Anatolius

ANATOLIUS

SUR LES DIX PREMIERS NOMBRES

SUR LA DÉCADE ET LES NOMBRES QU'ELLE COMPREND.

 

Oeuvre numérisée par Marc Szwajcer

 


 

 

ANATOLIUS d’ALEXANDRIE

SUR LES DIX PREMIERS NOMBRES

 

Άνατολίου περὶ δεκάδος καὶ τῶν ἐντὸς αὐτῆς ἀριθμῶν

 

 

 

 

Le petit traité publié ci-dessous nous est conservé dans le cod. Monac. gr. 384 (fol. 57v-59r), écrit sur papier oriental au xve siècle par plusieurs mains, très négligemment ; j'ai cherché en vain d'autres manuscrits. George Valla en a eu un, qui lui a servi pour la traduction latine, sans nom d'auteur et mêlée d'interpolations de son cru, qu'il a insérée dans son œuvre monstrueux : De expetendis et fugiendis rebus, livre IIIe, chap. 40 à 20 (v. Jahrbücher für class. Philologie, Supplementband, XII, p. 399 et suiv.). Dans la collection pythagorique des Theologumena arilhmeticae (p. p. Ast, Lipsiae, 1817) on trouve des extraits de notre opuscule, qui présentent généralement un texte meilleur, mais raccourci ; partant, il n'est pas inutile de publier le traité complet; je signale spécialement le fragment d’Héraclite, p. 36, 4 et suiv.

Sur l'auteur, professeur de philosophie aristotélique à Alexandrie au iiie siècle, voir P. Tannery, La géométrie grecque.

Pour la matière, il y a des ressemblances avec Théon de Smyrne….

Mais elles semblent plutôt provenir d'une source commune que d'un emprunt direct;

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ANATOLIUS d’ALEXANDRIE

 

SUR LA DÉCADE ET LES NOMBRES QU'ELLE COMPREND

 

La nature de la décade et des nombres qu'elle comprend, présente mille beautés évidentes pour ceux dont l'intellect perspicace est capable d'une telle contemplation. Nous en dirons autant qu'il sera possible sur chacun de ces nombres; pour le moment et comme préambule, il suffit de remarquer que les Pythagoriens ont ramené tous les nombres à dix et qu'au-dessus de dix il n'y a plus de nombre nouveau, puisque, quelle que soit l'augmentation, dès qu'une dizaine est complétée, nous revenons à l'unité ; d'autre part, ils honoraient singulièrement le quaternaire, parce que c'est lui qui constitue la décade [1 + 2 + 3 + 4 = 10].[1]

Sur l’unité.

L'unité est antérieure à tout nombre; tous naissent d'elle, elle-même ne naît d'aucun. Aussi est-elle appelée Semence, étant la matière des nombres, — car sans elle il n'y a plus de nombre, — indivisible, intransitive, ne sortant point de sa propre nature, même dans les multiplications;[2] et même, sinon en acte, au moins en puissance, à la fois impair paire, pairement impaire, cube, carré, et tout le reste. Elle désigne le point.

Les Pythagoriciens l'ont appelée intellect et l'ont assimilât à l'Un, au Dieu intelligible, inengendré, Beau et Bien en soi ; d'autre part, s'ils avaient surtout en vue la Phronésis[3] de l'Un, ils la comparaient en toutes choses à cette vertu. — car ce qui est droit et ne peut être contredit est un ; de même ils y voyaient l'essence, la cause, le vrai, le simple, l'exemplaire, l'ordre, la symphonie ; dans la série du plus grand et du plus petit, l’égal; dans celle de la distance, le milieu; dans celle de la quotité, le mesuré; dans celle de l'antérieur et du postérieur en temps, l'instant présent. Ils ont encore imaginé de l'appeler Un récepteur (?), Nef, Char Ami, Vie, Félicité. Ils ont dit aussi qu'au milieu des quatre éléments se trouve un cube unitaire enflammé, dont la situation centrale a été sciemment indiquée par Homère (Iliade, VIII, 16):

« Autant au-dessous de l'Hadès que le ciel est au-dessus de la terre. »

A cet égard la doctrine pythagoricienne paraît avoir inspiré Empédocle, Parménide, et même, peut-on dire, la plupart des sages d'autrefois, alors qu'ils disaient que la nature unitaire occupe la place centrale, comme le foyer (l’Hestia), et que par suite de l'équilibre, elle garde son siège. Et de fait, Euripide, comme disciple d'Anaxagore, parle ainsi de la Terre :

« Mais les sages parmi les mortels pensent que tu es l’Hestia. »

Les Pythagoriens disent encore que leur maître, considérant les nombres qui forment un triangle rectangle, a reconnu comment on peut les composer au moyen de l'unité.

