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ORIBASE.

COLLECTION MÉDICALE.

LIVRE V

DES BOISSONS

 

 

Table des matières

En mettant à la suite de chaque chapitre, quand il y a lieu, l'indication des passages parallèles, soit d'Oribase, soit des auteurs qui ont traité du même sujet que lui, et qui, pour la plupart, ont puisé aux mêmes sources, nous avons fourni aux lecteurs des renseignements utiles, et le moyen de retrouver la source des variantes non tirées des mss.

Tous les chap., pour lesquels le nom de l’auteur original n'est pas indiqué, proviennent de la même source que le chapitre antérieur qui porte cette indication.

[DES BOISSONS.]

1. De l'eau, tiré de GALIEN (Hipp. Aer. aq. et loc. § 7-10; Vict. acut. § 17, t. II, p. 26-38 et 358-62; Vict. rat. II, § 52 et 6o; t. VI, p. 554 et 574; Cels. II, 18; Diosc. V, 18; Gal. Comm. III in lib. de Hum. § 3, t. XVI, p. 362; Synops. IV, 41; Ad Eun. I, 14; Aët. III, 165; Paul. I, 50; Act. Spir. anim. II, 8; Sim. Seth, p. 129-32; Anon. ed. Erm. 3)
2. De l'administration de l'eau froide et de l'oxymel froid chez les malades (Aët. V, 72)
3. De l'eau, tiré de RUFUS (Gal. Comm. III in lib, de Hum. § 3, t. XVI, p. 362-63; Athen. II, 17-19; Aët. III, 165)
4. De l'amélioration de l'eau, tiré de DIOCLÈS
5. De la purification de l'eau, tiré d'ATHÉNÉE
6. Du vin, tiré de GALIEN (Hipp. Vict. acut. § 14; et Append. § 18, t. II. p. 332-36 et 480; Affect. § 48, 55, 60 et 61; Vict. rat. II, § 52,t. VI, p. 258, 266, 268, 270 et 554; Aret. Cur. acut, I, 1, et II. 11; Diosc. V, 7-11 ; Athen. I, 47, 48, 59 et 60; Ad Eun. I, 12; Aët. I ; Paul. I, 95 ; Sim. Seth, p. 80-84; Anon. ed. Erm. 4)
7. Du vin, tiré de RUFUS (Anon. ed. Erm. 4)
8. Du siraeon, tiré de GALIEN (Hipp. Vict. rat. II, S 52, t. VI, p. 556 Diosc. V, 9; Act. Spir. anim. II, 8; et Urin. diff. 8)
9. Sur le même sujet, tiré de RUFUS.
10. Du vinaigre, tiré de GALIEN (Hipp. Vict. acut. § 16, t. II, p. 358; et Vict. rat. II, § 52, t. VI, p. 556; Diosc. V, 21; Athen. II, 76;Aët. I, prooem. et sub voce; Sim. Seth, p. 84-87)
11. Sur le même sujet, tiré de RUFUS
12. De la boisson faite avec du marc de raisin (Hipp. Vict. rat. II, § 52,t. VI, p. 556; Diosc. V, 13)
13. Du vin faible, tiré de DlOSCORIDE
14. De l'eau miellée, tiré de GALIEN (Hipp. Vict. acut. § 15, t. II, p. 336-48; Diosc. V, 17; Marc. Empir. 30; Synops. IV, 38; et IX, 26; Paul. I, 96. Cf. IV, 11, p. 304, l. 10)
15. De l'eau de rayons de miel (Diosc. V, 17; Aët. V, 137; Paul. VII,15 ; Nic. Myr. IV, 1-3)
16. De l'hydromel usité chez les anciens (Diosc. V, 17; Geop. VIII, 28).
17. De l'eau de rayons de miel, tiré de PHILAGRIUS
18. Du médicament aux têtes de pavots, tiré de GALIEN (Ad Eun. IV, 134;Aët. V, 133; Alex. Trall. I, 13, et V, 4 p. 49 et 250 sqq.; Paul.VII, 11 ; Act. Meth. med. V, 7 ; Nic. Myr. I, 106 et 151)
19. De la boisson aux têtes de pavots, tiré de PHILAGRIUS.
20. De la boisson aux coings et de celle aux cornouilles (Aët. V, 139)
21. Du miel au verjus (Diosc. V, 31; Aët. V, 134; Paul. VII, 15)
22. Du miel aux roses (Diosc. V, 35; Aët. V, 135, et XVI, 119; Paul.VII, 15. - Cf. 25, p. 402, l. 3)
23. De l'eau de céleri
24. De l'oxymel, tiré de GALIEN (Hipp. Vict. acut. § 16, t. II, p. 348-58; Diosc. V, 22; Ad Eun. IV, 144; Aët. V, 140, et IX, 24; Paul.VII, II; Act. Meth. med. V, 7)
25. De la préparation du vinaigre scillitique et de quelques vins, tiré de DIOSCORIDE (Aët. IX, 27; Paul. VII, 11; Act. Meth. med. V, 7;Nic. Myr. XXXVII, 15; Colum. XII, 23 et 24; Pallad. Jul. 6 -
Du vin aux coings (Aët. V, 139) , p. 399  l. 11 - Préparation de l'hydromélon (Aët. V, 138; Paul. VII, 15), p. 400, l. 7. - Préparation du vin de grenades (Paul. VII, 15), p. 401, 1. 4. - Préparation du vin aux roses (Géop. VIII, 33. - Cf. 33, p. 43 t, l. 3 sqq.), p. 401, l. 9. - Préparation du miel aux roses (cf. 22, p. 388, l. 10 sqq.), p. 402, l. 3. - Préparation du vin aux baies de myrte (Paul. VII, 15), p. 402, l. 5. - Préparation du vin d'absinthe (cf. 33, p. 435,1. 6), p. 404, l. 5 )
26. Vin de DIOCLÈS pour conserver la santé
27. Manière d'administrer le vin, tiré d'HÉRODOTE
28. Des collutoires, tiré d'ANTYLLUS (Cels. V, 22)
29. De la boisson
30. De l'eau, à quelle époque de l'accès il faut l'administrer, tiré d'HÉRODOTE
31. Des boissons qui conviennent aux fébricitants (Synops. IV, 39)
32. De l'habitude de boire avant ou après le repas, tiré de PHILOTIME
33. Préparation des boissons habituelles. -
Vin aux roses (cf. 25, p. 401, l. 9), p. 431, l. 10. - Hydrorosat (Aët. V, 136; Paul. VII, 15), p. 432, 1. 3. - Vin poivré bon contre les calculs de la vessie (Paul. VII, 11 ), p. 433, l. 12. - Vin à l'absinthe (cf. 25, p. 404, 1. 5), p. 435, l. 6.

LIVRE V.

1. DE L'EAU.

(Tiré de Galien.)

L'eau, pour être excellente, doit être exempte de toute qualité, non seulement quant au goût, mais aussi quant à l'odorat. Une eau semblable sera en même temps très agréable à boire et complètement pure, et, si, de plus, elle traverse rapidement les hypocondres, on en chercherait, vainement une meilleure; tandis que les eaux pures, limpides et qui ne sont pas désagréables à boire, mais qui séjournent longtemps dans les hypocondres en paralysant et gonflant l'estomac ou le rendant pesant, doivent être regardées comme à moitié mauvaises; car, assurément, il existe un grand nombre d'eaux analogues, et c'est surtout, à mon avis, la différence entre ces dernières et les meilleures qu'Hippocrate a voulu marquer lorsqu'il dit : « L'eau qui s'échauffe et se refroidit vite est la plus légère ; » en effet, cette distinction est inutile pour les eaux bourbeuses ou de mauvaise odeur et aussi pour celles qui trahissent au goût quelque chose de médicamenteux, parce que tout le monde peut en apprécier la nature sans chance d'erreur, tandis qu'elle s'applique aux cas où il n'y a rien de semblable, mais où il existe dans l'eau soit quelque autre vice tenant au mélange d'un air mauvais, soit quelque défaut inhérent à l'eau elle-même et dont la cause est cachée; car, dans ces cas, la distinction susdite fournit un critérium excellent, puisque de pareilles eaux ne s'échauffent ni ne se refroidissent rapidement; il existe encore un autre critérium semblable au premier : c'est celui que donnent les herbes, les graines, la viande, les fruits ou les racines qu'on fait bouillir dans ces eaux; car ces substances cuisent très rapidement dans les eaux excellentes, et très lentement dans les mauvaises. Quelques anciens ont appelé dures les mauvaises eaux de cette espèce, en se servant du même mot que pour les graines elles-mêmes qui cuisent difficilement. Le plus sûr donc est d'avoir expérimenté de pareilles eaux; toutefois, si on veut également reconnaître d'avance ses propriétés à des signes, [on peut recourir aux suivants] : toutes celles dont les sources se frayent un chemin vers les constellations des Ourses et sourdent à travers des rochers, de façon à avoir le soleil derrière elles, doivent être regardées comme dures et sujettes à passer lentement, et ce sont justement celles-là qui s'échauffent et se refroidissent lentement; de même on peut s'attendre à trouver excellentes celles dont les sources se frayent un chemin vers l'orient, filtrent à travers quelque pierre molle ou à travers la terre, et qui s'échauffent et se refroidissent très rapidement. Les eaux les plus légères sont les eaux de pluie, parce que le soleil attire et enlève rapidement les parties les plus légères et les plus ténues de l'eau ; il exerce cette action aussi bien sur la mer que sur les autres eaux et même sur le corps humain; voilà pourquoi, entre toutes, elles se corrompent aussi le plus vite; car, en général, les corps qui ne possèdent qu'une seule qualité se corrompent plus difficilement que ceux qui en ont plusieurs, à moins que, par l'effet d'une autre cause, ils ne soient doués de la propriété de se corrompre difficilement ou facilement. Il faut se garder de croire que l'eau qui se corrompt le plus rapidement est la plus détestable, car elle peut même être excellente, si elle présente tous les signes caractéristiques des meilleures eaux précédemment exposés, puisque la propriété de modifier facilement ses qualités doit être imputée à l'eau plutôt comme un avantage que comme un défaut. Ce qui prouve aussi la bonté des eaux de pluie, c'est qu'elles sont cuites par la chaleur du soleil, car toute substance soumise à l'ébullition devient plus douce qu'elle n'était auparavant. Quand l'eau a commencé à se corrompre, elle est tout à fait impropre à la boisson; ceux donc qui en boivent quand elle commence à se corrompre sont pris d'enrouement, de toux, et ont la voix grave. Parmi les eaux de pluie elles-mêmes, celle qui tombe en été, et qu'Hippocrate appelle eau de saison, est meilleure que l'eau de tempête, et l'eau de tonnerre est également meilleure que l'eau de tempête. Les eaux qui proviennent de la fonte de la glace et de la neige sont très mauvaises, car tout ce que contiennent de plus subtil les substances qui se congèlent par le froid est poussé au dehors. Ce serait une bonne mesure de ne donner les eaux bourbeuses ou de mauvaise odeur, ainsi que celles qui ont des qualités peu convenables, qu'après les avoir préalablement modifiées par l'ébullition. Cependant nous trouvons encore un autre avantage à refroidir l'eau après l'avoir chauffée, lors même qu'elle n'a ni odeur ni goût mauvais, qu'elle est complètement pure, c'est quand l'expérience nous a prouvé qu'elle reste pendant longtemps dans l'estomac et y cause quelque dommage; en effet, la chaleur, en désagrégeant toute l'eau d'une manière égale pendant l'ébullition, la rend propre à se désunir, car, pendant le refroidissement, les parties terreuses, en se précipitant par leur pesanteur innée, se rendront au fond du vase, tandis que l'eau surnagera au-dessus d'elles; en versant donc doucement cette eau dans un autre ustensile nous pourrons nous en servir sans inconvénient. Si, après l'ébullition, nous voulons rendre l'eau très froide, et si nous avons de la neige, nous chauffons d'abord l'eau, et ensuite nous l'environnons de neige à l'extérieur; mais, si nous n'en avons pas , nous procurons à l'eau un refroidissement à l'aide de puits ou de chutes d'eau, après l'avoir toutefois chauffée afin qu'elle devienne prompte à se modifier; car toute chose qu'on a d'abord chauffée admet plus facilement dans la totalité de sa substance les modifications que lui impriment les objets avec lesquels elle est en rapport. Après avoir placé le vase dans des puits ou sous des chutes d'eau, il est nécessaire que nous y adaptions un couvercle et que nous le fermions exactement de tout côté ; on ne remplira pas le vase, mais on le laissera à moitié vide afin que l'air qui se trouve entre le couvercle et l'eau contenue dans le vase, en se refroidissant d'abord, refroidisse à son tour l'eau avec laquelle il est immédiatement en contact. Là où on n'a aucune de ces ressources, comme en Égypte, on suspend le vase et on le laisse sans couvercle afin qu'il admette l'air. Puisque l'eau n'a rien d'incisif ni de chaud, il est clair que toute eau doit passer lentement, se digérer difficilement et céder avec peine à l'assimilation, lors même qu'elle excelle sous les autres rapports; elle reste donc longtemps dans l'estomac et y produit eu général des fluctuations ; de plus, quand cet organe est imprégné de bile, elle se corrompt aussi; quand enfin elle est descendue, non sans effort, de l'estomac dans le jejunum, elle n'est pas facilement distribuée dans le corps; voilà pourquoi elle est naturellement incapable de pousser aux urines ou d'expulser les crachats. Elle n'étanche pas même la soif parce qu'elle reste longtemps dans l'estomac, ne pénètre pas dans toute la profondeur du corps et n'humecte pas les parties desséchées. Qu'elle ne nourrit pas non plus, mais qu'elle est seulement un véhicule de la nourriture, cela a déjà été dit par Hippocrate et par les plus éminents d'entre les autres médecins; aussi n'est-elle pas même capable d'augmenter la force vitale; et ce sont là les raisons pour lesquelles Hippocrate abandonne l'eau et se sert de l'eau miellée, de l'oxymel et du vin chez les malades. Si donc il n'y avait pas autre chose à considérer, personne ne se servirait jamais de l'eau; mais la plupart des médecins, quand ils ont été déçus par l'emploi des autres boissons, ont recours à l'eau, qui ne produit pas de grand mécompte, parce qu'elle n'a pas non plus une grande efficacité ; or l'usage de l'oxymel, du vin et de l'eau miellée, devient mauvais par les changements subits qu'il cause; il le devient encore par un mélange trop fort comme les médecins le font habituellement; car le vin doit conduire l'eau comme par la main vers les endroits où elle doit se distribuer, et, pour atteindre ce but, il faut y mêler une toute petite quantité de vin afin que l'eau cesse d'être pure; de la même manière aussi je recommande l'oxymel aqueux parce que l'oxymel fort, s'il ne relâche pas tout d'abord le ventre, devient très nuisible, surtout chez les malades incommodés par la bile amère ou dont les viscères sont tuméfiés, et chez lesquels l'eau est nuisible aussi bien que l'oxymel quand elle se convertit en bile en séjournant longtemps dans les hypocondres, car, joignant encore à tous ses autres défauts celui de ne pas produire de matières alvines, elle ne cause même aucun relâchement du ventre. C'est un fait reconnu de tout le inonde, que l'eau est nuisible quand on la boit au commencement des accès. Quand clone convient-il de boire de l'eau? lorsque le malade est exclusivement au régime des boissons et qu'il ne prend pas encore de la crème d'orge mondée; en effet, c'est dans cette circonstance qu'on peut donner à propos de l'eau entre les autres boissons, surtout quand le malade a de la soif: car, dit Hippocrate, elle cause une espèce d'inondation, c'est-à-dire une abondance d'humidité; c'est pourquoi Hippocrate donne un peu d'eau entre l'eau miellée ou entre l'oxymel, parce qu'elle est commode pour humecter les matières qui doivent être rejetées par les crachats; mais il donne également de l'eau lorsque le vin est extrêmement nuisible, et il l'est quand le malade a du délire ou un violent mal de tête. La nature propre de l'eau est elle-même humide et froide, mais, quand elle reçoit une chaleur empruntée, elle échauffe et humecte ce qui est en rapport avec elle; cependant elle n'est pas capable de faire tout cela de la même manière, puisqu'elle humecte au suprême degré, qu'elle soit d'une tempéra­ture moyenne ou tiède, ou plus chaude encore; tandis qu'elle n'échauffe jamais au suprême degré, à moins qu'elle ne soit au plus fort de l'ébullition. Appliquons ce que nous venons de dire à une constitution d'un tempérament moyen : si donc on administre de l'eau modérément chaude à un individu de cette constitution, soit qu'on donne un bain ou qu'on fasse une affusion sur une partie quelconque, autant que dure l'affusion, on rendra cette partie plus humide et plus chaude qu'elle n'était 'auparavant; si on s'arrête après cela et qu'on ne resserre ni ne condense le corps à l'aide de l'eau froide, on trouvera bientôt qu'il est devenu plus froid qu'il ne l'est habituellement, parce que la chaleur innée. s'est évaporée outre mesure; bien que, par un effet secondaire, l'usage de l'eau chaude ait rendu le corps plus froid, il ne l'a cependant pas rendu pour cela plus sec, ce qui cependant semblera avoir lieu à cause du relâchement des conduits, du ramollissement du corps et de la liquéfaction de sa substance; en effet, pour produire ces divers états, il se fait nécessairement une évaporation plus forte que de coutume, et la vapeur est une humidité atténuée; mais en réalité cette sécheresse n'existe pas, car toute l'humidité contenue dans les vaisseaux et dans les autres espaces vides s'échappe, tandis que le corps même des vaisseaux et toutes les parties charnues deviennent plus humides qu'elles n'étaient, et il n'y a, à ce qu'il paraît, que cette propriété humectante que l'eau ne perd jamais; car, même lorsqu'à l'état d'ébullition elle brûle les corps, les parties brûlées ne deviennent pas sèches à l'instar de celles qui ont été brûlées par le feu; de même, lorsqu'elle est parvenue au suprême degré de froid et qu'on en fait des affusions pendant une journée entière ou pendant plus longtemps encore sur une partie quelconque, elle ne la rendra pas plus sèche que de coutume, quoique la partie se montre ridée et tout à fait atrophiée; cela tient à ce que l'humidité des vaisseaux et des autres espaces vides s'est échappée, tandis que les parties fondamentales elles-mêmes ne deviennent en aucune façon plus sèches qu'elles n'étaient auparavant.

