AVIENUS.
LES PHÉNOMÈNES D’ARATUS
Numérisé et mis en page par Thierry Vebr
Avienus, Rufus Festus
Description de la Terre ;
Les régions maritimes ; Phénomènes et pronostics d'Aratus, et pièces
diverses
trad. par MM. E. Despois et Ed. Saviot,
.... Itinéraire de Cl. Rutilius Numatianus, poème sur son retour à Rome
trad. nouv par M. E. Despois,....
Poésies diverses sur l'astronomie et la géographie
trad. par M. Edouard Saviot,..
C. L. F. Panckoucke, 1843 (Bibliothèque latine-française ; seconde série)
C'EST par Jupiter qu'il faut commencer ce poème ; c'est sous les auspices de
Jupiter que je quitte la terre ; c'est lui qui nous ouvre les profondeurs du
ciel ; nous allons aux astres par le conseil de Jupiter ; inspiré par lui,
soumis à ses ordres, j'arrache pour les mortels le voile qui leur couvrait les
cieux.
L'éther est le séjour, le sanctuaire du Créateur premier, c'est lui qui est
le principe du mouvement générateur, lui qui est l'essence de la foudre
éclatante, la vie des éléments ; la chaleur du monde, le feu éthéré, la
force des astres, la substance éternelle de la lumière, l'harmonie du céleste
concert ; lui qui est l'air subtil et la matière pesamment entassée, le suc
versé du haut du ciel dans les corps, l'aliment de toutes choses, la fleur et
la flamme de la vie ; lui qui, dans sa course vagabonde, amollissant les dures
entrailles du chaos, a fait activement circuler dans ses veines un vaste amour,
afin de lui donner l'harmonie d'un ordre durable ; c'est lui qui a répandu la
chaleur, pour que le monde la reçut et rangeât les germes suivant une règle
fixe. Une voix intérieure nous dit qu'il est à bon droit le commencement, le
milieu et la fin ; car, s'étendant du commencement à la fin des choses,
s'appuyant sur ces deux extrémités, il est le seul et toujours le même mobile
de tout ce qui se peut faire, le créateur de l’éternel amour, et
véritablement le pasteur sacré de l'univers. C'est lui qui le premier a brisé
les chaînes des ténèbres, et, de sa propre puissance, a fixé les choses
flottantes. C'est lui qui a établi dans le lieu qui leur convient les principes
dispersés. C'est, lui qui a disposé les espèces par ordre, qui a donné la
couleur aux objets ; lui qui, fondu dans les cieux sexes, jouissant également
des deux vies, fécondant tout à la fois, produit tour à tour par les deux
semences. C'est lui l'artisan des choses, lui le nourricier des choses, le roi
du monde ; le souverain pouvoir du ciel et de l'Erèbe, le mouvement rapide du
ciel qui s'incline, la limite nécessaire entre les dieux d'attributs
incompatibles ; c’est lui qui a fait enfin la terre ; lui qui a fait ces
flambeaux dont le feu brille au loin, le soleil, et sa sœur, l'un pour
répandre la lumière éclatante dont le jour est inondé, l'autre pour
déchirer sa torche enflammée les voiles sombres de la nuit. Et le créateur en
aucun temps ne manque à ce qu'il a créé. À lui appartient ce beau chœur des
saisons, qui fait que tour à tour la terre est engourdie profondément par la
gelée, le printemps sourit dans les campagnes charmantes, l'été poudreux
embrase la terre altérée, l'automne fécond revient chargé de fruits. C'est
lui qui nous guide à travers, les flots de la mer soulevée ; c'est d'après
ses leçons que nous retournons le sol avec les charrues pesantes ; c'est lui
qui établit une règle pour les astres ; c'est lui qui répand la beauté dans
les choses ; c'est lui qui se glisse à travers les ténèbres de l'espace,
animant toutes les parties de l'air de si force génératrice.
Enfin, de peur que les cœurs ne languissent dans un long abattement, et que
l'esprit, oubliant la naissance du monde, ne conçût peu à peu toutes les
choses d'une manière grossière, et ne pût s'élever jusqu'aux origines de
cette source éternelle qui, semblable à un fleuve que la nature empressée
pousse en rapides courants, s'écoule avec les âmes prêtes à s'élancer dans
nos corps et disposées en chaîne à travers l'espace ; c'est lui qui a d'abord
porté jusqu'aux astres le compas du vieillard de Cnide et a enseigné un mortel
à parler de la sphère divine. Vous vous demandez pourquoi le Cancer arrête la
marche du soleil ? pourquoi à la fin de l'automne, sous le Capricorne glacé,
le solstice d'hiver détache le joug de l'année blanche de frimas ? pourquoi la
Balance et le Bélier rapide, mesurant le poids de l'Olympe, partagent
également le temps de la lumière brillante avec celui de la nuit ? dans quelle
partie le pôle plus élevé que la hauteur de l'axe ne touche pas les eaux
azurées dé Thétis ? quel pôle va en s'inclinant se cacher dans l'ombre de
l'axe ? et pourquoi des astres errants sont emportés dans une course vagabonde
? Voilà ce que ce même Jupiter, hôte du Taurus, a donné au génie et à la
poésie de Soli de traiter d'un essor supérieur, au point que cette Muse a
vaincu les gloires de l'Attique et de l'Aonie. Moi aussi les fureurs d'Apollon
me pressent aujourd'hui de dire en vers quel temps est convenable pour
travailler les champs avec les durs hoyaux, pour livrer à la mer les voiles
d'un navire, pour tailler la vigne, dont Bacchus aime à ceindre son front. O
divinités de l'antre du Parnasse, déjà connues de moi ! O Muses, mon souci
éternel au milieu d'une foule de travaux ! Déjà je veux porter ma vue dans
les hauteurs du ciel, ouvrir à mes yeux une route à travers les astres ; plus
grand, plus grand que jamais, le Dieu agite mon esprit, la vaste Cirrha s'ouvre
à moi, et l'hélicon mugit dans ses cavernes profondes.
L'ARCTUS.
Tous les corps qui sillonnent le ciel de flammes rayonnantes sont poussés
par la nuit, et tournent comme attachés à l'Olympe qui les entraîne. Tous
pourtant ne doivent pas être comptés parmi les astres, comme ne jouissant pas
d'un signe distinctif qui les classe ; tous sont brillants de feux, tous
étincellent du rouge éclat d'une chevelure enflammée ; mais comme ils n'ont
pas tous une forme particulière de lumière qui les distingue, ceux qui en sont
privés font une multitude sans nom. La machine même du ciel est mobile et
tourne entraînée par son propre poids ; mais l'axe n'est pas emporté par le
tournoiement de la voûte céleste, comme une aiguille qui suit la rotation
d'une sphère : il reste immobile ; de sa longue pointe il perce les entrailles
sacrées du ciel, et il soutient la masse du centré de la terre ; ni la
longueur, ni le mouvement dû ciel qui s'incline, ni la fatigue ne peuvent
l'entraîner ni même l'ébranler, depuis le moment où il s'est fixé
fortement, laissant tout se mouvoir autour de lui.
Il est terminé à ses deux extrémités par les pôles opposés. L'un s'élève
au-dessus de l'Océan ; l'autre, plongé sous les flots, va gagner l'Érèbe,
où il demeure comme en présence du noir Pluton : celui-ci est vers le Notus,
celui-là est engourdi par les affreux aquilons, et l'axe arrondi crie sur son
double pivot. L'un s'offre facilement aux regards, l'autre est enfoncé dans le
profond abîme. Mais à l'endroit, où l'axe plus élevé laisse les eaux de
Téthys avec ses monstres marins, voyez dans le ciel la situation des Arctus
sacrés. C'est le nom que l'astronome de Cnide leur a donné ; en langue
ausonienne nous les appelons d'ordinaire Usrsae (Ourses) et Plaustra
(Chariots) : ourses, d'après la fable ; chariots, d'après la figure sous
laquelle ils apparaissent. Ces ourses, accoutumées jadis aux chasses pénibles
dans la vallée du Lycée couvert de bois, le puissant Jupiter les transporta au
ciel et les consacra, après qu'il eut ravi la virginité de leur mère. Ou
bien, comme l'enseigne une autre tradition ; là où la Crète battue par les
flots résonne au loin sous le furieux vent du Caurus, Jupiter, se souvenant des
soins qu'il avait reçus et du pieux bienfait qui lui avait conservé la vie,
alors qu'il se cacha enfant chez les Curètes sauvages et au milieu des cymbales
de la roche Dictéenne, permit aux ourses, après sa victoire, de monter dans
l'Olympe enflammé ; astres qui jamais n'ont touché la mer, qui jamais n'ont
subi les ténèbres du coucher, et qui sont les hôtes des aquilons furieux.
Cependant elles ne vont pas à la rencontre l'une de l'autre en se présentant
la tête ou la poitrine ; mais les ourses, filles de Lycaon, apparaissent en
haut comme deux figures opposées, tenant leurs pieds à égale distance du
pôle, et s'appuyant sur leurs épines dorsales étincelantes de feux. Ainsi,
près de l'axe arrondi du pôle, les nourrices de Jupiter, Hélicé et Cynosure,
opposées par la tête et par les épaules, annoncent continuellement les
tempêtes à venir. Hélicé guide les Grecs, et Cynosure, la plus petite, guide
les Tyriens à travers la mer ; quand le soleil, laissant l'univers dans
l'ombre, jette sa tremblante rougeur sur les plaines de Tartessus, aucune
étoile n'allume son flambeau et ne se lève resplendissante de lumière, avant
que la grande ourse ne lance ses rayons au milieu du crépuscule et ne montre à
l'Olympe sa face sacrée. Quoique Cynosure n'étende dans le ciel que le petit
Chariot ; elle offre un présagé plus assuré à ceux qui courent la mer. Elle
tourne sur un pivot fixe ; au lieu que l'autre décrit lentement de longs
cercles, et, comme retenue, elle dévie un moment, retardée dans son cours
paresseux ; mais parce que Cynosure sert de guide aux vaisseaux tyriens, ils
sillonnent d'une course plus droite les flots de la mer.
LE DRAGON.