[(a² 1) / 2]² + a² = [(a² + 1) / 2]²

Sur le binaire.

C'est à deux que commencent les nombres; le premier accroissement à partie de l'unité, le premier changement donne le binaire ou le doublement. C'est le premier terme de la série des nombres pairs ; par addition, il équivaut à son propre carré; car en ajoutant le binaire à lui-même, ou en le multipliant par lui-même, on obtient le même résultat, tandis que, pour les autres nombres, la multiplication donne plus que l'addition. Le binaire désigne la ligne, qui vient après le point ; il est en analogie avec la matière et tout ce qui est sensible. On l'a assimilé, dans la série des Vertus, à la Force, — car il a déjà fait un pas, — aussi l'a-t-on appelé encore Audace et Ardeur. D'autre part, on lui a donné le nom d'Opinion, parce que l'opinion comprend le vrai et le faux; et encore les suivants : Mouvement, Génération, Transformation, Division, Longueur, Augmentation, Communauté, Relatif, Rapport de proportion.[4]

Sur le ternaire.

Le ternaire provient de l'addition de l'unité au binaire; c'est le premier nombre impair. Quelques-uns l'appellent parfait, parce qu'il est le premier qui signifie le tout, commencement, milieu et fin. Nous l'employons pour mettre en relief ce qui est extraordinaire, comme quand nous disons trois fois heureux ; les prières et les libations se répètent trois fois. Le ternaire désigne, en premier lieu, commencement, milieu et fin, puis la surface, qui vient après le point et la ligne ; c'est l'image du plan et la première hypostase dans les triangles, [3 = 1 + 2 est le premier nombre triangle effectif, 1 n'étant triangle qu'idéalement] dont il y a d'ailleurs trois genres, équilatéral, isocèle, scalène. Il y a de même trois sortes d'angles rectilignes : le droit, l'aigu, l'obtus; trois parties du temps: le présent, le passé, l'avenir.

Nous assimilons le ternaire, parmi les vertus, à la Tempérance, car elle est la juste mesure entre l'excès et le défaut.[5] Le ternaire résulte du binaire plus l'unité, ou inversement. En l'ajoutant à la somme de l'unité et du binaire, on a 6, qui est proprement le premier nombre parfait.

Sur le quaternaire.

Le quaternaire est appelé Justice, parce que le carré qui en provient a une aire égale à son périmètre, tandis que, pour les nombres qui précèdent, le périmètre du carré est supérieur à l'aire, et que pour ceux qui suivent, le périmètre est inférieur à l'aire. Il est d'ailleurs le premier carré, tant pour tous les nombres que pour les pairs en particulier. C'est la première tétractys, puisque la somme des termes consécutifs de 1 à 4 fait 10, qui est dit nombre parfait. C'est le premier nombre qui désigne la nature du solide ; car on a d'abord le point, puis la ligne, puis la surface, puis le solide, c'est-à-dire le corps. On le voit dans le jeu qui consiste à construire des pyramides avec des noix.

Il y a quatre éléments, quatre saisons qui divisent l'année en quatre parties égales. D'autre part, 4 est le premier nombre pairement pair, le premier qui soit à un autre dans le rapport d'un tiers en sus et fournisse la première consonance, celle de quarte. Il présente [comme carré] une égalité complète, entre la valeur de l'aire, le nombre des angles, celui des côtés. Il y a quatre climats [directions], le levant, le couchant, le septentrion, le midi; quatre points [astrologiques], celui du levant, celui du couchant, celui du méridien, celui du milieu du ciel;[6] quatre vents principaux. De plus, l'univers comprend l'intelligible et le sensible : l'intelligible est objet, d'un côté, de la science, de l'autre, de la dialectique, tandis que le sensible est objet soit de la croyance, soit de la conjecture, ce qui fait 4.

