POÉSIES DIVERSES SUR L'ASTRONOMIE ET LA GÉOGRAPHIE.
TRADUITES PAR EDOUARD SAVIOT.
C. L. F. Panckoucke, 1843
I
SUR L'ASTRONOMIE. (01)
PEUT-ÊTRE qu'étendu au fond d'un bois sacré (02), tu enfantes des vers au hasard ; peut-être qu'au milieu des fontaines murmurantes et des brises harmonieuses tu rafraîchis ton âme aux sources divines du Pierius : mais nous, le poids des affaires nous accable ; nous n'entendons que le bruit importun du fer, les cris de mille soldats ; les harangueurs nous obsèdent, et le forum retentit de clameurs(03) ; les trompettes sonnent, et nous volons par-delà l'Océan ; le Vascon au sein des neiges, le Cantabre dans ses montagnes (04), ne nous laissent point de repos. Et c'est à nous qu'on ordonne de ceindre notre front des lauriers de Phébus, et de nous tresser avec du lierre une couronne plus auguste ! Et c'est nous qu'on appelle à fendre de nos ailes l'air enflammé ! L'éléphant, à la marche pesante, devancera à la course les aigles à l'aile rapide (05) ; la tortue engourdie l'emportera sur le chien en vitesse, avant que nos vers puissent s'élever jusqu'à Phébé, mère des bienfaisantes rosées (06). Toutefois, secouant le poids qui me courbe vers la terre, je dirai pourquoi un cercle noir se forme sur les contours défaillants de l'astre, pourquoi son front de neige se rougit d'une teinte de pourpre. Non, jamais, comme le croit le vulgaire (07), une magicienne hurlant dans les sombres profondeurs des cavernes infernales n'a arraché la Lune à sa demeure céleste ; non, la force d'un enchantement nocturne .... Jamais il ne fut nécessaire de la délivrer par le son de la trompette (08). Au milieu du ciel, et voisine des régions où le calme est souvent troublé par la tempête, elle marche sans éprouver d'outrage. Mais quand le vaste corps de la terre, placé au centre du monde, intercepte les rayons du Soleil son frère, alors une ombre épaisse se répand sur le disque pâlissant de la lune, jusqu'à ce que celle-ci , se dégageant des ténèbres projetées par les inégalités terrestres, roule en liberté dans un autre champ du ciel et recouvre les rayons de Phébus. Peut-être on s'étonnera que le Soleil, neuf fois plus grand et plus apparent que le globe de la terre, n'enveloppe pas ce globe d'un réseau de lumière. En voici la raison. Voyez comme le Soleil s'élève, quand il monte à la voûte éclatante des cieux, et comme du haut de son char il couvre de ses rayons la masse infinie de la terre. Or, soit qu'il lance la lumière du zénith, soit qu'il l'envoie obliquement en rasant l'horizon, la terre brise une partie de ces rayons. Les autres, ne trouvant point de globe qui s'oppose à leur émission, se prolongent dans l'immensité du vide, jusqu'à ce que, vaincus par l'ombre, ils viennent mourir en pointe (09). Si donc la Lune pousse ses chevaux robustes dans les régions trop voisines de la terre, elle ne reçoit plus la lumière de son frère, son pâle visage s'évanouit. Mais pourquoi est-elle le seul astre qui soit soumis aux éclipses ? Le fait n'a rien d'étonnant : elle manque de lumière qui lui soit propre, elle n'est réchauffée que par des rayons d'emprunt ; quand elle tombe dans le voisinage d'un corps opaque, elle devient sombre et n'est plus éclairée par les feux de son frère. Au contraire, le choeur des astres (10) n'est point accessible aux ténèbres ; ils jouissent d'un éclat qui leur est naturel, ils ne le doivent pas au Soleil. Mais.... elle est entraînée avec la sphère céleste plus loin que le Soleil. Ce qui fait que son disque n'est pas éclipsé tous les six mois, c'est qu'il décrit dans son cours oblique une ligne sinueuse (11). Et tandis que la Lune vagabonde suit les détours de son invariable carrière, le Soleil franchit les obstacles qui brisaient ses rayons, il déchire le manteau de la nuit, et verse sur sa soeur des torrents de lumière. C'est une cause analogue qui éteint tout à coup dans l'ombre l'éclat sacré du Soleil : la Lune étend son corps privé de lumière entre cet astre et la terre, et elle intercepte ses rayons avant qu'ils arrivent jusqu'à nous (12).
II.
LES SIGNES CÉLESTES.
D'ABORD se présente le Bélier, qui glisse avec une lumière pâle ; puis le Taureau , le genou ployé (13), le corps en avant ; puis les gémeaux, dont les flammes jettent un vif éclat. Avec l'été vient le signe immense du Cancer brillant (14) ; au-dessous de lui, le Lion resplendissant exerce ses fureurs. Il est suivi de la Vierge au corps étincelant de lumière ; des Pinces du Scorpion, qui se dressent flamboyantes ; de la Balance (15) aux vastes feux ; du Sagittaire, qui tient en main un arc recourbé ; du Capricorne, levant sa tête armée de cornes (16). Enfin l'humide Verseau brille au-dessus de la ville (17), et les Poissons agitent en se jouant leurs brillantes écailles.
III.
LE MÊME SUJET, PAR MAXIMANIUS.
ON voit l'astre qui porta (18) le jeune fils de Néphélé, et le Taureau au front farouche, et le couple issu de Jupiter (19) , et le Scorpion brûlé de feux. L'été amène ensuite le Lion (20), brillant auprès de la Vierge, déesse de la justice. Enfin suivent la Balance, et le sauvage Sagittaire armé d'un trait menaçant, et le Capricorne pluvieux, et le signe qui tire son nom de l'eau qu'il verse (21), et les Poissons jumeaux.
V.
LES PLANÈTES ET LES SIGNES DU ZODIAQUE, PAR GERMANICUS
LE Soleil poursuit à travers les douze signes son invariable carrière (22). Dans le même sens sont emportés Phébé, et la planète de Cythérée (23), et Mars au brillant panache, et le rapide Mercure, et Jupiter à la fois dieu et astre, et le sombre Saturne qui se traîne lentement. Toutes ces planètes ont un double mouvement : l'un émane d'elles-mêmes et est le résultat de leur nature (et alors elles se traînent à pas lents dans le ciel) ; l'autre, plus vif, les emporte sans leur coopération, et fait tourner la sphère céleste. Placé au milieu d'elles, le Soleil marque les années (24) ; Phébé indique les mois. Et en effet vous verrez le Soleil, après l'an révolu, ramener son char au point de l'espace d'où il s'élança à travers les astres, taudis que Phébé, décrivant un cercle plus étroit, achève sa course en un mois. Celle de Vénus dure un an (25) ; Mercure emploie le même temps ; Mars accomplit en deux ans sa rotation.
V.