Entre les deux Arctus, dont le nom est si connu, le Dragon, semblable au cours sinueux d'un fleuve, déroule dans sa marche son corps couvert d'écailles, et entoure les deux constellations de ses replis onduleux. Et réciproquement, dans les endroits où s'allongeant le plus, il étend ses vastes anneaux, les Chariots l'enferment dans les rangs des étoiles Lycaoniennes. Vers la tête d'Hélicé se répandent les derniers replis du monstre, dont la queue peut à peine être contenue dans cette partie du ciel. L'autre Ourse, à l'endroit où le Dragon roule sa spirale, incline le sommet de la tête, et, comme enveloppée dans cette courbe, elle oppose son dos au dos du Serpent ; lui, se repliant à partir de la tête, et glissant vers la dernière des Arctus, regagne de nouveau les limites de la plus grande constellation. L'étoile qui décore son front de l'éclat de sa flamme ne brille pas seule, le feu n'embrase pas seulement sa crête ; mais une double lumière brille à ses tempes soyeuses, et ses yeux s'allument d'un double éclair. Sa gueule aussi, produit la flamme ; la figure du monstre se tourne, comme courbée par un mouvement de tête passager, du côté où le groupe des constellations est lancé dans l'espace ; elle semble regarder la queue d'Hélicé, vers l'extrémité de laquelle, à un intervalle de ciel très rapproché, le Dragon allonge sa gueule sifflante. Aux dernières limites de cette queue se place une étoile qui resplendit sur la tempe droite du Serpent, et allume ses yeux d'un éclair pareil aux feux voisins. Cette tête inclinée ce front qui est de biais avec les astres, paraît s'appuyer sur cette partie de l'axe sacré où l'Océan, qui répare les feux du soleil rougissant, en règle les couchers et les levers par le frein de la mer, et joint les deux points les plus éloignés de sa course.
L’AGENOUILLÉ.
Si du Dragon glacé vous portez vos regards dans le ciel, et que vous tourniez vos yeux à côté, vers la région où le serpent gonfle le plus haut ses anneaux, cette constellation de l'Agenouillé se présentera à la suite, sous l'image d'un homme qui fait effort. Aratus a dit autrefois qu'elle n'avait pont de nom, et qu'il ignorait la cause de l'effort ; mais Panyasis l'a connue : une vie plus longue lui en a révélé les principes mystérieux. Il rapporte que, sous la dure loi d'un tyran indompté, le fils d'Amphitryon, dans la fleur de la première jeunesse, vint dans ces lieux impénétrables aux rayons du midi, au jardin des Hespérides, et qu'il cueillit de sa main les pommes d'or confiées à la garde imprévoyante d'un lourd sommeil. Après que le serpent envoyé par une marâtre insatiable dans sa haine, frappé d'un coup vainqueur, et relâchant les fortes étreintes de ses replis sinueux, eut succombé, on dit qu'Hercule l'écrasa ainsi de son genou gauche, on dit qu'il se posa ainsi sur le monstre abattu ; et depuis, le héros de Tirynthe a reçu une place glorieuse au ciel, appuyé sur le trône sublime de son père. Jupiter, touché des durs travaux qu'il avait essuyés, a donné cette forme à sa constellation ; il a voulu qu'on vît sous cet aspect son fils dans l'Olympe. Voici la main même du dieu qui s'élève, suspendue pour frapper violemment, et son pied droit qui presse, écrase le front abattu du Dragon livide.
LA COURONNE.
À l'endroit où se courbe le vaste clos de l'astre agenouillé, et où le sommet de ses épaules se noie dans l'étendue, voyez comme la constellation de Gnosse darde des flammes ardentes : elle brille, antique monument de l'amour de Bacchus ; elle témoigne de l'ornement qui décorait la tête d'Ariadne. Neuf flambeaux la distinguent ; une partie de la Couronne se trouve sous le Serpent, là où le Dragon, inclinant sa gueule vers l'Arctus, siffle avec les Aquilons ; l'autre partie se déroule derrière le dos de l'Agenouillé ; elle semble s'y attacher, et proclame de nouveau la gloire de ses travaux.
LE SERPENTAIRE.
À l'extrême sommet de cette constellation, c'est-à-dire de l'Agenouillé,
vous verrez le brillant Serpentaire. L'astre porte le nom du dieu de Tricca, en
l'honneur duquel l'encens, sur les autels du temple d'Épidaure, dégage son
épaisse fumée. D'après le mouvement imprimé par la fatalité aux fuseaux des
Parques, la mort, avait plongé Hippolyte dans le Styx ; et déjà, à travers
les ténèbres profondes du Cocyte et les sombres marais de Pluton, le nocher
Charon portait les destins du fils de Thésée. Esculape, déplorant le dur
supplice d'une mort prématurée et les ordres cruels de Neptune, retire du plus
profond de l'Érèbe les membres glacés d'Hippolyte, et, réchauffant ses
entrailles au souffle d'une respiration renaissante, le rappelle par son art aux
rivages du monde. Le Tout-Puissant ne souffrit pas qu'un homme osât renouveler
le prodige de Deucalion, vaincre la mort, et frapper d'impuissance les fuseaux
tournants des Soeurs. Bientôt du ciel élevé il lance le triple trait de sa
foudre, il darde l'incendie du feu céleste, et précipite dans les ombres de la
mort l'auteur de cette cure audacieuse. Mais, consolant Phébus de la mort de
son fils, et touché lui-même de l'amère destinée de son petit-fils, il le
place au milieu des astres, pour qu'il s'élève la nuit dans le ciel.
Là le Serpentaire, avec ses veines brillantes, avec ses membres fièrement
tendus dans la position d'un homme qui tient un serpent, fait jaillir de ses
épaules étincelantes des rayons si vifs que, lorsque la lune brille en son
plein et marque le milieu des mois par l'ampleur de son disque, la lumière ne
pâlit pas sur ses épaules devenues plus sombres. Mais ses mains ne rougissent
pas d'une flamme égale ; une lueur légère se répand seulement à leur
extrémité ; toutefois elles sont faciles à voir, et dardent encore quelques
feux. Le dieu élève ses deux mains serrées autour du serpent, et le reptile,
échappant à l'étreinte qui le presse, glisse et entoure de ses replis le
Serpentaire par le milieu du corps. Celui-ci se tient debout les deux pieds
appuyés sur le Scorpion, qui, étendant son corps en deux parties, les yeux
écrasés, la poitrine meurtrie, lui sert de support. Le serpent se déroule
dans l'étendue voisine, mais en replis inégaux, et non plus en si larges
anneaux. À l'endroit où la main droite serre le Serpent sinueux, il ne déploie
loin de son maître que de courtes ondulations ; à la main gauche, il est plus
étendu, il laisse tomber le poids de son corps, et à l'endroit où une lueur
de feu rougit sa gueule, il s'incline jusque vers la couronne d'Ariadne.
Derrière ces replis, vous apercevrez les bras du Scorpion, jadis redoutés du
fier Orion : là encore la menace a été accordée à ses Pinces recourbées.
Les cornes du monstre de Chio viennent ramper là en forme de faux ; elles ne
jouissent pas de l'éclat ordinaire des astres, elles n'ont qu'une lumière sans
force, et leurs feux pâles, que des rayons émoussés.
LE BOUVIER.
Calisto est brillante d'étoiles qui lui donnent l'aspect d'un animal renversé, et autour desquelles, comme pivot, tourne avec son flambeau, dont les flammes ne s'éteignent jamais, le Gardien, des Arctus, ou, suivant les anciens poètes, le Bouvier, rappelant les histoires tristement célèbres du tyran d'Arcadie. Et quoique, pareil à un homme qui presse et qui menace, il se penche avec ardeur à la suite d'Hélicé, cependant il ne lui est jamais permis de s'avancer sur le char de sa mère étincelante : il en est repoussé à cause de son ancien crime et d'une faute qui a causé tant de maux. Une lumière éclatante n'en brille pas moins sur tous ses membres, une flamme couronne sa tête, sa main flamboyante lance au loin des feux, ses épaules... entre les cieux cuisses, à l'endroit où la lumière se divise, pour former les pieds, où l'éclat des rayons frappe plus vivement, et où la constellation brille d'un rouge plus ardent. Car un lieu sacré est assigné à l'Arcture... là où une ceinture d'or étreint la partie supérieure du manteau, l'étoile se lève enivrée d'une rougeur de flamme.
LA VIERGE.
À l'endroit où se prolongent les derniers pas du Bouvier, et où, parmi les
astres qui brillent dans l'immensité, une zone étoilée étend son cercle
oblique, contemplez les membres sacrés de la Vierge qui vient à la suite.
Comment, ô toi, comment te célébrer ? Soit qu'ayant pour père le grand
Jupiter, et pour mère Thémis, tu sois descendue sur la terre ; ou que tu sois
l'illustre fille d'Astrée, dont les étoiles d'or sont les rejetons, et qui, en
récompense de ses mœurs pures, a donné son nom à tous les astres ; ou bien
que tu sois Isis, la déesse du rivage Pélusiaque, digne des honneurs du ciel,
compagne et souci d'Anubis aboyant ; ou la divine Cérès, car une gerbe brille
en ta main, dont les épis sont brûlés par l'ardeur du Sirius ; ou bien que,
portée sur des ailes rapides, le pied chancelant, la tête privée de lumière,
tu glisses dans le ciel, comme la fortune volage qui préside au siècle, et
comme le mobile destin qui surprend par de soudaines vicissitudes ; je t'en
prie, abaisse loin des hauteurs du ciel tes yeux sur la terre ; je te le
demande, vénérable déesse, ouvre à mes hymnes une oreille favorable. Toi,
lorsque les premiers hommes vivaient libres, purs de tout vice et de toute loi,
que tes générations de l'âge d'or conservaient d'elles-mêmes des mœurs innocentes, et que les crimes étaient inconnus, tu allais, franche et joyeuse,
parmi la multitude des peuples, et, gouvernant des cœurs exempts de toute
faute, tu maintenais le monde dans son innocence primitive. Point de bornes
données aux terres ; rien n'indiquait la séparation des champs, on ne savait
pas encore partager un terrain entre plusieurs maîtres ; tout appartenait au
premier occupant, les campagnes restaient indivises ; la Vierge avait appris à
tous à mettre tout en commun. Enfin, alors que la déesse visitait fréquemment
les villes paisibles, et qu'elle entrait çà et là sous les toits des hommes
justes, cet élément de la mer qui bouillonne au loin, ces flots mobiles, ces
vagues soulevées du sombre Océan, où le vieux Nérée nourrit sous le gouffre
écumant les verts dauphins et les souffleurs haletants, tout cela dormait,
ignorant son but, et en restant écarté. On ne se confiait pas à la mer ; on
ne tentait pas le commerce sur les flots bouillonnants : nul marin n'engageait
son vaisseau vers de lointains pays, afin de porter, exilé de tous les rivages,
des richesses étrangères à travers les mers inhospitalières, et d'être
souvent suspendu sur l'abîme furieux. La Justice dorée permettait à toutes
les terres de tout produire, et n'avait point dispensé aux royaumes des climats
différents.