2. DE L'ADMINISTRATION DE L'EAU FROIDE ET DE L'OXYMEL FROID CHEZ LES MALADES.

Comme toute affection contre nature se guérit par les moyens qui lui sont contraires, ainsi que nous l'avons montré , il est clair que la fièvre sera entièrement éteinte par l'eau froide, pourvu qu'elle existe seule sans accompagnement de quelque affection à laquelle l'eau froide est préjudiciable; car, si concurremment avec la fièvre il existe une autre affection que l'eau froide exaspère, plus tard, au cas où on aurait éteint à l'aide de l'eau froide, pour le moment du moins, la fièvre produite par cette affection, il s'allumera une autre fièvre plus grave que la première, parce que l'affection pour laquelle l'eau froide prise en boisson ne convient pas se sera aggravée; or les affections auxquelles l'eau froide est préjudiciable sont celles qui tiennent à l'inflammation des parties ou à la crudité des humeurs, dont la crudité des urines est le signe; la considération des urines, conjointement avec l'absence de l'inflammation d'un organe important, suffit donc pour nous déterminer à donner de l'eau froide à boire. Si cependant, en été, nous sommes pressés par la violence de la fièvre, et si le malade est jeune et habitué à boire de l'eau froide, on ne commettra pas de faute en lui en administrant, au cas où les urines présentent un énéorème louable en même temps qu'un bon aspect et une bonne consistance, lors même qu'il y aurait une partie enflammée ; car, dans un pareil cas, on aime mieux arrêter la violence de la fièvre, au risque d'être dans la nécessité de consacrer un plus grand nombre de jours au traitement de ce qui reste de l'inflammation et qui nécessairement s'est rapproché de la nature du squirrhe et est devenu plus difficile à résoudre. Si cependant les fièvres ne sont pas accompagnées d'une très-grande chaleur et s'il y a des parties enflammées, on éprouvera de grands mécomptes en donnant de l'eau froide; car les fièvres accompagnées d'une vive chaleur indiquent que l'inflammation est en quelque sorte érésipélateuse, et c'est justement pour cela que l'eau froide réussit dans ce cas, comme on le voit aussi pour les parties extérieures. Chez ceux qui ont des inflammations commençantes au foie, à l'estomac ou à d'autres parties semblables, on doit admettre une distinction plus rigoureuse, car tous ces malades éprouvent un grand dommage, si la quantité de la boisson dépasse un peu la mesure, quand même ils prendraient l'eau en temps opportun ; en effet, les inflammations commençantes produites sans violence extérieure et sans plaie résultent ou de la faiblesse des parties ou d'une certaine chaleur; or l'eau froide sera toujours nuisible dans les inflammations qui tiennent à la faiblesse, tandis qu'elle conviendra pour celles qui dépendent d'une certaine chaleur ignée, pourvu que la dose soit modérée; car, si on donne trop d'eau, on s'expose au danger de voir la partie passer à l'excès con-traire. L'eau froide, prise en boisson, fera encore plus de bien dans ce genre d'affections, si les malades en usaient auparavant dans l'état de santé. Avant d'administrer l'eau froide, il faut donc préalablement prendre en considération les maladies graves de la poitrine, de l'estomac, du foie, du cou et de toute la tête, car les membres n'en éprouveront peut-être pas de grand dommage; ils en éprouveront, il est vrai, quelque peu dans certaines affections dont je parlerai plus tard; mais un homme étranger à la médecine n'ose-rait pas même comparer ce dommage à celui qu'entraîne l'eau froide, lorsque les parties susdites sont gravement affectées. Si donc il existe à l'hypocondre une affection de nature érésipélateuse ou herpétique, ou s'il y a une inflammation érésipélateuse, ou une affection éminemment chaude tenant à une intempérie sans humeurs, l'eau froide soulagera; de même qu'un abcès, un oedème, un squirrhe, une plaie ou des intempéries froides en éprouverons une aggravation considérable. Mais, puisque j'ai promis de parles aussi des membres, il faut savoir que l'eau froide prise en boisson est très nuisible dans les inflammations des parties nerveuses de ces régions, car ces inflammations, en l'absence même de l'eau froide menacent du danger des convulsions; si, au contraire, l'inflammation a son siège dans les parties charnues des membres, et que le malade boive de l'eau froide ou qu'il en applique extérieurement sur la partie enflammée, cela lui fera du tort, il est vrai, mais ce tort ne sera ni considérable ni apparent, surtout si ce malade est habitué à boire de l'eau froide. Si, donc la fièvre existe seule et sans autre affection à laquelle l'eau froide puisse être nuisible, il faut donner autant d'eau froide que le malade lui-même pourra en avaler d'un seul trait. Quant à l'oxymel froid, on le donne en été pour empêcher que la soif du malade ne s'exaspère; voilà pourquoi nous nous permettons de donner en été de l'oxymel froid, même avant que la maladie ne soit arrivée à coction, tandis que nous ne donnerions pas de l'eau froide jusqu'à satiété dans un pareil état, car elle resserrerait les parties enflammées, si c'est l'inflammation qui produit la fièvre, et elle maintiendrait à l'état de crudité les humeurs, si c'est d'elles que dépend la maladie; mais nous donnons alors un peu d'oxymel, parce que cette boisson prend dans l'estomac une température tiède avant que le refroidissement qu'elle produit n'arrive jusqu'au côté; et, si même ce refroidissement s'y faisait un peu sentir, cet inconvénient serait corrigé par l'oxymel lui-même, qui est doué de propriétés incisives.

3. DE L'EAU.

(Tiré de Rufus. )

[Il se trouve dans le deuxième livre du traité Sur le régime, c'est-à-dire dans le livre Sur les boissons.]

Les eaux stagnantes (j'appelle ainsi les eaux de puits) ne sont pas très ténues parce qu'elles n'ont point de mouvement, et, quand elles ont pénétré jusqu'à l'intérieur, elles humectent et dissolvent moins les aliments que les autres eaux; elles agissent aussi moins bien sur la digestion et elles ne passent pas non plus facilement par les urines à cause de leur épaisseur et parce qu'elles sont froides; elles deviennent meilleures à boire quand elles éprouvent une espèce d'écoulement par le puisement ainsi que par le nettoyage des puits. Les eaux qui coulent sur une pente sont beaucoup plus ténues et valent mieux pour humecter et pour favoriser la digestion et l'émission des urines. Les eaux de lac sont, sans exception, très mauvaises, car elles ont une odeur peu convenable, comme si elles étaient corrompues, puis elles sont chaudes en été et froides en hiver, circonstance que je regarde comme le principal signe de la mauvaise qualité des eaux. En été, donc, elles causent la diarrhée et passent lentement parla vessie ; souvent aussi on est pris de dysenterie et d'affection lientérique qui se transforme en hydropisie. En hiver, les eaux de lacs ne causent pas beaucoup de diarrhée parce qu'elles sont froides, mais elles produisent des ruptures, des pleurésies et de la toux; elles se portent aussi du côté de la rate et finissent ensuite par engendrer l'hydropisie; la rate étant affectée, les pieds s'ulcèrent aussi, et ces ulcères ne veulent pas se fermer vite. Il n'y a, à ma connaissance, que les marais de l'Égypte qui soient favorables à la santé, parce que l'eau, n'étant pas chauffée outre mesure, ne se corrompt pas en hiver, tandis qu'en automne le Nil, en remplissant les marais, chasse la vieille eau et y introduit de l'eau nouvelle. Sur les eaux de pluie je professe l'opinion suivante : ces eaux sont légères, ténues, pures et douces au goût, et, si on veut y faire bouillir une substance quelconque, elle cuira très rapidement; si on les soumet au feu, elles s'échauffent très vite et elles exigent très peu de vin pour former un bon mélange; elles favorisent donc la digestion et le cours des urines; elles sont également favorables au foie, à la rate, aux reins, au poumon et aux nerfs, car, n'étant pas douées d'une force refroidissante très prononcée, elles ne sauraient manquer d'être plus ou moins propices à ces organes. Les eaux de printemps et d'hiver étant celles qui arrivent le mieux à leur temps et qui sont les plus belles, je les recommande par-dessus toutes. Les eaux d'automne et d'été sont sans doute meilleures que certaines autres, mais toutes ne sont pas supérieures à quelque eau que ce soit, car il y a aussi sous terre des eaux douées de qualités éminentes; on ne saurait dire combien les eaux d'automne et d'été sont inférieures aux eaux de printemps et d'hiver, car la terre omet des vapeurs plus sèches dans l'été et dans l'automne, et la pluie se charge beaucoup d'immondices de la terre; de pareilles eaux doivent donc être plus sèches que d'autres et très nitreuses ; elles ont des propriétés détersives et sont propres à passer à travers les intestins, mais elles ne conviennent ni aux reins, ni au poumon, ni à la trachée-artère; elle doivent donc aussi exiger, en quelque sorte, une plus grande quantité de vin pour que leurs qualités nitreuses soient vaincues. Les vents, selon qu'ils viennent du nord ou du midi, produiront aussi une différence assez considérable, car la pluie qui tombe pendant le vent du nord est plus douce, mais aussi plus froide, tandis que celle qui accompagne les vents du sud est moins douce, mais plus chaude; et, en général, les temps pluvieux fournissent plutôt des eaux douces, tandis que les temps secs et peu pluvieux donnent plutôt des eaux nitreuses. Toutes les eaux qui proviennent de la fonte des neiges et des glaces sont dures et refroidissent outre mesure, mais elles sont douces au goût, or une eau dure et froide ne convient ni pour la digestion ni pour l'écoulement des urines; elle nuit aussi aux nerfs, à la poitrine et aux côtés, car elle produit des convulsions, du tétanos et, dans la poitrine, des ruptures qui ont entraîné chez quelques individus des crachats sanguinolents et de la suppuration. Quant aux eaux de source, toutes celles qui sont tour- nées vers l'orient sont supérieures aux autres par leur humidité [radicale], leur ténuité, leur bonne odeur et leur propriété de refroidir et de réchauffer modérément. Celles qui sont tournées vers le nord sont douces, il est vrai, mais refroidissent outre mesure. Celles qui sont tournées vers l'occident refroidissent avec force et agissent fortement aussi par leur dureté; pour ce motif elles causent de l'enrouement, la pleurésie et des convulsions. Celles qui sont tournées vers le midi sont plutôt salées et chaudes ; elles ne sont pas propres à passer par les urines, mais plutôt par les selles. Bien que je ne loue pas les eaux du midi, je loue cependant le Nil à un tel degré, qu'à mon avis il y a peu de fleuves qui lui soient comparables sous le rapport de la bonté de l'eau; car elle relâche le ventre, provoque les règles, et on peut l'administrer pendant les couches. La plupart des eaux du midi sont stationnaires, ce qui entraîne un double inconvénient, l'un tenant au sol, et l'autre à ce qu'elles ne s'écoulent pas. La nature du sol conduit à la distinction suivante entre les eaux : le sol se compose, soit de plaines, soit de collines et de montagnes ; les plaines valent mieux pour le rassemblement des eaux, et ordinairement il y a dans ces localités des puits creusés et des sources stationnaires; mais les collines et les montagnes sont plus favorables, car elles fournissent des eaux plus pures, plus ténues, de meilleure odeur et plus agréables par leur douceur. Quelques plaines présentent des efflorescences salines et nitreuses pendant l'été et l'automne ; d'autres n'offrent rien de semblable, et on appelle ce terrain sol doux : c'est dans cette espèce de plaines que l'eau est meilleure et plus potable qu'ailleurs, tandis que, dans les plaines à efflorescences , elle est salée et nitreuse. Parmi les montagnes, quelques-unes sont terreuses, d'autres rocheuses; les [eaux fournies par les] montagnes terreuses sont meilleures, parce qu'elles sont douces au toucher et qu'elles sont moins froides [que les suivantes; celles qui coulent] des montagnes rocheuses sont moins bonnes, à cause de leur dureté et de leur froideur; mais elles sont plus pures que les autres et n'ont point de dépôt. Une différence très-grande et très remarquable entre les eaux résulte de la présence des mines ou des plantes qui se trouvent aux environs des sources : les mines non-seulement rendent les eaux moins potables, mais elles vicient même toutes les autres conditions d'habitation; les plantes sont aussi quelquefois tout à fait nuisibles à l'eau; mais quelquefois aussi l'eau est améliorée par la berle, la menthe sauvage et le capillaire; car ce sont là les plantes qui croissent le plus fréquemment dans les canaux; or elles gâtent la bonne eau, tandis qu'elles corrigent celle qui, sans cela, serait mauvaise, en jouant pour ainsi dire, en s'y mêlant, le rôle de médicament : de pareilles eaux deviennent plus favorables au flux des urines. Il faut veiller sérieusement à ce que les eaux n'empruntent aucune mauvaise qualité, soit au sol, soit à d'autres circonstances; il ne suffit donc pas que les sources fournissent ici de l'eau bonne et potable, et là de l'eau salée et nitreuse, si les canaux ne présentent pas les mêmes conditions. Les principaux points de mon sujet ont été traités dans ce qui précède; rapportons cependant encore quelques autres signes de la bonté des eaux : ainsi celles qui sont chaudes en hiver et froides en été me semblent, en quelque sorte, être les meilleures ; tandis que celles qui sont dans un rapport exact de froid et de chaleur avec les saisons sont les plus mauvaises, car en été la chaleur se rapproche de la surface du sol, tandis qu'en hiver elle s'enfonce dans la profondeur; et c'est pour cette raison, je pense, que les sources qui s'écoulent d'une grande profondeur, ainsi que les cavernes creuses, sont toutes très chaudes en hiver et très froides en été; pour la même cause aussi, tout ce qui est rapproché de la surface subit, eu égard à la chaleur et au froid; des changements en rapport avec ceux des saisons. Il est étonnant de voir l'eau disparaître en hiver, et reparaître en été, bien que le contraire fût vraisemblable ; mais on peut encore admettre que la cause de ce phénomène est la chaleur qui entraîne avec elle les eaux profondes, car les eaux sentent aussi la chaleur; en effet, vous trouverez toutes les sources profondes et qui n'empruntent pas beaucoup aux pluies de l'extérieur, très faibles en hiver et pendant les froids les plus rigoureux, tandis qu'elles sont très abondantes en été : c'est ainsi que, pour les mêmes raisons, le lac de Délos et les puits à Pythopolis présentent ce même phénomène. Être chaudes en hiver et froides en été est donc un des signes à l'aide desquels on distingue les bonnes eaux des mauvaises ; le second est qu'elles ne présentent au palais aucun goût appréciable ; dans ce cas , elles n'exigeront pas non plus beaucoup de vin pour un bon mélange, et elles supporteront toute espèce de vin. Il faut encore, pour être la meilleure, que l'eau soit pure, qu'elle ne contienne ni boue ni sédiment, et que nulle autre circonstance ne gâte sa couleur; puis il est indispensable que l'eau pure soit en même temps légère au poids ; car ce qui est léger au poids ne contient jamais un mélange de terre; si, au contraire, elle est pesante, c'est à la terre qu'elle doit ce surcroît de pesanteur. On doit encore prendre grandement en considération les circonstances suivantes : examiner si l'eau s'échauffe et se refroidit vite (car cette eau-là est meilleure que les autres), savoir comment elle se comporte par rapport à la digestion et comment elle traverse le corps; car celles qui accélèrent la digestion sont meilleures que les autres : il en est de même de celles qui, dans leur passage à travers le corps, se procurent une issue par la vessie; car passer par les intestins est une plus mauvaise note pour l'eau. Il faut s'enquérir auprès des gens du pays des eaux dont on ne saurait connaître l'efficacité par notre art; or il n'est en aucune façon aisé de connaître ce qui se produit contre le cours ordinaire de la nature. Ainsi il y a, chez les Léontins , une eau qui tue ceux qui en boivent; il en existe une autre semblable, qu'on appelle eau du Styx, à Phénée en Arcadie, et encore une autre dans la Thrace; puis il y a, chez les Sauromates, le lac que les oiseaux même ne sauraient traverser [sans tomber morts]; il y a encore, à ce qu'on raconte, chez les Mèdes, un autre lac sur lequel il surnage une liqueur noire qui s'enflamme lorsqu'on s'approche du feu après s'en être enduit le corps : c'est, dit-on, à l'aide de ce poison que Médée a tué la fille de Créon. Il y a aussi près de Suze une eau qui fait tomber les dents de ceux qui en boivent. Le fleuve Sybaris rend les hommes chastes. L'eau qu'on appelle rouge, en Éthiopie, produit la folie.
En Égypte, une certaine eau rend chauves ceux qui en boivent. La science ne sait rien de ces prodiges ; aussi beaucoup de gens ont-ils déjà trouvé la mort, après avoir usé de ces eaux sans précaution, et d'autres ont éprouvé quelque autre fâcheux accident. Il existe encore pour les eaux plusieurs autres propriétés qui s'écartent du cours habituel de la nature : ainsi une certaine eau, chez les Lyncestes, enivre ceux qui en boivent; à Clitorium en Arcadie, une autre produit chez les baigneurs l'aversion de l'odeur même du vin; l'eau de la fontaine Aréthuse, à Chalcis, fait du bien aux femmes, tandis qu'elle donne des maux de pieds aux animaux qui en boivent; on admet enfin que le Cydnus adoucit la goutte, quoiqu'il soit d'une froideur excessive. Si l'on séjourne dans un endroit où l'eau est mauvaise, il faut s'efforcer de la rendre plus potable; le mieux pour cela est de la faire bouillir dans des vases de terre cuite, et de ne la boire qu'après l'avoir refroidie pendant la nuit et ensuite de nouveau réchauffée. Si, pour une armée, on est obligé de rendre potable une mauvaise eau, il faut creuser des fosses continues du point le plus élevé vers la partie déclive, et les faire traverser par l'eau, après y avoir jeté de la terre douce et grasse, par exemple celle dont on fait de la poterie; car les eaux laisseront toujours dans les fosses leurs mauvaises qualités.