LES PLANÈTES. (26)
Voici l'ordre dans lequel les planètes décrivent leurs cercles sous la voûte des cieux : près de la terre, s'avance la Lune au disque d'or ; au-dessus de la Lune, Mercure accomplit son cours ; plus haut brille Vénus au sourire doux comme le nectar (27) ; puis vient le Soleil flamboyant, qui parcourt sur son char la carrière céleste ; au-dessus du Soleil, le tout puissant Jupiter (28) nous regarde ; le sixième cercle se ressent encore de la chaleur de Phébus ; mais le septième se déroule dans les régions glacées de la sphère supérieure. Le créateur, assimilant ces planètes aux sept cordes de la lyre, les a réunies en un choeur harmonieux (29).
VI.
LES PLANÈTES ET LEURS CERCLES. (30)
ON compte douze signes parmi les astres de la sphère étoilée, et l'on distingue le cours de sept planètes. Le fils de Pollux (31) [Saturne] accomplit sa révolution en trente ans. Celui qui fait naître les fleuves (Jupiter) mûrit douze moissons. Le dieu de la guerre embrasse deux fois le nombre des mois. Le flambeau du Soleil s'avance au milieu du ciel. Si l'on réunit une somme de trois cent vingt jours et un quart, et qu'on en retranche la dix-huitième partie, on aura, ô Cythérée, le laps de temps pendant lequel ta lumière éclatante fait le tour de l'univers. Si du cours de la brillante Vénus on détache neuf jours, on obtiendra la longueur de la révolution accomplie par le dieu de l'éloquence (32) [Mercure]. Enfin, ô blanche Phébé continue d'employer vingt-sept jours et huit heures à tourner autour de la terre.
VII.
COMPOSITION DU CADRAN, PAR BÈDE ( 33)
DANS ce poème, ô lecteur, je t'enseignerai en peu de mots comment s'accouplent les mois qui se partagent la course du soleil. Janvier qui ouvre l'année, et Décembre qui la ferme, occupent la même place sur le cadran solaire. Février, le second mois, et Novembre, le onzième, sont placés sur le même rang. Mars et Octobre sont unis par un rapport égal. Le cercle décrit par Septembre est aussi le cercle décrit par Avril. Mai et Août partent du même centre avec un même rayon. Enfin une même circonférence est tracée par Juillet et par Juin. Maintenant, lecteur, souviens-toi d'observer comment à leur tour s'accouplent les Heures sur le cadran. Pour chaque mois, la première heure correspond à la onzième. La seconde et la dixième sont égales pour la distance et pour l'ombre. La troisième occupe les mêmes points que la neuvième. La huitième va de pair avec la quatrième. La cinquième est placée exactement à la même distance que la septième. La sixième seule a sa mesure à part. Après cela, lecteur, joins les heures à leurs mois, et vois à quelle époque elles marquent plus ou moins d'ombre. Mais d'abord retiens ceci, que les différents côtés du cadran n'offrent pas une même étendue. La partie méridionale, qui est brûlée par le soleil et qui reçoit le plus de lumière, ne produit qu'une ombre très courte. Au contraire, la partie froide, qui est exposée au souffle de Borée, projette une ombre, très longue et très épaisse. Quant aux côtés du cadran qui sont à égale distance du midi et du nord, ils ont une lumière et une ombre médiocres. Le fait que je te signale ici, ô lecteur, tu en reconnaîtras l'exactitude et sur les bords du Danube, et vers les rivages de l'Hespèrie, et dans les régions où Lyon est arrosée par le Rhône, et jusque chez les Bretons (34) que l'Océan sépare du reste du monde. Prends garde, cependant, quand tu voudras prendre la mesure des heures, de ne point adopter comme règle fixe jusqu'à la fin du mois la longueur de l'ombre fournie par le jour des calendes. La mesure qui était bonne la veille n'est plus exacte quand la nuit a passé par-dessus. Nous voyons clairement que du milieu d'un mois au milieu d'un autre mois, l'ombre subit une augmentation ou une diminution sensible, suivant le cercle décrit par le cours des astres. Traçons donc par ordre les différentes limites que se posent les heures. La première ligne (35), qui est la même pour Janvier et pour Décembre, s'étend sur une longueur de trente-deux pieds, et surpasse la suivante de onze pieds. La seconde ligne (36), en effet, ne s'étend que sur une longueur de vingt et un pieds. La troisième ligne d'ombre (37) est de dix-neuf pieds. Puis, le soleil montant à l'horizon, la quatrième (38) n'est plus que de dix-sept pieds . L'ombre se raccourcit encore, et la cinquième ligne (39) donne quinze pieds seulement. Enfin, le soleil projette du centre du cadran l'ombre la moins longue, et treize pieds seuls forment la dimension de la sixième ligne (40). Pour tous les mois il faut suivre cette marche rétrograde. La première mesure, pour Février et Novembre, donne une projection d'ombre de trente pieds ; la seconde, de dix-neuf pieds; la troisième, de dix-sept pieds; la quatrième, de quinze pieds; la cinquième de treize pieds ; enfin la sixième, sous le soleil qui monte, se réduit à onze pieds. Pour Octobre et Mars, dont la marche est la même, la première ligne s'arrête après une projection d'ombre de dix-huit pieds ; la seconde se borne à dix-sept ; la troisième, diminuée par le soleil qui s'élève, atteint seulement quinze pieds ; la quatrième, treize pieds ; la cinquième arrive à peine jusqu'à onze ; et la sixième resserre ses dimensions à neuf pieds. Pour Septembre, qui s'accouple avec Avril couronné de fleurs, la première ombre laisse sur le cadran une trace de dix-huit pieds ; la seconde, une trace de quinze pieds ; la troisième mesure s'arrête au treizième pied ; la quatrième, au onzième, la cinquième, au neuvième ; et la sixième n'offre qu'une longueur de sept pieds (41). La première ligne, pour Août et Mai, projette une ligne de seize pieds de long ; la seconde se raccourcit à treize pieds ; la troisième s'arrête en arrivant à onze ; la quatrième, sous un soleil, déjà tiède, atteint neuf pieds seulement ; la cinquième fixe sa limite à sept ; et la sixième, sur le cadran brûlant, n'atteint qu'une longueur de cinq pieds. Pour Juin et Juillet, la première ligne qui marque les heures présente une longueur de quatorze pieds ; la seconde se retire à onze ; la troisième, à neuf ; la quatrième, déprimée par les rayons ardents de l'été, ne se prolonge que jusqu'à sept ; la cinquième, jusqu'à cinq seulement ; et enfin la sixième, se rapprochant du centre enflammé du cadran , offre une courte dimension de trois pieds.
VIII.
L'ANNÉE, PAR BÈDE.