Mais quand cet âge dégénéré devint le siècle d'argent, la déesse
abaissait déjà plus rarement son beau visage vers la terre, effleurant à
peine la cime des montagnes ; à l'heure où le jour finissait, où Phébus aux
approches de la nuit descendait et précipitait son char dans les mers, elle se
présentait aux yeux des peuples empressés ; non pour ranimer par son aspect la
joie éteinte dans leur cœur, mais pour jeter ces reproches d'une voix au loin
retentissante : "Race avilie, disait-elle ; cessez de faire couler mes
larmes. La cause de mes plaintes, c'est votre crime. Autrefois vos pères ont,
sous mes auspices, vécu dans un siècle d'or. Mais votre cœur s'est corrompu ;
chez vous l'artifice veille ; vous vous habituez à des mœurs nouvelles ; vous
vous forgez toute une vie de passions. Et même, ô honte ! ô douleur ! un
siècle plus mauvais doit encore naître, et Bellope, les joues déchirées, ira
par les villes soulever dans les âmes la défiance et l'ardeur des
combats." Après leur avoir adressé ces plaintes d'une voix triste et
rauque, elle retournait aussitôt dans les cieux d'un vol rapide ; et, fuyant
avec dégoût les regards qui la suivaient, elle laissait la foule des hommes. À
son tour cet ordre de choses s'est aussi écroulé, et les siècles d'airain
sont venus à la suite avec leurs mœurs honteuses : avec eux la fraude, la
fureur ardente et la sanglante passion des armes, et la débauche énervée, et
la rage du gain, cette, mauvaise conseillère ; partout une basse terreur, qui
couvre les visages d'un triste effroi. L'indompté Tiphys tourmente les plus
lointains parages de l'abîme des mers, puis les couleurs commencent à se
déguiser sous la pourpre menteuse des Tyriens, et les toisons nouvelles boivent
la teinture d'Assyrie, la laine brille saturée d'un poison étranger. Ainsi une
juste haine a enflammé contre les peuples la Vierge, sans tache, et la déesse
entre au ciel sur ses ailes rapides ; portée à travers les airs, elle se
choisit près de l'astre haletant du Bouvier un espace d'où elle puisse du haut
de l'empyrée jeter au loin ses regards sur la terre.
À l'extrémité des épaules du Bouvier une étoile montre son flambeau ; et de
même que l'on voit briller d'un rouge éclatant les astres qui, placés près
de la queue de la grande Ourse, tournent avec le ciel du solstice d'hiver, de
même brillent plusieurs étoilés dont chacune a sa lumière et son cours
particulier : leur foyer resplendit près de l'Arctus. Il n'est pas difficile de
les voir ; elles présentent comme d'elles-mêmes leurs rayons aux premiers
regards : une d'abord se trouve non loin de la tête presque à l'endroit où
sont les pieds de devant ; une autre brûle dans la région oit sont les pieds
de derrière, et une troisième s'élève des genoux, à l'endroit où
étincellent les deux flammes placées près de la queue, flamboyante. Toutefois
elles n'ont ni forme ni dénomination particulières ; elles roulent confondues
avec la multitude des astres.
LES GÉMEAUX.
La dernière constellation attachée aux régions supérieures du ciel, remonte sans avoir jamais connu la mer poissonneuse. Au-dessous de sa tête, vous pouvez voir les Gémeaux, rejetons de Sparte, race illustre du dieu tonnant ; divinités rendues au ciel, leur patrie. Mars ayant porté sa fureur aux champs lacédémoniens d'Aphidna, la guerre cruelle d'Athènes fit périr Castor. Mais son frère, ne pouvant supporter la lumière et la douleur de lui survivre, implore avec larmes le même sort : bientôt Jupiter enlève les deux frères aux alternatives de leur vie nouvelle, et, les recevant au haut des cieux, il les fait briller d'un éternel flambeau.
LE CANCER.
Sous le ventre d'Hélicé se roule le Cancer ; Junon a donné une constellation au Cancer, pour qu'il témoignât éternellement de ses fureurs de marâtre. Celui-ci, en effet, quand Hercule de sa torche brillait l'Hydre du marais de Lerne, osa ramper contre le vainqueur. De la cuirasse arrondie qui couvre son dos, une double flamme jaillit dans les airs : ces flammes sont dites les Ânes de Thesprotie, et forment ton astre ; ô Bacchus. Elles sont séparées par un air nébuleux. Semblables aux Crèches, les pinces du Cancer brillent d'un éclat inégal ; là droite est embrasée par trois étoiles, et à la gauche deux flammes seulement laissent tomber des rayons engourdis.
LE LION.
À l'extrémité ardente des pieds de l'Arctus, le ciel entraîne la gueule immense du Lion flamboyant. Tous ses membres, dans la vaste étendue du cours céleste, sont embrasés d'un feu vif ; des flammes continuelles brillent les entrailles du Lion. Là le chemin du soleil est en feu ; et sous cette constellation se marquent les moments d'une chaleur que ne tempère aucun nuage. Alors les blés coupés sont entassés en gerbes qui jonchent la terre ; alors vont tomber les barbes des blonds épis, et l'aire broie partout les moissons qu'on lui apporte. Alors les Aquilons de la Thrace redemandent au pôle leur souffle vigoureux ; alors des vents périodiques descendent du ciel sur l'Océan ; à cette époque de l'année les rames jouissent d'un long repos ; la mer porte d'elle-même les navires.
LE COCHER.
Considérez aussi le Cocher. Vos oreilles entendront la fable ingénieuse de la Chèvre de Crète. On rapporte que cette chèvre allaita Jupiter enfant, et on l'appelle la nourrice du dieu tonnant : elle a été placée au pôle étoilé. Quant au Cocher infatigable, c'est le bel Érichthonius, qui autrefois attela quatre chevaux à un char ; il se tient penché à la gauche des Gémeaux, et, allongeant son corps, il s'étend immense. Incliné vers la tête d'Hélicé, du côté de la face. Cependant il déploie ses membres dans l'espace ; sur son épaule gauche il porte la Chèvre, qui s'élève brillante ; à l'extrémité de sa main, voyez les faibles feux des Chevreaux. À peine sont-ils sortis de l'Océan bruyant, qu'ils déchaînent des vents terribles sur les mers orageuses : les rives blanches d'écume sont frappées par la vague en furie ; et les flots vagabonds enveloppent les sombres vaisseaux.
LE TAUREAU.
Cependant, à l'endroit où sont les pieds du Cocher incliné, s'étend la large poitrine du Taureau armé de cornes. C'est là qu'il faut chercher le front soyeux de l'animal; il est là, le jarret ployé, attachant sur la terre des regards menaçants ; et de même que les autres signes du zodiaque peuvent montrer de loin, parmi les astres, leur forme flamboyante, de même ses cornes jaillissent en deux vigoureux traits de flamme; et le feu s'allume de deux côtés à leurs pointes recourbées. Le front du Taureau, sur lequel vous chercheriez en vain d'autres signes, s'élève des plaines de l'Océan, vous le reconnaîtrez, à sa figure particulière : ainsi les cornes s'ouvrent en courbe de même que chez un vrai Taureau, ainsi une double flamme brille en aigrette au milieu de son front; ainsi les Hyades forment tout autour de son mufle un cortège éclatant. Du côté où le Taureau repousse le Borée de ses cornes, le pied droit du Cocher domine et menace cet astre. Une même étoile lie le pied droit du Cocher et la corne gauche du quadrupède; ils sont emportés ensemble dans le ciel; mais le Taureau entre le premier dans les eaux de 1a mer d'Occident.
CÉPHÉE.
Ma Muse ne laissera pas de côté Céphée, ce vieillard taciturne ; Céphée, fils de la Nymphe Iasis, roule aussi dans les hauteurs des cieux ; lui aussi a été placé par son père dans la sphère étoilée, et a reçu les honneurs du ciel. Il se tient derrière l'Ourse Cynosure, et étend ses deux mains en avant de la poitrine. La distance qui sépare les pieds du vieillard est la même que celle qui le sépare de l'extrémité du pied de l'Ourse : sa lumière se projette jusque sur les reins sacrés de cette constellation.
CASSIÉPÉE.
Si vous ramenez votre vue de la pente du chemin céleste, de manière à laisser de côté les premiers replis du Dragon tortueux, vous verrez la malheureuse Cassiépée. Trop faible pour que son flambeau d'or, au moment où la pleine lune répand toute sa lumière dans le ciel, puisse vaincre les ombres de la nuit, telle se présente cette mère aux yeux qui la cherchent. Désolée, elle n'a point d'éclat ; une légère lueur rougeâtre, une lumière sans force est le partage de l'affligée : ce n'est point ainsi que la Carie l'avait connue autrefois, alors qu'elle était la clef qui ouvrait les plus solides barrières. Cette constellation est formée d'étoiles espacées ; elle étend à peine ses bras comprimés ; les tristes destins de sa fille l'accablent.
ANDROMÈDE.
Au-dessous se trouve Andromède, qui tourne avec le ciel arrondi ; la vaste lumière dont elle brille toujours attire involontairement les yeux sur ses membres ; une torche ardente s'agite sur sa tête, ses bras étendent à travers l'air une double clarté, et des flammes tremblent à l'extrémité de ses pieds. Bien plus, l'écharpe au feu d'Andromède flamboie dans l'espace, et tout son corps est radieux. Et pourtant là encore une douleur éternelle la tourmente ; forcée d'écarter ses bras dans l'étendue, elle conserve des fers jusqu'au ciel ; ses faibles bras subissent l'étreinte de chaînes aux nœuds serrés.
LE CHEVAL.
À l'endroit où la chevelure parfumée d'Andromède forme une touffe sur le sommet de sa tête, là où brille un flambeau sur le front de la jeune fille, le Cheval la couronne de ses flancs creux, et se dresse en l'air comme une corne aiguë. Elle répand au loin un éclat doré sous le ventre divisé du Cheval, dont les différentes parties se rejoignent par une ligne de lumière ; les deux constellations rayonnent d'une flamme commune. Trois étoiles dessinent les flancs et les épaules de l'animal, et, séparé par un égal intervalle, il brille d'un pareil éclat. Le feu s'y montre en abondance, et étincelle dans un cercle flamboyant. Mais la tête n'offre pas une splendeur pareille, et le cou lui-même, quoiqu'il s'élève surmonté d'une immense crinière, laisse voir à peine les rayons mourants d'un feu qui s'éteint. La dernière étoile, étendue sur la mâchoire inférieure, ne le cède pas aux quatre premières dont la clarté vive figure le Cheval. Toutefois ce n'est pas avec tous ses membres, ce n'est pas avec ses quatre pieds que ce Cheval se dresse dans le ciel ; il s'élève à partir du milieu du ventre ; les membres de derrière font défaut, et les pieds de devant frappent seuls le vague de l'air. On rapporte qu'étant, sur l'Hélicon Aonien, au retour de la guerre fameuse entreprise contre la Chimère de Lycie, là où la roche mystérieuse fait murmurer ses doctes antres, il brouta les têtes des plantes, et le gazon odoriférant apaisa sa faim ; mais comme une soif brillante desséchait son gosier, et que nulle source ne s'élançait de ce sol aride, il le frappa de son pied, et sous son sabot jaillit soudain l'Hippocrène, répandant une eau chère aux Muses. Les bergers aoniens ont donné ce nom à la fontaine du Cheval. Elle glisse avec un paisible murmure entre les cailloux, et, tombant de l'Hélicon, elle s'engage dans les herbes altérées, jusqu'à ce qu'elle anime de son cours vagabond les vallées d'Ascra. La jeunesse thespienne abreuve continuellement son intelligence à ses eaux, et la nation cherche d'une, bouche avide la docte source. Mais le Cheval, par un retour périodique, revient au milieu des astres, et montre sa tête hors de l'Océan. II ne vous sera pas difficile de le voir par un temps serein ; il étincelle au loin d'étoiles embrasées, et présente son poitrail encore humide des eaux de la mer.