4. DE L'AMÉLIORATION DE L'EAU.

(Tiré de Dioclès.)

On rendra l'eau très peu active en la réduisant au tiers par l'ébullition; on fera également bouillir, de la même manière, les eaux blanchâtres, mais on jettera dans ces dernières des mottes de terre glaise sèche, jusqu'à ce qu'elles soient imbibées d'humidité, dans la mesure d'un demi-modius pour chaque amphore; on ne boira ces eaux qu'après les avoir fait bouillir. On peut chasser de la manière suivante une odeur chaude de l'eau : on la frappe avec la main contre le vent, on l'expose au grand air dans un vase à grande ou­verture, et on la transvase peu à peu dans plusieurs [autres] ustensiles.

5. PURIFICATION DE L'EAU.

(Tiré d'Athénée.)

On passe l'eau, tantôt à l'aide des vases appelés stactes, comme à Alexandrie, tantôt à l'aide de filtres, soit simples, soit doubles ou triples, employés pour que la partie la plus pure coule à travers. On creuse aussi des fosses auprès de la mer ou des lacs; dans le premier cas, quand on veut tirer de la mer de l'eau potable, et dans le second, quand le lac est trouble et contient des sangsues ou présente quelque autre inconvénient, afin que la partie la plus pure et la moins nuisible, en filtrant à travers la terre, se rassemble dans les fosses. Lorsqu'il faut se procurer une grande provision d'eau, par exemple quand on est en campagne, on revêt les paroi, des fosses de pierres ou de bois, et on tâche de conserver l'eau pure en pavant le fond de la même manière. Les eaux filtrées deviennent plus ténues et très pures, par cette raison elles sont aussi plus froides: mais plusieurs conservent, même après la filtration, les propriétés des corps visqueux.

6. DES VINS.

(Tiré de Galien.)

On appelle vulgairement vin aqueux celui qui ressemble à l'eau par la couleur et par la consistance ; car il est transparent, limpide, pur et montre une consistance ténue ; et, si vous le goûtez, vous verrez qu'il n'a aucune qualité bien prononcée, et que, pour faire un bon mélange, il ne supporte pas l'addition de beaucoup d'eau voilà pourquoi les anciens l'appelaient oligophore (qui supporte peu). Ce vin-là n'est pas tout à fait dépourvu d'action astringente, mais c'est une astringence tout à fait affaiblie qu'il possède car, si vous le comparez à l'eau, vous verrez clairement, par cette comparaison, qu'il est formé d'eau ayant pris une légère astringence. Son action est également semblable à celle de l'eau, puisqu'il n'affecte ni la tête ni les nerfs, quand ces parties sont faibles, car il n'échauffe pas manifestement non plus. On voit qu'il ne possède aucune âpreté plus ou moins prononcée, ni goût sucré ou âcre, ni aucune autre qualité apparente. Ce vin convient pour expulser les crachats du poumon, parce qu'il donne de la force et qu'il exerce sur les humeurs une action modérément humectante et incisive. Administré aux fébricitants, il est moins dangereux que tout autre; car il est le seul entre tous qui ait le privilège d'être exempt à la fois des inconvénients de l'eau et de ceux du vin. Outre qu'il ne fatigue jamais la tête, ce vin lui est souvent même avantageux, en faisant cesser les petites douleurs qui tiennent aux humeurs renfermées dans l'estomac; car vous verrez, en effet, que certaines gens prennent quelquefois de la céphalalgie pour avoir bu de l'eau, surtout quand cette eau est mauvaise, parce qu'elle se corrompt et relâche la tension naturelle de l'estomac ; or, cet organe étant relâché, des humeurs bilieuses ténues se rassemblent ordinairement de tous les points du corps dans sa cavité, comme cela arrive chez les gens qui ont jeûné; et c'est justement de l'inconvénient et de l'effet nuisible de ces humeurs que le vin aqueux délivre les malades, d'abord par son action tempérante immédiate, et un peu plus tard parce que l'estomac, s'étant renforcé, repousse vers le bas ce qui l'incommodait. Pour les sujets d'un tempérament tout à fait chaud, il vaut mieux boire de l'eau que du vin; et, si quelquefois ils ont besoin de vin, il faut leur en donner qui soit ténu et modérément âpre. Les vins aqueux et clairs donnent très-peu de nourriture au corps, parce qu'ils poussent aux urines. De tous les vins, il n'y a que ceux-là qu'on puisse boire utilement quand ils sont nouveaux, par exemple le vin appelé Gaurien, et quelques-uns de ceux qui se font chez les Sabins. On trouvera facilement dans chaque contrée des vins pareils ; chez nous, ceux qui deviennent bons à boire en peu de temps sont le Tibène, l'Arsyin et, après eux, le Titacazène. Vous ne verrez jamais du vin d'un goût sucré qui soit exactement clair ou limpide; au contraire, il s'écartera plus ou moins de ces deux qualités, sans être doué d'aucune d'elles. Tout vin d'un goût sucré réchauffe, présente une consistance épaisse, et les propriétés particulières dont il se montre doué, quand on le boit, sont les conséquences des deux qualités susdites ; car la couleur n'a par elle-même aucun action profitable ou nuisible. Ce vin traverse le corps avec une lenteur proportionnelle au degré de sa consistance : ainsi non-seulement il ne désobstruera pas les organes engorgés, mais il aggravera même l'obstruction, et, pour ce motif, il devient très nuisible au foie malade, surtout quand cet organe est affecté d'inflammation ou de squirrhe; tandis qu'il fait moins de mal quand ce viscère est obstrué par des humeurs épaisses, ou que la maladie dépend de la faiblesse, comme dans les maladies hépatiques proprement dites. Après le foie, c'est à la raie que les vins d'un goût sucré font le plus de tort; mais ils ne nuisent pas au poumon, lorsqu'il contient dans les bronches une humeur épaisse; car, dans les maladies aiguës, le vin d'un goût sucré favorise l'expectoration, quand la péripneumonie et la pleurésie sont déjà arrivées à coction, et que les parties ne sont plus enflammées. Les vins d'un goût sucré causent d'autant moins de pesanteur de tête et de perversion de l'intelligence, qu'ils s'écartent davantage de l'extrême degré de chaleur: ils traversent plutôt rapidement le corps et augmentent le volume des viscères; mais ils ne conviennent pas aux gens tourmentés par la bile amère, car toutes les humeurs d'un goût sucré fournissent des matériaux à la bile jaune. Ce n'est pas seulement parce que l'excès de chaleur rend ces humeurs amères que le vin d'un goût sucré nuit aux fébricitants, mais aussi parce qu'étant épais il ne passe pas vite par les urines, et n'entraîne ni n'évacue avec lui les humeurs bilieuses. Il ne présente, par conséquent, qu'un seul avantage, celui de relâcher le ventre; c'est aussi pour cette raison qu'on le boit avant le repas : si donc il ne produit pas cet effet, il nuit de toutes les façons; car à ses autres inconvénients il joint celui de produire de la soif, et prouve par cela même qu'il se transforme facilement en bile. Ces vins sont, en outre, flatulents, mais ils ne sont pas nuisibles à la partie inférieure des intestins, bien que les flatuosités qu'ils produisent marchent lentement et séjournent longtemps dans l'hypocondre, jusqu'à ce qu'elles aient atteint un degré complet de coction et d'atténuation ; car, dès qu'elles sont une fois parvenues à ce degré de coction, elles acquièrent en même temps une nature plus mobile et plus subtile. Le vin âpre doué en même temps d'un goût sucré, comme le vin Abate, dans la Cilicie, est mauvais, parce qu'il réunit des qualités opposées ; il ne se distribue donc pas dans le corps et ne descend pas, mais il séjourne pendant longtemps dans le ventre supérieur et le remplit, de flatuosités. Le vin noir, qui, sans avoir un goût sucré, présente une âpreté manifeste plus ou moins prononcée, cause de la plénitude , marche lentement et supprime les deux excrétions, celle qui se fait par le ventre, et surtout celle qui se fait par la vessie; il séjourne longtemps dans les hypocondres, s'aigrit facilement, et a de la tendance à produire le vomissement : ce n'est que dans le cas de flux de ventre qu'il convient, et même, dans cette circonstance, il ne faut pas le boire jusqu'à satiété. Le vin qui est à la fois blanc et âpre ne pousse cependant pas aux urines, et, s'il est épais, il séjourne longtemps [dans l'hypocondre]; si, au contraire, il n'est pas épais, il n'y reste pas longtemps, comme fait le vin noir. mais il ne passe pas non plus par les urines, comme les vins à la fois blancs et modérément âpres. Le vin paillet et âpre convient aussi contre le flux de ventre; car il y a aussi deux espèces de vin paillet, de même que de vin noir, l'un doué d'un goût sucré, et l'autre âpre. Mais le vin paillet affecte davantage la tête et l'intelligence, parce qu'il est plus chaud que le noir. Le vin jaune est éminemment chaud, ainsi que le vin paillet qui vient après lui, puis après eux viennent le vin rouge, et ensuite le vin d'un goût sucré, tandis que le vin blanc est le moins échauffant de tous. Aucun vin blanc n'est doué d'un goût sucré; mais quelques-uns sont âpres et épais, d'autres aqueux et ténus; parmi les vins jaunes et paillets, quelques-uns ont un goût modérément sucré, comme le vin d'Hippodame et le vin Faustien; d'autres, au contraire, n'ont pas le moindre goût sucré. Les vins rouges sont plus épais que ceux dont il vient d'être question, parce qu'ils se rapprochent déjà, par la couleur, des vins noirs. La nourriture que fournissent tous ces vins est en raison de leur consistance; il faut donc permettre de boire des vins d'un goût sucré à ceux qui ont besoin d'être restaurés, surtout quand leur foie, leur rate et leurs reins sont dans un état irréprochable, tandis que les vins d'une consistance ténue conviennent à ceux qui ont une accumulation d'humeurs épaisses dans les veines, et, si ces humeurs sont froides, il faut choisir des vins âcres et vieux; si, au contraire, ces humeurs ne sont pas froides, on doit s'en tenir à ceux qui ne pré-sentent aucune de ces deux qualités. Le vin odorant est plus favorable que les autres à la bonté des humeurs, mais il porte à la tête. Nous employons les vins âpres pour arrêter les flux de ventre; mais nous ne nous en servirions dans aucun autre cas, parce qu'ils ne favorisent ni la distribution des aliments, ni la sanguification, ni la formation de bonnes humeurs, ni l'écoulement facile des urines, ni l'excrétion de la sueur, ni l'évacuation des selles. Ni le vin de Falerne, ni le vin d'un goût sucré et paillet du Tmolus, ni celui d'Ariuse, ni le vin odorant et paillet de Lesbos qui leur est semblable, ne conviennent donc aux constitutions plus ou moins bi­lieuses; car tous ces vins-là sont plus ou moins chauds, et ceux qui les boivent sont facilement sujets à prendre du mal de tête, de la fièvre ou quelque affection des nerfs. Il ne faut donc pas donner du vin semblable aux individus d'une nature bilieuse, ni à ceux qui on' éprouvé un échauffement, ou une grande fatigue, ou la faim, ou des chagrins, ni à ceux qui vivent dans une saison chaude, dans un pays chaud ou sous une constitution chaude de l'air; par contré, il convient à tous ceux qui ont besoin d'être réchauffés, comme sont les sujets d'un tempérament pituiteux et froid, à ceux qui souffrent d'une accumulation d'humeurs froides, qui mènent une vie oisive; dans un pays froid, en hiver, sous une constitution froide et humide de l'air. Tous les vins qui ne sont pas extrêmement épais et doués d'un goût très-sucré, comme le vin de Thère et le Scybélite, ont cela de commun, que, lorsqu'ils ont vieilli, ils prennent une couleur jaune et présentent quelque chose de brillant à l'instar du feu; car les vins noirs, comme chez nous le vin de Perpérine, deviennent d'abord, en vieillissant, rouges ou paillets, et plus tard d'une couleur jaune; et il en est de même pour le vin blanc, comme le vin aminéen de Bithynie : les Romains appellent Cécube le vin qui est parvenu à ce degré de vieillesse; or ce vin est déjà amer, et, pour cette raison, il n'est pas bon à boire. Il faut donc éviter de boire des vins aussi vieux, de même que les vins tout à fait jeunes; il faut surtout s'abstenir de boire les vins naturellement épais quand ils sont jeunes, car ils sont si loin de favoriser la digestion, qu'à peine ils se digèrent eux-mêmes; en outre, ils ne descendent pas non plus par le ventre, ne se distribuent pas facilement dans le corps, ne poussent pas aux urines, et ne contribuent en rien ni à la sanguification, ni à la nutrition, mais ils restent long-temps suspendus dans l'estomac de même que l'eau, et, si l'on en prend un peu trop, ils s'aigrissent facilement. Le vin très-vieux diffère tellement du vin à la fois blanc, âpre, jeune et épais, que le premier réchauffe très fortement, tandis que l'autre refroidit d'une manière sensible. Quant au vin doux, tout le monde sait qu'il est flatulent, qu'il se digère difficilement, qu'il contient des humeurs épaisses et qu'il n'a qu'un seul avantage, celui de relâcher le ventre; et, si quelquefois il ne réussit pas à produire cet effet, il devient très nuisible. De tous les vins, les vins blancs et aqueux vieillissent le plus vite, c'est-à-dire qu'ils acquièrent promptement les qualités des vins qui commencent à vieillir; ces qualités consistent en une certaine âcreté jointe à la propriété manifeste de réchauffer, en une amertume qui se développe plus tard, qualité dont on peut voir quelquefois se revêtir les vins aqueux après un espace de dix ans, à moins qu'auparavant, dans les trois ou quatre premières années, ils ne se soient aigris. Il est arrivé quelquefois que les vins à la fois forts, âpres, blancs et épais se sont encore aigris après un espace de dix ans, quand ils n'étaient pas bien emmagasinés; ils sont aussi sujets à prendre les qualités des vins vieux après un espace de temps très prolongé. À ce genre de vin appartiennent en Italie celui de Tibur, celui du pays des Signins et des Marses, et celui de Sorrente, lequel est à peine arrivé à l'époque de sa maturité avant vingt ans; cependant, parvenu à cet âge-là, il a atteint le suprême degré de bonté, et il reste longtemps bon à boire, parce qu'il ne devient pas facilement amer, étant, par ses vertus, l'émule du vin de Falerne. Les vins aqueux, comme celui du pays des Sabins, le Gaurien, l'Arsyin, le Titacazène, le Tibène et tous ceux qui leur sont semblables, se comportent d'une façon contraire; car ils prennent facilement des qualités opposées, c'est-à-dire qu'ils deviennent ou acides, ou bien amers, s'ils vieillissent [en se conservant]. Le lieu dans lequel on conserve les vins contribue beaucoup à leur faire subir l'un ou l'autre de ces deux changements; car il faut préférer, au commencement, un endroit froid, et plus tard un endroit chaud, tandis qu'une localité tiède fait facilement aigrir le vin. Si, déposés dans un endroit froid, ils se sont conservés deux ou trois ans, ils ont besoin, après cela, d'être fortement réchauffés, mais ils ne réclament jamais une localité tiède ou d'une température moyenne. Quelques vins sont tellement faibles et aqueux, qu'ils ne supportent pas le froid, même lorsqu'ils sont tout à fait nouveaux. Les vases qu'on laissera sans couvercle aigriront facilement le vin; au contraire, parmi ceux qui sont munis de couvercles, les vases pleins sont les moins sujets à produire cet accident; car, dans les vases à moitié remplis, et qui par conséquent contiennent de l'air à l'intérieur, les vins subissent plus vite, par l'intermédiaire de cet air intérieur, les changements que leur impriment les influences extérieures, mais les vins renfermés dans des vases remplis jusqu'au couvercle n'éprouvent que par son intermédiaire une altération faible, peu sensible, proportionnelle à la densité du couvercle; car on verra que le vin contenu dans des vases fermés à l'aide de poix ou de gypse se conservera mieux que celui qu'on a mis dans des vases fermés avec du cuir seulement, ou dans des vases qui ont des feuilles pour couvercle. Il y a chez nous, en Asie, trois vins paillets excellents, celui du Tmolus, celui de Lesbos et celui d'Ariuse qui croît à Chios, lequel était le plus célèbre chez les anciens et dont tous se servaient pour la préparation des meilleurs médicaments, et surtout pour les antidotes.

