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NICOMAQUE DE GÉRASE

 

MANUEL D’HARMONIQUE

 


Oeuvre numérisée par Marc Szwajcer

 

 

Tiré de l’Annuaire de l’Association pour l’encouragement des Etudes Grecques en France, 1880.

 

 

MANUEL D’HARMONIQUE

DE

NICOMAQUE DE GÉRASE

PYTHAGORICIEN

SOMMAIRE DES CHAPITRES[1]

1. Ce manuel est un commentaire sur les éléments harmoniques.

2. Des deux espèces de voix, la voix discontinue et la voix continue, de leurs régions.

3. Parmi les choses sensibles, c’est la musique planétaire qui est considérée en premier lieu, puis, l’imitation de cette musique, celle qui a cours chez nous autres hommes.

4. La science des sons est réglée par les nombres.

5. Pythagore, en ajoutant une huitième corde à la lyre heptacorde, a constitué l’harmonie de diapason (octave).

6. Comment furent découverts les rapports numériques des sons.

7. La division du diapason (octave) dans le genre diatonique.

8. Explication des points relatifs à l’harmonique, contenus dans le Timée.

9. Témoignages de Philolaüs.

10. Sur l’accord des sons suivant les rapports numériques.

11. Sur le disdiapason (double octave), suivant le genre diatonique.

12. Progression et division des sons dans les trois genres.[2]

CHAPITRE PREMIER

1. L’exposé des intervalles et des rapports des sons dans les éléments harmoniques est par lui-même rempli de détails et difficile à renfermer dans un commentaire unique; d’autre part, en ce qui me concerne, la vie agitée de voyageur, et de voyageur surmené, à laquelle je suis condamné, m’ôte la possibilité d’entreprendre un tel exposé dans une pleine liberté d’esprit, et d’aborder la doctrine relative à ces questions avec toute la clarté convenable, ce qui exigerait du loisir et un raisonnement recueilli.

2. Malgré cela, je dois mettre tous mes soins, puisque, après tout, tu me le demandes, ô la meilleure, la plus digne des femmes,[3] à te faire une exposition improvisée ne fût-ce que des chapitres réduits à l’énoncé du sujet, sans préparation et sans démonstration détaillée, de façon qu’embrassant ces questions d’un seul coup d’œil, et employant comme un manuel ce court aperçu, tu puisses te remémorer ce que l’on dit et l’on enseigne tout au long dans chaque chapitre.

3. Dès mon premier moment de loisir et quand mes voyages auront pris fin, je composerai à ton intention une introduction plus étendue, plus développée sur ces mêmes matières et pleine, comme on dit, de raisonnements bien conduits, le tout en plusieurs livres,[4] et par la première occasion je t’enverrai mon travail là où j’apprendrai que vous résidez.[5] Je le ferai volontiers partir, pour l’enchaînement (des idées), de ce qui a servi de point de départ à notre doctrine, dans le temps où je t’expliquais ces matières.

CHAPITRE II

4. La voix humaine, selon les maîtres sortis de l’école de Pythagore, serait de deux espèces se rattachant à un seul genre, et appelées spécialement, l’une continue, l’autre discontinue. Ils tiraient ces dénominations des circonstances propres à chaque espèce. L’espèce discontinue, celle qui comporte le chant et se pose toujours sur un son, qui rend toujours manifeste l’altération produite dans les parties, ils la supposaient exempte de confusion et divisée, graduée[6] d’après les grandeurs comprises entre chaque son, formant comme un morceau, mais non un mélange des parties de la voix situées les unes entre les autres, faciles à isoler et à distinguer, et nullement corrompues dans leur ensemble.[7]

5. En effet, l’espèce chantée est de nature à faire reconnaître par une oreille exercée, au sujet de tous les sons, de quelle grandeur fait partie chacun d’eux; car celui qui ne fait pas cet emploi de l’espèce en question, on ne dit plus qu’il chante, mais qu’il parle.

6. L’autre espèce, l’espèce continue, nous la pratiquons pour converser entre nous et pour lire, sans être aucunement contraints de faire sentir les tensions des sons[8] et de les distinguer entre elles, mais en débitant le discours tout d’un trait jusqu’à l’achèvement de ce que l’on veut dire. Si quelqu’un, en causant ou en plaidant, ou encore en faisant une lecture, vient à manifester les grandeurs comprises entre chaque son, en espaçant la voix et en la faisant passer d’un son à un autre, on dit qu’il ne parle plus ou qu’il ne lit plus, mais qu’il chante.

6 bis. Étant posé que la voix humaine se divise en deux parties (ces Pythagoriciens), pensaient qu’il devait y avoir aussi, vraisemblablement, deux régions occupées et parcourues par chacune des deux espèces de voix; que la région de la voix continue se trouve par sa nature indéterminée quant à la grandeur, et recevant pour limites propres le moment où l’on commence à parler et celui où l’on cesse de le faire, c’est-à-dire depuis la première limite du discours jusqu’à la dernière limite du silence, si bien que la majeure partie de cette région est à notre discrétion.

7. Quant à la région discontinue, elle n’est plus à notre discrétion, mais soumise à la nature et limitée elle-même par des influences diverses. En effet, au point de départ, c’est le premier son perceptible, et son terme final, le dernier son que la voix puisse émettre; car nous commençons à apprécier et à comprendre les grandeurs des sons et leurs altérations réciproques à partir du point où l’on voit notre oreille commencer à percevoir, tandis qu’il peut arriver que des voix plus confuses et non encore perceptibles à notre oreille se réalisent dans la nature tout en se dérobant encore à notre sens auditif. Tout de même que, par exemple, quand il s’agit d’une pesée, certains corps ne laissent pas du tout apprécier leur pesanteur, tels que la paille, le son, etc. Mais lorsque, de nouvelles quantités de ces substances venant à s’ajouter, on voit déjà leur poids commencer à entraîner le fléau (de la balance), alors nous disons que le pesage en est à sa première application.

8. C’est de la même façon que, peu à peu la confusion de la voix s’élevant à des quantités plus grandes, du premier degré perceptible à l’oreille, nous faisons le commencement de la région de la voix chantée; quant à la fin de cette région, ce n’est plus l’oreille qui la détermine, mais la voix humaine. En effet, tant qu’elle procède mélodiquement et qu’elle marche dans les conditions du chant, nous déterminons jusque-là la dernière limite de région de cette même voix.

9. Il ne nous importe en rien de prendre pour sujet d’explication soit notre voix, issue des artères, soit des instruments à cordes, à vent et à percussion, construits à l’imitation de notre voix. Mais passons pour le moment sur les différences qui les distinguent afin de ne pas, dès notre début, rendre les explications trop diffuses.

CHAPITRE III

10. Les noms des sons doivent avoir été empruntés aux sept astres qui parcourent le ciel et roulent autour de la terre. En effet, on dit[9] que tous les corps qui tournent rapidement lorsque quelque chose leur cède la place et jouit d’une grande fluidité, produisent nécessairement des bruits qui diffèrent entre eux par la grandeur, par la vitesse du son[10] et par son lieu; c’est-à-dire en raison de leurs sons à eux-mêmes, de leurs vitesses propres ou des milieux dans lesquels s’accomplit la révolution de chaque corps, suivant que ces milieux se trouvent plus fluides ou au contraire plus résistants.

11. On relève clairement ces trois mêmes différences à propos des planètes qui se distinguent entre elles par la grandeur, la vitesse, le lieu, et qui perpétuellement, sans relâche, roulent en sifflant dans la vapeur éthérée.

12. C’est précisément de là qu’est venu pour chacune d’elles le nom d’ἀσρήρ (astre),[11] comme qui dirait «  sans station » et « courant toujours »,[12] d’où l’on a formé les mots θεός (Dieu), αἰθήρ (éther).

13. Maintenant, en raison du mouvement de Cronos, qui est la planète située le plus au-dessus de nous, le son le plus grave dans le diapason a été nommé ὑπάτη, hypate,[13] car ὕπατον signifie le plus élevé.

14. En raison du cours de la lune, placée au rang le plus bas et le plus près de la terre, on a dit νεάτη, nète, car νέατον signifie le plus bas.[14]

15. Parmi les deux astres situés de chaque côté, à l’un celui de Zeus, au-dessous de Cronos, correspond la parhypate; à l’autre, celui d’Aphrodite, situé au-dessus de la Lune, la paranète.

16. L’astre le plus central, qui est le Soleil, placé le quatrième à partir de chaque extrême, devient l’origine de la mèse, placée à l’intervalle de la quarte de l’un et de l’autre [son extrême], dans l’heptacorde antique, de même que le Soleil parmi les sept planètes est au quatrième rang à partir de chaque astre extrême, puisqu’il occupe le point moyen.

17. Parmi les deux astres situés de chaque côté du soleil, à l’un, Arès, à qui échut la sphère placée entre Zeus et le Soleil, correspond l’hypermèse appelée aussi lichanos; et à l’autre, Hermès, occupant le milieu entre Aphrodite et le Soleil, la paramèse.

18. Nous te confirmerons ces notions avec une plus grande précision et d’une façon plus complète, en y ajoutant des démonstrations linéaires et numériques, dans les commentaires que nous t’avons promis précédemment, ô la plus savante et la plus éclairée des femmes, et nous te dirons pour quelles causes nous n’entendons pas nous-mêmes cette symphonie cosmique exhalant des accents suaves et tout harmonieux, comme la tradition le rapporte.[15] Mais, pour le moment, il nous faut continuer sans retard à cause du peu de temps dont nous disposons.

CHAPITRE IV

19. Nous disons d’une manière générale que le bruit est une percussion indivise de l’air qui parvient jusqu’au sens auditif; que le son est une tension sans largeur[16] de la voix mélodique; que la tension est une station et une identité, comme grandeur, d’un son sans intervalle.

20. L’intervalle est le chemin parcouru de la gravité à l’acuité et vice versa; le système, une réunion de plusieurs intervalles; si plusieurs coups ou un vent fort vient à frapper l’air environnant et le frappe sur plusieurs points, il en résulte la production d’un son considérable; celle d’un son faible s’il y a eu peu de coups ou peu de vent; celle d’un son uni, si les coups ou le vent sont réguliers, d’une force soutenue ; celle d’un son rude, s’ils sont d’une force inégale; celle d’un son grave, s’ils frappent lentement; celle d’un son aigu, s’ils frappent vivement.[17] L’effet produit est nécessairement inverse dans les instruments à vent, tels que flûtes, trompettes, syrinx, hydraules, etc., et d’autre part dans les instruments à cordes, cithare, lyre, spadix, ou leurs analogues. Paraissent être des instruments intermédiaires ou tenant des uns et des autres ou donnant lieu à des effets semblables, les monocordes, appelés vulgairement pandoures et, par les Pythagoriciens, canons, les trigones parmi les instruments à cordes et les plagiaules (flûtes obliques) ainsi que les photinx, comme le fera voir la suite de notre discours.

