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ATTENTION : police Athenian pour le grec.
M. VITRUVE POLLION
DE L'ARCHITECTURE
LIVRE SEPTIÈME.
de Architectura, Liber VII Praefatio
1. Maiores cum sapienter tum etiam utiliter instituerunt, per commentariorum relationes cogitata tradere posteris, uti ea non interirent, sed singulis aetatibus crescentia voluminibus edita, gradatim pervenirent vetustatibus ad summam doctrinarum subtilitatem.
Itaque non mediocres, sed infinitae sunt his agendae gratiae (01), quod non invidiose silentes praetermiserunt, sed omnium generum sensus conscriptionibus memoriae tradendos curaverunt. |
DE L'ARCHITECTURE Livre VII INTRODUCTION. 1. Nos ancêtres ne pouvaient rien imaginer de plus sage ni de plus utile que de mettre par écrit leurs découvertes, pour les faire passer à la postérité; non seulement le souvenir ne s'en effaçait point, mais chaque âge venant y ajouter ses lumières, elles arrivèrent par degrés, à travers les siècles, à la plus grande perfection. Ce ne sont donc point de légères, mais d'immenses actions de grâces que nous devons leur rendre, puisque, loin d'être assez égoïstes pour garder le silence sur leurs vastes connaissances, ils eurent à cœur de nous les transmettre dans de généreux écrits. 2. Et s'ils n'en avaient point usé ainsi, nous n'aurions pu connaître les malheurs de Troie; et les opinions de Thalès, de Démocrite, d'Anaxagore, de Xénophane et des autres physiciens, sur les lois de la nature; et les principes que les Socrate, les Platon, les Aristote, les Zénon, les Épicure et les autres philosophes ont posés pour la conduite de la vie; et les actions de Crésus, d'Alexandre, de Darius et des autres rois, et les mobiles de ces actions, tout serait resté dans l'oubli, si nos ancêtres n'avaient eu soin de nous les faire connaître dans des ouvrages qui sont arrivés jusqu'à nous. 3. Mais si ces grands hommes méritent notre reconnaissance, nous devons couvrir de blâme ceux qui ont dérobé leurs écrits pour se faire gloire d'en être les auteurs: et ces plagiaires qui n'ont point une idée qui leur soit propre, et que l'envie a poussés à se parer des dépouilles d'autrui, méritent, non seulement une forte censure, mais encore une punition sévère, à cause de leur conduite criminelle. Les anciens, dit-on, ne manquèrent jamais de châtier cette sorte de crime ; et il n'est point hors de propos de raconter ici ce que l'histoire nous a appris des jugements rendus à ce sujet. 4. Les rois attaliques, entraînés par le goût des belles-lettres, avaient formé à Pergame une magnifique bibliothèque, pour la satisfaction de leurs sujets, et Ptolémée, animé du même zèle et de la même ardeur, mit la même activité, le même empressement à en faire une semblable à Alexandrie. Après l'avoir achevée avec le plus grand soin, il ne crut pas devoir en rester là, et voulut l'augmenter, en jetant, pour ainsi dire, des semences pour de nouveaux ouvrages. Il institua donc des jeux en l'honneur des Muses et d'Apollon, et de même qu'il y avait pour les athlètes des récompenses et des honneurs, de même il y en eut pour tous les écrivains qui remporteraient le prix. 5. Lorsque tout eut été ainsi organisé, et que l'époque des jeux fut arrivée, il fallut choisir parmi les gens de lettres les juges qui devaient apprécier le mérite de chaque ouvrage. Le roi en avait déjà choisi six dans la ville; mais il ne pouvait arriver à en trouver un septième qui fût digne de cet honneur. Il s'adresse à ceux qui avaient soin de la bibliothèque, et leur demande s'ils ne connaîtraient point un homme capable de remplir le but. Ils lui parlèrent d'un certain Aristophane qui venait chaque jour, avec la plus grande régularité, lire attentivement tous les livres, les uns après les autres. Dans l'assemblée des jeux, des sièges particuliers avaient été réservés pour les juges, et Aristophane, appelé avec les autres, occupa la place qui lui avait été assignée. 6. La lice fut d'abord ouverte aux poètes qui se mirent à lire leurs pièces. Le peuple, par ses applaudissements, fit comprendre aux juges ceux auxquels il donnait la préférence, et, lorsqu'on leur demanda leur avis, six se trouvèrent d'accord, et attribuèrent le premier prix à celui qu'ils remarquèrent avoir fait le plus de plaisir au peuple, et le second à celui qui suivait. Mais Aristophane, lorsqu'on vint à lui demander son opinion, fut d'avis qu'on donnât le premier prix à celui qui avait le moins plu au peuple. 7. À la vue de la vive indignation que témoignait le roi avec le peuple, Aristophane se lève, et demande qu'on veuille bien l'écouter. On fait silence, et il déclare qu'il ne voit qu'un seul poète parmi les candidats; que les autres n'ont fait que réciter des vers qui ne leur appartenaient pas; que le devoir du juge était de faire récompenser les véritables auteurs, et non les plagiaires. Pendant que le peuple admirait cette réponse, et que le roi balançait encore sur le parti qu'il avait à prendre, Aristophane, comptant sur sa mémoire, fit apporter de certaines armoires un grand nombre de volumes, et par les rapprochements qu'il en fit avec les morceaux qui avaient été lus, il força les plagiaires à confesser leur larcin. Le roi fit intenter contre eux une action, et les renvoya chargés d'une condamnation ignominieuse. Pour Aristophane, il reçut les présents les plus magnifiques, et fut mis à la tête de la bibliothèque. 8. Quelques années après, le Macédonien Zoïle, qui se faisait appeler le Fléau d'Homère, vint à Alexandrie, et lut au roi les écrits qu'il avait composés contre l'Iliade et l'Odyssée. Ptolémée, indigné qu'on maltraitât de la sorte le prince des poètes, le père des lettres, et qu'on fit si peu de cas de celui dont toutes les nations admiraient les écrits, et qui n'était point là pour se défendre, dédaigna de lui répondre. Zoïle, après être resté longtemps dans le royaume de Ptolémée, se sentant pressé par le besoin, fit supplier le roi de lui accorder quelque secours. 9. Le roi lui fit répondre, dit-on, qu'Homère, mort depuis mille ans, avait bien pu, pendant tout ce temps, faire vivre des milliers d'hommes; que Zoïle devait bien pouvoir, lui qui affichait un génie supérieur, entretenir et lui-même et plusieurs autres encore. Bref, sa mort fut celle du parricide, bien que les circonstances en soient rapportées diversement : car les uns disent que Ptolémée le fit mettre en croix; quelques autres, qu'il fut lapidé à Chio; d'autres qu'il fut brûlé vif à Smyrne. Mais quel qu'ait été le genre de son châtiment, il est certain qu'il le mérita : c'est ainsi que doit être traité celui qui s'avise d'attaquer un écrivain qui ne peut être appelé à se présenter pour défendre les pensées qu'il a répandues clans ses écrits. 10. Pour moi, ô César, je n'ai point fait disparaître les noms des auteurs où j'ai puisé, pour les remplacer par le mien. Dans l'ouvrage que je publie, il ne m'est point venu à l'esprit de déprécier les inventions d'autrui pour faire valoir les miennes; je rends, au contraire, mille actions de grâces à tous les auteurs, de ce que, ayant de tout temps recueilli les pensées ingénieuses des hommes de talent, ils nous ont préparé, chacun dans son genre, une ample moisson; c'est là que, puisant comme à une source féconde des idées que nous approprions à notre travail, nous nous sentons pleins d'abondance et de facilité pour écrire; c'est éclairé de leurs lumières que nous avons osé entreprendre un nouveau traité. 11. Riche de matériaux que je trouvais tout préparés pour l'exécution de mon projet, je me les suis appropriés, et j'ai mis la main à l'œuvre. Et d'abord c'est Agatharque qui, lorsque Eschyle faisait connaître la bonne tragédie, faisait les décorations pour le théâtre d'Athènes, et laissa le premier un travail sur cette matière. À son exemple, Démocrite et Anaxagore écrivirent sur le même sujet; ils ont enseigné comment on pouvait, d'un point fixe, donné pour centre, si bien imiter la disposition naturelle des lignes qui sortent des yeux en s'élargissant, qu'on parvenait à faire illusion, et à représenter sur la scène de véritables édifices qui, peints sur une surface droite et unie, paraissent les uns près, les autres éloignés. 12. Un livre fut ensuite composé par Silenus sur les proportions de l'ordre dorique; un autre par Theodorus sur le temple de Junon, d'ordre dorique, qui est à Samos; un autre par Chersiphron et Métagène, sur celui de Diane, d'ordre ionique, bâti à Éphèse; un autre par Phileos sur celui de Minerve, d'ordre ionique, qui est à Priène; un autre par Ictinus et Carpion, sur celui de Minerve, d'ordre dorique, bâti dans la citadelle à Athènes; un autre par Theodorus, le Phocéen, sur le temple en forme de coupole qui est à Delphes; un autre par Philon sur les proportions des temples, et sur l'arsenal qu'il avait fait au port du Pirée; un autre par Hermogène sur le temple pseudodiptère de Diane, d'ordre ionique, qui est à Magnésie, et sur celui de Bacchus qui est monoptère, bâti dans l'île de Téos; un autre par Argelius sur les proportions de l'ordre corinthien, et sur le temple d'Esculape, d'ordre ionique, qu'il bâtit, dit-on, de sa propre main, chez les Tralliens; un autre sur le Mausolée par Satyrus et Phyteus, dont un véritable succès couronna l'oeuvre magnifique et sublime. 13. Ce chef-d'œuvre a mérité l'approbation de tous les siècles qui n'ont cessé de louer et d'admirer le génie de ceux qui avaient conçu l'idée d'un tel ouvrage, à l'exécution duquel ils prêtèrent une main si habile. Les faces de ce monument furent entreprises par autant d'artistes, et les Léocharès, les Bryaxis, les Scopas, les Praxitèle, et même, suivant quelques écrivains, Timothée, travaillèrent à l'envi aux admirables ornements dont ils le décorèrent. Aussi l'éminente supériorité de leur art fit mettre ce monument au nombre des sept merveilles du monde. 14. Il y a encore un grand nombre d'artistes moins renommés qui ont laissé des préceptes pour les proportions, tels que Nexaris, Théocydes, Démophile, Pollis, Léonides, Silanion, Melampus, Sarnacus, Euphranor. D'autres ont écrit sur les machines, comme Diade, Architas, Archimède, Ctesibius, Nymphodore, Philon de Byzance, Diphile, Démoclès, Charidas, Polyidos, Pyrrhos, Agesistratos. Ce que leurs observations m'ont présenté d'utile pour mon travail, je l'ai pris pour en former ce recueil; la principale raison, c'est que j'ai remarqué que sur cette matière les Grecs ont écrit beaucoup de livres et les Romains fort peu. Fussitius est le premier qui ait publié un excellent volume sur cette matière. Terentius Varron, dans ses neuf livres sur les sciences, en a aussi consacré un à l'architecture; Publius Septimius en a écrit deux. 15. Voilà les seuls écrivains qui se soient occupés de cette science, bien que de tout temps Rome ait produit de grands architectes, parfaitement en état d'écrire sur leur art. Les architectes Antistates, Calleschros, Antimachides et Porinos jetèrent les fondements du temple que Pisistrate faisait élever à Jupiter Olympien, à Athènes. À sa mort, les troubles qui survinrent dans la république, leur firent suspendre leurs travaux. Environ quatre cents ans après, le roi Antiochus promit les sommes nécessaires à l'achèvement de cet édifice. Et la vaste cella, et la distribution du double rang des colonnes du portique, et l'harmonie des proportions de l'architrave et des autres parties de l'entablement, on les dut encore à un citoyen romain, à Cossutius, architecte d'un grand talent et d'un rare savoir. Ce n'est point là un ouvrage ordinaire, et dans le petit nombre de temples qu'on cite, il se distingue par sa magnificence. 