De
la taille, de la greffe et de la plantation des vignes.
I.
C'EST au mois de mars, dans les pays froids, qu'on s'occupe généralement de la
taille des vignes, dont nous avons amplement parlé au mois de février,
jusqu'à ce que les bourgeons commencent à poindre. Maintenant il faut les
greffer, tandis que leurs larmes forment plutôt une humeur épaisse qu'une
goutte limpide. Vous prendrez donc garde que la souche que vous grefferez soit
solide et fournisse d'abondantes larmes, qu'elle ne soit ni desséchée par la
vieillesse, ni endommagée par quelque accident. Quand elle sera taillée,
choisissez pour la greffe des scions fermes, ronds et garnis d'une épaisse
rangée de bourgeons. Néanmoins trois bourgeons suffiront pour la greffe. Vous
raclerez le sarment sur une longueur de deux doigts, en conservant l'écorce
d'un côté. Quelques-uns ne permettent pas qu'on découvre la moelle, mais ils
ratissent légèrement de manière que la partie grattée se termine
graduellement en pointe, et que celle qui garde son écorce s'adapte à
l'écorce de sa nouvelle mère. Le bourgeon le plus bas sera enfoncé dans la
souche au point d'y être incorporé. Vous le tournerez en dehors, et vous
l'attacherez avec un lien de saule que vous recouvrirez d'un mélange de boue et
de paille. Vous le défendrez aussi du vent et du soleil à l'aide de quelque
abri, pour qu'il ne soit ni ébranlé par l'un, ni brûlé par l'autre. Quand la
chaleur commencera, vous verserez souvent, avec une éponge, vers le soir, un
peu d'eau sur la ligature, afin de donner ainsi à la greffe la force de
supporter l'ardeur du soleil. Lorsque le bourgeon se sera élancé, et que son
jet aura pris quelque développement, vous l'attacherez à un roseau pour
qu'aucune secousse ne nuise à son âge fragile. Dès qu'il aura toute sa
vigueur, vous couperez le noeud, de peur qu'un aussi tendre rejeton ne souffre
de la dureté de ses liens.
Quelques-uns, après avoir foui la vigne à un demi-pied, la greffent et
recouvrent les scions d'un amas de terre, afin que les nouvelles pousses
profitent à la fois des sucs nourriciers du sol et de la sève maternelle.
D'autres assurent qu'il vaut mieux greffer les vignes à fleur de terre, parce
que les scions enterrés prennent plus difficilement. Vous planterez la vigne,
dans les pays froids, jusqu'aux ides ou jusqu'à l'équinoxe, soit dans un
terrain façonné, soit dans une tranchée ou dans des fossés, d'après la
méthode prescrite.
Du
nettoyage des prairies et du labourage des terres dans les pays froids.
II.
Dans les pays froids, il faut à présent nettoyer les prairies et les garder.
Dans ceux oit le froid est plus intense, il est à propos de défricher et de
labourer les collines grasses et les plaines marécageuses ; il convient aussi
de repasser les terrains façonnés au mois de janvier.
Du
panic et du millet.
III.
Semez le panic et le millet dans les pays chauds et secs. Ils veulent une terre
meuble et légère. Ils viennent non seulement dans le sablon, mais encore dans
le sable, pourvu que le climat soit humide et le terrain entrecoupé d'eaux
vives, car ils craignent un sol aride et argileux. Débarrassez-les sans cesse
des mauvaises herbes. Cinq setiers de semence suffisent pour un arpent.
Des
pois chiches.
IV.
Maintenant semez les deux espèces de pois chiches dans un terrain très gras et
un climat humide, après les avoir détrempés, la veille, pour qu'ils puissent
lever plus promptement. Trois boisseaux de graine suffisent pour un arpent. Les
Grecs prétendent que les pois grandissent davantage, si, la veille, on les
arrose d'eau tiède; qu'ils aiment les pays voisins de la mer, et viennent plus
tôt, si ou les sème en automne.
Du
chanvre.
V.
C'est aussi dans ce mois qu'on sème le chanvre jusqu'à l'équinoxe du
printemps, d'après la méthode qui a été prescrite en février.
De
la cicerole.
VI.
Semez à présent la cicerole, qui ne diffère de la gesse que par sa couleur
plus foncée et plus noire, dans un terrain gras qui aura reçu un ou deux
labours. Quatre ou trois boisseaux, deux même suffisent pour ensemencer un
arpent.
Des
soins donner aux vignes nouvelles.
VII.
Commencez, dans ce mois, à briser les mottes au pied des vignes nouvelles.
C'est une opération qu'il faut faire maintenant et à toutes les calendes,
jusqu'à celles d'octobre, non seulement à cause des herbes, mais encore pour
que la terre durcie n'étouffe pas le jeune plant. Extirpez les racines de
chiendent qui nuisent beaucoup aux vignes. Occupez-vous de fouir les vignobles
dans les pays froids, d'échalasser et d'attacher les ceps, en employant pour
une jeune vigne de tendres liens ; car s'ils étaient trop durs, ils la
couperaient. Appuyez les grands ceps sur un échalas solide, et les petits sur
un plus faible. Pour que leur ombre ne nuise pas, fixez les échalas au nord et
du côté du froid; mettez-les à quatre doigts ou à un demi-pied de distance,
afin qu'on puisse creuser librement à l'entour.
Quelques-uns coupent à présent les vieilles souches à une certaine
élévation de terre pour les renouveler; mais cette méthode est mauvaise,
parce qu'une si grande plaie se pourrit souvent au soleil et à la pluie. La
manière suivante est préférable : Déchaussez profondément la souche
jusqu'à ce que les racines paraissent; ensuite coupez-la en terre au-dessus des
racines, afin que, lorsqu'on la recouvrira, elle n'ait rien à craindre du froid
ni du soleil. Cette méthode convient quand la vigne est d'excellente espèce,
et pousse de profondes racines; autrement il vaudrait mieux la greffer avec des
sarments vigoureux.
Tout ce que nous venons de dire doit être fait au commencement du mois dans les
pays chauds, et après les ides dans les pays froids. Bêchez autour du pied des
vignes malades ou dont le fruit se dessèche, et arrosez-les de vieille urine;
ajoutez-y de la cendre de sarment ou de chêne mêlée avec du vinaigre, ou,
après les avoir coupées à fleur de terre, réchauffez-les avec du fumier, et
laissez-en croître les plus fortes pousses.
Quand un cep est blessé par la houe ou par un instrument de fer, si la plaie
touche au sol, enduisez-la de fumier de brebis ou de chèvre, et ayez soin d'y
faire une ligature que vous recouvrirez de terre prise au pied du cep. S'il est
blessé à la racine, ajoutez du fumier liquide et recouvrez-en la plaie.
Des
soins qu'exigent les oliviers.
VIII.