21. Dans les instruments à cordes, les tensions plus grandes et plus fortes produisent des sons plus grands et plus aigus, et les tensions plus faibles, des sons plus lents et plus graves. En effet, lorsque le plectrum déplace les cordes, celles-ci, éloignées de leur position propre, tantôt y reviennent en frappant sur beaucoup de points l’air environnant avec une très-grande rapidité et un fort mouvement vibratoire, comme excitées par l’énergie même de leur tension; tantôt elles y reviennent posément et sans vibration, à l’instar du cordeau des maçons.

22. Par contre, dans les instruments à vent, les plus grandes cavités et les plus grandes longueurs produisent un son lent et relâché, car le vent s’échappe dans l’air environnant après avoir dépensé son intensité sur un long parcours; il le frappe et l’agite d’une façon à peine sensible, et par suite le son produit est grave.

23. Il faut considérer ici que le plus et le moins dépendent de la quantité que nous obtiendrons, soit en surtendant et en relâchant une flûte,[18] soit en donnant plus de longueur ou de brièveté aux cordes. Or il est évident que tout cela est réglé numériquement, car on conçoit que la quantité ne peut se rattacher en propre qu’au nombre.

CHAPITRE V

24. Pythagore[19] est le premier qui, pour éviter que, dans la conjonction,[20] le son moyen comparé aux deux extrêmes offrît l’unique consonance de quarte différenciée,[21] d’une part avec l’hypate, d’autre part avec la nète, et— pour obtenir que nous puissions envisager une théorie plus variée et que les extrêmes produisant en eux la consonance la plus satisfaisante, c’est-à-dire celle de diapason (octave) qui comporte le rapport double,[22] ce qui ne pouvait avoir lieu avec les deux tétracordes existants, — intercala un huitième son qu’il agença entre la mèse et la paramèse et qu’il fixa à la distance d’un ton entier de la mèse, à un demi-ton de la paramèse.[23] De cette façon, la corde qui représentait antérieurement la paramèse dans la lyre heptacorde est appelée encore trite (troisième) à partir de la nète et occupe néanmoins cette position; tandis que la corde intercalée se trouve la quatrième à partir de la nète et sonne la quarte avec elle, consonance que faisait entendre dans le principe la mèse avec l’hypate.[24]

25. Le ton placé entre ces deux sons, la mèse et la corde intercalée, qui reçut le nom de l’ancienne paramèse, selon qu’il est adjoint à l’un ou à l’autre des deux tétracordes, tantôt plus nétoïde, adjoint au tétracorde du côté de l’hypate, tantôt plus hypatoïde, adjoint à celui du côté de la nète, fournira la consonance de quinte qui constitue des deux côtés un système formé du tétracorde lui-même et du ton additionnel. C’est ainsi que le rapport sesquialtère[25] de la quinte est reconnu comme la somme du sesquitiers et du sesquioctave.[26] Donc le ton est sesquioctave.[27]

CHAPITRE VI

26. Quant à la quantité numérique qui, représente la distance des cordes sonnant la quarte, celle de la quinte, celle qui par leur réunion devient ce qu’on nomme diapason (octave), enfin le ton additionnel placé entre les deux tétracordes, voici comment Pythagore, à ce qu’on affirme, s’y est pris pour s’en rendre compte.[28]

27. Un jour qu’il se promenait tout en s’abandonnant aux réflexions et aux pensées que lui suggéraient ses combinaisons, cherchant s’il ne pourrait pas imaginer un secours pour l’oreille, sûr et exempt d’erreur, tel que la vue en possède un dans le compas et dans la règle ou même, disons-le,[29] dans la dioptra,[30] le toucher dans la balance, ou dans l’invention des mesures, il vint à passer, par une coïncidence providentielle, devant un atelier de forgeron, et entendit très distinctement des marteaux de fer[31] frappant sur l’enclume et donnant pêle-mêle des sons parfaitement consonnants entre eux, à l’exception d’un seul couple. Il reconnut, parmi ces sons, les consonances de diapason (octave), de diapente (quinte) et de diatessaron (quarte). Quant à l’intervalle intermédiaire entre la quarte et la quinte,[32] il s’aperçut qu’il était inconsonnant en lui-même; mais, d’autre part, complémentaire de la plus grande de ces deux consonances.

8. Rempli de joie, il entra dans l’atelier comme si un dieu secondait son dessein, et, au moyen d’expériences variées, après avoir reconnu que c’était la différence de poids qui causait la différence de son, et non pas l’effort des forgerons ni la forme des marteaux, ni le déplacement du fer laminé, il releva avec un grand soin le poids des marteaux et leur force impulsive qu’il trouva parfaitement identique, puis il rentra chez lui.

9. Il fixa un clou unique dans l’angle formé par deux murailles, pour éviter qu’il y eût même de ce côté la moindre différence ou que, d’une manière quelconque, la pluralité des clous ayant chacun leur matière propre rendit l’épreuve suspecte. Il suspendit à ce clou quatre cordes semblables par la substance, le nombre des fils, la grosseur, la torsion, et fit supporter à chacune d’elles un poids qu’il fixa à son extrémité inférieure. De plus, il rendit les longueurs des cordes de tout point égales, puis, frappant ensemble les cordes deux à deux, il reconnut respectivement les consonances précitées qui variaient avec chaque couple de cordes.

30. La corde tendue par la suspension du plus grand poids, comparée avec celle qui supportait le plus petit, lui fit constater une résonnance à l’octave; or celle-ci représentait 12 des poids donnés, et celle-là 6. Il établit ainsi que l’octave est dans le rapport double, ce que les poids eux-mêmes[33] lui avaient fait entrevoir. La plus grande corde,[34] comparée avec celle qui venait après la plus petite et qui représentait 8 poids, sonnait la quinte, et il établit qu’elles étaient dans le rapport sesquitiers, ce qui était aussi le rapport des poids entre eux; puis il la compara avec celle qui la suivait, par rapport au poids supporté. La plus grande des autres cordes se trouvant avoir 9 poids sonnait la quarte,[35] proportionnellement aux poids; or il constata qu’elle était dans le rapport inversement sesquitiers[36] et que cette même corde se trouvait par nature sesquialtère de la plus petite,[37] car 9 est à 6 dans le même rapport, de même que la corde proche de la petite et supportant 8 poids était à la corde qui en supporte 6[38] dans le rapport sesquitiers et la corde de 12 poids dans le rapport sesquialtère.

31. Par conséquent, l’intervalle compris entre la quinte et la quarte, c’est-à-dire celui dont la quinte surpasse la quarte, était confirmé comme se trouvant dans le rapport sesquioctave qui est celui de 9 à 8. Le diapason (octave) était le système formé par la réunion de l’une et de l’autre, autrement dit de la quinte et de la quarte, placées en conjonction;[39] de même que le rapport double se compose du sesquialtère et du sesquitiers, soit 12, 8, 6;[40] ou inversement, par la réunion de la quarte et de la quinte, de même que le double se compose du sesquitiers et du sesquialtère, soit 12, 9, 6, placés dans cet ordre.

32. Après avoir exercé sa main et son oreille à l’étude des poids suspendus et bien établi d’après ces poids le rapport des proportions constatées,[41] il transporta ingénieusement les résultats généraux obtenus par les cordes, (lesquels provenaient du clou placé dans l’angle des deux murailles), sur le batère (la tablette inférieure)[42] d’un instrument qu’il nomma cordotone, et la tension, portée à un point proportionnel à celles que produisaient les poids, passa dans le mouvement des chevilles placées à la partie supérieure. Une fois installé sur ce terrain et comme qui dirait en possession de ce gnomon infaillible, il étendit l’expérience en la faisant sur divers instruments, par exemple au moyen de la percussion des vases, sur les flûtes, les syrinx, les monocordes, les trigones et autres semblables; toujours il trouva consonnante et invariablement sûre la détermination indiquée par les nombres.[43]

33. Il nomma hypate le son correspondant au nombre 6, mèse, le son 8, qui se trouve être son sesquitiers paramèse, le son 9, plus aigu d’un ton que le son moyen[44] et par conséquent son sesquioctave; enfin nète, le son 4. Ensuite il suppléa les points intermédiaires, suivant le genre diatonique, au moyen de sons proportionnels et subordonna ainsi la (lyre) octacorde aux nombres[45] consonnants, savoir le double, le sesquialtère, le sesquitiers, et à la différence de ces deux derniers, le sesquioctave.

CHAPITRE VII

34. Pythagore reconnut de la manière suivante, en vertu d’une nécessité naturelle, la progression des sons depuis le plus grave jusqu’au plus aigu, suivant ce même genre diatonique; car, pour la chromatique et l’enharmonique, il les décrivit plus tard d’après celui-ci, comme nous aurons à l’exposer un jour. Donc ce genre diatonique parait avoir, par nature, certains degrés et certains procédés dont voici le détail. Un demi-ton, un ton, un ton, ce qui forme un système de quarte, composé de deux tons et de ce qu’on appelle demi-ton;[46] puis, par l’addition d’un autre ton, c’est-à-dire le ton intercalé, il en résulte le système de quinte composé de trois tons et d’un demi-ton. Viennent ensuite un demi-ton, un ton, un ton, autre système de quarte, c’est-à-dire sesquitiers.

35. Ainsi donc, dans la lyre heptacorde, antérieure à celle-ci, tous les quatrièmes sons à partir du plus grave consonnaient toujours entre eux à la quarte, le demi-ton occupant tour à tour, par suite de son déplacement, le premier degré, le degré moyen et le troisième du tétracorde;[47] tandis que dans la lyre pythagoricienne, dite octacorde, tantôt, — dans le cas de la conjonction, — il y a un système composé d’un tétracorde et d’un pentacorde, tantôt, — dans le cas de la disjonction, — deux tétracordes étant séparés l’un de l’autre par l’intervalle d’un ton, la progression aura lieu, à partir de la corde la plus grave, de telle façon que tous les cinquièmes sons consonnent entre eux à la quinte, le demi-ton occupant tour à tour quatre degrés différents, le premier, le second, le troisième et le quatrième.[48]

CHAPITRE VIII

36. Arrivés à ce point, c’est le moment pour nous de a commenter le passage de la Psychogonie[49] où Platon s’exprime en ces termes.