16. Il n'y a, en effet, que quatre temples bâtis en marbre dont l'admirable disposition a rendu les noms tout particulièrement célèbres. Leurs plans ont été tracés avec une telle supériorité de science et de talent, qu'on les a admirés même dans le conseil des dieux. Le premier est le temple de Diane, à Éphèse, d'ordre ionique, commencé par Chersiphron de Gnose, et par son fils Métagène; ce furent, dit-on, Demetrius, serf de Diane elle-même, et Péonius d'Éphèse qui l'achevèrent plus tard. Le second est celui que le même Péonius et Daphnis le Milésien bâtirent à Apollon dans la ville de Milet ; il était d'ordre ionique. Le troisième est le temple de Cérès et de Proserpine. Il fut bâti à Éleusis par Ictinus dans les proportions de l'ordre dorique, avec une cella d'une grandeur extraordinaire, sans colonnes extérieures, afin qu'il y eût plus d'espace pour l'accomplissement des sacrifices. 17. Par la suite, du temps que Demetrius commandait à Athènes, Philon, ayant orné de colonnes la façade de ce temple, le fit prostyle. Par là le vestibule fut agrandi, ce qui donna plus d'espace à ceux qui ne participaient pas encore à la célébration des mystères, et rendit cet édifice beaucoup plus majestueux. Le quatrième, enfin, est celui de Jupiter Olympien que Cossutius, comme nous l'avons dit ci-dessus, se chargea de bâtir à Athènes, dans les proportions de l'ordre corinthien, et sur une très grande échelle. Cependant on n'a trouvé de lui aucun commentaire. Et Cossutius n'est point le seul dont nous ayons à regretter les écrits sur cette matière, il y a encore C. Mutius qui, plein d'assurance dans ses vastes lumières, acheva le temple de l'Honneur et de la Vertu que fit bâtir Marius. Il donna à la cella, aux colonnes, aux architraves, les proportions dictées par les règles les plus pures de l'art. S'il eût été de marbre, pour que la richesse de la matière répondît à la beauté du plan, il eût été mis en première ligne avec les plus beaux monuments. 18. Comme il s'est trouvé parmi nos ancêtres des architectes aussi distingués que chez les Grecs, et que de notre temps il y en a eu un assez grand nombre, comme je n'en vois d'ailleurs que quelques-uns qui aient donné des préceptes de leur art, j'ai cru que je devais, non garder le silence, mais traiter méthodiquement, dans chacun de mes livres, chaque partie de mon sujet. Voilà pourquoi, après avoir enseigné, dans le sixième livre, la manière de bâtir les édifices particuliers, je vais, dans le septième, expliquer comment les enduits peuvent réunir à la fois la beauté et la solidité. |
Caput 1
: De ruderatione. |
Je vais commencer par la rudération, qui est cette première couche grossière destinée à recevoir l'enduit extérieur. Il faut veiller avec le plus grand soin à ce qu'elle ait toute la solidité nécessaire. S'il est question d'un rez-de-chaussée, on doit examiner si le sol est par-tout bien solide, bien uni, et faire l'application de cette première couche de mortier grossier ; mais si le sol est en tout ou partie composé de terre rapportée, il sera très important de le raffermir en le battant avec le mouton qui sert à enfoncer les pilotis. Quant aux étages supérieurs, il faudra bien prendre garde qu'il ne se rencontre immédiatement sous le plancher quelqu'un de ces murs qui ne s'élèvent point jusqu'au haut de l'édifice, et laisser entre le plancher et le haut de ce mur un espace qui les sépare. Qu'un plancher vienne à sécher ou à s'affaisser sous son propre poids, ce mur, par la résistance qu'offrira la solidité de sa construction, occasionnera nécessairement des fentes dans l'aire. 2. Il faudra encore faire en sorte que des planches d'esculus ne soient point mêlées à des planches de chêne, parce que le chêne n'a pas plutôt pris l'humidité qu'il se déjette et fait fendre les aires. Si toutefois on manque d'esculus, et que, faute de ce bois, on soit obligé de se servir de chêne, il faudra alors employer des planches plus minces; moins elles seront épaisses, plus il sera facile de les fixer, de les arrêter avec des clous. Ensuite on attachera sur chaque solive les deux bords de chaque planche avec un clou de chaque côté, afin que, dans toute leur longueur, ils ne puissent se relever en se tour-mentant. Quant au cerrus, au hêtre, au farnus, ce sont des bois qui n'ont pas de durée. Une fois les planches assemblées, on les couvrira de fougère, si l'on en a, sinon de paille, afin que le bois ne puisse se gâter par la chaux. 3. On posera alors un premier lit fait avec des cailloux qui seront au moins gros à remplir la paume de la main. Ce lit une fois achevé, on s'occupera de la rudération, qui sera composée d'une partie de chaux et de trois de cailloux, si ce sont des recoupes de pierres de taille, et de deux parties de chaux et de cinq de cailloux, s'ils proviennent de démolitions. On étendra ensuite cette matière, et un nombre suffisant d'hommes armés de leviers de bois sera chargé de la battre longtemps, et de la rendre parfaitement compacte; cette couche terminée n'aura pas moins de neuf pouces d'épaisseur. Là dessus on fera le noyau composé de tuileaux avec lesquels on mêlera une partie de chaux contre trois de ciment; son épaisseur sera au moins de six doigts. Sur ce noyau parfaitement dressé avec la règle et le niveau, on appliquera le pavé, qu'il doive être fait en mosaïque ou avec des carreaux. 4. Quand le pavé aura été posé avec la pente qu'il doit avoir, on le polira avec la pierre ponce, de manière que, s'il est composé de petites pièces oblongues, ou triangulaires, ou carrées, ou hexagones, il ne reste rien de raboteux, rien qui présente la moindre aspérité sur le bord des jointures, et que, s'il est formé de carreaux, tous les angles en soient parfaitement unis, sans qu'aucun sorte du niveau, faute d'avoir été frotté : car si tous les angles ne sont pas également aplanis, c'est qu'ils n'auront point été convenablement polis. Les carreaux de Tibur, disposés en forme d'épis de blé, sont d'un bon usage, quand on a eu soin de les choisir sans creux ni bosses, présentant une surface bien unie. Lorsqu'on sera arrivé à avoir une superficie bien polie, bien luisante, on tamisera de la poudre de marbre, et on étendra par-dessus un mélange de chaux et de sable. 5. Quant aux pavés qui doivent être exposés à l'air, il faut les faire avec une solidité toute particulière. Les planches sur lesquelles ils reposent se gonflent par l'humidité, se rétrécissent par la sécheresse, s'affaissent par leur propre poids, et ces différents causes ont bientôt disjoint les pavés; joignez à cela les gelées et les frimas, qui les empêchent de rester en bon état. Voici ce qu'il faudra faire au besoin, pour qu'ils ne perdent rien de leur solidité. Lorsqu'on aura fait un premier plancher, on mettra par-dessus en travers un second rang de planches qui, fixées sur les solives avec des clous, formeront un double plancher. On fera ensuite un mélange de recoupes de pierres de taille et de tuileaux pilés qui y entreront pour une troisième partie, et on ajouter a à cinq parties de cette mixtion, deux parties de chaux. 6. Quand on aura posé un premier lit de ce blocage, on étendra la rudération, et cette couche bien battue n'aura pas moins d'un pied d'épaisseur. On la couvrira alors de cette autre couche dont nous avons parlé plus haut, puis on posera le pavé composé de grands carreaux d'environ deux doigts d'épaisseur, en leur donnant une inclinaison de deux doigts par dix pieds d'étendue. Si toutes ces précautions sont bien prises, si le poli a été ménagé avec soin, cet ouvrage sera à l'abri de toute altération. Et pour que, à travers les joints, les planches n'aient point à souffrir des gelées, il faudra chaque année, avant l'hiver, bien imbiber le pavé de lie d'huile, ce qui empêchera l'humidité de la gelée de pénétrer. 7. Voulez-vous avoir quelque chose de plus soigné encore, mettez sur la rudération qui couvre les planchers, des carreaux de deux pieds, parfaitement joints ensemble, sur les bords desquels vous creuserez de petites rainures d'un doigt de largeur; remplissez-les de chaux détrempée avec de l'huile, et, lorsqu'elle sera durcie, on la polira avec le grès. La chaux renfermée dans ces petits canaux empêchera en durcissant que l'eau ou toute autre chose ne passe à travers les jointures. Sur ces carreaux on étendra le noyau, et on le battra avec force, puis on pavera soit avec de grands carreaux, soit avec des carreaux disposés en forme d'épis de blé, en leur donnant la pente dont on a parlé plus haut. Le pavé ainsi disposé durera longtemps sans perdre de sa solidité. |
Caput 2
: De maceratione calcis ad albaria opera perficienda. |
II. De la préparation de la chaux pour faire le stuc. 1. Après m'être occupé de la confection des pavés, je vais expliquer la manière de traiter les ouvrages en stuc. Il sera à propos d'éteindre les meilleures pierres de chaux, longtemps avant qu'on ne s'en serve, afin que si quelqu'une d'elles n'a point été assez cuite dans le fourneau, elle puisse eu s'éteignant à loisir se délayer, et acquérir la qualité que lui eût donnée une plus grande cuisson : car si elle est employée toute fraîche, si elle n'est pas entièrement éteinte, si, quand on vient à la mettre en oeuvre, elle renferme encore des grumeaux qui ne soient pas bien cuits, elle produit à l'extérieur de l'ouvrage des espèces de pustules, parce que ces grumeaux ne s'éteignant pas en même temps que la chaux, font éclater l'enduit et lui font perdre son poli. 2. Lorsque la chaux sera éteinte, et qu'elle aura été soigneusement préparée, on prendra une doloire en fer, et on coupera cette chaux délayée dans un bassin, comme on enlève un copeau de bois avec une plane. Si l'outil rencontre des grumeaux, c'est qu'elle n'est pas bien éteinte, s'il en sort sec et pur, c'est qu'elle aura été éventée; sans avoir été assez abreuvée; si elle s'y attache comme de la glu, cette qualité onctueuse prouvera qu'elle est bien détrempée. Il faudra alors préparer les choses nécessaires pour faire les voûtes des appartements dont les planchers ne forment point un plafond horizontal. |
Caput 3
: De camerarum dispositione, albario et tectorio opere. |