LE BÉLIER.
Vient ensuite ce rapide Bélier, qui décrivant dans l'espace un cercle d'une vaste circonférence, suit sans jamais être en retard le mouvement de l'Ourse Cynosure ; apparaissant non loin du signe du Cheval, il coupe le ciel de son cours immense. Toujours ménager des feux de son flambeau ; on le voit manquer de la clarté nécessaire. Ce que les astres ont de lumière, quand la lune émousse leurs rayons de sa splendeur dorée, voilà seulement la faible lueur que le Bélier montre dans les airs, et cela lorsque Phébé naissante n'a qu'un mince croissant, et que la déesse offre un visage sans éclat. Mais, quoique les yeux le suivent difficilement dans le ciel (car il manque de feux qui lui soient propres), à ses côtés l'écharpe d'Andromède, qui brille en constellation lumineuse, frappe les regards. L'immense zodiaque appelle le Bélier qui le cherche ; celui-ci, après une courte absence, remonte à la voûte des cieux ; il ne fournit qu'une petite carrière en descendant sous les flots ; au lieu que, dans sa course rapide à travers le ciel, il le coupe par le milieu, à l'endroit où un cercle, tournant sur son axe enflammé, partage l'extrémité des Pinces du Scorpion et l'Orion éclatant.
LE DELTOTON.
Il y a encore une constellation à laquelle, chez nous, on a conservé son nom grec de Deltoton. Ses deux côtés sont semblables et s'étendent sur une même longueur ; une étoile marque l'angle qui les joint au Sommet ; voisine de ce sommet, elle leur attache un double joug. La troisième ligne, celle qui sert de base aux verticales, est plus courte et ne s'étend pas sur une égale dimension ; mais, en se raccourcissant, elle surpasse de son double flambeau la mesure ordinaire des étoiles enflammées. De plus, dans l'espace inférieur où pâlit le signe du Bélier, et dans le tiède voisinage du pluvieux Notus, cette ligne perd de l'éclat et du brillant de son flambeau. Elle se trouve placée derrière Andromède. Ainsi est disposée la constellation sacrée.
LES POISSONS.
Si de là vous portez vos yeux à côté, et que, partant du pôle Boréal, vous incliniez peu à peu vers le Notus, vous verrez s'élever les fils de Dercetis, les Poissons Bambyciens ; car une place a été donnée aux deux Poissons, à l'endroit où un cercle coupe le ciel élevé de son orbe immense, où le Cheval ailé étend le bout de son aile gauche, où le Bélier pousse sa poitrine dans les hauteurs de la sphère, et regarde le Taureau qui se dresse contre lui : c'est là que se remarque, au milieu du ciel, la constellation des Poissons. L'un des deux, le plus haut, élève dans l'air son corps en ligne droite, et s'approche de Borée ; l'autre, avide des eaux que puise le jeune Troyen et qu'il verse de son urne, est placé par derrière, et se penche vers les nuages du Notus. Cependant, semant au loin l'espace de leurs rangs d'étoiles, ils entrelacent leurs queues ; chaque queue tire de son côté la chaîne flexible, puis de nouveau se réunit à l'autre dans le ciel ; elles sont comme fixées l'une sur l'autre par un astre d'or : c'est ce que la Grèce ingénieuse appelle le Nœud céleste. Près du bras gauche d'Andromède on peut très facilement reconnaître le poisson qui regarde la région rigoureuse du pôle supérieur ; car il dresse contre la main gauche de la jeune fille son corps azuré.
PERSÉE.
Aux pieds de la même constellation vous pouvez aussi chercher la figure rapide de Persée. La machine céleste fait tourner la triste Andromède en l'entraînant par la tête et les épaules ; c'est pourquoi le vengeur aux pieds ailés s'élance sous les vents de l'Aquilon de Thrace ; sa vaste main droite s'étend près du trône de l'affligée Cassiépée, et, formant des pas immenses, il allonge ses pieds poudreux dans l'air qui paraît blanchir au loin.
LES PLÉIADES.
À l'extrémité de sa cuisse gauche, Persée soutient aussi les Pléiades. Un étroit espace les réunit toutes. L'astre voisin avec son rouge flambeau montre la pâle lumière des Pléiades ; car ces sœurs n'ont qu'un feu défaillant ; leur constellation ne brille pas d'un rouge d'or. Leur père, si la fable vient d'une source véridique, est l'Africain Atlas, le soutien du ciel ; qui a reçu le poids de cette masse élevée, et qui fait tourner sur son épaule l'immense éther. Une vieille tradition rapporte que sept sœurs doivent le jour à cet antique père ; six seulement se montrent au milieu des astres resplendissants. Cette ancienne tradition donne les noms de ces sept jeunes filles, dont six jettent une faible lueur : Électre, Alcyone, Celéno, Taygète, Stérope, Mérope et Maïa, fameuse par le dieu qu'elle a enfanté. Mynthée, dans son poème, affirme qu'on n'en voit que six ; il rapporte qu'Électre s'enfonça dans les profondeurs du ciel, épouvantée jadis par Orion. D'autres disent que, pleurant l'incendie de Troie placée au pied de l'Ida, et portant le deuil des nombreuses morts que déplore sa nation, Électre cache dans les sombres nuages son disque attristé, de façon que sa tête est souvent ceinte de ténèbres épaisses ; parfois cependant elle s'élève des eaux de l'Océan vers la voûte du ciel, mais elle n'est point à la place de ses sœurs ; elle montre de loin son visage à l'écart, inspirant l'effroi ; le chœur de ses sœurs pleure la ruine de leur race, on les voit avec la chevelure en désordre et flottante. La fable rapporte que ce sont là les comètes qui s'élèvent sous un terrible aspect, le visage étincelant de longues flammes, les cheveux répandus dans l'espace, avec une teinte de sang épais et coloré d'un rouge vif. D'autres encore croient que Mérope, condamnée par la cruelle volonté des dieux aux chaînes de Sisyphe et à son lit nuptial, ne fut plus digne de la demeure céleste. Ainsi la tradition sur leur nombre est incertaine, et l'on a coutume de reconnaître six Pléiades dans le ciel ; mais toutes se sont serrées en groupe ; trois angles flamboyants s'avancent dans les airs, et ces filles d'Atlas sont embrasées du mélange de leurs feux. Pourtant leur éclat n'est pas aussi vif qu'on le dit ; une renommée trop grande rend ces sœurs illustres ; leurs dimensions petites, et le feu de leur pâle flambeau s'aperçoit à peine. C'est quand l'un ou l'autre crépuscule vient tour à tour dans le ciel qui change, la nuit azurée allumant les flammes des astres, ou le lever du matin dispersant les étoiles, que Jupiter permet aux Pléiades de tourner dans les hauteurs célestes de l'espace. De même quand l'été arrive avec sa brillante chevelure, ou que l'hiver blanc de frimas ramène la saison rigoureuse, elles en désignent l'époque. Car si elles s'élèvent de la mer, il est temps d'exercer les faux recourbées sur les moissons jaunissantes ; si elles cachent leurs flammes dans les eaux, le moment est venu de labourer la terre avec la pesante charrue.
LA LYRE.
Puis vient là Lyre dont joua Mercure dans son jeune âge : c'est ce dieu dont la main habile attacha des cordes sur une écaille de tortue, pour faire à Phébus, roi du Parnasse, un présent mémorable. Quand le bel Apollon retourna compléter l'assemblée des dieux, il enseigna Orphée à jouer de cette lyre sous l'antre du Pangée. Celui-ci, fils d'une Muse, tira de savants accords de la lyre dont les neuf cordes représentaient les neuf Muses ; le premier inventeur n'avait chanté que sur un nombre de cordes égal à celui des Pléiades. Mais quand la main impie des Bacchantes eut mis en pièces Orphée, et que la fontaine Libethra eût couvert de ses eaux sacrées le poète égorgé, Jupiter plaça la Lyre au ciel, regrettant ce talent avec lequel le jeune chantre avait soumis les animaux et les fleuves. À l'endroit où se soulève la constellation de l'Agenouillé, la Lyre est debout près de sa cuisse gauche. De l'autre côté vole le Cygne, dont la tête s'étend vers les cordes harmonieuses. La Lyre est au milieu des deux constellations, reposant sa base sacrée sur le cou du Cygne, dont elle touche les contours sinueux.
LE CYGNE.
En effet, le Cygne fend l'air de ses ailes étoilées, jouissant des honneurs du ciel, sans être un astre éclatant; néanmoins sa tête est brillante, et son long cou jette des feux. Si les étoiles dont il étincelle ne sont pas larges, du moins elles ne sont ni sombres ni voilées ; il étend son cou hardi à travers la voûte céleste, et, rasant de son aile droite la main droite de Céphée, il abaisse la gauche vers l'extrémité des pieds du Cheval. Ainsi il est porté rapide dans le vaste Olympe ; ainsi il entre dans les eaux de la mer d'Occident. .
LE VERSEAU.
Derrière le Cheval brillent les deux astres des Poissons, des Poissons Bambyciens. Sous la tête du Cheval s'étend la main droite du jeune fils de Laomédon. Ce même Verseau, remarquable par ses membres déliés et par sa beauté, se tient à la queue du Capricorne hérissé.
LE CAPRICORNE.
Nous allons à l'endroit où la sphère étoilée s'incline sur son axe
austral, et où le chemin du soleil rayonnant descend vers le Notus. On y voit
languir la figure velue du Capricorne hérissé. Là Phébus, venant du pôle
glacé de la Thrace, rebrousse chemin, et, chose merveilleuse à dire, le
tropique d'hiver ramène à lui le dieu : c'est alors que je ne hasarderais pas
mes vaisseaux pour un long voyage, alors personne n'affronterait avec un navire
les flots troublés ; car le jour est court et fournit une étroite carrière ;
et le navigateur surpris dans la haute mer invoquerait en vain l'éclat
paresseux des astres. Cependant le Notus impétueux se déchaînera sur tous les
flots, le Notus balayera la mer soulevée quand la borne d'or du Capricorne
repousse l'astre du soleil, alors un froid cruel revient au ciel, tout est
funeste aux marins qui errent sur les flots. Cependant, oublieux de leurs maux,
ils passent souvent toute leur vie sur cet élément, semblables aux plongeons
et aux phoques ; ils éprouvent effrayés le flux et le reflux de l'onde ; ils
cherchent des yeux les rivages qui se perdent dans l'éloignement, puis,
toujours avides de gain, ils se lancent de nouveau sur la mer.
