s'étant beaucoup avancée, elle se soit pourtant arrêtée dans le sphincter, après l'exploration mentionnée on dilate l'anus, comme le vagin des femmes, avec le dilatateur anal (je veux dire avec le petit dioptre); et lorsque l'orifice de la fistule est devenu apparent, on y introduit le bout d'une sonde auriculaire que l'on pousse jusqu'au fond; puis, la lame de cette sonde servant d'appui, on divise dessus toute la fistule avec l'hémispathe ou la spathe syringotome. »

Pour nous, ayant une fois rencontré cette disposition, nous n'avons pas pu employer ce mode d'opération, parce que le trajet fistuleux n'est pas tombé sous notre vue. En effet, il se trouvait entre le sphincter et l'anus sur le côté droit, et l'emploi du dioptre ajoutait un nouvel obstacle à notre exploration. Mais dès que nous eûmes dilaté avec les doigts, une ouverture nous apparut dans une des rides de l'anneau anal, semblable au conduit excréteur de la fistule; en effet, le pus s'en échappait, et nous nous assurâmes que le bouton de la sonde était par-là transmis dans la fistule comme par un guide. Ensuite ayant introduit le doigt indicateur de la main droite vers le sphincter, nous trouvâmes interposé entre le doigt et l'instrument un corps mince; nous poussâmes alors violemment la sonde vers le doigt, et nous perçâmes le fond de la fistule tourné en haut. Après avoir avec le doigt poussé dehors le noyau de l'instrument, toute la partie existant entre les deux orifices de la fistule nous devint visible, je veux dire l'orifice qui existait tout d'abord pour l'évacuation et celui que nous venions de faire. L'ayant donc coupée avec un bistouri, nous libérâmes la sonde.

CHAPITRE LXXIX.

DES HÉMORRHOÏDES.

Les hémorroïdes se manifestent à nous par l'établissement de leur flux habituel. Avant de les opérer, nous prescrivons un lavement abondant pour chasser les matières inutiles des intestins, et en même temps pour stimuler l'anus et le rendre plus facile à se renverser et à faire sortir son anneau.

Faisant donc coucher le malade sur le dos en face d'un grand jour, si nous voulons employer la constriction, nous entourons d'un fil de lin quintuple le bord des tumeurs à l'aide des instruments propres à brûler les hémorroïdes ou les staphyles, et nous serrons chacune des hémorroïdes avec ce fil, ayant soin d'en laisser une pour l'écoulement du sang inutile. C'est ce qu'Hippocrate prescrit aussi.

Après la constriction, nous nous servons d'une compresse imbibée d'huile et du bandage approprié à l'anus, puis nous prescrivons le repos au malade, et nous traitons le ventre avec de l'huile tiède et de l'hydromel. Ensuite nous employons le cataplasme de mie de pain et de safran ; et après la chute des hémorroïdes, nous faisons cicatriser avec du vin.

Toutefois, Léonidès ne les lie pas ; mais serrant pendant longtemps les hémorroïdes avec une pince, il les enlève au moyen d'un bistouri. Après l'opération, on se sert d'encens et d'amidon ou de calamine, ou de poix unie à l'éponge brûlée, ainsi que du trochisque de Faustin pour brûler complètement. D'autres remplissent d'un remède caustique le creux du cautère à staphyle et brûlent les hémorroïdes de la même manière que la luette.

CHAPITRE LXXX.

DES CONDYLOMES, DES VÉGÉTATIONS ET DES RHAGADES.

Le condylome de l'anus diffère seulement, quant à son siège, de celui qui vient dans les parties génitales féminines, n'étant lui-même qu'une tuméfaction rugueuse de l'anus provenant d'inflammation ou de rhagades. Aussi dans son commencement on l'appelle exoque (saillie), et lorsqu'il s'indure, on le nomme condylome. Il faut saisir l'un comme l'autre avec une pince, le couper, et panser ensuite avec des médicaments escarotiques.

Quant aux rhagades, qui s'indurent principalement par le contact des matières stercorales, et dont la cicatrisation se fait attendre parce qu'elles deviennent calleuses, nous les revivifions en les grattant avec les ongles ou avec un bistouri, et nous les faisons cicatriser convenablement.

CHAPITRE LXXXI.

DE L'ANUS IMPERFORÉ.

Chez les enfants nouveau-nés, on trouve quelquefois l'anus imperforé naturellement, obstrué qu'il est par une membrane. Si donc cela est possible, il faut briser cette membrane avec les doigts, sinon il faut l'enlever avec le tranchant d'un bistouri. Le pansement se fera avec du vin.

Mais comme chez les adultes souvent, par suite d'une ulcération malhabilement traitée, une adhérence se forme à l'anus, il faut la rompre avec un instrument approprié, puis traiter convenablement en introduisant dans l'anus, jusqu'à parfaite guérison, un tuyau de plomb ou une espèce de coin, afin qu'il ne se forme pas de nouvelle adhérence. On enduit le coin avec quelques-uns des remèdes cicatrisants.

CHAPITRE LXXXII.

DE LA CIRSOTOMIE.

La varice est la dilatation d'une veine. Oh la rencontre tantôt dans les tempes, tantôt dans la partie du ventre qui est au-dessous de l'ombilic, quelquefois aussi autour des testicules, mais surtout le long des jambes. Cette maladie provient en général d'une matière atrabilaire. Quant aux varices des testicules, nous avons déjà décrit l'opération qui leur convient, dans le chapitre du cirsocèle. Nous opérerons à peu près de la même manière celles des jambes, et nous pratiquerons notre opération en dedans de la cuisse, là où la plupart du temps elles prennent naissance ; car plus bas, comme elles se divisent en beaucoup de rameaux, elles seraient plus difficiles à opérer.

Ayant donc baigné le malade, nous posons un lien autour de la partie supérieure de sa cuisse et nous lui prescrivons de marcher. Puis, lorsque la veine est gonflée, nous marquons son trajet avec de l'encre à écrire ou avec un collyre sur une longueur de trois doigts ou un peu plus. Nous faisons ensuite coucher le malade, qui tiendra sa jambe étendue, et nous lui posons un autre lien autour de la cuisse, au-dessus du genou. La veine étant tuméfiée, nous faisons, en suivant la marque tracée, une incision qui ne doit pas être plus profonde que la peau, afin de ne pas diviser la veine. Alors, tirant les lèvres de la plaie avec des crochets, et disséquant les membranes avec le bistouri courbe propre aux hydrocèles, nous mettons à nu la veine et nous l'isolons de toutes parts, après quoi nous enlevons les liens de la cuisse.

Après avoir soulevé le vaisseau avec un crochet mousse, nous passons dessous une aiguille munie d'un fil double dont nous coupons ensuite le pli. Nous divisons alors la veine par le milieu avec un phlébotome, et nous faisons couler autant de sang que la circonstance le demande. Après cela nous serrons avec un des fils la partie supérieure du vaisseau ; et élevant droit la jambe, nous faisons sortir, en pressant avec les mains, le sang qui est dans cette jambe, et nous lions à son tour la partie inférieure du vaisseau; puis, nous enlevons après l'avoir coupée la partie du vaisseau qui se trouve entre les ligatures, ou bien nous la laissons jusqu'à ce qu'elle tombe d'elle-même avec les fils. Nous remplissons la plaie de charpie sèche, et nous mettons dessus une compresse imbibée d'huile et de vin que nous maintenons par un bandage. Nous employons ensuite les pansements suppuratifs.

Je sais que quelques-uns des anciens ne se servaient pas de fils, mais que les uns coupaient le vaisseau aussitôt qu'il était mis à nu, que les autres le tirant du fond l'arrachaient en le brisant avec violence. Mais de tous les modes d'opération, celui dont je viens de parler est le moins dangereux.

Nous opérons aussi d'une manière analogue les varices situées à l'hypogastre, et celles des tempes comme on l'a dit au chapitre de l'angiotomie.

CHAPITRE LXXXIII.

DU DRAGONNEAU.[24]

Nous avons parlé du dragonneau dans le quatrième livre, parce qu'on le guérit principalement par les médicaments.

 

CHAPITRE LXXXIV.

de l'amputation des extrÉmitÉs.

Parfois les extrémités, c'est-à-dire la main ou le pied, se putréfient de telle sorte que les os eux-mêmes se carient, soit qu'une fracture ait eu lieu par suite d'une cause procatarctique (externe), soit que ces organes se putréfient par suite d'une cause proégumène (interne) ; il devient nécessaire de les scier : mais on doit d'abord isoler les os des parties qui les entourent. Toutefois, comme en opérant tout d'abord cet isolement, on court le danger d'une hémorragie parce que l'emploi de la scie exige un temps assez long, c'est avec raison que Léonidès ne coupe pas de suite toutes les parties à moins qu'elles ne soient entièrement putréfiées ; mais il coupe d'abord promptement jusqu'à l'os les parties où il pense qu'il n'y a pas de nombreuses et grosses veines ou artères ; ensuite il scie l'os aussi vite que possible, après avoir entouré les parties coupées de chiffons de toile de lin, de peur que la scie venant à les déchirer ne cause des douleurs ; puis alors, coupant le reste, il applique sur les vaisseaux des cautères incandescents pour arrêter l'hémorragie, et après avoir pansé et bandé convenablement, il emploie les remèdes suppuratifs.

CHAPITRE LXXXV.

DU PTÉRYGION DES ONGLES.

Le ptérygion des ongles est une excroissance de chair recouvrant une partie de l'ongle et s'établissant principalement aux pouces des pieds et des mains. Celui des pieds provient le plus souvent d'un heurt, celui des mains de panaris dont l'inflammation a été négligée et s'est tournée en pus. En effet, le pus en séjournant ronge la racine de l'ongle, le corrompt et souvent le détruit tout entier, mais la plupart du temps, le milieu de l'ongle seulement, en laissant pourtant près de la racine elle-même une portion putréfiée ; quelquefois cependant la racine tout entière reste sans érosion ; parfois aussi l'os se carie et produit une douleur incommode ; le doigt s'élargit à son extrémité et parait livide.

Il faut en conséquence recourir à l'opération qui consiste à couper par-dessous et à enlever avec le tranchant du bistouri toute la portion d'ongle qui reste, puis à brûler avec des cautères et la partie ulcérée et la partie coupée. En effet, le ptérygion est de sa nature un ulcère rongeant qui ne s'arrête pas, à moins qu'on ne le brûle; de sorte que si on le néglige il fait tomber le doigt en putréfaction.

Mais ai l'os et l'ongle demeurant sains, l'angle extérieur de l'ongle s'enfonce dans la chair adjacente et la pique, il en résulte une cause d'inflammation. Il faut alors soulever la partie piquante de l'ongle à l'aide d'un manche mince de scalpel ou avec quelque chose de semblable, et l'enlever avec le tranchant d'un bistouri; puis on consume l'excroissance charnue avec un médicament escarotique. La plupart guérissent de cette manière sans qu'il soit besoin de couper la chair. Mais si elle est trop développée, on la coupe d'abord avec un bistouri, puis on se sert du médicament caustique.

CHAPITRE LXXXVI.

DE L'ONGLE CONTUS.

Comme souvent il résulte de la meurtrissure des ongles par un choc des douleurs qui nous entraînent à une opération, il suffit de rapporter les paroles de Galien ainsi conçues : « Nous avons manifestement éprouvé que dans la contusion des ongles l'évacuation sanguine est un remède calmant lorsqu'il y a des pulsations et des douleurs très violentes. »

Or, il faut avec le tranchant d'un bistouri faire l'incision non pas droite en profondeur de haut en bas, mais obliquement, afin que le sang étant évacué la portion d'ongle ainsi coupée serve comme d'une espèce de couvercle aux parties sous-jacentes. En effet, si vous faites l'incision droite de haut en bas, il survient ce qu'on appelle un hypersarcôme, parce que la chair placée sous l'ongle fait pulluler une autre portion charnue dans le milieu de l'incision ; et par suite, le malade est de nouveau saisi par des douleurs semblables à celles de la maladie appelée panaris, puisque la chair repullulée est comprimée par l'ongle. Aussitôt après cette incision, nous voyons les malades se trouver sans douleur. Dans les jours suivants, il nous est facile de lever doucement la portion d'ongle coupée pour faire écouler la sanie, puis nous plaçons de nouveau l'ongle comme un couvercle sur la chair sous-jacente, ainsi que je l'ai dit. Pour les autres soins à donner au doigt, il faut employer les adoucissants et les diaphoniques.

CHAPITRE LXXXVII.

DES DURILLONS, DES MYRMÉCIES ET DES VERRUES PÉDICULÉES.

Le durillon est une callosité arrondie, blanche, semblable à une tête de clou, qui vient se placer sur toutes les parties du corps, mais principalement à la plante et aux doigts des pieds, et qui cause de la douleur et de la difficulté dans la marche. En conséquence, nous faisons une incision tout autour du durillon, et, le saisissant avec une pince, nous le déracinons avec un phlébotome ou avec un bistouri en forme de bec de corbeau. Quelques-uns emploient les cautères rougis pour qu'il ne repullule pas.

La myrmécie est une élévation de l'épiderme, petite, calleuse, ronde, épaisse, à base enfoncée, et donnant par suite du froid une sensation pareille à celle de la morsure des fourmis. On la trouve elle aussi établie sur toutes les parties du corps, mais surtout aux mains. Quelques-uns, au nombre desquels se trouve Galien, pensent qu'il faut entailler la myrmécie tout autour avec un tuyau de plume épaisse, telle que celle des vieux coqs, des oies ou des aigles, puis, en la renversant et en la tordant violemment jusqu'au fond, l'enlever de sa base. D'autres font la même opération avec des tuyaux d'airain ou de fer. Mais les modernes sont d'avis de l'enlever comme les clous, en la saisissant avec une pince, après l'avoir incisée tout autour avec un bistouri.

La verrue pédiculée est une petite éminence de la superficie, indolente, calleuse, arrondie la plupart du temps, ayant une base étroite, de sorte qu'elle semble appendue. Elle est appelée ainsi (acrochordon) de ce qu'elle ressemble à l'extrémité d'une corde de boyau. Nous l'excisons en la tirant. Si cela ne se peut, nous la lions avec un fil de lin ou avec un crin. Je sais que beaucoup de chirurgiens détruisent avec ce qu'on appelle le cautère froid et ces verrues et toutes les proéminences dont nous avons parlé.

CHAPITRE LXXXVIII.

DE L'EXTRACTION DES TRAITS.

Le poète Homère fait voir que cette partie de la chirurgie, qui a rapport à l'extraction des traits, est des plus nécessaires quand il dit : « Le médecin est un homme qui en vaut plusieurs autres, lui qui retire les traits et répand sur leurs blessures des remèdes adoucissants. »

Nous devons dire d'abord quelles sont les différentes espèces de traits. Ils diffèrent quant à la matière, quant à la forme, quant à la grandeur, quant au nombre, quanta leur disposition, quant à leur puissance.

Quant à la matière. Ce que nous appelons la hampe est en bois ou en roseau. Le trait lui-même est en fer, en airain, en étain, en plomb, en corne, en verre, en os, ou même aussi en roseau ou en bois. En effet, on trouve toutes ces différentes espèces principalement chez les Égyptiens.

Quant à la forme. Les uns sont ronds, les autres anguleux; d'autres sont armés de pointes, et parmi ceux-ci il y a ceux qui ont deux pointes, ceux qu'on appelle lonchotes (lancéolés) et ceux qui ont trois pointes. Il y en a qui sont hérissés de piquants et d'autres qui n'en ont pas. Parmi ceux qui en ont, les uns ont ces piquants tournés en arrière, afin qu'en voulant les retirer ils percent au contraire ; les autres ont les piquants tournés en avant, afin qu'en les poussant ils percent également ; d'autres en ont qui sont tournés en sens contraires, à la manière des foudres, afin que quand on veut, soit les retirer, soit les pousser, ils s'enfoncent au contraire. Quelques-uns aussi portent une charnière au moyen de laquelle les piquants se tiennent réunis, puis quand on veut arracher le trait, ces piquants se déploient et empêchent l'extraction.

Quant à la grandeur. Les uns sont grands et ont jusqu'à trois travers de doigt de longueur, les autres sont petits et ont un travers de doigt de long : on les appelle myota en Egypte ; d'autres ont une longueur intermédiaire.