Arrosez maintenant de marc d'huile sans sel les racines des oliviers malades. Il
en faudra six conges, d'après Columelle, pour les plus grands arbres, quatre
pour les arbres de moyenne taille, et plus ou moins pour les autres, suivant
leur élévation. D'autres jettent sur les racines des cosses de fèves, environ
deux paniers pour un grand arbre. D'autres couvrent le tronc, font sur-le-champ
une excavation au pied , surtout dans les pays secs, et y répandent une
quantité suffisante de vieille urine d'homme.
Traversez avec une tarière gauloise un olivier stérile. Ensuite prenez, du
côté du midi, sur un arbre fécond, deux branches de même longueur;
enfoncez-les fortement dans chaque côté du trou, et, après avoir coupé ce
qui déborde, recouvrez-les de boue mêlée de paille. Mais si les oliviers ne
produisent qu'un abondant feuillage, enfoncez dans leurs racines soit une
pierre, soit une cheville d'olivier sauvage, de pin ou de chêne.
C'est à présent aussi que ceux qui sarclent leurs blés doivent se faire pour
la seconde. fois. On formera également, dans les pays froids, les pépinières
de baies et d'autres semences dont j'ai parlé au mois de février. Les plants
de rosiers aussi réclament des soins au commencement du mois.
Des
jardins.
IX.
Voici l'époque favorable pour commencer à cultiver les jardins. Semez les
artichauts au mois de mars. Ils aiment une terre fumée et légère, quoiqu'ils
puissent venir mieux dans un terrain gras. On les garantit des taupes en les
semant dans un sol ferme, afin que ces animaux pernicieux ne le fouillent pas
aussi aisément. Les artichauts se sèment au premier quartier de la lune, dans
une planche préparée à l'avance. On laisse un demi-pied entre les graines, et
l'on évite de leur donner une position renversée, parce qu'elles ne
produiraient que des artichauts maigres, tortus et durs. On ne les enterre pas
profondément, mais on les tient entre trois doigts, qu'on enfonce jusqu'à la
hauteur des premières phalanges. Ensuite on les recouvre légèrement, et on
les purge sans cesse des mauvaises herbes, jusqu'à ce que les tiges soient
fortes. On les arrose quand il fait chaud.
Si vous cassez la pointe de la graine, les artichauts naîtront sans épines; de
même, si après avoir trempé la graine pend et pendant trois jours dans de l’huile
de laurier ou de nard, dans du baume blanc, dans de l'essence de roses ou de la
gomme de lentisque, vous la faites sécher avant de l'enterrer, vous obtiendrez
des artichauts imprégnés de l'odeur dont la graine aura été parfumée. Tous
les ans, vous enlèverez, avec une portion de leurs racines, quelques pieds des
souches afin de les soulager, et d'en disposer les rejetons sur d'autres
planches. Les artichauts réservés pour la graine seront débarrassés de tous
leurs rejetons, et couverts d'un pot de terre ou d'une écorce, parce que le
soleil ou la pluie en fait ordinairement périr la graille.
Pour garantir des taupes les plants d'artichauts, il est souvent utile d'y
aposter des chats. Beaucoup de gens ont, à cet effet, des belettes
apprivoisées. Quelques-uns bouchent les trous des taupes avec de la terre rouge
et du jus de concombre sauvage. D'autres pratiquent plusieurs trous près de la
retraite de ces animaux, dans le but d'y faire pénétrer les rayons du soleil
qui les effraye alors au point de les mettre en fuite. La plupart dressent, à
l'entrée de leurs souterrains, des pièges suspendus à des soies.
Vous sèmerez également à propos, ce mois-ci, l'ail d'Afrique, l'ail
ordinaire, la ciboule, et, dans les pays froids, l'origan et l'aneth. Vous
pouvez aussi très bien semer ou planter la moutarde et les choux, semer la
mauve et le grand raifort, et transplanter l'origan. Semez encore la laitue, la
poirée, le poireau, les câpres, la colocasie, la sarriette et le cresson.
Quelques-uns même sèment à présent la chicorée et les raiforts, pour les
manger en été.
Il faut maintenant semer les melons de loin à loin : les pépins seront placés
à deux pieds l'un de l'autre, dans un terrain labouré ou façonné, et surtout
dans le sable. Vous les ferez tremper pendant trois jours dans de l'hydromel et
du lait, et vous les sèmerez quand ils seront secs : vos melons auront ainsi un
goût délicieux. Vous les parfumerez en mettant les pépins durant plusieurs
jours dans des feuilles de roses sèches.
Semez maintenant aussi les concombres dans des fosses suffisamment espacées,
d'un pied et demi de profondeur sur trois pieds de large. Laissez en friche,
entre ces fosses, un intervalle de huit pieds sur lequel les concombres puissent
s'étendre. Comme l'herbe leur plaît, il n'est pas nécessaire de l'arracher ni
de la sarcler. Faites tremper les pépins dans du lait de brebis et de
l'hydromel, les concombres seront doux et blancs. Pour qu'ils deviennent longs
et tendres, mettez sous eux, à deux palmes de distance, un large vase rempli
d'eau qu'ils s'empresseront d'atteindre. Ils naîtront sans pépins, si on
frotte la graine d'huile sabine et de psillium broyé. Quelques-uns introduisent
la fleur d'un concombre, avec l'extrémité du brin qui lui sert d'attache, dans
un roseau dont ils ont percé tous les noeuds, et le fruit acquiert par là une
longueur démesurée.
Cette plante craint tellement l'huile, que, si l'on en met près de lui, il se
courbe en forme de crochet. Quand il tonne, il se retourne comme frappé
d'effroi. Enfermez et attachez dans un moule d'argile la fleur du concombre sans
la séparer du brin où elle tient : le concombre prendra la forme de l'homme ou
de l'animal que représente le moule. Tous ces faits sont attestés par
Gargilius Martialis. Suivant Columelle, si vous avez des ronces ou des férules
dans un lieu exposé au soleil et bien fumé, coupez-les après l'équinoxe
d'automne, et creusez-les avec un stylet de bois; puis introduisez du fumier
dans la moelle, et mettez-y un pépin de concombre. Il en naîtra des fruits qui
pourront résister même au plus grand froid.
À cette époque, on sème les asperges, aux environs des calendes d'avril, dans
un terrain gras, humide et bien travaillé. On met dans de petites fosses
alignées au cordeau deux ou trois graines d'asperges, en les espaçant d'un
demi-pied; ensuite on fume le sol; on en arrache de temps en temps les herbes,
ou, en hiver, on le couvre de paille qu'on enlève au printemps, et l'on a des
asperges au bout de trois ans. Mais il est plus court de planter des griffes
d'asperges, qui donneront promptement du fruit. Voici comment on s'y prend :
Creusez des fosses dans un terrain gras et fumé; mettez dans chacune, après
les ides de février, une pincée de graines d'asperges, et couvrez-les
légèrement de terre. Ces graines réunies formeront une racine entortillée
qu'on appelle griffe. Néanmoins cette racine est elle-même tardive; car,
pendant deux ans, il faut l'entretenir dans sa pépinière avec du fumier, et
arracher souvent les mauvaises herbes. On la transplante après l'équinoxe
d'automne, et au printemps elle donne des asperges.
