RETOUR À L’ENTRÉE DU SITE

ALLER A LA TABLE DES MATIÈRES DE HERMÈS TRIMEGISTE

 

HERMÈS

TRISMÉGISTE

TRADUCTION COMPLÈTE

PRÉCÉDÉ D'UNE

ÉTUDE SUR L'ORIGINE DES LIVRES HERMÉTIQUES

PAR

LOUIS MÉNARD

DOCTEUR ES LETTRES

OUVRAGE COURONNÉ PAR L'INSTITUT

(académie des inscriptions et belles-lettres)

Deuxième édition

PARIS

LIBRAIRIE ACADÉMIQUE

DIDIER ET Ce, LIBRAIRES-ÉDITEURS

35, QUAI DES AUGUSTINS, 35

1867

Tous droits réservés.

 Oeuvre numérisée par Marc Szwajcer

 

ÉTUDE SUR L'ORIGINE DES LIVRES HERMÉTIQUES - LIVRE I - LIVRE II - LIVRE III



 

LIVRE IV

FRAGMENTS DES LIVRES D’HERMES A SON FILS TAT

 

I

 

C'est par amour pour les hommes et par piété pour Dieu, ô mon fils, que je commence à écrire ceci. Car il n'y a pas d'autre véritable piété que de réfléchir sur l'univers et de rendre grâces au créateur; c'est ce que je ne cesserai pas de faire.

— O père, si rien n'est vrai ici bas, comment donc peut-on employer sagement sa vie?

— Sois pieux, mon fils; la piété est la haute philosophie ; sans philosophie il n'y a pas de haute piété.

Celui qui s'instruit sur l'univers, son ordonnance, son principe et sa fin, rend grâces de toutes choses au créateur comme à un bon père, à un bon nourricier, à un tuteur fidèle. Voilà la piété; et par elle on sait où est la vérité et ce qu'elle est. La science augmente la piété. Une fois que l'âme enfermée dans le corps s'est élevée à la perception du vrai bien et de la vérité, elle ne peut plus redescendre. La puissance de l'amour, l'oubli de toutes les choses mauvaises, empêchent l'âme qui connaît son créateur de se séparer du bien. Voilà le but de la piété, mon fils; si tu l'atteins, ta vie sera pure, ta mort heureuse, ton âme saura où elle doit s'envoler. Voilà la seule route qui mène à la vérité, c'est celle qu'ont suivie nos ancêtres, et ils sont arrivés par elle à la possession du bien. Cette route est belle et unie; cependant il est difficile à l'âme d'y marcher tant qu'elle est enfermée dans la prison du corps; il lui faut d'abord lutter contre elle-même, faire une grande division et se soumettre à la partie une d'elle-même. Car l'un est en lutte contre les deux; celui-là fuit, ceux-ci l'entraînent en bas.[1] De part ou d'autre la victoire n'est pas la même : l'un tend vers le bien, les deux vers le mal; l'un veut s'affranchir, les deux aiment la servitude. Si les deux sont vaincus il leur reste un rempart[2] pour eux-mêmes et pour leur maître, mais si l’un est le plus faible, il est entraîné par les deux et est puni dans la vie d’ici-bas. C’est lui, mon fils, qui doit être ton guide. Il faut te frotter d’huile pour la lutte, soutenir le combat de la vie et en sortir vainqueur.

Maintenant, mon fils, je vais passer en revue les principes: tu comprendras mes paroles en te rappelant ce que tu as appris.

Tous les êtres sont mus; le non-être seul est immobile. Tous les corps se transforment, quelques-uns seuls se décomposent. Les animaux ne sont pas tous Mortels, ils ne sont pas tous immortels. Le dissoluble est corruptible, le permanent est immuable, l’immuable est éternel. Ce qui naît toujours se corrompt toujours, mais ce qui ne naît qu’une fois ne se corrompt pas et ne devient pas autre chose. D’abord Dieu, ensuite le monde, en troisième l’homme; le monde pour l’homme, l’homme pour Dieu. La partie sensitive de l’âme est mortelle, sa partie raisonnable est immortelle; toute essence est immortelle, toute essence est sujette au changement. Tout être est double, aucun être n’est stable. Toutes choses ne sont pas mues par l’âme, mais tout ce qui est, est mu par l’âme. Tout passif sent, tout ce qui sent est passif. Tout ce qui souffre et jouit est un animal mortel, tout ce qui jouit et ne souffre pas est un animal immortel. Tout corps n'est pas sujet aux maladies, tout corps sujet aux maladies est destructible. En Dieu est l'intelligence, dans l'homme le raisonnement; le raisonnement est dans l'intelligence, l'intelligence est impassible. Rien de vrai dans le corps, rien de faux dans l'incorporel. Tout ce qui naît change, mais tout ce qui naît ne se corrompt pas. Rien de bon sur la terre, rien de mauvais dans le ciel. Dieu est bon, l'homme est mauvais. Le bien est voulu, le mal n'est pas voulu. Les Dieux choisissent les biens comme biens… *** la règle ***.[3] Le temps est divin, la loi humaine (?). Le mal est l'aliment du monde, le temps est la destruction de l'homme. Tout est immuable dans le ciel, rien n'est immuable sur la terre. Rien d'esclave dans le ciel, rien de libre sur la terre. Rien d'inconnu dans le ciel, rien de connu sur la terre. Rien de commun entre les choses célestes et les choses terrestres. Tout est irréprochable dans le ciel, rien n'est irréprochable sur la terre. L'immortel n'est pas mortel, le mortel n'est pas immortel. Ce qui est semé ne naît pas toujours, ce qui est né a toujours été semé. Deux temps dans le corps décomposable : de la conception à la naissance, de la naissance à la mort. Le corps éternel n'a qu'un temps à partir de la naissance. Les corps dissolubles augmentent et diminuent. La matière dissoluble se change en deux termes contraires : la destruction et la naissance ; la matière immortelle se change ou en elle-même ou en ses semblables. La naissance de l'homme est une destruction, la destruction de l'homme est le principe de la naissance. Ce qui finit commence, ce qui commence finit. Parmi les êtres, les uns sont dans les corps, les autres dans les formes, les autres dans les énergies. Le corps est dans les formes, la forme et l'énergie sont dans le corps. L'immortel ne reçoit rien du mortel, le mortel reçoit de l'immortel. Le mortel n'entre pas dans un corps immortel, l'immortel entre dans le mortel Les énergies ne tendent pas vers le haut, mais vers le bas. Ce qui est sur la terre ne profite pas à ce qui est dans le ciel, tout ce qui est dans le ciel profile à ce qui est sur la terre. Le ciel contient les corps immortels, la terre les corps périssables. La terre est irrationnelle, le ciel est raisonnable. Les choses célestes sont sous le ciel, les choses terrestres sur la terre. Le ciel est le premier élément. La providence divine est l'ordre, la nécessité est l'instrument de la providence. La fortune est le véhicule du désordre, le simulacre de l'énergie, une opinion trompeuse. Qu'est-ce que Dieu? Le bien immuable. Qu'est-ce que l'homme? Le mal immuable.

En te rappelant ces principes, tu te souviendras facilement des choses que je t'ai expliquées plus au long et qui s'y trouvent résumées. Mais évite d'en entretenir la foule ; non que je veuille lui interdire de les connaître, mais je ne veux pas t'exposer à ses railleries. Qui se ressemble s'assemble; entre dissemblables il n'y a pas d'amitié. Ces leçons doivent avoir un petit nombre d'auditeurs, ou bientôt elles n'en auront plus du tout. Elles ont cela de particulier que par elles les méchants sont poussés encore davantage vers le mal. Il faut donc te garder de la foule, qui ne comprend pas la vertu de ces discours.

— Que veux-tu dire, mon père?

— Voici, mon fils. L'espèce humaine est portée au mal; le mal est sa nature et lui plaît. Si l'homme apprend que le monde est créé, que tout se fait selon la providence et la nécessité, que la nécessité, que la destinée gouverne tout, il arrivera sans peine à mépriser l'ensemble des choses parce qu'elles sont créées, à attribuer le vice à la destinée, et il ne s'abstiendra d'aucune œuvre mauvaise. Il faut donc se garder de la foule, afin que l'ignorance la rende moins mauvaise en lui faisant redouter l'inconnu.

(Stobée, Éclogues physiques, xliii, 1.)

 

II.

DE L'ACTIVITÉ ET DU SENTIMENT

 

— Tu m'as bien expliqué ces choses, mon père, mais instruis-moi encore sur ceci : tu as dit que la science et l'art étaient une activité de la raison; maintenant tu dis que les animaux brutes sont appelés ainsi parce qu'ils sont privés de raison. Il en résulte nécessairement qu'ils ne devraient avoir ni science ni art.

— Nécessairement, mon fils.

— Comment donc voyons-nous, mon père, quelques animaux user de science et d'art, par exemple, les fourmis qui amassent des provisions d'hiver, les oiseaux qui construisent des nids, les quadrupèdes qui savent reconnaître leurs étables?

— Ce n'est ni la science ni l'art qui les dirige, mon fils, c'est la nature. La science et l'art s'apprennent, et ces animaux n'ont rien appris. Ce qui se fait naturellement est le produit d'une activité universelle, la science et l'art appartiennent seulement à ceux qui les ont acquis. Les fonctions communes à tous sont des fonctions naturelles. Ainsi tous les hommes peuvent regarder en haut, mais tous ne sont pas musiciens, ni archers, ni chasseurs, et ainsi du reste. Quelques-uns d'entre eux ont appris une science et un art, et l'exercent. Si de la même manière quelques fourmis faisaient ce que d'autres ne font pas, tu pourrais dire avec raison qu'elles possèdent une science ou qu'elles ont l'art d'amasser des provisions. Mais toutes agissent de même sous l'impulsion de la nature, et sans le vouloir; il est donc évident que ce n'est ni la science, ni l'art qui les dirige.