Quant au nombre. Les uns sont simples, les autres composés, c'est-à-dire qu'on y ajoute des fers très ténus qui restent cachés dans le fond de la blessure quand on fait l'extraction du trait.

Quant à la disposition. Les uns ont la queue du fer insérée dans la hampe, les autres l'ont creuse pour recevoir la hampe; et quelques-uns ont le fer fortement adapté à la hampe, d'autres l'ont plus faiblement fixé afin qu'ils se séparent quand on veut les arracher et que le fer reste dans la plaie.

Quant à la puissance. Les uns sont sans poison, les autres sont empoisonnés.

Telles sont les différentes espèces de traits. Nous devons dire maintenant comment on les extrait chez ceux qui en sont blessés, soit pendant la guerre, soit en dehors de la guerre, volontairement ou involontairement, quelle que soit la circonstance, et quelle que soit la matière qui les compose.

Il y a deux manières d'extraire les traits des parties charnues: on en les arrachant ou en les repoussant. Chez ceux qui ont un trait enfoncé superficiellement, on l'extrait par arrachement. Il en est de même pour ceux qui sont profondément fichés, dans le cas où l'incision des parties opposées exposerait le blessé au danger d'une hémorragie ou à celui que crée la sympathie. On extrait en les repoussant les traits qui se sont fixés profondément quand les parties opposées sont minces, et quand il n'y a ni nerf, ni os, ni autre chose semblable qui empêche l'incision. Lorsqu'un os est blessé, on retire le trait par arrachement. Si donc le trait est visible, nous opérons aussitôt l'extraction; s'il est caché, il faut, dit Hippocrate, quand cela se peut, observer le blessé dans la position même où il se trouvait quand il a reçu la blessure; si cela ne se peut pas, nous le mettons dans une position aussi rapprochée que possible de celle où il était, après quoi nous nous servons de la sonde. Alors, si le trait est fixé dans la chair, nous l'extrayons avec les mains ou à l'aide du manche qu'on appelle hampe, qui le plus souvent est en bois, s'il ne s'est pas séparé du fer; si, au contraire, ce manche s'est sépare, nous opérons l'extraction avec un davier, ou une pince, ou un béloulque (tire-trait), ou quelque autre instrument convenable; et quelquefois nous incisons préalablement la chair si la blessure ne peut recevoir l'instrument. Mais si le trait s'est enfoncé jusqu'aux parties situées à l'opposé et qu'on ne puisse l'extraire par la blessure d'entrée, nous incisons les parties opposées et nous le faisons sortir par cette incision, ou en l'arrachant comme il a été dit, ou en l'y poussant à travers la blessure d'entrée, soit à l'aide du manche s'il ne s'est pas détaché, soit en enfonçant un diostre (poussoir), en faisant attention de ne diviser aucun nerf, aucun tendon, aucune artère ni aucune autre partie essentielle ; car il est honteux pour nous de faire dans cette extraction un mal plus grand que le trait lui-même.

Mais si le trait a une queue, ce que nous connaissons à l'aide de la sonde, nous y plaçons et y adaptons la partie femelle du diostre, et nous poussons le trait; s'il est creux, la partie mâle. Si le trait nous paraît avoir quelques ciselures dans lesquelles d'autres fers ténus pourraient avoir été insérés, nous employons de nouveau la sonde, et si nous les trouvons, nous les enlevons d'après, la même méthode. Si le trait, comme cela arrive, ayant des pointes dirigées en sens inverse, ne permet pas l'extraction, on doit inciser les parties qui l'entourent si aucun des organes, essentiels à la vie ne se trouve dans le voisinage, et après avoir mis à nu le trait, nous l'extrayons sans rien dilacérer. Quelques-uns placent le tuyau d'un roseau autour de ces mêmes pointes et les arrachent ainsi entourées pour que leurs piquants ne déchirent pas les chairs.

Si la blessure n'est pas enflammée, nous la cousons et nous lui appliquons le pansement approprié aux plaies, saignantes ; s'il y a de l'inflammation, nous la traitons par des lotions, des cataplasmes et d'autres moyens semblables. Quant aux traits empoisonnés, nous enlevons, si cela est possible, toute la chair qui a déjà été imprégnée par le poison. On la reconnaît parce qu'elle diffère de la chair saine; en effet, elle est pâle et livide, et elle paraît comme mortifiée. On dit que les Daces et les Dalmates enduisent les pointes avec l'hélénium et avec ce qu'on appelle ninum : ce poison tue quand il est en contact avec le sang des blessés; mais mangé par eux, il n'est pas nuisible et ne leur fait aucun mal.[25]

Mais si le trait est fixé dans un os, nous faisons encore des tentatives avec les instruments, et si la chair y met obstacle, nous débridons et nous élargissons la plaie ; s'il est profondément fiché dans l'os, ce que nous connaissons parce qu'il est solide et que nos efforts ne l'ébranlent pas, nous enlevons avec un ciseau la partie osseuse qui est autour du trait, ou bien nous perforons d'abord tout autour avec une tarière si l'os est gros, et nous libérons le trait. S'il y a perforation de quelqu'un des organes principaux, tels que l'encéphale, le cœur, la trachée-artère, les poumons, le foie, l'estomac, les intestins, les reins, l'utérus ou la vessie, et que déjà apparaissent des signes mortels, et si surtout l'extraction doit causer une grande douleur, nous nous abstenons d'opérer, de peur que, outre qu'elle ne servirait à rien, nous ne fournissions aux ignorants un prétexte de propos injurieux.

Si cependant il peut encore y avoir doute sur le résultat, il faut opérer après avoir d'abord prévenu du danger; car bien des fois des abcès étant survenus dans quelqu'un des organes essentiels, la guérison s'en est suivie contre toute attente raisonnable. De même aussi l'on raconte que l'enlèvement d'un lobe du foie, d'une partie d'épiploon ou du péritoine, de l'utérus tout entier, n'a pas été suivi de mort ; et souvent aussi nous ouvrons à dessein la trachée-artère dans des angines, comme nous l'avons dit au chapitre de la trachéotomie. Or, laisser le trait dans la plaie en cette circonstance, c'est amener inévitablement la mort, et en outre faire croire que notre art est sans avantage; l'enlever, au contraire, c'est rendre le salut possible.

Le diagnostic des blessures des organes principaux n'est pas difficile; il ressort de la nature particulière des symptômes et des excrétions et aussi de la situation des parties. En effet, si les méninges sont blessées, il en résulte une douleur de tête intense, l'inflammation et la rougeur des yeux, la déviation de la langue et de l'intelligence. Si avec elles l'encéphale est en même temps blessé, il y a collapsus, aphonie, perversion des traits du visage, vomissement de bile, saignement de nez et d'oreille, écoulement d'humeur blanche et semblable à de la bouillie par la plaie si l'ichor y trouve un passage. Lorsque le trait s'est enfoncé dans les parties vides du thorax, l'air sort par l'ouverture si elle reste béante. Quand le cœur est blessé, le trait apparaît près de la mamelle gauche, non pas flottant dans le vide, mais comme fixé dans un corps solide et quelquefois marquant le mouvement des pulsations; il y a écoulement d'un sang noir, s'il trouve un passage, refroidissement, sueur et lipothymie, et la mort arrive sans délai.

Lorsque le poumon est blessé, s'il y a passage par la blessure, un sang écumeux s'échappe de la plaie, et s'il n'y en a pas, le sang est plutôt vomi; les vaisseaux autour du cou se gonflent, la langue change de couleur, les malades aspirent largement et cherchent l'air frais. Quand le diaphragme est atteint, le trait paraît enfoncé vers les fausses côtes, l'inspiration est grande et se fait avec gémissement et douleur dans la totalité des parties situées entre les deux épaules. Lorsque l'abdomen a été blessé, on sait quelle partie est atteinte d'après la nature des évacuations si la plaie est ouverte, soit que le trait ait été enlevé, soit que la hampe se soit brisée en dedans. En effet, de l'estomac, c'est le chyle qui sort; des intestins, c'est la matière stercorale : quelquefois aussi l'épiploon ou l'intestin sort du ventre ; si la vessie est blessée, c'est l'urine qui s'échappe.

Ainsi donc, dans les blessures des méninges et de l'encéphale, nous extrayons le trait par la trépanation du crâne, comme nous le dirons tout à l'heure pour les fractures de la tête. Dans celles du thorax, si le trait ne cède pas à nos tentatives, nous l’extrayons au moyen d'une incision convenable dans un espace intercostal ou même en coupant une côte, après avoir placé dessous le méningophylax. Nous agissons de même pour les blessures de l'estomac, de la vessie et des autres organes profondément situés. Si le trait cède aux efforts, nous l'arrachons sans vaine recherche ; sinon, nous faisons une incision, et ensuite nous employons un pansement approprié aux plaies saignantes. Pour les blessures du ventre, il faut faire la gastrorrhaphie comme on l'a dit, si cela est nécessaire. Mais si le trait est enfoncé dans quelqu'un des grands vaisseaux, tels que les jugulaires profondes, ou les carotides, ou les grandes artères des aisselles et des aines, et que son extraction menace d'une abondante hémorragie, il faut d'abord lier les vaisseaux avec des fils de chaque côté de la blessure, et faire ensuite l'extraction du trait. Lorsque des parties sont clouées ensemble, comme par exemple le bras avec le thorax, ou l'avant-bras avec d'autres organes, ou les pieds l'un avec l'autre, si le trait ou le javelot n'a pas pénétré dans la totalité des deux parties, nous l'extrayons en le saisissant au dehors comme s'il n'avait blessé qu'une partie. Mais s'il a traversé la totalité des deux organes, nous scions le bois entre eux et nous retirons chaque portion d'une manière commode.

Quand parfois des pierres ou des cailloux de rivière, ou du plomb, ou quelques autres projectiles lancés par une fronde s'enfoncent, tant à cause de leur force d'impulsion que de leurs formes anguleuses, on les reconnaît à ce qu'elles se présentent sous l'apparence de tumeurs rugueuses et inégales, à ce que la solution de continuité n'est nullement en ligne droite, mais est plus grande, et à ce que la chair est comme meurtrie et livide, et aussi parce que la douleur qui en résulte est gravative. Il faut les ébranler et les soulever avec un levier ou avec la curette de la sonde à blessure ; et si la circonstance le permet, on les arrache avec une pince ou avec un davier. Chez beaucoup de gens les traits restent enfoncés et cachés et les blessures se ferment; puis après un long temps il se forme en cet endroit un abcès qui s'ouvre, et le trait s'en échappe.

CHAPITRE LXXXIX.

DES FRACTURES ET DE LEURS DIFFÉRENTES ESPÈCES.

Nous ferons suivre l'exposé des opérations qui se font sur la chair de celui des opérations qui se font sur les os, je veux dire de celles qui ont pour objet les fractures et les luxations, parce qu'elles sont également du domaine de la chirurgie. Je parlerai d'abord des fractures et premièrement de celles qui ont lieu à la tête, tant parce qu'elles tiennent le milieu entre les opérations sur la chair et celles sur les os, que parce que le crâne est le plus élevé de tous les os du corps.

En général donc, une fracture est une division, une rupture ou une coupure d'un os produite par quelque violence extérieure. Il y a plusieurs espèces de fractures. Les unes sont dites raphanèdes (en rave), les autres schidacides (en copeaux), celles-ci en ongle, celles-là alphitèdes (en farine), et d'autres en fragments détachés.

Or, la raphanède est une rupture transversale de l'os à travers son épaisseur. Quelques-uns l'ont appelée sicyedon et cauledon, à cause de sa ressemblance avec les ruptures de concombre et de tiges de choux.

La schidacide est une rupture de l'os suivant sa longueur.

Celle en ongle est une fracture de l'os en droite ligne pour une certaine portion et semi-lunaire à son extrémité. On l'appelle aussi calamède (en roseau).

L'alphitède est une fracture comminutive de l'os. Quelques-uns l'appellent aussi caryède (en forme de noix).

Celle à fragment détaché, appelée aussi apocope, est la séparation d'une portion d'os par rupture de la partie superficielle, de telle sorte que la partie séparée est flottante.

Telles sont les différentes espèces de fractures.

CHAPITRE XC.

DES FRACTURES DU CRANE.

La fracture de la tête est proprement une division du crâne tantôt simple, tantôt multiple, provenant de quelque violence extérieure. Voici quelles sont les différentes espèces de fractures de la tête: la fente, l'encopé (ou incision), l'impaction, la subgrundation, la voussure, et chez les enfants la dépression.[26]

La fente est une division superficielle ou profonde du crâne dans laquelle l'os affecté ne subit aucun déplacement en dehors.

L'encopé est une division du crâne avec réfraction de la partie blessée.[27] Mais si la portion affectée a été séparée, quelques-uns appellent cette blessure aposkeparnismus (fente avec une hache, dédolation).

L'impaction[28] est une division multiple de l'os dans laquelle des portions osseuses brisées s'enfoncent vers les méninges.

La subgrundation est une division osseuse telle que l'os affecté se glisse en descendant vers les méninges sous celui qui reste en place.[29]

La voussure est une division du crâne avec élévation des parties blessées, ou, comme dit Galien, un éloignement, une concavité de l'os au-dessus des parties intérieures d'une manière analogue à l'impaction (mais en sens inversé). Telle est en effet son opinion.

Quelques-uns ajoutent à ces diverses espèces de fractures le trichisme (fente capillaire) ; mais ce trichisme n'est qu'une fente très petite échappant à nos sens, et qui pour cette raison reste souvent cachée : aussi, ne fournissant pas de signes précis, elle devient une cause de mort.

La dépression n'est point une division de l'os ; aussi ne peut-on pas raisonnablement appeler fracture une semblable disposition. Mais c'est une inclinaison et une sorte d'inflexion sur la partie interne du crâne, qui forme un creux sans solution de continuité, semblablement à ce qui a lieu quand on frappe sur la partie externe d'un vase de cuivre ou de cuir non tanné. Il y a deux espèces de dépression : ou bien l'os est déprimé dans toute son épaisseur, à ce point que souvent la méninge se sépare du crâne ou est comprimée en tous cas par lui ; ou bien l'os n'est pas déprimé dans sa totalité, mais seulement dans sa face externe dense jusqu'à la seconde lame.

Quelques-uns joignent à ces différentes espèces le contrecoup, lequel est une fracture du crâne produite sur la partie opposée à celle qui a été frappée. Mais ceux-là se trompent : en effet, les choses ne se passent point ici de la même manière que sur quelques vases de verre, comme ils le disent; car il arrive ainsi à ces vases parce qu'ils sont vides ; mais le crâne est plein et bien autrement solide. Dans une chute qui blesse plusieurs parties de la tête, la fissure se produisant au crâne sans solution de continuité de la peau, un abcès se forme ensuite vers cette fente, qui devient visible lorsqu'on ouvre le foyer, et c'est ce qui leur fait, croire que cette blessure est survenue sur les parties opposées au choc. Or cette affection se traite, comme celle que nous avons d'abord désignée sous le nom de fente.

Si donc une fracture a lieu à la tête, or; le connaît, et d'après la forme du corps qui a frappé, s'il est pointu, pesant, dur ou violemment lancé; et aussi d'après les symptômes qui surviennent chez le blessé, tels que vertiges, aphonie, collapsus immédiat, surtout dans la subgrundation, dans la dépression, dans l'impaction pt dans la voussure sur les parties internes, à cause de la compression de l'encéphale. On le connaît encore, d'après les remarques faites par les sens : en effet, si la division de la peau est considérable, nous serons promptement renseignés par elle; mais s'il n'y a pas solution de continuité, ou s'il n'y en a qu'une, petite, et que nous soupçonnions une fracture, nous incisons la peau et nous diagnostiquons à l'aide des yeux et de l'exploration par la sonde, et si quelqu'une des diverses autres fractures existe, dès lors elle devient évidente.