L'ANNÉE renferme dans son cours circulaire une période de douze mois, de cinquante-deux semaines, et de trois cent soixante-cinq jours (42). Cet ensemble peut se ranger sous trois colonnes, qui sont les ides, les nones et les calendes. Les nones arrivent après le quatrième jour de chaque mois, excepté pour mars, mai (43), juillet et octobre, qui les placent après le sixième jour. Ainsi, dans ces derniers mois, les nones tombent le sept. Huit mois fixent les ides à un même jour (44). Janvier, août, décembre (45) comprennent dix-neuf jours dans leurs calendes. Juillet, avril, septembre et novembre (46) en comprennent dix-huit. Le seul février, différant de tous les autres, compte au plus seize jours de calendes. Ainsi roule sur douze mois le cercle de l'année (47), à travers les calendes , les nones et les ides.
IX.
DIVISION DE L'ANNÉE. (48)
L'ANNÉE renferme quatre saisons, douze mois et cinquante-deux semaines. En récapitulant le nombre des jours, on trouve pour chaque année la somme de trois cent soixante-cinq. Pour la somme des heures, on l'obtient en multipliant cent par sept, mille par huit, et six par dix. (49)
X.
LES ÉPOQUES DE L'ANNÉE. (50)
QU'IL me lise, celui qui désire connaître les mois de l'année, calculer les époques d'un âge et d'une vie éphémères. Le temps pousse chaque chose : le temps entraîne tout avec lui. Les éléments mêmes qui le constituent subissent des alternatives, et les saisons changent. Tantôt ce sont les jours qui augmentent, tantôt ce sont les nuits. Il y a une époque pour les fleurs, et une époque pour la moisson ; et de nouveau les champs se revêtent d'un gazon épais. Il y a un temps pour la joie (51), et un temps pour la douleur ; il y a un temps pour la vie et un temps pour la triste mort. Le temps et l'heure s'envolent ; le siècle passe en un moment. Le temps donne, enlève, diminue tout sur son passage (52). Printemps, été (53), automne, hiver, voilà ce qu'une année lègue à l'année suivante. Mais tandis que toutes choses se renouvellent, l'homme vieillit sans retour.
XI.
LES QUATRE SAISONS DE L'ANNÉE.
LE printemps , l'été, l'automne, l'hiver (54), telles sont les quatre saisons de l'année que parcourt ton char, ô Apollon. Le printemps sème, l'été fait germer la semence, l'automne récolte les fruits, l'hiver les reçoit dans ses greniers.
XII.
MÊME SUJET.
L'ÉTÉ prend naissance en mai sous le signe du Taureau ; en juin, il arrive au milieu de sa carrière sous le signe des Gémeaux ; en juillet, il coupe les moissons sous le signe du Cancer. L'automne paraît en août avec le Lion ; en septembre, il vendange les vignes avec la Vierge ; en octobre, il sème le grain dans les sillons avec la Balance. L'hiver vient en novembre sous le signe du Scorpion ; il achève sa course sous les signes glacés du Sagittaire et du Capricorne. Le printemps montre sa tête humide en compagnie du Verseau et de février ; en mars, il fait naître les fleurs des bois sous l'influence des Poissons ; enfin en avril, sous le signe verdoyant du Bélier, il rajeunit l'année. (55)
XIII.
DÉBAT DU PRINTEMPS ET DE L'HIVER (56), AU SUJET DU COUCOU, PAR BÈDE.
PAR un jour de printemps, tous les bergers descendent des hautes montagnes, et viennent à l'ombre des arbres faire entendre des chants joyeux. Le jeune Daphnis et le vieux Palémon y assistèrent, prêts à célébrer les louanges du coucou (57). Le Printemps arriva, couronné de fleurs ; l'Hiver arriva aussi, avec sa chevelure hérissée de glaçons. Le combat s'ouvrit entre ces deux divinités pour chanter le coucou. Le Printemps commença par un couplet de trois vers. Oh ! que je désire l'arrivée du coucou, de l'oiseau qui m'est cher ! Le coucou est un hôte bienvenu sous tous les toits, qu'il égaye du ramage de son bec de pourpre (58). A son tour, l'Hiver glacé répondit sur un ton grave : Que le coucou ne vienne pas, mais qu'il dorme dans ses antres noirs (59) : il apporte toujours la faim avec lui.
LE PRINTEMPS.
Oh ! que je désire l'arrivée du coucou, qui annonce une végétation riante, et qui chasse la froidure ! Il est l'éternel compagnon de Phébus, Phébus aime à voir le coucou grandir sous les purs rayons de son astre.
L'HIVER.
Non, que le coucou ne vienne pas ! Il amène les travaux, il rallume les combats, il interrompt les douceurs du repos, il trouble tout, il tourmente la terre et la mer.
LE PRINTEMPS.
Quelles injures oses-tu vomir contre le coucou, pesant Hiver, toi qui es toujours plongé dans le sommeil, au fond de sombres cavernes, enivré des festins de Vénus et abruti parla liqueur de Bacchus !
L'HIVER.
J'ai des richesses (60), de joyeux banquets, des loisirs délicieux, un bon feu pour chauffer ma demeure. Le coucou ignore tous ces biens, le perfide oiseau ne connaît que l'activité.
LE PRINTEMPS.
Le coucou annonce le retour des fleurs, et les travaux de l'abeille, et la construction des maisons, et la navigation sur les ondes calmées, et les amours qui fécondent, et la verdure qui tapisse les champs.
L'HIVER.
Je déteste ce qui fait ta joie. mais j'aime à compter l'or entassé dans mes coffres, à m'asseoir aux banquets, à me plonger dans une oisiveté sans fin.
LE PRINTEMPS.
O paresseux Hiver, toujours disposé au sommeil, ton or et tes richesses, comment les posséderais-tu, si le Printemps et l'Été ne travaillaient à te les amasser ?
L'HIVER.
Tu dis vrai : mais c'est précisément parce qu'ils travaillent pour moi, qu'ils sont soumis à mon empire. Ils sont mes esclaves et je suis leur maître, et je leur impose ces travaux.
LE PRINTEMPS.
Non, tu n'es pas leur maître, mais le mendiant qu'ils secourent de leur fortune. Réduit à toi-même, tu ne pourrais seulement pas te nourrir : il faut que le coucou vienne te faire l'aumône de ta subsistance.
Alors du haut de son siège Palemon joyeux, Daphnis et la troupe des pieux bergers dirent à leur tour : Rude et prodigue Hiver, cesse tes malédictions , et que le coucou vienne, le coucou cher aux bergers. Que sur nos collines les bourgeons percent leur enveloppe, que les prés fleurissent pour nos troupeaux, que la douce paix habite nos campagnes, que des branches de verdure prêtent leur ombre à nos corps fatigués, que nos chèvres présentent leurs mamelles pleines à la main qui les trait, que les oiseaux saluent Phébus de leurs chants variés. Viens donc vite, ô coucou, toi qui es nos amours, et l'hôte bien venu de tous. Tout le monde t'attend, et la mer, et la terre, et le ciel. Coucou, charme de l'année, salut, salut à jamais!