7. SUR LE VIN.

(Tiré de Rufus.)

[Ce chapitre se, trouve dans le traité Sur le régime, ou Sur les boissons; dans le second livre.]

Je loue le vin comme soutien de la santé plus que toute autre chose; mais celui qui en boit a besoin de sagesse, s'il ne veut pas s'attirer quelque mal irrémédiable; car le vin peut développer la chaleur, remplir le corps de force, et digérer les aliments dans toutes leurs parties ; et il n'y a aucun vin qui soit si mauvais qu'il ne puisse produire ces effets; mais il existe, sous ce rapport, comme pour les autres choses, des qualités inférieures et des qualités supérieures. Le vin peut aussi placer l'âme dans un certain état, car il est le remède de la douleur; et, à mon avis, c'était du vin qu'Hélène versait dans le cratère. Celui donc qui en boit modérément peut être joyeux et accueillant; il peut se porter parfaitement bien; mais qu'y a-t-il d'agréable dans l'excès pour celui qui boit du vin outre mesure? qu'y a-t-il dans cet excès qui ne soit douloureux? D'ailleurs , comment celui qui en boit plus qu'il n'en faut pourrait-il être. exempt de désagréments, quand l'âme est noyée dans une si grande quantité de vin, qu'elle est refroidie par ce qu'il y a de plus chaud? Jugez-en par les preuves suivantes : d'abord le corps de l'homme ivre devient impuissant à se gouverner, et ensuite enclin au sommeil; cependant la nourriture se digère aussi par la chaleur. Voilà ce qu'éprouvent les gens ivres immédiatement par l'effet du refroidissement; plus tard il n'y a pas de maux auxquels on ne puisse s'attendre; car il est à craindre qu'on ne soit frappé d'apoplexie, qu'on n'éprouve des douleurs aux articulations, qu'on ne devienne estropié de quelque membre, et que le vin ne fasse naître au foie, à la rate et à la tête, les maladies propres à chacune de ces parties. Je me surprends quelquefois à m'étonner comment, dans un cas où les avantages et les inconvénients sont si évidents, on préfère ce qu'il y a de plus mauvais, tandis qu'on pouvait obtenir des résultats excellents de l'usage du vin.

8. DU SIRAEON.

(Tiré de Galien.)

Il faut faire le siraeon (vin doux cuit) avec du vin doux, non pas celui qui provient de raisins âpres, mais, autant que possible, avec celui qu'on tire de raisins doués d'un goût sucré; on ne doit pas non plus le préparer avec le vin qui coule le premier, mais avec celui qui coule le dernier. Si donc le vin est tel que nous venons de le dire, il faut le faire bouillir jusqu'à réduction de moitié; si, au contraire, le vin doux n'est pas de cette espèce, on le réduira au tiers par

9. DU VIN DOUX CUIT.

(Tiré de Rufus.)

[Du second livre du traité Sur le régime.]

Le vin doux cuit a la propriété de réchauffer, mais pas autant que le vin, d'où quelques-uns sont d'avis qu'il refroidit; mais, à mon avis, rien de ce qui est d'un goût sucré ne refroidit véritable-ment, comme on le croit, parce que toute chose à goût sucré est nécessairement agréable, et tout ce qui est agréable cause une liquéfaction ou dissolution; or c'est justement le chaud qui produit ces effets-là. Le vin doux cuit ne passe pas non plus par les urines, et n'a pas de tendance à se distribuer rapidement dans le corps; mais il reste dans l'estomac et y cause toujours de plus en plus de la plénitude, tant il est épais. Il épaissit aussi le sang; le foie et la rate s'épaississent également par l'action du vin doux cuit.

10. DU VINAIGRE.

(Tiré de Galien.)

Le vinaigre est formé du mélange d'une substance froide et d'une substance chaude, lesquelles sont toutes deux composées de molécules ténues ; mais l'action du froid prédomine, bien que le froid reste subtil : voilà pourquoi le vinaigre a des propriétés répercussives.

11. DU VINAIGRE.

( Tiré de Rufus. )

[Du second livre du traité Sur le régime.]

On se sert très fréquemment du vinaigre dans le régime ordinaire; car c'est le meilleur assaisonnement pour les mets secondaires, et plusieurs d'entre eux ne sauraient s'en passer. Si quel-qu'un avait la force de s'en priver, il en éprouverait un très grand dommage aussi bien que s'il mangeait sans sel les mets auxquels cet assaisonnement convient. Le vinaigre est excellent pour l'orifice de l'estomac et fournit un très bon aliment; il favorise la digestion et est ennemi de la pituite. Le meilleur vinaigre est celui qui provient des vins très forts, c'est-à-dire de ceux qui ont une âpreté assez prononcée.

12. SUR LA BOISSON FAITE AVEC DU MARC DE RAISIN (PIQUETTE).

(Tiré de Rufus.)

[Du même livre.]

On use encore de la boisson suivante : on exprime le vin du raisin, puis on verse de l'eau sur ce raisin, on le foule avec les pieds et on le pressure, puis on le fait bouillir jusqu'à ce qu'il ne reste que le tiers de la masse du liquide. On obtient ainsi une boisson d'un goût sucré comme le vin doux cuit, mais qui n'est ni épaisse ni forte; et, si on la fait bien bouillir, elle convient et par le plaisir qu'elle donne et parce. qu'elle pousse aux urines; elle est exempte de flatuosités, de façon qu'on peut la donner hardiment aux malades, si cela est parfois nécessaire; si on ne la fait pas bouillir, elle se change en mauvais vinaigre. Dioscoride ajoute encore deux sextaires de sel par métrète, et met la liqueur, après l'hiver, dans un vase de terre cuite; il conseille de l'employer à un an de là, parce qu'elle se gâte rapidement. 

13. DU VIN FAIBLE.

(Tiré de Dioscoride.)

Il y a encore le vin appelé faible; [pour le préparer] il faut mêler ensemble parties égales d'eau et de vin doux; on les fait bouillir ensuite lentement sur un feu doux, jusqu'à ce que l'eau se soit épuisée; après cela, on refroidit le liquide et on le dépose dans un vase luté avec de la poix.

14. DE L'EAU MIELLÉE.

(Tiré de Galien.)

L'eau miellée n'est pas très profitable aux gens tourmentés par la bile amère ; car, chez eux, elle se convertit en bile, à moins qu'elle ne passe auparavant par les intestins ou par la vessie, tandis que , si elle passe, non seulement elle ne nuit en aucune façon, mais elle procure même un grand avantage, parce qu'elle entraîne avec elle les superfluités bilieuses; il convient donc, pour les constitutions bilieuses, de donner de l'eau miellée qui soit plutôt aqueuse, afin qu'elle ne donne pas de soif et ne produise pas de bile. De même que l'eau miellée ne convient pas aux gens tourmentés par la bile amère, de même elle ne convient pas à ceux dont les viscères sont tuméfiés par l'effet d'un squirrhe , de l'inflammation ou d'un oedème; car elle est nuisible chez ces individus, en ce qu'elle ne saurait traverser rapidement ces organes, tandis qu'elle se change facilement en bile, surtout dans les inflammations, à cause de l'excès de chaleur. Le miel, étant de toutes les substances la plus sucrée, s'il tombe dans un organisme d'un tempérament chaud, se change et se convertit en une humeur bilieuse aussitôt qu'il arrive dans les intestins avant de remonter dans les veines; et, s'il arrive dans les veines sans subir ce changement, il s'y transforme certainement lorsqu'il y est parvenu; les autres substances sucrées subissent ce changement plus tôt ou plus tard, en raison de l'intensité de leur goût sucré, en observant la même proportion que le miel, c'est-à-dire qu'elles le subissent plus rapidement dans une constitution plus ou moins chaude , et plus lentement dans une constitution plutôt froide. Ainsi, puisque le miel se change en bile dans les maladies aiguës, et que, de cette façon, il leur est nuisible; que, de son côté, l'eau passe lentement et séjourne très-longtemps dans les hypocondres, et que ce dernier inconvénient doit à son tour être évité, le mélange de ces substances devient utile, si on le compose dans les proportions suivantes : il faut mêler à une grande quantité d'eau assez de miel pour qu'il lui fraye le chemin et l'amène à être distribuée dans le corps; car, si les ingrédients sont mêlés dans cette proportion, les urines commenceront à couler plus facilement, et l'évacuation des crachats devient plus rapide; si, au contraire, on y a mis beaucoup de miel, il produit de la soif et rend les crachats visqueux. Si donc on veut produire les effets susdits, l'eau miellée plus ou moins aqueuse est préférable, tandis que l'eau miellée plus ou moins chargée convient pour relâcher le ventre. L'eau miellée crue est également plutôt propre à relâcher le ventre, tandis que l'eau miellée bien cuite est plutôt nourrissante. On doit préparer l'eau miellée en mêlant d'abord le miel à une grande quantité d'eau, et en le faisant bouillir ensuite jusqu'à ce qu'il cesse de produire de l'écume; mais il faut, bien entendu, ôter constamment l'écume aussitôt qu'elle se forme, car cette opération enlève au miel son âcreté.

15. DE L'EAU DE RAYONS DE MIEL.

On boit l'eau de rayons de miel en été, comme une liqueur propre à rafraîchir et â éteindre la soif, en la mêlant à de l'eau froide. Cette boisson convient aussi à ceux qui ont une accumulation d'humeurs crues , surtout quand elle s'est aigrie; et cela lui arrive très-souvent à un degré plus ou moins prononcé, parce qu'on ne la prépare pas avec de l'eau de pluie, comme l'hydromel. mais avec la première eau venue. On la prépare de la manière sui vante : on exprime le miel des rayons, lesquels doivent être de bonne qualité, et on le jette dans un chaudron contenant de l'eau de source pure et agréable au goût; ensuite on fait bouillir jusqu'à ce que les rayons semblent avoir perdu suffisamment tout le liquide qu'ils contenaient; on met ce liquide en réserve, on le. con-serve, et on fait usage de cette boisson, que les anciens appelaient oxyglyky (aigre-doux).

16. DE L'HYDROMEL USITÉ CHEZ LES ANCIENS.

Quand l'eau de pluie a perdu la propriété de se corrompre, elle devient douce; on se sert de cette eau après y avoir mêlé du miel qu'on a préalablement fait bouillir et écumé. On appelle vulgairement cette boisson hydromélon, mais Dioscoride l'appelle hydromel, et il dit qu'on la prépare en mêlant à une partie de miel deux parties de vieille eau de pluie et en exposant le mélange au soleil; il dit aussi que certaines gens font le mélange avec l'eau de source, le réduisent au tiers par l'ébullition et le mettent en réserve.

17. DE L'EAU DE RAYONS DE MIEL.

(Tiré de Philagrius.)

[Du traité Sur les boissons agréables.]

Le temps opportun pour boire de l'eau de rayons de miel est, dans les fièvres, celui où il se montre quelque signe de coction dans les urines seulement, et tout à la fois dans les crachats [et dans les urines], s'il y a, en outre, au poumon quelque affection qui ait besoin d'arriver à coction. Il ne serait pas déraisonnable non plus de donner de l'eau de rayons de miel avant la coction, parce qu'elle a quelque chose d'incisif et de détersif, et qui peut contribuer à amener la coction; cependant l'eau miellée vaut mieux pour amener la coction. Le temps le plus favorable pour boire de l'eau de rayons de miel c'est donc après la coction, parce que cette liqueur a quelque chose de vineux; or on voit les fièvres s'aggraver, si l'on boit du vin quand la maladie n'est pas encore arrivée à son déclin, époque où les causes sont atténuées et où les canaux se sont ouverts ; c'est alors que le vin qu'on boit passe bien, qu'il n'aggrave pas les symptômes de la fièvre, qu'il attire la chaleur vers la peau, qu'il tempère immédiatement les acrimonies, que peu après il provoque quelques sueurs et pousse aux urines ; l'époque du déclin est donc celle où il convient de boire du vin ou quelqu'une des autres boissons vineuses. Mais, comme, d'un autre côté, l'eau de rayons de miel a une chaleur plus faible que le vin, qu'elle est douée de propriétés détersives et incisives, et que c'est là ce qui prépare la solution des fièvres produites par des humeurs en putréfaction, il faut donner également à boire de l'eau de rayons de miel avant le déclin. On boit l'eau miellée immédiatement après qu'elle a été préparée : on peut quelquefois aussi donner l'oxymel aussitôt après sa préparation, quoiqu'il vaille mieux l'administrer quand il y a vieilli; car alors ses propriétés se sont unies intimement. Mais le miel aux roses, le miel au verjus et la boisson aux têtes de pavot ont grand besoin de vieillir; car ces liqueurs contiennent une partie épaisse de la nature de la lie de vin, et une autre qui est utile et bonne à boire : ces deux parties ont besoin de temps pour se séparer, surtout pour l'eau de rayons de miel ; car, avant que cette dernière n'ait avec le temps acquis quelque chose de vineux au goût et à l'odorat, elle ne semblera différer en rien de l'eau miellée; si, au contraire, on l'a soumise à l'ébullition et si on l'a conservée pendant six mois environ, elle offre non seulement les propriétés que je viens d'énumérer, mais en outre elle a celle de fortifier à l'instar du vin, sans affecter la tête. Il faut donc boire l'eau de rayons de miel quand elle a vieilli, et la préparer de la manière suivante : on prend des rayons remplis de miel de couleur blanche et qui laissent apercevoir le miel en transparence, on les exprime avec les mains, et on y mêle quatre mesures de bonne eau de source si le miel est un peu épais, trois et demie s'il est de consistance moyenne, et trois s'il est plutôt ténu et liquide; on exprime fortement avec les mains le résidu terreux de la cire d'où le miel est sorti , on casse ce résidu en petits morceaux qu'on laisse tomber dans l'eau ; ensuite on recueille le liquide et on y dissout tout le miel; puis on verse cette liqueur dans un pot neuf où l'on a préalablement fait bouillir doucement de l'eau, afin de lui ôter ce qu'il a de terreux; on fait bouillir l'eau de rayons de miel en chauffant avec des charbons ou à l'aide d'une flamme peu intense produite par du bois qui ne donne pas de fumée; on ôte constamment les impuretés que le liquide crache pour ainsi dire pendant l'ébullition. Après la première ébullition, on enlève tout ce qu'il y a de terreux, ainsi que l'écume, bien entendu; on ôte le pot du feu, puis on le laisse refroidir complètement, et on enlève ce qui surnage après le refroidissement (car, vers ce temps, il surnage quelque chose à la surface); ensuite on chauffe de nouveau le vase, et, après l'ébullition on le met de côté, sans oublier d'enlever auparavant, encore une fois, ce qui se porte à la surface après le refroidissement; enfin, après avoir soumis le liquide pour la troisième fois à l'ébullition, au refroidissement, et après en avoir enlevé de nouveau les impuretés, on verse l'eau de rayons de miel préparée dans un vase de terre cuite (or les vases dits de Philadelphie, de Carye ou d'Omphace conviennent à cet effet), et on le met dans une chambre où le vin se conserve habituellement sans tourner. Il est clair qu'il faut prolonger l'ébullition pendant longtemps; car, si on ôte le vase du feu quand elle n'a fait que commencer ou quand elle est peu avancée, il s'ensuivra que le liquide est incomplètement cuit, et il y reste des impuretés terreuses qui peuvent se pourrir et gâter la boisson. Il y a deux manières de préparer l'eau de rayons de miel; la première consiste à faire bouillir seulement dans l'eau les rayons après en avoir exprimé le miel, et c'est de cette manière qu'on fait à la campagne une eau de rayons de miel très vineuse, très épaisse et plus ou moins noire; l'autre espèce se prépare comme je viens de le décrire, en considérant qu'on a un plus grand besoin du miel que des rayons pour cette boisson; car on lave les rayons dans l'eau sans les faire bouillir, tandis qu'on soumet à l'ébullition tout le miel. C'est de cette préparation que nous nous servons toujours, car nous rejetons habituellement l'usage de l'eau toute seule, parce que, dans les maladies fébriles, elle produit des effets mauvais assez nombreux et assez considérables.