S'il y a seulement une fente étroite et capillaire, échappant aux sens, nous raclons l'os après avoir répandu dessus quelque substance noire et liquide ou même de l'encre à écrire; car alors la fente elle-même paraît noire, et il faut persister à ruginer jusqu'à ce que le signe de la fente disparaisse. Mais si elle va jusqu'aux méninges, nous cessons de racler et nous tâchons de reconnaître si la méninge est séparée de l'os ou si elle y reste attachée. En effet, si elle y reste, la blessure ne s'enflamme pas et se modère, le malade se trouve peu à peu délivré de la fièvre et un pus coctionné apparaît. Si, au contraire, la méninge est séparée, les douleurs augmentent ainsi que la fièvre, l'os change «le couleur, et le pus qui coule est séreux et non coctionné. Alors si vous mettez de la négligence dans le traitement et si vous n'avez pas recours à la trépanation de l'os, il survient par là des symptômes très graves, comme vomissements de bile, convulsions, délire et fièvre aiguë, pendant lesquels il faut s'abstenir de l'opération. En l'absence de ces symptômes, si la méninge n'est pas séparée et qu'il y ait seulement une fente, on la traite par le raclement seul, même quand elle est profonde. Si elle ne s'étend que jusqu'au diploé, il ne faut racler que jusque-là; ou bien il faut enlever l'os brisé, comme nous le dirons. Mais si l'os a été concassé en petits fragments, on devra les enlever soigneusement avec un instrument approprié, car si la méninge est séparée, ils ne peuvent rester.

Or si la méninge n'est pas séparée et que vous ayez entrepris le blessé dès le commencement, faites en sorte d'avoir opéré complètement l'enlèvement de l'os avant le quatorzième jour si c'est en hiver, et avant le septième si c'est en été, auparavant que n'apparaissent les symptômes dont nous avons parlé. Au reste, on doit opérer de la manière suivante :

OPERATION

Après avoir rasé la tête à l’endroit blessé, nous faisons deux incisions qui se coupent à angles droits semblablement à la lettre chi (X). Il faut que l’une de ces solutions de continuité soit celle qui existaient auparavant. Ensuite ayant disséqué par leur sommet les quatre angles de manière à dénuder toute la portion d’os qui doit être trépanée ; s’il y a hémorragie, nous appliquons de la charpie imbibée d’oxycrat entre les lèvres de la plaie ; s’il n’y en a pas, de la charpie sèche. Puis ayant ajouté une compresse imbibée d’huile et de vin, nous attachons le tout avec le bandage approprié. Le lendemain, si aucun nouveau symptôme ne s’y oppose, nous nous mettons en mesure de perforer l’os malade.

Ayant donc disposé le malade soit assis, soit couché d’une manière convenable à la situation de la blessure et lui ayant bouché les oreilles à cause du bruit produit par le choc de l’instrument, nous détachons le bandage de la blessure ; et après avoir enlevé toute la charpie et avoir épongé, nous prescrivons à deux aides de relever les quatre angles du cuir chevelu qui couvrent la fracture en les enserrant dans des bandelettes légères. Si l’os est faible, soit naturellement soit par suite de la fracture, nous l'enlevons à l'aide des ciseaux exciseurs, en nous servant d'abord des cœlisques les plus larges que nous changeons pour d'autres plus étroits, et en prenant ensuite ceux appelés méliotes. Nous frappons doucement avec le maillet pour éviter l'ébranlement de la tête.

Si, au contraire, l'os est solide, nous le perforons d'abord avec les tarières appelées abaptistes; ce sont celles qui ont un peu au-dessus de leur pointe une saillie qui les empêche de s'enfoncer vers les méninges. Alors nous coupons tout autour avec l'exciseur et nous enlevons l'os affecté, non pas tout d'un coup, mais partiellement, avec les doigts si c'est possible, sinon avec un davier, une pince à extraire les esquilles, une pince à «'piler, du un autre instrument semblable. L'intervalle entre les trous doit être égal en longueur au plus gros bouton d'une sonde; leur profondeur ira jusqu'à ce qu'on arrive près de la surface intérieure de l'os, et nous devrons bien prendre garde à ce que la tarière ne touche pas les méninges. C'est pourquoi il faut que cet instrument soit en rapport avec l'épaisseur de l'os, et on devra en préparer plusieurs en vue de cette circonstance.

Mais si la fracture ne s'étend que jusqu'à la seconde lame de l'os du crâne, il ne faut aussi perforer que jusque-là. Après l'ablation ne l'os, nous aplanissons les aspérités qui proviennent de l'excision du crâne avec une rugine ou avec quelqu'un des ciseaux exciseurs appelés méliotes, ayant soin de placer dessous le méningophylax, puis nous enlevons soigneusement les petits os ou les pointes qui seraient restés, comme cela arrive, et nous terminons par un pansement de charpie.

Ce mode d'opération est le plus communément employé, le plus facile et le moins dangereux. Toutefois, l'opération qui se fait au moyen de l'instrument appelé exciseur lenticulaire et sans la perforation est préconisée au-dessus de tout par Galien : on l'entreprend après avoir fait une entaille circulaire avec le cœlisque. Voici, au reste, ce qu'il en dit : « Lorsqu'une fois vous aurez dénudé la partie, vous placerez dessous un couteau ayant à sa pointe une saillie lenticulaire mousse et lisse, mais droit et tranchant sur sa longueur. Quand la partie plane de la lentille arrivera sur la méninge, vous frapperez avec un petit maillet et vous diviserez ainsi le crâne. Par cette opération on obtient tout ce dont on a besoin.

« En effet, lors même que l'opérateur agit avec négligence, la méninge ne peut être blessée puisqu'elle est touchée seulement par la portion mousse du couteau lenticulaire ; et si elle est quelque part adhérente au crâne, l'extrémité arrondie de la lentille détache sans peine l'adhérence, tandis que la partie tranchante suit elle-même ce guide par derrière en divisant le crâne. Aussi il est impossible de trouver un moyen de trépanation moins dangereux et plus prompt d'exécution. »

Quant à l'opération au moyen des scies et des trépans à couronne, elle est repoussée comme nuisible par les modernes. Ainsi il faut opérer comme nous l'avons exposé pour la fente. Or, le même moyen de circumexcision des os conviendra aussi dans les autres fractures du crâne. Galien nous apprend la quantité d'os qui doit être enlevée en s'exprimant clairement ainsi : « Je vais vous dire maintenant combien il faut couper de l'os malade. Vous devez enlever tout ce qui est fortement fracturé. Mais si quelques fentes s'étendent beaucoup ça et là, comme on voit que cela arrive quelquefois, il ne faut pas les suivre jusqu'à leur extrémité, sachant bien qu'il n'en résultera aucun dommage si toutes les autres choses ont été bien faites. »

Après l'opération, nous couvrons la méninge avec un chiffon de toile de lin simple égal à la grandeur de la plaie et imbibé, d'eau de roses ; puis nous plaçons sur ce chiffon un petit tampon de laine également imbibé d'eau de roses. Ensuite nous enveloppons toute la plaie avec une compresse double imbibée d'huile et de vin ou aussi de la même eau de roses, en la maintenant suspendue de manière à ne pas charger la méninge. Après cela nous employons une large bande que nous ne serrons pas, et qui a pour but seulement de retenir les compresses. Enfin, nous prescrivons le régime propre à prévenir l'inflammation et la fièvre, ayant soin pendant ce temps-là d'arroser fréquemment la méninge avec de l'eau de roses. Vers le troisième jour nous débandons la plaie et nous l'épongeons, après quoi nous employons le pansement antiphlogistique et propre aux plaies sanglantes et appliquant sur la méninge quelques-uns des remèdes secs appelés céphaliques jusqu'à ce que la chair se régénère. Quelquefois aussi on racle l'os, si la circonstance l'exige, à cause de quelques pointes saillantes, ou même pour favoriser la régénération de la chair. Il faut appliquer encore les autres substances médicamenteuses dont il a été parlé au sujet des plaies.

DE L’INFLAMMATION DES MENINGES

Toutefois, souvent après l'opération la méninge s'enflamme, de sorte qu'elle franchit non seulement l'épaisseur du crâne, mais encore le cuir chevelu avec rénitence et au point que le mouvement naturel de ses pulsations en est empêché; ce qui amène le plus souvent des convulsions et d'autres symptômes graves ou même la mort. Or elle s'enflamme ou parce qu'elle est piquée par quelque saillie osseuse pointue, ou par suite de la pesanteur d'une trop grande quantité de compresses, ou par refroidissement, ou parce que le malade a trop mangé, ou bu du vin, ou par quelque cause latente.

Si l'inflammation provient de quelque circonstance apparente, il faut aussitôt faire cesser cette circonstance. Mais si la cause est latente, on doit lutter davantage en recourant à la saignée si rien ne s'y oppose, ou à la diète, ou au régime approprié à l'inflammation. Il faut aussi recourir aux moyens topiques, tels que lotions chaudes d'eau de roses ou de décoction de guimauve, de fenugrec, de graine de lin, de camomille ou d'autres semblables, aux cataplasmes de farine d'orge ou de farine de lin avec la décoction dont nous venons de parler et avec la graisse de poule. On appliquera de la laine imbibée de quelqu'une des huiles antiphlogistiques sur la tête, sur l'occiput et dans les conduits auditifs. Il ne faut pas négliger les liniments et les cataplasmes sur le ventre, non plus que les soins du corps entier, suivant ce qui lui convient, les bains dans l'eau tiède et les frictions. Si l'inflammation persiste et que rien ne s'y oppose, Hippocrate prescrit de purger les malades avec un remède propre à chasser la bile.

DE LA MENINGE DEVENUE NOIRE

Or, si la méninge devient noire, et si la couleur noire est superficielle et vient principalement de l'emploi de remèdes pouvant la faire naître, nous traitons en mêlant une partie de miel avec trois parties d'eau de roses, et en l'appliquant sur de la charpie, nous ajoutons les autres moyens ordinaires. Mais si la couleur noire est venue d'elle-même, et surtout si elle est profonde et accompagnée d'autres symptômes graves, il faut alors s'abstenir de ces moyens, car c'est un signe de la cessation de la chaleur naturelle. Toutefois j'ai connu quelqu'un dont le crâne fut trépané un an après avoir reçu une blessure, et qui survécut. En effet, la blessure faite par un trait était située sur le bregma et avait un conduit d'écoulement au moyen duquel la méninge fut préservée.

CHAPITRE XCI.

DES FRACTURES ET CONTUSIONS DU NEZ.

La partie inférieure du nez, étant cartilagineuse, ne se fracture pas ; mais elle peut être contusionnée, aplatie et contournée. Quant à la partie supérieure, qui est osseuse, elle est parfois fracturée. Or, Hippocrate rejette la ligature dans ces fractures, parce qu'elle augmente l'aplatissement et la distorsion ; excepté pourtant lorsque par suite d'un coup il y a des parties saillantes au milieu du nez. Dans ce cas, il emploie le bandage convenable en l'enduisant d'un médicament, afin que le nez comprimé reprenne sa forme naturelle.

Lors donc que le nez a été fracturé, si c'est à sa partie inférieure, il faut y introduire le doigt indicateur ou le petit doigt, et opérer le redressement des parties par le dehors ; si c'est à sa partie interne, il faut faire la même chose dès le premier jour ou peu après avec le bouton d'une sonde; car les os du nez se soudent vers le dixième jour. On doit aussi faire la réduction au dehors avec le pouce et le doigt indicateur. Mais afin que la réduction soit maintenue dans sa forme sans affaissement, il faut placer dans le nez deux coins de chiffons en tortillés et roulés, un dans chaque narine, même si une seule des deux parties du nez a été contournée, et les laisser jusqu'à ce que l'os ou le cartilage soit soudé. Quelques-uns roulent un chiffon autour d'un tuyau de plume d'oie et le placent dans le nez afin de conserver sa forme sans empêcher la respiration ; mais cela n'est pas nécessaire puisque la respiration peut se faire par la bouche.

Si le nez est enflammé, nous y appliquons quelques-uns des remèdes antiphlogistiques, tels que ceux retirés des sucs, ou d'un mélange d'huile et de vinaigre, ou quelque chose de semblable, ou bien des cataplasmes faits avec la farine de blé, et de l'encens ou de la gomme bouillis ensemble, tant pour calmer l'inflammation que pour maintenir le nez. Si le nez est contourné d'un côte ou de l'autre, Hippocrate ordonne qu'après avoir réduit et rajusté les parties, on prenne une longue lanière large d'un doigt ayant un de ses bouts enduit de colle de bœuf ou de gomme, et qu'on colle ce bout sur l'extrémité du nez, du côté où il est incliné ; puis, après qu'il est séché, qu'on porte cette lanière par l'oreille opposée sur l'occiput et sur le front, et qu'ensuite on l'assujettisse sur l'autre bout de la lanière ; de sorte que le nez tiré sur le côte opposé à celui où il est incliné soit redressé de manière à prendre la situation médiane. Cette méthode n'a pas du tout été approuvée par les modernes.

Si les os du nez sont brisés en petits morceaux, il faut inciser ou agrandir les plaies ; et après avoir enlevé les petits fragments osseux avec une pince à épiler, réunir par des sutures les parties divisées, puis employer un pansement hémostatique et agglutinatif. S'il survient un ulcère en dedans du nez, on doit le panser avec des tentes enduites de médicaments. Quelques-uns se servent de tuyaux de plomb jusqu'à cicatrisation, pour que l'ulcère n'engendre pas d'excroissance de chair.

CHAPITRE XCII.

DE LA FRACTURE DE LA MACHOIRE INFÉRIEURE ET DE LA CONTUSION

DE L'OREILLE.

Nous avons parlé dans le troisième livre des contusions de l'oreille, parce que ces affections n'appartiennent pas aux fractures.

Quant à la fracture de la mâchoire inférieure, elle a lieu par plusieurs causes. Si, cassée seulement par le dehors, mais non pas complètement rompue, elle se cave sur sa partie interne, le diagnostic est facile. Il faut alors de la main droite si c'est la partie droite de la mâchoire qui est blessée, et de la main gauche si c'est la partie gauche, introduire dans la bouche du malade les doigts indicateur et médian, et repousser adroitement en dehors la convexité intérieure, pendant que l'autre main seconde à l'extérieur les efforts de celle-ci. Or vous vous assurez de la rectitude de la mâchoire d'après l'égalité de la rangée dentaire du même côté.

Mais si la fracture est en rave, employez d'abord l'extension et la contre-extension, et, un aide maintenant l'os tendu, opérez le redressement, comme on l'a dit. Il faut que les dents séparées du côté fracturé soient rejointes, comme le dit Hippocrate, et attachées avec un lien en or, c'est-à-dire avec ce qu'on nomme un fil d'or. Mais comme tout le monde n'a pas pour cela les ressources suffisantes, on pourra se servir d'un fort fil de lin, de fil de byssus, de crins de cheval ou de quelque chose d'analogue.

Si la fracture est survenue avec plaie, on doit examiner avec une sonde s'il n'y a point séparation de fragments d'os; et si cela est, il faut, la solution de continuité étant petite, l'élargir et enlever les fragments brisés, soit un seul, soit plusieurs, avec un instrument approprié, puis réunir par des sutures les lèvres de la plaie, et appliquer un pansement approprié aux plaies sanglantes que l'on maintiendra par un bandage.

S'il n'y a pas de plaie, on appliquera sur la mâchoire un simple linge cératé et on bandera convenablement. On doit fixer le milieu de la bande vers l'occiput, puis ramener les bouts de chaque côté par les oreilles sur l'extrémité du menton, passer de nouveau par l'occiput, ensuite sous le menton, puis par les joues sur le bregma, et de là revenir encore une fois sous la partie inférieure de l'occiput, où l’on doit terminer la ligature. Ajoutez encore à ce bandage un autre lien qui enveloppera le front et qui, derrière la tête, s'unira en les resserrant à tous ces tours de bande. Quelques-uns appliquent une attelle légère en bois, d'autres une en cuir, de longueur égale à la mâchoire, et puis font le bandage comme nous avons dit. D'autres se servent du lien appelé muselière.

Mais si les deux parties de la mâchoire sont séparées au sommet du menton qui est l'endroit où a lieu leur symphyse, il faut les écarter un peu avec les deux mains, et ensuite les joindre ensemble; puis, après avoir égalisé les dents comme on l'a dit, appliquer le bandage. Après avoir convenablement ligaturé, vous ordonnerez le repos, et qu'on donne aux malades des aliments légers et liquides ; car la mastication leur est contraire. Si vous pensez que quelque chose s'est dérangé dans la disposition des parties, vous lèverez le bandage et vous aurez soin de le replacer de nouveau principalement vers le troisième jour. Vous ferez ainsi jusqu'à la formation du cal. Or la mâchoire est soudée le plus souvent en trois semaines, parce qu'elle est spongieuse et pleine de moelle.