« C’est pourquoi, dans chaque intervalle, il y a deux moyennes, l’une est supérieure et inférieure aux extrêmes d’une même fraction,[50] l’autre, supérieure d’une quantité numérique égale et inférieure d’une quantité égale aussi[51] à chaque extrême respectivement. Il (le démiurge) remplit la distance qui sépare les intervalles sesquialtères et sesquitiers avec l’intervalle[52] du sesquioctave. »

37. En effet, l’intervalle double,[53] c’est le rapport de 12 à 6, et les deux moyens, ce sont le nombre 9 et le nombre 8; mais le nombre 8, dans la proportion harmonique, est moyen entre 6 et 12, étant supérieur à 6 du tiers de ce nombre 6 et inférieur à 12 du tiers de ce nombre 12. Voilà pourquoi (Platon) dit que c’est de la même fraction, considérée dans les extrêmes eux-mêmes, que la moyenne 8 est respectivement supérieure et inférieure; car ce que le plus grand terme est au plus petit, savoir le double, la différence du plus grand d’avec la moyenne, différence qui est 4, l’est à la différence de cette moyenne d’avec le plus petit, différence qui est 2; et, en effet, ces (différences) sont en rapport double comme 4 est à 2.

38. Le caractère propre de cette moyenne, c’est que la somme des extrêmes multipliée par la moyenne donne un produit double du produit des extrêmes.[54] En effet, 8 fois la somme des extrêmes qui est 18 font 144, double du produit des extrêmes, qui est 72.

39. L’autre moyenne, 9, placée au rang de la paramèse, est considérée comme moyenne arithmétique entre les extrêmes, étant, de 3 unités, inférieure à li et supérieure à 6. Son caractère propre, c’est que la somme des extrêmes est le double de cette moyenne, et que le carré de la moyenne, qui est 81, est supérieur au produit des extrêmes d’une quantité égale au carré juste des différences, c’est-à-dire de 9, carré de 3, car ce dernier nombre est la différence.[55]

40. On peut encore faire voir la troisième proportion,[56] qui est la proportion proprement dite, dans les deux termes moyens 9 et 8; car 12 est à 8 comme 9 est à 6; ces deux rapports sont sesquialtères, et le produit des extrêmes est égal au produit des moyens. 6 fois 12 égalent 9 fois 8.[57]

CHAPITRE IX

41. Que dans une haute antiquité l’on ait avancé des assertions en accord avec ce que nous venons d’exposer, appelant harmonie le diapason (octave) et syllabe le diatessaron (quarte), car c’est le premier groupe (σύλληψις) de sons consonnants,[58] et dioxie le diapente (quinte), car la quinte est la consonance qui fait immédiatement suite à la consonance primitive, la quarte, en procédant vers l’aigu; et que le système formé par l’une et l’antre (la syllabe et la dioxie) soit l’octave; enfin, qu’on l’ait nommée harmonie parce que c’est la première consonance composée de consonances, voilà ce que Philolaüs, successeur de Pythagore, a mis en lumière, dans les termes qui suivent, au livre Ier de sa Physique; car nous nous bornerons à un seul témoignage pour aller plus vite, bien que beaucoup d’autres aient donné là-dessus un grand nombre d’explications analogues.

42. Voici comment s’exprime Philolaüs:

« La grandeur de l’harmonie comprend une syllabe et une dioxie. La dioxie surpasse la syllabe d’un sesquialtère, car il y a de l’hypate à la mèse une syllabe, de la mèse à la nète une dioxie, de la nète à la trite[59] une syllabe, et de la trite à l’hypate une dioxie. L’intervalle compris entre la trite et la mèse est sesquioctave. La syllabe comprend un intervalle sesquitiers, celui de la dioxie est sesquialtère et celui de l’octave est double. Ainsi l’harmonie comprend cinq sesquioctaves et deux diésis;[60] la dioxie, trois sesquioctaves et un diésis; la syllabe, deux sesquioctaves et un diésis. »

43. Il faut se rappeler que, dans ce passage, (Philolaüs) nomme trite ce qui était paramèse dans la lyre heptacorde avant l’intercalation du ton disjonctif qui eut lieu dans la lyre octacorde; car cette corde était éloignée de la paranète d’un trihémiton incomposé.[61] Sur cet intervalle, la corde intercalée préleva un ton, et le demi-ton restant entre la trite et la paramèse fut absorbé dans la disjonction.[62] Par suite, l’ancienne trite était régulièrement éloignée de la nète de l’intervalle d’une quarte, intervalle que la paramèse a déterminé à la place de cette trite.

44. II y a des gens qui, ne comprenant pas cela, le contestent, alléguant qu’il n’est pas possible que la trite soit éloignée de la nète d’un intervalle en rapport sesquitiers. D’autres émettent cette opinion, qui n’est pas improbable, que le son intercalé n’a pas été placé entre la mèse et la trite, mais entre la trite et la paranète, et que c’est à lui qu’on a donné le nom de trite repris à celle-là (paramèse); puis, que, à son tour, la trite est devenue paramèse dans la disjonction; mais que Philolaüs a donné à la paramèse l’ancienne appellation de trite, bien qu’elle fût éloignée de la nète de l’intervalle de quarte.

CHAPITRE X

45. Maintenant revenons sur nos pas en rattachant à l’explication donnée précédemment celle qui va suivre, et en disant que c’est dans le sens inverse de la corrélation en fait de tension qui rend les sons aigus quand il y a multiplicité [de vibrations] et les rend graves quand il y a petit nombre, que l’on vient à établir une théorie sur la longueur ou la grosseur des cordes et sur les dimensions des trous des flûtes, observant à d’autres égards une proportion inverse de cette théorie.[63] En effet, parmi les premières (les cordes), les plus courtes donnent des sons aigus et les plus longues des sons graves.

46. Si, par exemple, prenant une corde longue placée sur un canon (règle), soumise à une tension constante, mais élevée au-dessus de ce canon de façon qu’elle n’y touche pas, on compare le son produit par le toucher de la corde entière avec le son de sa moitié, considérée isolément au moyen d’un curseur ou de tout autre appareil placé en son milieu, afin que la vibration obtenue par le toucher n’affecte rien que la moitié considérée, on trouvera l’intervalle de diapason (octave) entre le son de la demi-corde et celui de la corde entière, en rapport plus grand, c’est-à-dire double, l’effet produit étant en raison inverse des données réciproques de longueur.

47. Si, après avoir mesuré exactement un tiers de la corde, on obtient la vibration, le son produit par les deux autres tiers sera nécessairement en rapport sesquialtère avec le son de la corde entière, en raison inverse de la longueur.

48. Si l’on ne frappe que le quart de la corde dans la résonnance qu’on lui fait rendre, sans laisser aller plus loin la vibration, le son des trois quarts de la corde, comparé à celui de sa totalité, donnera un sesquitiers, toujours inversement du rapport de la longueur.[64]

49. Il en est de même d’une flûte dont les trous, au nombre de trois, la divisent en quatre longueurs égales et dont les premiers trous[65] sont bouchés au moyen de l’application des doigts. Si nous comparions le son donné par la flûte entière avec celui que rendait le trou du milieu, quand on suspend l’application du doigt, on trouverait le rapport double, et l’intervalle du son donné par le trou du milieu au son de la flûte entière serait reconnu pour être l’octave.

50. Le même son (du milieu) comparé au son donné par le son placé au-dessous de lui et auprès du bout inférieur, donnerait le rapport sesquialtère et ce dernier son, comparé au son de la flûte entière, le rapport sesquitiers.

51. Le son donné par le trou placé du côté de la bouche,[66] comparé au son donné par le trou du milieu, donnerait le rapport double, et comparé avec le son de la flûte entière, le rapport quadruple,[67] toujours en raison inverse des longueurs.

52. En ce qui concerne les syrinx, les longueurs produisent un effet semblable, ainsi que la largeur des tuyaux. De même encore la grosseur des cordes; car les cordes à deux fils rendent un son double[68] de celui des cordes à quatre fils.

CHAPITRE XI

53. Voici en quoi consiste le corps du diagramme dans le genre diatonique.

Il comprend la double octave et sa largeur est quadruple;[69] car c’est tout ce que peut faire la voix de concours[70] sans danger et sans encombre, étant exposée, lorsqu’elle excède ces limites, à tomber dans la voix de fausset, si elle avance plus loin vers la nétoïde[71] et dans le bruit de la toux si elle se risque jusqu’à un degré de bourdon plus grave.

54. A la lyre antique, c’est-à-dire heptacorde, composée de deux tétracordes reliés en conjonction et tels que la mèse en faisait deux intervalles consonnants, l’un, le plus grave, du côté de l’hypate, se dirigeant vers l’aigu,[72] et l’autre, du côté de la nète, se dirigeant vers le grave, on adjoignit deux autres tétracordes, un à chaque extrémité.

55. Du côté de la nète primitive, il y eut le tétracorde dit des hyperboléennes,[73] parce qu’il était établi sur un degré vocal plus aigus et transcendant (ὑπερβάλλων), commençant avec l’ancienne nète et placé en conjonction, de telle façon que la surtension de ce tétracorde fut limitée à l’adjonction de trois (nouveaux) sons seulement qui reçurent à bon droit les dénominations suivantes :

Trite des hyperboléennes, [paranète et][74] nète des mêmes.

56. Afin d’établir une distinction et d’éviter[75] que le tétracorde, placé avant celui-ci et relié en conjonction avec la mèse, eût ses sons dénommés de la même manière, le son placé après la mèse fut appelé trite des conjointes; vient ensuite la paranète des conjointes, et l’ensemble nétoïde partant de la mèse redevient encore lui aussi un heptacorde.[76]

57. Du côté de l’hypate primitive, dans le sens du grave, on adjoignit, toujours par conjonction, l’autre tétracorde en question, dans lequel se fit entendre aussi l’ancienne hypate comme son le plus aigu de ceux qu’il renfermait. De la même façon (que tout à l’heure), pour marquer une distinction avec la disposition du tétracorde précédent, le nouveau reçut aussi des noms plus significatifs et à chaque nom de son fut ajouté le terme: des hypates (ὑπάτων);[77] exemples : hypate des hypates, diatonique des hypates ou lichanos des hypates, car on dit les deux indifféremment.[78]