On gagnera plus à acheter ces racines qu'à les attendre longtemps en les
formant soi-même. On les alignera au milieu des tranchées, si le terrain est
sec, et sur l'ados, s'il est humide. L'eau ne doit que passer sur les griffes
d'asperges pour les arroser, sans s'y arrêter. On n'arrachera pas les asperges
qu'elles auront produites la première année, mais on les rompra pour ne pas
ébranler les griffes encore faibles. On les arrachera, les années suivantes,
afin de découvrir les rejetons qui doivent en produire de nouvelles. En effet,
si on continuait de les rompre, des terrains, ordinairement fertiles, seraient
embarrassés par les racines d'asperges qu'on y laisserait. C'est au printemps
qu'on pourra les manger, et l'on réservera pour l'automne celles dont on voudra
recueillir la graine. Ensuite on en brûlera le fanage, et l'on couvrira les
griffes de fumier et de cendres à l'approche de l'hiver.
À cette époque, on sème, dans un terrain exposé au soleil, la rue, qui se
contente d'être saupoudrée de cendre. Elle demande un sol élevé, d'où l'eau
puisse s'écouler. Si les graines sont renfermées dans leurs capsules, on les
placera en terre une à une avec la main; mais si elles en sont dépouillées,
on les répandra et on les recouvrira avec la herse. Les tiges venues de la
graine en capsule seront plus fortes, mais tardives. Les petits rameaux de la
rue, arrachés au printemps avec une partie de son écorce, tiendront lieu de
plant; elle périrait, si on la transplantait tout entière. Quelques-uns
insèrent ces petits rameaux dans une fève percée ou dans une bulbe, et les
plantent ainsi sous la sauvegarde d'une force étrangère. Ils les chargent
aussi de malédictions, et les enterrent dans de la poudre de brique, qu'on sait
lui être avantageuse. Mais la rue vient encore mieux, dit-on, quand on l'a
volée. Elle croît volontiers à l'ombre du figuier. Elle ne veut pas seulement
qu'on retourne l'herbe autour d'elle, mais qu'on l'arrache. Elle redoute le
contact d'une femme qui a ses règles.
La coriandre se sème à partir de cette époque jusqu'à la fin d'octobre. Elle
aime une terre grasse, mais lève néanmoins dans un sol maigre. On croit que sa
graine devient meilleure en vieillissant. L'eau plaît à la coriandre. Une fois
semée, elle vient avec toute espèce de légumes.
Semez la courge ce mois-ci. Elle aime un terrain gras, humide, fumé, léger. Ce
qu'elle a de remarquable, c'est que les pépins tirés de sa partie supérieure
produisent des courges longues et grêles ; ceux de son ventre , des courges
grosses; ceux de son fond, des courges larges, pourvu qu'on les enterre la
pointe eu bas. Quand les courges commencent à croître, donnez-leur un appui.
Ne cueillez qu'à l'approche de l'hiver celles que vous con servez pour la
graine; puis, une fois enlevées, exposez-les au soleil ou à la fumée :
autrement la graine se pourrit et se perd.
C'est maintenant qu'on sème la blette dans toute espèce de terrain, pourvu
qu'il soit cultivé. Elle ne demande à être ni sarclée ni délivrée des
mauvaises herbes. Une fois venue, elle se renouvelle elle-même pendant des
siècles en laissant tomber sa graine, de sorte qu'on pourrait difficilement la
détruire, quand même on le voudrait.
On sème aussi à présent le serpolet, en plant comme en graine; celle-ci est
meilleure lorsqu'elle est vieille. Semé près d'un réservoir, d'un lac, ou sur
les bords d'un puits, le serpolet se couvre d'un plus riche feuillage.
On sème encore très bien, à cette époque, l'anis et le cumin. Ils
réussissent mieux dans des terrains gras, quoiqu'ils viennent également dans
d'autres, au moyen de l'eau et du fumier.
Du
grenadier, du citronnier, du néflier et du figuier.
X.
On sèmera la grenade au mois de mars ou d'avril dans les climats tempérés, et
au mois de novembre dans les pays chauds et secs. Le grenadier aime un sol
crétacé et maigre; cependant il vient aussi dans un terrain gras. Une latitude
chaude lui convient. On le propage de plant en détachant un pied de la racine
d'un arbre fait. De toutes les manières de le planter, la meilleure consiste à
coucher presque obliquement dans une fosse une branche d'une coudée de long, et
de la grosseur d'un manche, après l'avoir amincie par les deux extrémités
avec une serpette bien affilée, et l'avoir enduite de fiente de porc à l'un et
à l'autre bout. On peut aussi l'enfoncer profondément à coups de maillet dans
un sol non labouré. La branche vient mieux, si on la prend sur un grenadier qui
bourgeonne. En la déposant dans la fosse, si on met dans sa racine trois
petites pierres, on empêchera les grenades de se fendre. On prendra garde de la
planter en sens inverse.
On croit que les fruits s'aigrissent quand on arrose trop le grenadier; car la
sécheresse les rend doux et abondants. Néanmoins, pour modérer la trop grande
fécondité de l'arbre, donnez-lui un peu d'eau. Bêchez le pied du grenadier en
automne et au printemps. Si les fruits sont naturellement aigres, répandez sur
la cime de l'arbre un peu de laser broyé dans du vin, ou déchaussez les
racines, et enfoncez-y une cheville de sapin. D'autres entourent les racines
d'algue marine; quelques-uns y ajoutent du fumier d'âne et de porc. Si le
grenadier ne garde pas sa fleur, mêlez, à parties égales, de la vieille urine
avec de l'eau, et répandez-en trois fois l'an sur ses racines. Une amphore
suffira pour chaque arbre. On peut encore verser sur les racines du marc d'huile
sans sel, les couvrir d'algue, et les arroser deux fois par mois, ou environner
l'arbre en fleur d'un cercle de plomb, ou l'envelopper d'une peau de serpent. Si
les fruits éclatent, mettez une pierre au milieu de la racine, ou semez de la
scille autour du grenadier. Si vous tordez la queue des fruits sur l'arbre
même, ils se conserveront sains toute l'année. S'ils sont rongés des vers,
frottez les racines de fiel de boeuf, et ils périront sur-le-champ. Si vous
détruisez les vers avec un clou de cuivre, il en vient difficilement d'autres.
Du pissat d'âne mêlé avec de la fiente de pore préserve le grenadier des
vers.
De la cendre souvent répandue autour de cet arbre avec de l'eau de lessive, le
rend vigoureux et productif en fruits. Martialis assure que les grains de la
grenade deviennent blancs, si on met, durant trois ans de suite, sur les racines
de l'arbre un mélange d'argile et de craie avec un quart de plâtre. Il ajoute
que le grenadier donnera des fruits énormes, si l'on enfouit auprès de lui une
marmite en terre où l'on renfermera une de ses branches, portant une fleur,
qu'on attachera à un pieu pour qu'elle ne se retire point. Ou couvrira la
marmite afin de la préserver de l'eau qui pourrait y entrer; et, quand on
l'ouvrira en automne, on y trouvera une grenade de la grandeur du vase.