S'il survient quelque inflammation, il ne faut pas négliger contre elle les embrocations et les cataplasmes, ce que vous devez d'ailleurs observer dans tous les cas semblables.

CHAPITRE XCIII.

DE LA FRACTURE DE LA CLAVICULE.

La clavicule dans sa forme naturelle articule son extrémité interne par symphyse avec le sternum, et son extrémité externe par diarthrose avec l'acromion ; et comme par suite de cette disposition elle soutient l'épaule et le bras lui-même, lorsqu'elle vient à être fracturée dans n'importe quelle portion, la partie qui touche à l'épaule est portée la plupart du temps plus en bas que la partie interne, entraînée qu'elle est par le bras. Il vaut mieux que la fracture de la clavicule soit en rave, que longitudinale (schidacide), ou en roseau, ainsi que le pensent la plupart. En effet, quand elle est fracturée en rave, elle est promptement remise en sa place naturelle par l'extension et par la compression faite à l'aide des doigts; tandis que dans les autres fractures, elle présente des saillies difficiles à égaliser.

Si donc elle se trouve de quelque manière fracturée dans toute son épaisseur, deux aides opèrent l'extension en sens contraire, l'un en prenant dans ses mains le bras du côté de la clavicule fracturée et en le portant en dehors et en haut, l'autre en tirant l'épaule opposée ou le cou en tous cas. Quant au médecin, il dirige les fragments fracturés avec ses doigts, poussant en dedans le fragment qui fait saillie et attirant vers le dehors celui qui est enfoncé.

S'il croit nécessaire une plus grande extension, il placera sous l'aisselle une pelote en chiffons ou en laine de grosseur convenable, ou quelque rouleau analogue, et il appliquera le coude sur le flanc et fera pour le reste comme il a été dit. Mais s'il ne peut pas attirer vers la superficie l'extrémité humérale de la clavicule profondément enfoncée, il fera coucher le malade sur le dos, et après avoir placé sous lui entre ses épaules un coussin de grandeur convenable, un aide foulera en bas les deux épaules de manière à faire revenir le fragment profondément enfoncé, et lui-même avec ses doigts encore réduira la fracture.

Si nous sentons quelque esquille tic la clavicule ou vacillante ou piquante, nous incisons droit vers elle avec un bistouri et nous l'enlevons, puis nous aplanissons le reste avec un ciseau, en ayant soin de mettre sous la clavicule pour la fixer un méningophylax ou un autre ciseau. Ensuite, s'il n'y a pas d'inflammation, nous faisons une suture ; s'il yen a, au contraire, nous employons la charpie. Après cela nous préparons diverses compresses et nous posons les plus grandes et les plus épaisses sur l'os saillant pour l'abaisser. S'il y a inflammation, nous les imbiberons d'huile; sinon, nous les mettrons sèches. Puis, plaçant sous l'aisselle voisine une pelote de laine de grosseur convenable, nous appliquons un bandage approprié en faisant passer les bandes comme il convient par les aisselles, par la clavicule malade et par l'omoplate.

Mais si la partie numérale de la clavicule se porte en bas, nous placerons sons le coude, du même côté, le milieu d'une bande plus large, et nous tiendrons tout le bras suspendu au cou; puis avec une autre bande nous suspendrons la main comme on le fait à ceux qui ont été saignés au bras. Si au contraire l'extrémité humérale de l'os se porte en haut, ce qui est rare, il faut s'abstenir de la suspension du bras. Toutefois on doit faire coucher le malade sur le dos et le mettre à un régime léger. Si c’est nécessaire on fera des lotions, et pour le reste on agira comme il convient jusqu’à la formation du cal. Or la fracture de la clavicule est solidifiée la plupart du temps en vingt jours.

CHAPITRE XCIV.

DES OMOPLATES

L’omoplate ne se fracture pas dans sa position large et trapézoïde ; mais son épine peut être fracturée, soit qu’elle éprouve l’impaction ou une simple rupture, soit aussi que parfois il y ait des fragments détachés.

Or l’impaction se reconnaît au toucher parce qu’il y a un enfoncement ; elle produit l’engourdissement du bras voisin et une douleur pungitive.

La rupture se reconnaît par l’aspérité sous le toucher et par la douleur locale. Toutes les deux se traitent par les moyens antiphlogistiques.

Mais la brisure complète, qui se reconnaît aussi par le toucher, se traite, si elle est immobile, par l’application d’un bandage approprié ; si elle est flottante et si elle pique, par l’incision et l’ablation, puis par la suture comme on l’a déjà dit. Il faut appliquer ici un bandage pareil à celui de la clavicule. Le décubitus doit avoir lieu par le côté opposé.

CHAPITRE XCV.

DU STERNUM.

La partie médiane du sternum peut subir la division et l'impaction, et sa pointe peut être détachée. Si donc une rupture a lieu en travers, il s'ensuit une douleur locale, une inégalité et un bruit sous l'application des doigts (crépitation). Si c'est une impaction, il y a douleur forte, dyspnée, toux, parce que la plèvre est piquée, parfois aussi crachement de sang, concavité de la partie blessée et facilité à céder, il faut appliquer ici le même traitement qui a été exposé pour les omoplates. Dans l’impaction, suivant Hippocrate, on doit faire prendre la position que lui-même a indiquée lorsque la clavicule s'enfonce en dedans, savoir, le décubitus sur le dos et la mise d'un coussin entre les deux épaules, puis l'abaissement des omoplates en même temps que l'on comprime de chaque côté les côtes avec les mains.

Or, après avoir couvert les côtes avec de la laine, on fait une ligature circulaire; mais préalablement on met dessous des bandes que l'on fait passer en droite ligne sur les épaules, et dont ensuite les deux bouts sont rattachés avec leurs correspondants pour empêcher le bandage circulaire de glisser.

CHAPITRE XCVI.

DES CÔTES.

Les parties osseuses des côtes, que nous appelons aussi spathes, sont dans leur totalité sujettes à rupture; mais les fausses côtes le sont seulement dans la portion qui joint le rachis ; car dans cette partie seule elles sont de nature osseuse ; et en avant, où elles sont de nature cartilagineuse, elles peuvent seulement être contusionnées, mais non fracturées. Le diagnostic n'est pas difficile. En effet, les doigts de celui qui explore rencontrent une inégalité, font entendre un bruit et glissent vers l'endroit fracturé. Dans les fractures avec enfoncement en dedans, une douleur violente, pungitive et plus forte que celle des pleurétiques, se fait sentir, parce que la plèvre est piquée comme par une pointe. Il y a dyspnée, toux et souvent crachement de sang.

On peut reformer avec les doigts toutes les autres déviations, mais non pas celles en dedans, à cause de la difficulté de l'extension. De là vient que les uns ont prescrit de donner une nourriture venteuse et abondante, afin qu'il résulte de la flatulence et de la tension un refoulement de la fracture à l'extérieur, ce qui n'est point nécessaire ; car en ce qui concerne ceci il n'y a rien de commun entre le thorax et les organes nutritifs, et en outre l'inflammation est augmentée par la réplétion. Les autres appliquent une ventouse, ce qui ne serait pas irrationnel, si la fracture ne devait pas être davantage refoulée en dedans par l'amas de matière provenant de l'attraction. C'est pourquoi Soranus a dit : « Couvrez la partie avec de la laine imbibée d'huile chaude, et remplissez de compresses l'espace intercostal, afin de faire une ligature égale et à révolutions circulaires comme pour le sternum. Faites au reste toutes choses comme chez les pleurétiques proportionnellement à la grandeur du mal. »

Mais si une nécessité urgente vous presse parce que la plèvre est vivement piquée, il faut inciser la peau et mettre à nu la fracture de la côte ; ensuite, plaçant d'abord le méningophylax pour ne pas blesser la plèvre, il faut couper et faire sortir adroitement les esquilles piquantes de l'os. Après cela, s'il n'y a pas d'inflammation, il faut réunir les bords et appliquer le pansement approprié aux plaies saignantes ; s'il y a inflammation, il faut mettre de la charpie imbibée d'huile, puis faire suivre un régime et un traitement antiphlogistiques. Les malades se coucheront de la manière qui leur sera le plus commode.

CHAPITRE XCVII.

DES ISCHIONS ET DES OS DU PUBIS.

Les fractures des os ischions ou des hanches sont rares, et elles sont soumises aux mêmes différences que celles des omoplates ; en effet, ces os peuvent être brisés à leurs extrémités, se rompre suivant leur longueur et être déprimés dans leur milieu. Il s'ensuit une douleur locale et un sentiment de piqûre et de pulsation, puis un engourdissement subit de la jambe causé par la compression. Les mêmes dispositions sont exigées ici que dans les fractures des omoplates.

Toutefois on ne doit pas essayer d'extraire les fragments brisés à travers les parties externes incisées ; mais, si cela est nécessaire, il faut les rajuster avec les doigts. On devra ensuite employer les autres moyens, se servir de lotions et remplir les endroits creux des hanches avec des compresses de manière à faire une jonction égale des bandes circulaires superposées.

On doit agir de même pour ce qui regarde les os du pubis, car nous n'avons rien de particulier à dire sur leur compte.

CHAPITRE XCVIII

DES VERTÈBRES, DE L'ÉPINE DU DOS ET DE L'OS SACRUM.

Les contours des vertèbres sont quelquefois affectés de contusion, mais rarement de fracture. Dans ces cas, si les méninges vertébrales ou la moelle elle-même sont comprimées, les sympathies nerveuses s'éveillent et une mort rapide s'ensuit; surtout si l'affection a lieu sur les vertèbres cervicales. Il faut par conséquent, après avoir prévenu du danger, oser, si cela est possible, enlever à l'aide d'une incision l'os qui comprime. Si cela n'est pas possible, on doit adoucir le mal par le traitement antiphlogistique.

Mais si quelqu'une des apophyses vertébrales qui constituent ce qu'on appelle l'épine est brisée, on le constate promptement à l'aide des doigts, en faisant remuer et changer de place la portion fracturée. Il faut alors, si cela est nécessaire, l'extraire en incisant la peau; et après avoir réuni par des sutures, employer un pansement approprié aux plaies sanglantes.

Si l'os sacrum est fracturé, on doit introduire dans l'anus le doigt indicateur de la main gauche, et avec l'autre main, remettre autant que possible l'os fracturé en place. Si nous sentons quelque fragment, nous allons le prendre au moyen d'une incision et nous employons un bandage et un traitement convenable.

CHAPITRE XCIX.

DU BRAS.

Dans la fracture du bras, Hippocrate opère l'extension de cette manière : « Il faut, dit-il, attacher une corde aux extrémités d'un morceau de bois oblong pareil à un manche de cognée, et le suspendre transversalement à une poutre ; le malade sera assis sur un siège élevé et placé plus droit que dans la position appelée orthocathédron (assis sur son séant); son bras sera passe au-dessus du morceau de bois dont nous venons de parler, de manière à adapter transversalement le milieu de ce bois à son aisselle ; le coude ayant été plié à angle droit, un aide attentif contiendra la main ; ensuite on suspendra au coude quelque corps pesant, comme une pierre, un poids de plomb ou quelque chose de semblable ; puis, laissant ce poids suspendu en l'air, vous ajusterez ainsi la fracture. Au lieu d'un poids, un aide pourra tirer le bras en bas. Quelques-uns, à la place d'un manche de cognée, se servent d'un barreau d'échelle. »

Voici comment agit Soranus : « On dispose le malade assis, ou, ce qui est mieux, couché sur le dos pour qu'il sente moins de douleur; on lie le poignet avec un lien, et on le suspend au cou de manière que le bras garde la forme angulaire; puis on ordonne à deux aides d'entourer le bras avec leurs mains, l'un au-dessus, l'autre au-dessous de la fracture, et de faire ainsi l'extension. Si une tension plus forte est nécessaire, on place autour du bras deux liens égaux, l'un au-dessus, l'autre au-dessous de la fracture ; puis, confiant les chefs des deux liens à deux aides placés, l'un au-dessus de la tête du patient, l'autre à ses pieds, on leur ordonne de tirer en sens opposés.

Mais si la fracture se trouve à la partie voisine de l'acromion, on place le milieu d'une bande sous l'aisselle et on la confie à l'aide qui est près de la tête du malade, tandis que l'autre aide tire en sens opposé l'autre partie de la fracture, et on opère, ainsi qu'on l'a dit, l'extension. De même, si la fracture est près du coude, on appose un lien à la jointure du bras avec l’avant-bras, ou bien autour du poignet.

Dès que la coaptation des os fracturés a eu lieu, on fait cesser l'extension ; mais il faut placer le bandage à la manière d'Hippocrate. Or, si la fracture est récente et sans inflammation, on doit se servir de bandes de toile très longues et larges de trois ou quatre travers de doigt, imbibées d'eau ou d'oxycrat. S'il y a de l'inflammation, on se sert de laine douce et légère imbibée d'huile.

Si la fracture est au milieu du bras, il faut appliquer le commencement de la bande sur la fracture, et dès qu'on a fait deux ou trois tours, il faut porter la bande sur la partie supérieure, afin, dit-il, que l'afflux du sang soit arrêté; puis on la finit dans cette partie. Il faut ensuite appliquer de même sur la fracture le commencement d'une seconde bande et agir comme pour la première, en amenant celle-là de haut en bas ; puis on retourne de nouveau vers la partie supérieure, et on termine ainsi. La constriction doit être mesurée tant suivant notre sensation que selon celle du malade.

Mais si la fracture a lieu près de l'acromion, on enveloppe avec la première bande l'acromion, les omoplates et le sternum, de manière à composer le bandage qu'on appelle géranis[30] puis on descend avec la seconde bande jusqu'au coude, et on remonte de là sur les parties déjà liées en comprenant dans le bandage, en même temps que l'acromion, les omoplates et le sternum, de même qu'on l'a fait avec la première bande.

Si la fracture a lieu près du coude, il faut lier le coude en lui conservant la disposition angulaire. On agit de même pour les autres membres tels que les avant-bras, les jambes et les cuisses. Si la fracture existe vers une extrémité ou près d'une articulation et non dans le milieu du membre, il faut lier le membre en même temps que l'articulation. »

Les modernes, aussitôt après la ligature, appliquent des attelles pour maintenir la coaptation des fragments, et ils les serrent en suivant la sensation, et aussi en raison de la tuméfaction inflammatoire. Mais les anciens plaçaient les attelles au bout d'une semaine. C'est en effet pendant cet espace de temps que l'inflammation décroit et que le membre devient plus petit.

Hippocrate prescrit de défaire le bandage le troisième jour, de peur qu'il ne survienne quelque tension ou un dérangement fortuit dans la partie ligaturée, et afin que les exhalations qui se fixent d'abord à l'endroit fracturé ne soient pas longtemps arrêtées, causes par lesquelles il arrive non seulement que quelques malades éprouvent des démangeaisons pénibles, mais encore parfois que des ulcères se forment sur la peau qui se trouve rongée par l'âcreté des humeurs. Il faut donc bassiner avec de l'eau tempérée autant qu'il est nécessaire pour faire évacuer les humeurs. Après une semaine, on doit mettre plus d'intervalle pour défaire la ligature ; attendu que les parties ont moins d'humeurs à évacuer, et aussi parce que le cal se formé mieux ainsi.

Au reste, les attelles doivent être placées de cette façon : il faut appliquer sur les bandes des compresses pliées en trois et imbibées d'huile ; si le membre est partout également gros, on les met d'une manière égale ; s'il est inégalement épais, on remplit les parties creuses avec des linges, afin d'avoir des surfaces égales et planes pour la pose des attelles. Ensuite, avant entouré les attelles d'une quantité convenable de laine ou d'étoupe, nous les plaçons tout autour de la fracture à une distance d'au moins un doigt les unes des autres, serrant modérément et nous gardant autant que possible d'approcher les attelles de l'articulation, et surtout de la partie interne de sa courbure ; car dans ces régions elles produisent quelquefois des ulcères et des inflammations des nerfs. Aussi faut-il que dans cet endroit elles soient plus courtes, comme aussi elles doivent être plus fortes sur la convexité de la fracture.