58. Le système total compris entre la mèse et l’hypate des hypates se trouvait former un heptacorde composé de deux tétracordes conjoints et[79] employant un son commun, l’ancienne hypate. On eut donc ainsi, depuis l’hypate des hypates jusqu’à la nète des hyperboléennes, quatre tétracordes conjoints [deux à deux], et le tout se trouvait former une somme de treize cordes, dont la septième, à partir de chaque extrémité, était fixée à un ton de distance,[80] puisque, comme on l’a dit plus haut,[81] le huitième son fut intercalé à la distance d’un ton entre la mèse et l’ancienne trite par ceux qui voulurent jeter de la variété dans l’harmonie, ou, suivant quelques- uns, entre la trite et la paranète, ce qui amena l’apparition de la quinte. La corde nommée mèse (moyenne) ne fut plus une mèse, car dans un agencement de cordes en nombre pair il ne peut y avoir une corde moyenne, mais il y a nécessairement une septième et une huitième. On ajouta donc, par-delà l’hypate, un son extrême, le plus grave des sons existants, qui en raison de son origine reçut le nom de son proslambanomène (additionnel), placé un ton au grave de l’hypate des hypates, de telle façon que les systèmes placés de chaque côté de la mèse furent octacordes et que la mèse devint réellement une mèse (corde moyenne) entre quinze sons, étant la huitième corde à partir de chaque (extrémité de l’échelle). Il résulta aussi de là que la double octave formant l’étendue totale du diagramme devint doublement double, c’est-à-dire quadruple, et que l’ordre des dénominations fut celui-ci :[82]

Le proslambanomène;

Puis, à la distance d’un ton juste, l’hypate des hypates;

Un demi-ton après, la parhypate des hypates;

Un ton après, la lichanos des hypates; ce nom (de lichanos) lui vient de ce que le doigt de la main gauche, voisin du pouce, appelé de ce même nom de lichanos (index), est toujours appliqué sur cette corde;

Puis, un autre ton après, l’hypate des moyennes;

Un demi-ton à la suite, la parhypate des moyennes;

Un ton après, la lichanos des moyennes, qui s’appelle aussi diatonos, empruntant ce nom au genre diatonique lui-même.[83]

Ensuite, un autre ton après, la mèse;

Puis la paramèse, un ton juste après;

La trite des disjointes, un demi-ton après;

Puis, un ton après, la paranète des disjointes;

Un autre encore après, la nète des disjointes;

Un demi-ton à la suite, la frite des hyperboléennes;

Un ton après, la paranète des hyperboléennes;

Et enfin, un ton après, la nète des hyperboléennes.

59. De plus, en mémoire de la conjonction qui avait lieu primitivement dans l’heptacorde, on intercala, entre le tétracorde des moyennes et celui des disjointes, un autre tétracorde dit conjoint, dont la trite se place après la mèse, à la distance d’un demi-ton; puis, un ton après vient sa paranète propre; puis, un autre ton après, la nète conjointe,[84] qui a exactement la même tension et le même son que la paranète disjointe.[85]

60. Ainsi donc les tétracordes sont en tout au nombre de cinq, savoir ceux des hypates, des moyennes, des conjointes, des disjointes et des hyperboléennes; leurs disjonctions au nombre de deux, et leurs conjonctions au nombre de trois. Les disjonctions ont lieu l’une entre le tétracorde des moyennes et celui des disjointes,[86] l’autre entre le proslambanomène et l’hypate des hypates. Chacune d’elles comprend la distance d’un ton. Les trois conjonctions ont lieu, la première entre le tétracorde des hypates et celui des moyennes, la seconde entre celui des moyennes et celui des conjointes, la dernière entre celui des disjointes et celui des hyperboléennes.

64. Pour ce qui concerne la découverte de tous ces éléments, son par son, leurs causes, leurs procédés, leur mode de production, leurs inventeurs, l’époque et les circonstances de leur invention, nous en ferons l’exposé tout au long un jour, en commençant par le tétracorde pour finir par la catapycnose la plus complète du diapason (octave),[87] non seulement dans le genre diatonique, mais encore dans le chromatique et dans l’enharmonique, en citant le témoignage des anciens les plus autorisés et les plus savants. Puis nous décrirons la division de ce qu’on nomme le canon de Pythagore, exécutée d’une façon rigoureusement conforme à l’intention de ce maître, non pas suivant la fausse interprétation d’Eratosthène ou de Thrasylle,[88] mais comme l’entendait Timée de Locres, que Platon a suivi jusqu’au vingt-septuple.[89]

CHAPITRE XII

62. Pour que tu possèdes la progression particulière à chacun des trois genres et le développement régulier (des sons) depuis le proslambanomène jusqu’à la nète des hyperboléennes, il convient que je reprenne mon exposé d’un peu plus haut, en touchant d’abord, pour plus de clarté, les points dont j’ai déjà parlé.

63. Le son est une émission de voix indivisible, comme l’unité, par analogie, ou, comme disent les modernes,[90] la chute de la voix sur une tension simple et unique, ou encore, selon quelques-uns, un bruit sans largeur et sans intervalle quant au lieu.

64. L’intervalle, c’est le milieu existant entre deux sons.

65. Le rapport, c’est la proportion qui sert à mesurer la distance dans chaque intervalle.

66. La différence, c’est l’excès ou le défaut parmi les sons comparés entre eux; car c’est mal juger que de croire que la différence et le rapport sont la même chose. Prenons un exemple. De 2 à 1, il y a la même différence que de 1 à 2, mais non pas le même rapport, car est le double de 1, tandis que 1 est la moitié [de 2].[91] De plus, parmi tous les termes d’une proportion arithmétique, qu’il y en ait trois ou plus, la différence est la même entre tous, tandis que le rapport varie de l’un à l’autre. Du reste, tu trouveras là-dessus de plus amples informations dans mon grand commentaire.

67. Le système est la réunion de deux ou de plus de deux intervalles en un seul. Dans les intervalles, un son n’est jamais consonnant avec celui qui le suit immédiatement, il est toujours dissonant: tandis que parmi les systèmes quelques-uns sont consonnants et d’autres dissonants.

68. Les systèmes sont consonnants lorsque les sons qui les comprennent, différents de grandeur, touchés ensemble ou d’une façon quelconque, se mélangent de telle façon entre eux qu’il en résulte la production d’une émission vocale uniforme et en quelque sorte unique.

69. Deux sons au contraire sont dissonants lorsque l’émission vocale qui en résulte arrive à l’oreille démembrée jusqu’à un certain point et non mélangée.

70. Maintenant, comme le premier consonnant et le plus élémentaire est la quarte, dans un tétracorde continu,[92] suivant un rapport sesquitiers, il est rationnel de trouver dans ce (système) les variations des trois genres de la mélodie.

71. Le diatonique, dont nous avons parlé plus haut, procède ainsi:[93] un demi-ton; un ton, puis un ton, en tout trois intervalles compris entre quatre nombres, c’est-à-dire quatre sons. Ce nom de diatonique lui vient de ce que c’est absolument le seul qui procède par tons.

72. Le chromatique procède ainsi: un demi-ton, un demi-ton, puis enfin un trihémiton incomposé, de façon qu’il arrive ceci que, bien qu’il ne se compose pas manifestement de deux tons et d’un demi-ton, on y retrouve néanmoins une somme d’intervalles égale à deux tons et demi.

73. L’enharmonique a, par nature, la progression que voici : un diésis, ce qui est la moitié d’un demi-ton, puis encore un autre diésis, ce qui fait en tout un demi-ton, et le reste du tétracorde, un diton juste incomposé, de telle façon que ce système, lui aussi, est égal à deux tons et demi; car, entre ces divers intervalles, il est impossible qu’un son consonne avec un autre son.

74. Il est donc évident que les variations de genres ne tirent pas leurs différences des quatre sons qui composent la quarte, mais seulement des deux sons moyens (du tétracorde).

75. Dans le chromatique, c’est le troisième son qui varie par rapport au diatonique, taudis que le deuxième reste le même et a la même tension que le troisième son de l’enharmonique.

76. Dans l’enharmonique, les deux moyens varient par rapport au diatonique, de sorte que l’enharmonique est l’opposé du diatonique, et que le chromatique est entre les deux; car il s’éloigne de peu, d’un demi-ton seulement, du diatonique. De là cette expression : « être nuancé », que l’on applique à l’homme versatile.[94]

77. Les sons extrêmes d’un tétracorde se nomment sons fixes, car ils ne se déplacent dans aucun genre, et les sons moyens, sons mobiles, du moins dans l’enharmonique, tandis que, dans le chroma, le second est à la fois mobile et non mobile, car par rapport au diatonique il ne se déplace pas, et, par rapport à l’enharmonique, il se déplace.

78. L’octave, qui est un système allant soit de la mèse au proslambanomène, soit de la mèse à la nète hyperboléenne, et qui se compose de huit cordes, la consonance de quarte se composant de deux tons plus un demi-ton, et celle de quinte de trois tons plus un demi-ton, ne comprend pas exactement six tons comme le croient les modernes,[95] mais cinq tons et deux intervalles appelés demi-tons. Si c’étaient là réellement des demi-tons, qu’est-ce qui empêchait qu’un ton résultât de leur somme, et que la consonance se composât de six tons? Au surplus, nous exposerons clairement et dans tous les détails la démonstration de ce fait au cours de notre grand commentaire, et Philolaüs nous prêtera son autorité par la citation donnée plus haut, en disant: « L’harmonie contient cinq sesquioctaves et deux diésis », c’est-à-dire deux demi-tons qui font un ton, puisque (ces diésis) étaient en réalité des moitiés de ton.

79. Maintenant, si nous entremêlons dans le même diagramme les sons des trois genres, nous aurons la nomenclature suivante

Proslambanomène:

Hypate des hypates;

Parhypate des hypates enharmonique;

Parhypate des hypates chromatique et diatonique;

Enharmonique des hypates;

Chromatique des hypates;

Diatonos des hypates;

Hypate des moyennes;

Parhypate des moyennes enharmonique;

Parhypate des moyennes chromatique et diatonique;

Enharmonique des moyennes;

Chromatique des moyennes;

Diatonos des moyennes;

Mèse;

Trite des conjointes enharmonique;

Trite des conjointes chromatique et diatonique;

Enharmonique des conjointes;

Chromatique des conjointes;

Diatonos des conjointes;

Nète des conjointes;

Paramèse;

Trite des disjointes enharmonique;

Trite des disjointes chromatique et diatonique;

Enharmonique des disjointes;

Chromatique des disjointes;

Diatonos des disjointes;

Nète des disjointes;

Trite des hyperboléennes enharmonique;

Trite des hyperboléennes chromatique et diatonique;

Enharmonique des hyperboléennes;

Chromatique des hyperboléennes;

Diatonos des hyperboléennes;

Nète des hyperboléennes.

80. Tu excuseras la précipitation avec laquelle j’ai rédigé cet écrit, car tu sais bien que tu me l’as demandé pendant que j’étais en voyage et que j’ai dû le faire au pied levé. Puisse ton esprit, si indulgent, si judicieux, l’agréer comme des prémices et un hommage destiné à me concilier ta faveur, en attendant qu’avec la permission des dieux je t’adresse, incessamment, par la première occasion, un traité complet et définitif sur ces matières!