Craignez égaleraient la mer, quand la Flèche légère est touchée par le
soleil, que la lumière du feu céleste embrase le roseau de cette Flèche, que
l'extrémité de la pointe est enflammée, et qu'une vapeur éclatante brûle
l'arc du Sagittaire. Alors aussi, si vous voyez se lever la nuit ténébreuse
pour envelopper de ses ailes sombres la terre obscurcie, aimez le rivage, fuyez
prudemment les ombres de la nuit ; évitez les naufrages de la mer, et les
dangers d'un océan furieux ; souvenez-vous de détacher du mât les voiles
flottantes, d'amener les vergues étendues. Mais un mois malheureux ou une
constellation funeste sont surtout annoncés par le Scorpion, quand il se lève
au milieu de la nuit. On le voit au matin tirer de la mer son long dard, le dard
qu'il porte à l'extrémité de la queue. Derrière lui gravite lentement le
signe paresseux du Sagittaire, dégageant des flots ses membres attardés. Puis
Cynosure, quand la nuit est déjà avancée, se lève plus près de Borée ;
pour Orion, il se cache avec le retour du jour ; alors Céphée plonge dans la
mer ses bras, ses mains étendues, et son ventre jusqu'au milieu.
LA FLÈCHE.
La voûte céleste connaît de plus une autre Flèche ; toutefois elle n'a pas d'arc arrondi ; elle n'a point de corde, parce qu'elle n'a point de maître ; au-dessus du trait vole un oiseau, cet oiseau est le Cygne ; mais, voisin du pôle de Thrace, il allonge son cou blanc vers les Ourses couvertes de frimas.
L'AIGLE.
Vers la dernière constellation vole aussi l'oiseau lui porte les armes de Jupiter, l'oiseau qui porte la foudre sacrée ; ses membres sont de petite dimension quand il revient du sein profond de la mer et dirige son vol vers les cieux ; à la fin de la nuit et sur les dernières limites des ténèbres, la mer se soulève avec beaucoup d'écume ; tout dans le ciel, tout sur la terre est balayé par des vents impétueux.
LE DAUPHIN.
Puis le Dauphin à la queue tortueuse s'avance au milieu des astres, lui qui jadis porta sur la mer tes amours, ô Neptune. Errant sur les ondes, il avait pénétré jusqu'aux retraites où Amphitrite était reléguée, là où le père des Pléiades soutient sur ses hautes épaules les cieux d'Occident ; il y était venu des extrémités du monde en parcourant le domaine de la bien-aimée de son maître. Il lui prêta son dos flexible. Son corps ramassé brille faiblement parmi les astres ; il sort de la mer au-dessus du Capricorne hérissé. Celui-ci languit, privé de lumière au milieu de ses membres ; mais le reste est éclairé par quatre étoiles brillantes comme de l'or, dont les feux tout puissants étincellent, séparés par quatre intervalles. Tous les astres qui, répandus entre le soleil et le froid Aquilon, tournent avec la masse de la sphère céleste, et sont entraînés par le maître de l'Olympe à se lever et se coucher périodiquement, je les ai décrits par ordre ; quant à ceux qui, partant des limites du soleil, descendent vers les profondeurs du pluvieux Auster, jusqu'à l'endroit où le Notus environne le ciel sombre, je tente de les énumérer avec art dans un poème romain.
ORION.
À l'endroit où un cercle étoilé éloigne de Borée son oblique circonférence et s'incline vers les ombrés australes, au-dessous du centre de la voûte céleste, Orion soutient la poitrine du sauvage Taureau. Personne, par une nuit sereine, ne passera sans le voir ; il s'étend au loin dans le ciel élevé ; une épée d'or pend à son rouge baudrier.
SIRIUS.
C'est lui qui, comme un gardien, suit les pas de l'homme. Ainsi l'on distingue, à l'éclat de son astre, ce Chien de la plage céleste, à la gueule duquel flamboient des feux nombreux ; une vaste rougeur colore sa tête. Messager de la peste, il fait siffler sa torche haletante, il enflamme l'air de sa course, il brûle les terres des feux de son astre impétueux. Ses différents membres étincellent d'étoiles brillantes ; mais toutes n'ont pas le même éclat, car le ventre est partout azuré ; de sa gueule coule ce torrent de flammes pernicieuses qui brûle l'air sous le nom redouté de Sirius : si le soleil incline vers lui son disque enflammé, que de maux pour les hommes ! que de maux pour les campagnes ! Tous les champs languiront longtemps : car les plantes altérées périssent par l'effet d'une chaleur violente, et les germes des fleurs se dessécheront. Mais le Sirius aide aussi le développement naturel des végétaux, et répand une heureuse influence sur les plantes ; le Sirius nourrit tout de la tiède douceur d'un beau temps. C'est lui, c'est lui que, dès les premiers rayons de son lever flamboyant, nous distinguons de loin à ses oreilles et à son souffle ; si quelques autres étoiles brillent à côté de lui, par exemple, celles que l'animal traîne nombreuses à son flanc allongé, elles ne jettent pas une abondante lumière, et ont seulement été ajoutées pour, désigner ses membres.
LE LIÈVRE.
Parmi les étoiles se trouve aussi le petit Lièvre ; à l'endroit où s'élance le grand Orion, et sous ses deux pieds, le Lièvre est poursuivi par le Chien éclatant : il fuit à travers le ciel l'ennemi qui le presse, le Sirius le touche presque de sa gueule de feu. La mer laisse sortir à fleur de flots l'animal aux longues oreilles ; le chien menaçant est au-dessus de sa proie épouvantée ; et quand le Lièvre s'est jeté dans la mer d'Occident, se réfugiant dans les eaux comme dans un gîte, le Sirius tombe du haut du ciel, et cherche dans l'eau l'animal qui s'y est plongé.
ARGO.
Le grand Chien traîne au bout de sa queue Argo, le vaisseau de Jason, à la poupe éclatante. Le navire thessalien ne met pas sa proue en évidence. Le haut de la poupe s'élève de l'océan : de même, lorsque les matelots, venant de la haute mer ont abordé au port, ils s'empressent de plier à la hâte les voiles flottantes, et en même temps, traînant le vaisseau à la remorque, ils tirent à l'envi sa poupe sur la plage arrondie. Fatigué de ses courses, il appuie son arrière sur les algues du rivage, et se repose tranquille sur le sol qu'il touche. Ainsi Argo ne conduit au milieu des astres que sa poupe brillante, et cache le reste jusqu'au mât élancé. Plus élevée, la poupe laisse tomber le gouvernail dans les ondes, et, lorsqu'il s'y est plongé, descend elle-même au sein de la mer.
LA BALEINE.
La Baleine épouvante Andromède, séparée par toute la largeur du ciel. Tandis qu'Andromède tourne dans les hauteurs de l'espace, près des vents du Thrace Borée, ce monstre cruel est entraîné par le Notus ; l'Auster pousse vers l'Arctus sa gueule, effroi des mers ; c'est à l'endroit où le Bélier couvert de laine se dresse dans le ciel élevé, et où les deux Poissons augmentent le nombre des astres, que la Baleine de Nérée brille, située au-dessous ; et effleurant quelques étoiles fugitives de la constellation du Fleuve. Mais Andromède, se souvenant de sa longue terreur, se rappelant au milieu des astres ceux qui lui furent chers, redoute de loin le dos écaillé du monstre, et, de sa place élevée, cache dans les ondes sa tête tremblante.
LE FLEUVE.
Le Fleuve, s'écoulant dans la mer azurée, est aussi placé parmi les astres et dans la demeure des dieux. Quelques-uns seulement le confondent avec la mer ; car les anciens Ausoniens ont dit qu'il est cet Éridan qui tombe dans les champs de la Vénétie ; et pousse contre les flots adriatiques son courant sorti des Alpes. Le vieux Fleuve reçut autrefois Phaeton précipité du ciel dans ses ondes, lorsque les chevaux attelés sentirent s'alléger le fardeau de leur céleste guide, et que le char qui porte la lumière méprisa les rênes mortelles qui le dirigeaient dans la route du ciel. Alors un vaste incendie couvrit au loin la terre, un feu dévorant-brûlait les astres, tous les champs étaient embrasés, jusqu'à ce que Jupiter, prenant en pitié les maux de son univers, rendit à Phébus la conduite des célestes coursiers. Les sœurs de Phaéton le pleurèrent en se frappant de coups répétés ; la paix dorée revint au haut des cieux ; et par la volonté de Jupiter, du père de l'univers, les astres reçurent parmi eux l'antique Éridan. D'autres disent que le Fleuve est le Nil égyptien ; parce qu'il alimente les moissons de son cours abondant, et féconde des lieux stériles de son onde nourricière ; ou bien parce que, venant du midi, il porte son tribut immense aux eaux azurées de la mer. Il coule sous le pied gauche de l'éclatant Orion, et les chaînes qui se confondent pour enlacer les deux Poissons suivent les sinuosités de l’Éridan ; c'est là qu'il répand au loin son cours impétueux ; c'est là aussi que fléchit la pointe de l'aigrette dont la lumière étincelle sur le dos de la Baleine, et qui forme l'attache flamboyante des queues des Poissons.
LE GRAND POISSON.
Entre le gouvernail qui tombe de la poupe de Jason dans les eaux azurées, les flancs colorés de la carène, et la Baleine amie des eaux ; à l'endroit où s'étend le ventre du Lièvre, un groupe d'étoilés répand l'éclat de ses rayons. Cependant la lumière dont elles brillent n'est pas grande, elles n'ont pas de dénomination mémorable. Jupiter n'a formé aucune figure flamboyante en disposant ces feux ; elles ne représentent les membres d'aucun corps. Enfin ces astres n'ont d'autres différences distinctives que l'ordre dans lequel roule la sphère sacrée ; ramenant toujours tout avec elle dans son antique chemin à travers la longue série des siècles. Ils ont tous une même lumière et une même grandeur ; ils se couchent et se lèvent par un mouvement semblable, bien loin de se faire remarquer par ce caractère spécial, de ne point descendre dans la mer. Les autres étoiles se rattachent chacune aux figures qui ont été décrites ; à l'endroit où le Sirius ardent poursuit le Lièvre, il y en a de languissantes, toutes emportées sans dénomination fixe. Mais au delà du signe du Capricorne couvert de soies, là où le vent austral souffle du pôle baigné des flots, le Poisson s'élève, présentant son ventre à l'horrible Baleine. La Grèce l'appelle le Poisson du Notus. D'autres étoiles sont dans le ciel, à l'endroit où s'incline le beau Verseau, et où la croupe du monstre marin se gonfle en crête jusque sous les rayons éclatants du Poisson céleste ; elles ont une flamme médiocre, faible, sans clarté. Elles ne sont pas répandues çà et là dans l'espace comme une foule ignorée ; mais près de la main droite de ce jeune adolescent qui passe pour présenter la coupe à la table des dieux, on voit se séparer en deux parts comme une apparence d'eaux qui s'échappent et coulent. Là deux astres seulement jettent une lumière éclatante ; ils ne sont ni séparés dans l'air par un intervalle spacieux, ni rapprochés de manière à confondre leur lumière. L'un, placé sous le jeune Phrygien, jaillit en pointe brillante ; l'autre, à l'endroit où se tourne la queue recourbée de l'énorme Baleine, tourne en large globe de feu : tous deux portent le nom d'Eau. Enfin, près du visage du Sagittaire, là où se dessinent les pieds antérieurs du Cheval, d'autres étoiles encore sont entraînées dans la rotation de l'Olympe une obscure clarté tombe de leur flambeau languissant.