III. De la disposition des planchers en forme de voûte; du stuc et du crépi. 1. Quand on voudra faire un plancher en forme de voûte, voici comment on s'y prendra. Des soliveaux parallèles seront disposés entre eux de manière qu'il n'y ait pas plus de deux pieds d'espace de l'un à l'autre. Les meilleurs sont ceux de cyprès, parce que le sapin ne se conserve pas longtemps; il pourrit promptement. Ces soliveaux disposés en forme de cintre, et retenus avec des clous de fer, seront attachés par de nombreux liens au plancher ou au toit; ces liens devront être faits avec un bois que ne puisse altérer ni la pourriture, ni la vermoulure, ni l'humidité, tel que le buis, le genévrier, l'olivier, le rouvre, le cyprès, et les arbres de même nature, excepté le chêne, qui, en se tourmentant, fait fendre les ouvrages dans lesquels on l'emploie. 2. Les soliveaux une fois mis en ordre, on y attachera, avec des cordes de sparte d'Espagne, des roseaux grecs écachés, en leur faisant suivre la courbure de la voûte. Par-dessus on mettra une couche de mortier de chaux et de sable, afin que les gouttes d'eau qui viendraient à tomber des planchers ou des toits puissent être retenues. Si le roseau grec manquait, il faudrait avoir recours aux roseaux minces des marais. On en ferait des bottes qui auraient une longueur convenable avec une grosseur bien égale; on les attacherait avec les mêmes cordes de sparte, de manière que, entre chaque nœud, il n'y eût pas plus de deux pieds de distance : elles seraient attachées aux soliveaux, comme nous l'avons dit plus haut, et fixées avec des chevilles de bois; tout le reste se ferait comme il a été dit ci-dessus. 3. Lorsque les planchers en forme de voûte et leurs compartiments auront été ainsi préparés, il faudra en crépir la concavité avec du plâtre, puis l'aplanir avec du mortier de chaux et de sable, enfin la polir avec une composition de chaux et de craie ou de marbre. La polissure une fois terminée, on s'occupera des corniches, auxquelles on donnera le plus de finesse et de légèreté possible; si elles sont trop massives, elles ne peuvent soutenir leur poids, qui finit par les faire tomber. Il n'y faut point employer de plâtre; on ne doit se servir, dans toute leur longueur, que de marbre tamisé, de peur que, en prenant plus vite que le marbre, le plâtre ne permette pas que l'ouvrage sèche également. Voilà pourquoi, dans ces sortes de planchers, il faut s'écarter de la manière des anciens, qui donnaient trop d'épaisseur à ces corniches, que leur poids rendait dangereuses. 4. Les corniches sont ou simples ou sculptées. Dans les appartements où l'on doit faire du feu, ou allumer beaucoup de lumières, elles doivent être simples pour être plus faciles à nettoyer. Dans les salons d'été, où il n'y a ni fumée ni suie qui puisse gâter, on peut les sculpter; et la blancheur de cet ouvrage perd toujours de la pureté de son éclat, même par la fumée des édifices voisins. 5. Après l'achèvement des corniches, il faudra crépir les murailles le plus grossièrement possible. Lorsque ce crépi commencera à sécher, on y ébauchera des moulures avec du mortier de chaux et de sable, de manière que les lignes horizontales étant exactement de niveau, et les verticales descendant parfaitement à plomb, leurs angles répondent justement à l'équerre; telle doit être la régularité des encadrements qui renfermeront les peintures. À mesure que l'enduit séchera, on mettra une seconde et une troisième couche; plus ces couches seront nombreuses, plus l'enduit offrira de solidité et de durée. 6. Après que sur le crépi de plâtre on aura mis trois couches de mortier au moins, on fera l'application d'une couche de stuc à gros grains. Il devra être pétri et corroyé de manière qu'il ne s'attache point à la truelle, et que le fer en sorte bien net. Sur cette couche encore humide on en mettra une seconde dont le grain sera moins gros; quand elle aura été bien pressée, bien battue, on en appliquera une troisième faite avec de la poudre très fine. Lorsque les murs auront été ainsi recouverts de trois couches de mortier de sable, et d'autant de celles de stuc, elles ne seront sujettes ni à se fendre ni à s'altérer d'aucune manière. 7. Ces couches qui par le battage acquièrent la plus grande dureté, et auxquelles la polissure donne la blancheur éblouissante du marbre, recevant la couleur en même temps que le poli, projettent l'éclat le plus brillant. Or, les couleurs soigneusement appliquées sur le stuc humide, loin de se ternir, conservent toujours leur fraîcheur, parce que la chaux ayant perdu dans le fourneau toute son humidité, et étant altérée par sa rareté et sa sécheresse, pompe avec avidité tout ce qui la touche, et que de ce mélange naît un composé de différents principes qui se condensent pour ne plus former qu'un seul corps, et qui, en séchant, conservent les qualités propres à chacun d'eux. 8. Aussi les enduits qui sont faits comme il faut, ne s'altèrent point en vieillissant, et ne perdent leurs couleurs, quand on les nettoie, que lorsqu'elles ont été étendues avec peu de soin et sur une couche sèche. Lors donc que sur les murailles les enduits auront été faits comme nous l'avons dit ci-dessus, ils renfermeront toutes les conditions voulues de solidité, d'éclat et de durée. Mais si l'on ne mettait qu'une couche de mortier de sable et une de marbre fin, un enduit aussi mince n'offrant point assez de résistance, se romprait facilement, et ne pourrait, vu son peu d'épaisseur, obtenir un brillant poli. 9. Un miroir d'argent composé d'une lame légère ne représente les objets que d'une manière faible et incertaine, tandis que celui qui est fait d'une plaque solide, pouvant recevoir un poli convenable, reflète les images d'une manière brillante et distincte. Il en est de même des enduits : ceux qui ne sont formés que d'une couche mince, non seulement se gercent, mais encore perdent promptement leur lustre; au lieu que ceux auxquels plusieurs couches de mortier de sable et de marbre ont donné une épaisseur solide, venant à acquérir le plus beau poli à force d'être battus, deviennent si luisants qu'ils réfléchissent parfaitement les objets placés devant eux. 10. Les stucateurs grecs ont encore un autre moyen qui leur réussit aussi bien que celui-là : ils disposent un bassin dans lequel ils mettent pêle-mêle la chaux et le sable, et un nombre d'homme suffisant est chargé de corroyer cette matière avec des leviers de bois; quand elle été fortement battue, on la met en oeuvre. Elle acquiert une telle dureté, qu'on se sert des morceaux arrachés à d'anciennes murailles pour en faire des abaques, et qu'autour de ces enduits taillés en abaques et en miroirs, on fait des moulures qui les encadrent. 11. Si des enduits doivent être faits sur des murs de cloison, il arrivera infailliblement que les pièces de bois qui montent et celles qui traversent se tourmenteront, parce que, lorsqu'on vient à les couvrir de terre grasse, elles prennent nécessairement l'humidité, et qu'en séchant elles se rétrécissent, ce qui fait fendre les enduits. Voici le moyen d'éviter cet inconvénient : lorsque la cloison sera couverte de terre grasse, on attachera sur toute son étendue, avec des clous à tête large et plate, des cannes sur lesquelles on mettra une seconde couche de terre grasse, puis un autre rang de cannes qui seront droites, si les premières ont été mises eu travers; ensuite, comme on l'a dit tout à l'heure, on enduira avec le mortier de sable d'abord, et après avec du stuc. Ce double rang de cannes appliquées sur la cloison, les unes coupant les autres, et clouées partout, empêchera qu'il n'y ait ni rupture, ni gerçure. |
Caput 4
: De plitionibus in humidis locis. |
IV. Des enduits qu'il faut faire dans les lieux humides. 1. Je viens d'enseigner la manière de faire les enduits dans les lieux secs; il me reste à expliquer comment on doit s'y prendre pour que, dans les lieux humides, ils puissent durer sans altération. Et d'abord, dans les appartements qui sont au rez-de-chaussée, ce n'est point, jusqu'à la hauteur d'environ trois pieds au-dessus du niveau du pavé, avec du mortier de sable, mais avec du ciment, qu'il faut faire les enduits, pour éviter que cette partie du mur souffre de l'humidité. Mais si le mur était humide dans toute son étendue, il faudrait s'en éloigner un peu et construire à une distance convenable du gros mur un mur étroit, en pratiquant au milieu de ces deux murs un canal qui serait au-dessous du niveau de l'appartement, et qui aurait des ouvertures dans un lieu découvert. Dans la hauteur de ce petit mur, on aurait eu soin de ménager aussi des conduits : car si l'humidité ne trouve point à se dissiper par des ouvertures pratiquées par le haut et par le bas, l'enduit de la nouvelle construction ne sera pas moins exposé à se gâter. Cela fait, on étendra sur le petit mur l'enduit fait de chaux et de ciment; on le dressera ensuite avec le mortier de sable; puis on le polira avec le stuc. 2. Si l'emplacement ne permet pas de bâtir le petit mur, on fera des canaux dont les ouvertures déboucheront dans un lieu découvert. Ensuite, des tuiles de deux pieds seront posées sur l'un des bords du canal, et sur l'autre on élèvera des piles avec des briques de huit pouces, sur lesquelles les angles de deux tuiles pourront poser, de manière qu'elles ne soient pas éloignées du mur de plus d'un palme; d'autres tuiles à rebords, posées sur champ les unes au-dessus des autres, seront attachées depuis le bas du mur jusqu'au haut; l'intérieur en sera soigneusement enduit de poix, afin que l'humidité ne s'y attache point ; il y aura aussi des soupiraux à la partie supérieure, au-dessus de la voûte. 3. On blanchira alors avec de la chaux délayée dans de l'eau, afin que le ciment puisse s'attacher : car à cause de la sécheresse que leur a donnée la chaleur du fourneau, les tuiles ne peuvent ni recevoir ni retenir l'enduit, si la chaux qu'on interpose n'attache ces deux matières l'une à l'autre, et n'en fait, pour ainsi dire, un seul corps. Sur la couche de plâtre on étendra le mortier de ciment en place de celui de sable, et le reste s'achèvera, suivant la méthode que nous avons prescrite plus haut pour les enduits. 4. Les ornements qui relèvent le poli des enduits doivent avoir un caractère qui leur soit propre, offrir des conditions qui conviennent aux pièces qu'ils embellissent, et être en harmonie avec leur destination. Les salles à manger d'hiver n'exigent pas une telle préparation; point de superbes peintures, point de ces sculptures délicates qui ornent les corniches des voûtes : la fumée du feu, la suie produite par les lumières souvent allumées, gâtent tout. On doit se contenter de faire au-dessus des lambris, qui sont à hauteur d'appui, des panneaux en noir, bien polis, que l'on sépare par d'autres compartiments avec de l'ocre ou du cinabre. La voûte doit aussi être simple et polie, et la composition du pavé qu'emploient les Grecs dans ces sortes de pièces, ne déplaira pas à celui qui voudra l'examiner de près, parce qu'il coûte peu et qu'il est commode. 5. On creuse au-dessous du niveau que doit avoir le pavé de la salle à manger, à deux pieds environ de profondeur, et après avoir bien battu le sol, on y met une couche de plâtras ou de tessons, légèrement inclinée vers le canal. On étend ensuite du charbon, qu'on y en-tasse et qu'on bat fortement pour le couvrir d'une couche de mortier composé de sable, de chaux et de cendre, de l'épaisseur d'un demi-pied, et dressé avec la règle et le niveau. Après avoir bien poli avec la pierre la superficie de cet enduit, on a un pavé du plus beau noir. Tel est l'avantage de ces sortes de pavés, que l'eau qu'on y répand, soit en rinçant les coupes, soit en se lavant la bouche, sèche immédiatement, et que ceux qui servent à table peuvent marcher nu-pieds sans prendre froid. |
Caput 5
: De ratione pingendi parietes.