D'autres disent que l'univers est ordonné selon quatre principes, l'essence, la figure, l'espèce, la raison. Ce n'est pas au reste avec le corps seul, que, parmi les nombres, le quaternaire a du rapport; il en a également avec l'âme ; car, ainsi qu'on le dit, le rôle de l'âme dans l'être vivant est semblable à celui de l'harmonie dans le monde; or la parfaite harmonie consiste en trois consonances, la quarte dans le rapport d'un tiers en sus, la quinte dans le rapport de moitié en sus, l'octave dans le rapport double; dès lors, les quatre premiers nombres, 1, 2, 3, 4, comprennent l'idée de l'âme sous le rapport harmonique; car 4 est double de 2, et 2 est double de 4, ce qui correspond à la consonance d'octave; 3 est égal à 2 plus sa moitié, ce qui fait la consonance de quinte ; 4 est égal à 3 plus son tiers, ce qui fait la consonance de quarte. Si donc dans le nombre 4 est représenté le tout que forment l'âme et le corps, il est également vrai qu'il achève l'accomplissement de toutes les consonances.

Sur le quinaire.

Le nombre 5 est le premier à renfermer les deux espèces, à savoir le premier pair et le premier impair ; car si l'unité est impaire, elle n'est pas nombre. Ainsi 5 provient en longueur, c'est-à-dire par addition, des premiers pair et impair, mâle et femelle; aussi lui donne-t-on cette dernière dénomination. En l'ajoutant à lui-même, on obtient 10, tandis que pour les autres nombres, 1 + 9 = 10, 2 + 8 = 10, 3 + 7 = 10, 4 + 6 = 10, les termes sont inégaux et ont 5 pour moyen.[7] Si on élève 5 au carré, il reste conservé à la fin du nombre formé, 5 x 5 = 25. Si on passe au cube, le carré est conservé en entier et le nombre finit toujours par 5; en effet 5 x 25 = 125.

Il y a cinq figures solides ayant tous leurs côtés égaux et tous leurs angles égaux : le tétraèdre ou pyramide, l'octaèdre, l’icosaèdre, le cube, le dodécaèdre ; ce sont, d'après Platon, les formes respectives du feu, de l'air, de l'eau, de la terre et de l'univers. En dehors du soleil et de la lune, il y a cinq planètes; les cercles parallèles bien connus sur la sphère sont aussi au nombre de cinq, l'équateur, les deux tropiques, le cercle arctique et l'antarctique. Il y a cinq zones, deux glaciales, deux tempérées, une torride. Il y a cinq sens.

Le carré de 5 est le premier qui soit égal à la somme de deux carrés, celui de 3 et celui de 4. Un tétracorde est regardé comme dérivé du premier nombre pair et du premier impair,[8] d'après quoi la consonance est géométriquement assimilée à 5. Comme ce nombre provient d'ailleurs de l'addition de 2 et de 3, on l'a appelé mariage. Enfin de quelque façon qu'on forme 10 par addition, on trouve 5 comme moyen arithmétique des deux termes; 9 et 1, 8 et 2, 7 et 3, 6 et 4; fais la somme de chaque couple, tu auras 10 et tu trouveras 5 comme moyen arithmétique, ce que montre bien la figure.

1 4 7
2 5 8
3 6 9

Sur le sénaire.

Le nombre 6 est le premier parfait; car il est égal à la somme de ses parties aliquotes; 1 + 2 + 3 == 6, et une fois 6 fait 6; deux fois trois font 6; trois fois 2 font 6. Il est ainsi le premier qui soit composé d'une moitié, d'un tiers et d'un sixième. Si on l'élève au carré, il se retrouve en finale : 6 x 6 = 36; de même si on passe au cube, mais alors le carré ne se retrouve plus : 6 x 36 = 216. Ce dernier nombre finit bien par 6, mais non par 36. Le sénaire provient par puissance ou multiplication du premier pair et du premier impair, des premiers mâle et femelle; aussi a-t-il été appelé Mâle-femelle, Mariage, Purement impair. Le nom de Mariage lui vient proprement de ce qu'il est égal, ainsi qu'on l’a vu, à la somme de ses parties, et de ce que l'œuvre du mariage est de produire des enfants semblables aux parents. C'est sur le sénaire que se forme d'abord une médiété harmonique, — en prenant après 6, 8 dans le rapport d'un tiers en sus, et 12 dans le rapport double, car 8, comparé aux extrêmes, surpasse l'un et est surpassé par l'autre d'une même fraction de l'extrême ;

[ 8 – 6 = 6/3 et 12 – 8 = 12/3 ]

— et que peut se former en même temps une médiété arithmétique, — en prenant après 6, 9 dans le rapport de moitié en sus, et 12 dans le rapport double; car 9 comparé aux extrêmes, surpasse l'un et est surpassé par l'autre du même nombre, 3.[9] De plus les parties aliquotes de 6, à savoir 1, 2, 3, forment la première proportion arithmétique dont il est la somme. Il est le terme moyen d'une proportion géométrique, si l'on prend comme extrêmes, d'une part sa moitié 3, de l'autre, son double 12. Les dimensions[10] des corps sont au nombre de 6. Enfin on obtient 10 en ajoutant à 6 le premier carré 4.