18. DU MÉDICAMENT AUX TÊTES DE PAVOT.

(Tiré de Galien.)

On jette dans un sextaire d'eau dix têtes de pavot : il faut les faire macérer d'abord, si elles sont plutôt humides et molles, pendant un jour et une nuit; si, au contraire, elles sont plutôt dures et sèches, pendant un espace de temps qui va au delà d'une journée; cependant il est préférable de prendre celles qui ne sont pas encore dures; il est clair qu'on rejettera aussi celles qui sont tout à fait molles; car celles qui sont trop sèches contiennent peu de suc, tandis que les têtes de pavot trop humides en contiennent beaucoup, il est vrai, mais ce suc est encore mal élaboré, aqueux et faible : voilà pourquoi on doit aussi éviter de se servir de celles qui viennent d'un pays humide ou marécageux. Ce que j'ai dit du nombre proportionnel de têtes de pavot, eu égard à la quantité d'eau, doit s'entendre de celles de grandeur moyenne; si cependant quelques-unes dépassent la moyenne, tandis que d'autres restent en deçà et d'autres encore tiennent le milieu entre les deux extrêmes, comme cela arrive habituellement, on ajoute le nombre susdit pour chaque sextaire. Prenez pour terme de la cuisson non pas le moment où il ne reste plus que le tiers , le quart ou en général une proportion plus ou moins grande d'eau, mais celui où les têtes de pavot ont commencé à se ramollir; car il est évident que nous voulons en exprimer le suc, et cette opération se fait quand elles sont entièrement ramollies. Je conseille de mêler à ce médicament la moitié de sa quantité de miel, de le faire bouillir sur du feu qui ne fume pas, jusqu'à ce qu'il ait atteint la consistance du miel d'Attique : mais c'est dans l'eau de pluie qu'il faut le faire bouillir, ou bien dans l'eau de source. On l'emploie chez les gens qui manquent de sommeil, et auxquels nous sommes souvent aussi obligés de donner des médicaments faits avec l'opium; mais ceux qui ont le plus besoin de ce genre de médicaments sont les malades qui ont une fluxion ténue descendant de la tète à la trachée-artère, fluxion qui ne leur permet pas de dormir, par suite de la toux qu'elle occasionne. Pour ces malades, j'ai aussi l'habitude de préparer le médicament avec le vin doux cuit. Dans ce cas, il suffit de cuire le médicament en faisant bouillir les têtes de pavot jusqu'à réduction de moitié. Si la fluxion est très ténue, il vaut mieux encore les faire bouillir dans du vin de Théra ou de Crète, qui ont un goût sucré, que dans du miel; car le miel a des propriétés atténuantes, et, dans ces cas, il faut l'éviter, parce qu'il aggrave les catarrhes ténus, Il faut encore mêler à ce médicament, pendant qu'il est en ébullition, de la racine de réglisse, de façon qu'elle soit cuite avec les autres ingrédients ; et, si l'on n'a pas la racine sous la main, on en met le suc importé de Crète. Si le poumon contient en abondance des humeurs descendues de la tête, la préparation faite avec du miel devient préférable; car, de même que le médicament au vin doux cuit vaut mieux pour ceux qui ont besoin de sommeil, de même celui qu'on fait avec du miel mérite la préférence pour favoriser l'expectoration. On s'attaquera donc à ce qui est le plus pressé; et, quand le malade va se cou-cher pour dormir, on lui donnera, soit le médicament au miel, soit celui qui n'en contient pas : quelquefois aussi on mêlera tous les deux ensemble, en se proposant pour but de faire prédominer dans le mélange celui des deux dont l'usage est le plus pressé. Que la dose moyenne soit de deux grandes cuillerées; vous l'augmenterez ou vous la diminuerez en raison de la complexion du malade auquel vous donnez le médicament, de son âge, de la saison de l'année et du pays; car, si toutes ces circonstances se rapprochent plutôt du froid, vous donnerez une très-petite dose, tandis que, si elles se rapprochent plutôt du chaud, vous donnerez une dose plus forte. Il est clair qu'on donnera aussi une quantité plus ou moins considérable du médicament, en raison de la quantité et de la qualité de la fluxion; car c'est là une règle commune pour tous les moyens de traitement.

19. DE LA BOISSON AUX TÊTES DE PAVOT.

(Tiré de Philagrius.)

[Du livre Sur les boissons agréables.]

Moi je ne donne pas seulement la boisson faite avec les têtes de pavot aux gens qui vont se coucher pour dormir, ou qui manquent de sommeil, ou pour combattre une toux, cas pour lesquels Galien a bien déterminé le temps de l'administration et la dose du médicament, mais j'en donne également à ceux qui ont une fièvre violente, qui éprouvent une chaleur insupportable, qui ont de l'ardeur à l'orifice de l'estomac; je le prescris dans l'érésipèle et en général dans les maladies chaudes, et, dans ces cas, j'augmente de beaucoup la dose, en donnant cinq ou six cuillerées, et non pas seulement une fois, mais deux, trois et plusieurs fois par jour; non seulement à l'acmé des maladies fébriles, mais aussi avant cette époque, et quand il n'y a pas encore des signes évidents de coction ; si le malade est abattu par l'insomnie, ou par quelque chaleur âcre ou vive; voilà pourquoi ceux qui veulent donner la boisson aux têtes de pavot avant le point culminant des maladies fébriles ont raison, à mon avis, de verser dedans de l'oxymel; car ce liquide atténue la densité de la substance du médicament et lui conserve sa vertu refroidissante sans porter obstacle à la rapidité de la digestion. Ce n'est pas seulement dans les fièvres excitées par la putréfaction d'humeurs épaisses, qu'il faut ajouter de l'oxymel à la boisson susdite, surtout quand nous la donnons avant l'acmé, mais aussi dans les cas où l'obstruction des viscères, par exemple du foie, de la rate, du poumon et des autres organes semblables, est accompagnée de fièvres ardentes; on donne alors cinq ou six cuillerées pleines, sans craindre l'excès du refroidissement, comme on le craint chez les malades affectés de toux sans fièvre; car nous réprimons la chaleur contre nature, et c'est en vue de ce résultat que nous réglons la quantité du remède, qui, dans ce cas, ne s'attaque pas à la chaleur naturelle. Il est clair que, quand on veut administrer ce remède comme moyen héroïque, il faut que non seulement la maladie, mais aussi l'accès, soient arrivés à leur acmé, de sorte que les deux points culminants, celui de l'accès partiel et celui de la maladie elle-même, coïncident; or je me sers de l'expression héroïque, quand les doses sont fortement augmentées dans le cas où nous espérons résoudre la maladie par une crise; car, avant l'acmé de la maladie, quand nous sommes convaincus que nous ne pouvons pas produire de crise, nous employons cette boisson pour refroidir, en en prescrivant une dose modérée. Nous donnerons cette boisson, à l'acmé de la maladie, quelquefois toute seule, d'autres fois avec de l'oxymel, ou bien nous y ajoutons une quantité modérée de miel au verjus, quelquefois aussi de miel aux roses , ou un peu de vin du genre de ceux qui passent vite, surtout si la boisson a été préparée avec de l'eau; car c'est une propriété inhérente à l'eau de passer lentement. Il vaut encore un peu mieux administrer du vin un peu clair et transparent que de l'eau, pour y faire bouillir les têtes de pavot; car, ainsi préparée, la boisson passe plus vite et a en même temps des propriétés fortifiantes. Mais l'emploi d'un vin semblable agit également assez bien dans le cas d'un resserrement de la peau plus ou moins prononcé; de même le miel au verjus est préférable pour les organismes un peu lâches, ou lorsqu'il y a une faiblesse plus ou moins grande de l'orifice de l'estomac, surtout quand cette partie pèche par défaut d'appétit; il en est de même pour les gens habitués à boire du vin d'un goût sucré, ou pour les malades qui ressentent à l'estomac quelque afflux d'humeurs délétères ou bilieuses ; on pourra aussi mêler du miel rosat à la boisson pour les individus qui présentent ces conditions. Voilà ce qu'il suffit de considérer préalablement dans les fièvres; il faut maintenant parler des autres maladies; car ce n'est pas seulement quand le poumon est échauffé ou affecté de fluxion, ou qu'il excite de la toux que cette boisson est utile, mais elle l'est également pour les autres viscères ; voilà pourquoi nous n'en donnons pas seulement aux malades qui souffrent du foie ou de la rate, mais aussi à ceux qui ont les reins et la vessie affectés, quand la maladie est chaude. Ainsi elle dompte merveilleusement les stranguries causées par l'âcreté des urines, surtout quand on la donne en grande quantité dans le bain, ou avant, lorsqu'on est sur le point d'y entrer; dans ce cas, nous prescrivons aussi un régime plus ou moins substantiel et propre à produire de bonnes humeurs. Cette boisson convient encore chez les sujets affectés de maladies des reins, et dont les flancs et les lombes sont plus ou moins chauds, ainsi que pour ceux que le diabète ou le choléra ont mis en danger; mais, dans ces deux derniers cas, il est éminemment utile, si rien ne s'y oppose, de mêler de l'eau très froide à cette boisson, car l'eau froide est le suprême médicament du choléra. Cependant, chez ces malades, il faut fortifier d'abord tout le ventre, à l'aide d'[embrocations faites avec] l'huile de pommes ou de mastic, le suc de raisins verts et un peu d'alun scissile, ou avec d'autres ingrédients semblables; on frottera aussi toute la peau du malade, pendant longtemps, avec les mains non graissées ou avec des linges doux, on appliquera des ventouses à la partie inférieure et supérieure du dos et à la poitrine, et on donnera ensuite notre boisson mêlée à du miel au verjus chaud. Après avoir agi de cette façon , si les évacuations restent exagérées, et qu'on soupçonne ou qu'on craigne une défaillance et des convulsions, on est obligé d'avoir recours à l'eau froide prise en boisson. Si l'on veut décharger la poitrine et qu'on s'aperçoive que cela est nécessaire à cause de l'insomnie ou de l'excès de chaleur, il faut administrer, quand la maladie a besoin d'être amenée à coction, du beurre, de la résine de térébenthine, et avec cela de l'iris; si, au contraire, la maladie est chronique, on prescrit du miel et des remèdes semblables, après quoi on donne la boisson quand les malades vont se coucher; s'il est besoin d'exercer une action incisive et détersive sur ce que contient le poumon, il faut donner non seulement les remèdes susdits, mais encore un peu de feuilles de pouliot, d'hyssope, de capillaire, d'opopanax, le tout cuit dans l'eau, ainsi qu'un peu d'oxymel, soit seul, soit avec la décoction des plantes qui viennent d'être énumérées, puis, au moment où le malade va se coucher, on y ajoute la boisson aux têtes de pavot; et quelque-fois, s'il est nécessaire, on l'ajoute aussi pendant le jour ou à quelque autre époque de la nuit, dans le cas où nous sommes pressés par quelque lièvre ardente ou par l'insomnie.

20. DE LA BOISSON AUX COINGS ET DE CELLE AUX CORNOUILLES.

[Du même livre.]

La boisson aux coings se fait de la manière suivante : après avoir enlevé l'écorce et la partie centrale de ces fruits, on les fait bouillir avec de la bonne eau de source, jusqu'à ce qu'un tiers en soit évaporé, et on verse avec soin les deux tiers qui restent dans les vases de terre cuite dont j'ai parlé plus haut (p. 370) , pour les mettre en réserve dans une pièce convenable, car cette boisson devient vineuse et âpre. Son usage est favorable aux gens affectés du flux céliaque, et elle fortifie quelquefois l'orifice de l'estomac, quand il est affaibli, ainsi que le foie, dans les circonstances où ces parties sont plus humides que dans l'état habituel. Quand l'ébullition est presque achevée, on ajoute quelquefois aussi à cette boisson du bon miel, ingrédient qu'on ne mêle pas aux diverses préparations seulement pour l'agrément du goût, mais aussi pour les empêcher de se décomposer; car le liquide dans lequel on aura mis du miel ne se gâtera pas facilement. Il est clair qu'une telle boisson conviendra aux maladies qui réclament une action à la fois détersive et astringente, comme celles qui tiennent à l'ulcération des parties internes, telles que les intestins, l'orifice de l'estomac, l'oesophage. On fait encore avec certains autres ingrédients, mais surtout avec les fruits appelés cornouilles, une boisson semblable à la boisson aux coings, dont il vient d'être question, ayant la même composition qu'elle et se prêtant aux mêmes usages.

21. DU MIEL AU VERJUS.

[Du même livre.]