6.
Alabandeos satis acutos ad omnes res civiles haberi, sed propter non magnum vitium indecentiae insipientes eos esse iudicatos, quod in gymnasio eorum quae sunt statuae, omnes sunt causas agentes,
in foro discos tenentes aut currentes seu pila ludentes : ita indecens inter locorum proprietates status signorum, publice civitati vitium existimationis adiecit.
Videamus item nunc ne Apaturii scena efficiat et nos Alabandeos aut
Abderitas (76). Quis enim vestrum domos supra tegularum tecta potest habere aut columnas, seu fastigiorum explicationes?
Haec enim supra contignationes ponuntur, non supra tegularum tecta. Si ergo quae non possunt in veritate rationem habere facti, in picturis probaverimus, accedemus et nos his civitatibus, quae propter haec vitia insipientes sunt iudicatae. 9. Quae commonefacere potui, ut ab errore discedant in opere tectorio, satis exposui : nunc de apparationibus, ut succurrere potuerit, dicam, et primum, quoniam de calce initio est dictum, nunc de marmore ponam. |
V. De la manière de peindre les murailles. 1. Dans les autres appartements, c'est-à-dire dans ceux qu'on habite au printemps, en automne, en été, et même dans les vestibules et dans les péristyles, les anciens avaient accoutumé de prendre dans la nature même les sujets de leurs peintures. Et, en effet, la peinture ne doit représenter que ce qui est ou ce qui peut être, comme un homme, un édifice, un vaisseau, ou toute autre chose dont on imite avec exactitude la forme et la figure. Aussi les anciens, qui firent les premières peintures sur les enduits, imitèrent les différentes bigarrures du marbre, et firent ensuite des compartiments variés, traçant des figures rondes et triangulaires en jaune et en rouge. 2. Après cela ils en vinrent à représenter des édifices avec des colonnes et des frontons, qui se détachaient parfaitement sur le fond. Dans les lieux spacieux, dans les salles de conférences, par exemple, où les murs présentent de grandes surfaces, ils peignaient des scènes tragiques, comiques ou satiriques. Les galeries, à cause de leur longueur, furent ornées de paysages qu'ils animaient par des points de vue tirés de certaines localités; c'étaient des ports, des promontoires, des rivages, des fleurs, des fontaines, des ruisseaux, des temples, des bois, des montagnes, des troupeaux, des bergers; dans quelques endroits ils peignaient de grands sujets où figuraient les dieux; ou bien c'étaient des épisodes empruntés à la mythologie, ou les guerres de Troie, ou les voyages d'Ulysse; partout des paysages nulle part rien qui ne fût en harmonie avec les productions de la nature. 3. Mais cette belle nature, dans laquelle les anciens allaient prendre leurs modèles, nos goûts dépravés la repoussent aujourd'hui. On ne voit plus sur les murs que des monstres, au lieu de ces représentations vraies, naturelles ; en place de colonnes, on met des roseaux ; les frontons sont remplacés par des espèces de harpons et des coquilles striées, avec des feuilles frisées et de légères volutes. On fait des candélabres soutenant de petits édifices, du haut desquels s'élèvent, comme y ayant pris racine, quantité de jeunes tiges ornées de volutes, et portant sans raison de petites figures assises; on voit encore des tiges terminées par des fleurs d'où sortent des demi-figures, les unes avec des visages d'hommes, les autres avec des têtes d'animaux. 4. Or, ce sont là des choses qui ne sont pas, qui ne peuvent être, qui n'ont jamais été. Cependant ces nouvelles fantaisies ont tellement prévalu que, faute d'un homme qui soit en état de les apprécier, les arts dépérissent journellement. Quelle apparence, en effet, que des roseaux soutiennent un toit, qu'un candélabre porte des édifices, que les ornements de leur faîte, c'est-à-dire des tiges si faibles et si flexibles, portent des figures assises, ou que des racines et des tiges produisent des fleurs et des demi-figures? À la vue de ces faussetés, il ne s'élève pas un mot de blâme; on s'en amuse, au contraire, sans prendre garde si ce sont des choses qui soient possibles ou non. Les esprits obscurcis par la faiblesse de leur jugement, ne sont point en état d'apprécier le mérite, la beauté d'un ouvrage. Une peinture n'est pas digne d'approbation, si elle ne représente point la vérité. Il ne suffit pas qu'un sujet soit peint avec tout le prestige de l'art, pour qu'on doive immédiatement le juger avec avantage; encore faut-il que le dessin n'offre dans aucune de ses parties rien qui blesse la raison. 5. La ville de Tralles possédait un petit théâtre qui portait le nom d'¤kklhsiast®rion (lieu de réunion), pour lequel Apaturius, Alabandin, avait peint une scène avec talent. Au lieu de colonnes, il y avait représenté des statues et des centaures soutenant les architraves, des toits arrondis comme des dômes, des frontons avec de grandes saillies, des corniches ornées de têtes de lion, toutes choses qui ne conviennent qu'aux larmiers. Il n'en avait pas moins peint au-dessus un second ordre avec d'autres coupoles, des porches, des moitiés de faîte, et toutes les autres parties qui ornent un toit. Tout l'aspect de cette scène charmait les yeux de tous les spectateurs, par l'heureuse distribution des teintes, et on allait approuver ce travail, lorsque le mathématicien Licinius se présenta et dit : 6. Les Alabandins passent pour ne point manquer d'une certaine habileté dans toutes les affaires civiles; mais une petite faute contre la convenance leur a fait perdre l'opinion qu'on avait de leur jugement, en ce que les statues qu'ils ont placées dans le lieu de leurs exercices, représentent toutes des avocats, tandis que celles qui sont dans le barreau, représentent des personnes qui tiennent des disques, qui s'exercent à la course, qui jouent à la paume; ces statues, si maladroitement placées dans des lieux qui ne leur conviennent pas, ont grandement fait tort à la réputation des habitants. Prenons garde que la scène d'Apaturius ne nous fasse prendre pour autant d'Alabandins ou d'Abdéritains. Qui de vous a jamais vu des maisons, des colonnes posées sur les tuiles, ou sur le faîte d'autres maisons? C'est sur les pavés que reposent ces parties d'un bâtiment, et non sur des toits. Si nous approuvons, dans une peinture, ce qui ne peut exister en réalité, nous nous mettrons sur la même ligne que ces peuples, sur le jugement desquels de telles fautes ont fait passer condamnation. 7. Apaturius n'osa rien répondre; il enleva la scène, changea tout ce qui se trouvait contre la vérité, et la fit agréer après avoir fait les corrections convenables. Plût aux dieux que Licinius pût revenir à la vie pour nous ramener à la raison, et rectifier ces erreurs qui se sont introduites dans la peinture ! Pourquoi cet abus a-t-il triomphé de la vérité? C'est ce qu'il ne sera pas hors de propos de dire ici. Autrefois c'était du talent et de la perfection du travail que les peintres faisaient dépendre le succès de leurs efforts; ceux d'aujourd'hui n'attachent de prix qu'à l'éclat des couleurs et à l'effet qu'elles produisent : jadis c'était le talent de l'artiste qui seul donnait du prix à son travail; maintenant les dépenses de celui qui fait travailler en tiennent lieu. 8. Les anciens n'employaient le minium, comme couleur, qu'en très petite quantité; à présent on en voit presque partout peintes des murailles tout entières, aussi bien que de chrysocolle, d'ostrum, d'armenium. Ces couleurs, bien qu'appliquées sans art, ne laissent pas d'éblouir par leur éclat; et c'est à cause de leur cherté que la loi a voulu qu'elles fussent fournies par celui qui fait travailler, et non par celui qui travaille. 9. J'ai cherché, par les avis que je viens de donner, à prévenir, autant qu'il m'a été possible, l'abus qui s'est introduit dans les peintures à fresque; il me reste maintenant à traiter de la manière de préparer les matériaux, et, puisque j'ai commencé par parler de la chaux, je vais m'occuper du marbre. |
Caput 6
: De marmore quomodo paretur ad tectoria. 2. Quibus inductis et diligenti tectorium fricatione laevigatis, de coloribus ratio habeatur, uti in his perlucentes exprimant splendores; quorum haec erit differantia et apparitio. Colores alii sunt (82), qui per se certis locis procreantur et inde fodiuntur : nonnulli ex aliis rebus, tractationibus aut mixtionibus seu temperaturis compositi, perficiuntur, uti praestent eandem in operibus utilitatem |
VI. De la manière de préparer le marbre pour en faire du stuc. 1. Le marbre ne se rencontre pas partout dans les mêmes conditions : dans certaines localités, on le trouve par morceaux avec de petits grains luisant comme du sel. Pilé et broyé, il est avantageux pour faire les enduits et les corniches. Dans les lieux oh ne se trouve pas cette espèce, on ramasse les éclats appelés ossulae, que les marbriers font tomber du marbre qu'ils travaillent; on les écrase avec des niions de fer, et on les sasse pour en faire trois sortes de poudre : la plus grosse, comme nous l'avons dit ci-dessus, se mêle avec la chaux, pour faire la première couche que l'on met sur le mortier de sable; la moyenne vient ensuite, puis la troisième qui est la plus fine. 2. Après que ces couches d'enduits auront été unies et polies avec soin, il faudra s'occuper des couleurs destinées à les couvrir de leur brillant éclat. Elles sont de différente nature, et leur préparation n'est point la même. Les unes se forment d'elles-mêmes dans certains lieux d'où on les tire; les autres sont un composé de diverses matières dont la préparation, ou le mélange, ou la combinaison produisent dans les ouvrages le même effet que les autres. |
Caput 7
: De nativis coloribus. 2. Item rubricae copiose (85) multis locis eximuntur, sed optimae paucis, ut Ponto Sinope, et Aegypto, in Hispania Balearibus, non minus etiam Lemno, cuius insulae vectigalia Atheniensibus senatus populusque Romanus concessit fruenda.