Martialis prétend encore que le grenadier sera chargé de fruits, si, avant la
germination, on enduit le tronc de suc de tithymale et de pourpier mêlés
ensemble par parties égales. On peut le greffer, dit-il, en mettant en rapport
la moelle de deux branches fendues. Ill ne se greffe que sur lui-même, à la
fin du mois de mars, vers les calendes d'avril. Dès que le tronc est coupé, ou
y insère aussitôt un très jeune rejeton, pour qu'aucun retard ne fasse
évaporer le peu d'humidité qu'il contient.
On conserve les grenades en poissant leur queue, et en les suspendant par
rangées. On peut aussi, quand on les a cueillies, les plonger tout entières
dans de l'eau de mer on de la saumure bouillante, afin qu'elles s'en
imprègnent. Trois jours après, on les fait sécher au soleil, afin de ne pas
les laisser à l'air pendant la nuit; puis on les suspend dans un lieu frais.
Lorsqu'on veut les manger, on les met tremper, la veille, dans de l'eau douce.
Elles valent, dit-on, les grenades fraîches. On les conserve aussi en les
disposant dans la paille, de manière à ce qu'elles soient séparées les unes
des autres ; ou bien on creuse un long fossé, et l'on prépare une écorce de
la même grandeur, où l'on fixe les grenades par la pointe de leur pédoncule;
puis on renverse l'écorce sur le fossé, afin qu'elle préserve de l'humidité
les grenades, qui se trouvent ainsi suspendues sous la terre sans la toucher. On
les conserve encore en les couvrant d'argile, et en les suspendant au frais
quand elles sont sèches; ou bien en les déposant en plein air dans un baril à
moitié rempli de sable, la queue de chacune plantée dans un roseau ou dans des
baguettes de sureau, après les avoir fixées séparément dans le sable, de
manière qu'elles s'élèvent de quatre doigts au-dessus. On peut encore faire
cette opération à couvert, dans une fosse de deux pieds de profondeur, et,
pour les conserver, il sera mieux de les cueillir avec une assez longue branche.
On les suspend aussi sans contact humide dans un baril à moitié rempli d'eau,
que l'on ferme pour empêcher l'air de s'y introduire. On les range également,
de manière à ce qu'elles ne se touchent point, dans une futaille pleine
d'orge, et que l'on recouvre ensuite.
Voici comment on fait le vin de grenades : Mettez des grains mûrs, nettoyés
avec soin, dans une corbeille de palmier. Soumettez-les à un pressoir à vis,
et faites cuire à petit feu, jusqu'à diminution de moitié, le jus qu'ils
auront rendu. Quand il sera refroidi, renfermez-le dans des vaisseaux poissés
et enduits de plâtre. Quelques-uns, au lieu de faire cuire le jus, mettent une
livre de miel par setier, avant de le renfermer dans les vaisseaux pour le
garder.
On propage le citronnier, au mois de mars, de quatre façons : par pépins, par
branches, par boutures et par billes. Il aime une terre meuble, un climat chaud
, et une humidité constante. Voulez-vous l'obtenir de pépins, creusez la terre
à deux pieds de profondeur, mêlez-y de la cendre, et formez de petites
planches séparées par des rigoles qui livreront passage à l'eau. Faites avec
les mains sur ces planches une fosse d'un palme, mettez-y trois pépins
ensemble, la pointe en bas, recouvrez-les et arrosez-les chaque jour. Ils
viendront plus vite, si vous les arrosez d'eau tiède. Quand ils seront levés,
vous arracherez sans cesse l'herbe autour d'eux. De là vous pourrez les
transplanter à l'âge de trois ans. Aimez-vous mieux les planter en branches,
ne les enfoncez pas à plus d'un pied et demi, pour les empêcher de se pourrir.
Il est plus avantageux de planter une bille de la grosseur d'un manche et de la
longueur d'une coudée, amincie par les deux bouts, dont on coupe les noeuds et
les piquants, sans toucher aux bourgeons qui font espérer un germe. Les bons
agriculteurs enduisent aussi de bouse les cieux extrémités de la bille, ou les
enveloppent d'algue marine ou d'argile pétrie, et la déposent ainsi dans un
terrain façonné. La bouture peut être plus déliée et plus courte que la
bille, mais on l'enterre de même. Elle doit cependant s'élever de deux palmes
au-dessus du sol; au lieu qu'on enfouit la bille entière.
Les citronniers ne veulent pas être trop espacés. Ne les plantez pas parmi
d'autres arbres. Ils se plaisent dans les contrées chaudes, entrecoupées de
ruisseaux, surtout près de la mer, où les eaux abondent. Pour les forcer à
venir dans un pays froid, on les place dans un lieu abrité par des murs ou
exposé au midi; et en hiver, on les enveloppe de paille grossière. Le froid
passé, on les dépouille, et on les rend sans danger au grand air. Dans les
climats très chauds, on en plante en automne les boutures ou les billes. J'en
ai planté dans des climats très froids aux mois de juillet et d'août, et à
l'aide d'arrosements journaliers, je suis parvenu à les voir parfaitement
croître et rapporter du fruit.
On croit que les citrons deviennent plus beaux quand on sème des courges à
l'entour. Le fanage de celles-ci donne même une cendre qui active la
végétation du citronnier. Cet arbre demande qu'on remue souvent la terre à
son pied : il porte alors de plus gros fruits. On ne le taille que très
rarement, et dans le seul but d'élaguer les rameaux desséchés. On le greffe
au mois d'avril dans les pays chauds, et au mois de mai dans les pays froids,
non sous l'écorce, mais près des racines, après avoir fendu le tronc. Suivant
quelques-uns, on le greffe sur le poirier et sur le mûrier, en recouvrant avec
soin les scions d'un panier ou d'un vase d'argile.
Martialis assure que le citronnier n'est jamais sans fruits chez les Assyriens.
J'ai remarqué la même chose en Sardaigne dans les terres que je possède près
de Naples, où le sol et le climat sont chauds, et où l'eau est abondante. Les
productions s'y succèdent sans interruption, comme par degrés, en sorte que
les fruits verts succèdent aux fruits mûrs, et qu'à leur tour ils sont
remplacés par d'autres qui sont en fleur, grâce à la nature qui semble
parcourir le cercle d'une éternelle fécondité. On prétend que les citrons
aigres deviennent doux, lorsqu'on fait tremper, pendant trois jours, les pépins
qu'on doit semer, dans de l'hydromel, ou mieux dans du lait de brebis.
Quelques-uns, au mois de février, percent obliquement avec une tarière le bas
des citronniers, sans les traverser de part en part, pour donner passage à
l'humeur acide jusqu'à ce que les fruits soient formés; puis bouchent
l'ouverture avec de la boue : par ce moyen, assurent-ils, la pulpe s'adoucit.