XIV.
PEINTURE DES MOIS.
LE mois qui marque pour Rome l'époque de l'élection des consuls, est vêtu d'un manteau de pourpre éclatante. Celui qui porte le nom du dieu (62) Februus, taille les jeunes vignes avec un fer rustique (61) . Mars, qui se plaît à simuler dans les campagnes les jeux de la guerre, gonfle de lait la mamelle des brebis du Cinyphe (63). Avril, offrant des sacrifices à Vénus sa mère, agite avec joie ses sonnettes folâtres. Mai, qui doit l'honneur de son nom à la fille d'Atlas, effeuille une guirlande de roses. Juin orne de mures rougissantes les festins de l'été : l'heureuse jeunesse lui a donné son nom. Juillet, fier des productions de Cérès, est ainsi appelé du grand Jules César. Août, brûlé par les ardeurs du soleil, porte un éventail et savoure le melon aux sucs rafraîchissants (64). Septembre tient en équilibre les heures de la Balance, et porte des raisins avec un lièvre captif dans un filet. Octobre foule des grappes d'un pied joyeux, et le vin nouveau écume à pleins bords dans les cuves. Novembre creuse avec le soc le sein fécond de Vesta (65), alors que l'olive onctueuse est écrasée par les meules pesantes. Enfin Décembre est cher à l'hiver paresseux : c'est alors que le patricien joue familièrement aux dés avec ses esclaves.
XV.
OPPOSITION DES DOUZE SIGNES DU ZODIAQUE.
QUAND le Bélier se lève, les pinces du Scorpion descendent dans la mer (66). Le Scorpion est chassé au fond des eaux par les cornes dorées du Taureau. Le lever des Gémeaux annonce le coucher du Sagittaire. Quand le Cancer paraît sur l'horizon, le Capricorne plonge dans la mer. Le Verseau disparaît devant la crinière du Lion (67). La Vierge met en fuite les Poissons. Mais à leur tour les vaincus deviennent les vainqueurs (68).
XVI.
LE SOLEIL.
LE Soleil verse sur la terre une lumière éclatante. Le Soleil fait exhaler aux campagnes les parfums du printemps (69). Le Soleil couvre les prés verdoyants d'un gazon touffu. Le Soleil est le miroir du ciel, c'est l'image de la divinité. Le Soleil jouit d'une jeunesse éternelle, dans sa course à travers la sphère rapide (70). Le Soleil est le visage de l'univers, le temple mobile des cieux. Le Soleil est à la fois Bacchus, et la bienfaisante Cérès, et Jupiter lui-même il est la fatigue et la joie (71), il est décoré de mille noms. Le Soleil dispense ses rayons du haut d'un char attelé de quatre chevaux. Le Soleil brille au matin, quand il se lève dans les régions hyperboréennes (72). Le Soleil ramène le jour, en colorant l'olympe de ses feux. Le Soleil est l'été, et l'automne, et l'hiver, et le printemps gracieux. Le Soleil, en plongeant dans la mer, entretient la tiédeur des ondes. Le Soleil est le siècle, et le mois, et le jour, et l'an, et l'heure. Le Soleil est le globe des climats célestes, il est le flambeau d'or qui éclaire le monde. Le Soleil sourit au laboureur, il protège le matelot sur les flots. Le Soleil repasse sans cesse par les lieux qu'il a parcourus. Le Soleil, dans sa marche resplendissante, fait pâlir les astres. Le Soleil réchauffe tout de ses rayons infatigables. Le Soleil est l'honneur du ciel et de la lumière ; seul, il brille pour tous. Le Soleil à son lever est salué par les chants délicieux du liba (73). Le Soleil est la gloire du jour et de la nuit, le Soleil est le commencement et la fin.
XVII.
LE COUCHER DU SOLEIL (74)
DÉJÀ Phébus porte au sein des ondes l'éclat de ses feux, déjà il repose dans les eaux de Téthys son flambeau fatigué. Phébé paraît à l'horizon, traînée par des taureaux blancs comme la neige, et le doux sommeil se répand du haut des cieux. Les tendres agneaux se serrent en tremblant (75) près de leurs mères, et de leurs lèvres de lait tètent le lait qui les nourrit.
XVIII.
LA NUIT ET SON CALME. (76)
PHÉBUS fuit, et Vesper a amené le crépuscule du soir. Au milieu de la nuit, toute la nature est silencieuse. Puis le Soleil se lève du milieu des ténèbres et nous rend la lumière. Quand il montre son visage, la nuit efface le sien et se retire : la nuit fuit devant le soleil, comme la lune devant le jour (77).
XIX.
L'OCÉAN. (78)
Maître des flots, père de la mer, arbitre du monde, Océan, ô toi qui embrasses l'univers .... (79) C'est toi qui assignes à la terre ses limites ; c'est toi qui produis toutes les mers, et les fontaines, et les lacs, et les fleuves. La nature entière te reconnaît pour son père. De toi sortent les nuages qui versent la pluie aux moissons. On dit que tes bras azurés enveloppent les régions du ciel de leur étreinte immense. Océan, si tes flots rendent la force aux chevaux fatigués de Phébus ; si tu redonnes la vie à ses rayons mourants, pour que sa brillante lumière puisse de nouveau éclairer les nations ; si tu gouvernes la mer, la terre, le ciel, tout l'univers, écoute-moi, moi qui suis une partie du grand tout , père vénérable de la nature, je t'en supplie, protège mon navire, quelle que soit la mer à qui je confie mon existence, quels que soient les flots et les orages que les destins cruels m'ordonnent d'affronter. Courbe sous mon vaisseau ta croupe azurée et polie, et que l'onde n'éprouve d'autre agitation que celle d'un souffle qui enfle doucement mes voiles et laisse reposer mes rames. Que les flots ne s'élèvent que pour porter ma poupe ; que je puisse compter leurs ondulations et me réjouir à les contempler ; que la voile en équilibre garde de tout choc les deux flancs de la nef. Trace dans l'onde un sillon d'écume qui murmure sous la proue. Père, accorde-moi une navigation heureuse à travers ton empire. Porte-moi, ainsi que mes compagnons, au port tranquille où aspirent mes voeux : si tu m'accordes cette faveur, mon coeur reconnaissant t'adressera des actions de grâces infinies.
XX.