L'AUTEL.
Plus loin, aux lieux où s'élève le Scorpion dressant sa queue immense, et étincelant au-dessus du tiède Auster, l'Autel occupe un faible espace. Vous le verrez en un champ assez resserré accomplir sa course dans le ciel étoilé. Car au tant le ciel, à l'endroit où le Bouvier se montre au pôle opposé, élève sa voûte suspendue au-dessus des eaux troublées de l'Océan, autant il s'étend en sens contraire. Le pôle Arctique élève l'Arctus, de même que le pôle Austral, fécond en pluies, abaisse l'Autel. Ce dernier signe parcourt une petite carrière et se couche rapidement ; néanmoins la nuit, mère des astres, prenant autrefois en pitié la destinée malheureuse des hommes, a voulu qu'il donnât des présages certains pour les tempêtes. Puisse l'Autel polaire n'être pas visible pour vous au milieu des nuages chargés de pluie ; quand le ciel se resserre sous un air plus lourd, amoncelant autour de l'astre d'épais flocons de neige qu'un vent violent accumule, et quand les nuées, sorties de la terre et répandues dans l'espace, versent d'en haut les pluies contenues dans leur sein. Oh ! qu'on ne voie pas dans un pareil temps briller l'aigrette de l'Autel ! car cette constellation, brillant au sein des nuits, nous a souvent appris l'approche du Notus. Pour celui qui est attentif à ces avertissements de la nuit ; en vain les Zéphyrs bouleversent la mer ; pour celui qui les dédaigne, les vents fracasseront son navire imprudent. À peine Jupiter, s'il accordait aux malheureux une compassion tardive, pourrait-il ramener enfin, sains et saufs les matelots flottant sur la haute mer. Mais un espoir plus certain leur viendra, si, du point élevé de Borée, la chevelure d'un éclatant éclair effleure l'horizon. Ainsi, avec les premiers signes, les vents de l'Auster soulèveront les flots, jusqu'à ce que du côté de Borée jaillisse une flamme étincelante. Mais si vous remarquez que le Centaure, à l'endroit où il tient le milieu de sa route céleste, à égale distance des flots de l'aurore et de ceux du couchant, ait l'épaule couverte d'un manteau de nuages, tandis que tous les astres brillent au ciel, alors le vent d'Eurus soufflera, l'Eurus balayera les eaux de l'abîme des mers.
LE CENTAURE.
Contemplez les flancs ardents de cet être à double forme, dont les membres sont formés de deux astres. À l'endroit où le quadrupède élève sur son corps de cheval un buste d'homme, se voit l'énorme Scorpion ; et à l'endroit où l'homme, à partir du milieu du ventre, allonge ses formes de cheval, s'avancent les bras recourbés de la constellation venimeuse. Pour le Centaure, qui étend sa droite vers l'Autel céleste, il a sur la terre vécu juste et vertueux, et porte encore à la main une proie sauvage. Il avait, aux lieux où le Pélion élève sa haute croupe et perce les nuages, de l'air de ses sommets boisés, enseigné les lois au juste Alcide, revenu de ses guerres.
L'HYDRE.
Au-dessus, l'hydre déroule sa vaste étendue ; s'élevant hors des eaux, elle déploie au loin ses flancs dans l'espace, allonge sa tête vers le Cancer, incline sa queue vers le fier Centaure, traversé les larges entrailles du Lion, et repose sa crête sous l'immense signe de la Vierge. Vous croiriez qu'elle respire, tant elle étreint le ciel de ses anneaux glissants, tant elle agite ses replis dans l'air, tant elle darde la triple langue, de sa gueule enflammée. Au milieu de ses replis elle soutient la Coupe brillante ; l'extrémité de son corps porte le sombre Corbeau, en sorte que l'oiseau, d'un bec infatigable, fouille ses entrailles flottantes.
L'AVANT-CHIEN.
Le dernier 'signe est l'Avant-Chien, placé sous la constellation des Gémeaux, dont la gueule brille d'un éclat rougeâtre, dont les flancs lancent une triple lumière. Tous ces astres se voient pendant les révolutions des années ; l'océan les entraîne tous, et quand ils replongeront, l'océan les recevra encore ; la voûte du ciel les entraîne tous avec elle. Tels sont les astres qui éclairent la nuit.
LES PLANÈTES.
Cinq autres étoiles, dont ]a figure n'est pas semblable; et qui n'ont pas le même aspect que les étoiles fixes , volent légèrement à travers les douze signes ardents du zodiaque. On ne peut déterminer avec certitude leurs révolutions; elles errent vagabondes au milieu du ciel, et toujours elles sont emportées dans un sens contraire à la route céleste. La sphère se meut sans cesse à partir de la mer d'Orient, et descend vers les eaux d'azur du vaste océan Atlantique. Pour elles, elles poussent leur disque contrairement à la route inclinée du ciel, elle tendent avec effort vers le haut de la voûte, et sont emportées d'un mouvement opposé aux rayons du soleil : de même lorsqu'une barque est entraînée au courant de l'eau, si quelqu'un s'élance de la haute proue pour mettre le pied sur la poupe, il s'avance dans un sens contraire au mouvement imprimé. Cependant ces étoiles s'élèvent toujours par une force opposée au cours de la sphère, et ne dirigent leurs feux que contre les flammes du soleil. Toutes mettent néanmoins un long temps à accomplir leur révolution, et recommencent avec la même lenteur quand elles sont revenues à leur point de départ. Aussi n'irai-je point, dans mon ignorance, me hasarder à les décrire; ce sera assez pour ma Muse, assez pour le travail d'une longue vie, si je dévoile le cours et la figure des étoiles fixes.
LES CERCLES.
Quatre zones font le tour de la sphère éthérée ; il suffit à qui veut
savoir les mouvements et les phases célestes de connaître ces quatre zones.
Toutes sont semées de constellations qui tournent attachées à elles. Elles
gardent au milieu des siècles une route invariable : elles se soutiennent en
s'enlaçant les unes dans les autres. Deux d'entre elles ont de plus grandes
dimensions. Si vous voulez contempler les astres d'or attachés au voile des
nuits, non pas quand le flambeau de Phébé partage les mois par la moitié, de
façon à ce que les rayons émoussés des étoiles plissent devant l'éclat de
la déesse qui remplit tout le ciel et efface les flammes subalternes, mais, au
contraire, quand son disque échancré laisse aux constellations toute la
vivacité de leurs feux, alors voyez s'étendre dans le ciel une nappe de Lait
blanchissant ; sa couleur lui a fait donner son nom dès le commencement du
monde. Ainsi la Grèce savante l'appelle Zone, ainsi dans notre langue il se
nomme Balteus [Zodiaque]. Aucun autre cercle n'a la même forme ni la
même couleur que celui-ci ; deux, seulement ont une longueur et des dimensions
pareilles ; les deux autres sont pressés par une ligne plus courte,
circonférence mobile qui n'occupe pas une grande étendue de l'espace.
L'un de ces deux derniers, à l'endroit où les rudes Aquilons déchaînent
leurs haleines et où se précipite le souffle de Borée, s'étend du côté de
la fille de Lycaon. Là sont les tètes des Gémeaux ; là reposent les genoux
du Cocher attachés au cercle. Le même cercle retient Persée par le pied
gauche et par l'épaule gauche jusqu'au coude ; il soutient aussi le bras droit
d'Andromède : la triste Andromède lève l'extrémité de sa main vers l'âpre
Borée et incline son coude vers l'Auster. Là est enchaîné le Cheval par le
bout des pieds, là est enchaîné le Cygne par le sommet même de la tète ;
là le cercle coupe les épaules du Serpentaire et fait tourner avec lui son dos
resplendissant. Èrigone se dérobe du côté de l'Auster, et ne fait
qu'effleurer pudiquement la zone de son corps virginal. Mais le Lion, mais le
Cancer boréal étendent leurs flancs à travers la bande céleste : le cercle
perce d'abord à la superficie la poitrine brillante du Lion, puis
successivement le ventre et la partie postérieure de l'animal ; il pénètre en
plein dans les entrailles du Cancer, partage en deux son corps sous sa cuirasse
bombée, et passe entre les deux yeux. Si l'on divise en huit parties cette zone
du ciel, cinq roulent dans la région supérieure, trois sont plongées dans les
eaux salées de la mer. À partir de là le soleil flamboyant redescend dans
l'espace ; le dieu, repoussé une fois, cède à l'ordre qui amène l'été ; le
cours de l'astre ne monte plus vers le nord ; l'attelage rentre dans la voie
qu'il connaît, et le chemin du soleil incline vers le Notus. Ce cercle est
celui lui s'allonge à côté du Cancer, tournant toujours dans le sens de
l'occident. L'autre cercle, situé au loin sous le pôle austral, partage en
doux le corps du pluvieux capricorne, les pieds du jeune homme de l'Ida, et
l'extrémité de la queue de la Baleine azure ; là est le Lièvre, aux formes
courtes, là est attaché le Chien par l'extrémité de ses membres ; là se
voit Argo, le vaisseau thessalien, là est coupée la croupe sauvage du Centaure
massif ; le cercle partage les anneaux brisés de la queue du Scorpion ; là est
la vaste Flèche, posée sur l'arc tendu. Ce cercle est le dernier point
jusqu'où s'avance le soleil ; dans sa marche vers l'Auster, c'est là qu'il
s'arrête alors que la saison se blanchit de frimas. L'astre, dans son cours
céleste, s'élançant loin de cette borne, retourne vers l'Aquilon qui souffle
par un ciel serein. Trois sections seulement de ce cercle se montrent au jour ;
cinq sont cachées, ensevelies dans les eaux de la mer inconstante.
Entre le cercle du Cancer et celui du Capricorne, et présentant la même
étendue que la Voie lactée, une ligne prolonge sa trace immense, et laisse à
une égale distance les profondeurs du Notus et les hauteurs de l'Aquilon. Là
se balancent, soumis à une loi souveraine, la lumière et les ténèbres ; la
nuit, rivale du jour, lui succède avec la même longueur ; Phébus, à son
tour, apporte sa lumière et roule un nombre d'heures pareil, soit que l'été
dans toute sa force brûle les entrailles de la campagne qui s'entrouvre, soit
que la terre tressaille à l'aspect du printemps couronné de fleurs. Ce cercle
s'étend à travers les hauteurs du ciel dans la direction que marque le Bélier
; car sa ligne soutient la constellation tout entière. Là se courbent les
jarrets du Taureau menaçant ; là brillent les étoiles du baudrier d'Orion.