Les activités, ô Tat, sont incorporelles et s'exercent dans le corps et par le corps. En tant qu'elles sont incorporelles, tu peux les appeler immortelles; en tant qu'elles ne peuvent s'exercer en dehors du corps, je dis qu'elles sont toujours dans un corps. Ce qui a sa fin et sa cause déterminées par la providence et la f nécessité ne peut rester inactif. Ce qui est sera toujours, c'est là son corps et sa vie. Par cette raison, il y aura toujours des corps; aussi la création des corps est une fonction éternelle. Car les corps terrestres sont décomposables, mais il faut des corps pour servir de séjour et d'instruments aux énergies ; or les énergies sont immortelles, et ce qui est immortel est toujours actif : la création des corps est donc une fonction, et elle est éternelle.

Les énergies ou facultés de l'âme ne se manifestent pas toutes à la fois; quelques-unes agissent dès la naissance de l'homme, dans la partie non raisonnable de son âme; à mesure que la partie raisonnable se développe avec l'âge, des facultés plus élevées lui prêtent leur concours. Les facultés sont attachées aux corps. Elles descendent des corps divins dans les corps mortels, et c'est par elles que ceux-ci sont créés. Chacune d'elles exerce une fonction du corps ou de l'âme, mais elles [n]'existent [pas][4] dans l'âme indépendamment du corps. Car les énergies sont toujours, mais l’âme n'est pas toujours dans un corps mortel; elle peut exister sans lui, tandis que les facultés ne peuvent exister sans corps. C'est là un discours sacré, mon fils; le corps ne peut durer sans l'âme, mais l'être le peut.

— Que veux-tu dire, mon père?

— Comprends-moi, ô Tat. Quand l'âme est séparée du corps, le corps demeure, mais il est travaillé par une dissolution intérieure et finit par disparaître; cet effet ne peut se produire sans une cause active : il reste donc une énergie dans le corps après que l'âme est partie. Entre un corps immortel et un corps mortel il y a une différence : le premier est formé d'une seule matière, il en est autrement du second ; l'un est actif, l'autre passif. Tout être actif domine, tout être passif obéit; l'un est libre et gouverne, l'autre est esclave et subit une impulsion.

Les énergies n'agissent pas seulement dans les corps animés, mais dans les corps inanimés, comme le bois, les pierres et choses semblables. Elles les augmentent, les font fructifier, les font mûrir, les décomposent, les dissolvent, les putréfient, les broient, leur font subir tous les changements dont les corps inanimés sont susceptibles. Car on appelle énergie tout ce qui produit le changement, le devenir. Or, le devenir est multiple, ou plutôt universel. Jamais rien de ce qui nait ne manquera au monde, sans cesse il engendre en lui tous les êtres pour les détruire sans cesse. Toute énergie est donc toujours immortelle, de quelque nature qu'elle soit et dans quelque corps qu'elle se produise. Mais parmi les énergies, les unes s'exercent dans les corps divins, les autres dans les corps mortels; les unes sont universelles, les autres particulières; les unes agissent sur les genres, les autres sur chacune de leurs parties. Les énergies divines s'exercent dans les corps éternels et sont parfaites comme eux. Les énergies partielles agissent par chacun des êtres vivants ; les énergies spéciales agissent dans chacune des choses qui existent. Il en résulte, mon fils, que l'univers est plein d'énergies. Car il faut que les énergies soient dans les corps, et il y a beaucoup de corps dans le monde. Or, les énergies sont plus nombreuses que les corps, car souvent il y existe une, deux, trois énergies, sans compter celles qui sont universelles. J'appelle universelles les énergies inséparables des corps et qui se manifestent par les sensations, les mouvements ; sans elles, un corps ne peut exister. Autres sont les énergies particulières qui se manifestent dans les âmes humaines par les arts, les sciences et les œuvres. Les sensations accompagnent les énergies, ou plutôt en sont les conséquences. Comprends, ô mon fils, la différence qu'il y a entre les énergies et les sensations. L'énergie vient d'en haut, la sensation est dans le corps et tient de lui son essence; elle est le siège de l'énergie, elle la manifeste et lui donne en quelque sorte un corps. C'est pourquoi je dis que les sensations sont corporelles et mortelles ; leur existence est attachée à celle du corps; elles naissent avec lui et meurent avec lui. Les corps immortels n'ont pas de sensation, précisément à cause de leur essence; car il ne peut y avoir d'autre sensation que celle du bien ou du mal qui arrive à un corps ou qui s'en éloigne; or, les corps immortels ne sont pas sujets à ces accidents.

— La sensation est donc sentie dans tout corps?

— Oui mon fils, et dans tout corps les énergies agissent.

— Même dans les corps inanimés, mon père?

— Même dans les corps inanimés. Les sensations sont de différentes sortes : celles des êtres raisonnables sont accompagnées de raison; celles des êtres sans raison sont purement corporelles; celles des êtres inanimés sont passives et consistent seulement dans l'accroissement ou la diminution. Partant d'un même principe et arrivant au même point, la passion et la sensation sont le produit des énergies. Dans les êtres animés, il y a deux autres énergies qui accompagnent les passions et les sensations, ce sont la joie et la tristesse. Sans elles l'être animé, et surtout l'être raisonnable, ne sentirait rien; on peut donc les considérer comme les formes des affections chez les êtres raisonnables, ou plutôt chez tous les êtres vivants. Ce sont des activités manifestées par les sensations, des mouvements corporels produits par les parties irrationnelles de l'âme. La joie et la tristesse sont toutes deux très mauvaises; car la joie, c'est-à-dire la sensation accompagnée de plaisir, entraîne après elle de grands maux; la tristesse produit des peines et des douleurs plus fortes : elles sont donc mauvaises l’une et l'autre.

— La sensation est-elle la même dans l'âme et dans le corps, mon père?

— Qu'entends-tu, mon enfant, par la sensation de l'âme?

— L'âme n'est-elle pas incorporelle? Mais la sensation doit être un corps, mon père, car elle existe dans le corps.

— Si nous la plaçons dans le corps, mon fils, nous l'assimilons à l'âme ou aux énergies, qui sont incorporelles tout en étant dans les corps. Mais la sensation n'est ni l'énergie, ni l'âme, ni rien qui soit distinct du corps ; elle n'est donc pas incorporelle. Si elle n'est pas incorporelle, il faut qu'elle soit corporelle ; car il n'est rien qui ne soit corporel ou incorporel.

(Stobée, Ecl. phys., xliii, 6.)

 

III

 

Le Seigneur, le créateur des corps immortels, ô Tat, après avoir achevé son œuvre, n'a plus rien fait et ne fait plus rien. Une fois livrés à eux-mêmes et unis les uns aux autres, ces corps éternels se meuvent sans avoir besoin de rien ; s'ils ont besoin les uns des autres, du moins ils n'ont besoin d'aucune impulsion étrangère, puisqu'ils sont immortels. Telle devait être la nature des créations de ce Dieu suprême. Mais notre créateur a un corps; il nous a créés, et sans cesse il crée et créera des corps dissolubles et mortels, car il ne devait pas imiter son propre créateur, et d'ailleurs il ne le pouvait pas. L'un a tiré ses créations de son essence première et incorporelle, l'autre nous a formés d'une essence corporelle et engendrée. Il s'ensuit naturellement que les corps célestes nés d'une essence incorporelle sont impérissables, tandis que nos corps sont dissolubles et mortels, comme étant formés d'une matière corporelle et, par conséquent, faibles par eux-mêmes et ayant besoin d'un secours étranger.

Comment en effet la combinaison qui constitue nos corps pourrait-elle subsister si elle n'était sans cesse alimentée et entretenue par des éléments de même nature? La terre, l'eau, le feu et l'air affluent en nous et renouvellent notre enveloppe. Nous sommes si faibles que nous ne pouvons supporter un seul jour de mouvement. Tu sais parfaitement, mon fils, que sans le repos des nuits nos corps ne pourraient résister un jour. C'est pourquoi notre bon créateur, dans sa prévoyance universelle, a garanti la durée des êtres vivants en créant le sommeil réparateur de la fatigue et du mouvement, et attribuant une part de temps égale ou même plus grande au repos. Réfléchis bien, mon fils, à cette énergie du sommeil, opposée à celle de l'âme et non moindre qu'elle. Si la fonction de l'âme est le mouvement, les corps ne peuvent vivre sans le sommeil, qui relâche et détend le lien des membres, et, par son action réparatrice, dispense à chacun d'eux la matière dont il a besoin, fournissant l'eau au sang, la terre aux os, l'air aux nerfs et aux veines, le feu aux yeux. De là le plaisir extrême que le corps trouve dans le sommeil.

(Stobée, Ecl. phys., xliii, 8.)

 

IV

 

Une divinité très grande est établie, ô mon fils, au milieu de l'univers, voyant tout ce qui, sur la terre, est fait par les hommes. Dans l’ordre divin, tout est réglé par la providence et la nécessité ; parmi les hommes, la même fonction appartient à la justice. La première de ces deux lois s'étend sur les (mouvements) célestes, car les Dieux ne veulent et ne peuvent s'égarer; n'étant pas sujets à l'erreur, qui est la source du péché, ils sont impeccables. La seconde, la justice, est chargée de corriger sur la terre le mal qui arrive parmi les hommes. La race humaine, étant mortelle et formée d'une mauvaise matière, est sujette à des défaillances, quand la vue des choses divines ne la soutient pas. Voilà où la justice exerce son action. Par les énergies qu'il tient de la nature, l'homme est soumis à la destinée; par les fautes de sa vie, à la justice.

