RETOUR À L’ENTRÉE DU SITE

ALLER à LA TABLE DES MATIERESd'athénée

 

 

ATHÉNÉE

 

TRAITÉ DES MACHINES

 

Oeuvre numérisée par Marc Szwajcer

 

 

 

 

 

TRADUCTION DU TRAITÉ DES MACHINES

d’ATHÉNÉE

PAR

M. DE ROCHAS D’AIGLUN

Commandant du Génie.

************

 

Nous avions projeté, Graux et moi; d’unir nos efforts pour publier, sur la fortification et l’art des sièges dans l’antiquité, une série de travaux faisant suite à ceux que nous avions déjà publiés soit ensemble, soit séparément.[1] Nous devions successivement traduire les traités des ingénieurs grecs sir ce sujet, composer un lexique des termes techniques, et enfin reprendre, d’après ces données, la traduction de tous les sièges racontés par les historiens anciens. La mort prématurée de notre ami est venue interrompre ce projet lorsqu’il avait à peine reçu un commencement d’exécution. L’ouvrage que je publie aujourd’hui, dans ce livre destiné à honorer sa mémoire, n’était en effet qu’une première étude destinée à la composition d’un volume où nous aurions réuni, commenté et comparé les Traités sur les machines de guerre d’ATHÉNÉE, d’APOLLODORE, de BITON et d’HÉRON de Constantinople. Privé du secours de celui qui me rendait ces travaux faciles et agréables, le courage et le temps m’ont également fait défaut pour continuer l’œuvre commune, et cet opuscule imparfait n’aurait jamais vu le jour si je n’avais tenu à m’associer à la touchante manifestation qui s’est produite le jour même où nous lui avons fait nos derniers adieux.

NOTICE SUR ATHÉNÉE

Il est difficile de déterminer l’époque à laquelle vécut Athénée. On n’a de lui qu’un Traité sur les machines de siège, à la fin duquel il parle de son projet d’écrire un autre traité sur la manière de combattre ces machines. Le seul ingénieur de ce nom dont il soit question dans l’histoire, était de Byzance. Suivant Trebellius Polio, Gallien l’aurait employé, ainsi que Cléodamas autre ingénieur byzantin, à la construction et à la restauration des forteresses de l’Empire; mais on ne voit point quel pourrait être, à cette époque, le Marcellus auquel est dédié le livre des Machines.

D’autre part, il est à peu près certain que ce Marcellus ne peut être le vainqueur de Syracuse (202 av. J.-C.), puisque Athénée cite les ouvrages d’Agésistratos, disciple d’Apollonios (probablement Apollonios de Perga, qui florissait sous le règne de Ptolémée Philopator, contemporain du siège), et ceux de Ctésibios, qu’on s’accorde à regarder comme vivant au commencement du iie siècle avant notre ère.[2]

Il est donc assez vraisemblable de supposer qu’il s’agit ici de M. Claudius Marcellus, un des lieutenants de Pompée, qui commandait avec C. Copronius l’escadre de Rhodes, qui fut consul en l’an 51 av. J.-C. et pour lequel Cicéron composa son plaidoyer Pro Marcello. Athénée se trouverait ainsi le contemporain de Vitruve, qui a puisé aux mêmes sources que lui pour composer son livre X et qui ne l’a point cité parmi les ingénieurs ayant traité des machines (Préface du livre VII).

Le texte d’Athénée a été publié deux fois: par THÉVENOT, dans les Veteres mathematici, en 1693; par M. Wescher, dans sa Poliorcétique des Grecs. M. Wescher y a ajouté plusieurs passages inédits.

Il n’y a eu qu’une traduction latine, celle qui a été publiée par Thévenot, et qui est attribuée soit à l’abbé de Valois, soit à Cotelier.

La bibliothèque de l’Institut possède une traduction française inédite, due à M. Vincent; je l’ai consultée.

Le principal intérêt du Traité d’Athénée consiste dans les renseignements historiques qu’il donne sur l’origine des machines et dans les rapprochements qu’on peut faire avec le texte de Vitruve. Ses descriptions sont généralement fort obscures, et souvent les figures qui les accompagnent ne concordent point avec le texte. Nous reproduisons ces figures d’après les bois qui ont servi à illustrer le texte d’Athénée dans le livre de M. Wescher; mais nous les avons réparties autrement, pour les mettre en regard des parties du texte auxquelles elles se rapportent.

******************

Les mots placés entre crochets < > n’existent point dans le grec. On a indiqué entre crochets d’une autre forme [ ] les pages de l’édition de M. Wescher qui correspondent à la traduction.


 

TRAITÉ DES MACHINES PAR ATHÉNÉE

 

<Avant-propos.> — 1. [P. 3 Wescher.] Autant qu’il est possible à un auteur qui écrit sur les machines, ô illustre MARCELLUS, je me suis souvenu de ce précepte de Delphes, précepte divin, que nous ne devons jamais négliger, d’être ménagers du temps, que tous, pour ainsi dire, nous dépensons, sans compter, chaque fois que nous en avons besoin dans la vie [P. 7, 1. 4.] Or, pour les traités relatifs à l’art des machines, il me semble que ce qui convient c’est la concision et la clarté et qu’on ne doit point s’inquiéter des lois de la rhétorique.

Je vais d’après cela exposer ce que j’ai appris de l’ingénieur Agésistratos sur ce sujet.