On peut aussi conserver les citrons sur l'arbre pendant presque toute l'année;
il vaut mieux, néanmoins, les renfermer dans un vase quelconque. Si on veut les
garder, il faut les cueillir, par une nuit sans clair de lune, avec leurs
rameaux garnis de feuilles, et les ranger séparément. Quelques-uns les
renferment un à un dans des vases, ou les enduisent de plâtre, et les
disposent eu ordre dans un lieu sombre. La plupart les conservent dans de la
sciure de cèdre, dans de la litière menue ou de la paille.
Les néfliers se plaisent particulièrement dans les pays chauds, mais
entrecoupés d'eaux vives; néanmoins ils viennent aussi dans les pays froids,
surtout dans un sablon gras, dans un terrain graveleux mêlé de sable, ou dans
une argile pierreuse. On les propage par boutures, au mois de mars ou de
novembre, dans un sol fumé et labouré, en ayant soin d'enduire de fumier les
deux extrémités. Le néflier croît très lentement. Il aime à être taillé,
bêché et souvent rafraîchi avec un peu d'eau pendant les sécheresses. On en
sème aussi les noyaux ; mais alors il faut attendre longtemps le néflier.
Si les vers l'attaquent, détruisez-les avec un stylet de cuivre, et arrosez-les
de marc d'huile, de vieille urine d'homme, ou de chaux vive, mais avec
ménagement, de peur de nuire à l'arbre, ou versez sur eux une décoction de
lupins. Craignez-vous que le néflier ne devienne par là stérile, répandez en
même temps sur ses racines du fumier et de la cendre de vigne vous lui rendrez
sa fertilité. Si les fourmis l'incommodent, détruisez-les avec de la terre
rouge mêlée de vinaigre et de cendre. Si ses fruits tombent, coupez un morceau
de sa racine, et enfoncez-la au milieu du tronc.
Le néflier se greffe au mois de février, sur lui-même, sur le poirier et sur
le pommier. Le scion qu'on lui emprunte doit être pris au milieu de l'arbre;
aux extrémités il ne vaudrait rien. Greffez-le en fente dans le tronc même,
parce que la maigreur de l'écorce ne saurait le nourrir.
Pour garder les nèfles, cueillez-les avant qu'elles ne soient mûres,
quoiqu'elles puissent se conserver longtemps sur l'arbre. Renfermez-les dans des
cruchons poissés, ou bien suspendez-les par rangées, ou encore faites-les
confire, comme quelques-uns, dans de l'oxycrat ou du sapa. il faut les cueillir
au milieu d'un beau jour, et les placer séparément dans la paille, de peur
qu'elles ne se gâtent par le contact. On les cueille aussi à demi mûres avec
leurs queues, on les met tremper cinq jours dans de l'eau salée, puis on les en
arrose souvent, de sorte qu'elles y nagent. On les conserve également dans du
miel, pourvu qu'on les ait cueillies un peu avant leur maturité.
Dans les pays chauds, plantez au mois de novembre des pieds de figuier garnis de
racines; dans les pays tempérés, au mois de février ; dans les pays froids,
préférez le mois de mars ou d'avril. Si c'est une bouture ou une cime,
plantez-la à la fin d'avril, quand elle sera vivifiée par la nouvelle sève.
Lorsqu'on met un plant de figuier dans une fosse, il faut garnir le fond de
pierres, et entourer les racines de terre mêlée de fumier. Si le pays est
froid , vous protégerez les cimes en les couvrant de roseaux fendus aux
entre-noeuds. Si vous voulez planter une cime, coupez sur le côté de l'arbre
exposé au midi une branche de deux ou trois ans, garnie de trois jets qui,
séparés par la terre dont on les recouvrira, sembleront autant de rejetons
distincts. Si c'est une bouture, fendez-en légèrement l'extrémité
inférieure, comme on le fait pour les autres plantes, et mettez-y une pierre.
Vers la fin du mois de février ou de mars, j'ai planté, en Italie, dans un
terrain remué avec la houe, des pieds de figuier déjà forts, et cette même
année, leur fécondité merveilleuse a dépassé mon attente, comme pour me
payer un tribut de reconnaissance. Choisissez du plant de figuier qui soit
couvert de noeuds; on regarde comme stérile celui qui est lisse et dont les
bourgeons sont séparés par de longs entre-noeuds. Les figuiers élevés dans
une pépinière et que vous transplanterez dans une fosse quand ils seront
grands, produiront de meilleurs fruits. Quelques-uns assurent qu'il est très
avantageux de mettre du plant de figuier dans des bulbes de scille fendus et de
l'y maintenir avec des ligatures. Le figuier aime les fosses profondes, un grand
emplacement, un sol dur, maigre et sec, pour que ses fruits aient bon goût. Il
réussit aussi dans des terrains âpres et pierreux, et il n'y a presque point
d'endroits où l'on ne puisse le planter.
Comme les figues qui viennent dans les pays montagneux et froids ont peu de
lait, elles ne peuvent pas se conserver longtemps sèches. On les mange vertes :
elles sont plus grosses et d'un goût plus fin. Celles qui viennent dans les
campagnes et dans les pays chauds, sont plus grasses et se conservent longtemps
sèches. Si l'on voulait compter les différentes espèces de figues, le nombre
en serait infini. Il suffit de dire que la culture est la même pour toutes,
avec cette différence que, parmi les figues sèches, ce sont les blanches qui
se conservent le mieux.
Dans les pays où règne un froid rigoureux, semez les figues précoces pour
qu'elles préviennent les pluies par leur venue hâtive ; semez, au contraire,
les figues tardives dans les pays chauds et brûlants. Le figuier aime à être
foui sans cesse. Il sera bon de le fumer en automne, surtout avec du fumier de
volière. Vous en élaguerez les branches pourries ou mal venues, et vous les
taillerez de manière qu'ils puissent s'étendre sur les côtés. La figue a un
goût fade dans les terrains humides. Pour obvier à cet inconvénient, vous
rognerez les racines de l'arbre, et vous y répandrez un peu de cendre.
Quelques-uns plantent un figuier sauvage dans leurs figueries, afin de n'être
pas obligés d'en suspendre les fruits à chaque figuier pour leur servir de
remède. C'est au mois de juin, vers le solstice, qu'on doit faire la
caprification, c'est-à-dire suspendre au figuier des figues sauvages vertes,
enfilées en forme de guirlandes. À défaut de figues sauvages, suspendez-y une
branche d'aurone, ou bien enterrez autour des racines du figuier de ces
callosités qui se trouvent sur les feuilles des ormeaux, ou des cornes de
bélier, ou encore ouvrez la tumeur du figuier pour que l'humeur puisse
s'écouler.
Afin de le garantir des vers, mettez en terre avec le plant de cet arbre une
branche de térébinthe ou une bouture de lentisque, la cime renversée. Enlevez
avec des crochets d'airain ceux qui s'y seraient établis. Quelques-uns
déchaussent les racines du figuier et les arrosent de marc d'huile ou de
vieille urine; d'autres frottent les trous que font ces animaux, de bitume et
d'huile, ou simplement de chaux vive. Si l'arbre est infesté par des fourmis,
enduisez le tronc d'un mélange de terre rouge, de beurre et de poix liquide.