On prend des raisins verts quand ils vont commencer à mûrir, époque à laquelle ils conservent encore au suprême degré leurs propriétés acides, ans avoir perdu leur astringence; on les place ensuite, pendant trois ou quatre jours, dans une pièce d'une température moyenne, surtout si l'air extérieur est un peu humide; puis, après les avoir mis de côté, il faut les exprimer et recueillir le liquide dans un vase en verre, puis ajouter une partie de bon miel écumé à trois parties du liquide, et chauffer le tout au soleil pendant plusieurs jours, jusqu'à ce que le suc des raisins verts ait cessé de fermenter (mais il faut beaucoup de temps pour cela) ; ensuite on le met dans une pièce d'un étage supérieur, et on con-serve la boisson exempte de corruption. En composant ce médicament dans ces proportions-là, je l'emploie dans les maladies dont je viens de parler (ch. 19), ainsi que chez ceux qui ont vers les intestins des flux ténus et de longue durée, lesquels, par l'effet d'une disproportion chaude des éléments, produisent continuellement des évacuations. Aux individus chez lesquels l'orifice de l'estomac, à cause d'une disposition à la fois chaude et humide, n'excite pas l'appétit, je l'administre également, après avoir toutefois, à l'aide de certains autres moyens, balayé les liquides malfaisants qui sont poussés vers l'orifice de l'estomac et qui y causent le défaut d'appétit. Je donne aussi cette boisson sans opérer de détersion préalable, si l'humeur n'a pas été absorbée; car le miel au verjus agit bien pour faire ces-série défaut d'appétit, surtout si on le boit sans trop le couper. Il agit encore assez bien chez les malades en proie à des défaillances qui tiennent à la raréfaction du corps, produite par un écoulement d'humeurs ténues, et surtout dans les fièvres dans lesquelles un abattement soudain et très prononcé, qui a lieu sans évacuation palpable, révèle la nature de la maladie. Le principal moyen de traitement, dans cet état, est un vin qui passe bien et qui, en même temps, a une certaine astringence; si on n'en a pas de semblable, on peut mêler à notre boisson du vin de couleur jaune et d'une consistance ténue, et la donner avec du pain, en la coupant, en été, avec de l'eau froide, pourvu qu'il n'existe pas d'inflammation d'une partie importante; tandis qu'en hiver, il est indispensable de la couper avec de l'eau chaude, et même, quand les défaillances dont j'ai parlé sont très fortes, il faut, en tout temps, la couper avec de l'eau chaude. Dans les défaillances très rapides, il importe quelquefois que les aliments se distribuent très promptement; car le remède qui convient aux malades chez qui s'opère une telle évaporation doit en même temps accélérer la distribution des molécules et produire sûrement leur rétention; or on considérera, avec raison, comme telles les boissons qui ont à la fois des propriétés chaudes et astringentes, parce que la chaleur dont elles sont douées leur donne la faculté d'arriver vite au but, et leur astringence celle de demeurer en place [quand elles sont arrivées]. Il suit donc de ce raisonnement que le miel de verjus convient [dans les cas qui exigent de telles substances] ; car le miel qu'il contient, et son acidité lui impriment un mouvement rapide, tandis que son astringence, qui, par nature, arrive lentement, le fait demeurer en place [quand il est parvenu au but]. Toutefois il sera meilleur d'ajouter du vin dans le miel au verjus, afin d'affaiblir ses propriétés acides, qui exercent une action atténuante sur les humeurs ; pour cette même raison, il est préférable de choisir du vin paillet d'un goût légèrement sucré et qui ne soit pas trop ténu. On s'apercevra donc que les deux boissons, celle aux têtes de pavot et le miel au verjus, conviennent dans les maladies chaudes et les intempéries chaudes des éléments : il en est encore de même pour le miel aux roses, qui cependant a des propriétés tempérantes plus prononcées que le miel au verjus, et qui, pour cette raison même, est éminemment utile aux malades en proie à l'ardeur causée par des humeurs mordicantes et chaudes , qu'elles produisent cette ardeur par une fièvre très aiguë ou de toute autre façon, pourvu qu'il n'y ait pas de relâchement fâcheux du ventre; car, dans ce cas, la première des boissons mentionnées convient mieux. Il faut que la cause [matérielle] des fièvres soit déjà en voie de parvenir à coction, pour qu'on puisse donner ensuite l'une et l'autre.

22. DU MIEL AUX ROSES.

[Du même livre.]

Le miel aux roses se fait avec trois parties de suc de roses passé au tamis et une partie de miel; on le laisse fermenter au soleil de la même manière que le miel au verjus. Cette boisson est doucement astringente; elle refroidit, a quelque chose de détersif, et est douée d'une certaine âcreté ; pour cette raison , c'est aussi un bon moyen de traitement pour la bouche, quand cette partie devient le siège d'une inflammation chaude par l'afflux d'humeurs de même qualité ; car le miel aux roses réprime doucement ce qui afflue, refroidit modérément ce qui est en ébullition, et peut aussi amortir une partie de l'âcreté, mode d'action semblable à celle de la boisson aux têtes de pavot. Le miel aux roses agit donc aussi de la même façon sur les organes profonds; il enlève en lavant, grâce à sa vertu détersive, les humeurs mordicantes, il procure un refroidissement aux parties incommodées par la chaleur et la qualité mordicante des humeurs, et il soutient les forces naturelles par son astringence : aussi donnons-nous cette boisson mêlée à l'eau, et aux malades affectés de fièvre, et à certains autres, quand l'accès aussi bien que la maladie elle-même sont déjà arrivés à leur acmé. À ceux qui n'ont point de surabondance d'humeurs, il faut donner le miel aux roses, sans provoquer aucune évacuation ; mais à ceux dont le mal est accompagné d'humeurs brûlantes, il ne faut le donner qu'après les avoir fait vomir, ou après que les superfluités qui les incommodaient ont passé par le bas. On doit quelquefois aussi administrer cette boisson d'une manière persistante chez les malades qui éprouvent des ardeurs, lorsqu'il tombe une humeur délétère des parties supérieures sur l'orifice de l'estomac ; car, dans les maladies fébriles, une seule dose abondante, administrée en temps opportun, suffira pour résoudre la maladie soit par des sueurs, soit par un flux de ventre, soit par des vomissements, symptômes qui suivent habituellement l'administration des autres boissons données à l'époque de l'acmé.

23. DE L'EAU DE CÉLERI.

[Du même livre.]

La décoction de céleri triomphe des flatuosités crues et mal digérées , et évacue la surabondance des humeurs par l'urine. Il faut la donner à ceux qui ont la fièvre, surtout quand cette fièvre est du genre des aiguës, et que la solution ne s'opère pas par des crises soudaines, mais par le procédé appelé cochon lente. Le meilleur moyen de préparer cette boisson, c'est de soumettre les racines à une ébullition modérée, de façon qu'elle ne devienne pas plus forte qu'il ne le faut, et de ne pas donner l'eau de céleri avant la désagrégation des humeurs qui allumaient la fièvre.

24. DE L'OXYMEL.

(Tiré de Galien.)

Tandis que les propriétés de l'eau miellée répondent, connue je l'ai déjà dit, à tous les besoins dans les maladies aiguës, et qu'elles ne leur sont contraires que dans un seul cas, celui où, s'étant échauffée outre mesure, elle se change en bile, l'addition de vinaigre, en empêchant ce changement, en fait un médicament excellent. Il faut mêler à l'eau miellée le vinaigre en assez grande quantité pour corriger ce qu'elle a de bilieux; car [ainsi préparé] l'oxymel chassera la soif et évacuera rapidement les crachats qui ne sont pas tout à fait épais et visqueux. Le résultat de ces deux actions de l'oxymel est l'humectation de la bouche et du pharynx; et, par cette même propriété humectante, il est éminemment utile à la rate et au foie, parce qu'il nettoie sans faire du mal. L'oxymel est encore d'un usage très-étendu et d'une utilité très considérable dans les maladies du poumon et de la poitrine, à cause du mélange bien proportionné de l'eau, du vinaigre et du miel; car l'oxymel ainsi préparé, en exerçant une action incisive sur les gaz épais et flatulents qui se trouvent dans l'hypocondre, en chassant par le bas les flatuosités et en nettoyant tous les conduits, fraye aux superfluités séreuses et bilieuses la route des urines. Tandis donc que l'oxymel modérément coupé est à l'abri de tous les inconvénients que produisent l'eau miellée, et de ceux que causent le vin et l'eau , il n'y a qu'une circonstance nit il nuit quelquefois en raclant l'intestin; or il produit cet effet chez les gens qui ont les intestins naturellement faibles et prédisposés à être malades. Le miel donc a des propriétés chaudes et il se change aisément en bile dans les organismes chauds; aussi c'est un mets qui convient aux natures plus ou moins pituiteuses, à la vieillesse, ainsi que dans les maladies froides; mais l'oxymel est éminemment utile à tout âge et à toute constitution pour raffermir la santé, parce qu'il désobstrue tous les canaux étroits, de façon que nulle part des humeurs épaisses ou glutineuses n'y sont retenues ; c'est justement pour cette raison même que les médicaments appelés hygiéniques par les médecins son du genre de ceux qui ont des vertus atténuantes. Si donc vous examinez la chose aussi bien par le raisonnement que par l'expérience vous vous apercevrez que l'oxymel est la plus convenable de toute; les substances qui constituent le régime atténuant, puisqu'il ne contient pas d'humeurs mauvaises, qu'il ne nuit pas à l'orifice de l'estomac, et qu'il ne possède aucune autre propriété incommode. Mais si c'est du vinaigre scillitique qu'on emploie [pour le préparer], l'oxymel produira l'action incisive la plus forte, non seulement de tous les: ingrédients du ressort du régime, mais aussi de tous les médicaments; et ceux qui veulent exercer une action incisive et atténuante très prononcée sur toutes les superfluités épaisses , visqueuses et pituiteuses qui se forment peu à peu dans leur corps, doivent se servir du vin et du vinaigre scillitique; en effet, j'ai connu un grand nombre de gens qui ont été exempts de maladies jusqu'à leur mort en prenant du vinaigre et du vin scillitique. On doit préparer l'oxymel de la manière suivante ; on écume sur des charbons du miel de qualité supérieure, on y met du vinaigre autant qu'il en faut pour que le mélange ne se montre ni trop acide ni trop sucré au goût, et on le fait bouillir de nouveau sur des charbons, de façon que les propriétés des ingrédients s'unissent intimement, et que la crudité du vinaigre ne se trahisse pas au goût; ensuite on met le mélange en réserve dans un endroit quelconque, et, lorsqu'on veut s'en servir, on y verse de l'eau, en le coupant dans la même pro-portion que le vin. Il vaut mieux déterminer la proportion des ingrédients par les sensations de ceux auxquels l'oxymel est destiné, que par les nôtres, et admettre que l'oxymel le plus agréable au goût est celui qui s'adapte le mieux à la nature de l'individu , et que par conséquent il lui sera utile, tandis que l'oxymel très désagréable au goût lui sera très contraire. La première préparation de l'oxymel, pour convenir autant que possible à la plupart des gens, doit se faire ainsi : on mêle à une partie de vinaigre le double de miel écumé. Si on veut y mettre l'eau dès le commencement, on s'y prend de cette façon : mêler à l'oxymel le quadruple d'eau de qualité supérieure, ensuite faire bouillir le tout modérément aussi longtemps qu'il monte de l'écume à la surface. Le mauvais miel rejette beaucoup d'écume; on doit donc prolonger son ébullition pendant plus longtemps; le meilleur miel, au contraire, en rejette très peu, et pendant un très court espace de temps ; c'est pourquoi il n'a pas besoin d'une ébullition aussi prolongée : or l'ébullition la plus prolongée réduit à un quart le liquide primitif. On prépare aussi l'oxymel en mêlant de suite ensemble les trois ingrédients; on mettra une partie de vinaigre, deux de miel et quatre d'eau, et on les réduira, par l'ébullition, au tiers ou au quart, en ôtant l'écume. Si on veut faire de l'oxymel plus fort, on y mettra autant de vinaigre que de miel.

25. PRÉPARATION DU VINAIGRE SCILLITIQUE ET DE [QUELQUES] VINS.

(Tiré de Dioscoride. )

Le vinaigre scillitique se fait de la manière suivante : on coupe par morceaux une mine de scille blanche mondée, on la jette dans six sextaires de bon vinaigre, on ferme soigneusement le vase avec un couvercle, et on l'abandonne à lui-même pendant six mois; ensuite on ôte la scille, on l'exprime et on la jette; on met le vinaigre dans un pot, après l'avoir passé au tamis. On le donne journellement à boire à jeun, d'abord en petite quantité, mais ensuite on augmente peu à peu la dose, jusqu'à un cyathe : quelques-uns donnent deux cyathes , et plus encore. Le vin scillitique se fait de la manière suivante ; on prend trois mines de scille mondée et coupée par morceaux, on la met dans un métrète italien de bon vin doux ; on met le couvercle dessus, et on abandonne le mélange à lui-même pendant six mois; ensuite on passe au tamis, on transvase et on met le liquide de côté. Le vin scillitique devenu vieux est le meilleur. Il faut éviter de s'en servir en cas de fièvre ou d'ulcération des parties internes. On donne le vin appelé melitite dans les fièvres de longue durée, parce qu'il relâche légèrement le ventre et qu'il pousse aux urines. Il convient encore aux goutteux, ainsi qu'à ceux qui ont la tête faible. On le prépare en jetant un choée de miel et un cyathe de sel dans cinq choées de vin nouveau âpre. Il faut le préparer dans un grand pot, afin qu'il ait de l'espace pour fermenter, et y saupoudrer peu à peu la quantité susdite de sel, aussi longtemps qu'il est en fermentation; quand la fermentation est finie, on le transvase dans un autre pot de terre cuite.

[Préparation du vin miellé.] Le meilleur, vin miellé est celui qu'on prépare avec du vin vieux âpre et du bon miel; car il cause moins de flatulence que les autres. On le prépare ordinairement en mêlant une mesure de miel à deux mesures de vin. D'autres, afin de pouvoir se servir plus tôt de cette boisson, font bouillir ensemble le miel avec le vin, et le mettent ensuite dans un pot. Quelques-uns mêlent, par économie, six sextaires de vin doux en fermentation à un sextaire de miel, et mettent le liquide dans un pot quand la fermentation est finie. Cette liqueur conserve son goût sucré.

[Du vin aux coings.] Le vin aux coings, que quelques-uns appellent vin aux pommes, se fait de la manière suivante : on ôte les pépins des coings, on les coupe comme des navets, et on en fait tremper douze mines pendant trente jours dans un métrète de vin doux; puis on filtre le liquide et on le met de côté. On prépare encore le miel aux pommes, que quelques-uns appellent miel aux coings, en jetant dans du miel, et en si grande quantité qu'ils y soient en-tassés, des coings dont on a ôté les pépins. Cette boisson devient douce :après un an, et ressemble alors au vin miellé. Le vin aux coings et le miel aux coings ont des propriétés astringentes, sont favorables à l'orifice de l'estomac, et conviennent contre les dysenteries, ainsi qu'aux sujets affectés de maladie du foie ou des reins, et à ceux qui urinent difficilement.

[Préparation de l'hydromélon.] L'hydromélon se prépare en mêlant quatre sextaires de suc de coings à huit sextaires de miel et douze sextaires d'eau, qu'on expose au soleil vers la canicule. Ses pro­priétés sont encore les mêmes que celles des boissons précédentes.

[Autre manière de faire de l'hydromélon.] Coupez par petits morceaux, avec un roseau, trente-deux coings de qualité supérieure dont on a ôté les pépins; jetez-les dans huit sextaires du meilleur miel; abandonnez le mélange à lui-même pendant huit mois, mêlez-y douze sextaires de vieille eau de pluie, et exposez le tout au soleil pendant les chaleurs voisines de la canicule, en évitant la pluie et la rosée.

[Préparation du vin de grenades.] Le vin de grenades se prépare de la manière suivante : on prend des grenades mûres sans pépins, on exprime le suc des grains, et on le met de côté après l'avoir réduit au tiers par l'ébullition. Il agit contre les fluxions internes et contre les lièvres qui tiennent au flux. II est favorable à l'orifice de l'estomac et resserre le ventre.

[Préparation du vin aux roses.] Le vin aux roses se fait de la manière suivante : on lie une mine de roses de l'année sèches et pilées dans un linge, on le met dans vingt sextaires de vin doux et on presse le sachet; trois mois plus tard, on filtre, on transvase et on met en réserve. Ce vin convient à ceux qui n'ont pas de fièvre, pour favoriser la digestion de l'estomac et pour apaiser ses douleurs, si on le prend après le repas; il est également utile contre les selles liquides et contre la dysenterie.

[Préparation du miel aux roses. ] On prépare encore la boisson appelée miel aux roses, en mêlant ensemble du suc de roses et du miel.

[Préparation du vin aux baies de myrte.] Le vin aux baies de myrte se fait de la manière suivante : on prend des baies de myrte noires qui commencent déjà à se gâter; on les sèche d'abord au soleil, et, après les avoir séchées, on en pile une chénice qu'on mêle à trois cotyles d'eau et à la même quantité de vin âpre; ensuite on exprime et on met en réserve. Ce vin est fortement astringent et très favorable à l'orifice de l'estomac; il Convient contre les fluxions qui se font vers cet orifice, ainsi que vers l'estomac lui-même, contre les ulcérations intérieures et contre le flux, Il noircit aussi les cheveux.

[Préparation du vin de raisins verts.] On prépare la boisson appelée vin aux raisins verts, en faisant sécher au soleil, pendant trois ou quatre jours, du raisin qui n'est pas encore tout à fait mûr, mais qui est encore à l'état vert, jusqu'à ce que les grains se soient ridés. Après avoir exprimé le vin, on l'expose au soleil dans des vases de terre cuite; il a des propriétés astringentes et est favorable à l'orifice de l'estomac. On prétend aussi qu'il est utile contre les constitutions pestilentielles. Il lui faut plusieurs années pour devenir bon à boire.

[Préparation du vin au goudron.] On prépare le vin au goudron avec du goudron et du vin doux. Il faut d'abord laver fortement le goudron avec de l'eau de mer ou de l'eau salée, jusqu'à ce qu'il devienne blanc et que l'eau de mer en découle pure; ensuite on le lave avec de l'eau douce, on mêle une once de goudron à huit choées de vin, et on abandonne le mélange à lui-même; quand il a fermenté et qu'il s'est clarifié, on le transvase. Ce vin réchauffe et favorise la digestion; il est détersif, expectorant, et convient contre les douleurs de la poitrine, de l'estomac, du foie, de la rate et de la matrice non accompagnées de fièvre, ainsi que contre les fluxions de longue durée et les ulcérations des organes profondément situés. Il agit aussi contre la toux, la lenteur de la digestion, les accumulations de gaz et l'asthme.