(Stobée, Ecl. phys., iv, 52.)

 

V

 

Voici donc ce qu'on peut dire des trois temps : Ils ne sont pas par eux-mêmes et ne sont pas liés, et d'un autre côté ils sont liés et sont par eux-mêmes. Veut-on supposer le présent sans l'existence du passé? L'un ne peut subsister sans l'autre, car le présent naît du passé, et du présent sort l'avenir. Si nous voulons aller au fond des choses, nous raisonnerons ainsi : Le temps passé est rentré dans ce qui n'est plus; le futur n'est pas, tant qu'il n'est pas devenu présent; le présent, à son tour, cesse d'être lui du moment qu'il demeure. Ce qui ne dure pas un moment et n'a pas de centre fixe peut-il s'appeler présent, lorsqu'on ne peut pas même dire qu'il existe? De plus, le passé s'adaptant au présent et le prisent au futur, ils deviennent un. Il y a entre eux identité, unité, continuité. Ainsi le temps est continu et distingué, tout en étant un et identique.

(Stobée, Ecl. phys., ix, 41·)

 

VI

DES DECANS ET DES ASTRES.[5]

 

TAT.

Dans tes précédents discours généraux, tu m'as promis de m'instruire sur les trente-six Décans ; expose-moi donc maintenant quelle est la nature de leur action.

HERMÈS.

Je ne m'y refuse pas, ô Tat, et ce discours sera le plus important et le plus élevé de tous; comprends-le donc bien. Je t'ai parlé du cercle zodiaque, c'est-à-dire qui porte les animaux, des planètes, du soleil, de la lune et de chacun de leurs cercles·

TAT.

Tu m'en as parlé, ô Trismégiste.

HERMÈS.

Rappelle-toi ce que je t'en ai dit, tu comprendras de même ce que j'ai à te dire des trente-six Décans, et mes paroles te sembleront plus claires.

TAT.

Je me le rappelle, mon père.

HERMÈS.

Nous avons dit, mon fils, qu'il existait un corps enveloppant tout ; il faut te le figurer sous forme sphérique, car telle est la forme de l'univers.

TAT.

Je me représente cette forme, mon père.

HERMÈS.

Sous le cercle de ce corps sont placés les trente-six Décans, entre le cercle de l'univers et le zodiaque, à la limite de l'un et de l'autre. Ils soutiennent, pour ainsi dire, le zodiaque, ils lui servent de bornes et sont emportés avec les planètes. Leur force, égale au mouvement de l'univers et en sens inverse de celui des sept, retient le corps enveloppant. Ils poussent les sept autres cercles, plus lents dans leur mouvement que le cercle de l'univers. Ces deux mouvements sont en quelque sorte nécessaires. Figurons-nous donc les Décans comme les gardiens des sept cercles et du cercle universel, ou plutôt de tout ce qui compose le monde; ils maintiennent tout et gardent l’ordre général de l'ensemble.

TAT.

Je me représente bien ce que tu dis, mon père.

HERMÈS.

Sache encore, Tat, qu'ils ne subissent pas les mêmes vicissitudes que les autres astres: ils ne sont pas retenus dans leur course ni obligés de s'arrêter et de revenir en arrière ; ils ne sont pas, comme les autres astres, enveloppés par la lumière du soleil ; libres au sommet du monde, ils l'embrassent jour et nuit comme des gardiens et des surveillants attentifs.

TAT.

Ont-ils aussi une action sur nous, mon père?

HERMÈS.

Très-grande, mon fils. S'ils agissent sur les choses célestes, comment n'agiraient-ils pas sur nous? C'est une action particulière et générale. Ainsi, parmi les événements généraux qui dépendent de leur influence, je citerai les révolutions des royaumes, les soulèvements des villes, les famines, les pestes, le flux et le reflux de la mer, les tremblements de terre ; rien de tout cela, mon fils, n'est en dehors de leur action. Fais encore attention à ceci : puisque nous sommes au-dessous des sept sphères dont ils ont la direction, ne comprends-tu pas que leur énergie s'étend jusqu'à nous, leurs fils, qui existons par eux?

TAT.

Et quelle est leur forme, mon père?

HERMÈS.

On les appelle généralement les Démons; mais les Démons ne sont pas une classe particulière, ils n'ont pas des corps différents formés d'une matière spéciale et mus par une âme comme nous ; ce sont les énergies de ces trente-six Dieux. Sache encore, ô Tat, au sujet de leur influence, qu'ils sèment sur la terre ce qu'on nomme les Tanes, les unes salutaires, les autres funestes. De plus, les astres du ciel engendrent des ministres, ils ont des serviteurs et des soldats, qui se répandent dans l'éther et en remplissent l'étendue, de sorte qu'il n'y ail pas dans les hauteurs un espace sans étoile. Ceux-ci veillent à l'ordonnance de l'univers, ils ont leur énergie propre subordonnée à celle des trente-six ; ils l'exercent par la destruction des autres êtres vivants et la production des animaux qui gâtent les fruits. Ils président à la constellation de l'Ourse, composée de sept étoiles au milieu du zodiaque, et qui en a une autre correspondante au-dessus de sa tête. Son énergie est celle d'un axe, elle ne se couche ni ne se lève, elle demeure et tourne dans le même espace, et produit la révolution du zodiaque, et les alternatives du jour et de la nuit dans l'univers. Elle est suivie d'un autre chœur d'étoiles auxquelles nous n'avons pas donné de noms; mais ceux qui nous imiteront dans l'avenir leur en donneront. Au-dessous de la lune sont des astres mortels, clairs, durant peu de temps, produits dans l'air supérieur par les exhalaisons de la terre. Nous les voyons se dissoudre, pareils à ces animaux inutiles qui ne naissent que pour mourir, les mouches, les puces, les vers et autres semblables. Ces superfétations de la nature, nées sans but, ne servent ni à nous ni au monde; elles sont plutôt nuisibles. Il en est de même de ces astres exhalés de la terre, et qui ne peuvent atteindre les hauteurs parce qu'ils sont partis des basses régions. Comme ils ont beaucoup de pesanteur, ils sont entraînés par leur propre matière, et en se dissolvant retombent sur la terre, sans avoir rien fait que troubler l'air supérieur.

Il y a encore, ô Tat, une autre espèce d'astres qu'on nomme les comètes; elles apparaissent à leur heure et disparaissent au bout de peu de temps. Elles n'ont ni lever ni coucher, et sont les précurseurs et les messagers des grands événements qui doivent s'accomplir. Leur place est au-dessous du cercle du soleil. Lorsqu'il doit arriver quelque chose dans le monde, elles apparaissent, et, au bout de quelques jours, elles retournent dans le cercle du soleil et demeurent invisibles, après s'être montrées soit à l'occident, soit au nord, soit à l'orient, soit au sud; nous les appelons des prophètes. Telle est la nature des astres ; ils diffèrent des étoiles ; les astres sont suspendus dans le ciel, les étoiles sont fixées dans le corps du ciel et emportées avec lui. Parmi elles, nous avons nommé les douze signes du zodiaque. Celui qui connaît ces choses peut avoir une notion exacte de Dieu, et pour ainsi dire le contempler, et obtenir la béatitude.

TAT.

Bienheureux en effet celui qui le voit, ô mon père!

HERMÈS.

Ce bonheur-là n'est pas possible tant qu'on est dans le corps ; il faut exercer l'âme ici-bas, afin qu'elle ne se trompe pas de route quand elle arrivera au lieu où cette contemplation lui sera permise. Les hommes attachés au corps seront privés à jamais de la vue du beau et du bien. Car c'est, ô mon fils, une beauté qui n'a ni forme, ni couleur, ni corps.

TAT.

Y a-t-il donc, ô mon père, une beauté en dehors de ces choses?

HERMÈS.

Dieu seul, mon fils, ou plutôt, quelque chose de plus grand, le nom de Dieu.

(Stobée, Ecl. phys., xxii, 9)

 

VII

 

TAT.

Tu m'as bien instruit sur toutes choses, mon père; mais explique-moi encore ce qui dépend de la nécessité, et ce qui dépend de la providence ou de la destinée.

HERMÈS.

J'ai dit, ô Tat, qu'il y avait en nous trois espèces d'incorporels. L'un est intelligible, sans couleur, sans forme, sans corps, et dérive de l'essence première el intelligible. Il y a en nous des formes qui y répondent et qu'il reçoit. Ce qui est mis en mouvement par l'essence intelligible et reçu par elle se change en une autre forme de mouvement, qui est l'image de la pensée du créateur. La troisième espèce d'incorporels accompagne les corps : tels sont le lieu, le temps, le mouvement, la figure, l'éclat, la grandeur, la forme.

Il faut distinguer les qualités proprement dites de celles qui appartiennent aux corps. Les premières sont la figure, la couleur, la forme, le lieu, le temps, le mouvement. Les autres sont la figure figurée, la couleur colorée, la forme formée, la manifestation et la grandeur. Ces choses ne participent point à [cela?].[6] L'essence intelligible qui est en Dieu est maîtresse d'elle-même et, en se conservant elle-même, peut conserver autre chose, puisque l’essence n'est pas soumise à la nécessité. Mais abandonnée par Dieu, elle prend une nature corporelle, et ce choix se fait selon la providence [et cela dépend du monde?]. Tout irrationnel est mu pour une certaine raison ; la raison est réglée selon la providence, l'irrationnel selon la nécessité, les accidents du corps selon la destinée. Telle est l'explication du rôle de la providence, de la nécessité et de la destinée.

(Stobée, Ecl. phys., V, 8.)