D'autres prétendent que, pour le préserver de ces insectes, il faut suspendre
à ses branches un poisson appelé corbeau.
Lorsque le figuier laisse tomber ses fruits, comme s'il était malade, les uns
le frottent de terre rouge ou de marc d'huile sans sel mêlé avec de l'eau ;
d'autres suspendent à ses branches une écrevisse de rivière avec une branche
de rue, ou de l'algue marine, ou une botte de lupins; d'autres en percent la
racine et y enfoncent un coin, ou font plusieurs incisions à son écorce avec
une hache. Pour que les figues soient abondantes et grasses, à l'époque de la
feuillaison, abattez d'abord la cime des rejetons, ou simplement la cime qui
s'élève du milieu de l'arbre. Voulez-vous faire un figuier tardif d'un figuier
précoce, supprimez les premières figues qui commencent à se former, quand
elles auront la grosseur d'une fève. Pour hâter la maturité des figues,
frottez-les avec un mélange de jus d'oignon long, d'huile et de poivre, dès
qu'elles commencent à rougir.
Au mois d'avril, greffez les figuiers entre l'écorce; ou, s'ils sont jeunes,
greffez-les en fente, en ayant soin de couvrir et de lier aussitôt le sujet
pour que l'air n'y ait pas accès. La greffe prend mieux sur ces jeunes arbres,
lorsqu'avant de les greffer, on les coupe à fleur de terre. Quelques-uns les
greffent également au mois de juin. On doit choisir un rejeton d'un an : plus
ou moins vieux, il est regardé comme inutile. On pourra enter les figuiers en
écusson dans un terrain sec, au mois d'avril ; si le sol est humide, on
préférera le mois de juin, et, dans les pays chauds, le mois d'octobre. On
peut provigner le figuier avec ses branches. On l'écussonne et on le greffe sur
le figuier sauvage, le mûrier et le platane.
On conserve les figues vertes, soit en les rangeant séparément dans du miel,
soit en les renfermant, chacune à part, dans une courge verte creusée à cet
effet, qu'on recouvre de la partie préalablement enlevée, et qu'on suspend à
l'abri du feu et de la fumée. D'autres cueillent les figues nouvelles avant
qu'elles soient mûres, et les renferment avec leurs queues, sans qu'elles se
touchent, dans un vase d'argile neuf qu'ils laissent nager dans une futaille
pleine de vin. Martialis dit que l'on conserve les figues de plusieurs
manières, mais qu'une seule suffit; c'est celle qui est usitée dans toute la
Campanie. On doit la préférer aux autres. Voici en quoi elle consiste :Étalez
les figues sur des claies jusqu'à midi, et, tandis qu'elles sont encore molles,
entassez-les dans un panier. Ensuite, quand le four aura le degré de chaleur
qu'on lui donne pour cuire le pain, mettez-y ce panier sur trois pierres, afin
qu'il ne brûle pas, et fermez le four. Lorsque les figues sont cuites,
enfermez-les toutes chaudes dans un vase bien poissé , en les comprimant
fortement, et en les séparant avec des feuilles de figuier ; puis bouchez
hermétiquement le vase. Si des pluies continuelles vous empêchent d'étendre
les claies, disposez-les chez vous en les élevant d'un demi-pied au-dessus du
sol, afin que la cendre chaude que vous mettez dessous, les échauffe à défaut
du soleil. Retournez-les de temps en temps d'un côté sur l'autre pour sécher
leur peau, et conservez-les dans des boîtes ou dans des cases, après avoir
rapproché leur pulpe. D'autres partagent les figues à moitié mûres, les
étalent séparément sur des claies pour les faire sécher au soleil toute la
journée, et les mettre à couvert pendant la nuit.
C'est le moment favorable pour mettre en terre, lorsqu'elles bourgeonnent, les
cimes de figuier, afin de se procurer du plant, si on n'en a pas une quantité
suffisante. Pour qu'un même figuier porte des fruits de différentes espèces,
liez ensemble et tordez deux branches de figuiers, dont l'un donne des figues
noires et l'autre des blanches, afin de forcer leurs germes à se confondre.
Quand elles seront ainsi plantées, fumées, arrosées, accolez entre eux par
une sorte d'alliance les bourgeons naissants. Leur union communiquera au même
fruit deux couleurs à la fois réunies et distinctes.
On peut encore à présent greffer et planter les poiriers, les pommiers et les
cognassiers. On greffe le prunier, on plante le cormier et le mûrier, le
neuvième jour des calendes d'avril; on greffe aussi les pistachiers, et l'on
sème les pignons dans les pays froids.
De
l'achat des boeufs , des taureaux et des vaches.
XI.
Songez à vous pourvoir de boeufs dans ce mois-ci. Soit que vous les tiriez de
vos troupeaux, soit que vous les achetiez, c'est le temps le plus favorable pour
vous en procurer, parce que, n'étant pas engraissés par les herbes de la
saison, ils ne peuvent cacher ni la fraude du vendeur, ni leurs propres défauts
, ni avoir assez de confiance dans l'exercice de leurs forces pour résister au
joug qu'on leur impose. Que vous les tiriez de vos étables ou des troupeaux
étrangers, voici les qualités extérieures que vous devez rechercher en eux :
ils seront jeunes et auront les membres grands et proportionnés, le corps
solide, les muscles et les nerfs saillants, de grandes oreilles, le front large
et crépu, les lèvres et les yeux noirs, les cornes fortes et parfaitement
arquées en forme de croissant, les naseaux bien ouverts et relevés, le cou
épais et musculeux, le fanon flottant et tombant au-dessus du genou, une ample
poitrine, de vastes épaules, un ventre suffisamment développé, les flancs
allongés, les reins larges, l'échine droite et plate, les jambes robustes,
nerveuses et courtes, les pieds forts, la queue longue et bien fournie, le poil
dru et court par tout le corps, et de couleur rousse ou brune.
Achetez de préférence des boeufs dans votre canton, pour qu'ils ne soient pas
incommodés d'un changement de sol ou de température ; s'il n'y en a point,
faites-en venir de climats semblables au vôtre. Avant tout, ayez soin d'en
acheter de forces égales pour le trait, afin que la vigueur de l'un ne cause
pas la ruine de l'autre. Quant aux qualités internes, ils seront intelligents,
doux, sensibles à la voix et il l'aiguillon, et auront bon appétit.
Si le pays est riche en pâturages, aucune nourriture ne leur convient mieux que
le fourrage vert; s'il est pauvre, proportionnez la quantité des aliments à
l'abondance des pâturages et à la nature du travail.
Procurez-vous maintenant aussi des taureaux capables de multiplier vos
troupeaux, ou réservez cet emploi à ceux qui, dès leur jeunesse,
présenteront les signes suivants: taille haute, vaste membrure, âge moyen,
plutôt au-dessous de la jeunesse que voisin de la vieillesse, figure
menaçante, cornes petites, cou épais et bien musclé, ventre ramassé.