Sur le septénaire.

Le nombre 7 est le seul qui à la fois n'en engendre aucun autre de la décade et n'est engendré par aucun, sauf l'unité ; c'est pourquoi les Pythagoriens l'appellent Vierge sans mère,[11] et en effet des autres nombres de la décade, 4 est engendré par 2 et, avec 2, engendre 8; 6 n'engendre pas, mais est engendré par 3; enfin 3 et 5 sont générateurs, 3 de 6 et de 9, 5 de 10. L'addition des sept termes consécutifs de 1 à 7 donne le nombre parfait 28, égal à la somme de ses parties aliquotes. Il y a 28 jours de la lune formant des semaines complètes. La suite de sept termes en rapport double à partir de l'unité aboutit à 64 qui est le premier nombre à la fois carré et cube : 1, 2, 4, 8, 16, 32, 64. La suite de sept termes en rapport triple aboutit de même à un nombre à la fois carré et cube, 729, carré de 27, et cube de 9. — 1, 3, 9, 27, 84, 243, 729. Si on continue ces progressions, le septième terme aura toujours la même propriété; ainsi, dans la progression double, le septième terme à partir de 64 (inclus) sera le cube de 16. Composé des trois dimensions et des quatre limites, le septénaire désigne le corps et l’organique; les limites sont le point, la ligne, la surface, l'épaisseur ; les dimensions : longueur, largeur, hauteur. On considère 7 comme le nombre de la première consonance, celle de quarte, 4/3, et aussi delà première proportion géométrique, 1, 2, 4. On le nomme encore Télesphoros [accomplissement]; car les enfants, nés à 7 mois, sont viables. Dans les maladies, la semaine est critique. Dans le triangle rectangle prototype, 7 est la somme des deux côtés de l'angle droit, 4 et 3. Il y a sept planètes et sept phases de la lune, deux croissants, deux quartiers, deux convexes, et la pleine lune. L'Ourse a sept étoiles.

Héraclite: Le septénaire contribue au compte des saisons et des temps de la lune; il se distribue dans les Ourses, ces inoubliables constellations.

La Pléiade a sept étoiles. Les équinoxes sont au septième mois l'un de l'autre, de même les solstices. Si l’on met à part, dans l'âme, la partie souveraine, il y en a sept autres, correspondant aux cinq sens, à la voix et à la génération. Dans le corps, il y a sept parties intégrantes : la tête, le cou, le tronc, les deux jambes, et les deux bras; — sept viscères : l'estomac, le cœur, le poumon, le foie, la rate, les deux reins.

Hérophile dit que l'intestin de l'homme mesure 21 coudées, ce qui fait trois septénaires.

La tête a sept ouvertures : les deux yeux, les deux oreilles, les deux narines et la bouche. Nous voyons sept choses : le corps, la distance, la figure, la grandeur, la couleur, le mouvement et le repos. La voix a sept formes : aiguë, grave, circonflexe, aspirée rude, aspirée douce, longue, brève. Il y a sept mouvements : en haut, en bas, en avant, en arrière, à droite, à gauche, en cercle. Il y a sept voyelles : α, ε, η, ι, ο, υ, ω. Il y a sept cordes à la lyre. Terpandre a dit de la lyre :

« Mais nous, dédaigneux du chant sur quatre sons, nous ferons retentir des hymnes nouveaux sur la phorminx à sept tons. »

Platon, dans le Timée, compose l'âme de sept nombres. Dans les détroits, le courant change d'ordinaire sept fois par jour.

Tout aime le nombre sept. De la naissance à la vieillesse il y a sept âges : enfant, éphèbe, adolescent, jeune homme, homme fait, homme mûr, vieillard; et de sept ans en sept ans, nous passons de l'enfance à l'éphébie, puis à l'adolescence et aux âges suivants.