VERS SUR LES DOUZE VENTS. (80)
QUATRE vents soufflent des quatre points cardinaux chacun de ces vents est accompagné de deux autres, qui volent sur sa droite et sur sa gauche ; en sorte qu'il y en a douze dont l'haleine embrasse le ciel. Le premier souille du pôle Arctique : on l'appelle en grec Aparctias, et nous en avons fait le Septentrion dans notre langue latine. A sa droite, le Circius mugit du fond, d'un antre glacé : c'est celui que les Grecs appellent Thrascias. A sa gauche, le Borée siffle et déchaîne les frimas : c'est celui que nous nommons le rigoureux Aquilon. De l'Orient vient un vent auquel les Grecs donnent le nom d'Apeliotes, d'après sa position même. A sa droite est le Vulturne, en langue attique le Caecias ; son flanc gauche est battu par le nuageux Eurus, auquel les Doriens ont appliqué une dénomination analogue. Cependant le Notus souffle du midi : nous l'appelons Auster, parce que son haleine attire (haurit) les nuages. L'Euronotus est à sa droite : les Latins lui donnent le none d'Euroauster, qui est formé avec les deux langues. A sa gauche, le Libonotus envoie ses bouffées de vent tiède : c'est l'Austroafricus, aux chaleurs étouffantes. Du côté du couchant le Zéphyr caresse les fleurs d e son murmure : les Italiens lui donnent le nom de Favonius. Sa droite est rasée par le vent que les Attiques appellent Libs (81), mot que nous traduisons par celui d'Africus, qui indique son origine. Et toi, Corus, tu frémis sur la gauche du Zéphyr, toi que la muse grecque appelle dans sa langue Argestes.
(01) - ASTRONOMICA. Cette pièce, qui contient des intentions de poésie assez remarquables, est attribuée par Burmann à Sisebut, roi des Visigoths d'Espagne, auteur de quelques autres opuscules latins. Ce qui nous porte à admettre l'opinion du savant hollandais, c'est d'abord (v. 10) une allusion à la couronne du poète, couronne que celui-ci veut rendre plus auguste en l'entrelaçant de feuilles de lierre; c'est ensuite l'énumération des soucis qui l'accablent , et qui ne peuvent guère peser que sur une tête royale ; enfin c'est l'espèce de déclaration de guerre qu'il prononce contre les Vascons et les Cantabres, et qui convient particulièrement à un roi d'Espagne.LES SIGNES CÉLESTES.
(13)
- Inflexique genu (v. 2). Heinsius propose la version inflexique genus
; Burmann propose celte autre version, inflexusque genu. Lemaire
désirerait mettre inflexoque genu projectus, et il s'appuie sur ce
qu'Avienus (Phén., v. 424) dit Flexo jacet illic crure. Tel qu'il
se trouve ici, le vers offre un sens très intelligible.
(14) - Aestifer est pandens,
etc. (v. 4). De même Silius Italicus (Pontiques, liv. I , v. 94) : Cancrum
aestiferum ; de même encore, Stace (Théb., liv. IV, v. 693) : Aestifer
Erigones spumat Canis.
(15) - Vis maxima Librae (v. 8). Il
est difficile de dire pourquoi, dans l'édition Lemaire, on a préféré la
version vis magna Nepai. A la vérité, le Scorpion est un des douze
signes du zodiaque ; mais ce signe est déjà nommé dans le vers précédent,
puisqu'on y indique les Pinces. En outre, la Balance n'étant point mentionnée
dans le reste de la pièce, il en résulte que si on ne la place point ici , il
n'y a que onze constellations de nommées, au lieu de douze ; et la pièce est
incomplète.
(16) - Sidere pergit (v. 10).
Une ancienne leçon donnait vada repergit ; ce qui ne signifie rien.
Bède l'a modifiée ainsi : lumine pergit ; ce qui offre un sens
raisonnable. Enfin Heinsius et Burmann ont substitué au mot lumine le
mot sidere, qui est presque équivalent. Lemaire propose vertice.
(17) -
Humidus inde locum conlucet Aquarius urbem (v. 11). Évidemment ce vers a
subi une altération considérable : les deux mots de locum et de urbem
y paraissent déplacés. Aussi les savants se sont évertués à le changer. On
voit dans Bède : Humidus at lato collucet Aquarius orbe. Heinsius
demande qu'on lise : Humidus inde loci conlucet Aquarius urna. Burmann va
même jusqu'à refaire deux vers entiers, et propose cette version : Humidus
urceolo conlucet Aquarius, orbem Exin flammigerum supremi cludere Pisces.
Lemaire, se rappelant le passage d'Avienus (Phén., v. 448), Ipse
dehinc longos insignis Aquarius artus, se hasarde à lire Humidus hinc
longos collucet Aquarius artus. Sans doute, toutes ces rectifications
offrent un sens satisfaisant ; mais elles s'éloignent trop du texte donné, qui
suffit à la rigueur.
MÊME SUJET.
(18)
18. - Nubigenae juvenis vector (v. 1). C'est le Bélier. L'auteur latin
donne ici la traduction du mot Néphélé, nubigena. Phrixus était fils
d'Athamas, roi de Thèbes, et de Néphélé, qu'Athamas avait répudiée après
avoir épousé lno, fille de Cadmus.
(19) - Et proles duplex Jovis (v. 2).
Castor et Pollux.
(20) - Aestifer inde Leo (v. 3). Dans
la pièce précédente, l'épithète d'aestifer s'applique au Cancer, et
non au Lion. Elle est également convenable aux deux signes ; mais pourquoi le
Cancer n'est-il pas nommé ici ? n'y aurait-il pas une altération dans le texte
?
(21)
- Et cui nomen aquae faciunt (v. 6). Le Verseau. Le même jeu de mots se
trouve en latin et en français. De ces deux pièces aucune n'indique que le
Zodiaque ait subi plus de douze divisions. Mais l'astrologue Julius Firmicus (Astron.,
liv. II, ch. 4, et liv. IV, ch. 16) nous apprend que les anciens Égyptiens
partageaient chaque signe du zodiaque en trois sections, et que chaque section
fut sous la direction d'un être fictif qu'ils appelaient decanus ou chef
de dizaine ; en sorte qu'il y eut trois decani par mois et trente-six par
an.
LES PLANÈTES ET LES SIGNES DU ZODIAQUE.
(22)
- Una via est Solis (v. 1). Il est curieux de comparer le commencement de
cette pièce de Germanicus avec la strophe suivante de Malfilâtre :
Ainsi se forment les orbites
Que tracent ces globes connus ;
Ainsi, dans les bornes prescrites,
Volent et Mercure et Vénus.
La terre suit ; Mars, moins rapide,
D'un air sombre s'avance et guide
Les pas tardifs de Jupiter ;
Et son père, le vieux Saturne,
Roule à peine son char nocturne
Sur les bords glacés de l'éther.
C'est le même sujet ; seulement, d'après le système de Ptolémée, Germanicus
ne considère pas la terre comme une planète, et la remplace par le soleil.
(23) - Cythereius ignis (v. 2).
Cythère était l'une des premières îles de la Grèce où les Phéniciens
eussent apporté le culte de Vénus.