<EXTRAITS D’AGÉSISTRATOS>

« Il est évident qu’il faut être expérimenté dans l’art de tracer les épures pour être capable, si l’on est chargé de la défense d’une ville, de s’opposer aux machines de l’attaque, et, dans le cas contraire, de construire contre la défense les engins nécessaires à l’attaque. Il n’est certes point facile au premier venu de s’en tirer, mais seulement à celui qui a étudié cet art avec soin, qui a passé par toutes les études qui s’y rattachent, et qui s’est rendu compte, sans se contenter de l’à peu près, des écrits des maîtres en la matière et des faits nouveaux qui ont pu se présenter relativement à cette science. [P. 8. Wescher] Il faut en effet nous servir des bonnes inventions et ne pas vouloir innover en toute chose, à moins d’être de ceux qui cherchent à tromper les ignorants, préférant l’apparence à la vérité elle-même. » Tout ceci me paraît judicieusement pensé. AGÉSISTRATOS a été en effet tellement supérieur, dans la construction de ses machines de trait, à tous ceux qui l’ont précédé, que l’on a de la peine à croire ce qui est raconté de lui. Sa catapulte de trois empans lançait un trait jusqu’à trois stades et demi avec un ton de douze mines; celle de quatre coudées, qui était palintone, portait jusqu’à quatre stades.[3] APOLLONIOS, qui fut son maître, amena des masses de pierre si considérables à la jetée qui entoure le port de Rhodes, que ceux qui les ont vues, ont souvent été embarrassés pour se rendre compte des procédés par lesquels il a pu les charger sur des bâtiments et les décharger à Rhodes. C’est à la suite de ce travail qu’Agésistratos s’attacha à lui, espérant trouver dans sa fréquentation des notions utiles sur la poliorcétique; <il ne se trompait point> : c’est ce que fait voir sa tortue bélière (κριοφόρος χελώνη), ainsi que l’engin destiné à la combattre (πρὸς αὐτὴν ἀντιμηχάνημα) [P. 9.] Aussi il me semble qu’on doit ajouter foi aux conseils qu’a donnés un tel homme sur cet art.

3. — Il raconte[4] que le bélier (κριός, aries) eut pour premiers inventeurs les Carthaginois, au siège de Gadeira.[5] Ceux-ci avaient commencé par s’emparer d’un petit poste (χωρίδιον, castellum); tandis qu’ils en rasaient les murs au niveau du sol, quelques jeunes gens, qui n’avaient pas d’outils pour la démolition, prirent une poutre, et, s’en servant avec leurs bras pour frapper la muraille, ils abattirent ainsi un long pan. Un Tyrien, constructeur de vaisseaux, nommé PÉPHRASMÉNOS, avait été témoin du fait. Lors du siège que l’on fit ensuite de la ville même des Gadeiritains, il planta un grand mât dans le sol, y suspendit une poutre en travers, comme un fléau de balance, et frappa le rempart en donnant à cette poutre un mouvement d’oscillation. Ceux qui étaient dans la place ne sachant qu’opposer à ce stratagème nouveau, il arriva qu’au bout de peu de temps une brèche fut ouverte au rempart. [P. 10.] Après lui, le Carthaginois GÉRAS, ayant fabriqué un cadre en charpente monté, sur des roues, y plaça le bélier en travers; il ne lui donnait pas un mouvement d’oscillation, mais il faisait pousser contre le mur, par un grand nombre d’hommes, cette construction roulante, protégée par un toit. Géras, le premier inventeur de cette machine, lui donna le nom de Tortue (χελώνη, testudo), à cause de la lenteur de sa marche.

Plus tard, certains ingénieurs construisirent un bélier qui était poussé en avant sur des rouleaux, et se servirent de l’engin ainsi modifié.

4. —Toute cette science des machines progressa sous Denys, tyran de Sicile, et, pendant le règne de Philippe, fils d’Amyntas, quand Philippe fit le siège de Byzance. On cite parmi les plus célèbres dans cet art Polymnos de Thessalie, dont les élèves DIADES et CHARIAS furent les compagnons d’Alexandre. Diadès, dans son Traité des machines, se donne lui-même comme inventeur des tours transportables (πύγνος φορητός, turris ambulatoria)[6] et des engins connus sous les noms de trépan (τρύπανον, terebra), de corbeau (κόρξ, corvus demolitor ou grus), de pont volant (ἐπιβάθρα, ascensus). Il employa aussi le bélier monté sur des roues (κριὸς ὑπότροχος, aries subrotatus); [P. 11.] du moins il en donne la description.

5. — La Tour la plus petite, dit-il, doit avoir une hauteur de soixante coudées (27,72 m) et une largeur de dix-sept (7,87 m); la diminution de largeur vers le haut doit être d’un cinquième. Les montants doivent avoir une épaisseur de trois palmes (0,23 m) dans le bas et de sept doigts (0,43) dans le haut. Il construisit cette tour à six étages, chaque partie étant périptère.[7]

La plus grande de ses tours avait une hauteur de cent vingt coudées (55,44 m) avec une largeur de vingt-trois coudées et demie (10,86 m), [P. 12.] la diminution de largeur dans le haut était également d’un cinquième; l’épaisseur des montants était d’un pied (0,31 m) à la base, avec une section carrée décroissant régulièrement jusqu’à n’être plus que de six doigts (0,11 à 0,12 m) dans le haut. La tour construite avec ces dimensions était à vingt étages, dont chacun était entouré d’un chemin de ronde, de trois coudées (0,39 m) de large, afin de faciliter les secours en cas d’incendie. Le premier étage avait une hauteur de sept pieds et demi (3,46 m); le second en avait cinq (2,31 m); cette hauteur continuait jusqu’au cinquième, pour n’être plus, dans les <quinze> étages supérieurs, que de quatre coudées et deux palmes (2 m)

Pour les modèles plus petits des tours, la division en étages était basée sur les mêmes proportions. On revêtait ces tours avec des peaux de bœuf fraîches.