Il est mieux de lier modérément le bras au thorax, afin que le malade dans ses mouvements ne fasse pas dévier la disposition des parties. Mais si par hasard il survient de l'inflammation, et nous le reconnaîtrons par la tuméfaction et par la rougeur des parties, et parce que le membre est alors beaucoup plus serré qu'auparavant ; ou bien si les fragments ne sont plus en rapport, ou si, aucun de ces phénomènes ne se montrant, les bandes paraissent plus relâchées ou plus serrées qu'elles ne doivent être ; dans tous ces cas, il faut défaire la ligature pour obvier à ces accidents. On doit faire coucher le malade sur le dos, et il aura la main posée sur l'épigastre. On met sous son bras un coussin bien doux, et au-dessous, un cuir destiné à recevoir et à faire écouler le liquide des lotions. On arrose tous les jours avec de l'huile chaude, surtout s'il y a inflammation. La nourriture doit être légère pendant le temps de l'inflammation, mais ensuite suffisante pour la formation du cal. Le repos doit être gardé jusqu'à la consolidation.

Or le bras et la jambe sont consolidés vers le quarantième jour, après lequel il convient de délier le malade, de lui faire prendre un bain et de le traiter à l'aide des emplâtres propres aux fractures. Cette manière d'agir convient à presque toutes les autres fractures des membres.

CHAPITRE C.

DU CUBITUS ET DU RADIUS.

Tantôt le cubitus et le radius sont tous les deux en même temps fracturés, tantôt un seul de ces os est cassé. La fracture a lieu, soit au milieu de ces os, soit à une extrémité près du coude ou près du poignet. La plus grave de toutes est celle des deux os en même temps ; après celle-ci, c'est celle du cubitus seul. De toutes la plus aisée à guérir est la fracture du radius. En effet, quoiqu'il soit plus volumineux que le cubitus, néanmoins il repose sur celui-ci et il est soutenu par lui.[31]

Or si l'un deux seulement est fracturé, c'est sur celui-là qu'il faut faire l'extension la plus forte. Si ce sont les deux, il faut faire une extension égale, après avoir donné à la main une disposition angulaire, de telle sorte que le pouce soit le plus élevé des doigts, et que le petit doigt soit le plus bas de tous : c'est dans cette position, en effet, que le cubitus se trouve placé sous le radius.

Mais s'il est besoin d'une extension plus forte, surtout quand les deux os sont cassés, il ne faut plus faire cette extension seulement avec les mains, mais avec des lanières, comme on l'a dit au chapitre du bras. On doit aussi employer pour cette fracture tout le système de bandage avec les autres moyens, ainsi que l'apposition des attelles jusqu'à consolidation.

Or les fractures de l'avant-bras se consolident le plus souvent en trente jours. On le dispose de la même manière que le bras fracturé, à l'exception des objets que l'on place sous celui-ci.

CHAPITRE CI.

DE LA MAIN ET DES DOIGTS.

Les os du carpe, du métacarpe et des phalanges des doigts, étant de leur nature spongieux et celluleux, sont souvent contusionnés, niais rarement fracturés. Le malade ayant donc été placé sur un siège élevé, on lui ordonne de poser sa main en pronation sur une planche unie : puis, faisant tirer par un aide les parties fracturées, on les replace à l'aide de deux doigts, le pouce et l'index. On doit faire la ligature serrée à l'époque où il ne survient point d'inflammation ; car, en raison de la porosité de ces os, le cal y devient facilement volumineux.

Mais lorsqu'une phalange ou un doigt est affecté de fracture simple, si c'est le grand doigt qu'on appelle aussi le pouce, après une ligature convenable on doit l'attacher lui-même avec Imminence thénar pour qu'il ne puisse pas faire de mouvement : si c'est un des autres, l'index ou le petit, il faut le lier avec son voisin : si c'est un de ceux du milieu, avec celui de chaque côté, ou bien les lier tous ensemble par ordre. En effet, les doigts fracturés resteront plus immobiles de cette manière, comme s'ils étaient liés avec des attelles.

CHAPITRE CII.

DE LA CUISSE.

Tout ce qui regarde la cuisse est analogue à ce qui a été dit du bras. Ce qu'il y a de plus particulier, c'est que la cuisse fracturée se tourne en avant et en dehors ; en effet, elle s'étend naturellement en ces sens. Or on la réduit à l'aide des mains, de lacs et de courroies également tendus, l'une placée au-dessus de la fracture et l'autre au-dessous.

Mais quand la fracture est survenue à une extrémité, d'une part si c'est près de la tête de l'os, nous plaçons au périnée le milieu d'une courroie garnie de laine pour qu'elle n'entame pas les chairs ; et conduisant les bouts vers la tête du malade, nous les confions à un aide pour les maintenir ; puis nous enroulons une autre bande au-dessous de la fracture, et nous en confions les bouts à un autre aide pour faire l'extension.

D'autre part, si c'est près du genou qu'est la fracture, nous enroulons une courroie autour du membre au-dessus de l'endroit fracturé, nous en donnons les bouts à un aide pour l'extension, et nous maintenons le genou lui-même à l'aide d'une autre bande également enroulée. Nous opérons la réduction de cette partie le malade étant couché et ayant sa jambe étendue. Quant aux esquilles piquantes, nous les soulevons et flous les enlevons comme On l'a souvent dit. Les autres soins à apporter ont été décrits au chapitre du bras.

Or la cuisse se consolide en cinquante jours environ. La manière de l'arranger sera décrite après l'instruction sur la jambe entière.

CHAPITRE CIII.

DE LA ROTULE.

La rotule est un os spongieux fortement contenu par les parties supérieures et inférieures, souvent contus mais rarement fracturé. Or elle est sujette à la fracture simple à travers son épaisseur et à la fracture comminutive avec ou sans blessure extérieure. Les signes en sont évidents. En effet, il y a dérangement dans la continuité, concavité et bruit (crépitation).

On opère la réduction la jambe étendue, car c'est ainsi qu'on peut rapprocher avec les doigts les deux fragments jusqu'à ce que leurs bords se touchent et se joignent l'un à l'autre. Si la fracture est comminutive, on remet les fragments en place. En effet, lors même que le cal ne se formerait pas à cause de la traction en sens contraire opérée de chaque côté par les muscles et les nerfs qui se réunissent en venant de la cuisse et de la jambe, toutefois une grande portion de l'écart disparaîtrait. Néanmoins cet écartement apporte aux malades quelque difficulté ; car à la moindre fatigue le genou ne peut plus les soutenir ; et ils sont gênés dans la marche, surtout lorsqu'il faut monter. En effet, dans les endroits plans la difficulté n'est pas apparente ; mais pour monter cette difficulté se montre à découvert, lorsqu'il faut plier le genou dans l'action de lever et de poser la jambe. Quant aux esquilles piquantes, il faut les extraire après les avoir d'abord soulevées, puis on continue le traitement approprié.

CHAPITRE CIV.

DE LA JAMBE.

Tout ce que nous avons dit au sujet de l'avant-bras s'applique à la jambe. En effet, celle-ci est composée de deux os dont l'un, plus gros, porte le même nom qu'elle (tibia), et l'autre, plus mince, a reçu le nom de péroné à cause de sa forme. Il y a les mêmes différences dans leurs fractures. Or quand les deux os sont brisés, la jambe se contourne de tous les côtés, mais de trois manières seulement quand un os est cassé, savoir en dedans et en dehors, et en arrière si c'est le tibia, et en avant si c'est le péroné. Aussi faudra-t-il réduire de la même manière à l'aide des mains et des liens appliquées au-dessus de la fracture, tantôt sur la jambe elle-même et tantôt sur la cuisse; car l'articulation du genou étant plus solide, la traction la laissera sans dommage. Pour la partie située au-dessous de la fracture, on agira comme il a été dit pour l'avant-bras, et pour les autres choses, comme il a été dit au chapitre du bras.

CHAPITRE CV.

DES EXTRÉMITÉS DES PIEDS.

Le talon n'est pas fracturé, en général, parce que son os est préservé de tous côtés par le tibia, par le péroné et par le cuboïde. Mais le scaphoïde, les os du tarse et ceux des doigts des pieds, ainsi que le cuboïde lui-même, peuvent être fracturés de même que les os du carpe, du métacarpe et des doigts de la main. C'est pourquoi, pour ne pas répéter la même chose, il faut encore transporter ici ce que nous avons dit au sujet de ces derniers.

CHAPITRE CVI.

DE LA MANIÈRE D'ARRANGER LA JAMBE.

Dans les fractures de la cuisse ou de la jambe, vous ne devrez pas apporter moins de soins dans la manière de disposer le membre que dans les autres parties du traitement. En effet; la rectitude des parties fracturées dépend surtout de la bonne exécution de cet ai-rangement. Or quelques-uns placent le membre fracturé de la jambe tout entière sur une gouttière soit en bois, soit en terre cuite. D'autres n'y placent que les fractures compliquées de plaie, parce que, disent-ils, on ne peut les serrer dans des attelles. Toutefois les modernes ont repoussé complètement l'usage des gouttières, et cela pour plusieurs raisons, mais principalement à cause de leur dureté qui blesse les parties. Il ne faut pas rejeter non plus l'emploi des attelles; même dans les fractures avec plaie, ainsi que nous le montrerons.

On fera donc coucher le malade sur le dos et on placera sous la jambe, et principalement sous la partie où se trouve la fracture, un morceau d'étoffe épaisse de même longueur que la jambe, ramassé et roulé de chaque côté, et formant dans le milieu une concavité oblongue analogue à une gouttière. On étendra sur ce morceau d'étoffe une peau douce pour recevoir les affusions ; puis on introduira la jambe suivant sa longueur dans cette concavité formant gouttière, et on placera sur les côtés d'autres morceaux d'étoffe ou de la laine pour que le membre ne puisse pas dévier sur les côtés. Ou appuiera la plante du pied sur une petite planche verticale, garnie de chiffons afin qu'elle soit plus douce ; et pour plus de sûreté, après avoir placé le milieu de deux ou trois bandes sous la gouttière d'étoffe, on liera légèrement avec ces bandes la gouttière et le membre fracturé.

Mais si le malade impatient essaye de contracter tout le pied, il faut l'attacher doucement, le long du tarse, à la planche dont nous venons de parler, afin que le pied ne puisse être contracté même involontairement pendant le sommeil, comme cela arrive. Quelques-uns ouvrent par le milieu le fond du lit, afin que les malades en restant immobiles puissent par cette ouverture évacuer l'urine et les selles jusqu'à la consolidation du cal.

CHAPITRE CVII.

DES FRACTURES COMPLIQUÉES DE PLAIE.

Lorsqu'une fracture est compliquée de plaie, s'il y a hémorragie, il faut d'abord l'arrêter; s'il y a inflammation, nous employons les moyens propres à l'éteindre ; s'il y a contusion des chairs, nous débridons la partie pour ôter toute crainte de la gangrène ; si malgré cela celle-ci ou quelque autre putridité corrosive survient, nous la réprimons comme il convient. Vous trouvez le traitement de chacun de ces accidents dans le quatrième livre. Si aucun d'eux ne survient et s'il n'y a pas une grande portion d'os dénudé, nous opérons d'abord, comme de juste, l'ablation des esquilles piquantes ou flottantes, puis nous employons les anctères et les sutures, appliquant ensuite le pansement approprié aux plaies sanglantes.

Mais si un os considérable est en saillie, et si l'on ne parvient pas par l'extension à amener la coaptation de cet os à cause de sa grosseur, il faut y apporter une sérieuse réflexion. En effet, Hippocrate défend absolument de replacer les os saillants dans les fractures de la cuisse et du bras, prédisant que cela amènera du danger à cause de l'inflammation et du tiraillement des muscles et des nerfs, produites, comme c'est naturel, par l'extension. Cependant le temps a montré que l'opération est quelquefois convenable. Au reste, quel que soit l'os saillant que nous voulions replacer, il ne faut pas le faire pendant l'inflammation, mais bien le premier jour, avant qu'elle se déclare, ou vers le neuvième jour, lorsqu'elle est déjà apaisée.

Or nous rajustons les os avec le levier appelé mochlisque. C'est un instrument en fer ayant jusqu'à sept à huit doigts de longueur, assez épais pour ne pas plier sous l'effort, ayant son extrémité amincie, large et légèrement courbée. On place son extrémité mince sous la partie saillante de l'os, et avec l'autre bout on opère la résistance ; en même temps, une extension modérée ayant lieu sur le membre, nous portons les deux extrémités fracturées en face l'une de l'autre. Mais si nous ne pouvons y parvenir, il faut retrancher la saillie osseuse avec des ciseaux exciseurs, ou bien la scier de la manière que nous avons décrite au chapitre des fistules. Puis, après avoir aplani les aspérités des os et redressé le membre, nous pansons avec de la charpie enduite des remèdes convenables. Il faut surtout porter son attention sur les membres appelés omozyges ou dizyges (composés de deux os accouplés), dans lesquels après avoir scié une portion d'os de chaque côté, on doit employer une juste extension, afin que le nombre ne reste pas raccourci.

Quant au bandage, il se fera ainsi : les révolutions des bandes seront circulaires autour du membre de chaque côté de la plaie, elles seront obliques sur la longueur de cette plaie, de manière à former une ouverture en se croisant toutes en forme de chi (X). Si cette plaie se trouve encore sordide, on emploiera des remèdes détersifs; si elle est de bon aspect, de la charpie enduite de remèdes incarnatifs ou d'autre substance indiquée par l'expérience. Hippocrate ordonne de se servir de charpie enduite d'emplâtre de poix. On dit que ce n'est autre chose que le basilicum tetrapharmacum. Après que la chair aura repullulé, on emploiera les attelles. Quelques-uns s'en servent dès le commencement en préservant seulement la place où est la plaie, et ils les serrent ou les relâchent suivant que le besoin l'exige. Dans les cas où une exfoliation doit avoir lieu, nous le connaîtrons, parce qu'il sort une humeur abondante et séreuse et parce que la chair de l'ulcère devient molle et fongueuse. Alors nous emploierons une ligature plus lâche, et après avoir, avec un crochet ou quelque chose d'analogue, enlevé la partie exfoliée, nous serrerons de nouveau les bandes plus fortement. Or, pendant tout le temps que durera l'ulcération, on mettra sur la plaie un plumasseau de charpie enduit d'un des remèdes antiphlogistiques ; et on le maintiendra avec; un simple lien qui devra être défait à chaque pansement, les autres bandages décrits devant rester comme il a été dit au chapitre du bras.

CHAPITRE CVIII.

DE L'HYPERTROPHIE DU CAL.

L'hypertrophie du cal dans les fractures produit en tous cas une difformité, mais même quelquefois une difficulté dans les fonctions quand il se trouve au voisinage des articulations. Si donc le cal est récemment consolidé, nous employons des remèdes très astringents en les appliquant au moyen du bandage. Quelquefois nous avons réussi en posant dessus une lame de plomb. Mais si le cal est pierreux et solide, nous incisons et nous le raclons, ou bien nous enlevons ce qui proémine avec le ciseau, et nous trépanons même si cela est nécessaire.

CHAPITRE CIX.

DE LA DIFFORMITÉ DU CAL.

Lorsque la consolidation se fait sans que les fragments soient en rapport, il en résulte une grande difficulté de fonctions, surtout si cela arrive aux pieds. Il ne faut pas alors recourir à une nouvelle fracture, ce qui amènerait d'extrêmes dangers. Mais si le cal est nouvellement consolidé, nous employons les affusions et les cataplasmes relâchants, ainsi que ceux qui sont faits avec des figues grasses et des déjections de pigeons ; nous nous servons aussi des autres remèdes appelés porolytiques (dissolvants du cal). En outre, nous le dissolvons par la trituration et par le massage fait tout autour avec les mains. Mais s'il est déjà pierreux, nous divisons avec un bistouri les chairs surjacentes, et nous séparons les fragments réunis avec un ciseau. Ensuite nous traitons la fracture comme il a été dit précédemment.

CHAPITRE CX.

DES FRACTURES QUI NE SE CONSOLIDENT PAS.

Il y a des fractures qui ne sont pas consolidées après le terme fixé par la nature, soit parce qu'on les débandé trop souvent, soit parce que tes affusions ont été immodérées, soit par suite de mouvements intempestifs, d'une trop grande quantité de bandages, ou parce que le corps ne se nourrit pas ; il en résulte que le membre devient plus mince. Il faut donc s'efforcer d'éloigner les autres causes et surtout l'atrophie, d'une part, en attirant les matières vers la partie au moyen d'applications chaudes, d'autre part en administrant une nourriture suffisante ainsi que des bains, et en procurant toutes les satisfactions du cœur.

