Anatolius

ANATOLIUS

FRAGMENT.

 

Oeuvre numérisée par Marc Szwajcer

 


 


 

FRAGMENT

D'ANATOLIUS.

 

Anatolius d'Alexandrie ou Saint Anatole (deuxième moitié du IIIe siècle après J.-C.), chrétien, out une grande réputation scientifique et occupa à Alexandrie la chaire de philosophie aristotélique. Il y eut comme élève le païen Jamblique, et s'y trouvait au moment du siège du Bruchium par Théodote, sous le règne de Gallien. Un peu après, vers 270, il fut nommé évêque de Laodicée de Syrie, en remplacement d'Eusèbe. Il mourut avant la persécution de Dioclétien (303).

Eusèbe (Hist. eccl., VII, 32), donne un extrait de ses Règles pour la Pâque et lui attribua de nombreux écrits, notamment dix livres d'Introductions arithmétiques. Ces livres, dont il nous reste de nombreux fragments dans les Théologoumènes arithmétiques, paraissent avoir été une compilation des spéculations mystiques des pythagoriciens sur les dix premiers nombres. D'autres fragments, sur les mathématiques en général, provenant d'un autre ouvrage d'Anatolius, se trouvent dans une compilation publiée, sous le titre : Anonymi varia collectiones, par Hultsch dans son édition de Héron (Berlin, 1864). Aux fragments qui portent expressément le nom d'Anatolius doivent être ajoutés la plupart de ceux de la même collection qui ne sont pas tirés de Proclus et notamment ceux que Hultsch a attribués à Géminus. 

Le Comput pascal d'Anatolius, que citent Bède et Raban Maur, existe en latin (ancienne version de Rufin) et a été édité par Gilles Boucher à Anvers, 1634. L'authenticité en a été contestée. On a également mis en doute que l'Anatolius, maître de Jamblique (d'après Eunape) et auteur des fragments des Théologoumènes, fût le même que le chrétien, évêque de Laodicée. (Paul Tannery).

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TEXTE

 

 

Qu'est-ce que les mathématiques ?

Aristote, pensant que la philosophie prise dans son ensemble embrasse la théorie et la pratique, et divisant la pratique en morale et en politique, et la théorie en théologie, en physique et en mathématiques, montre bien clairement et doctement que les mathématiques font partie de la philosophie.

Les Chaldéens ont inventé l'astronomie, tes Égyptiens la géométrie et l'arithmétique.

D'où les mathématiques ont-elles tiré leur nom?

Les Péripatéticiens, déclarant qu'on peut comprendre la rhétorique, la poétique et toute la musique vulgaire, sans en avoir pris des leçons, mais qu'on ne peut acquérir la connaissance d'aucun des objets nommés proprement, sans avoir pris d'abord-des leçons sur ces objets, pensaient que pour cette raison la théorie de ces mêmes objets avait reçu le nom de mathématiques. Mais on dit que ce nom fut donné spécialement à la géométrie et à l'arithmétique seules par les disciples de Pythagore. Car anciennement chacune de ces deux sciences était nommée à part, et elles n'avaient point de nom commun. Or ils les nommèrent ainsi, parce qu'ils y trouvèrent le caractère scientifique et l'aptitude à être enseignées; car ils voyaient qu'elles roulaient sur des objets éternels, immuables et purs de tout mélange, et ils pensaient que c'étaient là les seuls objets où la science pût se rencontrer. Mais, à une époque plus récente, on a donné à ce mot une plus grande extension, parce qu’on a pensé que le mathématicien devait s’occuper, non seulement de la matière incorporelle et idéale, mais encore de ce qui touche à la matière corporelle et sensible. En effet, il doit être habile dans la théorie du mouvement des astres, de leurs vitesses, de leurs grandeurs, de leurs figures et de leurs distances. Il doit, en outre, savoir considérer les diverses modifications de la vue : il doit savoir scruter les causes pour lesquelles les objets ne paraissent pas à toute distance ce qu’ils sont, ni tels qu’ils sont en réalité, gardant, il est vrai, leurs rapports mutuels, mais produisant de fausses apparences en ce qui concerne leurs positions et leur ordre, soit dans le ciel et dans l’air, soit dans les miroirs et dans toutes les surfaces polies, soit enfin dans ceux des objets visibles qui sont transparents et dans tous les corps de cette nature. On pensait, de plus, que le mathématicien devait être mécanicien et habile dans la géodésie (géométrie pratique) et dans la logistique (arithmétique pratique), et qu’il devait aussi s'occuper des causes de l'union mélodieuse des sons et de leur combinaison dans la mélodie. Or ces objets sont corporels, ou du moins sont au dernier rang parmi ceux qui s'élèvent au-dessus de la matière sensible.

Qu'est-ce que les mathématiques?

Les mathématiques sont la science qui s'applique à la théorie des objets perceptibles à la fois par l'intellect et par la sensation, de manière à pouvoir transmettre les notions relatives à ces objets. Et quelqu'un a remarqué, avec non moins d'esprit que de justesse, que c'est de la science mathématique qu'il convient de dire : « petite d'abord, elle s'élance, et bientôt elle a dressé sa tête dans le ciel, tandis que ses pieds foulent le sol. » En effet, les mathématiques partent du point et de la ligne, mais elles embrassent l'étude du ciel, de la terre et de l'univers entier.