 

NICOMAQUE DE GÉRASE

FRAGMENTS RELATIFS A L’HARMONIQUE

PREMIER FRAGMENT[96]

1. On rapporte qu’Hermès inventa la lyre construite avec la tortue et qu’après l’avoir munie de sept cordes, il transmit l’art d’en jouer à Orphée. Orphée à son tour l’enseigna à Thamyris et à Linus, puis Linus à Hercule, de la main duquel il périt. Il l’enseigna aussi au Thébain Amphion qui bâtit la ville de Thèbes et lui donna sept portes en considération des sept cordes. Orphée mis à mort par les femmes de Thrace, sa lyre fut, dit-on, jetée à la mer qui la rejeta sur la côte près la ville d’Antissa, dans Lesbos. On ajoute que des pêcheurs qui l’avaient trouvée la portèrent à Terpandre et que celui-ci l’emporta en Égypte; qu’après l’avoir travaillée avec grand soin, il la fit voir aux prêtres égyptiens et se donna comme en étant le premier inventeur. C’est dans ce sens que l’on dit Terpandre inventeur de la lyre; mais des anciens[97] prétendent qu’elle doit son origine à Cadmus, fils d’Agénor.

IIe FRAGMENT

1. Voici les nombres avec lesquels les musiciens forment les intervalles d’un ton.

2. Pour la quarte, que l’on dit considérer suivant le rapport sesquitiers et qui se compose de deux tons et d’une certaine fraction, par exemple l’intervalle commençant avec l’hypate des hypates et se terminant sur l’hypate des moyennes, on prend comme nombre[98] sesquitiers le nombre 256 qui l’est de 192, et partant de ce nombre de 192, en passant par les rapports sesquioctaves suivant lesquels on considère les intervalles toniés, ils complètent le nombre 216. On surtend donc un ton à partir de 192 et l’on produit 216 qui est le sesquioctave de 192, car il contient 192 plus son 8e, 24. Puis, à partir de 216, on surtend encore un ton et l’on produit 243, sesquioctave de 216, car il contient ce nombre plus son 8e, 27. Maintenant, pour compléter la quarte et le nombre 256, il manque 13, ce qui n’est la moitié ni du premier ton, considéré dans le nombre 24, ni du second, considéré dans le nombre 27.

3. Pour la quinte, qui réside dans le rapport sesquialtère, et se compose de trois tons et d’une certaine fraction, par exemple l’intervalle commençant avec la parhypate des moyennes et se terminant sur la trite des disjointes, on opère de la manière suivante. On prend un nombre sesquialtère, soit 768, qui l’est de 512, puis, passant par les sesquioctaves, suivant lesquels on considère les intervalles toniés et par le limma ou reste, on complète le nombre 768. Partant donc du nombre 512, on surtend un ton et l’on produit le nombre 576, qui est sesquioctave de 512, car il contient le nombre 512 lui— même, plus son 8e, 64. A partir de 576, on surtend encore un ton et l’on produit son sesquioctave 648, qui est bien sesquioctave de 576, puisqu’il contient ce nombre plus son 8e, 72. A partir de 648, on surtend encore un ton et l’on produit son sesquioctave 729, qui est bien son sesquioctave, puisqu’il le surpasse de 81, qui est le 8e de 648. Maintenant, pour compléter le nombre sesquialtère 768, il manque 39; or ce nombre n’est la moitié ni de 64, suivant lequel on a considéré le premier ton, ni de 72, rapporté au deuxième ton, ni de 81, rapporté au troisième, car le ton ne se divise pas exactement en deux demi-tons.

4. Maintenant, pour la quarte, qui se compose d’un ton, d’un limma et d’un ton, telle que celle qui commence avec le proslambanomène et se termine sur la diatonique des hypates, on opère ainsi. On prend un nombre sesquitiers, 288, qui l’est de 216, et, à partir de 216, on surtend un ton et l’on produit 243, sesquioctave de 216 et le surpassant de 27. Mais, comme nous ne pouvons plus surtendre un ton à partir de 243,[99] car nous trouvons que cette corde[100] ne réalise pas un sesquioctave, nous produisons par relâchement un ton sous-sesquioctave de 288; or le sous-sesquioctave de 288 est 256, puisque celui-ci est contenu en entier dans 288, ainsi que son 8e, 32.[101] Ainsi donc, par suite de la surtension opérée à partir de 216, suivant le rapport sesquioctave du ton, on trouvait 243, et, par le relâchement d’un ton, 256; mais, pour compléter le nombre intermédiaire, il manque 13, ce qui n’est la moitié ni de 27 ni de 32. D’autre part, le système total de la quarte, quant aux nombres précités, est de 72;[102] dans le nombre sesquioctave obtenu par surtension, on trouvera 27, et dans celui qu’on aura obtenu par relâchement, 32; or, si de 72 nous retranchons 27 et 32, il nous reste 13, qui n’est la moitié ni de 27 ni de 32.

5. Pour la quinte, qui se compose d’un ton, d’un limma et de deux tons, telle que celle qui commence avec la diatonique des hypates et se termine sur la mèse, on opère ainsi. On prend un nombre sesquialtère, tel que 1296 qui l’est de 864, et, partant de ce nombre, on surtend un ton et l’on produit le nombre 972 qui surpasse de 108 le nombre 864; mais, comme nous ne pouvons plus surtendre un ton à partir de 972,[103] nous trouvons aussi (le nombre voulu) par relâchement. Nous relâchons donc, à partir de 1296, 1152, qu’il surpasse du nombre 144, qui est le 8e de 1152. Nous relâchons encore un ton à partir de 1152 et nous trouvons 1024, nombre sous-sesquioctave[104] de 1152 et surpassé par lui de 128, qui est le 8e de 1024. Ainsi donc, de 1024 retranchons 972, nombre où réside le ton obtenu par surtension à partir de 864: reste 52, sans que l’on puisse trouver aucun nombre, parmi les tons, dont celui-ci, 52, soit la moitié; car il ne l’est ni de 108, ni de 128, ni de 144, nombres auxquels correspondaient les intervalles toniés que l’on a trouvés tout à l’heure.

DU MEME NICOMAQUE

IIIe FRAGMENT

1. Extrait.[105]— Suivant le dire de Nicomaque,[106] on a nommé hypate la corde la plus haute et la première, parmi les divisions de la lyre à sept sons,[107] parce que Cronos (Saturne) est (l’astre) le plus élevé et le premier à partir de la sphère fixe. La nète a été rapportée à la Lune comme étant la dernière des autres sphères, [108]— la mèse au Soleil, — les cordes placées de chaque côté de la nète et de l’hypate, savoir, la parhypate à Zeus (Jupiter), et la paranète, non pas à Hermès (Mercure), mais, irrégulièrement, à Aphrodite (Vénus), à moins qu’il n’y ait une faute dans le texte, — l’hypermèse[109] à Arès (Mars), — la trite à Aphrodite.[110] La sphère aiguë est la Lune qui a le même rapport que la nète ; la sphère grave est Saturne, puisqu’elle a le même rapport que l’hypate.

2. Ceux qui font commencer (la série planétaire) par les astres voisins de nous, disent que l’hypate correspond au premier astre, la Lune, comme point de départ des sons; que la nète est la corde de Saturne, vu que celui-ci est le plus éloigné de nous. En effet, l’hypate a plus d’affinités avec les êtres engendrés, en raison de ce que dans une essence multiple la puissance est plus faible, de sorte que par ce qu’elle a de terrestre elle est multiple, et par ce qu’elle a de multiple elle est faible; car c’est surtout dans le fait d’être un que consiste la puissance. D’après cela, l’hypate a été rapportée à la Lune, comme étant une sphère de forme variée et d’un mouvement multiple, ne possédant pas une aussi grande puissance à cause de son éloignement des premières, et aussi parce qu’il y a comme une station pour les corps célestes quand on arrive à celui-ci,[111] de même que pour les sons qui partent de la nète, quand ils arrivent à l’hypate, sans admettre une nature de semblable essence pour les corps placés par devant.[112] Voilà comment cette corde a été attribuée à la Lune.

3. En effet, la première (planète) que nous rencontrons est la Lune, puisque c’est la plus proche de la Terre; et le son grave sort des cavités qui environnent les flancs, qui sont les parties inférieures du corps humain, tandis que le son aigu part des oreilles et des parties supérieures.[113]

4. Par conséquent la nète est la corde de Saturne, vu que cette planète n’est pas apte à recevoir une augmentation[114] et qu’elle renferme toutes les autres et en essence et en puissance. Ainsi donc, si l’une (la Lune) est lente et l’autre (Saturne) rapide, quant au mouvement de translation des planètes dans l’univers, à ces divers points de vue et au point de vue de l’éloignement,[115] la Lune est bien l’hypate. En effet Saturne est beaucoup plus proche de la sphère fixe, dont il n’est éloigné que d’un 30e de degré, de sorte que, dans un mouvement égal, il ne dévie de la révolution totale de l’Univers que de 2 minutes diurnes, ce qui est le 30e d’un degré; or, si l’on examine la Lune dans son mouvement égal et moyen, on pourra reconnaître qu’elle est éloignée de 13 à 14 degrés (de la sphère fixe), de sorte qu’il y a lieu d’établir que celui-ci (Saturne) est la plus rapide de toutes (les planètes) et que la Lune en est la plus lente.

IVe FRAGMENT

1. Extrait. — Tous ceux qui ont adjoint d’autres cordes à la huitième ont été guidés, non point par une raison quelconque, mais par le désir de gagner l’âme de leurs auditeurs. C’est ainsi que la neuvième corde fut ajoutée par Théophraste de Piérie, la dixième par Histiée de Colophon, la onzième par Timothée de Milet, et les suivantes par d’autres encore.

2. Plus tard, le nombre des cordes fut porté à dix- huit. Aussi voit-on Phérécrate, le poète comique, dans sa pièce intitulée Chiron, faire un reproche à ces novateurs du laisser-aller qui régnait dans leurs mélodies.[116]

3. Les cordes sont en tout, dans les trois genres, au nombre de vingt-huit. Il n’y en a ni plus ni moins, car la voix humaine ne peut admettre, ni, dans le grave, des sons plus graves, sans arriver au son de la trompe et au bruit de la toux; sons insignifiants, inarticulés et non mélodieux; — ni, dans l’aigu, les sons qui ressemblent aux mugissements des bœufs ou aux hurlements du loup, lesquels sont inappréciables, discordants, et ne peuvent participer à une consonance.[117]

4. Les cordes comprises dans chaque (genre), d’après le système de ceux qui font deux mèses dans les tétracordes disjoints, de manière qu’un tétracorde soit consonnant par disjonction à un pentacorde,[118] sont au nombre de 18; tandis que ceux qui ne font pas plus d’une mèse dans le système immuable,[119] mais l’emploient comme la corde la plus grave parmi les sons aigus et comme la plus aigu parmi les plus graves, déterminent 15 cordes pour former la double octave dans le système immuable.