C'est surtout le temps convenable pour acheter des vaches. Choisissez celles qui
ont une très haute taille, le corps allongé, le ventre large et bien
développé, le front élevé, les yeux noirs et bien ouverts, les cornes belles
et particulièrement noires, les oreilles velues, le fanon pendant, la queue
longue, les ongles courts, les jambes noires et petites. Leur meilleur âge est
celui de trois ans : alors elles peuvent donner de bonnes portées jusqu'à dix
ans. Elles ne doivent pas être couvertes avant leur troisième année.
Un propriétaire intelligent se débarrassera de ses vieilles vaches, en
achètera de temps en temps de nouvelles, et enverra celles qui sont stériles
à la charrue et au travail. Les Grecs prétendent que, pour avoir des mâles,
il faut, dans le coït, lier le testicule gauche du taureau, et le droit si l'on
veut obtenir des femelles; le taureau, toutefois, doit n'avoir pas couvert
depuis longtemps, afin qu'à l'époque voulue il montre d'autant plus d'ardeur
qu'on a mis plus d'intervalle à la satisfaire. En hiver, mettez ce bétail dans
des lieux voisins de la mer et exposés au soleil; en été , dans des lieux
frais, ombragés et surtout montagneux, parce qu'il s'engraisse mieux dans les
terrains plantés d'arbrisseaux entre lesquels croît l'herbe. On peut
également bien le mener paître sur le bord des rivières qui lui offrent mille
agréments. Mais les eaux tièdes conviennent mieux aux vaches pleines : aussi
est-il bon de les tenir dans les endroits où la pluie en forme des mares.
Quoique ce bétail supporte bien le froid , et puisse aisément hiverner en
plein procurez-lui des enclos spacieux, afin que les vaches pleines ne risquent
pas de se blesser. Le sol des étables sera garni de pierres, de gravier ou de
sable; elles auront un peu de pente pour l'écoulement des eaux, et regarderont
le midi à cause de la bise, dont il faudra les garantir par quelque abri.
Du
temps convenable pour dompter les boeufs.
XII.
Domptez, à la fin de ce mois, les boeufs de trois ans : si vous attendiez la
cinquième année, il vous serait difficile d'en venir à bout; leur âge ne s'y
prêterait plus. Il faudra donc les dompter dès que vous les aurez achetés,
pourvu qu'on les ait apprivoisés d'avance en les touchant. souvent avec la main
dans leur première jeunesse. L'étable où vous mettrez les bouvillons sera
vaste, et l'espace qui la précédera ne présentera aucun obstacle, afin qu'en
sortant ils ne rencontrent rien qui les blesse. Son intérieur sera traversé
par des solives élevées de sept pieds au-dessus du sol, auxquelles vous
attacherez les boeufs indomptés. Ensuite vous choisirez un jour calme et libre
de tout empêchement, pour y conduire les boeufs que vous aurez achetés. S'ils
sont trop farouches, vous les calmerez en les tenant enchaînés un jour et une
nuit sans leur donner à manger. Le lendemain, le bouvier s'en approchera , non
de côté ni par derrière, mais en face; il les appellera doucement et les
flattera par l'appât de la nourriture; il leur caressera les narines et le dos,
en les arrosant de temps en temps de vin pur. Il prendra garde qu'ils ne
frappent personne du pied ou de la corne, parce qu'ils conserveraient cette
habitude vicieuse, s'ils s'apercevaient qu'elle leur a réussi d'abord.
Lorsqu'ils seront adoucis, vous leur frotterez de sel la bouche et le palais,
vous leur ferez avaler des pelotes de graisse très salée, du poids d'une
livre; et , à l'aide d'une corne, vous verserez dans leur gosier un setier de
vin. Cette méthode, pratiquée pendant trois jours, fera tomber toute leur
fureur.
Quelques-uns les attellent ensemble, et leur apprennent à porter de légers
fardeaux. Il est également bon, si on les destine à la charrue, de les exercer
dans un sol déjà labouré, afin que ce nouveau travail ne fatigue pas leurs
cous encore tendres. Mais le moyen le plus prompt pour les dompter est d'atteler
un boeuf farouche avec un boeuf apprivoisé et vigoureux : celui-ci lui
enseignera sa tâche, et le forcera sans peine à la remplir. Si, après avoir
été dompté, un boeuf vient à se coucher sur le sillon, ne recourez ni au feu
ni aux coups; mais attachez-lui les pieds pendant qu'il est couché, de manière
qu'il ne puisse ni marcher, ni se tenir debout, ni paître. La faim et la soif
lui feront bientôt perdre cette mauvaise habitude.
Des
chevaux, des juments et des poulains.
XIII.
C'est dans ce mois qu'il faut faire saillir les juments par de vigoureux
étalons bien engraissés et bien repus, que vous reconduirez dans leurs
écuries quand les femelles seront pleines. Ne faites pas néanmoins couvrir le
même nombre de cavales par tous les étalons; mais proportionnez les saillies
aux forces de chacun, afin qu'ils servent plus longtemps. Ne confiez pas plus de
douze à quinze juments à un étalon jeune, beau et robuste, et réglez-vous
sur les facultés des autres.
Quatre choses sont à considérer dans un étalon : la forme, la beauté, les
qualités, la robe. Premièrement la forme : il aura une grande et forte
charpente, une taille proportionnée à sa vigueur, les flancs très larges, les
fesses développées et arrondies, le poitrail très ouvert, le corps garni de
muscles fermes et bien prononcés, le pied maigre et solide, la corne élevée
et concave. Secondement la beauté : il doit avoir la tête petite, sèche et
presque décharnée, les oreilles courtes et fines, les yeux grands, les narines
évasées, la crinière et la queue bien fournies, le sabot bien planté et bien
arrondi. Troisièmement, les qualités: il faut qu'il soit intrépide, que ses
pieds volent, que ses membres frémissent (c'est un indice de courage), qu'il
secoue sans peine les langueurs du repos, et suspende aisément une course
impétueuse. La sensibilité d'un cheval se connaît à ses oreilles, et son
énergie à ses frémissements. Quatrièmement, la robe : le bai, le bai doré,
le gris, l'alezan, le bai brun, le fauve, le gris cendré, le pommelé, le
blanc, le moucheté, le blanc argenté, le noir jais, voilà les robes
principales. Ensuite viennent les beaux mélanges, tels que celui du noir, de
l'alezan ou du bai, le blanc coupé de quelque couleur que ce soit, le blanc
mat, le tigré, le poil de souris, le bai brun foncé. Dans les étalons,
préférez les robes claires et unies; dédaignez les autres, à moins que les
grandes qualités de l'animal ne rachètent la mauvaise couleur de son poil.