Là est le Serpent aux ondulations légères, et la Coupe, et le bec béant du
vorace Corbeau ; là luisent les flammes des Pinces tortueuses ; là tremblent
les genoux du Serpentaire qui se dresse. L'oiseau porteur de la foudre de
Jupiter n'y manque pas non plus : la ligne traverse la tête même de l'Aigle
fauve, Là se montre le Cheval, là s'élève le cou à longue crinière de
celui qui fit naître l'illustre Hippocrène. Ces trois cercles se tenant dans
le ciel parallèles l'un à l'autre et séparés par un égal intervalle, l'axe
les traverse tous trois de manière à passer par leur centre.
Par-dessus se trouve une zone qui est de biais avec les autres. Ce quatrième
cercle est contenu et serré par la masse des deux zones. que nous avons dit
être placées dans les régions. opposées de là sphère, appelant le moment
de repousser le soleil. Lui et le précédent se coupent mutuellement par le
milieu. Jamais la déesse Pallas, quoiqu'elle surpasse tous les dieux en
pénétration, n'assemblerait avec la même harmonie les pièces d'un char
roulant, et ne saurait entrelacer les rouages en les espaçant avec cette
régularité qui enchaîne tous les astres au cours du zodiaque, et pousse à la
suite les uns des autres dans une même voie les jours et les nuits, depuis le
lever de la lumière jusqu'aux mers lointaines de Calpé. Après s'être
élancé de la mer de Tithon, chaque signe revient se plonger dans les eaux de
l'Occident, suivant l'ordre qui lui a été assigné. Le lever est le même pour
tous ceux qui paraissent ; ils obéissent à une seule et même loi d'Ascension.
Enfin le coucher de tous est pareil, et les astres se cachent par une même
chute. Or, ce cercle sous les eaux de l'Océan occupe un espace égal à celui
qui sépare le Capricorne du Cancer azuré ; et les dimensions qu'il offre quand
il s'élève de la mer ; il les offre encore quand il abaisse vers les ondes
opposées son cortège d'étoiles. Pour mesurer l'espace dans lequel s'étendent
les dernières limites de sa circonférence, il faut prendre la terre comme un
point ; et, en effet, quand le rayon visuel part de la terre, il n'occupe que la
place d'un point. Si donc quelqu'un dirige au loin de ce point central des
regards exercés, il arrivera à un endroit qui, défaillant par l'éloignement,
se perdra dans le vague de l'air. Cet espace borné qu'embrasse la vue, si on le
porte comme mesure autour du cercle où roulent les signes, partagera la vaste
circonférence en six parties. Ces parties sont disposées d'après la loi qui a
mesuré l'étendue, et chacune d'elles, coupée en deux, renferme deux signes.
Là sont compris le Cancer, le Lion flamboyant, la Vierge attique ; les Pinces
du Scorpion y sont aussi, et le Scorpion lui-même ; et le Sagittaire ; puis
roule la figure velue du Capricorne ; le Verseau présente son urne d'or ; enfin
viennent les deux Poissons, le Bélier, le Taureau et les Gémeaux. Le soleil
rase ces douze signes, puis, les parcourant tous de nouveau, il accomplit, pour
le recommencer, le cours des années. Quand l'astre d'or s'avance dans le cercle
du zodiaque, chaque saison montre à son tour son visage qui fait naître les
fruits.
Aussi profond il plonge sous l'Océan, aussi haut il s'élève au-dessus de la
terre. Toutes les nuits il entraîne à son coucher six constellations dans la
mer, et en fait sortir six. La nuit humide se prolonge toujours dans une
étendue égale à celle que le cercle occupe hors des eaux.
Mais si vous voulez savoir combien de temps la lumière est retenue, et mesurer
cette immersion pendant laquelle la nuit sombre amène avec elle le repos,
examinez les constellations qui s'élèvent au loin de l'Océan, car toujours le
soleil est entré dans l'un des douze signes. Souvenez-vous donc de chercher des
yeux leur berceau ; ce sont elles que vos regards doivent s'égarer à
poursuivre, elles qu'il faut remarquer dans le ciel. Si elles se dérobent dans
les nues, ou si, à cause des renflements fréquents de la terre, elles ne
s'élèvent point à l'horizon ; cachées et masquées par quelque montagne, il
est un moyen facile de connaître par les autres signes le moment de leur venue.
On peut les remarquer tous d'après les indications de l'Océan, qui, embrassant
de ses ondes l'immense terre, creuse les courbes de ses rivages pour recevoir le
ciel, et ouvrir plus largement aux astres le vaste sein de ses eaux. Ces
indications se verront toujours à ses cieux extrémités, soit du côté où le
flot murmure sous la brise du matin, soit du côté où se déchaînent les
courants furieux de la mer Atlantique.
En effet, on verra luire, quand le Cancer se lève, les étoiles qui roulent aux
deux côtés de l'Océan ; celles qui descendent dans la mer, ou celles qui, au
contraire, partent des régions orientales de l'espace. Les brillantes
guirlandes de la Couronne d'Ariadne s'abaisseront ; la Baleine, qui habite sous
l'Auster, abaissera aussi son dos. Toutefois vous verrez toujours celle-ci à
moitié suspendue dans le ciel, à moitié plongeant son épine dorsale dans les
ondes, alors même que la Couronne descendra tout entière ; renversant la plus
grande partie de sa masse, elle élèvera parmi les astres du ciel le côté
inférieur de son corps jusqu'au ventre ; la gueule, puis le cou et sa vaste
poitrine sont baignés par les flots. Le Cancer pèse sur le Serpentaire depuis
ses genoux jusqu'à ses hautes épaules ; le Cancer pèse encore à son lever
sur le Serpent, à l'endroit où celui-ci balance la vaste étendue de sa tète,
là où il dresse les aspérités de son cou et gonfle les premiers replis de sa
poitrine. L'Arcture ne sera pas très éloigné de ces deux constellations ;
déjà il ne laisse dans le ciel que la moindre partie de son astre, déjà il
plonge dans la mer presque tout son corps ; de concert avec les quatre autres il
entre dans l'Océan. Il a peine à quitter cette lumière dont il n'est pas
rassasié ; enfin il se décide à descendre de la voûte céleste. La nuit
enveloppera dans ses voies plus de la moitié des heures, lorsque cet astre, le
jour tombant, descendra dans les eaux en même temps que Phébus. Pendant que
ces constellations s'enfoncent dans le sein de la vaste mer, dit côté opposé
Orion s'élève avec son astre naissant. Orion, dont l'ardent baudrier jette au
loin des feux, dont les épaules brillent, faisant resplendir son éclatante
épée, et traînant après lui l'Éridan, se montre sur l'autre rivage.
Lorsque ensuite arrive le Lion à l'épaisse crinière, tous les astres qui
s'étaient levés an moment où le Cancer montait dans le ciel, se retirent.
L'oiseau de Jupiter lui-même plonge dans les ondes, gagnant précipitamment la
mer de toute la force de ses ailes. L'Agenouillé, appuyé sur son jarret
fléchi, dérobe déjà les membres supérieurs de son corps. Toutefois il ne
cache ni soit genou, ni soit pied gauche dans la mer ; l'Océan ne dévore pas
le signe tout entier. L'Hydre montre sa tête, le Lièvre s'élève léger et
rayonnant, de même que l'Avant-Chien, de même que les pieds antérieurs du
Chien à la tête enflammée.
Quand Érigone a fait paraître son visage hors des ondes salées, et que,
déjà lancée dans l'immensité des airs, elle traverse le ciel, elle chasse
une multitude d'astres. Au lever de la Vierge qui sort des flots de l'Aurore, on
voit la Lyre de Cyllène, le Dauphin et la Flèche se plonger dans la mer ; le
Cygne cache la partie antérieure de son blanc plumage ; déjà la queue surnage
à peine au-dessus de l'eau ; à peine l'Éridan se montre avec une pâle
lumière et colore de loin la surface mobile de la mer. Le Cheval baigne sa
tête ardente ; son cou hautain s'allonge vers les profondeurs salées de
Téthys ; toute sa crinière trempe dans les eaux. Du côté opposé l'hydre
s'élève vers la Coupe qui la domine, le Sirius dégagé fait étinceler ses
pieds de derrière, tirant le navire Argo de la mer azurée. Celui-ci brille et
se montre jusqu'au mat, quand déjà la sphère emporte vers le zénith les
membres de la Vierge.
Lorsque la mer laisse sortir les Pinces éteintes du Scorpion, celles-ci sont
sans étoiles et privées d'une éclatante lumière ; leur lueur est insensible,
et leur lever s'aperçoit à peine. Elles sont accompagnées du Bouvier, qui
leur prête les feux dont son astre naissant étincelle, et qui de loin enflamme
l'Arcture dans le ciel élevé. Déjà le Vaisseau thessalien monte dans la
région supérieure de la sphère ; déjà l'Hydre s'étend plus longue dans
l'espace, et glisse dans les cieux, sans montrer encore l'extrémité de sa
queue. Voyez comme !'Agenouillé sort de la nier soit pied droit, le seul qu'il
montre en se levant. Ce pied brille à côté de la Lyre, et le corps rasant les
eaux ténébreuses, est porté vers les sombres vagues de la mer d'Occident ;
bientôt il paraîtra radieux hors de l'océan Oriental ; mais au lever des
Pinces il ne montre que son pied. Cependant, la tête renversée, ce signe
attend les dernières parties du monstre ; le Sagittaire les attend aussi pour
montrer sa flèche dans le ciel, et la balancer comme un guerrier au plus haut
de l'espace. Les Pinces ramènent cette constellation ; le Scorpion lui-même
soulève la cuisse du Sagittaire, quand l'arc de celui-ci apparaît, et en même
temps sa main gauche, sa tête et sa figure. Enfin il lève en trois parties ses
membres attardés, enfin trois étoiles annoncent qu'il est sorti tout entier de
la mer. Puis les guirlandes du milieu de la Couronne, et l'extrémité touffue
de la queue du Centaure, quand on voit ramper les bras antérieurs du monstre
venimeux, sortent déjà des abîmes de l'Océan, ainsi que la dernière partie
du Cygne ; et la tête du Cheval fougueux domine la mer. Bientôt ces astres
sont descendus au loin dans les profondeurs de la mer d'Occident, où les flots
les ont engloutis. Les vastes eaux reçoivent la tête d'Andromède, et l'Auster
amène dans les régions du ciel incliné la terrible image du monstre né des
flots. Mais du côté de l'impétueux Borée, regardant comme du haut d'une
éminence et placé près du pôle supérieur, Céphée se penche de loin sur
cette image, étend ses bras dans le vide, et avertit que le cruel fléau des
mers va venir. Elle cependant, se renversant en arrière sur les vagues
profondes, baigne la partie du dos qui est voisine du sommet de la tête.