5. Cette échelle est du goût de Ptolémée,[120] qui ajoute que, l’on doit s’en tenir à ce nombre. Il déclare que les tons,[121] égaux en nombre aux espèces de l’octave, comme aux espèces de la quarte et de la quinte,[122] desquelles résulte l’homophone,[123] sont tous compris dans ce nombre de sons;[124] que la mèse est exactement une corde moyenne (μέση) et que les deux extrémités ont pour limites, au grave le proslambanomène, et à l’aigu la nète des hyperboléennes.

V FRAGMENT

1. Extrait. — Si quelques-uns ont porté le nombre des sons à 28, il deviendra évident qu’ils se sont écartés de la symphonie de l’Univers, mais se sont conformés à la physique de Pythagore et de Platon.[125]

2. En effet, la nature des âmes divines, décomposée au moyen du vingt-septuple auquel elle ajoute l’unité, principe de toutes choses (de même que dans les sons, on emploie symboliquement[126] le mot proslambanomène) réalise le même nombre, en commençant par les sept termes dont la superposition a permis à Platon de reconnaître la progression triple et cubique et se terminant avec ce nombre.[127]

3. Les sons de chacune des sept sphères produisent un certain bruit, la première réalisant le premier son, et à ces sons l’on a donné les noms des voyelles.[128] Ce sont là des choses qualifiées d’inexprimables par elles-mêmes chez les savants, ainsi que tout ce qui est formé, attendu que le son, ici, a la même valeur que l’unité en arithmétique, le point en géométrie, la lettre en grammaire. Si ces choses sont combinées avec des substances matérielles, telles que sont les consonnes, de même que l’âme est unie au corps et l’harmonie aux cordes, elles réalisent des êtres animés,[129] celle-ci des tons et des chants, celle-là des facultés actives[130] et productrices des choses divines. Voilà pourquoi les Théurges,[131] lorsqu’ils adorent la divinité, l’invoquent symboliquement avec des sifflements ou stridents ou roucoulés,[132] avec des sons inarticulés et sans consonnes.

VIe FRAGMENT

1. Extrait. — Tous ceux qui ont fait usage de la symphonie à sept sons comme étant naturelle, l’empruntaient à cette source, savoir, non pas aux sphères, mais aux sons accordés dans l’univers, les seuls sons que nous appelions, parmi les lettres, sons-voyelles et sons musicaux.[133] Mais, comme l’examen est d’une simplicité élémentaire qui ne peut suffire pour expliquer des questions complexes, il faut réaliser la conception de l’Univers par la connexion, analogue à celle des cordes, et par l’ajustement d’une chose avec l’autre.[134]

2. Comment le septénaire a de l’affinité avec le quaternaire et avec l’unité, nous l’avons dit dans notre traité du Septénaire. Ainsi multiplié par le quaternaire, avec roulement, depuis le premier (terme) jusqu’au dernier, tantôt par accroissement, tantôt par retranchement, il produit pareil nombre, et en effet c’est ce qui a lieu pour les sphères.[135] Or il est évident que, par analogie avec les âmes qui renferment les sphères et les dirigent par un mouvement propre bien réglé[136] suivant la progression de ces sphères, le son qui leur est inhérent se produisant en surcroît et chacun des autres [sons] étant en défaut quant au nombre par le rythme et par le rang qu’il occupe, il en existe une[137] à vingt-huit sons conformément à la dénomination qu’elle a reçue des Égyptiens.

3. Pythagore, partant de là, a trouvé que la première division et l’extension de l’âme est déterminée jusqu’à concurrence de ce (nombre). Et en effet celle-ci est triple, ayant reçu l’hypostase (la substance) du Même, de l’Autre et de l’Essence,[138] et, semblablement à l’hypostase, une triple détermination, savoir: le raisonnable, l’irrationnel et le physique, comme aussi l’enharmonique, le diatonique et le chromatique. Et de là ressort clairement une double division dans la psychogonie elle-même, attribuant aux planètes, suivant les sept sons, la constitution, enharmonique par essence, des vingt-sept sons psychiques et physiques, et à la région de la sphère fixe, comme étant la nature du Même et embrassant, dans le mouvement des planètes, aussi bien que la progression cubique suivant l’autre nombre, le nombre parfait 36, lequel a la progression du triangle rectangle dont les deux petits côtés sont comparés à l’hypoténuse,[139] en même temps que réalisant le principe de toutes choses.[140]

4. De là vient le premier quaternaire,[141] qui possède la source des consonances sous cette forme : 6, 8, 9, 12, et contient le rapport de l’hypate, de la mèse, de la nète et de la paramèse.[142] En effet, l’hypate se rapporte au nombre 6, la mèse à 8, la nète à 12 et la paramèse[143] à 9. De plus, le sesquioctave apparaît en premier dans le rapport de 8 à 9. Ce qui est catapycnosé au moyen des diésis,[144] s’élève à un nombre égal à celui des décans et des horonomes.[145]

5. Mais, puisqu’il y a huit sphères, comment dit-il que les sons, à ce qu’on prétend, sont au nombre de sept? C’est que la sphère qui se meut toujours dans la même (orbite) donne une émission sonore, invariable et unique, et, comme il n’y a pas d’autre sphère d’une vitesse égale à la sienne, ni qui lui ressemble, elle ne pouvait prendre place dans l’harmonie, attendu que, entre les deux premières (planètes) il y a quelque chose d’analogue, ces deux sphères n’étant ni égales ni tout à fait différentes. Mais, quant aux planètes qui sont sensiblement dissemblables et d’une nature opposée à la sienne,[146] on a vu que leur mouvement est dans le même rapport de quantité que celui du Même comparé à celui de l’Autre.[147] Voilà pourquoi l’on a laissé sans appellation le son qui vient de cette sphère (fixe).

VIIe FRAGMENT

1. Extrait. — Les sons dont s’occupent ceux qui se livrent à la facture des instruments, sont les suivants :

Proslambanomène                                                        1

Hypate des hypates                                                      2

Parhypate des hypates                                                  3

Enharmonique des hypates                                          4

Chromatique des hypates                                             5

Diatonique des hypates.                                               6

Hypate des moyennes                                                  7

Parhypate des moyennes                                              8

Enharmonique des moyennes                                      9

Chromatique des moyennes                                         10

Diatonique des moyennes                                            11

Mèse                                                                             12

Trite des conjointes                                                      13

Paranète enharmonique des conjointes                                    14

Chromatique des conjointes                                         15

Diatonique des conjointes                                            16

Nète des conjointes                                                      17

Paramèse                                                                      18

Trite des disjointes                                                       19

Enharmonique des disjointes                                       20

Chromatique des disjointes                                          21

Diatonique des disjointes                                             22

Nète des disjointes                                                       23

Trite des hyperboléennes                                             24

Enharmonique des hyperboléennes                              25

Chromatique des hyperboléennes                                 26

Diatonique des hyperboléennes                                               27

Nète des hyperboléennes                                             28

2. De même donc qu’ici nous avons des tétracordes dans les trois genres, savoir, les tétracordes des hypates, ceux des moyennes, ceux des conjointes, ceux des disjointes et ceux des hyperboléennes, de même il faut croire que chaque essence sphérique et divine a reçu ce qui a dans le Tout comme un rapport de principe, eu égard à l’harmonie et à la constitution du monde, puis comme un rapport de moyenne, et enfin comme un rapport de fin, puis l’effet d’une coopération conjonctive, puis celui d’une coopération séparative;[148] — que la Providence, usant pleinement de tous ces éléments, produit le nombre divin, fixe et inébranlable et le Tout, en accord mélodique avec lui-même; qu’elle relie ensemble toute essence dominatrice et subalterne suivant cette proportion et dans cet ordre.

3. Ainsi donc le premier quaternaire,[149] qui est aussi la racine de ces tétracordes, est, dans un certain sens, apte à fournir toutes les divisions par genres,[150] réalisant, comme nous l’avons dit,[151] le nombre 36 qui est propre à la sphère fixe, au moyen de l’addition de l’unité.

4. Platon, voulant montrer cette clef des êtres, au livre XIII des Lois, s’exprime ainsi, après avoir énuméré jusqu’à la dernière des sciences qu’il avait passées en revue:

« La Nature a encore attribué aux hommes un usage consonnant et bien proportionné ...[152] »

 


 

[1] Le texte correspondant à ces rubriques est ce qu’on nomme d’ordinaire le livre 1er du Manuel d’harmonique. On remarquera que le prétendu livre II, dont nous faisons un recueil d’extraits, n’a pas donné lieu à cette division par chapitres.

[2] A part cette table sommaire, les manuscrits connus, non plus que les éditions, ne présentent aucune division en chapitres et en paragraphes.

[3] Ce Manuel est adressé à une dame, probablement une pythagoricienne. Elles étaient nombreuses. Jamblique a nommé les plus célèbres, au nombre de dix-sept. (Vie de Pythagore, chap. xxxvi.)

[4] Cette particularité prouve que l’édition de ce traité, faite par Nicomaque lui-même, ne formait qu’un seul livre, se terminant avec le chapitre xii. Cette remarque avait d’ailleurs été faite par Meybaum.

[5] La personne à qui s’adresse Nicomaque vivait probablement en famille.

[6] Διεστός.

[7] Il s’agit d’une corruption simultanée qui, précisément, mettait fin à cette distinction des Sons, condition première de la voix chantée. Cette corruption correspond, dans l’art de la peinture, à la fusion des couleurs, φθορὰ τῶν χρωμάτων.

[8] Métaphore empruntée à la tension des cordes de la lyre. Cf. Aristoxène, passim, où le mot τάσις a toujours la même signification.

[9] Dans l’école de Pythagore. — Voir, sur l’harmonie cosmique, Zeller, Philosophie des Grecs, trad. Boutroux, t. I, p. 407, texte allemand, p. 398. — P.-J. Wallis, Appendix de Veterum Harmonica ad hodiernam comparata, à la suite de son édition des Harmoniques de Ptolémée, p. 293, éd. de 1682, excellent travail qui, après deux siècles, n’a presque rien perdu de son utilité.

[10] Il s’agit ici de l’intensité des sons que les Pythagoriciens mettaient en rapport avec la vitesse vibratoire des cordes, et non pas de ce que les modernes appellent la vitesse du son.

[11] Ἀστήρ-ἄστατος.

[12] Allusion au rapprochement de αἰθήρ et de ἀεὶ θέων. (Cratyle, 410 B.)

[13] Littéralement la corde la plus élevée. Dans les diagrammes antiques, la note musicale la plus grave occupe le rang le plus élevé.