[Préparation du vin d'absinthe.] Le vin d'absinthe se prépare de la manière suivante : on mêle, dans un vase de terre cuite, une livre d'absinthe du Pont à quarante-huit sextaires italiques [de vin doux], on les réduit, par l'ébullition, au tiers; ensuite on verse dessus six sextaires de vin doux et une demi-livre d'absinthe, on les mêle avec soin, on les transvase et on les met de côté. Ce vin est favorable à l'orifice de l'estomac et pousse aux urines ; il convient aux malades affectés de maladies du foie ou des reins, ainsi que contre la jaunisse, la lenteur de la digestion, le défaut d'appétit, la tension prolongée des hypocondres, les accumulations de gaz, les vers ronds et la rétention des règles.

[Préparation du vin à l'ellébore.] Le vin à l'ellébore se prépare de la manière suivante : on fait tremper ensemble, pendant quinze jours, douze onces d'ellébore noir, quatre onces d'aphronitron et douze cotyles de vin doux; on décante et on s'en sert six mois plus tard. Ce vin provoque aussi l'avortement. Donnez-en un cyathe.

[Préparation du vin à la scammonée.] On jette, contenue dans un linge, dans un choée de vin doux , où on la laisse trente jours , quinze onces de racine de scammonée pulvérisée, racine qu'on récolte au temps de la moisson. Ce vin purge la bile et la pituite par les selles.

[Préparation du vin au thym.] Mettez, dans soixante-douze livres de vin doux, cent drachmes de thym pilé, criblé et lié dans un linge. Ce vin convient contre la mauvaise digestion, le défaut d'appétit, la torpeur des nerfs, les douleurs des hypocondres, les frissons d'hiver et les animaux vénéneux qui refroidissent et causent de la putréfaction.

26. VIN DE DIOCLÈS POUR CONSERVER LA SANTÉ.

Quand on a mis le vin doux dans les cruches , jetez dans dix métrètes une mine de marrube.

27. DE LA MANIÈRE D'ADMINISTRER LE VIN.

(Tiré d'Hérodote.)

Comme il existe deux manières d'administrer du vin, et que la nécessité exige son emploi, soit pour résoudre une fièvre, soit pour arrêter la liquéfaction de la composition élémentaire du corps, il faut savoir que, dans le dernier cas, on doit donner du vin en tout état de cause pour restaurer les forces, tandis que, pour les malades auxquels on pourrait donner du vin dans le but de guérir la fièvre, on peut employer ce traitement pour les uns, et le rejeter pour les autres; car il n'y a rien qui presse. Les circonstances qui se prêtent à l'usage du vin sont : l'âge viril ou une époque de la vie qui n'en est pas trop loin, le sexe masculin, plus que le sexe féminin, le printemps et l'été, les natures humides et modérément chaudes, les fièvres de courte durée et non accompagnées de symptômes graves; enfin celles dont le déclin est confirmé se prêtent mieux à l'administration du vin que celles qui ne sont qu'au commencement de cette période. Ce traitement, au contraire, ne convient pas, en général, aux malades qui ont de la dureté ou de l'inflammation à la région moyenne du corps, qui sont d'un tempérament sec, et chez lesquels la perspiration se fait difficilement, ni à ceux qui ont des fièvres continues ou chez lesquels le système nerveux est affecté. Il faut donner le vin à jeun, en y ajoutant un cinquième d'eau très-chaude; et, si le vin est très-fort, on y met un quart. On l'affaiblira encore plus en le filtrant; car, dans ce cas, il se fait beaucoup d'évaporation à ses dépens. On administre la première dose de vin affaiblie en se guidant d'après l'habitude du malade et d'après l'effet agréable que produit chez lui tel ou tel mélange. Il faut en donner aussi une seconde fois, et même, si on le désire, une troisième. On peut permettre d'aller jusqu'à six cotyles à ceux qui ont l'habitude de prendre du vin avant le repas, ou qui, du reste, boivent habituellement beaucoup. Ceux qui vivent à la manière des athlètes ou qui ont l'habitude de ce qu'on appelle apocoltabismne (c'est-à-dire de vomir avant dîner), peuvent, s'ils le veulent, boire d'abord le double de la quantité susdite et vomir ensuite; car, [de cette manière], le liquide âcre et pituiteux qui se rassemble habituellement, chez eux, [dans l'estomac,] sera évacué. Il faut permettre également, à ceux qui le veulent, de boire au milieu du repas, et leur faire prendre ensuite, après le repas, la dose déterminée; mais, en tout cas, l'administration du vin ne doit pas s'éloigner de plus de deux heures de la fin du repas; si plus tard on a de la soif, il faut boire de l'eau. À ceux qui ont l'intention de manger quelque chose de froid, il faut donner le vin au milieu du repas ou après. Si nous avons besoin de faire agir le vin sur les surfaces libres du corps, et s'il s'agit d'individus qui ne sont pas accoutumés à boire à jeun, ou bien qui ont des préjugés contre l'habitude de boire sans manger, on leur donnera quelques morceaux de pain qu'on aura trempés dans du vin coupé d'eau chaude, et on leur ordonnera de boire le mélange qui reste ; car cela fera le même effet que s'ils buvaient à jeun. Il faut s'y prendre de la même manière chez les vieillards, les enfants et la plupart des femmes ; il en est de même pour ceux qui boivent habituellement peu, ou auxquels le vin est naturellement nuisible. Quant à ceux qui ne commencent à prendre du vin qu'à l'occasion de notre traitement, il faudra leur en donner en petite quantité pendant le repas; on leur donnera, avant et après, l'eau à laquelle ils sont accoutumés. Quand les choses marchent à souhait, il faut forcer tous ceux à qui on donne du vin pour guérir quelque fièvre ou quelque maladie, de rester en deçà de ce qui leur convient [dans l'état de santé]. Comme, parmi les malades qui doivent prendre du vin, il y a des différences nombreuses, et qu'il est presque impossible de réunir sous un seul point de vue, il n'est pas facile de déterminer une dose commune pour tous ; cependant il faut bien fixer des limites qui restent en deçà du trop et du trop peu : que les malades ne boivent donc pas plus de trois et pas moins d'un cotyle de vin ; en effet, chez ceux qui rejettent par le vomissement ce qu'ils ont bu à jeun, il faut qu'un tiers [du liquide avalé] reste [dans le corps] ; puis il faut abandonner à leur habitude ceux qui ne prennent un bain qu'après être restés longtemps [dans la première chambre] : il en est de même pour ceux qui ont l'habitude de prendre du vin immédiatement avant le bain. Si les malades qu'on traite par le vin veulent boire quelque chose le lendemain, on leur ordonnera à tous de boire de l'eau; et si on ne peut pas obtenir cela, il faut leur permettre de prendre un peu de vin : on doit aussi diminuer la quantité des aliments. Ceux qui prennent un bain pour guérir la fièvre doivent, quand ils sont arrivés à la seconde partie du bain, s'en tenir à la même espèce de vin qu'ils ont bue au commencement ; mais ceux qui le font pour se restaurer doivent, à cette seconde partie, passer à des vins plus forts; cependant ce passage ne doit pas se faire brusquement, mais peu à peu. Il est temps d'énumérer les signes que doivent présenter ceux auxquels on administre le vin avec succès; car, par cette énumération, on comprendra du même coup quels sont les mauvais signes. Les bons signes sont les suivants : rougeur de la face accompagnée d'une belle couleur naturelle [de tout le corps], facilité de la respiration, sueurs chaudes générales, légèreté de la tête, facilité à mouvoir les membres, gaieté d'esprit, oeil humide, sentiment de bien-être retiré du bain et d'une bonne disposition à boire du vin ; après que les malades ont bu, l'envie de prendre des aliments, sensation agréable pendant qu'on les prend, éructations qui soulagent; enfin, après le repas, envie modérée de boire, sueurs qui durent peu, évacuation d'urine, souplesse, et bonne coloration du corps. Voici, au contraire, les accidents qui arrivent à ceux auxquels on a donné du vin à contre-temps : décoloration de la face, sécheresse de toutes ou de la plupart des parties du corps, et, s'il se montre quelque part de la sueur, on verra qu'elle est froide et qu'il y a en même temps de la pesanteur de tête, symptôme qui est toujours accompagné d'une difficulté de mouvement dans tous les membres ; puis on observera de la mauvaise humeur, de l'indifférence pour les aliments, une soif qui ne s'étanche pas par la boisson, de l'ardeur à l'hypocondre, de l'absence d'éructation, accompagnée d'envie de rendre des vents; ou, s'il y a des éructations, elles ne soulageront pas du tout; enfin la vessie restera souvent sans remplir ses fonctions, ou n'évacuera l'urine que peu à peu, et il est inévitable que ces malades aient le pouls fréquent. Si donc soit tous, soit la plupart de ces signes se présentent, et que les malades aient des nausées, on leur ordonnera de vomir immédiatement; mais, si les nausées manquent, et si les malades vomissent, du reste, facilement, on leur ordonnera également de vomir; à ceux, au contraire, qui vomissent difficilement, on prescrira de prendre de l'eau chaude après le vin, et de se reposer. Si, après l'administration du vin, les malades sont pris de fièvre, il faut, quand ils ont vomi et que l'accès est long, les nourrir, après l'accès, avec des aliments en petite quantité ; si, au contraire, l'accès est court, il ne faut les nourrir qu'après le sommeil qui suit le second accès; si enfin ils n'ont pas vomi, il faut faire attention au ternaire qui suit l'accès, et leur donner continuellement de l'eau pendant les jours moyens, aux temps [du jour] que nous avons déterminés, parce que, si l'administration du vin est suivie de fièvre, il est nuisible d'employer la méthode desséchante: voilà pourquoi il convient d'affaiblir les corps desséchés outre mesure par l'administration du vin, en les humectant par l'usage continuel de l'eau.

28. DES COLLUTOIRES.

(Tiré d'Antyilus.)

[De son ouvrage Sur les moyens de traitement, du IIIe livre, qui comprend les choses administrées aux malades.]

Les collutoires apaisent la soif, humectent la bouche sèche, effacent les aspérités de la langue, diminuent l'abattement des forces et enlèvent la viscosité des dents. Ce n'est pas seulement dans la rémittence qu'il faut administrer les collutoires ; mais on doit en permettre un usage modéré à toutes les époques de la maladie, excepté au début. Le gargarisme, au contraire, produit à la vérité un peu de bien, en humectant les parties supérieures de l'oesophage; mais cet effet est plus que compensé par le tort qu'il fait en fermant les issues de la tête, et en imprimant aux humeurs une tendance vers le haut.

29. DE LA BOISSON.

[Du même livre.]

À l'époque convenable, il faut donner de l'eau chaude à tous les malades, quelle que soit leur maladie; tandis que nous donnons principalement de l'eau froide pour éteindre la chaleur qui ne tient pas à une autre affection, par exemple à l'inflammation, mais qui existe et incommode par elle-même, comme dans les fièvres ardentes accompagnées d'une chaleur extrême. En outre, nous donnons accidentellement de l'eau froide à ceux qui sont habitués à la prendre, et qui sont mal prédisposés pour boire de l'eau chaude, ainsi qu'à ceux dont l'orifice de l'estomac se soulève quand ils boivent de l'eau chaude étant malades. Si on prend de l'eau froide à cause de l'ardeur de la fièvre, il faut en boire largement et beaucoup si c'est pour quelque autre cause, nous prescrirons d'en prendre peu et de la humer pour ainsi dire. On défendra de boire aussitôt après avoir mangé, si ce n'est du vin ou de l'eau froide. Nous ne donnons pas du vinaigre tout seul, pas plus que du vin, si ce n'est quelquefois en petite quantité, à titre de médicament; mais nous administrons de l'eau vinaigrée à ceux qui crachent du sang, surtout quand ce sang vient de l'oesophage ou de l'estomac; nous le donnons encore à ceux qui ont de fortes nausées, ainsi qu'à ceux qui éprouvent des évacuations exagérées pendant un voyage sur mer, et quelquefois aussi aux gens pituiteux, pour exercer un effet incisif sur leur pituite. Nous employons l'oxymel contre les maladies qui se forment dans la poitrine, ainsi que dans les cas où l'on aurait mangé des champignons [vénéneux], ou bu du gypse, ou, à plus forte raison encore, du sang de taureau. Je ne sais pas s'il existe des malades auxquels il convient de donner du vin miellé, mais nous donnons de l'eau miellée à ceux dont le système nerveux est affecté, que ce soit dans une maladie fébrile ou non fébrile. L'hydromel, l'eau de rayons de miel et le miel aux pommes ne sont pas par eux-mêmes des boissons convenables, car elles se gâtent et s'aigrissent facilement; mais ces liqueurs ont un goût très-agréable pour ceux qui manquent d'appétit dans les fièvres bénignes ; et ce n'est pas à tort qu'on les donne comme aliment dans les maladies qui traînent en longueur et dans celles qui sont sans fièvre. Dans les cas où nous employons de l'eau froide ou du vin, nous sommes d'avis de donner ces boissons aussitôt après l'ingestion des aliments; car le corps, et surtout l'estomac et son orifice, n'éprouveront aucun dommage ni du contact de l'eau froide, ni des propriétés actives du vin , quand ils sont remplis ; pour cette raison, nous ne donnons ces boissons ni à jeun ni longtemps après l'ingestion des aliments, puisqu'il revient au même qu'on boive longtemps après le repas ou à jeun. Donner des aliments immédiatement après qu'en a bu ne convient ni aux gens qui boivent à jeun immédiatement avant leur repas, parce que le vin et l'eau froide auront produit leur effet nuisible avant que les aliments soient entrés dans le corps, ni à ceux qui boivent longtemps après qu'ils ont mangé, car il est difficile de se figurer comment ces aliments pourraient combattre les effets du contact de l'eau froide ou énerver les propriétés actives du vin, quand les effets de ces boissons' se sont déjà propagés dans le corps.

30. DE L'EAU; À QUELLE ÉPOQUE DE L'ACCÈS IL FAUT L'ADMINISTRER.

(Tiré d'Hérodote.)