Or, les signes de la consolidation du cal sont, outre les autres, surtout l'exhalation du sang sur les bandages, même s'il n'y a pas de plaie, ce qui provient peut-être de ce que, quand la substance du cal se dépose sur les os, cette substance comprime alors des gouttes de sang en se répandant dans les cellules osseuses.

CHAPITRE CXI.

DES LUXATIONS.

Nous arrivons maintenant au traité sur les luxations, qui est la suite de celui sur les fractures. Or, la luxation est, pour parler sommairement, la chute fortuite de la tête d'un os hors de sa cavité propre, accident qui empêche les libres mouvements des membres. Nous n'avons pas à en signaler d'autres différences que celle du plus au moins. En effet, si la séparation de l'articulation est complète, la maladie recevra le nom commun et général de luxation (exarthrème); s'il y a seulement dérangement ou si la tête de l'os n'est portée que jusqu'au sourcil de la cavité, on l'appelle pararthrème (luxation incomplète).

CHAPITRE CXII.

LUXATION DE LA MACHOIRE INPÉRIEURE.

Nous commençons de nouveau par les parties supérieures, et nous parlons d'abord de la mâchoire inférieure; car la supérieur, étant immobile, n'est pas exposée à la luxation. Quant à l'inférieure, elle ne subit pas souvent la luxation complète, parce que ses têtes sont solidement fixées sur la mâchoire supérieure ; mais elle éprouve souvent le pararthrème, parce que les muscles qui la maintiennent, s'amollissant par l'exercice continuel de la mastication et de la parole, se relâchent facilement à la première cause venue. En effet, le mot σχᾶται, dans Hippocrate, indique le relâchement lorsque l'articulation revient d'elle-même et sans aucune difficulté dans sa place naturelle.

Pour ce qui concerne les luxations complètes de la mâchoire, il suffit de vous rapporter ses paroles, qui sont concises, parfaites et claires. Or, il s'exprime ainsi : « La mâchoire se luxe rarement, mais elle se relâche souvent dans les bâillements, comme aussi plusieurs autres modifications des muscles et des nerfs produisent cet effet. Voici ce qui dénote surtout cette luxation : la mâchoire inférieure proémine en avant et s'avance vers les parties opposées à celles d'où elle a glissé; l'apophyse coronoïde de l'os apparaît plus saillante à la mâchoire supérieure, et les deux mâchoires se rapprochent difficilement. »

« Or, la manière d'opérer la réduction est évidente. En effet, il faut que quelqu'un maintienne la tête, que le médecin saisisse la mâchoire inférieure vers le menton avec les doigts en dedans et en dehors, le malade ouvrant la bouche aussi modiquement que possible. L'opérateur fera d'abord mouvoir quelque temps la mâchoire et la poussera de côté et d'autre avec la main, en ordonnant au malade lui-même de la tenir relâchée, de se prêter et de se laisser aller au mouvement le plus possible; puis tout à coup il s'appliquera à terminer par trois manœuvres en même temps, savoir : remettre en leur place naturelle les parties séparées, pousser en arrière la mâchoire inférieure, et enfin rapprocher conséquemment par là les mâchoires, et empêcher le malade de les écarter. Tel est le moyen de faire la réduction, et on ne pourrait l'opérer par d'autres manœuvres. Il suffira d'un court traitement; on appliquera une compresse cératée assujettie à l'aide d'une bande peu serrée. Toutefois il est plus sûr d'opérer le malade couché sur le dos dans son lit, la tête appuyée sur des coussins de cuir très remplis, afin qu'ils cèdent le moins possible ; il faut que quelqu'un maintienne la tête du blessé. »

« Si la mâchoire est luxée des deux côtés, le traitement est le même ; dans ce cas le malade peut moins joindre les deux mâchoires, parce que le menton est trop saillant en avant, et toutefois sans être dévié. Or, vous reconnaîtrez qu'il n'y a pas déviation surtout par les arcades dentaires inférieure et supérieure, qui doivent correspondre. Il importe d'opérer la réduction le plus vite possible; la manière de la faire a été dite. Dans le cas où elle n'aurait pas lieu, il y aurait danger pour la vie par suite de la fièvre continuelle et d'un carus profond ; car les altérations et les tiraillements anormaux de ces muscles amènent le coma, et le ventre a coutume d'évacuer des matières bilieuses, pures, en petite quantité; et si les malades vomissent, ils rendent des matières sans mélange. Aussi ces malades meurent en général vers le dixième jour. »

Nous avons nous-même employé souvent ce mode de réduction, après nous être d'abord servi de fomentations d'eau et d'huile chaude au moyen d'une éponge sur la mâchoire luxée, surtout quand la réduction présentait des difficultés ; nous faisions placer le malade par terre, et, nous tenant debout derrière lui, nous opérions suivant la méthode ci-dessus décrite d'Hippocrate.

CHAPITRE CXIII.

DE LA CLAVICULE ET DE L'ACROMION.

L'extrémité interne de la clavicule ne se luxe pas; car elle est jointe au sternum par synarthrose et non par diarthrose, d'où il suit qu'elle ne fait avec lui aucun mouvement. Mais si elle était disjointe par un coup frappé vivement à l'extérieur, nous emploierions le même mode de réduction que pour la fracture.

Quant à l'extrémité qui s'articule à l'épaule, elle ne peut guère se luxer, empêchée qu'elle est par le muscle biceps et par l'acromion. Cet os ne peut par lui-même faire aucun mouvement de quelque importance, et n'a pour office que de dégager le thorax. Aussi l'homme est-il le seul parmi les animaux qui ait une clavicule. Mais si, comme cela arrive dans les exercices du palestre, elle vient à éprouver une pararthrème, on la redressera par la réduction au moyen de la main, et par l'application de compresses multiples en même temps que de bandages convenables.

Par les mêmes moyens on fait revenir à 6a place naturelle l'acromion incomplètement luxé. C'est un os cartilagineux qui joint la clavicule à l'omoplate et qui devient invisible dans les squelettes. Quand il se déplace, il présente aux gens inexpérimentés l'apparence d'une luxation de la tête de l'humérus. En effet, dans ce cas, le haut de l'épaule semble plus saillant, et l'endroit d'où l'os est sorti paraît creux. Mais on peut distinguer ces cas par les signes qui seront donnés tout à l'heure.

CHAPITRE CXIV.

DE LA LUXATION DE L'ÉPAULE.

La tête du bras articulée dans la cavité de l'omoplate en sort souvent, mais jamais par en haut, attendu qu'elle en est empêchée par l'apophyse coracoïde de l'omoplate, ni en arrière à cause de l'omoplate elle-même, ni en avant à cause du tendon du muscle biceps et à cause de l'acromion, rarement en dehors et en dedans, mais fréquemment en dessous et surtout chez les sujets maigres; chez eux aussi, elle se luxe et se réduit facilement; chez les gens replets, au contraire, elle se luxe moins facilement, mais aussi la réduction y est difficile. Souvent à la suite d'un coup on suppose une luxation qui n'existe pas, à cause d'une forte inflammation qui en résulte.

Or, voici comment vous pourrez reconnaître les luxations en dessous : l'épaule malade comparée à l'épaule saine en diffère beaucoup ; le haut de l'épaule d'où la sortie a eu lieu paraît creux, de même que nous l'avons remarqué dans le pararthrème de l'acromion. L'acromion lui-même semble plus saillant que dans l'état naturel : en outre, la tête de l'humérus, sortie de sa cavité, paraît manifestement tombée dans l'aisselle; le coude de ce côté est plus éloigné des cotes, et si vous voulez le forcer de s'en rapprocher, ce mouvement est douloureux : les malades ne peuvent porter la main à l'oreille parce que le coude reste tendu, ni faire aucun autre mouvement multiple avec cette main.

Or, chez les enfants ou chez ceux dont la luxation est récente et peu considérable, le médecin, avec le condyle saillant du doigt médian plié, ou le malade lui-même avec celui de sa main valide, si ce n'est pas un enfant, peut souvent la réduire, comme le dit Hippocrate. Mais les modes de réduction les plus efficaces sont ceux-ci : il faut coucher le malade sur le dos par terre après l'avoir baigné ou arrosé d'affusions relâchantes, puis lui appliquer sous l'aisselle une pelote de grosseur moyenne, soit en cuir, soit en toute autre matière pas trop molle; le médecin doit se placer en face du patient et du côté malade. Si c'est l'épaule droite qui est luxée, il posera le talon du pied droit sur la pelote placée sous l'aisselle ; si c'est l'épaule gauche, il posera le talon gauche ; puis, saisissant la main du bras malade, il la tirera vers les pieds en même temps qu'avec son talon il poussera contre l'aisselle; un aide placé derrière la tête fera résistance sur l'autre épaule afin que le corps ne soit pas entraîné.

Il y a encore un autre mode de réduction, c'est celui appelé catomismos (par l'épaule). Il faut qu'un jeune homme, plus grand que le malade ou placé plus haut que lui du côté affecté, passe sa propre épaule sous l'aisselle du patient qui se tient debout le long de lui, et qu'en se haussant, il tire le bras luxé vers son épigastre, de telle sorte que le reste du corps du malade soit suspendu en l'air derrière celui qui catomise (prête son épaule). Si le malade n'est pas pesant, un enfant peu lourd se suspendra après lui. En effet, le bras d'une part, et le reste du corps de l'autre, étant tirés en équilibre par en bas, l'épaule posée sous l'aisselle réduit facilement la luxation.

Nous faisons encore cette opération à l'aide de l'instrument appelé pilon à mortier. C'est un morceau de bois oblong, droit, que l'on fixe debout au sol ou à quelque autre base solide ; son extrémité supérieure est arrondie, pas très grosse, ni cependant trop mince : on la place sous l'aisselle du malade, qui se tient debout ou assis selon la hauteur du pilon ; puis, le bras étant étendu le long du pilon et tiré en bas pendant que le reste du corps est à son tour attiré en bas, soit par son propre poids, soit par quelqu'un, la réduction a lieu.

Ceci peut encore se faire sur un barreau d'échelle, comme nous l'avons dit pour l'extension du bras fracturé. Mais ici il faut lier sur l'échelon quelque corps rond pouvant s'adapter a l'aisselle du malade et repousser la tête de l'humérus.

Toutefois si nous éprouvons de la difficulté à réduire à cause de l'ancienneté de la maladie ou de l'induration des parties, nous employons la méthode dite par l’ambé. Or l'ambé est un morceau de bois, dont la longueur est de deux coudées, la largeur de quatre doigts, l'épaisseur de deux doigts. L'une de ses extrémités est arrondie et propre à s'adapter au creux de l'aisselle de la même manière que le bout du pilon. On enveloppe de chiffons cette extrémité pour qu'elle soit plus douce, et on l'ajuste à la tête de l'humérus dans l'aisselle. Après avoir étendu tout le membre le long de ce bois, on les liera ensemble au bras, à l'avant-bras et à la main ; puis, passant le membre lié à l'ambé par dessus un barreau en bois transversalement ajusté entre deux poteaux droits ou encore par dessus un barreau d'échelle, de sorte que l'aisselle soit placée transversalement sur le barreau, d'un côté on tire le membre en bas, et de l'autre on laisse le reste du corps suspendu en l'air; alors l'articulation rentre à sa place.

Après la réduction, il faut placer sous l'aisselle une pelote en laine de grosseur moyenne, sèche s'il n'y a pas d'inflammation, et imbibée d'huile s'il y a inflammation ; puis on fera la ligature. On devra comprendre dans une déligation en forme de X (chi) autant que possible l'aisselle malade, l'épaule et l'autre aisselle, de telle sorte que le chiasma se trouve sur l'épaule affectée. Quant au bras, on l'attachera sur les côtes; puis l'avant-bras et la main jusqu'à son extrémité seront suspendus en écharpe au cou, de peur que l'articulation ne se luxe de nouveau. Après le septième jour ou même plus tard, on déliera et on emploiera une friction modérée, afin que la partie devenant plus solide, la jointure soit plus rebelle à la luxation.

Mais si l'articulation se luxe souvent, soit à cause d'une humidité abondante, soit parce que d'anciennes luxations ont tracé la route, il faut en venir à la cautérisation, comme je l'ai dit plus haut. Lorsque la luxation a lieu citez des fœtus ou chez des enfants en bas âge, et qu'elle ne se réduit pas, à la vérité les chairs de l'épaule restent dans l'état naturel, car il n'y a pas d'empêchement à ce que le bras opère ses mouvements ; seulement l'os du bras, ne prenant pas d'accroissement, reste plus petit, et l'on appelle ces enfants galiancônes (bras courts). Si cet accident a lieu à la cuisse, l'os reste également sans accroissement, et toute la jambe dépérit ; car, ne pouvant supporter le poids du corps, elle ne prend pas d'exercice. Dans les luxations permanentes des autres membres, toutes les parties sous-jacentes sont également endommagées.

CHAPITRE CXV.

DU COUDE.

La luxation du coude se produit avec d'autant plus de difficulté que son articulation est plus compliquée que celle de l'épaule; mais si elle a lieu moins facilement, elle est aussi plus difficile à réduire à cause de la multitude des saillies et des cavités. Or, quelquefois le coude éprouve seulement le pararthrème, souvent aussi il est complètement luxé, et cela dans tous les sens, mais principalement en avant et en arrière. On le reconnaît facilement par la vue et par le toucher de l'os déplacé, car celui-ci se présente à l'endroit vers lequel il s'est porté, tandis qu'une cavité apparaît dans le lieu d'où il est sorti. C'est surtout par la comparaison avec le coude bien portant que le diagnostic est rendu évident. Il importe de faire de suite la réduction avant qu'il y ait de l'inflammation; car s'il en survient auparavant, la guérison est difficile ou même quelquefois tout à fait impossible, principalement si la luxation a lieu en arrière; en effet, de toutes les luxations du coude, la plus douloureuse et surtout la plus grave est celle qui se fait en arrière.

A une déviation modérée on opposera une extension médiocre, Les aides maintiendront le membre étendu et tireront en sens opposé sur le bras et sur l'avant-bras; le médecin, avec la jaunie de la main, remettra en sa place naturelle la partie luxée. Hippocrate redresse la luxation en avant par une soudaine inflexion du membre, de manière à ce que la paume de la main aille toucher droit l'épaule ; et celle en arrière par une extension subite aussi et vigoureuse, et cela parce que ces luxations ont lieu principalement, celle en avant par une extension violente, et celle en arrière par une inflexion également violente du membre. Si la luxation persiste, nous employons une extension plus forte ; telle est surtout celle dont parle Hippocrate au sujet de la fracture du bras, dans, laquelle il employait le manche de cognée.

Quelques-uns des modernes réduisent de cette manière : deux aides tirent le membre comme on l'a dit, l'un le tenant en haut près des aisselles, l'autre en bas près du poignet ; le médecin se tient en face du malade, il embrasse avec ses deux mains le membre sur l'articulation, et ordonne qu'avec un morceau d'étoffe plié suivant sa longueur ou avec une large bande, on enveloppe ses mains en même temps que le bras du malade, puis, qu'on tire en sens inverse en dehors et en bas, près de la main ; lui-même en suivant le mouvement tire avec effort ses mains serrées jusqu'à ce qu'il franchisse la luxation du coude. On doit d'abord frotter d'huile le membre malade afin que les mains du médecin puissent agir et glisser plus facilement. Les parties luxées, étant ainsi comprimées par l'effort des mains que l'on entraine, reviennent en leur place naturelle. Après la réduction, ayant donné au membre la forme angulaire, nous employons les bandages et les ligatures convenables.

CHAPITRE CXVI.

DE LA LUXATION DU POIGNET ET DES DOIGTS.

La luxation du poignet et des doigts n'offre aucune difficulté à moins qu'elle ne soit compliquée de plaie. En conséquence, on en parlera dans le chapitre où il sera traité des luxations compliquées de plaie. Quant à celles qui ont lieu sans plaie, on les guérit par une extension modérée et par les moyens antiphlogistiques.

CHAPITRE CXVII.

DES VERTÈBRES DU DOS.