[14] La nète est la note la plus aiguë dans les diagrammes.

[15] Ὡς ὁ λόγος ὑποφράφει. Meybaum traduit ut ratio subscribit; maie il s’agit, à notre avis, de la traduction pythagoricienne.

[16] Métaphore empruntée à la géométrie, qui considère des lignes sans largeur.

[17] Sur le rapport de la vitesse avec le degré d’intonation, voyez Aristote, Topique., I, xii, 1, où sont mentionnés οἱ καθ' ἀριθμοὺς ἁρμονικοi.

[18] Les manuscrits connus donnent αὐτόν. Meybaum a corrigé en αὐλόν.

[19] Cf. tout ce chapitre avec un passage correspondant et presque identique de Manuel Bryenne, Harmoniques, liv. I, section i, p. 361- 367.

[20] Dans la conjonction des deux tétracordes ayant chacun des sons extrêmes accordés à la quarte et, au milieu, un son commun.

[21] Par le degré d’intonation?

[22] On appelle rapport double celui de 2 à 1 sesquitiers ou épitrite celui de 4 à 3, sesquialtère ou hémiole celui de 3 à 2, et sesquioctave (ἐπόγδοος) celui de 9 à 8.

[23] « La théorie musicale des pythagoriciens jusqu’à Philolaüs ne connait que les sept notes de l’heptacorde. » Zeller, Philosophie des Grecs, trad. Boutroux, t. I, p. 412, texte allemand, p. 402. Et en note : « Il va de soi que l’on ne peut tenir compte ici de l’assertion de Bryenne (Harmoniques, section i, p. 365), qui fait de Pythagore l’inventeur de l’octacorde. »

[24] Voici un tableau qui résume l’explication de Nicomaque :

Nete ………………….. si ou la.

  ton.

Nete ………………….. la.                                            paranète ………………. .lasol.

  ton                                                                                        ton

paranète ………………. sol.                                              trite ……………………. solfa.

  ton.                                                                                       demi-ton.

trite ou paramèse……… fa.                                               paramèse……………….  fa#mi.

  demi-ton.                                                                             ton.

Mese ………………. …mi.                                            Mese ………………….. mi.

  ton,                                                                                       ton.

lichanos ………………. .                                                lichanos ……………….   ut.

  ton.                                                                                       ton.

parhypate ………………ut.                                              parhypate ……………….utsi b.

  demi-ton,                                                                             demi-ton.

Hypate ………………. si.                                            Hypate ……………….. sila.

[25] Rapport de 3 à 2.

[26] En effet, 3/2 = (4/3) x (9/8). La somme des deux fractions s’obtient par leur multiplication.

[27] En effet, (3/2) : (4/3) = 9/8. La différence des deux fractions s’obtient en divisant la plus grande par la plus petite. C. Vincent, Notices, etc., p. 297, note.

[28] L’expérience qui va suivre a été décrite, depuis Nicomaque, par Gaudence (p. 13, de Meybaum), Jamblique (Vie de Pythagore, I, xxvi), Boèce (De Musica, x), Macrobe (Somn. Scip., l. II, ch. i) et l’Hagiopolite publié par Vincent (Notices, p. 266). Le savant académicien a donné à ce propos un commentaire étendu de la description rapportée par notre auteur. Cf. Zeller (Philosophie des Grecs, trad. Boutroux, t. I, p, 385, texte allemand, p. 370), qui voit « un conte » dans le récit de l’expérience des marteaux. Voir aussi Th. Henri Martin, Études sur le Timée, t. I, p. 389 et suiv.

[29] Νὴ Δία.

[30] Héron d’Alexandrie a écrit un traité de la Dioptra publié et, traduit pour la première fois par A.-J.-H. Vincent (Notices et extr. des mss., etc., t. XIX, 2e partie).

[31] Voir Vincent, Notices, etc., p. 274, qui propose de remplacer les marteaux (σφῦραι) par des globes creux σφαῖραι, alléguant qu’un texte publié par lui (Ve fragment de l’Hagiopolite, p. 266) donne cette leçon.

[32] Ou plutôt l’intervalle qui fait la différence entre la quarte et la quinte.

[33] Les poids des marteaux résonnant sur l’enclume.

[34] Toutes les cordes sont d’égale longueur, mais l’auteur appelle elliptiquement la plus grande celle qui supporte le plus grand poids.

[35] Toujours avec la plus grande corde.

[36] En effet, 12/9 = 4/3.

[37] En effet, 9/6 = 3/2.

[38] En effet, 8/6 = 4/3.

[39] Se succédant sans interruption.

[40] (12/8) x (3/6) = 96/48 = 2/1 ; et (12/9) x (9/6) = 108/54 = 2/1. Revoir les pages 2 et 3 de la page 16 ms.

[41] Les rapports réels des sons ne sont pas ceux des tensions des cordes ou des poids des marteaux, mais ceux des racines carrées des forces de tension.

[42] Par analogie avec le βατήρ de la lyre, tablette d’où partaient les cordes tendues au moyen de chevilles à la partie supérieure.

[43] Aristide Quintilien rapporte que Pythagore, en mourant, fit à ses disciples la recommandation d’étudier le monocorde, μονοχορδίζειν. (De Musica, l. III, p. 116.)

[44] La mèse.

[45] Ici et ailleurs, le mot nombre est pris dans le sens de rapport.

[46] On voit que ce terme répugne au pythagoricien Nicomaque.

On disait, dans cette école, un limma. Comment le savant Montucla peut-il écrire, dans son Histoire des mathématiques (t. I, p. 313), que Nicomaque est Aristoxénien dans son Manuel? Notre auteur n’est Aristoxénien que sur les points où les deux écoles sont d’accord.

[47] Il faut comprendre le premier degré, le troisième et le moyen. Le mot tétracorde est pris ici dans le sens de « série de quatre sons renfermée dans les limites de la quarte » et non dans le sens commun de « tétracorde limité par des sons fixes ».

[48] Il faut comprendre : le premier, le quatrième, le troisième et le second. — Cf. Aristoxène, Él. harm., p. 59, éd. Mb.

[49] Autrement dit, le chapitre du Timée où Platon expose la génération de l’Ame, p. 36 A. Cf. Th.-Henri Martin, Etudes sur le Timée, note xxiii.

[50] Exemple : Dans la proportion musicale, 12 : 8 :: 8 : 6, le moyen 8 est surpassé par 12 et 9 surpasse 6 de la même fraction, c’est-à-dire du tiers de chaque extrême. C’est la proportion harmonique.

[51] Exemple : 12 ::: 9 : 6. 9 est supérieur à 6 et inférieur à 12 d’une quantité numérique égale, savoir : le nombre 3. C’est la proportion arithmétique.

[52] Vulgate, λείμματι. Fort. legend. διαλείμματι. Cicéron, qui a traduit ce passage de Platon (Timæus, § 30), donne: sesquioctavo intervallo. Platon lui-même emploie ici le mot  διάστημα (Timée, 36 A.)

[53] Intervalle correspondant au rapport double, ou de 2 à 1.

[54] Exemple : soit la proportion harmonique: 12 : 8 :: 8 : 6; (12 + 6) x 8 = 12 x 6 x 2.

[55] 3 = 12 - 9 et 9 - 6; or (92 = 81) = (12 x 6) + (32 = 9).

[56] La proportion géométrique.

[57] Rapprocher de ce chapitre Théon de Smyrne, éd. Bouilliau; p. 85, éd. Euler (coll. Teubner).

[58] Autre expression elliptique pour dire groupe de sons dont les deux extrêmes sont consonnants.

[59] Philolaüs parle de l’ancienne trite de la lyre heptacorde, devenue la paramèse depuis la réforme de Pythagore.

[60] Deux demi-tons.

[61] C’est-à-dire ne comportant pas d’autres sons mélodiques dans son étendue. Vulgate, ἡμοτόνιον. Correction de Meybaum.

[62] Le mot disjonction, pris absolument, signifie l’éloignement, de l’intervalle d’un ton, des deux tétracordes qui, antérieurement, se faisaient immédiatement suite. — Cette dernière phrase ne peut s’expliquer que par l’existence d’un heptacorde ainsi composé (fig. 1) transformé en octacorde (fig. 2):

Fig. 1.                                                                                                   Fig. 2.

Heptacorde:                                                                                            Octacorde:

Nète.                                                                                                    Néte.

Paranète.                                                                                             Paranète.

                                                                                               Trite.

Trite-paramèse.                                                                                    Paramèse.

Mèse.                                                                                                  Mèse.

Lichanos-hypermèse.                                                                           Lichanos.

Parhypate.                                                                                           Parhypate.

Hypate.                                                                                                Hypate.

On remarquera que l’heptacorde, ici, a les sons extrêmes accordés à l’octave. Cp. Aristote, Problèmes musicaux, § 32; Ptolémée, Harmoniques, l. II, ch. iv ; fragment de l’Hagiopolite, éd. Vincent (Notices, p. 261); voir aussi mon article, Revue et gaz. musicale, 1878, p. 172).

[63] Cf. ci-dessus, ch. iv, § 20.

[64] Un habile acousticien de Messine, M. Arc. Camiolo, a inventé et fait exécuter un appareil sur lequel il serait facile d’expérimenter toutes les questions de musique mathématique agitées par les Pythagoriciens.

[65] Les premiers trous à partir des deux bouts de la flûte. Peut-être faut-il lire ἄκρων au lieu de πρώτων et supposer que les manuscrits ont donné successivement: ἄκρων, lu ἄων, d’où πρώτων, ce qui n’a rien d’invraisemblable.

[66] Littéralement, du côté de la langue.

[67] Rapport correspondant à l’intervalle de disdiapason ou double octave.

[68] C’est-à-dire à l’octave (aiguë).

[69] En d’autres termes, son étendue correspond au rapport quadruple, de 4 à 1, qui est celui de la double octave.

[70] Ἐναγώνιος. Traduction conjecturale.

[71] Le (degré) nétoïde, la (région) nétoïde correspond plus ou moins à la voix de mezzo-soprano pour les femmes. Voir Vincent, Notices, etc., p. 20, 31 et 120.

[72] Pour gagner cette mèse.

[73] Tétracordes des adjointes dans la terminologie de M. Vincent. (Notices, p. 119.)

[74] Lacune dans les manuscrits connus.

[75] On propose ἱνα μή au lieu de ἵνα δή.

[76] Ou plutôt le tétracorde partant de la mèse et allant vers le grave forme avec celui qui partait de cette corde à l’aigu un système conjoint heptacorde; car il n’y a pas de système heptacorde ayant la mèse comme limite grave.

[77] Des fondamentales dans la terminologie de Vincent.