 

VIII

 

O mon fils, la matière est née et elle était,[7] car la matière est le vase de la naissance (du devenir). Le devenir est le mode d'activité du Dieu incréé et prévoyant. Ayant reçu le germe de la naissance, elle est née, elle a reçu des formes, car la force créatrice la modèle selon des formes idéales. La matière non encore engendrée n'avait pas de forme, elle naît quand elle est mise en œuvre.

(Stobée, Ecl. phys., xii, 2.)

 

IX

 

Parler de la vérité avec assurance, ô Tatios, c’est chose impossible à l’homme, animal imparfait, composé de membres imparfaits et formé d’un assemblage de corps étrangers; mais je dis, autant qu’il m’est possible et permis, que la vérité est seulement dans les êtres éternels, dont les corps mêmes sont vrais. Le feu n’est que du feu, et rien de plus; la terre n’est rien de plus que de la terre; l’air est de l’air. Mais nos corps sont composés de tout cela; il y a en eux du feu, de la terre, de l’eau, de l’air, et ils ne sont ni feu, ni terre, ni eau, ni air, ni rien de vrai. Si dès l’origine la vérité est étrangère à notre constitution, comment pourrions-nous voir la vérité, en parler ou seulement la comprendre, à moins que Dieu ne l’ait voulu. Toutes les choses terrestres, ô Tatios, ne sont donc pas la vérité, mais des simulacres de vérité, et pas même toutes, seulement un petit nombre; les autres sont mensonge et erreur, ô Tatios, des apparences fantastiques et comme des images. Lorsqu'une de ces apparences reçoit l'effluve d'en haut, elle devient une imitation de la vérité; sans cette influence supérieure, elle reste mensonge. De même un portrait est l'image peinte du corps, mais n'est pas le corps qu'il représente. Il paraît avoir des yeux, mais il ne voit rien; des oreilles, et il n'entend rien ; et ainsi du reste. C'est une peinture qui trompe les yeux; on croit voir une vérité, il n'y a qu'un mensonge. Ceux qui ne voient pas le faux voient le vrai; si on comprend, si on voit chaque chose telle qu'elle est, on comprend, on voit la vérité ; mais si on voit ce qui n'est pas, on ne peut comprendre et on ne saura rien de vrai.

— Il y a donc, mon père, une vérité, même sur la terre?

— Ton erreur n'est pas inconsidérée, mon fils. La vérité n'est pas sur la terre, ô Tatios, et elle n'y peut pas être, mais elle peut être comprise par quelques hommes auxquels Dieu donne une vision divine. Rien n'est vrai sur la terre, il n'y a qu'apparences et opinions; tout est vrai pour l'intelligence et la raison; ainsi, penser et dire le vrai, voilà ce qu'il faut appeler la vérité.

— Quoi donc? il faut penser et dire ce qui est, et rien n'est vrai sur la terre?

— Il y a cela de vrai qu'on ne sait rien de vrai. Comment en pourrait-il être autrement, mon fils? La vérité est la vertu parfaite, le souverain bien qui n'est ni troublé par la matière, ni circonscrit par le corps, le bien nu, évident, inaltérable, auguste, immuable. Or, les choses d'ici-bas, tu le vois, mon fils, sont incompatibles avec le bien; elles sont périssables, changeantes, altérables, passant d'une forme à une autre. Ce qui n'est pas même soi peut-il être vrai? Tout ce qui se transforme est mensonge, non seulement en soi, mais par les apparences qu'il nous présente l'une après l'autre.

— L'homme même n'est-il pas vrai, mon père?

— Il n'est pas vrai en tant qu'homme, mon fils. Le vrai ne consiste qu'en soi-même et demeure ce qu'il est. L'homme est composé d'éléments multiples et ne reste pas identique à lui-même. Tant qu'il habite le corps, il passe d'un âge à un autre, d'une forme à une autre. Souvent, après un court intervalle de temps, les parents ne reconnaissent plus leurs enfants, ni les enfants leurs parents. Ce qui change au point d'être méconnaissable est-il quelque chose devrai, ô Tatios? n'est-ce pas plutôt un mensonge que cette succession d'apparences diverses? Ne regarde comme vrai que l'éternel et le juste. L'homme n'est pas toujours, donc il n'est pas vrai ; l'homme n'est qu'apparence, et l'apparence est le suprême mensonge.

— Mais les corps éternels eux-mêmes ne sont donc pas vrais, mon père, puisqu'ils changent?

— Ce qui est engendré et sujet au changement n'est pas vrai, mais les produits du grand ancêtre peuvent recevoir de lui une matière vraie. Il y a cependant du faux en eux par le fait du changement, car il n'y a de vrai que ce qui est identique à soi-même.

— Que peut-on donc appeler vrai, mon père?

— Le soleil, le seul de tous les êtres qui ne change pas et qui reste identique à lui-même. C'est pourquoi à lui seul est confiée l'ordonnance du monde; il est le chef et le créateur de toutes choses, je l'adore et je me prosterne devant sa vérité, et, après l'unité première, je le reconnais comme créateur.

— Quelle est donc la vérité première, ô mon père?

— Celui qui est un et seul, ô Tatios; celui qui n’est pas formé de matière, qui n'est pas dans un corps, qui n'a ni couleur ni figure, qui ne change ni ne se transforme, celui qui est toujours.

Ce qui est mensonge se corrompt, ô mon fils. La providence du vrai a enveloppé et enveloppera de corruptions toutes les choses terrestres, car la corruption est la condition de toute naissance; tout ce qui est né se corrompt pour renaître encore. Il est nécessaire que de la corruption sorte la vie et que la vie se corrompe à son tour, pour que la génération des êtres ne s'arrête jamais. Reconnais donc d'abord le créateur dans cette naissance des êtres. Les êtres nés de la corruption ne sont que mensonge, ils deviennent tantôt ceci, tantôt cela; car ils ne peuvent devenir les mêmes, et comment ce qui n'est pas identique pourrait-il être vrai? Il faut donc les appeler des apparences, ô mon fils, et voir dans l'homme une apparence de l'humanité ; à proprement parler l'enfant, est une apparence d'enfant, le jeune homme une apparence de jeune homme, l'adulte une apparence d'adulte, le vieillard une apparence de vieillard; car on ne peut dire que l'homme soit un homme, l'enfant un enfant, le jeune homme un jeune homme, l'homme fait un homme fait, le vieillard un vieillard; en se transformant ils nous trompent et sur ce qu'ils étaient et sur ce qu'ils sont. Ne vois donc dans tout cela, mon fils, que des manifestations menteuses d'une vérité supérieure ; et puisqu'il en est ainsi, j'appelle le mensonge une expression de la vérité.

(Stobée, Florilegium, xi.)

 

X

 

Comprendre Dieu est difficile, en parler impossible; car le corps ne peut exprimer l'incorporel, l'imparfait ne peut embrasser le parfait. Comment associer l'éternel à ce qui dure peu de temps? L'un demeure toujours, l'autre passe; l'un est la vérité, l'autre est une ombre imaginaire. Autant la faiblesse diffère de la force, la petitesse de la grandeur, autant le mortel diffère du divin. La distance qui les sépare obscurcit la vision du beau. Les corps sont visibles aux yeux, et ce que l'œil voit la langue peut l'exprimer ; mais ce qui n'a ni corps, ni apparence, ni forme, ni matière ne peut être saisi par nos sens. Je comprends, ô Tat, je comprends ce qui ne peut s'exprimer, voilà Dieu.

(Stobée, Florilegium, lxxviii.)

 

FRAGMENTS DES LIVRES D'HERMÈS A AMMON

 

I

SUR L'ÉCONOMIE GÉNÉRALE

 

Ce qui gouverne l'univers, c'est la providence; ce qui le contient et l'enveloppe, c'est la nécessité; la destinée pousse et contient tout par une force obligatoire qui est sa nature. Elle est la cause de la naissance et de la corruption de la vie. Le monde a donc le premier la providence, car il la reçoit d'abord. La providence se répand dans le ciel, autour duquel circulent les Dieux d'un mouvement infatigable et éternel. Il y a destinée parce qu'il y a nécessité. La providence prévoit, la destinée est la cause de la position des astres. Telle est la loi universelle.

(Stobée, Ecl. phys., vi, 16.)

 

II

 

Tout est produit par la nature et la destinée, et il n'y a pas un lieu vide de providence. La providence est la raison libre du Dieu céleste; il a deux forces spontanées, la nécessité et la destinée. La destinée est soumise à la providence et à la nécessité; à la destinée sont soumis les astres. Car nul ne peut éviter la destinée ni se préserver de l'action des astres· Ils sont les instruments de la destinée, c'est par elle qu'ils accomplissent tout dans la nature et dans l'humanité· (Stobée, Ecl. phys., vr, 20.)

 

III

 

L'âme est donc une essence incorporelle, et lorsqu'elle est dans le corps elle ne perd pas entièrement sa manière d'être. Son essence est un perpétuel mouvement, le mouvement spontané de la pensée; elle n'est mue ni en quelque chose, ni vers quelque chose, ni pour quelque chose. Car elle est une force première, et ce qui précède n’a pas besoin de ce qui suit. L'expression en quelque chose s'applique au lieu, au temps, à la nature: vers quelque chose s'applique à une harmonie, à une forme, à une figure; pour quelque chose s'applique au corps, car le temps, le lieu, la nature, se rapportent au corps. Tous ces termes sont unis entre eux par des liens réciproques. Le corps a besoin du lieu, car on ne peut concevoir un corps sans la place qu'il occupe; il change dans sa nature; ces changements ne sont possibles que dans le temps et par un mouvement de la nature ; les parties du corps ne peuvent être unies sans l'harmonie. L'espace existe à cause du corps, car il en contient les changements et ne le laisse pas s'anéantir dans ces changements; le corps passe d'un état à un autre, mais en quittant son premier état il ne cesse pas d'être le corps, il prend un nouvel état. Il était corps, il reste corps; sa condition seule est différente : ce qui change dans le corps c'est la qualité," la manière d'être. Le lieu, le temps, le mouvement naturel sont donc incorporels et ont chacun leur propriété particulière. Le propre de l'espace, c'est de contenir; le propre du temps, c'est l'intervalle et le nombre; le propre de la nature, c'est le mouvement; le propre de l'harmonie, c'est l'amitié ; le propre du corps, c'est le changement; le propre de l'âme, c'est la pensée.