3.
Paraetonium (86)
vero ex ipsis locis unde foditur habet nomen. Eadem ratione melinum (87), quod eius
vis metalli insulae Cycladi Melo dicitur esse. 5. Auripigmentum (90), quod Žrs¡nikon graece dicitur, foditur Ponto. Sandaraca (91) item pluribus locis, sed optima Ponto proxime flumen Hypanim habet metallum. Aliis locis, ut inter Magnesiae et Ephesi fines, sunt loca, unde effoditur parata, quam nec molere nec cernere opus est, sed hic est subtilis, quemadmodum si qua est manu contusa et subrecta. |
1. Nous allons d'abord parler des couleurs qui se produisent d'elles-mêmes dans la terre, comme le sil, que les Grecs appellent Îxra. On le trouve en plusieurs endroits et même en Italie; mais le meilleur, celui de l'Attique, manque aujourd'hui. Lorsque des compagnies exploitaient les mines d'argent qui sont à Athènes, on creusait des puits pour aller chercher ce métal, et quand on venait à rencontrer quelque filon de sil, on le suivait comme si c'eût été de l'argent; aussi les anciens avaient en abondance de l'excellent sil, qu'ils employaient sur les enduits. 2. La rubrique se tire en abondance de beaucoup de lieux; mais la bonne est rare, et ne se trouve guère qu'à Sinope, dans le royaume de Pont, en Égypte, aux îles Baléares, en Espagne, et dans l'île de Lemnos, dont les revenus ont été laissés aux Athéniens par le sénat et le peuple romain. 3. La couleur parétonienne tire son nom du lieu même où on la trouve. La méline tire de même le sien de l'île de Mélos, une des Cyclades, où ce minéral abonde. 4. La terre verte se rencontre aussi dans plusieurs localités; mais la meilleure vient de Smyrne; les Grecs l'appellent yeodñtion, parce qu'un nommé Théodote possédait le fonds où elle fut trouvée pour la première fois. 5. L'orpiment, qui en grec est appelé Žrs¡nikon, se tire du royaume de Pont. Le minium se trouve également en plusieurs lieux; mais le meilleur s'exploite aussi dans le Pont, auprès du fleuve Hypanis. Il y a d'autres endroits, comme les confins de Magnésie et d'Éphèse, d'où on le tire tout préparé, sans qu'il soit besoin ni de le broyer ni de le sasser; et il est aussi fin que si quelque main d'homme l'eût pilé et tamisé. |
Caput 8
: De minio et argento vivo. |
VIII. Du cinabre et du vif-argent. 1. Je vais maintenant parler de la préparation du cinabre. On le trouva, dit-on, pour la première fois, sur le territoire de Cilbianis, près d'Éphèse. La manière de l'extraire et de le préparer est assez curieuse. On le tire de terre par mottes, qu'on appelle anthrax, avant que la manipulation l'ait fait passer à l'état de cinabre, La veine de cette matière, enveloppée d'une poussière rouge, a une couleur de fer un peu roussâtre. Quand on l'extrait, les coups de pic en font sortir de nombreuses gouttes de vif-argent que les ouvriers s'empressent de recueillir. 2. Lorsque ces mottes ont été réunies dans l'atelier, on les jette dans un four pour leur faire perdre l'humidité dont elles sont pleines, et la chaleur du feu en fait sortir une vapeur qui, en retombant sur l'aire du four, se trouve être du vif-argent. On retire les mottes, et les gouttes qui se sont déposées dans le four ne pouvant être ramassées, à cause de leur petitesse, sont balayées dans un vase plein d'eau où elles se mêlent et se confondent. Quatre sétiers de cette matière pèsent cent livres. 3. Que l'on vienne à remplir quelque vase de cette substance, une pierre du poids de cent livres, mise dessus, nagera à sa surface sans pouvoir, par sa pesanteur, ni la comprimer, ni la séparer, ni l'éparpiller. Si à la place de ce poids de cent livres, on met seulement un scrupule d'or, il ne surnagera pas ; il descendra tout de suite au fond; ce qui prouve clairement que la gravité des corps ne dépend pas de la quantité de la matière pesante, mais de sa qualité. 4. On se sert du vif-argent dans beaucoup de cas; sans lui il est impossible de bien dorer l'argent et le cuivre; lorsqu'un vêtement tissé d'or vient à s'user, et que sa vieillesse le met hors d'état d'être décemment porté, on le brûle dans un vase de terre, et la cendre en est jetée dans de l'eau. On y ajoute du vif-argent auquel toutes les parcelles d'or vont s'attacher, se joindre. On répand l'eau, et l'on verse dans un linge que l'on presse avec les mains, le vif-argent qui passe au travers à cause de sa fluidité, et l'or, malgré la compression, reste parfaitement pur dans le linge. |
Caput 9
: De minii temperatura. |
IX. De la préparation du cinabre. 1. Je reviens à la préparation du cinabre. Lorsque les mottes sont sèches, on les pile, on les broie avec des pilons de fer, et à force de lotions et de coctions, on fait disparaître toute matière étrangère, et la couleur arrive. Lorsque, par le dégagement du vif-argent, le cinabre à perdu les qualités naturelles qu'il contenait, sa substance s'amollit et n'a plus la même force. 2. Lorsqu'il est employé dans les appartements dont les enduits sont à couvert, le cinabre conserve sa couleur sans altération; mais dans les lieux exposés à l'air, comme les péristyles, les exèdres, et quelques autres endroits semblables où peuvent pénétrer les rayons du soleil et l'éclat de la lune, il s'altère, il perd la vivacité de sa couleur, il se noircit aussitôt qu'il en est frappé. C'est une expérience qui a été faite par plusieurs personnes, et entre autres par le secrétaire Faberius. Ayant voulu avoir dans sa maison du mont Aventin d'élégantes peintures, il fit peindre avec du cinabre tous les murs du péristyle, qui au bout de trente jours ne présentaient plus qu'une couleur désagréable et bigarrée; ce qui l'obligea à les faire repeindre une seconde fois avec d'autres couleurs. 3. Voici ce que font des personnes mieux avisées, pour que leurs enduits conservent la couleur du cinabre qu'elles préfèrent. Lorsque la couleur a été parfaitement étendue, et qu'elle est bien sèche, on la couvre, avec un pinceau, d'une couche de cire punique qu'on a fait fondre, et à laquelle on a mêlé un peu d'huile; on met ensuite du charbon dans un réchaud, on chauffe cette cire, aussi bien que la muraille, on la liquéfie, puis on l'étend bien uniment; enfin on prend une bougie et des linges blancs avec lesquels on polit, comme on le fait pour les statues nues faites de marbre. 4. C'est ce qu'on appelle en grec kaèsiw (brûlure); l'application de cette couche de cire punique empêche que la lumière de la lune et les rayons du soleil, en donnant sur ces enduits, n'en enlèvent la couleur. Les fabriques qui étaient autrefois dans les mines d'Éphèse, sont maintenant transférées à Rome, parce qu'on a trouvé ce minéral en Espagne, d'où il est facile d'en transporter les mottes qui sont préparées par des hommes spéciaux dont les fabriques sont situées entre le temple de Flore et celui de Quirinus. 5. On falsifie le cinabre avec de la chaux; quand on voudra s'assurer qu'il n'y a point eu de falsification, voici ce que l'on fera : on prendra une lame de fer sur laquelle on mettra du cinabre; on la soumettra à l'action du feu jusqu'à ce qu'elle devienne blanche, et on ne la retirera que quand de blanche qu'elle était devenue par la chaleur, elle aura pris une teinte noire : si, étant refroidie, elle reprend sa couleur première, on peut être assuré que le cinabre est pur; si, au contraire, elle conserve sa teinte noire, c'est qu'il aura été sophistiqué. 6. Je viens de dire ce que je sais sur le cinabre. La chrysocolle vient de Macédoine; on la tire des lieux voisins des mines de cuivre. L'armenium et l'indicum font connaître par leurs noms les lieux qui les produisent. |
Caput 10
: De coloribus qui arte fiunt. |
X. Des couleurs artificielles. 1. Je vais maintenant parler des matières qui, par la proportion du mélange de différentes substances préparées d'une certaine manière, perdent leurs qualités naturelles pour acquérir la propriété des couleurs. Commençons par le noir, dont l'usage est si nécessaire dans beaucoup d'ouvrages, afin de bien faire connaître tous les moyens par lesquels on peut arriver à l'obtenir. 2. On bâtit un petit édifice en forme- d'étuve; on en tapisse le dedans avec une couche de stuc que l'on polit avec soin. En avant on construit, avec une bouche dans l'étuve, un petit fourneau dont la porte doit être hermétiquement fermée, pour qu'elle ne puisse livrer passage à la flamme. On jette de la résine dans le fourneau. Soumise à l'action du feu, cette substance produit une fumée qui est forcée de passer dans l'étuve aux parois et à la voûte de laquelle elle s'attache transformée eu suie. On en rainasse une partie que l'on détrempe avec de la gomme, pour en faire l'encre à écrire; le reste, mêlé à de la colle, sert à peindre les murailles. 3. Si l'on manque des moyens de faire ce noir, on pourra, pour qu'aucun retard ne vienne entraver l'ouvrage, faire face à la nécessité de .cette manière : on brûlera des sarments ou des copeaux de pin; lorsqu'ils seront réduits en charbon, on les éteindra. Ce charbon pilé dans un mortier avec de la colle, fournira pour la peinture des murailles un noir assez beau. 4. On pourra encore, avec de la lie de vin desséchée, et cuite dans un fourneau, puis broyée avec de la colle, obtenir un très beau noir, et plus le vin dont elle est le résidu aura de qualité, plus il sera facile d'en obtenir, non-seulement le noir ordinaire, mais encore une couleur imitant l'indicum. |
Caput 11
: De caeruleo et usta. |
XI. Du bleu d'azur et de l'ocre brûlée. 1. Ce fut à Alexandrie que se fit, pour la première fois, la préparation du bleu d'azur, et Vestorius en a établi depuis une fabrique à Pouzzol. La manière de le préparer avec les substances qui le composent, est assez curieuse. On broie du sable avec de la fleur de nitre, aussi fin que de la farine; on y mêle de la limaille de cuivre de Chypre faite avec de grosses limes, puis on la mouille pour en faire une pâte, dont on forme avec les mains des boules qu'on presse de manière à les faire sécher. Une fois sèches, elles sont déposées dans un vase de terre qu'on met dans une fournaise. Là, le cuivre et le sable entrant en fusion par la violence du feu, finissent par ne plus faire qu'un seul corps, auquel la liquéfaction a communiqué les qualités réciproques des deux substances qui n'ont plus de propriété distincte, l'action du feu la leur ayant fait perdre, et qui se trouvent converties en une couleur bleue d'azur. 2. L'ocre brûlée, dont on tire un assez bon parti dans les peintures sur enduit, se prépare de cette manière : on fait rougir au feu une motte de bonne ocre jaune; on l'éteint dans du vinaigre, ce qui lui donne une couleur de pourpre. |
