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Leontius l'ingénieur

 

construction de la sphère d'Aratus

 

Oeuvre numérisée par Marc Szwajcer

 

 

 

CONSTRUCTION DE LA SPHÈRE D’ARATUS,

PAR L’INGÉNIEUR LEONTIUS.

 

 

D’ABORD, mon cher Théodore, en travaillant dans notre atelier, nous avons cherché s’il y aurait quelque moyen de construire la sphère d’Aratus, de manière que ses constellations y eussent les unes à l’égard des autres, et relativement aux cercles décrits sur celte sphère, ainsi que par rapport aux portions supérieures du zodiaque, une position conforme aux descriptions qu’en fait Aratus. J’ai construit cette sphère pour Elpidius, homme de lettres estimable et plein d’ardeur pour l’étude. Je n’en ai fait alors aucune description, quoique j’en eusse le loisir. Mais aujourd’hui que vous, et d’autres de nos amis, m’engagez à vous en écrire quelque chose, je vais satisfaire votre désir.

Il est important de commencer par s’attacher à bien comprendre ce qu’on lit dans Aratus; car je me suis convaincu que la plupart des sphères dont on se sert actuellement, ne s’accordent pas en plusieurs choses avec celle de Ptolémée, ni dans la plupart avec celle d’Aratus: de sorte que les personnes qui lisent pour la première fois les descriptions de celui-ci, ont peine à les y reconnaître, et que même plusieurs ne peuvent les y suivre. Cependant ces sphères ont été imaginées pour faire bien entendre ce qu’Aratus s dit. C’est donc à tort qu’on leur donne son nom, puisque, comme je viens de le dire, elles s’écartent de lui presque en tout. C’est pourquoi nous allons essayer d’en construire une qui, autant qu’il sera possible, lui sera plus conforme que toutes les autres.

Il est bon de savoir que ce qu’Aratus a dit des constellations n’est pas exact, comme on peut le voir par ce qu’en ont écrit Hipparque et Ptolémée. La raison en est qu’Aratus ayant suivi Eudoxe dans la plupart des choses qu’il rapporte, il s’est égaré; et que, comme le dit le commentateur Sporus, ses descriptions ne sont pas assez justes pour être utiles à d’autres qu’à des navigateurs, elles ne sont donc que générales et approchées, parce que les navigateurs n’ont pas besoin de se diriger par des instruments d’une mécanique bien ingénieuse ni d’une justesse bien exacte, niais seulement à vue d’œil, en considérant en gros la position des astres. Ainsi la sphère construite ne leur est pas nécessaire absolument, elle l’est seulement pour l’intelligence d’Aratus, afin qu’après avoir lu ce qu’il a écrit, on voie mieux les fautes qu’il a faites; ainsi l’on apprendra par un autre moyen ce qu’il a dit de vrai il ne s’agit ici que d’aller à la vérité par une voie quelconque.

Mais il faut savoir aussi qu’Aratus divise ce qu’il dit des astres, en trois parties. Dans la première il parle de leurs positions relatives entre eux, comme quand il dit que les ourses sont placées de manière qu’elles ont leurs têtes en regard de leurs lombes; et dans la seconde, il parle de leur section par les cercles, ou de leur relation aux cercles, comme par exemple pour la section, il dit que les Gémeaux sont coupés à leurs têtes par le tropique d’été; et pour la relation, qu’ils sont près de l’équateur. Dans la dernière partie, il parle de leurs rapports aux portions du zodiaque qui se lèvent, comme, qu’au lever du Cancer la moitié de la couronne se couche, qu’au lever des serres sa moitié se lève, et qu’au lever du Bélier l’autel se voit à l’occident, et ainsi des autres. Par conséquent si nous voulons disposer chacune des constellations convenablement, il faudra faire attention à trois points: si ce qu’on dit de la constellation dont il s’agit, est en une de ses trois portions, ou en deux, ou en trois; si ce qu’on en dit se trouve ainsi il faut le mettre à part, ou y faire un pli pour le reconnaître et l’avoir sous la main au besoin, comme pour plus de clarté nous allons le faire voir sur Ophinchus.