(Stobée, Ecl. phys., xliii, 4.)

 

IV

 

Chaque mouvement est produit par l'énergie qui meut l'ensemble des choses. La nature de l'univers lui fournit deux sortes de mouvement, l'un selon la puissance de la nature, l'autre selon son activité. La première pénètre l'ensemble du monde et agit en dedans, l'autre l'enveloppe et agit en dehors; ces deux actions vont ensemble. La nature universelle produit les êtres, les entretient, répand ses semences fécondes dans la matière mobile. La matière s'échauffe par le mouvement et devient feu et eau, l'élément actif et l'élément passif. Le feu, en s'opposant à l'eau, en dessèche une partie et produit la terre. De cette action desséchante sort une vapeur formée d'eau, de terre et de feu, et c'est ainsi que l’air prend naissance. Ces quatre éléments se combinent selon une loi d'harmonie, le chaud avec le froid, le sec avec l’humide, et de leur concours naît un souffle, et une semence analogue au souffle qui la contient. Ce souffle, tombant dans l'utérus, agit sur la semence, la transforme, l'accroît en force et en grandeur. A ce développement s'ajoute un simulacre de figure, et à cette figure s'attache la forme qui manifeste les choses. Et, comme le souffle n'avait pas dans la matrice un mouvement vital, mais un mouvement de fermentation, l'harmonie en fait le réceptacle de la vie intelligente. Celle-ci est indivise et immuable, et ne cesse jamais de l'être. Le germe contenu dans l'utérus est mis au jour par les nombres et produit au dehors; l'âme s'y loge, non à cause d'une analogie de nature, mais par une loi fatale; elle ne désire pas être unie au corps : c'est donc pour obéir à la destinée qu'elle fournit à l'être qui naît le mouvement intellectuel et l'essence idéale de sa vie ; car en s'introduisant avec l'esprit, elle produit le mouvement vital.

(Stobée, Ecl. phys., xliii, 4. Patrizzi réunit ce fragment au précédent.)

 

V

 

L'âme est donc une essence incorporelle ; si elle avait un corps, elle ne pourrait se conserver elle-même, car tout corps a besoin de l'être, de la vie, qui consiste dans l'ordre. Partout où il y a naissance, il y a changement. Le devenir suppose une grandeur, c'est-à-dire une augmentation; l'augmentation entraîne la diminution, qui elle-même aboutit à la destruction. Ce qui reçoit la forme de la vie participe à l'être par l'âme. Pour produire l'existence, il faut d'abord exister; j'appelle exister, devenir en raison et participer à la vie intelligente. La vie constitue l'animal, l'intelligence le rend raisonnable, le corps le rend mortel. L'âme est donc incorporelle et possède une puissance immuable. L'animal intelligent peut-il exister sans une essence fournissant la vie? Pourrait-il être raisonnable si une essence intelligente ne lui fournissait la vie rationnelle? Si l'intelligence ne se manifeste pas dans tous les êtres, c'est par suite de la constitution du corps eu égard à l'harmonie. Si c'est le chaud qui domine dans cette constitution, l'animal est léger et ardent; si c'est le froid, il est lourd et lent. La nalure dispose les éléments du corps selon une loi d'harmonie. Cette combinaison harmonique a trois formes : le chaud, le froid et le tempéré. L'accord s'établit d'après l'influence des astres. L'âme s'empare du corps qui lui est destiné, et le fait vivre par l'opération de la nature. La nature assimile l'harmonie des corps à la disposition des astres, et la combinaison des éléments à l'harmonie des astres, afin qu'il y ait sympathie réciproque. Car le but de l'harmonie des astres est d'engendrer la sympathie selon la destinée.

(Stobée, Ecl. phys., lii, 3.)

 

VI

 

L'âme est donc, ô Ammon, une essence ayant sa fin en elle-même, recevant à l'origine la vie qui lui est destinée, et attirant à elle, comme une matière, une raison qui a la fougue et le désir. La fougue est une matière ; si elle s'accorde avec la partie intelligente de l'âme, elle devient le courage et ne cède pas à la crainte. Le désir aussi est une matière; associé à la partie raisonnable de l'âme, il devient la tempérance et ne cède pas à la volupté. Car la raison supplée à l'aveuglement du désir. Quand les facultés de l'âme se coordonnent ainsi sous la suprématie de la raison, elles produisent la justice. Le gouvernement des facultés de l'âme appartient à l'essence intelligente qui existe en elle-même dans sa raison prévoyante, qui a pour autorité sa propre raison. Elle gouverne tout comme un magistrat; sa raison prévoyante lui sert de conseiller. La raison de l'essence est la connaissance des raisonnements qui fournissent à l'irrationnel l’image du raisonnement; image obscure relativement au raisonnement, raisonnable par rapport à l'irrationnel, comme l'écho par rapport à la voix, ou l'éclat de la lune par rapport au soleil. La fougue et le désir sont disposés selon une certaine raison, s'attirent réciproquement et établissent en eux une pensée circulaire.

(Stobée, Ecl. phys., lii, 4. Patrizzi réunit ce fragment au précédent.)

 

VII

 

Toute âme est immortelle et toujours en mouvement. Car nous avons dit que les mouvements procèdent soit des énergies, soit des corps. Nous avons dit aussi que l'âme, étant incorporelle, vient, non d'une matière, mais d'une essence incorporelle elle-même. Tout ce qui naît est nécessairement produit par quelque chose. Deux mouvements suivent nécessairement toute chose dont la génération est suivie de corruption : celui de l'âme, qui la fait mouvoir, et celui du corps, qui l'augmente, la diminue, et la décompose en se décomposant lui-même. C'est ainsi que je définis le mouvement des corps corruptibles. Mais l'âme est toujours mobile, sans cesse elle se meut et produit le mouvement. Ainsi toute âme est immortelle et toujours mobile, ayant pour mouvement sa propre actinie. Il y a trois espèces d'âmes : divine, humaine et irrationnelle. L'âme divine appartient à un corps divin, c'est en lui qu'elle a son énergie; elle s'y meut et l'agite. Lorsqu'elle se sépare des êtres mortels, elle abandonne ses parties irrationnelles et entre dans le corps divin, et, comme elle est toujours mobile, elle est emportée dans le mouvement universel. L'âme humaine a aussi quelque chose de divin, mais elle est attachée à des éléments irrationnels, le désir et la fougue ; ces éléments sont immortels, car ce sont des énergies, mais ce sont les énergies des corps mortels; aussi sont-elles éloignées de la partie divine de l'âme, qui est dans le corps divin. Lorsque celle-ci entre dans un corps mortel et y rencontre ces éléments irrationnels, par leur présence elle devient une âme humaine. Celle des animaux se compose de fougue et de désir. Aussi les animaux sont-ils appelés brutes, parce que leur âme est privée de raison. La quatrième espèce d'âmes, celle des êtres inanimés, est placée en dehors des corps qu'elle agite. Elle se meut dans le corps divin, et le meut comme en passant.

(Stobée, Ecl. phys., lii, 5.)

 

VIII

 

L'âme est donc une essence éternelle et intelligente, ayant pour pensée sa propre raison. Elle s'associe à la pensée de l'harmonie. Séparée du corps physique, elle persiste par elle-même, elle est indépendante dans le monde idéal. Elle gouverne sa raison, et apporte à l'être qui entre dans la vie un mouvement analogue à sa propre pensée, et qu'on nomme la vie; car le propre de l'âme c'est d'assimiler les autres choses à son caractère. Il y a deux sortes de mouvement vital, l'un selon l'essence de l'âme, l'autre selon la nature du corps. Le premier est général, le second particulier; l'un est indépendant, l'autre soumis à la nécessité. Car tout mobile est soumis à la loi nécessaire du moteur. Mais le mouvement moteur est uni par l'amour à l'essence intelligente. L'âme doit être incorporelle et son essence est étrangère au corps physique; si elle avait un corps, elle n'aurait ni raison ni pensée. Tout corps est inintelligent, mais en recevant l'essence il devient un animal qui respire. Le souffle appartient au corps, la raison contemple la beauté de l'essence. Le souffle sensible discerne les apparences. Il est partagé en sensations organiques, et la vision spirituelle est une partie de lui; de même le souffle acoustique, olfactif, dégustatif, tactile. Ce souffle, attiré par la pensée, discerne les sensations, autrement il ne crée que des fantômes, car il appartient au corps et reçoit tout. La raison de l'essence est le jugement. A la raison appartient la connaissance de ce qui est honorable, au souffle l'opinion. Celle-ci, reçoit son énergie du monde extérieur, celle-là d'elle-même.

(Stobée, Ecl. phys., lii, 6. Patrizzi réunit ce morceau au précédent.)

 

IX

 

Il y a donc l'essence, la raison, l'intelligence, la perception. L'opinion et la sensation se portent vers la perception, la raison vers l'essence, la pensée marche par elle-même. La pensée est associée à la perception. Unies l’une à l'autre, elles deviennent une seule forme, qui est celle de l'âme. L'opinion et la sensation se portent aussi vers la perfection, mais elles ne restent pas dans le même état, il y a excès, défaut, différence. En se séparant de la perception elles se détériorent, en s'en rapprochant et la suivant, elles participent de la raison intellectuelle par les sciences. Nous avons le choix, il dépend de nous de choisir le meilleur ou le

 

FRAGMENTS DIVERS.