Caput 12
: De cerussa, aerugine et sandaraca. |
XII. De la céruse, du vert-de-gris et du minium. 1. Il n'est point hors de propos de dire ici comment on prépare la céruse et le vert-de-gris que nous appelons aeruca. Les Rhodiens mettent des sarments dans des tonneaux au fond desquels ils versent du vinaigre. Sur ces sarments ils placent des lames de plomb; puis, on ferme soigneusement les tonneaux pour que le contenu ne perde rien de sa force. Après un temps déterminé on ouvre, et les morceaux de plomb se trouvent convertis en céruse. Si on les remplace par des lames de cuivre, on obtient le vert-de-gris qu'on appelle aeruca. 2. La céruse brûlée dans une fournaise perd sa couleur par l'action du feu, et se change en minium. C'est le hasard qui, dans un incendie, apprit aux hommes à la faire. Elle est d'une qualité supérieure à celle que l'on tire des mines, où elle se forme aux dépens du métal. |
Caput 13
: De ostro. |
1. Je vais commencer à parler de la pourpre, qui, de toutes les couleurs, est la plus chère et celle qui flatte le plus agréablement la vue. C'est d'un coquillage de mer que se tire la matière dont se fait la pourpre, qui offre à l'œil de l'observateur une des plus admirables productions de la nature. Cette couleur ne présente point la même teinte dans tous les lieux où elle est produite; la nature la nuance selon les climats. 2. La pourpre qu'on recueille dans le Pont et la Gaule, doit à ces contrées voisines du septentrion sa teinte foncée. Elle prend une nuance livide entre le septentrion et l'occident; celle qui naît entre l'orient et l'occident équinoxial tire sur le violet. Quant à celle qui nous vient des pays méridionaux, elle est parfaitement rouge; c'est cette qualité que nous envoient l'île de Rhodes, et les autres contrées qui sont plus voisines du cours du soleil. 3. Quand on a ramassé ces coquillages, on fait tout autour une incision d'où coulent quelques gouttes d'une humeur pourprée. On les fait tomber dans un mortier, où on les prépare en les broyant; et parce que ce sont des coquillages de mer qui produisent cette couleur, on lui a donné le nom de ostrum (ostrea = huître). Les parties salées qu'elle contient ne tarderaient pas à la dessécher, si ou ne la conservait dans du miel. |
Caput 14
: De coloribus qui imitantur purpuram. |
XIV. Des couleurs qui imitent la pourpre. 1. On compose encore des couleurs pourprées, en teignant la craie avec les racines de la garance et de l'hysginum. Les fleurs produisent aussi d'autres couleurs. Lorsque les teinturiers veulent imiter l'ocre jaune de l'Attique, ils mettent dans un vase plein d'eau des violettes sèches, qu'ils font bouillir sur le feu. Lorsque l'infusion est achevée, on verse le tout dans un linge, d'où l'on exprime avec les mains l'eau colorée par les violettes. On la reçoit dans un mortier, on y répand de la craie érétrienne, et en la broyant on obtient la couleur de l'ocre jaune de l'Attique. 2. Employant le vaccinium de la même manière, on fait, avec le lait qu'on y mêle, une belle couleur de pourpre. Ceux qui ne peuvent se servir de la chrysocolle à cause de sa cherté, teignent l'azur avec le suc d'une plante qu'on appelle pastel, et obtiennent un très-beau vert; c'est là ce qu'on appelle de la teinture. L'indicum est rare; mais pour en imiter la couleur, il suffit de mêler de la craie sélinusienne ou annulaire avec le pastel que les Grecs appellent àsatiw. 3. Je viens de composer ce livre de tout ce que j'ai pu me rappeler sur la manière de crépir, sur le choix des matériaux à employer, sur la solidité de l'enduit destiné à recevoir la peinture, sans qu'elle soit exposée à perdre son éclat, enfin sur les propriétés que renferment les différentes couleurs. Ainsi, ce qui peut contribuer à rendre les édifices aussi parfaits et aussi commodes qu'ils doivent l'être, se trouve réuni dans les sept livres qui précèdent. Dans le suivant, je vais parler des eaux, de la manière d'en trouver dans les lieux qui en manquent, des moyens de les y amener, et des caractères qui eu font connaître la bonté et la qualité. |
(01)
- Itaque non mediocres, sed infinitae sunt his agendae gratiae. Vitruve
commence ce livre par l'éloge des lettres, et rend hommage aux savants qui nous
ont transmis les événements passés et les découvertes faites de leur temps.
Il cite les artistes et les poètes qui ont d'abord fait fleurir les arts et les
lettres dans la Grèce, où les siècles de la belle littérature furent aussi
ceux qui produisirent les plus fameux artistes. Il parle d'abord d'Homère,
qu'il appelle le père des poètes. Il florissait cent ans environ avant la
première olympiade. Il n'est point d'auteur, à l'exception peut-être
d'Hésiode, qui soit plus ancien que lui. Rien ne peut être comparé à sa
poésie ; il s'essaya dans le genre épique, celui-là même qui présente le
plus de difficultés, et, prenant un vol d'aigle, s'élança au plus haut degré
que puissent atteindre les forces humaines, par son immortelle Iliade. En
vain les plus grands génies ont cherché à l'imiter. Le plus ancien poète de
la Grèce fut aussi le meilleur ; ce qui fait dire à Velleius Paterculus : «
Neque ante ilium quem ille imitaretur, neque post ilium qui eum imitari posset,
inventus est. » Les beaux-arts, et surtout l'architecture, étaient déjà
connus dans le temps d'Homère; il nous apprend qu'avant le siège de Troie, la
ville d'Orchestre était célèbre, à cause du temple de Neptune qui s'y
trouvait, et que Minerve en avait un magnifique à Athènes. Nous voyons dans
Pline que le temple de Diane, en Aulide, fut bâti plusieurs siècles avant la
guerre de Troie. Homère parle aussi de plusieurs palais qui existaient en
Grèce avant cette guerre. (02) - Quae res in Troja fuissent gestae. Ce n'est pas seulement à cause de son ancienneté que Vitruve cite Homère le premier, c'est encore parce que les anciens regardaient les événements qui se sont passés à Troie, non comme une simple histoire, mais comme le fond de leur théologie. C'est pourquoi les livres d'Homère où ces événements sont rapportés, étaient en grande vénération; on estimait son histoire, on admirait sa poésie, et ses livres étaient réputés sacrés. Aussi Vitruve les nomme avant de parler des ouvrages qui traitent de la philosophie et de la morale, avant de citer l'histoire de Crésus, d'Alexandre et de Darius; et si l'on a infligé à Zoïle, surnommé le fléau d'Homère, ce châtiment dont il parle, pour avoir écrit contre ce poète, c'est parce qu'il avait tourné en ridicule un ouvrage qui traitait de la religion. (03) - Reges Attallici. Alexandre le Grand mourut la première année de la cent quatorzième olympiade. Ses généraux se partagèrent l'empire. L'Égypte, l'ancienne patrie des arts, échut à Ptolémée. Il fit bâtir le phare d'Alexandrie qui passa pour une des sept merveilles du monde ; et son fils Ptolémée Philadelphe fonda à Alexandrie cette fameuse bibliothèque dont il est parlé dans cette introduction. Au rapport d'Aulu-Gelle, elle contenait sept cent mille volumes. Galien nous apprend que pour augmenter cette bibliothèque, Ptolémée et ses successeurs achetaient très cher tous les manuscrits qu'ils pouvaient se procurer; ce qui donna lieu à la fraude : car, afin de les faire valoir davantage, des vendeurs attribuaient aux auteurs célèbres des traités qu'ils n'avaient point composés. Ce fut par les conseils de Demetrius de Phalère, auquel on avait d'abord confié le soin de cette bibliothèque, que Ptolémée fit traduire d'hébreu en grec, par des Juifs que lui envoya Éléazar, les livres de la loi de Moïse; c'est ce qu'on nomme la version des Septante. La bibliothèque d'Alexandrie fut brûlée par les Romains dans la guerre que César fit en Égypte. Aulu-Gelle dit que le feu y fut mis par mégarde, et par des soldats étrangers, craignant sans doute qu'un tel acte de barbarie ne fût reproché à ceux de sa nation, vu que les Perses, tout barbares qu'ils étaient, avaient épargné la bibliothèque d'Athènes, lorsque Xerxès prit la ville et qu'il la fit brûler. Dans le même temps, les rois de Pergame, Attale et Eumène, s'immortalisaient par leur sagesse et leur amour pour leurs sujets. Ils fondèrent une bibliothèque comme celle d'Alexandrie, ce qui excita la jalousie des Égyptiens, au point que Ptolémée Philadelphe défendit l'exportation du papyrus ou papier d'Égypte; il excita par là l'industrie des habitants de Pergame. Plutarque nous apprend dans la Vie de Marc Antoine, que la bibliothèque des rois de Pergame contenait deux cent mille volumes. (04) - Zoilus. Le Zoïle dont parle ici Vitruve n'est point, selon Stratico, le même que cet autre Zoïle qui vécut longtemps auparavant, disciple de l'orateur Polycrate, contemporain de Platon, et maître d'Anaximène, qui fut un des précepteurs d'Alexandre le Grand. Il vécut très longtemps, jusqu'à la fin du règne de Philippe, qui mourut dans la XCe olympiade. Vossius et Oléarius ne font qu'un seul Zoïle des deux qui ont existé; mais il est impossible que le même homme ait été contemporain de Platon et de Ptolémée. Oléarius traite de fable le récit de Vitruve ; il s'appuie surtout sur l'autorité de Reinesius, qui prétend que ce Zoïle, l'Homéromastix, connut Socrate, Platon et Isocrate, contre lesquels il exerça également son stylet. Il faut lire sur ce sujet un Mémoire des Inscriptions et Belles-Lettres, 1736, où l'opinion de Vossius, de Reinesius et autres est savamment discutée, et où l'on fait voir que les deux Zoïle dont il vient d'être parlé ont existé. La sévérité du châtiment dont parle Vitruve est assurément trop grande, puisque pour aucun crime il n'est point de plus grand supplice ; mais, comme l'explique Galiani, les livres d'Homère étaient sacrés, et y porter la main, c'était se rendre coupable de sacrilège. (05) - Agatharchus Athenis, Aeschylo docente tragoediam, scenam fecit. La plupart des tragédies, chez les Grecs, représentant les actions des dieux, étaient regardées comme des ouvrages