(24) - Sol medius (v. 10). En effet,
le Soleil, dans le système de Ptolémée, a trois planète au-dessus de lui, et
trois planètes au-dessous. C'est de celle manière qu'il est au milieu, et non
point, comme ou pourrait l'entendre, parce qu'il se trouve au centre du monde :
suivant Germanicus, c'est la terre qui occupe le centre de l'univers.
(25) -
Annuus est Veneri cursus, etc. (v. 15 et 16). L'auteur cherche à fixer
le temps de la révolution des planètes : il le fait d'une manière très
incertaine, de même que l'auteur de la pièce n° VI , intitulée les Planètes
et leurs cercles. Afin de rectifier une fois pour toutes ce qu'il y a de
défectueux dans ces évaluations approximatives, nous donnons sur le cours des
planètes les calculs de la science moderne : Mercure parcourt son ellipse en 87
jours 23 heures 25 minutes 44 secondes, Vénus en 224 jours 16 heures 49
minutes, Mars en 686 jours 23 heures 30 minutes 41 secondes, Jupiter en 12 ans,
Saturne en 29 ans 5 mois 14 jours. Nous ne comprenons dans ce calcul que les
planètes connues des anciens, en retranchant toutefois le Soleil, qui n'est
point une planète, et la Lune, qui est simplement le satellite de la Terre.
On peut remarquer que les sept planètes avaient donné leur nom aux sept jours
de la semaine : Dies Solis, dies Lunae, dies Martis, dies Mercurii, dies Jovis,
dies Veneris, dies Saturni.
LES PLANÈTES.
(26)
- DE PLANETIS. Plusieurs vers de cette pièce paraissent altérés. On peut la
comparer avec une épigramme de l'anthologie grecque, qui a également pour
sujet les sept planètes, et dont Grotius a donné la traduction latine. Voyez
celte traduction dans les notes de l'édition Lemaire.
(27) - Nectareum ridens late
splendet Cytherea (v. 4). Le poète n'a pas mis ici une épithète banale.
Vénus est, en effet, la plus brillante des planètes : on la voit resplendir
tantôt le matin, tantôt le soir. Quand elle paraissait le matin, les anciens
l'appelaient Lucifer ; quand elle paraissait le soir, ils l'appelaient Vesper :
ils avaient fait dun même astre deux astres différents.
(28) - Respicit Omnipotens (v. 7).
Jupiter est la plus considérable des planètes ; malgré son éloignement
immense, son éclat égale par moments celui de Vénus.
(29)
- Plectricanae, etc. (v. 9 et 10). Cette fin semble indiquer que l'auteur
était un pythagoricien. On sait, du reste, que le nombre sept était un nombre
sacré aux yeux des anciens. Cette opinion se perpétua même jusque dans le
moyen âge. La bulle d'or, qui établit, sous Charles IV de Luxembourg, la
constitution de l'empire d'Allemagne, semble attacher une importance
mystérieuse au nombre sept, dans la nomination des sept électeurs.
LES PLANÈTES ET LEURS CERCLES.
(30)
- DE PLANETIS ET EARUM CIRCULIS. Voyez pour cette pièce la note 4 sur les
Planètes et les Signes du zodiaque, par Germanicus.
(31) - Pollucis proles. Saturne est
fils de Pollux : ce que le mythologue Fulgence (liv. 1 , ch. 2) explique par une
étymologie : Pollux, dit-il, vient de pollere ou de pollucibilitas.
Il ne faut point vois, dans cette divinité le frère de Castor.
(32) -
Sermonis domini (v. 11). C'est encore Fulgence qui explique que par cette
divinité nous devons entendre Mercure. Chez les Indiens, les Chinois, les
Thibétains et d'autres peuples de l'Orient, cette planète reçoit le nom de
Boudd, de même que le jour de la semaine (mercredi) consacré par nous à
Mercure.
COMPOSITION DU CADRAN.
(33)
- COMPOSITIO HORLOGII. L'horloge n'était point connue, du moins des
Occidentaux, avant que le calife de Bagdad Haroun-al-reschid en eût envoyé une
en présent à Charlemagne. Bède ne pouvait donc donner que la description du
cadran solaire. Toutefois Fabricius prétend que cette pièce n'est pas de
Bède, mais de Wandalbert.
(34) - Respicit Oceani interfusos orbe
Britannos (v. 32). Du temps de Bède (il mourut en 735), tous les Bretons
n'étaient pas de l'autre côté de l'Océan ; une grande partie d'entre eux ,
fuyant l'invasion anglo-saxonne, s'étaient établis dans l'ancienne Armorique,
qui avait reçu dès lors te nom de Bretagne.
(35) - Linea (v. 42). Cette ligne est
celle de la première heure et de la onzième. C'est en effet au matin et au
soir que la projection de l'ombre est la plus longue.
(36) - Bis denis (v. 45). La
deuxième heure et la dixième.
(37) Novenos (v. 46). La troisième
heure et la neuvième.
(38) Quarta (v. 48). La quatrième
heure et la huitième.
(39) Quintam (v. 50). La cinquième
heure et la septième.
(40) - Sexta (v. 51). La sixième
heure.
(41) - Bis denis umbra et senis docet
orbita primam In pedibus, etc. (v. 69 et 70). Il y a ici une erreur, puisque
la même mesure est donnée pour le mois précédent. Au reste, ces données ne
sont qu'approximatives : l'auteur a tout à fait négligé les fractions. Il a
fait une omission encore plus importante, en oubliant de dire la longueur de la
tige située au centre du cadran. Il est pourtant indispensable de la
connaître, puisque de cette longueur dépend celle des ombres projetées.
L'ANNÉE.
(42)
- Bis sena mensum (v. 1 et suiv.). Voyez le même calcul dans la pièce
suivante, intitulée Division de l'année.
(43) - Nam quadris constat nonis
concurrere menses Omnes excepto marte et maio (v. 6 et 9). Varron exprime le
même fait en d'autres termes : Nonarum aliae quintanae, aliae septimanae.
(44) - Octonisque simul pares sunt
idibus omnes (v. 10). Les mêmes mois qui placent les nones au septième
jour, placent les ides au quinzième. Pour les huit autres mois, les ides
tombent le treizième jour.
(45) - Janus et augustus semper mensisque
december (v. 11). Janvier, août, décembre, ont quatre jours de nones, huit
d'ides et dix-neuf de calendes.
(46) - Julius, aprilis, september
et ipse november (v. 14). Avril, juillet, septembre, novembre ont quatre
jours de none, huit d'ides, dix-huit de calendes.
(47) -
Sedenis februus cito solus ab omnibus errat (v. 15). Février avait
quatre jours de nones, huit d'ides, quinze et quelquefois seize de calendes.
DIVISION DE L'ANNÉE.