 

I

Il y a donc l’essence, la raison, l’intelligence, la perception. L’opinion et la sensation se portent vers la perception, la raison vers l’essence, la pensée marche par elle-même. La pensée est associée à la perception. Unies l’une à l’autre, elles deviennent une seule forme, qui est celle de l’âme. L’opinion et la sensation se portent aussi vers la perfection, mais elles ne restent pas dans le même état, il y a excès, défaut, différence. En se séparant de la perception elles se détériorent, en s’en rapprochant et la suivant, elles participent de la raison intellectuelle par les sciences. Nous avons le choix, il dépend de nous de choisir le meilleur ou le pire par notre volonté. Le choix du mal nous rapproche de la nature corporelle et nous soumet à la destinée. L’essence intellectuelle qui est en nous étant libre, la raison intellectuelle est libre aussi, toujours identique à elle-même et indépendante de la destinée. En suivant la raison première et intelligente, établie par le premier Dieu, elle est au-dessus de l’ordre établi par la nature sur les êtres créés, mais l’âme qui s’attache à ceux-ci participe à leur destinée, quoique étrangère à leur nature.

(Stobée, Eclogues morales, viii, 31.)

 

II

FRAGMENT DU LIVRE D’ISIS

 

Un reproche accepté, ô grand roi, inspire le désir de ce qu’on ignorait auparavant.

(Stobée, Florilegium, xiii.)

 

III

FRAGMENT DU LIVRE D’APHRODITE

 

Pourquoi les enfanta naissent-ils semblables à leurs parents? Est-ce l’effet de la parenté? J’en dirai la raison. Quand la génération tire la semence du sang le plus pur, il arrive qu’une certaine essence s’échappe de tout le corps par une divine énergie, comme si le même homme était engendré. La même chose arrive dans la femme. Quand l’effluve de l’homme domine et demeure intact, l’enfant ressemble au père; dans le cas contraire, à la mère. Si quelque partie est plus abondante, la ressemblance se produit dans cette partie. Il arrive que pendant une longue suite de générations les enfants ressemblent à celui qui les a engendrés, quand le même Décan a présidé à l’heure de la conception.

(Stobée, En. xiv, 2.)

 

IV

Il y a donc une préexistence au-dessus de tous les êtres et de ce qui est réellement. La préexistence est ce par quoi l'essentialité universelle est commun à tous les êtres intelligibles véritablement existants, et aux êtres pensés en eux-mêmes. Leurs contraires, conçus par opposition, sont aussi en eux-mêmes (?). La nature est l'essence sensible ayant en elle-même tous les objets sensibles. Au milieu sont les Dieux intellectuels et les Dieux sensibles. Les concepts de l'intelligence sont en rapport avec les Dieux intelligibles, les choses d'opinions avec les Dieux sensibles, qui sont les images des intelligences; par exemple, le soleil est l'image du Dieu céleste et créateur. Car, de même que celui-ci a créé l'univers, le soleil crée les animaux, produit les plantes [et gouverne les fluides?].

(Stobée, Ecl. phys., xliiî, 11.)

C'est pourquoi, que l'œil incorporel sorte du corps pour contempler le beau; qu'il s'élève et contemple non la figure, non le corps, non l'apparence, mais ce qui peut tout, ce qui est calme, tranquille, solide, immuable, ce qui est tout, seul et unique, ce qui est par soi-même et en soi-même, semblable à soi-même et non différent.

******************

Si tu comprends cet unique et seul bien, tu ne trouveras rien impossible, car il est toute vertu. Ne pense pas qu'il soit dans quelqu'un, ne dis pas qu'il est hors de quelqu'un. Il est sans terme, il est le terme de tout· Rien n-e le contient, il contient tout en lui. Quelle différence y a-t-il entre le corps et l'incorporel, le créé et l'incréé, ce qui est soumis à la nécessité et ce qui est libre, entre les choses terrestres et les choses célestes, les choses corruptibles et les choses éternelles? N'est-ce pas que les unes existent librement et que les autres sont soumises à la nécessité? Ce qui est en bas est imparfait et corruptible.

(Cyrille, Contre Julien.)

 

V

FRAGMENT DU LIVRE Ier DES DIGRESSIONS

 

Veux-tu nous expliquer la naissance du soleil, et d où il est venu?

— Le Seigneur de toutes choses cria tout à coup de sa parole sainte, intelligente et créatrice : « Que le soleil soit! » Et en même temps qu'il parlait, la nature suscita par son souffle et fit sortir de l'eau le feu pur, brillant, actif et fécond.

Et, continua-t-il, Osiris dit : Ensuite, ô très grand bon Démon, comment apparut toute la terre?

Et le grand bon Démon dit : La concrétion et le dessèchement des éléments dont j'ai parlé, et l’ordre donné à la masse des eaux par l'Intelligence de se retirer sur elles-mêmes, fit paraître toute la terre, bourbeuse et tremblante. Le soleil continuant à briller et ne cessant pas de chauffer et de dessécher, la terre s'affermit dans les eaux qui l'enveloppaient. Et Dieu dit de sa sainte parole : « Croissez en accroissement et multipliez en nombre,[8] toutes mes œuvres et mes créations. »

(Cyrille, Contre Julien.)

 

VI

 

La pyramide est placée sous la nature et le monde idéal. Elle a un chef établi au-dessus d'elle, le verbe créateur du maître universel, qui est après lui la première puissance incréée, infinie, sortie de lui et préposée à toutes ses créations. Il est le rejeton du très parfait, le fécond, le fils légitime, [mais tu ne l’as pas compris[9]], La nature de ce verbe intelligent est une nature génératrice et créatrice. C'est comme sa généra-lion, ou sa nature, ou son caractère, appelle-le comme tu voudras. Pense seulement ceci, qu'il est parfait dans le parfait et sorti du parfait, qu'il fait des œuvres parfaitement bonnes, et qu'il est l'auteur de la création et de la vie. Puisque telle est sa nature, il est bien nommé.

Sans la providence du seigneur de l'univers qui me fait révéler ce discours, vous n'auriez pas un si grand désir de rechercher ces choses. Maintenant, écoutez la fin de ce discours. Cet esprit dont j'ai souvent parlé est nécessaire à tout; car il porte tout, il donne la vie à tout, il nourrit tout. Il coule de la source sainte et vient sans cesse en aide aux esprits et à tous les êtres vivants.

(Cyrille, Contre Julien.)

 

VII

 

On lit dans le Lexique de Suidas :

Hermès Trismégiste. C'était un sage égyptien antérieur à Pharaon. Il fut appelé Trismégiste (trois fois très grand), parce qu'il a dit que dans la triade (trinité) il y a une seule divinité :

« Ainsi était la lumière idéale avant la lumière idéale, et toujours était l'intelligence lumineuse de l'intelligence, et son unité n'était pas autre chose que le fluide (esprit) enveloppant l'univers. Hors de lui, ni Dieu, ni anges, ni aucune autre essence, car il est le seigneur de toutes choses et le père et le Dieu,[10] et tout dépend de lui et est en lui. Son verbe parfait, générateur et créateur étant tombé dans la nature génératrice et dans l'eau génératrice, rendit l'eau féconde..... »

Ayant ainsi parlé, il se leva et dit : « Je t'adjure, ciel, œuvre sage du grand Dieu, je t'adjure, voix du père, qu'il a prononcée la première quand il a fabriqué le monde universel; je t'adjure par le verbe, fils unique du père qui embrasse toutes choses, sois propice, sois propice. »

Ce fragment, dans l'édition de Patrizzi (xx, page 51), est précédé par cette phrase :

Il n'est pas permis de communiquer de tels mystères à ceux qui ne sont pas initiés. Écoutez avec l'intelligence.

Dans la suite du morceau, Patrizzi introduit encore d'après Cyrille et Cedrenus, quelques variantes qui rendent la pensée un peu plus obscure. Dans l'invocation qui termine le fragment, il est facile de reconnaître, sous une forme altérée, des vers orphiques cités par saint Justin et qu'on trouve dans le fragment V des Poésies orphiques.

 

VIII

Sept astres errants circulent dans les routes de l’Olympe, et avec eux est filée l’éternité. La Lune qui brille la nuit, le lugubre Kronos, le doux Soleil, la Paphienne, protectrice de l'hymen, le courageux Ares, le fécond Hermès, et Zeus, principe de la naissance, source de la nature. Les mêmes ont reçu en partage la race humaine, et il y a en nous la Lune, Zeus, Ares, Aphrodite, Kronos, le Soleil, Hermès. Aussi tirons-nous du fluide éthéré les larmes, le rire, la colère, la parole, la génération, le sommeil, le désir. Les larmes c'est Kronos, Zeus la génération, Hermès la parole, Ares le courage, la Lune le sommeil, Kythérée le désir, le Soleil le rire, car c'est lui qui égaie la pensée humaine et le monde infini.

(Stobée, Ecl. phys., vi, 14.)

Ce morceau est en vers, ce qui fait supposer à Heeren que c'est un fragment orphique. Il me semble qu'on pourrait plutôt le rapprocher des Apotélesmatiques de Manéthon.

 

IX

 

On lit dans les Institutions divines de Lactance, II, 15 :

« Hermès affirme que ceux qui connaissent Dieu sont à l'abri des attaques du démon, et qu'ils ne sont pas même soumis au destin :

Le seul préservatif, dit-il, est la piété; ni le mauvais démon, ni la destinée n'ont de pouvoir sur l'homme pieux, car Dieu le garantit de tout mal; le seul et unique bien pour l'homme est la piété.