sacrés. L'origine de ces spectacles était due aux fêtes de Bacchus. La partie de ces fêtes qui se célébraient dans les temples, consistant en chœurs, c'est-à-dire en chants graves et monotones, était nécessairement triste. Thespis essaya d'introduire dans ses choeurs un personnage qui récitait quelqu'un des exploits de Bacchus, ce qui fit un épisode, c'est-à-dire un morceau étranger dans le chœur. Eschyle essaya d'ajouter un second personnage qui forme un dialogue avec le premier. Les beaux jours de la Grèce commençaient alors à paraître, dit de Bioul ; vainqueurs des Perses aux journées de Salamine et de Platée, on vit les Grecs assemblés en Élide pour les grands jeux, écouter Hérodote, qui avait quitté la Carie pour venir leur lire son histoire : c'était dans la LXXVIIe olympiade. Eschyle donna alors sa première tragédie régulière; et les beaux-arts virent naître Agélade d'Argos, maître de Phidias; Onatus, qui fit la statue de Gélon; Agénor et Glaucias d'Épire. Agatharque, qui peignait les décorations pour le théâtre sur lequel Eschyle faisait représenter ses tragédies, composa, suivant Vitruve, le premier traité de perspective. C'est mal à propos que Perrault, d'après une correction de Barbaro, a substitué le mot tragicam au mot tragoediam. Et d'ailleurs Barbaro a reconnu plus tard son erreur, puisque, dans sa traduction italienne, il a remis tragoediam. On sait qu'Eschyle réforma la tragédie, et introduisit le bon goût dans ce genre de poésie à Athènes, mais qu'il ne fut jamais peintre de décorations. Aussi le véritable sens de cette phrase est-il que, quand Eschyle faisait représenter ses tragédies à Athènes, Æschylo docente tragoediam, Agatharque en peignait les scènes, scenam fecit Agatharchus. (06)
-
Ex eo moniti Democritus et Anaxagoras de eadem re scripserunt. La
clarté de ce passage est plus que suffisante pour convaincre ceux qui ont voulu
douter si les anciens connaissaient l'art de la perspective, puisque Vitruve dit
qu'ils enseignaient la manière de représenter, sur la scène, de véritables
édifices qui, quoique peints sur une superficie plate et unie, c'est-à-dire
sur la toile, paraissaient les uns près, les autres éloignés, et cela en
imitant la disposition naturelle des lignes qui répondent toutes à un même
point (lineas ratione naturali respondere), que nous nommons le point de
vue, ou le point de perspective, et radiorum extensionem, et selon le
point de distance. (07) - Postea Silenus. Vitruve ne fait qu'ébaucher ici l'histoire des architectes qui ont vécu avant lui, et se contente de citer leurs noms et le sujet des livres qu'ils ont écrits. Silenus, Theodorus, Phileos, Carpion, Theodorus le Phocéen, ne sont nommés que dans Vitruve. Tous leurs ouvrages ont péri. (08) - Chersiphron et Metagenes. - Voyez PLINE, Hist. Nat., liv. VII, ch. 38. Vitruve parle encore de ces deux architectes (liv. X, ch. 6) à l'occasion du moyen ingénieux dont ils usèrent pour transporter, des carrières à Éphèse, les fûts des colonnes destinées au temple de Diane. (09)
- Item de aede Minervae Dorica, quae est Athenis in arce, Ictinus et Carpion.
Pausanias (liv. VIII, ch. 41) dit que l'architecte Ictinus qui construisit le
temple d'Apollon Epicurius, sur le mont Cotyle, auprès de la ville de Phigalie,
vécut au temps de la gloire de Périclès, et éleva le Parthénon à Athènes.
Plutarque, dans sa Vie de Périclès, dit que Callicrate construisit le
Parthénon avec Ictinus. Celui-ci bâtit encore le temple de Cérès à
Éleusis. (10) - Philo de aedium sacrarum symmetriis et de armamentario. Voyez PLINE, Hist. Nat., liv. VII, ch. 38 ; CICÉRON, de l'Orateur, liv. ler, ch. 14; VALÈRE MAXIME, liv. VIII, ch. 12. Plutarque (Vie de Sylla, ch. XX) dit que l'arsenal construit à Athènes par l'architecte Philon fut brûlé par Sylla. Junius assure qu'il existe encore de Philon un traité sur la construction des tours, des murailles, etc., sur la défense et l'attaque des villes. (11) - Et Ionico Trallibus, Aesculapio. Turnèbe (liv. II, ch. 3) fait remarquer que le mot Aesculapium est employé ici par Vitruve pour désigner le temple d'Esculape; il est la traduction littérale de ƒAsklhpieÝon. Les Latins ont dit de même: Minervium et Dianium. (12) - De mausoleo Satyrus et Phyteus. Pline (Hist. Nat., liv. XXXVI, ch. 14) fait mention de l'architecte Satyrus qui fut chargé par Ptolémée Philadelphe d'ériger, dans Alexandrie, un obélisque de quatre-vingts coudées, taillé sans sculpture par ordre du roi Necthebis. Vitruve parle, au liv. 1er ch. 1er (t. 1er, p. 38), d'un architecte nommé Pythius ; au liv. IV, ch. 3 (t. 1er p.348), d'un autre nommé Pytheus, et ici d'un troisième qu'il appelle Phyteus; ces trois noms ne désigneraient-ils point le même homme ? (13) - Coegit ad septem spectaculorum ejus operis pervenire famam. On n'est nullement d'accord sur l'énumération de ces ouvrages admirables d'architecture ou de sculpture. On nomme communément : 1° les jardins suspendus et les murs de Babylone; 2° les pyramides d'Égypte; 3° le phare d'Alexandrie ; 4° le colosse de Rhodes; 5° le Jupiter Olympien de Phidias; 6° le temple de Diane, à Éphèse; 7° le tombeau de Mausole. (14) - Praeterea minus nobiles multi, etc. De ces neuf écrivains, à peine nous reste-t-il autre chose que les noms. Pline (Hist. Nat., liv. XXXV, ch. 40) consacre quelques lignes à Euphranor, qu'il a déjà cité parmi les statuaires en airain. (15) - Non minus de machinationibus, uti Diades, etc. Tous les exemplaires ont Cliades; mais il n'est pas difficile de voir que l'erreur du copiste est venue de la ressemblance qu'il y a entre cl et d; et puis le nom de Diades est très célèbre entre ceux qui ont écrit sur les machines. Vitruve. en parle encore au liv. X, ch. 19. Voyez sur Architas, AULU-GELLE, Nuits attiques, liv. X, ch. 12. Vitruve consacre à Ctésibius le ch. 7 de son liv. X; Pline parle de lui (Hist. Nat., liv. VII, ch. 38), et Athénée (liv. I, ch. 23). Agésistrate est peut-être le même que Agasistrate, dont Athénée fait mention dans son livre PerÜ mhxanhm‹tvn. Des ouvrages de ces douze auteurs, aucun n'est arrivé jusqu'à nous, excepté ceux d'Archimède; encore n'avons-nous rien de lui sur la mécanique. La publication du traité de Vitruve, qui réunit tout ce qui se trouvait de mieux dans les autres, est sans doute cause qu'on les a négligés; nous devons un peu nous consoler de leur perte. (16) - Fussitius enim unum de his rebus primus instituit edere volumen. Vitruve passe maintenant aux Romains qui ont écrit sur l'architecture. Au lieu de unum qui ne se trouve, il est vrai, que dans quelques manuscrits, on lit mirum, ce qui doit être une faute. Vitruve dit que les Grecs ont beaucoup écrit sur l'architecture, et les Romains fort peu. Fussitius n'a donc dû écrire qu'un volume, comme l'indique, du reste, suffisamment le item Terentius Varro qui n'en a écrit qu'un également, unum. (17) - Item Terentius Varro. Quelques hommes ont eu, dans l'antiquité, la passion des portraits, entre autres Atticus, l'ami de Cicéron, qui écrivit un traité sur ce sujet, et Varron, qui eut l'idée vraiment généreuse d'insérer dans ses nombreux ouvrages, non seulement les noms, mais en quelque sorte les portraits de sept cents hommes célèbres. Voyez PLINE, Hist. Nat., liv. XXXV, ch. 2. Quel est cet art dont parle Pline? Il est sans doute question de la gravure sur bois, dont l'origine remonte à la plus haute antiquité. Peut-être aussi que les Romains obtenaient, par la pression, des épreuves de leurs dessins. Ainsi, dit un annotateur de Pline, les ouvrages à gravures étaient connus des anciens, et, parmi ces ouvrages à gravures, sont des biographies à portraits, de véritables iconographies. Quelles sont encore ces neuf sciences dont Varron a traité? La perte de tous ces ouvrages nous laisse dans une complète incertitude à ce sujet. (18) - Ita aucto vestibule laxamentum initiantibus. Quelques interprètes, comme J. Martin, ont cru, qu'il y avait faute en cet endroit, et qu'il fallait lire aucto vestibule laxamentum intrantibus adjecit, au lieu de laxamentum initiantibus qu'il y a dans le texte. Je n'ai point cru, non plus que Perrault, qu'il dût y avoir rien à corriger, parce que initiantes peut signifier ceux qui n'étaient pas encore initiati, c'est-à-dire qui n'étaient pas encore admis aux sacrifices de Cérès qu'on appelait initia. (19) - In Asty. …Astu signifie en grec une ville. Les Athéniens appelaient leur ville simplement la ville par excellence. Les Romains les ont imités en disant Urbs au lieu de Roma. (20)
- Primumque incipiam de ruderatione. Les Romains excellaient surtout dans
la manière de faire de bons pavés. Beaucoup de ces pavés se sont parfaitement
conservés jusqu'à nos jours. On en a trouvé qui étaient encore tout entiers,
particulièrement dans les ruines des anciens édifices de Rome, de Palestrine,
de Naples, de Pompéies, d'Herculanum ; on en a trouvé dans toute l'Italie, et
dans les autres parties de l'Europe et de l'Asie, partout où il existe des
ruines d'édifices romains. Les pavés sont ordinairement les parties les plus
intactes, ce qui prouve leur grande solidité. Tous ont été construits
d'après les règles rapportées par Vitruve dans ce chapitre. (21) - Ne commisceantur axes aesculini quernis. Palladius (Écon. rur., liv. I, ch. 9) suit Vitruve pas à pas. Il ajoute que le cerrus, le hêtre, le farnus feront un très long usage, si une couche de paille ou de fougère empêche l'humidité de la chaux de pénétrer jusqu'au corps du plancher. Pline (Hist. Nat., liv. XXXVI, ch. 62) fait la même recommandation pour tous les bois qui travaillent. (22)
- Rudus, si novum erit, ad tres partes una calcis misceatur. Quand on
prenait pour la rudération des pierres ou des cailloux nouvellement tirés de
la carrière, ou des éclats de pierre de taille, cela se nommait rudus novum;
et lorsqu'on la composait de fragments de pierres tirées d'un vieux mur, on
l'appelait redivivum. Ces vieilles pierres tirées depuis longtemps, étant
beaucoup plus sèches, ou plutôt plus poreuses, exigeaient une plus grande
quantité de chaux. Aussi Vitruve veut-il qu'on mêle avec ces cailloux deux
parties de chaux sur cinq de pierres; tandis qu'avec de nouvelles pierres, il
n'exige qu'une partie de chaux sur trois de pierres. Voyez PALLADIUS, Écon.