6. — Quant à la Tortue qui porte le bélier, sa construction était la même, qu’elle fût grande ou petite. [P. 13.] La grande avait trente coudées (13,86 m) de largeur et quarante (18,48 m) de longueur, avec une hauteur de treize coudées (6,00 m) sans compter le comble, qui se plaçait après coup. La hauteur de ce comble lui-même, à partir du cadre en charpente jusqu’au faîte, était de seize coudées (7,39 m). Le comble dépassait le plancher moyen d’au moins deux coudées (0,92 m), et, à l’aide des chevrons qu’il supportait, il faisait descendre le toit de manière à couvrir tout autour un chemin de ronde. Diadès élevait sur ce plancher moyen une tourelle à trois étages; aux étages supérieurs il installait des catapultes et à l’étage inférieur il emmagasinait une provision d’eau. Des poteaux formaient le pourtour de la tortue, qui avait un chemin de ronde. Dans l’intérieur, il établissait le support du bélier, au-dessus duquel il plaçait le cylindre; [P. 14.] c’est par le moyen de celui-ci que le bélier, auquel on imprimait un mouvement de va-et-vient, pouvait fonctionner. La tortue était revêtue de peaux comme les tours.

7. — Le Trépan comporte une tortue pareille à celle du bélier et d’une construction toute semblable. On établit sur le soubassement un canal, analogue à celui des catapultes euthytones, et muni, comme dans ces

Fig. 1. — Trépan.

engins, d’un treuil transversal.[8] A l’autre extrémité du canal, on fixe deux poulies,[9] qui servent à lancer en avant la poutre[10] qu’on place dessus. Sur le bâti qui supporte la poutre dans le canal, on dispose de nombreux rouleaux pour que la poutre puisse se mouvoir facilement. Tout étant ainsi établi, on lance en avant[11] la poutre avec laquelle on bat en brèche, puis on la retire au moyen du cabestan qui est placé au bas. [P. 15.] Au-dessus du canal on tend des peaux sur des cintres de manière à protéger la poutre qui se trouve à l’intérieur. Avec une telle machine bien exécutée, un ingénieur peut acquérir de la gloire; et, quant à la description qui en donnera bien les détails, elle illustrera le traité qui la renferme.

8. — Pour le Corbeau, je ne trouve pas qu’il vaille la peine d’être décrit.

9. — En ce qui concerne le Pont volant, Diadès, après avoir annoncé au commencement de son livre qu’il montrerait de quelle manière il doit être construit, n’en a rien dit; il n’a pas parlé non plus des machines qu’il a mises en œuvre sur mer. Tous ces points ont été laissés de côté, bien qu’il en eût fait l’annonce formelle dans de grandes phrases.

Fig. 2. — Pont volant.

10. — Pour nous, nous décrirons d’abord la Tortue des terrassiers (χωστρὶς χελώνη, testudo ad congestionem fossarum), ensuite les autres machines.

<Construction de la tortue de terrassiers.> — PHILON d’Athènes dit, en parlant de cet engin, [P. 16] qu’il sert à faire les chemins destinés à l’approche des tours de siège, à prolonger les portiques, à combler les fossés et à exécuter des remblais partout où il en est besoin;[12] il peut également servir pour établir des postes d’observation. Elle s’assemble sur un cadre de forme carrée, dont chaque face est de quatorze coudées (6,44 m); elle a quatre traverses (διαπήγματα) sur lesquelles sont fixées deux longrines (περιπήγματα); toutes ces pièces doivent avoir une épaisseur de dix doigts (0,19 m) et une hauteur de trois palmes (0,23 m). Les traverses doivent être espacées de deux coudées et une palme (1,00 m). A chacun des quatre compartiments placés aux angles sont adaptés des hamaxipodes [13] dans lesquels tournent les axes des roues, renfermés dans des colliers en fer, de telle façon que si l’on avait à préparer les approches (c’est-à-dire à constituer en avant une aire plane et unie, soit pour combattre, soit pour établir des engins), on puisse, ayant dégagé les roues après avoir sorti les essieux.[14]

Fig. 3. — Plan du cadre qui forme la base de la tortue des terrassiers.

Les roues sont au nombre de quatre, [P. 17.] d’un diamètre de trois coudées (1,40 m) et d’un pied (0,31 m) d’épaisseur, cerclées par des lames de fer battues à froid. — On fixe sur les châssis de base deux pièces de bois, dépassant de part et d’autre, d’une largeur de quatre coudées (1,85 m); et sur les saillies de ces pièces on assemble encore deux autres poutres qui dépassent, en avant de huit coudées (3,70 m), en arrière de quatre (1,85 m). Quant à l’équarrissage de ces pièces, il est le même que pour celles de la base. Sur la base même et dans son cadre s’encastrent des piliers de sept coudées (3,23 m) laissant

Fig. 4. — Projection cavalière sur plan horizontal de la tortue des terrassiers et élévation de l’une des faces.

entre eux des intervalles d’une coudée (1,44 m). Un chapeau qui fait le tour, les relie tous à la partie supérieure : sur ce chapeau <formant sablière> on place les chevrons <formant arbalétriers>, qui s’appuient les uns contre les autres avec une différence de niveau <entre leurs extrémités supérieure et inférieures> de huit coudées 3,70m ; et sur ces chevrons on assemble une poutre <le faîtage>. Les chevrons sont maintenus par des jambes de force et des moises.[15] — Tous les revêtements serai faits de préférence en bois de palmier, ou, à défaut de celui-là, en d’autres bois aussi résistants que possible, à l’exception du cèdre, du pin ou de l’aune qui sont ou trop combustibles ou trop fragiles. [P. 18.] Le toit sera recouvert, à la partie supérieure, par des claies aussi serrées et aussi fraîches que possible, par-dessus lesquelles on coudra des peaux fraîches, cousues et rembourrées comme des matelas, surtout à des plantes de marais, ou des algues, ou de la paille macérée dans du vinaigre: ces dispositions sont utiles tant contre les coups des lithoboles que contre les incendies.