« Ce que c'est que la piété, il l'explique ailleurs en ces termes :

La piété est la connaissance de Dieu.

« Asclèpios, son disciple, expose plus longuement la même pensée dans le discours d'initiation qu'il adresse au roi. L'un et l'autre affirment que les démons sont ennemis de l'homme et lui font du mal. Aussi Trismégiste les appelait-il les mauvais anges. »

Les autres passages cités par Stobée, Lactance et Cyrille sont empruntés aux écrits hermétiques qui nous sont parvenus et qui forment les deux premiers livres de cette traduction. Les deux fragments donnés par Patrizzi, page 51, et dont Fabricius n'indique pas l'origine, sont des citations faites par Lactance du Discours d'initiation.

 

LES DÉFINITIONS, ASCLÈPIOS AU ROI AMMON

I

DU SOLEIL ET DES DÉMONS

 

Je t'adresse, ô roi, un grand discours qui est comme la somme et le résumé de tous les autres. Loin d'être conforme à l'opinion de la foule, il lui est très contraire. Il te semblera même contredire quelques-uns de mes discours. Hermès, mon maître, qui s'entretenait souvent avec moi, seul à seul ou en présence de Tat, disait que ceux qui liraient mes livres en trouveraient la doctrine simple et claire, tandis qu'au contraire elle est obscure et contient un sens caché. Elle est devenue plus obscure encore depuis que les Grecs ont voulu la traduire de notre langue dans la leur. C'est là une source de contresens et d'obscurité. Le caractère de la langue égyptienne, l'énergie des mots qu'elle emploie, en font comprendre le sens. Autant donc que tu le pourras, ô roi, et tu peux tout, fais que ce discours ne soit pas traduit, de peur que ces mystères ne pénètrent chez les Grecs, et que leur phrase pompeuse, diffuse et surchargée d'ornements n'affaiblisse la vigueur et n'amoindrisse la gravité auguste et l'énergie de l'expression. Les Grecs, ô roi, ont des formes nouvelles de langage pour produire des preuves, et leur philosophie est un bruit de paroles. Nous, au contraire, nous employons, non des paroles, mais la grande voix des choses.

Je commencerai ce discours par invoquer le Dieu maître de l'univers, le créateur et le père, qui enveloppe tout, qui est tout dans un et un dans tout. Car la plénitude de toutes choses est l'unité et dans l'unité; il n'y a pas un terme inférieur à l'autre, les deux ne sont qu'un. Conserve cette pensée, ô roi, pendant toute l'exposition de mon discours. On chercherait en vain à distinguer le tout et l'unité en appelant tout la multitude des choses et non la plénitude; celte distinction est impossible, car le tout n'existe plus si on le sépare de l’unité; si l'unité existe, elle est dans la totalité ; or, elle existe et ne cesse jamais d'être une pour dissoudre la plénitude.

Il se trouve dans l'intérieur des terres des sources jaillissantes d'eau et de feu; on voit là les trois natures du feu, de l'eau et de la terre, partant d'une commune racine, ce qui fait penser qu'il y a un réservoir général de la matière, fournissant tout en abondance et recevant l'existence d'en haut. C'est ainsi que le ciel et la terre sont gouvernés par le créateur, j'entends le soleil, qui fait descendre l'essence et monter la matière, qui attire l'univers à lui, qui donne tout à tous et prodigue les bienfaits de sa lumière. C'est lui qui répand ses bienfaisantes énergies non seulement dans le ciel et dans l'air, mais sur la terre et jusque dans les profondeurs de l'abîme. Et s'il y a une essence intelligible, ce doit être la substance même du soleil, dont sa lumière est le réceptacle. Quelle en est la constitution et la source, lui seul le sait. Pour comprendre par induction ce qui se dérobe à notre vue, il faudrait être près de lui et analogue à sa nature. Mais ce qu'il nous laisse voir n'est pas une conjecture, c'est la vision splendide qui illumine l'ensemble du monde supérieur.

Il est établi au milieu de l'univers comme celui qui porte les couronnes; et, pareil à un bon cocher, il dirige et maintient le char du monde et l'empêche de s'égarer. Il en tient les rênes, qui sont la vie, l'âme, l'esprit, l'immortalité, la génération. Il le laisse courir à peu de distance de lui, ou, pour être plus vrai, avec lui. Et voici de quelle manière il forme toutes choses : Il distribue aux immortels l'éternelle permanence. La lumière, qui de sa partie supérieure monte vers le ciel, nourrit les parties immortelles du monde. Le reste, enveloppant et illuminant l'ensemble de l'eau, de la terre, de l'air, est la matrice où germe la vie, où se meuvent les naissances et les métamorphoses. Comme une hélice en mouvement, il transforme les animaux qui habitent ces portions du monde, il les fait passer d'un genre à l'autre et d'une apparence à l'autre, équilibrant leurs mutuelles métamorphoses, comme dans la création des grands corps. Car la permanence d'un corps est toujours une transformation. Mais les corps immortels sont indissolubles, les corps mortels se décomposent; telle est la différence qui existe entre l’immortel et le mortel. Cette création de la vie par le soleil est continue comme sa lumière, et rien ne l'arrête ou ne la limite. Autour de lui, comme une armée de satellites, sont de nombreux chœurs de Démons. Ils habitent dans le voisinage des immortels, et de là ils surveillent les choses humaines. Ils exécutent les ordres des Dieux par les tempêtes et les ouragans, les métamorphoses du feu et les tremblements de terre, ainsi que par les famines et les guerres, pour punir l’impiété. Car le plus grand crime des hommes c'est l'impiété envers les Dieux. La fonction des Dieux est de faire le bien, celle des hommes d'être pieux, celle des Démons de châtier. Les Dieux ne demandent pas compte à l'homme des fautes commises par erreur, par témérité, par cette nécessité qu'on nomme la destinée, ou par ignorance; l'impiété seule tombe sous le coup de leur justice.

C'est le Soleil qui conserve et nourrit tous les êtres ; et de même que le monde idéal, qui enveloppe le monde sensible, y répand la plénitude et l'universelle variété des formes : ainsi le soleil, enveloppant tout de sa lumière, accomplit partout la naissance et le développement des êtres, et les recueille quand ils tombent fatigués de leur course. Il a sous ses ordres le chœur des Démons, ou plutôt les chœurs, car ils sont plusieurs et différents, et leur nombre répond à celui des astres. Chaque astre a ses démons, bons et méchants par leur nature, c'est-à-dire parleur action, car l'action est l'essence des démons. Dans quelques-uns il y a du bon et du mauvais. Tous ces démons sont préposés aux choses de la terre; ils agitent et bouleversent la condition des États et des individus, ils façonnent nos âmes à leur ressemblance, s'établissent dans nos nerfs, notre moelle, nos veines, nos artères et même dans notre cervelle, et jusqu'au fond de nos viscères. Au moment où chacun de nous reçoit la vie et Pâme, il est saisi par les démons qui président aux naissances, et qui sont classés dans les astres. A chaque instant ils sont changés, ce ne sont pas toujours les mêmes, ils tournent en cercle. Ils pénètrent par le corps dans deux des parties de l'âme, pour la façonner chacun selon son énergie. Mais la partie raisonnable de l'âme n'est pas soumise aux démons, elle est disposée pour recevoir Dieu, qui l'éclairé d'un rayon de soleil. Ceux qui sont éclairés ainsi sont peu nombreux, et les démons s'en abstiennent ; car ni les démons ni les Dieux n'ont aucun pouvoir contre un seul rayon de Dieu. Tous les autres, âmes et corps, sont dirigés par les démons, s'y attachent et en aiment les œuvres; mais la raison n'est pas comme le désir qui trompe et qui s'égare. Les démons ont donc la direction des choses terrestres, et nos corps leur servent d'instruments. Cette direction, Hermès l'appelle la Destinée.

Le monde intelligible se rattache à Dieu, le monde sensible au monde intelligible; le soleil conduit à travers ces deux mondes l'effluve de Dieu, c'est-à-dire la création. Autour de lui sont les huit sphères qui s'y rattachent, la sphère des étoiles fixes, les six sphères des planètes et celle qui entoure la terre. Les démons sont attachés à ces sphères, les hommes aux démons, et ainsi tous les êtres se rattachent à Dieu, qui est le père universel. Le créateur, c'est le soleil; le monde est l'instrument de la création. L'essence intelligible dirige le ciel, le ciel dirige les Dieux, au-dessous desquels sont classés les démons qui gouvernent les hommes. Telle est la hiérarchie des Dieux et des démons, et telle est l'œuvre que Dieu accomplit par eux et pour lui-même. Toute chose est une partie de Dieu, ainsi Dieu est tout. En créant tout, il se crée lui-même sans jamais s'arrêter, car son activité n'a pas de terme, et, de même que Dieu est sans bornes, sa création n'a ni commencement ni fin.

Si tu y réfléchis, ô roi, il y a des corps incorporels. — Lesquels, dit le roi? — Les corps qui apparaissent dans les miroirs ne te semblent-ils pas incorporels? — C'est vrai, ô Tat, dit le roi ; tu as une pensée merveilleuse. — Il y a encore des incorporels; par exemple, les formes, qu'en penses-tu? Elles sont incorporelles et se manifestent dans les corps animés et inanimés. — Tu dis vrai, ô Tat. — Il y a donc une réflexion des incorporels sur les corps, et des corps sur les incorporels, c'est-à-dire du monde sensible sur le monde idéal, et du monde idéal sur le monde sensible. Ο roi, adore donc les statues, qui, elles aussi, empruntent leurs formes au monde sensible.