(48)
- ANNI DIVISIO. C'est la division de l'année telle qu'on l'avait adoptée avant
la réforme du calendrier par Jules César : aussi n'est-il point question dans
cette pièce des années bissextiles. L'an de Rome 707 (avant J.-C., 46),
César, voyant qu'une erreur de soixante-sept jours s'était glissée dans la
chronologie, crut y remédier en ajoutant un jour pour une période de quatre
ans. Ce nouveau système laissait encore subsister une erreur de quelques
minutes. En 1582 , le pape Grégoire XIII la fit disparaître par une réforme
définitive, qui porta le calendrier au plus haut degré de précision qu'il
soit possible d'atteindre.
(49)
- Horae sunt centum per septem, etc. (v. 5 et 6). Le détour pris par
l'auteur pour arriver au nombre 8160 est au moins bizarre. Le produit de 7 par
100 est de 700 ; celui de 8 par 1000 est 8000 ; celui de 6 par 10 est de 60. En
additionnant les trois produits 700, plus 8000, plus 60, on a pour résultat la
somme de 8760. Or, si l'on considère le jour comme composé de 24 heures, en
multipliant par 24 le nombre 365, qui est celui des jours contenus dans
l'année, on arrive au même résultat 8760. Donc le nombre fourni par l'auteur
est exact. Seulement on pourrait s'étonner de ce qu'il a regardé le jour comme
composé de 24 heures. On sait que les anciens divisaient la journée en 12
heures, et la nuit en quatre veilles. Faudrait-il en conclure que l'auteur est
un moderne ? Chez nous, il y a deux manières de compter le jour : on le compte
civilement ou astronomiquement. Le jour civil est divisé en deux fois douze
heures, et se compte de minuit à minuit. Les astronomes partagent le jour en 24
heures, et le comptent de midi à midi. De sorte que le jour civil avance de 12
heures sur le jour astronomique. Cependant le Bureau des Longitudes compte le
jour astronomique comme le jour civil, de minuit à minuit.
LES ÉPOQUES DE L'ANNÉE.
(50)
- DE TEMPORIBUS ANNI. Le caractère de cette pièce est tout à fait différent
de la plupart de celles qui précèdent et qui suivent. Tandis que celles-ci
exposent la science de l'astronomie en termes presque scientifiques et en vers
qui rappellent les vers techniques de certains auteurs modernes, nous trouvons
ici des idées philosophiques sur les vicissitudes du temps, sur les biens et
les maux de la vie ; et la manière dont ces idées sont rendues porterait à
croire que le poète est lui chrétien des premiers siècles. Ce qu'il y a de
certain, c'est qu'il a eu en vue certains passages de l'Ecclésiaste ; et comme
d'un autre côté saint Jérôme parait avoir cité l'auteur de cette pièce,
nous pourrions presque donner à notre hypothèse la certitude d'un fait
avéré.
(51) - Tempora gaudendi, etc. (v. 8
et 9). Ce sont ces vers que le poète a imités de l'Ecclésiaste. Salomon dit
(Eccles., ch. III) "Il y a temps de naître et temps de mourir; temps de
planter et temps d'arracher ce qui a été planté. Il y a temps de tuer et
temps de guérir ; temps d'abattre et temps de bâtir. Il y a temps de pleurer
et temps de rire ; temps de s'affliger et temps de sauter de joie, etc., etc.
(52) - Volatile tempus (v. 11).
Burmann préfère l'épithète volubile ; et en effet cette épithète
est plus fréquemment employée et semble mieux appropriée au temps. Ovide (Am.,
liv. I , élég. 8 , v. 49, et Métam., liv. X, v. 519) a dit :
Labitur occulte fallitque volubilis aetas. Maximianus (élég. I , v. 103)
s'est servi du même terme : Cuncta trahit secum vertitque volubile tempus.
En parlant d'un fleuve, Horace s'exprime de même : In omne volubilis aevum.
(53) -
Ver, aestas, etc. (v. 12). Ce vers se retrouve avec un léger changement
dans les commentaires de saint Jérôme sur le prophète Ézéchiel.
LES QUATRE SAISONS DE L'ANNÉE.
(54)
- Ver, aestas, autumnus,
hiems (v. 1). Le commencement de cette petite épigramme, vive et serrée,
ressemble tout à fait au début d'une autre épigramme qui se trouve dans les
oeuvres de Bède (I, p. 520):
Ver, aestas, autumnus, hiems, sunt quatuor anni
Tempora .....
mais le reste est différent. Celle-ci d'ailleurs est en distiques, au lieu
que l'autre est en hexamètres. On pourrait encore rapprocher du vers que nous
venons de citer celui qui termine la pièce précédente, intitulée les
Époques de l'année:
Ver, aestas, autumnus, hiems, redit annus in annum.
Voici comment dans notre hémisphère, qui est l'hémisphère boréal, les
quatre saisons se partagent l'année : le printemps dure 92 jours 22 heures 14
minutes ; l'été, 93 jours, 13 heures 34 minutes ; l'automne, 89 jours 16
heures 35 minutes ; l'hiver, 89 jours 1 heure 47 minutes. De sorte que l'été
est la plus longue et l'hiver la plus courte des saisons. Le contraire a lieu
dans l'hémisphère austral.
MÊME SUJET.
(55) - Aprili vernante novans Aries micat annum (v. 41). Le printemps commence au 21 mars ; l'été, au 23 juin ; l'automne, au 23 septembre ; et l'hiver, au 22 décembre. Ce sont les deux équinoxes et les deux solstices qui marquent le point de départ de chacune de ces saisons. Voyez la note de la pièce précédente.
DÉBAT DU PRINTEMPS ST DE L'HIVER.
(56)- CONTENTIO VERIS ET HIEMIS. Cette espèce d'églogue offre une imitation évidente des pastorales de Virgile et de Théocrite.
(57)
- Cuculo (v. 5). Le coucou est ici pour représenter le printemps. En
effet., de même que la plupart des insectivores , il émigre en hiver vers les
pays chauds et revient à l'époque de la belle saison dans nos climats. On le
voit arriver ordinairement avec le mois d'avril, et disparaître avec septembre.
Les naturalistes supposent qu'il se retire en Afrique. Le coucou est surtout
connu pour déposer ses oeufs dans les nids d'oiseaux d'une espèce
différente., mais qui nourrissent également leurs petits d'insectes, comme le
bruant, la fauvette, la grive, le merle, la lavandière, le rouge-gorge, le
rossignol. Le jeune coucou est ainsi élevé par une mère étrangère, qui
souffre même que ses propres petits soient expulsés du nid par le nouveau venu
C'est un fait dont les particularités ont été observées et signalées par
Jenner, l'inventeur de la vaccine.
(58) - Modulans rutilo bona carmina
rostro (v. 12). On sait quel est le chant du coucou : c'est à ce chant que
l'oiseau doit son nom. Le mâle seul le fait entendre, et seulement quand il est
parvenu à sa deuxième année. Au mois de juillet, époque à laquelle il
commence à muer, il reste silencieux.