11. — Il existe une autre tortue des terrassiers, faite de la même manière que la précédente et ayant les mêmes abris, sauf qu’elle n’a pas de chevrons; mais tout autour, au-dessus des piliers et des chapeaux, règne un parapet crénelé formé de planches et de clayonnages. La charpente qui forme l’étage supérieur est recouverte de madriers très résistants, sur lesquels on étend un enduit d’argile pétrie et battue avec du poil, d’une épaisseur suffisante pour que le feu soit sans action.

Cette tortue est avantageuse non seulement pour les terrassements, mais aussi pour les postes d’observation; car les soldats, entrant dans l’intérieur, la conduisent vers le rempart de manière à pouvoir observer l’ennemi tout en étant à la portée de ses machines de jet. Cette tortue se monte sur huit roues. [P. 19.] L’ingénieur peut, du reste, modifier ces machines suivant la disposition des lieux où doivent se faire les approches.

12. <De la Tortue des mineurs.> — La Tortue des mineurs (ὀρυκτρὶς χελώνη, testudo ad fodiendum) est [P. 20.] d’un genre qui offre de grandes analogies avec le précédent, mais elle présente le pignon en avant[16] afin que, approchée du mur, elle s’applique exactement contre lui. De cette manière, les projectiles partant du rempart ne peuvent y pénétrer, et les mineurs y travaillent en sûreté.

[P. 21.] 13. <De la Tortue d’Hégétor>. — La Tortue inventée par HÉGÉTOR de Byzance avait à la base une longueur de quarante-deux coudées (19,40 m) et une largeur de vingt-huit (12,94 m). — Sur cette base étaient fixés quatre montants, dont chacun était formé de deux pièces de bois attachées ensemble, ayant une longueur de vingt-quatre coudées (11,09 m) avec une épaisseur de cinq palmes (0,39 m) et une largeur d’une coudée (0,46 m). Il y avait à cette base huit roues, au moyen desquelles l’engin tout entier était mis en mouvement. La hauteur des roues, était de quatre coudées et demie (2,08 m) et leur épaisseur de deux coudées (0,92 m). Elles étaient formées de blocs de bois, assemblés alternativement dans le sens de la largeur et celui de l’épaisseur, [P. 22.] et cerclés par des bandes de fer travaillées à froid. Elles tournaient dans des hamaxipodes. — Sur la base on établissait des poteaux de douze coudées (5,55 m) de hauteur avec une largeur de trois palmes (0,23 m) et une épaisseur de dix doigts (0,19 m). Les poteaux étaient espacés entre eux de sept palmes (0,54 m) et coiffés sur tout le pourtour par des sablières, hautes de quatre palmes (0,31 m) et larges de trois (0,23 m). Sur les sablières venaient s’emboîter des chevrons, s’élevant à une hauteur de huit coudées (3,70 m) jusqu’au faîtage, dans lequel s’assemblaient toutes les extrémités supérieures de ces chevrons. On formait ainsi un plan incliné de chaque côté; puis l’ouvrage entier était planchéié et revêtu de la même manière que les tortues de terrassiers. Il y avait sur les sablières un plancher, formant un étage moyen où l’on pouvait établir une batterie.[17]

Fig. 5. — Plan et élévation de la tortue d’Hégétor.

14. — [P. 23, l. 11.] La longueur complète du bélier était de cent vingt coudées (55,54 m) à la partie postérieure, sa largeur était de deux pieds (0,62 m) et son épaisseur de cinq palmes (0,39 m); il diminuait en approchant de sa pointe, où [P. 24.] sa largeur n’était plus que d’un pied (0,31 m) et son épaisseur de trois palmes (0,23 m); il avait une pointe en fer semblable à un éperon de vaisseau … Quant aux cordages tendus au moyen de treuils établis sur la machine et supportant le bélier, leurs extrémités sont reliées par des chaînes de fer quadruples [P. 25.] …

Fig. 6. — Vue perspective de la tortue d’Hégétor.

15. — [P. 26.] La machine pouvait avoir six mouvements, en avant, en arrière, sur les côtés, en haut et en bas. Elle s’élevait à une hauteur de soixante et dix coudées (32,31 m) et occupait une largeur de soixante et dix coudées entre les côtés. Elle était mise en œuvre par cent hommes, et son poids total était de quatre mille talents (104,712 kg).

16. [P. 27.] <De l’Hélépole>. — L’Hélépole (ἑλέπολις), imaginée par Épimachos l’Athénien et que Démétrios, lors du siège de Rhodes, fit approcher des murailles de cette ville, se construit de la manière suivante. Elle a une hauteur de quatre-vingt-deux coudées (41,58 m), une largeur de cinquante (23,00 m)[18] et la forme d’une tour. Elle est à l’épreuve d’une pierre pesant environ trois talents[19] (78,53 kg).

17. <De la Sambyque>. — Quant aux machines navales qu’on appelle quelquefois Sambyques (σαμβῦκαι), elles n’ont rien qui mérite explication, attendu qu’elles sont bien connues de tous et qu’elles ne diffèrent pas moins entre elles que des autres machines;[20] d’autant plus que, selon moi, il vaut mieux souvent s’en passer que de les mal construire.