Quand la division de l'accès est en quelque sorte complète, on reconnaît, dans toute la durée de l'accès, un commencement, un augment, un acmé et un déclin, et on trouve que, pour chacune de ces périodes, l'administration des boissons peut être nécessaire. Si, par exemple, on juge devoir faire vomir ceux qui sont pris de fièvre à la suite d'un repas, ou parce que les aliments se sont corrompus, ou ceux qui ont mangé au commencement de l'accès, ou enfin ceux qu'on soupçonne d'avoir usé de mauvais aliments, il ne faut le faire qu'après leur avoir donné à boire. À ces malades, nous donnerons aussi à boire une seconde fois, s'il le faut, pour expulser complètement ce qui reste [dans l'estomac], souvent aussi pour tempérer et pour faire descendre la cause matérielle de la maladie. On trouvera encore d'autres circonstances qui exigent l'emploi des boissons au commencement de l'accès, par exemple la première enfance; car, dans ce cas, nous regarderons le désir de boire comme une indication, et nous ne donnerons pas de boissons avant [que ce désir ne se manifeste], tandis que nous ne tarderons pas non plus après. Si les malades ont de l'aversion pour les boissons, et que, par là même, ils soient dans un état dangereux, comme cela a habituellement lieu dans les obstructions graves des canaux, il ne faut pas les empêcher de boire, au cas où ils en manifesteraient le désir au commencement de l'accès. À l'époque de l'augment, les raisons pour donner à boire sont plus nombreuses : si, par exemple, certains malades sont pris, en même temps que de l'accès, d'une soif violente, difficile à supporter, et qui ne tient pas à la malignité ou à l'aggravation de la maladie, mais à quelque chose de spécial propre à leur affection, il est de toute nécessité d'apaiser cette soif par un traitement de symptômes; on jugera qu'il en est ainsi, si la soif s'aggrave plus que ne le comporte la gravité de la fièvre. Il faut, en outre, faire attention à la nature du malade ; car, si, du reste, il supporte habituellement bien ses souffrances, et s'il ne tolère pas la soif, c'est là le cas où il convient de donner à boire dans l'augment de l'accès. Ceux qui ont une accumulation considérable de matières bilieuses à l'orifice de l'estomac , qui en rejettent avec beaucoup de peine, sans en éprouver un grand soulagement, qui ont les extrémités refroidies, qui présentent de la pâleur et de l'anxiété, qui ne supportent pas même de rester couchés, qui éprouvent une soif ardente, quoiqu'ils vomissent avec facilité, subissent ces accidents périodiquement, avec des retours réguliers ; ils n'ont pas de repos, et la fièvre n'arrive pas jusqu'aux extrémités, à moins que nous ne les submergions, pour ainsi dire, en leur donnant une grande quantité de liquide. Si l'on fait vomir ces malades , on verra qu'immédiatement après l'administration des boissons et le vomissement, la chaleur revient tout d'un coup, et que l'état du malade prend les signes caractéristiques de l'acmé. Si, au contraire, l'accès se divise en périodes inégales, de façon que la plus grande partie est formée par l'augment, tandis que l'acmé est court, l'époque de l'augment sera celle où il faut donner à boire; car cette époque est l'équivalent de l'acmé, parce qu'à l'une aussi bien qu'à l'autre époque la cause de la maladie prédomine, et le malade éprouve des souffrances. Ceux dont les forces s'abattent facilement ont aussi besoin qu'on leur administre assez vite des boissons; et, chez eux, ce n'est pas seulement par l'usage des boissons qu'il faut se mettre en garde contre les accidents, longtemps auparavant, mais aussi en donnant des aliments. Si l'on n'humecte pas, en leur donnant presque constamment à boire, ceux qui, dans les fièvres, avalent difficilement, parce que l'oesophage est desséché, que ce soit par sa chaleur propre ou par l'intensité de la fièvre, on ne pourra, sans beaucoup d'inconvénients, rétablir ces malades [par l'humectation] même au temps où l'on donne des aliments. Quelques-uns d'entre eux présentent des symptômes qui simulent l'étouffement, et chez ceux-là nous donnerons à boire, même avant l'acmé, pour combattre un danger pressant. Chez les malades qui manquent naturellement d'appétit et qui mangent péniblement, on doit donner constamment à boire, surtout s'il y a de plus de la sécheresse à la bouche; car il résultera de l'emploi des boissons un avantage assez considérable pour l'avenir. Quand il se présente des défaillances tenant à une faim exagérée , nous donnons aussi assez vite à boire, comme traitement palliatif de ce symptôme. Telles sont les époques où il faut donner de l'eau chaude; et, si nous avons oublié quelque chose, il sera facile d'y suppléer au moyen de ce que nous avons déjà dit. On emploie, au contraire, l'eau froide dans le commencement de l'accès, quand il y a hémorragie; tandis que, pendant l'augment, il faut la donner aux malades qui, par quelque circonstance particulière, ne peuvent prendre de l'eau chaude; enfin on donne l'eau froide, comme moyen curatif, aux gens affectés de fièvre ardente à l'époque de l'acmé, avant la rémission. Les temps opportuns sont les mêmes pour donner de l'eau tiède, ou celle qui est au degré de chaleur pareille à celle du lait, ou celle qui est au degré nécessaire pour faire fondre la glace. La manière de donner de l'eau chaude n'est pas toujours identique; car, si on la donne au commencement de l'accès pour provoquer des vomissements, il faut qu'elle soit tiède et en grande quantité; il en est de même si nous voulons étancher une soif violente et brûlante, ou si, dans les maladies fluxionnaires, il se rassemble une grande quantité de matières acres et bilieuses à l'orifice de l'estomac: car, dans ces cas, l'eau qu'on a prise n'est pas retenue, mais elle est rejetée. Puis, lorsque les malades prennent de l'eau chaude pour étancher une soif intense, il faut l'administrer peu à peu, en leur enjoignant de se reposer de temps en temps et d'avaler lentement; à ceux, au contraire, qui boivent pour provoquer des vomissements, on doit donner beaucoup de liquide à la fois, et il doit être avalé d'un seul trait. Si, à l'époque de l'augment ou de l'acmé, nous donnons de l'eau chaude à cause de la longueur de l'accès , de la prostration des forces, ou des circonstances que nous avons déjà énumérées plus haut, il faut en donner une quantité moyenne, c'est-à-dire ne pas se contenter d'en faire goûter seulement aux malades, ni les gorger de liquide; car il est bon, dans les fièvres, de conserver le ventre lâche et non tendu. Aux malades qui prennent de l'eau chaude pour cause de sécheresse ou de l'étouffement que cet état produit, ou chez lesquels on veut préserver les organes de la déglutition, il faut en donner constamment et à petites doses. Si les malades pris de fièvre ont en même temps des fluxions à l'estomac ou à son orifice, c'est encore une raison pour défendre de boire beaucoup à la fois; car cette méthode aggrave les accidents : le mieux, dans ce cas, c'est de boire à petites doses, dans des vases à ouverture étroite. Si on donne à boire pendant la rémission, il ne faut jamais en donner une grande quantité, ni beaucoup à la fois, aux gens affectés de maladies fluxionnaires; cependant on ne se servira pas de la méthode susdite. Les autres malades doivent boire jusqu'à satiété; et à ceux qui sont très-secs et dont la chair a ses canaux fermés et est resserrée de tous côtés, on doit en donner plus qu'il n'en faut pour étancher la soif, et, s'ils le demandent, il faut leur en permettre aussi une seconde fois ; car l'indication pour donner à boire est la même, qu'on en donne une fois ou plu-sieurs; cependant il faut tâcher de saisir le moment où ce que le malade a pris d'abord a déjà été consumé par la chaleur, et où le désir qu'il exprime tient à l'état des parties, et non à son caprice. Si les sueurs qui se montrent après l'administration de la boisson procurent du soulagement, il faut les entretenir, en donnant à boire une seconde fois. Si la maladie exige une plus grande quantité de sueurs, ou si les sueurs se sont arrêtées, on les provoquera. Les malades sont-ils incommodés de hoquet ou d'une toux sèche intense, il faut leur faire humer un peu d'eau chaude. Si on donne de l'eau froide, ou au degré nécessaire pour fondre la glace, au lieu d'eau chaude , on réglera son usage d'après les mêmes indications et les mêmes méthodes ; mais , si on en donne pour arrêter les sueurs ou pour amender les autres symptômes dont nous avons déjà fait l'énumération, on doit en donner à petites doses, et à des intervalles assez longs. L'eau froide qu'on donne après le repas doit être également en petite quantité. Quant à l'eau froide, ou à la température naturelle du lait, ou à celle qui fait fondre la glace, et qu'on donne comme moyen héroïque à ceux qui ont des fièvres ardentes, nous en parlerons en traitant de la thérapeutique. L'eau qu'on boit doit être aussi bonne que possible, et il faut la faire bouillir sur des charbons, dans un vase de terre cuite; quant à nous, nous la versons dans un vase de verre soufflé, que nous plaçons dans de l'eau bouillante, car cette méthode est à l'abri de tout reproche. Si l'eau est mauvaise, il faut l'exposer au grand air après l'ébullition. L'eau froide doit être tout à fait froide et non dure. Si les malades ont de la propension pour l'eau tiède, ou à la tempéra­ture naturelle du lait, ou à celle qui fait fondre la glace, il faut employer ces eaux-là en faisant le mélange avec l'eau chaude dans des proportions différentes. Le mélange de l'eau tiède doit se faire dans la proportion suivante : cinq cyathes d'eau potable chaude et un d'eau froide. Pour l'eau à la température exigée pour la fonte de la glace, il faut prendre la proportion inverse; qu'elle contienne donc une partie d'eau chaude et cinq d'eau froide. Le mélange qui constitue l'eau à la température naturelle du lait doit se faire à proportions égales. La froideur de l'eau froide doit être intense; si elle est faible, il faut augmenter la quantité de cette eau.

31. DES BOISSONS QUI CONVIENNENT AUX FÉBRICITANTS.

La meilleure boisson pour les fébricitants est l'eau miellée, ainsi que l'oxymel pour ceux dont il n'affecte pas l'orifice de l'estomac; l'eau n'a pas la moindre tendance à produire des picotements chez les fébricitants; mais elle n'agit pas du tout sur les excrétions. C'est surtout contre les flux de ventre que les boissons préparées par macération et douées d'astringence ne sont pas trop mal placées, ainsi que contre les vomissements, et chez les malades auxquels l'usage du miel et de l'oxymel est contraire. On fera macérer, au plus fort de l'été, des pommes du printemps douées d'un goût sucré, râpées très-menu, jusqu'à ce que l'eau soit fortement colorée; ou bien il faut couper et faire macérer de la même manière des coings parfaitement mûrs. On doit surtout donner la boisson aux pommes à ceux qui vomissent de la bile, ainsi que pour resserrer le ventre; mais il faut faire attention à ce que les pommes n'aient aucune acidité. On doit faire macérer de la même manière les poires d'un goût sucré et d'une âpreté très-prononcée. i Toute boisson aux poires préparée par macération est fortement vineuse; après elle, celle de coings occupe le second rang, tandis que celle de dattes vertes est très peu vineuse; celle, au contraire, de dattes à moitié mûres est meilleure. Si on fait macérer des baies de myrte fraîches, on obtient, il est vrai, un liquide vineux d'un goût sucré; cette boisson coule aisément et ne produit pas de picotements. Le suc de grenades par macération est aussi fortement vineux que les boissons susdites ; il coule facilement aussi et n'a rien de chaud. On emploiera ces macérations d'une âpreté fortement prononcée contre les fièvres, sans trouble et sans danger, et lorsque le ventre est tout à fait relâché. Les macérations de sorbes, de poires sèches, de baies de myrte et de dattes, toutes ces macérations, dis-je, fournissent peu de substance analogue au marc; on les emploiera également chez les malades auxquels il ne faut pas donner du vin. On fait macérer aussi les pépins de raisin, après les avoir écrasés; mais la décoction de ces pépins est préférable à la macération , parce qu'elle possède une astringence très-efficace, sans avoir, du reste, aucune âcreté ou acidité. Les vins qu'on fait avec des baies de myrte, des rayons de miel, du froment ou de l'orge, ne sont, en aucune façon, plus faibles que le vin de raisin, mais ils passent beaucoup plus lentement et sont beaucoup plus mauvais; les vins de dattes et de figues, si on les boit récemment préparés, deviennent semblables, quant au goût, au vin d'un goût sucré; mais, sous le rapport de leurs propriétés, ils sont beaucoup plus mauvais, plus lourds et plus difficiles à assimiler; cependant, en vieillissant, ils deviennent semblables au vin âpre, tant sous le rapport de la chaleur que sous celui de leur action sur l'économie.

32. DE L'HABITUDE DE BOIRE APRÈS OU AVANT LE REPAS.

(Tiré de Philotime.)

Si, après le repas, on boit beaucoup à la fois, il arrive que l'oesophage, et surtout sa partie supérieure, s'élargit et que le ventre se distend, tandis que cette surabondance de boisson prépare l'humectation et la diffusion des aliments, et réchauffe la bouche, la tête la trachée-artère et le ventre. Quand on boit de l'eau froide la nuit cette eau refroidit toutes les parties susdites; elle refroidit aussi la nourriture, qui est précisément alors au plus fort de son échauffement; elle empêche la digestion, réprime et affaisse l'aliment eu ébullition ainsi que les bulles qui s'y forment, en épaissit la partie dissoute et liquéfiée. Si on boit de l'eau froide à jeun, les parties susdites se refroidiront, et il remontera rapidement du ventre dam le corps une grande quantité de liquide peu échauffé; cette eau prise à jeun épaissit également la pituite contenue dans le ventre, Si on boit après des fatigues, des bains ou des fièvres, la distribution des liquides dans le corps se fait très rapidement, et ils se mêlent moins exactement même à la nourriture contenue dans les veines; tandis que cette manière d'agir refroidit surtout la bouche, la face, l'oesophage et le ventre, et refroidit et épaissit pour quelque temps les humeurs contenues dans les veines.

33. PRÉPARATION DES BOISSONS USUELLES.

[Vin aux roses.] Soyez pur de souillure; ôtez les onglets des roses, jetez-en autant que vous voudrez dans du vin très-vieux; cependant pas toutes à la fois, mais par parties; remuez le mélange chaque jour avec la pointe d'un roseau, de sorte qu'il parvienne jusqu'au fond du vase; fermez ensuite exactement le pot avec un couvercle, afin que le mélange ne s'évapore pas ; abandonnez-le à lui-même pendant trente jours; filtrez ensuite le vin, et ajoutez, sur cinq sextaires, un sextaire de miel bien trituré, et servez-vous de la boisson , après l'avoir abandonnée à elle-même pendant trente jours, afin qu'elle se clarifie.

[Autre manière de préparer du vin aux roses mis en réserve.] Après avoir ôté les onglets des roses, jetez dessus six sextaires de miel, et abandonnez le tout à lui-môme pendant un an; prenez ensuite une livre des roses mises de côté et cinq livres de miel pur; triturez ce mélange et versez dessus dix sextaires de bon vin.

[Hydro-rosat.] Trente livres du meilleur miel, dix livres de feuilles de roses, soixante livres d'eau de source; chauffez l'eau jusqu'à ce qu'elle bouille, ôtez le pot [du feu] et mettez-y les roses; tenez le pot bien fermé avec un couvercle, jusqu'à ce que le mélange soit complètement infusé; faites bouillir à part et écumez le miel, séparez les roses avec un tamis, et ajoutez le miel à la décoction de roses.

[Autre vin aux roses.] Vin de première qualité, vingt et une livres; miel, huit livres; feuilles de roses, trois livres : faites macérer les roses dans le vin pendant quinze jours, séparez-les du vin avec un tamis, faites bouillir le miel et écumez-le, ajoutez-le au vin, et abandonnez le tout à lui-même, après l'avoir bouché en le liant comme il faut avec un lacet.

[Autre vin frais aux roses.] Miel, sept livres ; vin, vingt et une livres; feuilles de roses, deux livres : triturez les roses comme il faut, et mettez-les ensemble avec le vin pendant deux jours; séparez ensuite les feuilles avec un tamis, faites bouillir le miel, réunissez les deux liquides, et abandonnez le mélange à lui-même, après l'avoir bouché en le liant comme il faut.

[Vin aux violettes.] Miel, sept livres; vin, vingt et une livres; vio­lettes, deux cent quarante bottes : effeuillez les violettes, et faites-les macérer dans le vin pendant trente jours; séparez les violettes avec un tamis, faites bouillir le miel, réunissez ensuite les deux liquides, et abandonnez le mélange à lui-même après l'avoir bouché en le liant comme il faut.

[Vin aux camomilles.] Vin d'Ascalon, vingt et une livres; miel, sept livres , boules de camomille , six onces : faites macérer les boules avec le vin pendant vingt jours, séparez-les avec un tamis ; faites bouillir le miel et écumez-le; unissez le miel aux autres ingrédients, et abandonnez le mélange à lui-même, après l'avoir bouché en le liant.

[Vin poivré très-bon contre les calculs dans la vessie.] Miel, un sextaire; vin, cinq sextaires; poivre, une once; saxifrage, quatre onces ; épi de nard, quatre onces; caspesium, gingembre, cistre, cabaret, fausse cannelle, faux amome, persil, acore, gentiane, daucus, de chaque quatre onces; mêlez les poudres au miel écumé et au vin, et abandonnez le vase à lui-même pendant dix jours, afin que le mélange se digère.

[Vin poivré.] Miel, dix livres ; vin de première qualité, trente livres; poivre, une once : triturez le poivre et mêlez-le au vin; ajoutez le miel au vin après l'avoir écumé, et abandonez le mélange à lui-même, après l'avoir bouché en le liant.

[Vin à l'anis.] Miel, dix livres ; vin blanc de première qualité, trente livres; anis, cinq onces.

[Vin aux fleurs de jonc odorant.] Mêlez à seize onces de jonc odorant douze onces de safran et seize onces de mastic : triturez ces ingrédients ensemble et unissez-les au vin; écumez le miel, mettez tout ensemble, et abandonnez le mélange à lui-même après l'avoir bouché en le liant.

[Vin eu styrax.] Miel, trente livres; styrax, une livre; vin, quatre-vingt-dix livres : mêlez le miel et le styrax ensemble, après avoir écumé le premier et trituré le second; ajoutez le vin au miel écumé pendant qu'il est encore dans le mortier, et servez-vous-en, après l'avoir enlevé avec la main.

[Vin à l'absinthe.] Ajoutez à cinquante sextaires de vin une demi-onze de costus, une demi-once de feuilles de faux cannellier, une demi-once d'amome, une demi-once de fausse cannelle et dix sextaires de miel; macérez la plante appelée absinthe dans un peu de vin, et versez sur les ingrédients susdits une quantité du liquide, fait par macération suffisante pour que la liqueur vous semble agréable au goût.

fin du livre V    terminé le 7 janvier 2005