Si une luxation complète des vertèbres du dos a lieu, il en résulte une mort très prompte ; car la moelle ne peut supporter aucune compression, puisque la compression seulement des nerfs qui en sortent suffit pour amener du danger. Mais ces os sont souvent affectés de pararthrème. Tantôt la déviation a lieu en avant, et on l'appelle lordose (courbure en avant); tantôt «lie a lieu en arrière, et on la nomme cyphose (bosse, gibbosité); quelquefois elle a lieu sur les côtés, et on lui donne le nom de scoliose (obliquité). Lors donc que plusieurs vertèbres à la fois subissent une très faible déviation, l'ensemble de cette déviation paraît considérable, parce qu'elle se fait suivant une courbe, avec une très forte flexion ; et quelques-uns croient, bien à tort, qu'alors une seule vertèbre est considérablement déviée. Mais une grande déviation rend l'incurvation du rachis non pas arrondie mais anguleuse, et alors aussi il en résulte un plus grand danger.

Or, quand la déviation du rachis a lieu en dedans, le redressement est impossible, parce qu'on ne peut pas la repousser en exerçant un effort en avant à travers le ventre. Hippocrate réfute suffisamment ceux qui croient opérer quelque redressement en étendant ces malades sur des échelles, en leur appliquant des ventouses, ou en excitant chez eux l'éternuement, la toux ou un développement de gaz. En effet, comme souvent, par suite de la fracture de quelqu'une des apophyses de l'épine dorsale, il paraît un endroit creux, comme on l'a dit au chapitre des fractures, quelques-uns ont cru que cette affection était la lordose; puis, l'ayant guérie avec promptitude, car le cal s'y forme vite, ils ont déclaré que la lordose était facilement curable, quoiqu'elle soit tout à fait impossible ou au moins très difficile à guérir. Effectivement chez ceux qui en sont atteints, l'urine et l'excrétion stercorale sont d'abord supprimées, et le corps se refroidit, puis ensuite l'évacuation de ces matières devient involontaire. Or, cela a lieu par suite de la sympathie des nerfs et des muscles ; et les malades meurent promptement, surtout si la maladie affecte les vertèbres d'en haut et celles du cou.

Quant à la cyphose qui survient surtout chez les petits enfants, Hippocrate déclare qu'elle devient chronique et qu'elle, n'est pas promptement mortelle, mais que ceux qui en sont affectés sont toujours souffreteux et ne guérissent jamais. Mais si la cyphose provient d'une chute récente, les appareils de réduction par l'échelle, ou parla suspension droite du malade, ou par l'application d'une outre gonflée, sont ridicules, et le mode de redressement d'Hippocrate est le seul qui convienne.

Il faut, dit-il, prendre un grand madrier de bois, ayant assez de longueur et de largeur pour recevoir le malade, ou bien un banc également grand, et le déposer auprès d'un mur en l'étendant dans le sens de sa longueur le long de ce mur et à une distance au plus d'un pied : on le couvrira d'étoffes afin que le corps du patient ne soit pas meurtri. Après avoir baigné le malade, on retendra couché sur le ventre sur ce madrier ou sur ce banc; puis on entourera deux fois sa poitrine avec une lanière en faisant passer celle-ci par les aisselles et en la liant sur le dos ; on attachera les bouts de la lanière à un morceau de bois oblong et droit semblable à un pilon de mortier que l'on fixera en terre à l'extrémité du madrier ou du banc sur lequel est couché le malade, et on le donnera à maintenir par le haut à un aide qui se tiendra debout derrière la tête du patient ; de manière que, d'une part l'extrémité inférieure étant tenue dans la résistance, et de l'autre une tension étant exercée en haut, au-dessus de la tête, quand le moment sera opportun, on opère ainsi l'extension. Ensuite on attachera les deux pieds ensemble avec une courroie au-dessus des malléoles, puis avec une autre les parties au-dessus des hanches, en faisant croiser les bouts sur les reins ; nous joindrons à leur tour les bouts de ces courroies, et nous les attacherons à un second morceau de bois semblable à un pilon de mortier comme celui dont nous venons de parler; puis nous fixerons ce pilon à l'extrémité du madrier ou du banc vers laquelle se trouvent les pieds, de la même manière que le premier. Cela fait, nous ordonnerons aux aides de faire l'extension et la contre-extension au moyen des pilons.

Quelques-uns font cette extension avec les instruments appelés onisques; ce sont des axes qui tournent sur des pièces de bois droites (espèces de treuils). On place ces axes à chaque bout du grand madrier ou banc, aux deux extrémités où sont la tête et les pieds, et les courroies que l'on tire viennent s'y enrouler. Pendant qu'on fera ainsi l'extension, nous-mêmes refoulerons la cyphose avec la paume des mains, et, s’il le faut, nous nous assoirons dessus, pourvu qu'il n'y ait rien à craindre.

Si le rachis ne se redresse pas de cette manière, et ai le malade supporte la pression, il faut creuser horizontalement une espèce de canal sur le mur adjacent vis-à-vis de la gibbosité, de manière que ce creux ait la longueur d'une coudée et ne soit pas plus haut ni beaucoup plus bas que le rachis du malade; il faut même que ce creux ait été préparé d'avance, et c'est pour cela que dès le commencement nous nous sommes mis en devoir de placer le madrier près d'un mur. Ensuite nous plaçons l'un des bouts d'une planchette moyenne dans le creux fait à la muraille; le milieu de cette planche, ou la partie qui se rencontre vis-à-vis de la cyphose, est appuyé sur la gibbosité ; et nous abaissons l'autre bout jusqu'à ce que le redressement du rachis ait lieu d'une manière sensible.

Mais, comme dit Hippocrate, l'extension seule, sans la pression avec la planchette, et à son tour la pression seule, au moyen de la planchette, est suffisante pour effectuer ce qui est nécessaire. Or, si cela est vrai, il n'est pas hors de propos de pratiquer tout d'abord dans la lordose et dans la scoliose l'extension dont nous avons parlé, et cela sans la pression.

Après le redressement, il faut avoir une feuille de bois large de trois doigts et longue autant qu'il faut pour dépasser la cyphose et quelques-unes des vertèbres saines; puis on l'enveloppe de bandes de toile ou d'étoupes, à cause de la dureté, on la placé sur les vertèbres et on la lie convenablement. Ensuite on doit mettre le malade à un régime léger. Si après cela il reste quelques traces de cyphose, on doit employer pendant longtemps des remèdes relâchants et émollients, sans omettre la pression au moyen de la feuille de bois. Quelques-uns se sont servis d'une lame de plomb.

CHAPITRE CXVIII.

DE LA LUXATION COXO-FEMORALE.

Les autres articulations des os sont sujettes tantôt au pararthrème, tantôt à la luxation complète ; mais l'articulation coxale ainsi que celle de l'épaule, ne permettent que la séparation entière des os, et surtout l'articulation coxale, parce qu'elle possède une cavité profonde et arrondie qui est munie de bords très élevés. Si donc il arrive que par suite d'une violence considérable, la tête de l'os sorte de sa cavité propre, il en résulte plu sieurs différentes espèces de luxations suivant que le déboitement est plus ou moins considérable. La luxation coxale a lieu de quatre manières : ou en dedans, ou en dehors, ou en avant, ou en arrière. Elle a lieu fréquemment en dedans et en dehors, mais beaucoup plus souvent en dedans ; rarement en avant et en arrière.

Chez ceux où la luxation a lieu en dedans, si on compare la jambe malade avec celle qui est saine, la première paraît plus longue et le genou plus abaissé ; les malades ne peuvent plier le membre aux aines ; une tumeur manifeste apparaît vers le périnée lu où la tête de la cuisse s'est précipitée. Dans le cas où la luxation a glissé en dehors, les signes contraires se montrent; car la jambe paraît plus courte ; il y a un creux du côté du périnée, et une tumeur s'élève vers la fesse ; le genou est porté plus en dedans, et les malades ne peuvent plier le membre. Dans la luxation en avant, les malades étendent complètement le membre, mais ils ne peuvent le plier sans une douleur de la partie ; et s'ils essaient de marcher, ils ne peuvent le porter en avant : les urines sont supprimées, l'aine est tuméfiée, la fesse paraît ridée et comme décharnée, et dans la marche les malades se traînent sur les talons. Ceux chez qui la luxation a lieu en arrière ne peuvent étendre le jarret ni le genou, et ne peuvent les plier sans que les aines soient d'abord fléchies ; leur jambe est plus courte, l'aine semble plus vide, et la tête de la cuisse apparaît vers la fesse.

Chez ceux dont la luxation a été négligée depuis leur enfance ou simplement depuis un long temps, et est restée sans traites ment, la guérison est impossible, car le membre est déjà estropié. Mais à peux chez qui la luxation est survenue récemment, on appliquera le traitement d'Hippocrate. En conséquence, il faut sans retard amener la coaptation, puisque les luxations coxo-fémorales, devenues chroniques, sont complètement incurables. Or, la réduction qui se fait par rotation et par glissement de l'articulation, ainsi que celle par l'extension, conviennent également aux quatre espèces de luxation. En effet, la maladie étant récente et le malade jeune, quelquefois, en saisissant la cuisse et en la portant de ci de là, nous avons opéré la coaptation. Si la luxation est en dedans, on atteint le but en pliant vivement et fortement le membre vers l'aine aussi en dedans que possible. Mais si la luxation ne cède pas à ces manœuvres, on emploie l'extension, et d'abord celle avec les mains, les unes tirant le membre en bas en serrant la cuisse et la jambe, les autres maintenant le corps en haut sous les aisselles.

Mais s'il faut une plus forte extension, on attachera la jambe au-dessus des malléoles avec des lanières en tissu ou tressées, ou bien avec des courroies ; et afin que le genou ne soit point offensé, on liera la cuisse au-dessus de lui. Il n'est pas nécessaire de mettre un lien autour de la poitrine; mais, ainsi qu'on l'a dit, on saisira le corps avec les bras par les aisselles, puis on adaptera au périnée le milieu d'une bande à la fois douce et forte que l'on fera arriver sur l'épaule en passant, en avant sur l'aine et sur la clavicule, en arrière sur le dos ; nous confierons à un aide les deux bouts de cette bande ; ensuite, tous ensemble tirant de manière à soulever le corps du malade, on opérera l'extension.

Or, ce mode d'extension est commun aux quatre espèces de luxation de la cuisse ; mais il y a pour chacune d'elles un mode propre de réduction de l'os. En effet, si la luxation a lieu en dedans, il convient, pendant l'extension du malade, de disposer le milieu de la bande qui passe par le périnée, entre la tête de la cuisse et le périnée lui-même, et de reporter cette bande par l'aine adjacente et par la clavicule ; puis un jeune homme em brassera avec ses deux bras la cuisse malade par sa partie la plus charnue, et la tirera vigoureusement en dehors.

Ce mode de replacement est plus facile que les autres; mais si l'articulation n'y cède pas, on doit en employer d'autres plus compliqués, il est vrai, mais plus efficaces. Il faut alors que le patient soit étendu sur le grand madrier ou banc sur lequel nous étendons ceux qui ont la cyphose à la colonne vertébrale. On creusera sur la surface presque entière de ce bois des espèces de mortaises allongées ayant au plus trois doigts de largeur et de profondeur, et éloignées les unes des autres au plus de quatre doigts, de sorte que l'extrémité d'un levier, trouvant un point d'appui dans ces mortaises, opère son effort du côté où il sera nécessaire. Au milieu du madrier ou du banc, on fichera debout lin autre morceau de bols long d'un pied, et gros comme Un manche de cognée, de manière que, le malade étant étendu sur le dos, ce morceau de bois se rencontre entre le périnée et la tête de la cuisse ; car ainsi il empêchera que le corps ne cède aux efforts de ceux qui tireront par les pieds, et par cela même on évitera souvent la nécessité de faire par en haut la contre-extension, en même temps que pendant l'extension du membre, ce bois repoussera en dehors la tête de la cuisse. Or, l'extension aura lieu surtout par les pieds et de la manière que nous avons exposée plus haut.

Mais si la réduction n'a pas lieu de cette manière, il faudra enlever le bois fiché droit, et de chaque côté de la placé où il était, on en fichera deux autres comme des montants de porte, n'ayant pas moins d'un pied de longueur; à ceux-ci on en adaptera un autre comme un barreau d'échelle, de manière à donner à ces trois morceaux de bois la figure de la lettre H (ἦτα) ou de la lettre P (πῖ) si le bois du milieu est ajusté un peu au-dessous du sommet des deux autres. Ensuite, le malade étant couché sur le côté sain, nous pousserons la jambe saine entre ces deux montants et sous le bois qui fait l'office d'échelon, la jambe malade sera passée au-dessus de cet échelon, de manière qu'il soit en rapport avec la tête de la cuisse. On aura d'abord étendu sous celle-ci des étoffes en plusieurs doubles, afin qu'elle ne soit pas contusionnée : un autre morceau de bois ayant une épaisseur médiocre et une longueur égale à celle de la jambe depuis la tête de la cuisse jusqu’à lit malléole, sera disposé et attaché en dedans de la jambe. L'extension étant faite soit avec des pilons de mortier, comme dans la cyphose, soit de la manière que nous venons de dire, on tirera en bas la jambe avec le bois qui y a été attaché, afin que par cet effort la tête de la cuisse retourne dans son siège propre.

Il y a encore un autre mode de réduction, sans l'extension sur le madrier, qui est recommandé par Hippocrate. Il faut, dit-il, attacher mollement les mains du malade à ses flancs, et lier les deux pieds avec une courroie forte et souple vers les malléoles et au-dessus des genoux, en laissant entre eux une distance de quatre doigts; la jambe malade devra être tirée de deux doigts plus que l'autre, et ensuite on suspendra le patient par les pieds de manière que sa tête soit distante de la terre de deux coudées. Un jeune homme habile embrassera le plus promptement possible avec ses deux bras la cuisse malade à l'endroit où est la tête du fémur, puis tout à coup il se suspendra lui-même avec force au patient ; la coaptation se fera alors facilement. Tel est ce mode de réduction ; il est plus simple que les autres et il n'exige pas de grands appareils ; mais la plupart le rejettent comme trop propre à exciter la commisération.

Si la luxation a lieu en dehors, on fera l'extension comme plus haut ; mais il convient de porter la bande du périnée par les parties opposées, je veux dire par les aines et par la clavicule de l'autre côté ; le médecin fera mouvoir un levier de dehors en dedans au moyen de celle qui conviendra parmi les mortaises creusées, pendant qu'un aide fera résistance au levier sur la fesse saine, afin que le corps ne cède pas.

Pour les luxations en avant, pendant l'extension du patient, un homme vigoureux, posant la paume de sa main droite sur l'aine malade, comprimera avec l'autre main en dirigeant la compression par en bas et dans la direction du genou.

Dans la luxation en arrière, il ne faut pas que l'extension du malade soit portée jusqu'au point de soulever son corps, mais que celui-ci repose sur le plan solide comme dans la luxation en dehors. On opérera l'extension, le patient étant couché sur le ventre sur le madrier ou banc, de la manière que nous avons décrite pour la cyphose; seulement on n'attachera pas les courroies sur les hanches, mais bien sur la jambe, comme nous l'avons dit tout à l'heure. Il faut employer la compression par la planche sur la fesse à l'endroit où la tête de l'os est tombée.

Toutes ces choses sont relatives aux luxations coxales provenant de causes procatarctiques. Mais quand la luxation coxale a lieu par suite d'une trop grande quantité d'humeurs comme celle de l'épaule, on emploie la cautérisation, comme on l'a dit dans le chapitre où il en a été traité.

CHAPITRE CXIX.

DE LA LUXATION DU GENOU.

Le genou se déplace de trois manières, savoir : en dedans, en dehors et par le jarret ; car la, rotule l'empêche de se déplacer en avant. Nous nous servons des mêmes modes d'extension, en employant convenablement tantôt les mains seules, tantôt les, courroies, et nous suivons, le même traitement, ayant soin de, conserver longtemps la partie dans l'immobilité.

CHAPITRE CXX.

DE LA LUXATION DU PIED ET DES ORTEILS.