Ainsi ceux qui, lors du siège de Chio, commirent [P. 28.] l’erreur de construire des sambyques plus élevées que les tours, furent cause que ceux qui étaient montés dans ces machines périrent par le feu sans pouvoir donner l’assaut aux tours et faire redescendre leur machine[21] … Aussi est-il nécessaire qu’entre autres sciences les ingénieurs qui veulent faire usage de ces machines ne soient pas ignorants de l’optique.[22]

18. — CALLISTRATOS, qui a écrit un livre sur les Machines, éprouva un échec analogue au sujet d’un convoi qu’il conduisait au temple d’Éphèse; c’était un convoi de pierres. Il ne s’était point rendu compte que certaines choses paraissent bonnes quand on les voit en petit et qu’elles ne sont point susceptibles d’être exécutées en grand; tandis que, réciproquement, il y en a d’autres pour lesquelles on ne peut raire de petits modèles, mais qui se construisent sur le champ dès qu’on en a besoin. Dans le cas cité, la forme triangulaire paraissait très convenable pour le transport des pierres, [P. 29.] mais les charges de cette nature ne peuvent être ainsi conduites.

19. <Des Échelles.> — Il y a des ouvriers qui, pour l’usage des sièges, ont construit des espèces d’Échelles semblables à celles qu’on emploie dans les théâtres pour les acteurs qui descendent du proscénium; mais ces machines ont paru entièrement inutiles.

20. <De la Machine de Ctésibios.> — Ctésibios d’Ascra, le mécanicien d’Alexandrie, mentionne dans ses Commentaires l’appareil suivant, destiné à passer sur une muraille sans échelle.

Fig. 7. — Machine de Ctésibios.

Il dit qu’il faut construire un chariot à quatre roues et y placer transversalement une pièce de bois équarrie munie de tourillons et portée de chaque côté sur deux autres pièces de bois verticales. Autour de cet axe on fait osciller un tube disposé en forme de bascule, et assez grand pour qu’un homme puisse y entrer facilement, s’y tenir debout et aller et venir en avant et en arrière. [P. 30.] Cela fait, on élève le tube du côté que l’on veut; car l’une des extrémités de ce tube étant amenée sur le sol grâce aux tourillons qui sont pratiqués sur chacun des côtés de la pièce de bois, il suffit de diriger le tube de telle manière que son orifice soit près du mur, vers lequel ou amène le chariot, [P. 31] et alors celui qui est à l’intérieur du tube ouvre sa porte et s’élance sur le rempart.[23]

21. — Il ne semble pas avoir donné les dimensions de cette machine. Elle n’a pas une grande valeur pratique, et doit être classée parmi les appareils singuliers, propres surtout …

22. <Des mines et portiques.> — Au sujet des Mines (ὑπόρυξις, cuniculum) et de la pose des Portiques (στωίδιον, vinea ou porticus) et de tout ce qui s’y rapporte, PYRRHOS ayant écrit dans ses Poliorcétiques de quelle manière il faut s’y prendre, je n’ai point cru devoir venir dresser ma parole en face de la sienne si autorisée, ainsi que je le vois faire à tant d’hommes dans les questions de métier. En effet tout ce qu’il y a de bien dans les écrits de mes prédécesseurs, je l’ai examiné attentivement, y portant un soin minutieux, et j’ai été moi-même jaloux d’ajouter aux choses utiles à la fabrication des machines. Il ne suffit pas en effet de connaître les bonnes inventions des autres; [P. 32] il faut encore exercer l’activité qui est le propre de l’âme, en faisant soi-même de nouvelles inventions.

23. <Des Bateaux.> — Quand il s’agit d’une place maritime, certains ingénieurs commencent par placer des machines sur des houcres[24] et les pousser vers le rempart, puis ils profitent du calme pour s’approcher des murailles. Mais s’ils sont surpris par le vent et si les vagues gonflées soulèvent les embarcations, les machines chancellent dans leurs étais et ne peuvent résister à l’inégalité des mouvements du navire. Par suite, ces machines se trouvent démontées par celles des adversaires, dont l’arrogance s’accroît alors. Il faut donc, au milieu du plancher qui recouvre les houcres, placer ce que l’on appelle un pithékion,[25] afin que, quelle que soit l’inclinaison et malgré le mouvement des vagues, la machine reste verticale. Pour se prémunir contre l’action des vents, [P. 33] on doit avoir un abri tout préparé et faire de petites hélépoles proportionnées à sa grandeur. Lorsque ces bateaux ont été amenés près du rempart, on dresse sur eux les machines au moyen de moufles.

Voici le bateau:

Fig. 8. — Bateau pour les machines.

Fig. 9. — Autre figure d’un bateau pour les machines.

21. Des Machines à roue directrice. — Je suis d’avis que, dans toute espèce de tortue ou d’engin,[26] [P. 34] on établisse un avant-train qui permette de faire avancer la machine obliquement, de telle façon que les coups des pétroboles ne viennent point toujours frapper les mêmes parties.

Fig. 10. — Machine à roue directrice.

On construit donc, au milieu de la face antérieure du cadre et en saillie, ce que l’on nomme le fourneau,[27] ayant une longueur de trois coudées (1,39 m) avec une tenaille formée de barres de fer travaillées à froid, dans lequel on introduit ce qu’on nomme le gouvernail, à ce dernier on adapte l’avant-train sphéroïdal.[28] Dans le gouvernail est passée une corde filée[29] de seize doigts (0,31 m) <de largeur>, [P. 35] dont les extrémités vont s’enrouler et se fixer sur le pourtour de l’essieu, de sorte que, de quelque côté qu’on le veuille, l’essieu venant à tourner, la machine s’avance dans cette direction.[30]

Fig. 11. — Autre figure de la machine à roue directrice.