Il en fait mention en trois endroits, car il dit de ce signe dans la première partie, qu’Ophinchus est droit, ayant la tête vers celle de l’homme à genoux, et les pieds sur la poitrine et les yeux du Scorpion; qu’il tient le serpent par le milieu, la moindre partie sortant de sa main droite, et la plus grande de sa gauche, et que les mâchoires du Serpent sont auprès de la couronne, et qu’il a pour étoiles des brillantes aux épaules, et de moins brillantes aux mains; que les serres sont au-dessous de la sinuosité du Serpent; qu’il est coupé aux épaules par le tropique d’hiver, et aux genoux par l’équateur. Dans le troisième, qu’au lever du Cancer, il se couche par les genoux jusqu’aux épaules, en entraînant le Serpent jusqu’au cou; et qu’au lever d’Ophinchus leurs têtes se lèvent, ainsi que les mains d’Ophinchus et la première courbure du Serpent. Au lever du Sagittaire, la sinuosité du serpent se lève avec le corps d’Ophinchus. Rassemblant tout cela, nous l’écrirons à part dans quelque lieu, et nous ferons de même pour les autres. Car il faut ne pas chercher à épargner la peine, mais réunir pour chacun toutes les particularités qui en sont rapportées, comme nous venons de faire pour Ophinchus, et l’écrire à la fin de ce qu’on a lu, ce qui sera utile pour ce que l’on se propose.

La sphère d’Aratus ayant six cercles, il fait les y tracer; le premier, qui est le plus grand des cercles toujours visible, est celui qu’on nomme arctique; le second est le tropique d’été; le troisième est l’équateur; le quatrième est le tropique d’hiver; et le cinquième, qui est le plus grand des cercles toujours invisibles, et qui est nommé antarctique; et le sixième est le zodiaque qui touche les tropiques. Il parle beaucoup des quatre cercles des tropiques d’hiver et d’été, de l’équateur et du zodiaque, mais presque pas des autres. Or par ce qu’il dit du Dragon, que sa tête est dans la partie du ciel dans laquelle les levers et les couchers se mêlent ensemble, il fait connaître que la tête du Dragon est dans le plus grand des cercles toujours visibles, car ce cercle est le seul qui fasse sa révolution dans la section commune du demi-cercle oriental de l’horizon et du demi-cercle occidental. Par ce moyen on connaîtra le cercle antarctique, qui est semblable et égal au cercle arctique. On peut d’ailleurs par ces douze cercles, chercher d’après la description d’Aratus, mais non placer le cercle lactée, car il est fort entrecoupé, et il n’en fait pas un grand récit. On voit dans le huitième livre de Ptolémée, combien ce cercle est morcelé et qu’il a besoin d’être bien décrit; car il n’est ni uniforme, ni bien disposé, mais très varié en largeur, en couleur, en épaisseur et en situation. Il faut que chacun des cercles tropiques soit distant du plus grand cercle, qui est l’équateur, des vingt-quatre degrés marqués par Ptolémée dans son quatrième livre, et chacun des autres, savoir l’arctique et l’antarctique, à quarante et un degrés de distance du pôle de la sphère duquel il est le plus proche. Si l’on se conforme à ce qu’a dit Aratus, le segment du tropique d’été au-dessus de la terre, ou le plus long jour, sera de cinq parties, le tropique entier, ou le mychthémère, étant de huit. Car tout se trouve ainsi dans cette position de la sphère et dans cette grandeur du plus long jour, comme nous le verrons dans peu. Tout cela ainsi disposé, venons à notre objet.