[78] L’auteur aurait pu ajouter : dans le diatonique exclusivement, mais il est convenu que nous sommes actuellement dans ce genre.

[79] Lu καί au lieu de κἄν.

[80] Exemple unique, sauf erreur, du mot διακτονικός exprimant l’étendue d’un ton. Aristoxène emploie le mot τονιαῖος.

[81] Ci-dessus, § 43.

[82] Le premier son, au grave, étant placé en tête du diagramme.

[83] Comme c’est la seule note qui change autant de fois de position, dans le tétracorde, qu’il y a de variétés de genre, elle devient ainsi la caractéristique de ces variétés et peut prendre par suite le nom du genre auquel elle appartient. Elle s’appelle diatonos dans le genre diatonique, chromatique dans le chromatique, enharmonios dans l’enharmonique. Voir ma traduction d’Aristoxène, Él. harm., planche 2. M. Vincent a nommé cette corde l’indicatrice. (Notices, etc., p. 119.) Cf. Aristide Quintilien, p. 10.

[84] Nommée plus communément nète des conjointes.

[85] Dans le genre diatonique, le seul en question ici.

[86] Le texte est altéré, mais le sens ne fait pas de doute.

[87] Καταπύκνωσις, littéralement: morcellement; subdivision d’un système décomposé en intervalles minimes, c’est-à-dire en quarts de ton. Aristoxène critique la catapycnose. Voir ma traduction de ses Él. harm., l. I, chap. ii, § 21, p. 7 cf. l’éd. Meybaum. — Cf. p. 38, même édition.

[88] Cité par Suétone, Aug. et Tib., et par le scholiaste de Juvénal, in Sat. VI, vers 576, comme un mathématicien, ami de Tibère. Cf. Théon de Smyrne, ouvr. cité, p. 74, 133 et surtout 137, éd. Bouilliau; Ptolémée, Harmoniques, II, xiv, tableaux 2 et 3.

[89] Cf. Platon, Timée, p. 35 C. Voir plus loin le prétendu livre II de Nicomaque, 2e fragment.

[90] Nicomaque appelle ainsi les Aristoxéniens. Cf. Aristoxène, Él. harm., p. 17 de ma traduction, p. 13 éd. Meybaum.

[91] Cf. Théon de Smyrne, ouvr. cité, p. 127, éd. Boulliau.

[92] Pour que la quarte, considérée sur deux tétracordes, comprenne quatre sons mélodiques, il faut que ces tétracordes soient conjoints, continus. Cf. Aristoxène, El. harm., l. III, ch. i, p. 59 de Meybaum.

[93] Les énumérations, ici, vont toujours du grave à l’aigu. Chez Platon c’est le contraire. Cf. Martin, Études sur le Timée, I, p. 401.

[94] Chromatique veut dire coloré, nuancé. Nous disons encore aujourd’hui d’un homme qui change souvent d’avis: C’est un caméléon.

[95] L’auteur vise les Aristoxéniens.

[96] L’ensemble de ces fragments constitue dans les manuscrits et les éditions le prétendu livre II du Manuel d’harmonique.

[97] Vulgate, ἀχαίους. Meursius propose ἀρχαίους, leçon adoptée par Meybaum et, sous toutes réserves, par le traducteur.

[98] Il faudrait rapport (λόγος), mais nous avons déjà vu cette substitution de termes (ci-dessus, p. 184, note 3).

[99] En effet, l’intervalle placé ici dans la donnée est le limma et non pas le ton.

[100] Vulgate, αὐτήν, pas de variante connue. Meybaum propose αὐτόν, mais αὐτήν peut se soutenir et doit peut-être être conservé, car l’impossibilité de réaliser un ton après l’hypate des hypates existe aussi bien pour cette corde (αὐτήν) que pour le nombre (αὐτόν) qui lui correspond.

[101] Pour trouver le sous-sesquioctave d’un nombre, on divise ce nombre par 9 et l’on soustrait le quotient. Ex.: 288 – (288/9) = 256. Par contre, 256 + (256/8) = 288.

[102] En effet, 72 est la différence de 288 à 216, nombres correspondants, d’après la donnée, aux deux limites de cette quarte.

[103] En effet, le second intervalle, dans la donnée, est un demi-ton et non pas un ton.

[104] Vulgate, ἐπόγδοον. Il faut ὑπεπόγδοον, comme Meybaum l’a remarqué.

[105] Nous traduisons ainsi le mot ὅτι placé ici, comme dans la plupart des recueils d’Excerpta, notamment dans la Bibliothèque de Photius. Ce mot indique, le plus souvent, une citation textuelle.

[106] Cf. ci-dessus, Manuel d’harmonique, ch. iii. — Ce troisième fragment a été reproduit presque textuellement par Manuel Bryenne (Harmoniques, l. II, section v), éd. unique de Wallis, p. 410-413.

[107] Texte altéré. Lire peut-être ὡς τῶν ἐν ἐπραφθ. διαιρ. Cf. Bryenne, Harmoniques, éd. unique de Wallis, p. 365.

[108] Les sphères errantes, les planètes.

[109] Vulgate, παραμέσην. Correction de Meybaum.

[110] Il faudrait: la paramèse à Hermès.

[111] En d’autres termes, la Lune est sur une ligne qui, partant des étoiles fixes, aboutirait à la Terre, le dernier astre doué de mouvement.

[112] La Terre, par exemple, considérée ici comme immobile.

[113] Cf. Cl. Ptolémée, Harmoniques, l. III, ch. x.

[114] C’est-à-dire, probablement, qu’après Saturne on ne peut supposer l’addition d’une planète plus éloignée de la terre.

[115] Nous lisons comme Meybaum, d’après Bryenne, κατὰ ταῦτα et κατ' ἀπόλειψιν.

[116] Ῥαδιουργία doit signifier, selon nous, le sans-gêne avec lequel les musiciens sortaient des limites consacrées de l’ancien diagramme.

[117] Cf. Ptolémée, Harmoniques, l. I, ch. iv.

[118] C’est-à-dire de manière que les Sons de ces tétracordes et pentacordes soient consonnants chacun à chacun. Cf. Aristox., El. harm., début du prétendu livre III.

[119] Système comprenant deux octaves justes, depuis le proslamanomène jusqu’à la nète hyperboléenne.

[120] Cf. Ptolémée, Harmoniques, I. II, ch. iv-v. Meybaum, dans son commentaire, suppose assez gratuitement que ce paragraphe est l’œuvre de celui qui a fait ces extraits; il est moins concluant dans la Préface de son édition de Nicomaque; enfin, dans la préface de son Aristide Quintilien, il donne positivement notre auteur comme à Ptolémée.

[121] Il s’agit ici des tons-échelles.

[122] Il faut entendre : à la somme de ces espèces.

[123] Homophone pris ici dans le sens de consonnant à l’octave (?). Cf. Ptol., Harm., l. II, viii.

[124] Le nombre égal à celui des espèces d’octaves. Le texte est mutilé; nous adoptons provisoirement les corrections et la version de Meybaum.

[125] Aristide Quintilien, Sur la musique, éd. (unique) de Meybaum, p. 136, rapproche les 28 sons des 28 jours du mois lunaire. On fera bien de lire, à titre de rapprochement, tout le livre III de son traité.

[126] C’est-à-dire, pour faire allusion à cette adjonction de l’unité.

[127] Cf. Platon, Timée, p. 35 A. L’addition des sept premiers nombres donne 28. D’autre part, la progression simple et cubique, c’est le cube de 3, 33 = 27. Meybaum a remarqué que les sept termes en question sont les nombres 1, 2, 3, 4, 8, 9 et enfin 27, terme « vingt-septuple » énoncé dans le texte. Cf. Théon de Smyrne, Notions de math., etc., p. 150, éd. Boulliau; Th.-H. Martin, Études sur te Timée, note 23, p. 384.

[128] Sur les noms des voyelles attribués aux sons et aux planètes, voir Démétrius dit de Phalère, de l’Elocution, § 71. Cf. Mém. de l’Acad. des Inscr., t. XLI, p. 514 et suiv. (Lecture de l’a. J.-J. Barthélemy.)

[129] Ou plutôt organisés.

[130] Meybaum propose de corriger δραστὶκὰς en φραστικὰς, ce qui nous paraît inutile.

[131] Vulgate, Θερινοὶ. Meybaum propose et adopte Τυρρηνοὶ. Nous préférons Θεουργοί, correction donnée par Th. Gale (Rhetores selecti, Oxonii, Notae in Demetr. Phal., p. 235). Cf. Barthélemy, l. c., p. 520.

[132] Σιγμοῖς καὶ ποππυσμοῖς. C’est le bruit émis par l’eau dans laquelle on plonge du fer rougi au feu; ποππυσμός, le sifflement doux et caressant par lequel on cherche à calmer un cheval trop ardent.

[133] Φυογγόεις, mot inconnu. On connaît φθογγήεις.

[134] Traduit sous toutes réserves.

[135] Note de Meybaum: « Videtur legendum τετρὰς οὖν πολλαπλασιασθεῖσα. (Nous lisons τετράδι πολλαπλασιασθεῖσα, scil. ἑβδομάς). Hic unus locus est in Nicomacho quem non satis intelligo. Neque enim explicatur quae sit illa τετρὰς, et quem numerum multiplicet. Hoc innuere videtur, septenario multiplicato per 4, consurgere 28, eodem multiplicato per 3 et 1, itidem, 28; per 2 fieri 14, quibus si summae ex 2 in 3 et 4 addantur, consurgere priorem numerum 28. »

[136] Vulgate, εὐτάτῳ. Nous lisons εὐτάκτῳ avec Meybaum.

[137] Une symphonie.

[138] Cf. Platon, Timée, p. 35 B.

[139] En effet, 22 x 32 = 62 = 36. L’addition des lignes se traduit par la multiplication des nombres correspondant aux carrés faits sur ces lignes.

[140] L’unité.

[141] La première tétractys des pythagoriciens.

[142] Vulgate, παρανήτη. Correction de Meybaum.

[143] Même observation.

[144] Diésis pris ici dans le sens de quart de ton. Sur la catapycnose, voir la note 87.

[145] Cadrans astrologiques. Cf. Aristide Quintilien, éd. (unique) de Meybaum, p. 152, l. 13.

[146] A celle de la sphère fixe.

[147] En d’autres termes, la sphère fixe est au Même ce que les sphères planétaires sont à l’Autre. Cf. Platon, Timée, p. 36 C.

[148] On voit que les cinq articles correspondent aux cinq tétracordes.

[149] En grec, τετρακτύς.

[150] En d’autres termes, les variétés de genre.

[151] VIe fragment, § 4.

[152] Platon, Lois, XIII (Epinomis), p. 991 B.

 

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