25. <Du Carquois.> — Il ne paraît utile maintenant de parler du Carquois.[31] (καρχήσιον). Il se placera sur la tortue à bélier[32]

26. [P. 36.] <De la Grue.> — … Les machines seront en bois de frêne, revêtues de lames de fer travaillées froid, et embrasseront l’axe dans des coussinets de bronze; elles auront chacune un poids d’un talent (6 kg). Entre ces mâchoires passe l’axe, qui est en fer et pèse quatre talents (105 kg). On y fixe la machine connue sous le nom de Grue (γέρανος), de telle manière qu’elle atteigne le sommet du mur assiégé, autant qu’on en peut juger à l’œil. On clouera par dessus des arceaux et on disposera à l’intérieur une espèce d’escalier. Au sommet <de cet escalier couvert>, on fixera une échelle renforcée, munie à sa partie inférieure de grappins de fer, de telle sorte que, lorsque la machine aura été approchée des créneaux et que grâce à des tendeurs l’échelle aura pris la position convenable, les grappins accrochent fortement les créneaux par-dessus. La grue se protège et se recouvre avec des cuirs, comme il a été dit précédemment pour le bélier. On place sur la base un contrepoids [P. 37] de mille talents (6 tonnes). Les axes n’exigent pas moins <que le poids de quatre talents indiqué plus haut>, à cause des différentes positions qu’il faut pouvoir donner; cette machine a en effet les six mouvements.[33]

Fig. 12. — Grue munie d’un carquois.

27. <Des triboles.> — Dans les lieux difficiles et escarpés, on ne peut point faire avancer de machines, à cause de la difficulté du terrain. Elles ont surtout à souffrir des choses que les assiégés précipitent du haut des créneaux, telles que les énormes pierres, les grosses meules[34] et autres masses semblables, qui, portées par leur propre élan, amènent des chocs d’une violence irrésistible. [P. 38] Il faut donc que celui qui se trouve dans des circonstances semblables, se prémunisse par les dispositions suivantes :

28. — Il faut construire des Triboles (τρίβολοι)[35] ayant cinq coudées (2,30 m) de tour à la base et en nombre suffisant pour entourer l’emplacement et le mettre à l’abri des projectiles; car, les triboles supportant journellement le choc des pierres, il devient nécessaire d’t’u établir trois ou quatre rangs. On les établit en effet dans le but d’arrêter tous les projectiles, et il faut quo tous les points de l’emplacement soient protégés par eux.

29. <De la Tortue « ἀρετή ».> — Lorsque les assiégeants veulent s’approcher tout près du rempart, ils se servent de la Tortue dite Arétè (ἀρετὴ χελώνη) pour dresser les échelles. Cette tortue est en forme de coin et arrondie par-dessus en demi—cercle, pour que les projectiles qui sont envoyés sur sa surface puissent rouler tout au tour.

30. <Epilogue.> — [P. 39.] Ne nous accuse point de férocité parce que nous avons rassemblé tant de renseignements relatifs à la prise des villes. C’est plutôt le contraire qu’il faut voir; car ce que nous venons d’exposer fait la sécurité d’une ville; ceux qui posséderont ces connaissances pourront en effet se garder contre les maux qui viendraient à les menacer, et notre traité a té fait surtout contre ceux qui se révoltent contre les belles lois de l’empire <romain>.

C’est pourquoi, si tu l’admets, toutes les figures des machines seront dessinées, et ce qui est obscur à la lecture deviendra clair.

Quant aux procédés qu’on a inventés pour se défendre contre les machines, si nous en trouvons quelques-uns chez de plus anciens, nous essaierons également de te les décrire.

Ceci soit dit pour les gens qui concluent de leur propre nullité à l’incapacité d’autrui, et qui, ne voulant pas avouer qu’il faut beaucoup de temps pour arriver à la connaissance des choses, [P. 40] pensent que notre esprit laissera diminuer son ardeur pour la science.


 

[1] GRAUX, Notice sur les fortifications de Carthage (Bibliothèque de l’École de. hautes études, fascicule XXV, pages 175 et suivantes). — GRAUX et DE ROCHAS, Philon de Byzance: Traité de fortification. Texte et traduction avec notes philologiques et techniques (Revue de Philologie, 1877). — DE ROCHAS, Traité de fortification d’attaque et de défense des places par Philon de Byzance, suivi d’extraits d’autres ingénieurs grecs. Paris, 1872. — DE ROCHAS, La Balistique et la Fortification chez les Grecs (Annuaire de la Société pour l’encouragement (les études grecques, 1878).

[2] TH. HENRI MARTIN, Recherches sur la vie et les ouvrages de Héron d’Alexandrie, 22-26.

[3] On distinguait les machines de jet ou catapultes en euthytones et palintones, suivant que les bras étaient, à l’état de repos, dirigés vers le tireur, comme dans l’arc ordinaire, ou dirigés en sens inverse. Les premières étaient employées d’ordinaire pour lancer les traits; les secondes, de dimensions plus fortes, pour lancer les pierres. — On appelait ton le faisceau élastique dans lequel était encastré chaque bras. C’était le diamètre de ce ton qui servait de module pour déterminer le tracé et les dimensions de la machine. On le calculait pratiquement au moyen des règles suivantes: 1° pour les machines à trait, il était égal à 1/9 de la longueur du trait; 2° pour les machines à pierre. Il avait le diamètre D exprimé en doigts au moyen de l’équation D = 1, Racine cubique de M, où M désigne le poids du projectile exprimé en mines. Les dimensions et les matières adoptées pour les traits étaient telles que ces deux règles concordaient. — Dans les cas cités par Athénée on trouve:

1° que le trait de 3 empans ou 36 doigts (0,684 m) correspond à un ton de 4 doigts (0,08 m) de diamètre et pèse 1/2 mine (320 g); 2° que le trait .de 4 coudées ou 96 doigts (1,82 m) correspond à un ton de 40 doigts (0,20 m) de diamètre environ et pèse 9 mines (3,925 kg). Philon évaluant le poids du ton à 25 fois celui du projectile, on voit que la catapulte de trois empans (c’est-à-dire lançant un trait de 3 empans) a bien un ton pesant 12 mines. — Les portées indiquées par Athénée, à savoir de 3 stades 1/2 (64 m) pour un trait de 0,68 m de long et de 4 stades (740 m) pour un trait de 1,82 m, sont citées comme extraordinaires, et elles dépassaient en effet d’environ un quart celles que l’on obtenait dans la pratique courante.