Combien y a-t-il de parties des mathématiques?

La branche la plus relevée et la première des mathématiques se divise en deux parties principales : l'arithmétique et la géométrie. Celle qui s'occupe des choses sensibles se divise en six parties : la logistique (art du calcul arithmétique), la géodésie (géométrie pratique), l'optique, la canonique (science du canon musical, qui est le type des valeurs numériques des sons), la mécanique et l'astronomie. Mais, ni ce qu'on nomme la tactique, ni l'art de l'architecte, ni la musique vulgaire, ni l'étude des apparences visibles, ni la mécanique (pratique) qui porte le même nom que la mécanique par excellence, ne sont, comme quelques-uns le croient, des parties des mathématiques : c'est ce que nous montrerons clairement et avec méthode dans la suite de cet ouvrage.

Le cercle a huit solides, six plans et quatre angles.[1]

Quelles sont les parties des mathématiques les plus rapprochées les unes des autres?

Ce qui se rapproche le plus de l'arithmétique (théorique), ce sont la logistique (art du calcul) et la canonique (calcul de la valeur numérique des sons musicaux); car l'arithmétique, ayant pris pour unité une certaine quantité, procède suivant les rapports, les nombres et les proportions. Ce qui se rapproche le plus de la géométrie, ce sont l'optique et la géodésie. La mécanique et l'astronomie se rapprochent beaucoup de l'arithmétique et de la géométrie à la fois.

Les mathématiques tirent leurs principes de l'hypothèse et roulent sur l'hypothèse. Le mot hypothèse a trois significations ou plus encore. Par exemple, on nomme hypothèse la péripétie dramatique, et c'est ainsi qu'on dit les hypothèses (ou sujets) des drames d'Euripide. D'après une autre signification, on nomme hypothèse la recherche des cas particuliers dans la rhétorique, et c'est ainsi que les sophistes disent : il faut poser une hypothèse (un fait particulier auquel la thèse générale s'applique). Par une troisième variété de signification, on nomme hypothèse le principe de la démonstration consistant en un postulatum d'où l'on tire une conséquence : c'est ainsi qu'on dit que Démocrite prenait pour hypothèse les atomes et le vide, et Asclépiade les masses et les pores. La science mathématique roule sur le troisième genre d’hypothèse.

Ce n'était pas Pythagore seul qui honorait l'arithmétique ; ses familiers aussi l'honoraient, en disant : « Tout est fait à l'image du nombre ».

L'arithmétique a pour but et pour résultat principalement la théorie scientifique, but le plus grand et le plus beau de tous, et, comme conséquence de ce premier résultat, elle fait connaître collectivement les nombres des accidents de la substance finie.

A qui est due chaque invention en mathématiques?[2]

Suivant ce qu'Eudème raconte dans son ouvrage sur l'astronomie, Œnopide le premier découvrit la ceinture du zodiaque et la période de la grande année (c'est-à-dire du cycle luni-solaire). Thalès le premier sut en quoi consiste l'éclipsé du soleil, et que la période qui ramène le soleil aux points solsticiaux n'est pas toujours égale. Anaximandre le premier découvrit que la terre est suspendue en l'air vers le centre du monde, et qu'elle s'agite dans le voisinage de ce point (de manière à produire les tremblements de terre. Anaximène découvrit que la lune tire sa lumière du soleil, et comment elle s'éclipse. A ces découvertes, d'autres ajoutèrent les découvertes suivantes : que les astres fixes exécutent leur révolution (diurne) autour de l'axe immobile qui passe par les pôles (de l'équateur), mais que les planètes exécutent leur révolutions (propres) autour de l’axe perpendiculaire au plan du zodiaque (c’est-à-dire de l’écliptique), et que l’axe des astres fixes et l’axe des planètes sont éloignés l’un de l’autre d’un côté du polygone (régulier) de quinze côtés (inscrit au cercle), c'est-à-dire de vingt quatre degrés.

 


 

[1] Les huit solides engendres par le cercle sont sans doute le cône, le cône tronqué, le cylindre à bases perpendiculaires sur l'axe, le cylindre à bases obliques d'axe, la sphère, l'onglet sphérique, le segment sphérique et le secteur sphérique. Les six plans engendrés par le cercle sont sans doute le cercle, le demi-cercle, le segment déterminé par une seule corde et plus grand que le demi-cercle, le segment déterminé par une seule corde et plus petit que le demi-cercle, le segment compris entre deux cordes et le secteur compris entre deux rayons. Les quatre angles à considérer dans le cercle sont sans doute l'angle an centre, l'angle à la circonférence, l'angle dont un des cotés est un diamètre et dont le sommet est en deçà du centre, l'angle dont an des côtés est un diamètre et dont le sommet est au delà du centre.

[2] Ici commence le chapitre xl de l'Astronomie de Théon de Smyrne.