Le roi, s'étant levé, dit : « Ne doit-on pas, ô prophète, s'occuper du soin de ses hôtes? Demain nous continuerons cet entretien théologique.[11] »

 

II

DES ENTRAVES QU'APPORTENT A L’AME LES PASSIONS DU CORPS

 

Lorsqu'un musicien, voulant exécuter une mélodie, se trouve arrêté par le défaut d'accord des instruments, il n'obtient qu'un résultat ridicule; ses efforts inutiles excitent les railleries des assistants; c'est en vain qu'il déploie toutes les ressources de son art et accuse l'instrument faux qui le réduit à l'impuissance. Le grand musicien de la nature, le Dieu qui préside à l'harmonie des odes et qui fait résonner les instruments selon le rythme de sa mélodie, est infatigable, car la fatigue n'atteint pas les Dieux. Si un artiste veut donner un concert de musique, quand les joueurs de trompette ont donné la mesure de leur talent, quand les joueurs de flûte ont exprimé les finesses de la mélodie, quand la lyre et l'archet ont accompagné le chant, on n'accuse pas l'inspiration du musicien, on lui accorde l'estime que mérite son œuvre; mais on se plaint de l'instrument dont le désaccord a troublé la mélodie et empêché les auditeurs d'en saisir la pureté. De même la faiblesse de notre corps ne peut sans impiété être reprochée à (l'auteur de) notre race. Mais sache que Dieu est un artiste au souffle infatigable, toujours maître de sa science, toujours heureux dans ses efforts, et répandant partout les mêmes bienfaits. Si Phidias, l'ouvrier créateur, a trouvé une résistance dans la matière qu'il lui fallait employer pour son œuvre, n'accusons pas l'artiste qui a travaillé selon son pouvoir; plaignons-nous d'une corde trop faible qui, en abaissant ou en élevant la note, a fait disparaître le rythme, mais n'accusons pas l'artiste des vices de l'instrument; plus celui-ci est mauvais, plus celui-là mérite d'éloges quand il parvient à en jouer dans le ton juste. Les auditeurs l'en aiment davantage, loin de lui rien reprocher. C'est ainsi, ô très illustres, qu'il faut mettre notre lyre intérieure d'accord avec la pensée du musicien.

Je vois même qu'un musicien, privé du secours de la lyre et devant produire un grand effet d'harmonie, a pu suppléer par des moyens inconnus à l'instrument dont il avait l'habitude, au point d'exciter l'enthousiasme de ses auditeurs. On dit qu'un joueur de cithare, auquel le Dieu de la musique était favorable, ayant été arrêté par la rupture d'une corde pendant l'exécution d'une mélodie, la bienveillance du Dieu y suppléa et fit valoir son talent; par un secours providentiel, une cigale remplaça la corde rompue et exécuta les notes qui manquaient. Le musicien, consolé de l'accident qui l'avait affligé, remporta la victoire. Je sens en moi quelque chose de pareil, ô très honorables; tout à l'heure j'étais convaincu de mon impuissance et de ma faiblesse, mais la puissance de l'être suprême complète à ma place la mélodie en faveur du roi. Car le but de ce discours est de célébrer la gloire des rois et leurs trophées. En avant, donc! le musicien le veut, et c'est pour cela que la lyre est accordée. Que la grandeur et la suavité de la mélodie répondent à l'objet de nos chants!

Puisque nous avons accordé la lyre pour chanter l'éloge des rois et célébrer leurs louanges, chantons d'abord le Dieu bon, le roi suprême de l'univers. Après lui, nous glorifierons ceux qui nous offrent son image et qui tiennent le sceptre. Il plaît aux rois eux-mêmes que l'ode descende d'en haut, de degrés en degrés, el que les espérances se rattachent au ciel d'où leur vient la victoire. Que le musicien chante donc le grand Dieu de l'univers, toujours immortel, dont la puissance est éternelle comme lui, le premier vainqueur de qui viennent toutes les victoires qui succèdent aux victoires. Accélérons la marche de notre discours, arrivons à l'éloge des rois, gardiens de la paix et de la sécurité publique, qui tiennent du Dieu suprême leur antique pouvoir, qui ont reçu la victoire de sa main ; ceux dont le sceptre a été orné même avant les désastres de la guerre, dont les trophées ont précédé le combat; ceux auxquels il a été donné non seulement de régner, mais de triompher de tous ; ceux qui, même avant de s'être mis en mouvement, frappent les barbares d'épouvante.

 

III

LOUANGES DE L'ÊTRE SUPRÊME ET ÉLOGE DU ROI

 

Ce discours finit par où il a commencé, par les louanges de l'être suprême, et ensuite des rois très divins qui nous garantissent la paix. Après avoir commencé par célébrer la puissance suprême, c'est à cette puissance que nous revenons en terminant. De même que le soleil nourrit tous les germes et reçoit les prémices des fruits qu'il cueille avec ses rayons, comme avec de grandes mains, de même que ces mains ou ces rayons cueillent d'abord ce qu'il y a de plus suave dans les plantes, ainsi nous-mêmes, après avoir commencé par célébrer l'être suprême et l'effluve de sa sagesse, après avoir recueilli dans nos âmes ces plantes célestes, il nous faut cultiver encore cette moisson bénie qu'il arrosera de ses pluies fécondes.

Il faudrait dix mille bouches et dix mille voix pour bénir le Dieu de toute pureté, le père de nos âmes, et nous serions impuissants à le célébrer dignement ; car des enfants nouveau nés ne peuvent dignement célébrer leur père, mais ils font selon leurs forces et obtiennent ainsi l'indulgence. Ou plutôt, la gloire de Dieu, c'est qu'il est supérieur à toutes ses créatures; il est le prélude, le but, le milieu et la fin de leurs louanges; elle confessent en lui leur père tout-puissant et infini.

Il en est de même du roi. Il est naturel à nous, qui sommes ses enfants, de le bénir; mais il nous faut demander l'indulgence de notre père, quand même elle nous aurait été accordée avant notre demande. Un père, loin de se détourner de ses petits-fils et de ses enfants nouveau-nés à cause de leur faiblesse, se réjouit de se voir reconnu par eux. Cette connaissance (gnose) universelle qui communique la vie à tous et nous permet de bénir Dieu est elle-même un don de Dieu. Car Dieu, étant bon, a en lui-même le terme de toute perfection; étant immortel, il enveloppe en lui l’immortelle quiétude, et sa puissance éternelle envoie dans ce monde une bénédiction salutaire. Il n'y a pas de différences entre les êtres qu'il contient, pas de variations; tous sont sages, une même providence est en tous, une même intelligence les gouverne, un même sentiment les pousse à une mutuelle bienveillance, et un même amour produit une harmonie universelle.

Ainsi, bénissons Dieu et redescendons à ceux qui ont reçu de lui le sceptre. Après avoir commencé par les rois et nous être exercés à célébrer leurs louanges, il nous faut glorifier la piété envers l’être suprême. Que lui-même nous instruise à le bénir; exerçons-nous par lui à cette étude. Que notre premier et principal exercice soit la piété envers Dieu et la louange des rois. Car notre reconnaissance leur est due pour la paix féconde dont ils nous font jouir. C'est la vertu du roi, c'est son nom seul qui garantit la paix; on le nomme le roi (βασιλεύς) parce qu'il marche (βαίνειν) dans sa royauté et sa puissance, et qu'il règne par la raison et la paix. Il est au-dessus de toute royauté barbare ; son nom même est un symbole de paix. Le nom seul du roi suffit souvent pour repousser l'ennemi.[12] Ses statues sont des phares de paix dans la tempête. La seule image du roi produit la victoire, donne à tous la sécurité et rend invulnérable.

FIN.


 

 

[1] Il oppose, d'après Platon, l'intelligence, la partie une de l'âme, à ses deux autres parties, la fougue et le désir.

[2] Je lis ἔρυμα au lieu de ἔρημα, qui me paraît inintelligible.

[3] Il y a ici une altération du texte qui rend la pensée inintelligible.

[4] J'ajoute entre crochets une négation qui n'est pas dans le texte, mais qui est conforme au sens.

[5] La première partie de ce fragment manque dans Patrizzi ainsi que dans les anciennes éditions de Stobée.

[6] Le texte paraît offrir des lacunes et des incorrections; j'ai mis entre crochets quelques passages qui me semblent inintelligibles.

[7] Il semble qu'il y ait ici une contradiction, mais elle n’est qu'apparente. L'auteur distingue la vie changeante de l'existence immobile. Avant sa mise en œuvre, la matière était, maintenant elle devient. En grec, le même mot signifie naître et devenir; en effet, tout changement est une naissance.

[8] Le même pléonasme se retrouve dans deux autres livres hermétiques, le Poimandrès et le Discours sacré. La Genèse dit simplement ; « Croissez et multipliez. »

[9] Cette phrase paraît la remarque d'un chrétien, transportée dan» le texte par un copiste.

[10] Variante : et la source et la Vie, et la puissance et la lumière, et l'intelligence et l'esprit.

[11] Ce fragment, quoique rattaché au précédent par les manuscrits, paraît tiré d'un autre ouvrage.

[12] On pourrait voir là une allusion au nom de Ptolémée, qui signifie guerrier, mais il est bien plus naturel de penser à celui de Valens, qui signifie puissant, courageux. Valens fut associé à l'empire par son frère Valentinien, ce qui expliquerait pourquoi l'auteur parle tantôt du roi, tant des rois. Les panégyriques d'empereurs étaient fort à la mode à cette époque; mais en Egypte, cette servilité monarchique avait toujours existé. L'explication étymologique du mot βασιλεύς prouve que ce morceau a été écrit en grec et n'est pas traduit de l'égyptien. On en peut dire autant du précédent, qui contient une allusion à Phidias. Ces deux morceaux sont écrits dans le même style et paraissent du même auteur.