Les mêmes remarques s'appliquent aux juments. Elles auront le corps grand et le
ventre large. Mais ceci ne doit s'appliquer qu'aux cavales de prix; quant aux
autres, vous les ferez saillir indifféremment dans le cours de l'année, au
milieu des pâturages , par les mâles qui seront dans leur compagnie. Les
juments portent douze mois. Vous aurez soin de séparer les étalons à quelque
distance les uns des autres, à cause du mal qu'ils pourraient se faire dans
leur fureur jalouse. Choisissez-leur les plus gras pâturages, exposés au
soleil en hiver, frais et ombragés en été, dans un terrain qui ne soit pas
trop mou , afin que leur sabot s'endurcisse et résiste à toutes les
aspérités.
Si une jument refuse les approches d'un mâle, vous l'exciterez au coït en lui
frottant les parties de scille broyée. N'exigez rien des cavales pleines ;
préservez-les du froid et de la faim , et ne les renfermez pas dans des lieux
étroits. Les belles juments poulinières doivent être remplies tous les deux
ans, pour qu'elles transmettent à leurs produits la sève d'un lait pur et
abondant. Vous ferez saillir les autres indifféremment.
C'est au commencement de la cinquième année qu'un étalon débute dans ses
fonctions. La femelle conçoit bien à deux ans; à sa dixième année, elle
donne un poulain chétif et languissant. Ne maniez pas les poulains : un toucher
continuel les déforme. Garantissez-les du froid autant que possible. Selon leur
âge, étudiez en eux les signes d'un bon naturel : ce sont les mêmes que j'ai
conseillé d'observer relativement aux pères et aux mères. Vous les
reconnaîtrez aussi à leur gaîté, à leur vivacité, à leur agilité.
Domptez maintenant les poulains qui ont passé deux ans. Examinez s'ils ont le
corps grand, large, fin et bien musclé, les testicules égaux et petits, et
toutes les qualités exigées pour leurs pères. Vous jugerez de la bonté de
leur caractère s'ils secouent aisément les langueurs du repos, ou suspendent
sans peine un impétueux élan. Voici le moyen de savoir leur âge : à deux ans
et demi, les dents mitoyennes supérieures tombent; à quatre ans, les
oeillères changent; avant la sixième année, les machelières d'en haut
paraissent; pendant la même année, celles qui ont tombé les premières
repoussent ; et, la septième année, toutes sont au complet. Passé ce temps,
on n'a plus d'indices pour connaître leur âgé : seulement, à mesure qu'ils
vieillissent, leurs tempes se cavent, leurs sourcils blanchissent, leurs dents
deviennent ordinairement saillantes.
On châtre, ce mois-ci , tous les quadrupèdes, et particulièrement les
chevaux.
Des
mulets et des ânes.
XIV.
Aimez-vous à obtenir des mulets, choisissez une grande jument qui ait la
charpente solide et de belles formes, sans vous inquiéter de son agilité, mais
de sa force. L'âge de quatre ans jusqu'à dix est celui qui convient le mieux
pour cet accouplement. Si l'âne éprouve de la répugnance pour la jument,
montrez-lui d'abord une ânesse, qui excitera ses feux ; ensuite éloignez-la.
Une fois enflammé, il ne dédaignera plus la cavale, et, séduit par les
charmes d'une bête de son espèce, il consentira à s'accoupler avec une autre
race. Si, dans sa fougue, il mord les juments, vous le calmerez en le mettant un
peu au travail.
Les mulets proviennent d'une jument et d'un âne, ou d'un onagre et d'une
jument; mais il n'y en a pas de meilleurs que ceux qui ont été procréés par
un âne. Il naît cependant d'un onagre et d'une ânesse de bons étalons, qui
transmettent à leurs rejetons le courage et l'agilité.
Un âne, bon étalon, aura une grande charpente, le corps solide et bien
musclé, les membres forts et trapus, le poil noir, ou plutôt rouge ou couleur
souris. S'il a des poils de différentes couleurs aux oreilles et aux
paupières, la robe de ses produits sera ordinairement bigarrée. Ne le faites
point saillir avant l'âge de trois ans, ni passé celui de dix.
Sevrez les mules à un an, et menez-les paître sur d'âpres montagnes, afin
qu'endurcies dès l'âge le plus tendre, elles bravent la fatigue des voyages.
Au contraire, les ânons sont indispensables dans les champs, parce qu'ils
supportent le travail, et ne s'embarrassent guère du manque de. soins.
Des
abeilles.
XV.
C'est surtout dans ce mois que les abeilles sont malades, parce qu'après la
diète de l'hiver, elles recherchent trop avidement les fleurs amères du
tithymale et de l'ormeau , plus hâtives que les autres, et gagnent une
diarrhée qui les tue, à moins qu'on n'y apporte un prompt remède. Donnez-leur
alors des grains de grenade broyés dans du vin d'Aminée, ou du raisin séché
au soleil avec du sumac et du vin dur, ou bien battez ces matières ensemble et
faites-les bouillir dans du vin âpre. Quand elles seront refroidies,
présentez-les aux abeilles clans des auges de bois. Vous pouvez également
faire un sirop avec du romarin cuit dans de l'hydromel, et le leur offrir dans
une tuile creuse.
Si les abeilles paraissent hérissées, transies et plongées dans un morne
silence, si elles exportent fréquemment les cadavres de leurs compagnes, versez
dans des auges de roseau du miel cuit avec de la poudre de noix de galle ou de
rose sèche. Mais, avant tout, s'il se trouve dans une ruche des portions de
rayons gâtées ou des cires vides que l'essaim, réduit par quelque accident à
un petit nombre, ne puisse remplir, coupez-les adroitement avec des instruments
bien tranchants, de peur qu'en remuant les autres parties des rayons, vous ne
forciez les abeilles à déserter leurs domiciles ébranlés.
La prospérité nuit ordinairement aux abeilles, En effet, si l'année est trop
riche en fleurs, elles ne s'occupent que du soin d'apporter du miel, sans penser
à leurs rejetons; et, faute d'être renouvelée, la peuplade périt, accablée
de travail, et entraîne la perte de toute la nation. Aussi, quand vous verrez
le miel déborder à cause de l'immense quantité de fleurs qui se sont
succédé sans cesse, empêchez les abeilles de sortir, en bouchant tous les
trois jours l'ouverture des ruches : elles songeront alors à leur reproduction.
Occupez-vous maintenant, vers les calendes d'avril. à purger les ruches des
immondices et des ordures qui s'y sont amassées pendant l'hiver, ainsi que des
vermisseaux, des teignes et des araignées qui gâtent les rayons, et des
papillons dont les excréments produisent des vermisseaux. Faites alors brûler
de la bouse sèche, dont la fumée est salutaire aux abeilles, et recommencez
souvent cette opération jusqu'en automne, En suivant ces pratiques et d'autres
semblables, soyez chaste et sobre , abstenez-vous des bains, d'aliments âcres
ou infects, et de toute espèce de salaison.
Des
heures.
XVII.
Ce mois s'accorde pour les heures avec celui d'octobre.
Ie
et XI heures XXV pieds
IIe et Xe heures XV pieds
IIe et IX heures XI pieds
IVe et VIIIe heures VII pieds
Ve et VII heures VI pieds
VIe heure V pieds.
terminé
le mardi 25 janvier 2005