Céphée la suit dans les ondes et plonge sa tête et ses larges mains. À son
tour, quand le Scorpion ardent parait hors de l'Océan, toutes les étoiles que
le fleuve Éridan répand sous la figure de flots, se cachent dans le sein de
Téthys, et le Padus est recouvert par les eaux de la mer Occidentale. Le
Scorpion, qui sort en rampant de la mer, épouvante le gigantesque Orion. C'est
une vieille fable, ô fille de Latone, et nous ne sommes pas le premier à
introduire cette fiction dans nos vers ; ce siècle n'est pas le premier qui
fasse le récit de ses fureurs. L'aveuglement d'une âme sans frein, la fureur
immodérée du crime avaient pénétré de leurs aiguillons le cœur sacrilège
de cet homme ; une flamme coupable embrasa tous ses sens ; une ardeur excessive
brûla son sein. Le pervers te saisit, et, dans son insolence, n'est-ce pas sur
toi, sur toi, déesse, qu'il a osé porter une main téméraire ? Quand son bras
impie eut abattu les bocages consacrés de Chio, et les bras des bois saints au
large feuillage, et les têtes chevelues de tes forêts, pour offrir son forfait
audacieux à OEnopion ; alors il reçut le digne prix de son insolence
effrénée. La déesse, fendant les flancs d'un mont chargé de nuages, fait
sortir des antres un animal terrible, qui s'élance sur son cruel ennemi. Dès
que le monstre, attaquant Orion de ses pinces mordantes et tortueuses, les a
enfoncées tout entières dans les membres du téméraire, celui-ci tombe puni
de son crime. C'est la récompense due à une telle fureur, c'est celle qui suit
toujours les outrages contre les dieux. La crainte, une éternelle crainte
poursuit toujours cet astre, et dès que le Scorpion se montre au jour, Orion
d'une course éperdue gagne les extrémités de la terre. De même la partie
d'Andromède qui tournait encore dans le ciel et ce qui restait de la Baleine
dans le cours de la sphère se précipitent, aussitôt que se montre le
Scorpion. La terreur les pousse tous au loin dans les eaux, une commune
épouvante les entraîne tous au fond des mers. Céphée lui-même plonge sa
tête et ses bras étendus dans les vastes flots ; les bords de son baudrier
rasent la terre, et la poitrine seule du vieillard est baignée par l'orageux
Océan ; le reste tourne avec le ciel au-dessus du rivage sans jamais se
coucher. La mère d'Andromède, Cassiépée, suit aussi l'astre tombant de sa
fille qui se précipite, et emporte jusque dans les sombres eaux le désordre de
son malheur : inclinant sa tête vers la mer, l'infortunée, du haut de son
trône, soulève ses pieds dans les airs ; la colère et la fureur la
bouleversent après la mort de Doris et de Panope ; ce souvenir douloureux
l'accable de tourments. Tous ces astres entrent ensemble dans la mer d'Occident.
Cependant le ciel en produit d'autres, et remplace ceux qui tombent par un grand
nombre qui montent. Dans le même temps les dernières tresses de la Couronne se
dégagent de la mer ; l'Hydre élève la queue qui termine son corps ; la tête
et les membres gonflés du Centaure paraissent au-dessus de l'eau ; sa main
droite est chargée d'une proie sauvage ; les pieds antérieurs de l'animal
attendent pour se montrer l'arrivée de l'Arc, et quand l'Arc revient dans le
ciel, ils commencent à s'élever ; de même le reste du Serpent et les membres
du Serpentaire ne sortent qu'avec l'Arc à la surface des eaux. Les têtes de
ces deux constellations, les deux mains du Serpentaire et les premiers replis du
Serpent éclatant s'avancent avec le Scorpion hors de l'océan Oriental. Pour
l'Agenouillé, dont la mer ordinairement ne laisse voir que le pied relevé en
arrière, il avance alors la moyenne partie du corps, sa vaste poitrine, son
épaule, sa main droite hors de l'écume du gouffre bouillonnant.
Pareillement la tête et l'autre main sortent, quand on voit briller les
étoiles du Sagittaire : La Lyre de Mercure se lève en même temps que cette
dernière constellation ; et Céphée, soulevant ses pas vers le pôle élevé,
ne dégage pas encore sa poitrine de l'abîme ; mais, lavant ses flancs dans les
ondes, il domine et pousse du pied le Char de l'Ourse lycaonienne. Dans le même
temps les étoiles enflammées du grand Chien disparaissent ; déjà la mer a
reçu dans ses eaux le vaste corps d'Orion ; le signe du Lièvre se couche tout
entier, et alors même Sirius le poursuit fuyant dans l'Océan. Mais quand le
Cocher descend dans les profondeurs de la mer, la Chèvre et les Chevreaux ne le
suivent pas ; ces astres brillent au ciel, tandis que le premier s'enfonce dans
les flots livides. On les voit, avec leurs membres distincts du Cocher,
surmonter au loin son épaule gauche et s'élever au sommet de sa main, jusqu'à
ce que, marchant avec le soleil couchant, à la chute de cet astre ils troublent
au loin la plaine azurée.
L'autre main du Cocher, le sommet radieux de sa tête, l'épine élancée de son
dos qui se dresse, s'effacent devant le lever du Capricorne velu ; ses membres
inférieurs cèdent la place au Sagittaire qui se montre de nouveau. Déjà
Persée ne ralentit plus le vol de son astre dans les espaces de l'air ; Argo ne
dégage pas son gouvernail des eaux qui le baignent ; enfin, libre encore du
pied droit et du genou, Persée plonge le reste dans la mer. Le navire Argo
baigne la partie de sa poupe qui est tirée vers le rivage arrondi, et de sa
dure carène touche les eaux azurées. Lui aussi attend le lever du Capricorne
cilicien, et alors du haut du ciel il descend tout entier dans la mer. Puis
l'Avant-Chien, suivant les pas de son maître, entre dans les flots, et change
les régions élevées du ciel pour les profondeurs de l'Océan. Tels sont les
astres qu'engloutit la mer Occidentale, ceux qui s'éteignent dans l'onde
bruyante et agitée. Du côté opposé la sphère élève le Cygne et l'Aigle de
Jupiter. Les étoiles enflammées de la Flèche paraissent à l'horizon, et à
travers les régions du Notus le Capricorne pousse le Dauphin et le brillant
Autel des dieux dans les plaines de l'air.
Mais quand le Verseau élève son disque du côté de l'orient, le Cheval montre
de nouveau sa bouche et ses pieds. Voilà que du côté où le ciel s'incline,
la nuit sombre entraîne par la queue le Centaure sous la mer d'Occident ; mais
la tête et les vastes épaules ne se couchent pas en même temps : la partie de
la constellation qui a la forme du Cheval se voit jusqu'à la poitrine, et sa
tête soutient le ciel. Puis le Serpent plonge sa gueule et ses premiers anneaux
seulement ; cependant il traîne au loin derrière lui la vaste étendue de sa
queue. Celle-ci entre dans la mer, l'animal entre tout entier dans les eaux de
l'Océan, quand le Centaure se jette dans les ondes, et que les Poissons font de
nouveau briller leur constellation. Lorsqu'ils s'élèvent au haut du ciel,
l'autre Poisson, celui que le brillant Verseau foule du pied, apparaît vers
l'Auster ; toutefois il ne montre pas tout son corps, mais il attend la venue
d'un autre signe ; en partie il est caché, en partie il s'élève hors des
flots bruyants vers la voûte des cieux. De même les bras de la triste
Andromède, de même ses cuisses et ses épaules brillantés sortent peu à peu
des abîmes de la mer quand les Poissons montrent à l'horizon leurs flammes
d'or ; et enfin quand les Poissons jettent tout leur éclat, celle-ci porte sa
main droite dans l'espace, et tout le côté gauche de son corps virginal
apparaît.
Au lever de l'astre fougueux de Phryxus, le Bélier pousse l'Autel austral vers
les eaux de la mer d'Occident. Du côté où revient la lumière, il excite
Persée à montrer les étoiles de sa tête superbe et la clarté éblouissante
de ses épaules : le reste ne sort pas encore de la mer. Et même la nature,
jalouse de ses secrets, a laissé cette question tout à fait douteuse : savoir,
si le Bélier, paraissant jusqu'au bout, faisait sortir les autres membres de
Persée, ou s'il ne repoussait du pied la mer qu'en compagnie du Taureau. Avec
ce dernier signe, il se montre tout entier dans le ciel ; aucune de ses parties
ne reste dans les eaux, il ne se sépare pas de l'astre du Taureau naissant. Aux
flammes de ce dernier s'attache la constellation du Cocher ; pourtant le Taureau
ne la pousse pas tout entière dans l'espace : le Cocher ne sort complètement
des flots amers qu'au lever des Gémeaux. Avec le Taureau la Chèvre, le pied
gauche du précédent et les Chevreaux se dégagent de la mer. Puis la Baleine
quitte de nouveau les ondes pour les hauteurs célestes : les rudes aspérités
de sa queue et de sa crête vont encore frapper la sphère élevée. Quand le
ciel arrondi, inclinant sa courbe à l'Occident, tire hors de l'abîme les
étoiles du monstre farouche, le vaste Bouvier plonge, mais de loin, sa partie
antérieure. Cet astre, en effet, tandis que quatre signes se lèvent, entre à
peine dans la mer profonde ; de même l'Arcture ne glisse pas tout entier de la
voûte éthérée, mais sa main gauche demeure constamment, et s'étend sous les
Ourses qui la dominent.
Mais quand le Serpentaire regagne les flots à grands pas, pour plonger ses
genoux dans la vaste étendue de l'Océan, c'est un signe que les Gémeaux vont
s'avancer du côté de l'Aurore. La Baleine ne parait plus raser aucune surface,
mais déjà elle est tout entière au-dessus de l'horizon ; déjà la mer a vomi
la noire figure, et ne retient plus l'extrémité de son corps. Pourquoi le
matelot sur la mer n'observerait-il pas les premiers flots du Padus naissant
bouillonner dans la vaste étendue du ciel ? Pourquoi n'attendrait-il pas les
flambeaux voisins du rouge Orion, pour apprendre, à l'aide d'indices certains,
à se frayer avec habileté une route au milieu des ténèbres, et pouvoir, sur
la foi d'un astre, déployer sur une mer sûre ses voiles aux Notus ? Je crois,
si l'on apporte à cette grande étude un soin convenable, qu'il existe un moyen
facile de connaître toujours ces mystères avec les leçons de Jupiter ; le
ciel sera le maître qui vous instruira sur tous les astres ; du haut du ciel
Jupiter nous enseigne tout : souverain bienveillant, il a produit la science
véritable qui tire de leur obscurité les causes secrètes des variations de
l'atmosphère.