[4] Cf. VITR., X, xix, 1 (xiii).

[5] Gadès, Cadix. — Cette assertion est inexacte; on trouve des représentations du bélier, de la tortue bélière et des tours de siège dans les peintures de l’antique Egypte et dans les bas-reliefs assyriens.

[6] Vitruve (X, xix, 4, ajoute: Qu’il avait l’habitude de transporter démontées à la suite de l’armée.

[7] C’est-à-dire accompagnée d’un rebord saillant pour y suspendre les peaux dont Athénée parle plus loin.

[8] La longueur du canal est de 50 coudées et sa longueur d’une seule (Vitr. X).

[9] Ces poulies sont placées en tête de la machine, à droite et à gauche du bélier (Vitr. X).

[10] La poutre est munie (l’un chapeau en fer (Vitr. X).

[11] En tirant brusquement en arrière la partie de la corde tendue entre les poulies et le treuil.

[12] Tous ces détails n’ont point été conservés dans l’Abrégé des Poliorcétiques de PHILON DE BYZANCE qui nous est resté et dont j’ai publié la traduction en 1872. Y aurait-t-il eu un traité analogue dû à un autre Philon qui vivait à Athènes au temps de Démétrius de Phalère, c’est-à-dire peu après la mort d’Alexandre le Grand, et qui avait, au dire de Vitruve (préf. du livre VII), composé un livre sur la proportion des temples et un autre sur l’arsenal construit par lui au port du Pirée? Ce n’est point probable; je suppose plutôt qu’Athénée désigne Philon, comme il désigne ailleurs Ctésibios, par son lieu d’origine et non par son domicile.

[13] Ἁμαξίποδες — dans Vitruve (X, xx, 4, et xxi, 3), amaxopodes.

[14] Il paraît y avoir ici une lacune. La description de Vitruve qui se rapporte à ce passage n’est point claire et ne concorde ni avec te texte d’Athénée ni avec les figures du manuscrit de Mynas; je suis disposé à croire que Vitruve a eu en vue une autre disposition, en usage de son temps. L’espace qui m’est réservé dans ce recueil ne me permet point d’entrer à ce sujet dans des détails et des hypothèses qui demandent un certain développement; je me contenterai de faire observer que, d’après la figure du manuscrit de Mynas, la machine ne pouvait se mouvoir que dans deux directions perpendiculaires l’une à l’autre, comme la tour au jeu des échecs.

[15] Ces jambes de force devaient être de deux sortes: les unes perpendiculaires aux chevrons pour tes soutenir au milieu; les autres verticales pour soutenir le faîtage en faisant l’office de poinçon. Les moises, embrassant les chevrons au-dessus de la sablière, les empêchaient de s’écarter par le pied et faisaient l’office de tirant.

[16] Dans la tortue des terrassiers, le toit présentait ses parties inclinées à l’avant et l’arrière, ses pignons à droite et à gauche

[17] Athénée décrit ensuite la tête du bélier, son mode de suspension et la construction d’un petit observatoire qui le surmontait. Toute cette partie m’a paru tellement obscure, tellement en désaccord avec les figures des manuscrits et les résumés qu’en ont donnés Vitruve et Héron de Constantinople, que j’ai préféré ne la traduire qu’en partie. Voici le passage d’Héron qui s’y rapporte :

« Il y clouait en avant quatre bandes de fer tournées en spirale, qui s’étendaient jusqu’à une longueur de dix coudées, et il le serrait tout entier avec trois câbles de huit doigts de tour. L’entourant de cuir, il le suspendait par le milieu par quatre points de suspension, qui laissaient entre eux trois intervalles. Les câbles qui, attachés aux cabestans de l’appareil portant le bélier, servaient à le soulever et à le soutenir, avaient pour origine des chaînes de fer entrelacées. Il établissait aussi une échelle à la partie saillante du bélier, en clouant en avant une pièce de bois, et en faisant un filet tissu d’une grosseur suffisante, qui présentait, de distance en distance, des trous de quatre doigts au plus, pour monter facilement sur le mur …

Au-dessus de l’appareil portant le bélier, il établissait solidement un parapet semblable à un rempart circulaire, afin qu’il pût offrir un abri sûr à ceux qui s’y tiendraient debout pour observer les projectiles lancés par les ennemis contre le bélier. »

[18] Il faut lire N au lieu de H, d’après la description de Diodore de Sicile. Voir à ce sujet une note de GRAUX dans la Revue critique du 14 juillet 1877 (nouvelle série, tome IV, p. 8, note 2).

[19] C’était le poids du projectile des plus puissantes machines de jet d’après Héron et Philon.

[20] Voyez dans Wescher, p. 57 et suiv., la description de la sambyque de Damios de Colophon, et celle de la sambyque des Romains au siège de Syracuse dans la Compilation anonyme sur la défense des places que j’ai publiée à la suite de Philon (p. 232).

[21] Le membre de phrase qui suit est trop corrompu pour pouvoir être traduit, mais le passage correspondant de Vitruve (X, xxii [xvi], 9) en donne le sens général: les sambyques s’engravèrent sur les débris, de toute sorte que les assiégés avaient jetés à la mer du haut de leurs murailles. Cf. PIITLON, trad. Rochas, III, 35; IV, 46;— HERON DE CONSTANTINOPLE, Poliorc., éd. Wescher, p. 268.

[22] L’optique enseigne à déterminer la hauteur d’un mur sans le mesurer directement. Cf. PHILON, 35, 46.