Voici à ce sujet les vers de Solon :

« De l'enfant impubère, encore sans raison, le cercle des dents pousse et tombe une première fois en sept ans. Lorsque le soleil a accompli les sept années suivantes, apparaissent les signes de la puberté. Au troisième septénaire, quand le corps a grandi, le menton se couvre d'un duvet, fleur de la peau renouvelée. Au quatrième, chacun atteint le plus haut degré de la force, par laquelle les hommes obtiennent les témoignages de la valeur. Au cinquième, il est temps pour l'homme de songer au mariage et de chercher à laisser des enfants après lui. Au sixième, l'esprit de l'homme atteint en tout sa maturité, et il ne veut plus faire d'actes maladroits. Au septième et au huitième, pendant quatorze ans, avec la puissance de l'esprit, éclate aussi en plus le talent de la parole. Au neuvième, la capacité subsiste, mais la langue et la sagesse ne suffisent plus pour les grandes œuvres. Quant au dixième, celui qui en atteint le terme, n'aura pas succombé à une mort survenue avant l'heure. »

Hippocrate : Il y a sept saisons, que nous appelons âges : petit enfant, enfant, adolescent, jeune homme, homme fait, homme mûr, vieillard. Petit enfant jusqu'à la chute des premières dents à sept ans; enfant jusqu'à la production de la semence, à deux fois sept; adolescent jusqu'à l'apparition de la barbe à trois fois sept; jeune homme jusqu'au complet développement du corps, à quatre fois sept; homme fait jusqu'à quarante-neuf ans, sept fois sept; homme mûr jusqu'à cinquante-six ans, huit fois sept; et au delà, vieillard.

Sur l’octonaire.

Huit est le premier cube ; on l'appelle Solidité et Fondement. Sa racine est le premier pair. Il est la somme de 1 + 3 + 4. La somme des huit premiers nombres en partant de l'unité fait 36, nombre de jours pendant lesquels prennent forme, dit-on, les embryons des enfants qui naissent à sept mois. La sphère qui renferme l'univers est la huitième, d'où le proverbe : Huit est tout. Eratosthène dit que les huit sphères du monde tournent autour de la terre; voici comment il s'exprime :

« Tous ces huit sont entre eux harmoniquement adaptés[12] et les huit sphères de l'univers tournent circulairement autour de la neuvième, la terre. »

Sur le novénaire.

Neuf est le premier carré du premier impair, comme 4 l'est du premier pair. Les neuf premiers nombres à partir de l'unité donnent comme somme 45 ; c'est le nombre de jours nécessaire, dit-on, pour que prennent forme les embryons des enfants qui naissent à neuf mois. La terre est la neuvième sphère autour de laquelle tournent les huit autres. Le novénaire est aussi appelé Télesphoros, comme amenant à viabilité les enfants qui naissent à neuf mois ; — Parfait, en tant que provenant du parfait 3, répété trois fois.

Homère (Iliade, VII, 161) : « Ils se levèrent neuf en tout. »

On dit encore que 9 = 4 + 3 +2, renferme les rapports de consonance; celui de tiers en sus, 4 à 3; de moitié en sus, 3 à 2 ; de double, 4 à 2. Enfin 9 est le premier nombre qui, par rapport à un autre, soit d'un huitième en sus.

Sur la décade.