La luxation incomplète de l'articulation du pied se guérit par une extension modérée : mais la luxation complète exige de plus puissants moyens, et il faut alors aussi essayer de mettre en œuvre la plus vigoureuse extension avec les mains. Mais si la réduction n'a pas lieu, le malade ayant été étendu par terre, sur le dos, on fixera droit et profondément en terre un pieu long et fort, placé entre ses cuisses et vers le périnée, de manière qu'opérant une résistance, il empêche le corps de céder à la traction exercée sur les pieds. Il vaut mieux le planter avant que le malade soit étendu à terre. Si on a à sa disposition le grand madrier au milieu duquel doit être fixé, comme nous l'avons dit, un pieu d'un pied de long, on y pratiquera la traction. Un aide maintiendra la cuisse et y fera résistance : un autre aide, avec les mains ou avec une courroie, tirera le pied pendant que le médecin opérera la coaptation avec les mains et qu'un autre aide maintiendra en bas l'autre pied.

Après la réduction, il faut appliquer un bandage solide en portant les liens ou la bande tant sur le tarse que vers les malléoles : nous devrons prendre garde de ne pas serrer le tendon postérieur vers le talon (tendon d'Achille), et de ne pas faire marcher le patient jusqu'au quarantième jour; car si les malades essaient de marcher avant guérison complète, ils rendent difficile l'usage de leur membre.

Si par suite d'un saut, comme cela arrive, l'os du talon est déplacé, et s'il survient quelque autre accident inflammatoire, l'extension et la réduction devront être opérées avec douceur; on se servira de fomentations antiphlogistiques et de bandages solides, et le malade devra garder de même le repos jusqu'à son rétablissement.

Quant à la luxation des orteils, on la redressera sans difficulté par une traction modérée, comme nous le disions pour les doigts des mains. Or, dans toutes les luxations complètes et incomplètes, si après la réduction et les jours de repos prescrits, il reste dans les articulations, comme cela est naturel, de l'inflammation et de la tuméfaction qui les mettent dans l'impossibilité d'agir pendant longtemps, nous les guérissons par des remèdes émollients dont aucun de ceux qui pratiquent notre art n'ignore la composition.

CHAPITRE CXXI.

DES LUXATIONS AVEC PLAIE.

Il est nécessaire d'user de beaucoup de prudence dans les luxations avec plaie; car leur réduction amène de très grands dangers, quelquefois même la mort. En effet, les nerfs et les muscles voisins venant à s'enflammer par suite de la tension, il survient de violentes douleurs, des convulsions et dos lièvres aiguës, principalement quand il s'agit des articulations des coudes, des genoux et de celles situées plus haut : car, plus la jointure est voisine des organes importants, plus le danger est grand. Aussi Hippocrate défend absolument de les réduire et de les ligaturer fortement. Il prescrit d'employer seulement les moyens antiphlogistiques et adoucissants dans le commencement; en effet, c'est en agissant ainsi qu'on sauvera peut-être la vie aux malades.

Mais, ce qu'il conseille pour les doigts seuls, à noire four nous tenterons de le faire pour les autres articulations; dès le commencement donc, lorsque la partie est encore sans inflammation, nous essayons de replacer l'articulation luxée par une traction modérée; et si nous atteignons noire but, nous attendons en employant seulement les moyens antiphlogistiques.

Mais s'il survient quelque inflammation, ou convulsion, ou quelqu'un des accidents susmentionnés, on doit déboiter de nouveau l'articulation si cela se peut sans violence. Si même nous redoutons ce danger, car les parties enflammées ne céderaient peut-être pas facilement, il vaut mieux ajourner d'abord la réduction lorsqu'il s'agit des grandes articulations; puis quand l'inflammation est apaisée, et cela arrive après le septième ou le neuvième jour, nous prévenons d'avance du danger qui résulte de la réduction, comme aussi que la non réduction laissera les malades estropiés toute leur vie, puis nous essayons de faire sans violence l'opération, employant même le levier pour plus de commodité. Du reste, nous traitons la plaie comme il a été dit au sujet des fractures avec plaie.

CHAPITRE CXXII.

DE LA LUXATION COMPLIQUÉE DE FRACTURE.

Si une luxation a lieu avec fracture sans plaie, on doit employer l'extension ordinaire et la réduction avec les mains, ainsi que nous l'avons dit pour les fractures et pour les luxations simples. Mais s'il y a plaie, il faut faire l'opération convenable en suivant de même ce qui a été déjà dit dans les chapitres des fractures et des luxations avec plaie.

 


 

[1] Les anciens ruginaient les os dans le but d'obtenir leur adhésion aux parties charnues et d'éviter la carie qui soit leur dénudation lors même qu'ils sont recouverts de chair, mais sans adhérer à celle-ci. (Voyez plus loin Paul d'Egine, ch. lxxvii, Des fistules.)

[2] La vraie traduction de ce mot serait angiologie ; niais les anciens n'attachaient pas, à ce qu'il paraît, à cette expression, le sens qu'elle a aujourd'hui.

[3] Paul d'Égine fait ici allusion à Léonidès, qui, d'après Aétius, brûlait les vaisseaux sans les couper.

[4] Instrument à deux tranchants en forme de spatule.

[5] En forme de bec de bécasse.

[6] On en trouve un autre attribué à Démosthène Philathète; il est ainsi conçu :

Chaux vive.................................................................................... 4 onces.

Cendres gravelées faites avec la lie récente                    2 gros.

Nitre fixé par les charbons........................................................    2 gros.

Minium......................................................................................    1 gros.

Délayez dans de la lessive, et réduisez à consistance de miel.

[7] Au chapitre xxii du 3e livre de ses œuvres, Paul indique plusieurs remèdes locaux pour l'aegilops, soit qu'il y ait fistule, soit qu'il n'y ait encore que collection lacrymale ou purulente. Parmi eux il préconise surtout la bouillie d'épeautre macérée dans du vinaigre; il prétend qu'elle peut guérir la maladie i toutes ses périodes.

[8] Albucasis, qui a copié ce chapitre de Paul mot à mot, ajoute ici qu’il faut remplacer le rouleau par un linge cératé jusqu’à ce que l’inflammation soit apaisée et guérir ensuite la solution de continuité par des moyens appropriés

[9] Ce chapitre de Paul d'Égine est trop peu détaillé pour être parfaitement intelligible : on y suppléera en le conférant avec ce que dit Celse sur le même sujet, Mb. VII, sect. 9.

[10] Paul donne dans son 7e livre, chap. 43, la composition de cette poudre; la voici :

Cyprès............................................................. 8 drachmes.

Myrrhe............................................................ 12 —

Sandaraque..................................................... 3 —

Fleurs de roses............................................... 2 —

Crocus (safran)............................................... 1 —

Magma de safran.................................... ……2 —

Alumine (oxioto).................................... .2 —

Iris d'Illyrie                                                     2 —

[11] J'aurais dû traduire le titre : De la laryngotomie suivant l'expression grecque ; mais ce mot ne serait pas exact suivant notre langage actuel. Les anciens confondaient souvent la trachée-artère, la bronche, le larynx et le pharynx. Ce chapitre en est une preuve.

[12] Paul traite du cancer en général. On y trouve d’abord répétées les paroles qu’il reproduit ici, puis il ajoute que son nom lui vient, selon quelques-uns, de ce que quand il s'est emparé d'un organe, il ne le lâche plus, de même que fait le crabe quand il s'est attaché a quelque chose ; il est incurable et ne cède à aucun moyen, ni au adoucissants, qui ne changent rien à son état, ni aux remèdes énergiques, qui le rendent pire. Il arrive cependant quelquefois qu'on empêche le cancer de se développer, si l'on évacue l'humeur atrabilaire avant que la maladie ait pris racine. Les saignées et les purgatifs sont au premier rang des moyens à employer. Dans les cancers ulcérés, on applique le suc de solanum. Au chapitre 67, liv. III, Paul traite du cancer utérin; il décrit cette affection et l'aspect qu'elle présente. Que le cancer soit ou non ulcéré, il préconise les applications émollientes et narcotiques.

[13] Method., liv. xiv.

[14] Paul d’Egine est le seul auteur grec, je crois, qui parle de ces isques, dont il donne d’ailleurs immédiatement la définition : ce mot ne se trouve dans aucune édition du Thésaurus d’Henri Etienne et dans aucun dictionnaire ou lexique à l’exception de celui de Castelli. Qu’était-ce donc que la cautérisation par les isques ? Il me paraît impossible de ne pas voir là une véritable application du moxa ; et la qualification de barbares appliquée par Paul aux peuples qui ont inventé ce moyen de cautérisation, et qui en font usage, me semble une confirmation de cette opinion. Au reste, le passage de notre auteur est assez clair pour que chaque lecteur puisse se former une opinion à cet égard.

[15] Paul renvoie ici au chap. 48 du 3e livre de ses œuvres. Dans ce chapitre, l’auteur distingue trois sortes d'hydropisies : la première a lieu lorsqu’il y a un peu d’eau et beaucoup de gaz dans le ventre; il l'appelle tympanite. La seconde existe lorsqu'il y a beaucoup d'eau et peu de gaz; c'est l’ascite. La troisième se produit lorsque l'eau se répand dans la texture des membres; il la nomme leucophlegmatie à cause de la couleur qu'elle donne à la chair, ou hyposarcidios, ou enfin anasarque. Ces différentes espèces d'hydropisies ont diverses causes : la première, une inflammation ou une induration du foie qui empêche la sanguification, ou encore une affection de l’estomac et des intestins, ou de longues fièvres; la seconde provient des mêmes causes, et en outre d'affections de la rate, de fluxions intestinales qui attirent à elles l'alimentation du reste du corps; enfin la troisième a lieu quand le sang qui circule dans le corps devient froid et pituiteux. Paul indique ensuite une longue série de remèdes contre ces diverses hydropisies, et il termine en indiquant la paracentèse contre l'ascite.

[16] Bistouri pointu et très étroit.

[17] Ce chapitre, ainsi que l’indique son titre, est pris dans Galien, Methodus medendi, lib. VI, cap. 5, 2, 10, p. 414 de l’édition de Kühn; mais il n’a pas été pris textuellement, et notre auteur a abrégé Galien en beaucoup d’endroits ses abréviations sont même assez considérables pour que le texte soit parfois obscur, et que les opérations qui y sont décrits soient difficiles à comprendre. Je suppléerai donc d’après le texte de Galien, mais dans mes notes les passages qui me paraîtront manquer de clarté. Le manuscrit S m’a surtout servi ici pour rendre intelligibles plusieurs passages qui ne l’étaient pas avec toutes les autres leçons.

[18] Je crois qu’en suivant à la lettre le procédé décrit ici, on ne remédierait guère à l'hypospadias; car Paul d'Égine ne dit pas comment il rétablit le méat dans sa direction naturelle. Le champ est donc ouvert aux conjectures. Je constate seulement que le texte est clair et précis.

[19] Paul fait allusion ici au ch. 45. liv. III de ses œuvres. Dans ce chapitre, il donne d’abord le diagnostic différentiel des coliques néphrétiques et les signes auxquels on reconnait la présence des calculs rénaux. C’est une douleur vive aux reins semblable à celle causée par un poinçon qu’on y enfoncerait, la douleur d’un des testicules, l’engourdissement de la ruine, la constipation, les vents et les évacuations bilieuses, les urines rares et chargées de sables, la constriction des voies urinaires. Ensuite il donne les symptômes des calculs dans la vessie: ce sont les mêmes qu’il répète ici. Quant à l’étiologie des calculs, il dit que c’est une humeur épaisse et terreuse qui en est la cause matérielle, et que la chaleur brûlante des reins et de la vessie en est la cause efficiente. Il indique les médicaments propres à dissoudre les calculs ce sont, pour les reins, la racine d’asperge et de ronce, le verre brûlé, le trèfle d’eau, le bdellium, l'écorce de racine de laurier, le poivre noir, la semence d'althaea, le vinaigre scillilique, les bains, etc., etc. Il parle d'un remède très vanté chez les Troglodytes : il s'agit d'un tout petit oiseau analogue au roitelet, que l'on conserve dans le sel et qu'on mange cru ; non seulement il expulse par le moyen de l'urine les calculs déjà formés, mais encore il empêche qu'il s'en forme d'autres. On peut aussi le faire brûler vivant avec ses plumes, et mêler le résida de la combustion avec du poivre et du vin miellé pour le boire. Quant à la prophylaxie de la gravelle et des calculs, il prescrit un régime modéré et l'exercice; il défend l'alimentation végétale et lactée, ainsi que le vin et la viande, et, en un mot, les mets chauds et excitants, et les condiments.

[20] Ici se termine le manuscrit S, n° 446 Supp.

[21] D'après M. de Haller, ce chapitre serait pris d'Archigène.

[22] Paul renvoie au chap. 76 du liv. iii, qui a pour titre : De l'accouchement difficile). Ce serait déflorer ce chapitre que de l'analyser ici ; nous aimons mieux y renvoyer le lecteur, en rappelant que Paul fut surtout renommé comme accoucheur pendant sa vie, et qu'au rapport d'Aboulfaradj les sages femmes venaient de toutes parts le consulter.

[23] Faire usage alternativement des sternutatoires et des parfums convenable! (Daléchamp).

[24] On ne comprend pas bien pourquoi l’auteur a fait ici mention du dragonneau, puisqu’il se borne à renvoyer à son 4e livre, chap. 58, où il traite de cet helminthe. Quoi qu’il en soit, voici en substance ce qu’il en dit : « C’est dans l’Inde et dans la haute Égypte qu’on rencontre tel animal; il se loge dans les parties musculeuses. Après un séjour plus ou moins prolongé, une extrémité du ver vient aboutir à la peau et y détermine un abcès qui suppure et qui fait saillir au dehors le bout de l'animal. Il survient des douleurs vives, surtout si, en voulant attirer le dragonneau, on le brise. Les uns, pour le tirer sans le rompre, suspendent, au bout qui pend, un petit poids en plomb ; d'autres prétendent que ce procédé cause de grandes douleurs, le condamnent et prescrivent des bains locaux, et l'extraction sans violence avec les doigts. Soranus nie que ce soit un animal, et prétend que ce n'est qu'une concrétion nerveuse. Cet auteur, ainsi que Léonidès, voulait qu'on traitât par des allusions et des cataplasmes, ou par des emplâtres de baies de laurier et de miel. Ces moyens font sortir le dragonneau; mais, s'ils ne réussissent pas, il faut disséquer la peau et enlever le ver par cette opération. »

[25] Il faut conférer avec cet endroit le passage de Celse, liv. V, sect. 27,3, où il dit que « la succion d'une plaie empoisonnée par morsure de serpent ou par les flèches, telles que celles dont les Gaulois se servent à la chasse, est innocente; mais il faut que le suceur n'ait pas de plaie à la bouche. »

[26] Ce» divisions sont prises de Soranus avec quelques modifications. (Voy. Cocchi, Collection de Nicétas, p. 45.)

[27] Soranus dit que l'encopé est une fissure de l'os faite par la chute d'un corps tranchant. (Cocchi, loc. cit.)

[28] Soranus définit l'impaction : fracture multiple dans laquelle l'os reste comme broyé. (Cocchi, loc. cit.)

[29] Soranus dit : « La subgrundation a lieu lorsque l'os fracturé s'insinue sous le bord de l'os opposé en comprimant la méninge. » (Cocchi, loc. cit.)

[30] Cf. Galien, De fasciis, n. 74.

[31] Il est certain, d'une part, que le cubitus est plus long que le radius; d'autre part, que la somme des diamètres réunis de ces deux os est à peu près la même; d'où il résulte qu'il n'est pas exact de dire que le radius est plus considérable que le cubitus. Pourtant Hippocrate (lib. De fracturis, cap. 4, édit. de M Littré), d'accord avec Paul d'Égine, dit : « si l'os supérieur (le radius) est fracturé, bien qu'il soit le plus gros, considérant, lui aussi, le radius comme plus gros que le cubitus. Je n'ai point voulu imiter les commentateurs de Paul, en faisant dire à mon auteur le contraire de ce qu'il dit. Je crois qu'ici Paul d'Égine, comme Hippocrate, n'a voulu considérer que la partie du radius qui de beaucoup est la plus sujette à fracture, c'est-à-dire la portion inférieure de cet os, laquelle est en effet notablement plus grosse que la partie correspondante du cubitus. De cette manière, les expressions de Paul, et d'Hippocrate, se trouvent exactes; ce qui n'a pas lieu si l’on veut rapporter ces expressions à la totalité de l'os.