Après avoir ainsi partagé la surface, passons à l’exécution: sur les supports sera placé, pour la position de niveau, un cercle qui représentera l’horizon, où sera enclavé un second cercle égal au cercle de la base, et qui embrassera toute la sphère armillaire; ce second cercle servira de méridien, comme dans les autres sphères; on aura soin que cette sphère armillaire ait tous les points de sa surface également éloignés de la concavité de l’horizon et du méridien, et soit coupée en deux moitiés par la courbure supérieure de l’horizon; ce qui aura lieu, si le méridien coupant aux deux; points opposés du diamètre de la sphère, l’horizon en deux parties égales, est coupé lui-même par le bord convexe de l’horizon en deux moitiés. Ayant d’abord à l’ordinaire un côté du demi-cercle qui sera au-dessus de la terre, divisé diamétralement par des lignes droites, c’est-à-dire en 180 degrés, pour le calcul des hauteurs du pôle ou climats; puis colorant cette sphère, si elle est de bois, et bouchant les trous ou fentes qui peuvent y être, avec du plâtre ou de la cire, pour nous en servir; quand elle est sèche, nous y appliquons une autre couleur plus sombre, comme d’azur, après quoi nous la mettons à part jusqu’à ce qu’elle soit séchée. Ensuite sur le demi-cercle gradué du méridien, à la distance de 41 degrés du pôle, où nous fixons une des pointes du compas, nous posons l’autre pointe perpendiculairement aux surfaces convexe et concave, et dirigée vers le centre de la sphère, et pénétrant dans les couleurs. Puis si nous faisons tourner sur elle-même d’une seule révolution, la sphère jusqu’alors immobile, cette autre pointe y tracera un cercle qui sera le cercle arctique d’Aratus, nous avons dit être de 41 degrés éloigné du pôle boréal. Pareillement prenant une distance de 90 degrés depuis le pôle boréal et depuis le pôle austral, nous tracerons l’équateur; et à une distance de 41 degrés encore du pôle austral, nous tracerons le cercle antarctique. A 24 degrés de la division qui marque l’équateur, distance de chaque tropique à l’équateur, nous tracerons de même le tropique d’été sur l’hémisphère boréal, et le tropique d’hiver sur l’austral. Puis prenant un point sur la surface de la sphère, en choisissant pour cela le pôle boréal, à une distance de 24 degrés égale à celle de chaque tropique à l’équateur, le point où se termineront ces 24 degrés sera le pôle d’un grand cercle que nous décrirons au travers du Cancer. Ce sera le zodiaque qui touchera les tropiques et sera partagé en deux moitiés par l’équateur; nous le diviserons en douze parties égales, en commençant les dodécatémories à ses points d’intersection avec l’équateur, et de contact avec les tropiques; nous distinguerons les six cercles par une couleur différente de celle du fond; nous peindrons de quelque couleur blanche ou jaunâtre, pour la pratique, le mot Cancer au point où le zodiaque touche le tropique d’été, puisque c’est où commence la dodécatémorie du Cancer; et à la suite pour la seconde, en allant vers l’orient, le mot Lion, qui commence où finit le Cancer, et pour la troisième, le mot Vierge, après le Lion, et ainsi de suite les noms des autres signes chacun en son lieu, et toujours en avançant de l’occident vers l’orient. (41 degrés sont la latitude de Constantinople, et cela prouve que Leontius dressait sa sphère pour cette latitude)

Cela fait, si nous plaçons le méridien dans le entailles de l’horizon, sur le support, de manière que, par la révolution de la sphère, les petits cercles arctique et antarctique touchent, l’un le côté boréal supérieur, et l’autre le côté austral inférieur de l’horizon, il est évident que chaque tropique, l’un d’été et l’autre d’hiver, sera coupé par les faces supérieure et inférieure de l’horizon en raison de 15 à 9, c’est-à-dire que le nychthémère ou le tropique entier d’été étant de 24 parties égales ou heures, il en aura 15 au-dessus de l’horizon, pour le plus long jour, et 9 au-dessous. pour la plus courte nuit, proportion qui sera inverse sur le tropique d’hiver, car il aura 9 au-dessus pour le jour, et 15 au-dessous pour la nuit, dans cette disposition de la sphère où le plus grand des cercles toujours visibles est à 41 degrés loin du pôle; c’est la section même des cercles montrée par Ptolémée dans le second livre de sa composition. Le rapport de 15 à 9 est le même que celui de 5 à 3, car 5 a 3 et les deux tiers 2 de 3, comme 15 a 9 et les deux tiers 6 de 9: de sorte que dans cette position de la sphère, cinq parties du tropique d’été étant au-dessus de l’horizon, il y en a trois au-dessous; et trois du cercle tropique d’hiver qui sont au-dessus de l’horizon, font qu’il y en a cinq au-dessous, conformément à ce que dit Aratus.

Revenant actuellement au support, suivant ce que nous avons dit de l’équateur, après avoir fait tourner la sphère jusqu’à ce que le commencement de la dodécatémorie du Cancer se lève, lorsqu’elle est dans le même plan que la face supérieure de l’horizon, on assujettit la sphère en ce point par de la cire ou autre chose, pour la rendre immobile. Nous y décrirons alors le cercle qui passe par le commencement du Cancer, en parcourant avec la pointe, sur la surface sphérique, toute la circonférence de l’horizon. Par ce moyen ce cercle ainsi marqué sera dans le plan même de la surface supérieure de l’horizon, et notant en lettres sur le demi-cercle oriental le lever du cancer, ou quand son premier point se lève; et sur l’occidental, son coucher; c’est-à-dire marquant sur les demi-circonférences par quelques lettres le segment qui commence à se lever avec le premier point du cancer, et quelle moitié de la sphère est au-dessus de l’horizon et quelle au-dessous; nous écrirons ces lettres sur les demi-cercles.