Dix est engendré, par multiplication, d'un pair et d'un impair; car 5 x 2 = 10. C'est le cercle et la limite de tout nombre, car c'est à lui que nous tournons et revenons en arrière, comme à la borne les coureurs qui doublent le stade. Il est en effet la limite pour l'indétermination des nombres; car nous comptons depuis l'unité jusqu'à dix, puis nous disons : dix et un, dix et deux, etc. Quant à vingt, double de dix, il est formé par addition en répétant deux fois les termes dont dix est formé; car si 10 = 1 + 2 + 3 + 4, 20 est la somme de deux fois 1, deux fois 2, deux fois 3, deux fois 4 ; et de même pour les dizaines suivantes. La décade est surnommée Force et Toute-Parfaite, parce qu'elle limite tout nombre et qu'elle renferme à son intérieur toute nature, pair-impair, muable-immuable, bon-mauvais. On l'appelle aussi Dékhas, parce qu'elle reçoit tout.[13] 10 4 + 6; mais 10 est aussi la somme des nombres du premier quaternaire, 1 + 2 + 3 + 4. Enfin 10 engendre le nombre 55 qui joint des propriétés remarquables. Il est formé par la somme de quatre nombres en progression par rapport double — 1 + 2 + 4 + 8, ce qui fait 15, — et de quatre en progression par rapport triple, 1 + 3 + 9 + 27 = 40. — La somme [15 + 40] donne en effet 55. Ces nombres sont ceux dont parle Platon dans le Timée au début de la psychogonie : « Du tout une partie etc. » — Le nombre 55 est la somme de la décade, comme 385 est la somme de la décade par puissance ; si en effet on multiplie par eux-mêmes les nombres de 1 à 10, et que l’on fasse la somme, on aura le nombre précité 385, qui est d'ailleurs égal à sept fois 55. — 55 est nombre triangle.[14] Si tu fais le compte [suivant la numération grecque] de la valeur des lettres pour εν (un), tu trouveras par addition 55. — Le fécond sénaire, multiplié par lui-même, donne comme puissance 36, qui a sept parties aliquotes, engendrées comme suit : 2 x 18, 3 x 12, 4 x 9, 6 x 6, 9 x 4, 12x3, 18 x 2 ; la somme de ces sept parties[15] fait 55. — 55 est la somme de cinq nombres triangles consécutifs, 3 + 6 + 10 + 15 + 21. Il est aussi la somme de cinq carrés consécutifs, 1 + 4 + 9 + 16 + 25. Or, suivant Platon, la genèse de l'univers dérive du triangle et du carré, le triangle équilatéral formant trois des solides réguliers, la pyramide, l'octaèdre l'icosaèdre, qui sont les formes du feu, de l'air et de l'eau, tandis que du carré provient le cube, forme de la terre.

 


 

[1] J'indique entre crochets [ ] les quelques additions que je fais au texte pour en faciliter l'intelligence.

[2] Cf. Diophante, I, df. 6.

[3] La première des Vertus dites cardinales, celle qu'on appelle d'ordinaire Prudence.

[4] Suit dans le texte, une phrase qui se traduit ainsi : « En effet, le rapport en proportion est, en trois termes, le mode d'être de trois nombres. » On ne peut voir là qu'une glose maladroite qui aura passé de la marge dans le teste, en se substituant peut-être à une phrase d'Anatolius. Cette glose ne serait valable que pour le chapitre sur le ternaire, et d'autre part, si une proportion est au moins entre trois termes, un rapport n'est jamais qu'entre deux. Si Anatolius a écrit quelque chose en cet endroit, ce serait plutôt ce qu'on trouve dans les Theologumena : « Car le mode de relation de deux nombres fournit toutes les relations. »

[5] Suivent dans le texte des mots suspects : « la témérité et la lâcheté. » Entre cet excès et ce défaut, le juste milieu est la Force, non la Tempérance.

[6] L’imum cœli des astrologues.

[7] Je restitue, en le développant sans doute un peu trop, le sens probable d'un passage corrompu.

[8] En tant que les longueurs des cordes du tétracorde diatonique des canoniciens sont exclusivement composées des facteurs 2 et 3? Ce curieux passage est malheureusement corrompu d'une façon qui paraît irrémédiable. Si les Pythagoriciens ont désigné une consonance par 5 et si cette consonance est la quarte, 4/3, ce serait a cause de la relation géométrique 4² + 3² = 5². Maïs si l'on part des nombres 3 et 2, dont la somme est 5, il s'agit de la consonance de quinte ; de même plus loin, 7 = 4 + 3 est assimilé à la quarte.

[9] On forme ainsi, en résumé, le groupe pythagorien : 6, 8, 9, 12, classique chez les musicographes anciens.

[10] En les prenant chacune dans les deux sens.

[11] Athéné (Minerve), dit Théon de Smyrne; Anatolius semble avoir, par scrupule chrétien, évité d'écrire le nom de la déesse, en lui substituant une périphrase d'ailleurs caractéristique pour tout païen.

[12] Je complète le premier vers d'après Théon de Smyrne.

[13] Ici se trouve intercalée dans le texte, sans y avoir réellement rapport, une annotation venue sans doute de la marge : « Comme rectangles dont le périmètre est égal à l'aire, on trouve le carré 16 et l'oblong 18, dont les côtés sont 4 et 6, car 4 x 4 = 16 et 3 x 6 = 18. »

[14] 55 est somme des dix premiers nombres consécutifs, et égal à (10 x 11) / 2.

[15] En réalité les parties aliquotes de 36 sont au nombre de huit : 1 + 2 + 3 +.4+ 6 + 9 + 12 + 18; et c'est cette somme qui fait 55.