[23] Cf. HÉRON, p. 262, éd. Wescher.

[24] Le mot grec est ὁλλάς ; c’est évidemment de là que viennent les noms howker en anglais, hulck en hollandais et hourque ou houcre en français, qui tous désignent un vaisseau marchand ou un gros bâtiment de transport. On plaçait les machines sur deux de ces bâtiments accouplés, ainsi que le montrent les figures de la Poliorcétique d’Héron de Constantinople (WESCHER, p. 269 et 270).

[25] Héron de Constantinople (éd. Wescher, p. 489) explique que c’était un poids formant lest. Le mot grec πιθήκιον, qui signifie littéralement petit singe, vient probablement de πίθος, tonne, et nous nous trouvons en présence d’une équivoque analogue à celle qui fait appeler sergent par les ouvriers l’instrument dont le vrai nom est serre-joint.

[26] Voyez, pour le sens spécial donné par les ingénieurs grecs au mot μηχάνημα, que je traduis par engin, la note de la page 110 de la Revue de Philologie de 1877.

[27] Θερμαστίς, c’est-à-dire une plaque avec un trou au milieu; cette plaque était carrée, puisque Athénée ne donne qu’une de ses dimensions.

[28] Il me paraît vraisemblable que cet avant-train sphéroïdal devait son nom à une sphère qui le coiffait à la partie supérieure; cette sphère était prise dans le collier de la thermastris de manière à pouvoir jouer à frottement dans tous les sens, comme les genoux qu’on voit à certains instruments de topographie. C’est dans cette sphère que s’implantait le gouvernail. La sphère avait l’avantage d’éviter les ruptures par les coups que pouvait recevoir l’avant-train dans sa marche.

[29] Sans doute une sangle, c’est-à-dire une corde plate, propre à faire tourner facilement le gouvernail par son frottement.

[30] On peut se rendre compte de l’effet de cette machine en la comparant aux cylindres moteurs décrits par Héron dans les Automates (Voir à ce sujet l’étude de M. Prou dans les Mémoires de l’Acad. des inscr., 1881).

On prend une longue sangle terminée par deux boucles A et B; on engage la boucle A sur un bouton adapté au cylindre fixé autour de l’essieu; on passe la corde dans la fente du gouvernail, et on vient enrouler l’autre bout dans un sens convenable à l’autre extrémité du cylindre, en arrêtant également la boucle B sur un bouton. Mettons la machine en marche, le cylindre tournera, la sangle s’enroulera sur le cylindre du côté de A et se déroulera du côté de B; le frottement de la sangle sur le gouvernail fera pivoter celui-ci et obliquer la machine vers la droite par exemple. Quand la sangle sera tout entière déroulée en B, si l’on continue à pousser la machine sans dégager le bouton B, la sangle, continuant à s’enrouler en A, exercera une traction sur la partie supérieure du gouvernail, et elle le ferait rompre s’il n’avait un certain jeu dans tous les sens par son genou sphérique. Dégageons donc le bouton B, déroulons la sangle et enroulons-la en sens contraire nous pourrons alors continuer le mouvement en avant, et la sangle, se mouvant en sens contraire, provoquera un changement de direction vers la gauche. La machine s’avancera donc en zigzags comme nos tranchées modernes.

L’appareil est ingénieux, mais je ne pense pas qu’il ait jamais pu donner de bons résultats pratiques.

[31] Carquois dérive évidemment du grec καρχήσιον et désigne un objet creux en forme de calice. C’était une espèce d’observatoire, qui, de même que l’avant-train sphéroïdal, pouvait s’adapter à beaucoup de machines, ainsi qu’on le voit notamment par les figures 5, 6, 8, 9 et 12.

[32] Il doit y avoir ici une lacune. Après avoir dit quelques mots du carquois, Athénée abordait La description de la grue, machine importante munie de cet accessoire.

[33] La description de cette machine est loin d’être claire; je crois cependant que le sens général n’est point douteux. Il s’agit ici d’un engin d’escalade analogue à la machine de Ctésibios. La grue proprement dite est une longue passerelle recouverte d’arceaux et de cuirs frais: pour que les hommes puissent facilement monter ce plan, qui est fort incliné quand on tente l’escalade, on fixe par-dessus des traverses qui forment comme des échelons; à l’extrémité supérieure du tube, une forte échelle, mobile autour de son dernier échelon et munie de grappins à son autre extrémité, sert à accrocher les créneaux pour fixer la grue. La grue était munie, prés de son centre de gravité, d’une sorte de genou qui lui permettait de s’incliner à droite et à gauche. Ce genou était fixé à un axe horizontal disposé entre deux montants verticaux, et cet axe permettait à la grue de s’élever ou de s’abaisser à volonté. La machine avait donc bien les six mouvements dont parle le texte : en haut, en bas, à droite, à gauche, en avant et en arrière; ces deux derniers s’obtenaient en faisant avancer on reculer la base, qui était mobile sur des roues.

[34] La figure LXXX de l’édition Wescher, se rapportant au passage analogue du texte d’Héron de Constantinople, donne le sens dans lequel les ingénieurs employaient le terme sjonduloV, que j’ai traduit par meule; on y voit en effet une meule de moulin sur laquelle est écrit ce mot.

[35] La même figure LXXX donne encore le sens actuel du mot τρίβομος, qui, d’ordinaire, signifie chaussetrappe. C’était une pyramide formée par trois pieux enfoncés en terre et assemblés à la partie supérieure. Pour leur donner à tous la dimension réglementaire, on devait avoir des cercles de corde de cinq coudées de développement; on les posait sur le sol, puis on les tendait à l’aide de trois piquets également distants; on avait ainsi l’emplacement des trois piquets. On agit aujourd’hui d’une manière analogue dans certains travaux de fortifications de campagne.