Manière de dresser la sphère.

Si l’on veut donner à la sphère une situation conforme à celle du monde, il faut tourner son pôle vers le nord; et pour imiter le mouvement du ciel, en mettant la main droite sur le pôle, le faire tourner vers la gauche; et pour le mouvement contraire, vers la droite. On vérifie ainsi les phénomènes du poème, et on trouve la vraie position et le mouvement de la sphère. La disposition de la sphère confirme le poème, et le poème expose les phénomènes. Mais le mouvement et la position de la sphère font que les phénomènes commencent, montent et continuent avec une entière évidence dans leur succession les uns aux autres. Les copistes ont fait tomber Homère dans des fautes et les écrivains ainsi que les peintres en ont prêté de différentes à Aratus, pour avoir ignoré la véritable construction de la sphère.

La sphère est un solide qui n’a qu’une surface, et toutes les lignes menées d’un point en dedans qu’on nomme son centre, à cette surface, sont égales entre elles. Ce centre est la terre. La sphère a cinq cercles parallèles, l’arctique ou boréal toujours visible, le tropique d’été décrit par le soleil quand cet astre est dans le Cancer, l’équateur décrit quand il est dans le Bélier; le tropique d’hiver, quand il est dans le Capricorne, et l’antarctique ou austral. Ensuite, ce qu’on appelle la zone ou ceinture, les cercles obliques, savoir le zodiaque, et le cercle lactée. Les extrémités de l’axe de part et d’autres sont nommées pôles, l’horizon coupe la sphère en deux hémisphères, l’un supérieur et l’autre inférieur à la terre. L’axe est ainsi nommé parce que le ciel tourne toujours autour de lui, et les pôles, parce qu’ils sont les pivots sur lesquels il tourne. Cet axe est, dit le poète, l’atlas, le ciel est ce qui embrasse tout, une moitié en est au-dessus l’autre au-dessous de la terre. Il tourne pendant toute la continuité des heures. Autant la terre est éloignée de la partie supérieure du ciel, autant elle l’est de l’inférieure, ou du tartare, d’où cette autre partie du ciel est pareillement distante.

« Une enclume d’airain emploierait neuf nuits et autant de jours à descendre du ciel sur la terre où elle tomberait la dixième nuit; et de même pour la profondeur égale de la terre, une enclume d’airain mettraiit neuf nuits et autant de jours à descendre de la terre au tartare, où elle arriverait la dixième nuit », selon Hésiode. D’où il suit que du tartare à l’hémisphère inférieur, l’espace est égal à la profondeur de la terre. Ainsi, la grandeur du tartare s’étend jusqu’à l’hémisphère inférieur, et est égale à la profondeur ou épaisseur de la terre, de sorte que cette enclume pourrait en trente jours toucher les deux extrémités de l’axe. C’est autour de cet axe, que le ciel tourne et est emporté d’orient en occident.

Division de la Sphère.

La sphère se divise en régions australes, régions boréales, et régions au-delà des boréales, par lesquelles on voit que commence ce qui est en haut, ou relativement à notre terre, ou par honneur pour la divinité. Car le cercle arctique embrasse les Ourses et le Dragon, dont la fable raconte que Jupiter en Crète trompa son père en changeant les deux nymphes Hélice et Cynosure en ourses, et soi-même en serpent, dont il fit autant de constellations.

On demande si Jupiter est un être corporel ou un être de raison? Si c’est une âme, un esprit, ou quelque vertu puissante surnaturelle et inaltérable par soi-même? car Aratus a exprimé le nom de Jupiter pour se conformer à l’opinion commune, comme du principe de tout ce qui existe. Mais de deux choses, l’une: ou une providence divine régit le monde qui se conserve par elle, ou, comme les anciens l’ont écrit, Dieu agit diversement sur lui sous différentes dénominations, etc.

La division de la sphère en cinq zones par Ovide vaut infiniment mieux que cette pitoyable fin de Leontius. Tout cela ne vaut pas la peine d’être traduit, non tanti.

 

 

 

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