(59) - Nigris.... antris (v. 14).
Quelques-uns croient qu'au lieu d'émigrer, le coucou reste engourdi dans des
trous.
(60)
- Sunt mihi divitiae, etc. (v. 25 et suiv.). Ces éloges de l'hiver sont
reproduits, et souvent dans les mêmes termes, par J.-B. Rousseau (Cantate pour
l'hiver) :
C'est le père des doux loisirs,
Il réunit les coeurs, il bannit les soupirs,
Il invite aux festins, il anime la scène :
Les plus belles saisons sont les saisons de peine,
La sienne est celle des plaisirs.
Flore peut se vanter des fleurs qu'elle nous donne ;
Cérès, des biens qu'elle produit ;
Bacchus peut s'applaudir des trésors de l'automne,
Mais l'hiver, l'hiver seul en recueille le fruit . . .
PEINTURE DES MOIS.
(61)
- Rustica Bacchigenis intentans arma novellis (v. 3). Columelle (de
l'Agriculture, liv. III) nous a fourni le sens que nous donnons à novellis.
"Malleolus autem novellus est , palmes innatus prioris anni flagello,
cognominatusque a similitudine rei, quod in ea parte, quae deciditur ex vetere
sarmento prominens utrinque malleoli speciem praebet. "
(62) - Hic meruit Februi nomen
habere Dei (v. 14) Macrobe (Saturn., liv. 1 , ch. 13) fait mention de
ce dieu Februus. Il dit, en parlant de Numa : "Secundum (mensem) dicavit
Februo Deo , qui lustrationem potens creditur : lustrari autem eo mense
civitatem necesse erat, quo statuit ut justa Dis Manibus solverentur."
On assigne encore une autre étymologie au mois de février :
... Le mois que le luperque honore,
Et qui tire son nom du far mêlé de sel,
Qu'un licteur désigné doit porter à l'autel.
(Lucrèce, acte III. sc. 3 )
(63) - Cinyphii (v. 6). Le Cinyphus
était un fleuve d'Afrique.
(64) - Quem recreat fessum gillo,
flabella, melo (v. 16). Ce vers parait avoir subi beaucoup d'altérations.
Voir au t. II de l'Anthologie l. v, les différentes leçons présentées et
discutées par Burmann.
(65) -
Vestae (v. 21). Vesta est ici la déesse qui règne dans les profondeurs
de la terre. Quelques commentateurs pensent que le poète veut parler de l'âne
qui tournait la meule du pressoir.
L'âne était consacré à Vesta, comme l'indique ce vers de Properce (liv. IV,
élég. 1, v. 21) :
Vesta coronatis pauper gaudebat asellis.
OPPOSITION DES DOUZE SIGNES DU ZODIAQUE.
(66)
- Exsurgens Chelas, etc. (v. 1). Ce vers est évidemment altéré. Ce
n'est point le Scorpion qui est le signe opposé au Bélier, c'est la Balance.
Le Scorpion est opposé au Taureau, ainsi que l'indique le second vers, qui, par
conséquent, est en contradiction avec le premier.
(67) - Terga Leonis. Une autre
version porte signa Leonis, et elle est peut-être préférable. Le Lion,
opposé au Verseau, était aussi pour les Égyptiens l'emblème de l'inondation.
Ils peignaient l'inondation par un lion , parce qu'elle arrivait sous ce signe ;
et de là , dit Plutarque, l'usage des figures de lion vomissant de l'eau à la
porte des temples.
(68)
- Redit et victoria victis (v. 6). On peut voir, dans les Phénomènes
d'Avienus (à partir du vers 1060) , la description du lever et du coucher, non
seulement des douze signes du zodiaque, mais de toutes les constellations
attachées à la sphère céleste.
LE SOLEIL.
(69)
- Sol, cui vernantur (v. 2). Altération dans le texte. Heinsius proposa
de remplacer vernantur par verna novum.
(70) - Qui dividis axem (v. 5). Il
est très probable qu'il faut dividit et c'est d'après cette hypothèse
que nous avons traduit.
(71) - Sol labor et ribice (v. 8).
Burmann désespère presque de pouvoir ici rétablir le texte. Il propose
pourtant requies, qui nous parait une correction très plausible.
(72) - Sol et Hyperboreo (v. 10). Le
soleil ne se lève pas ait nord. C'est pourquoi Burmann est d'avis qu'on
remplace hyperboreo par hyperiono. Mais ne pourrait-on pas
entendre le nord-est, qui est en effet, dans les jours d'hiver, le point de
départ du soleil ?
(73)
- Sol cui surgenti resonat liba (v. 22). Qu'est-ce que le liba ? Les
commentateurs l'ignorent. C'est pourquoi nous reproduisons textuellement ce mot
dans la traduction.
LE COUCHER OU SOLEIL.
(74) - DE OCCASU SOLIS. Cette pièce, dans le manuscrits , est attribuée à Ovide.
(75)
- Alludunt pavidi (v. 5).
C'est peut-.être une imitation de divers poètes anciens. Lucrèce (de la
Nature des choses, liv. II, v. 367) , dit :
Praeterea teneri tremulis cum vocibus haedi
Cornigeras norunt matres;
et liv. III, v. 7 :
Aut quidnam tremulis facere artubus haedi.
LA NUIT ET SON CALME.
(76)
- DE NOCTE ET CONTICINIO. L'auteur de cette épigramme observe très bien la
différence qui distingue, pour le sens, les deux mots de crepusculum et diluculum,
que plusieurs ont confondus. par exemple, c'est à tort que Servius, dans ses
commentaires sur Virgile (Enéide, liv. II , v. 268) , s'exprime ainsi à propos
du crépuscule : " Licet utrique tempori possit jungi, usus tamen, ut
matutino jungamus, obtinuit."
(77)
- Nox accensetur soli ceu luna dici (v 5 ). La plupart des éditions
portent sen, leçon fautive et qui détruit tout le charme de la comparaison.
C'est à Burmann qe nous devons la correction que nous avons adoptée.
L'OCÉAN.
(78)
- DE OCEANO. Dans cette pièce, qui offre de remarquables détails de poésie,
l'Océan est moins considéré comme la mer elle-même que comme le principe des
eaux et de l'humidité, principe vivifiant qui, s'il n'est pas celui de Thalès,
s'en rapproche au moins beaucoup.
(79) - Oceane, o placido complectens
omnia... (v, 2). Burmann supplée à la lacune par le mot vultu.
SUR LES DOUZE VENTS
(80). - DE DUODECIM VENTIS. - C'est ce que nous appelons la Rose des vents. Beaucoup plus compliquée chez nous que chez les anciens, elle compte trente-deux vents au lieu de douze, comme on le voit par la figure qui suit :
(81). - Atthide lingua (v. 24). Attique, de même que plus haut Dorique n'a pas d'autre signification que celle de grecque.