rur., liv. I, ch. 9. (23) - Decuriis inductis. L'essentiel pour la rudération est d'être bien battue. Vitruve recommande de la faire battre par un nombre d'hommes suffisant, et il emploie pour cela l'expression decuriis inductis. Il dit encore au ch. 3 de ce livre : decuria hominum inducta, expression générale qui signifie une quantité d'hommes indéterminée, proportionnée à l'ouvrage et à l'espace où on veut les employer. Barbaro et Perrault ont entendu par là des hommes disposés dix par dix ; ils se sont trompés, je crois. (24)
- Ad regulam et libellant exacta pavimenta struantur sive sectilibus seu
tesseris. Philander pense qu'au lieu de tesseris, on devrait mettre tessellata.
Suétone, parlant de l'un et de l'autre pavé, dit (Vie de J. César, ch
XLVI) : « Multi prodiderunt quamvis tenuem adhuc et obteratum, in
expeditionibus tessellata et sectilia pavimenta circumtulisse. » Le pavé,
qu'il fût fait avec des carreaux de marbre blanc ou en mosaïque, sive
sectilibus seu tesseris, était enfoncé dans l'enduit nommé le noyau, nucleus,
qui lui servait de ligament; et on le mettait bien de niveau avec la règle. (25) - Et fastigia sua exstructiones habuerint. Stratico pense que par le mot fastigia il faut entendre ces éminences qui peuvent résulter de la réunion des pierres, quelle que soit leur forme, et que ce sont ces éminences qu'il faut polir avec la pierre ponce, ut nulli gradus exstent. Cependant Perrault et quelques autres commentateurs le traduisent par pente, inclinaison, et j'abonde d'autant plus volontiers dans leur sens, que Vitruve dit ensuite, en parlant du pavé, fastigium habens in pedes denos digitos binos, ayant une inclinaison de deux doigts par dix pieds. (26) - Nulli gradus in scutulis. - Scutulae vient de scutum, qui signifie un bouclier long, différent du clypeus, qui était un bouclier rond. C'est à tort que Philander donne à ces morceaux de marbre une forme ronde, en s'appuyant surtout sur Palladius, qui (livre 1er ch. 9), après s'être servi des expressions fesseras aut scutulas, ajoute quibus aequale reddatur angulis lateribusque conjunctis; ce qui n'exprime rien d'arrondi. (27) - Seu favis exstent. Lorsque je cherchais, dit Philander, quelle pouvait être ici la signification du mot favus, je me trouvai en face d'une ruche d'abeilles, et après avoir examiné les alvéoles hexagones, je compris que Vitruve avait employé le mot favus pour exprimer l'idée de frustum hexagonum. Chaque cellule d'un rayon, dit Varron (Écon. rur., liv. III, ch. 16), a six angles, ce qui fait autant de côtés que l'abeille a de pattes. (28)
- Testacea spicata Tiburtina. Je crois que ces briques étaient plutôt
faites à Tibur qu'il n'était d'usage de les y employer. On les appelait spicata,
parce qu'elles étaient posées comme les grains de blé dans l'épi. Cette
manière de paver est encore pratiquée en Italie, où on la nomme a spinadi
pesce, à cause de la ressemblance de cette espèce d'ouvrage avec les
arêtes de poisson. Ce sont des carreaux oblongs, ou des briques qu'on pose
verticalement sur leur côté étroit, de manière qu'elles forment un angle
entre elles. Les rues de Sienne et de toutes les villes des États d'Urbain sont
pavées de pareilles briques. Cette disposition est presque généralement
adoptée pour nos parquets. (29) - Et supra loricae ex calce et arena indueantur. Varron a dit (Écon. rur., liv. 1er, ch. 57) : Parietes et solum opere tectorio marmorato loricandi, «revêtir les murailles et le sol d'un mastic composé de marbre pilé. » Et Pline, en parlant de l'ichneumon (Hist. Nat., liv. VIII, ch. 36) Mergit se limo saepius, siccatque sole. Mox ubi pluribus eodem modo se coriis loricavit, in dimicationem pergit. « Il (l'ichneumon) se plonge à plusieurs reprises dans le limon, puis se sèche au soleil. Quand il s'est ainsi cuirassé de plusieurs couches, il marche au combat. » Le mot lorica signifie ici une couche, un enduit; il a encore d'autres significations, même dans Vitruve, comme nous le verrons plus tard. (30) - Sub dio vero - Subdialia pavimenta est ce que nous appelons une terrasse. C'est aux Grecs que Pline (Hist. Nat., liv. XXVI, ch. 62) en attribue l'invention. Les terrasses qui se font au-dessus des maisons, ne réussissent que dans les pays chauds ; dans les pays où la pluie se congèle, elles sont pleines d'inconvénients. Pline, à l'endroit cité, et Palladius (liv. VI. ch. 11) ont du reste entièrement tiré de Vitruve tout ce qu'ils disent sur la construction des pavés. (31) - Fracibus quotannis ante hiemem saturetur. L'huile, dit Pline (Hist. Nat., liv. XV, ch. 6), diminue dans un vase de bois, et s'y détériore, Il en est de même si on la laisse sur la lie ou sur des fraces, c'est-à-dire sur la chair de l'olive pressurée qui forme le marc. (32) - De albariis operibus. Par ces mots il faut entendre le stuc, ou toute espèce d'enduit de couleur blanche, qu'on étend sur les murs pour les crépir en les polissant. Tectorium opus est une expression plus générale, par laquelle on comprend toute espèce d'enduits. Ce n'est pas, comme l'ont cru quelques interprètes, un simple blanchissement avec la chaux seule ; car comment pourrait-il survenir de ces espèces de pustules dont parle Vitruve, quum fuerit inducta habentes lutentes calculos, pustulos emittit? Comment tirerait-on des corniches avec ce qu'il nomme opere albario dans le ch. 2 du liv. V? Et puis, ne dit-il pas au ch. 10 du liv. V albario sive tectorio poliatur, ce qui fait voir clairement que c'était une matière qui avait de la consistance, c'est-à-dire un enduit propre à couvrir la première couche formée de briques concassées dont il devait remplir tous les vides. Il serait difficile de savoir en quoi cet enduit différait de celui qui est nommé marmoratum. ll se peut que ces mots fussent synonymes et qu'ils signifiassent tous deux du stuc; à moins que opus marmoratum ne signifie proprement le stuc qui se faisait avec la poudre de marbre, et albarium opus, celui qui se faisait avec le plâtre : Usus gypsi in albariis gratissimus, dit Pline, (Hist. Nat., liv. XXXVI, ch. 59). (33) - Si glebae calcis optimae ante multo tempore, quam opus fuerit, macerabuntur. La chaux n'est point employée de la même manière dans les enduits. Il y en a qu'on prend en mottes pour en faire immédiatement usage; on ne s'en sert que pour les en-duits les plus grossiers. Quant à celle qu'on appelle intrita, c'est-à-dire celle qui a été macérée par le temps et mêlée avec du vin, on la réserve pour les plus beaux enduits. Intrita quo vetustior, dit Pline (Hist. Nat., liv. XXXVI, ch. 55), eo melior. « Plus l'intrite est vieille, mieux elle vaut. » Les anciennes lois sur la construction portent : » Que nul entrepreneur n'emploie d'intrite qui ait moins de trois ans. » Aussi les murs ne se lézardaient pas ! (34) - Sic calx in lacu macerata ascietur. Souvent on aime les voûtes en stuc, dit Palladius (Écon. rur., liv. 1er, ch. 14). On fait entrer dans cette composition de la chaux éteinte depuis longtemps. La chaux, pour être bonne, doit pouvoir être taillée, comme le bois, avec une doloire, ascia calcem quasi lignum dolabis. Si le tranchant de l'outil ne rencontre aucun obstacle, si les parties qui s'y attachent sont molles et visqueuses, la chaux convient à ces sortes d'ouvrages. (35) - Nisi lacunariis ea fuerint ornata. Les anciens avaient deux sortes de plafonds: les uns voûtés, qu'ils nommaient camerae et concamerationes; les autres horizontaux, faits en bois, qu'ils appelaient lacunaria et contignationes. Il n'y avait, dit de Bioul, que les plafonds voûtés qui fussent couverts d'enduit ; ceux qui étaient faits en bois ne l'étaient pas. Voilà pourquoi Vitruve dit qu'on préparera les choses nécessaires pour faire les voûtes des appartements dont les planchers ne forment point de plafonds horizontaux. Ces plafonds de bois ont entièrement disparu, et nous n'en pouvons juger que par la description qu'en ont faites Vitruve et les autres auteurs qui ont parlé des édifices de l'antiquité. Ils nous apprennent que ceux des palais étaient de bois précieux, et d'ouvrages de marqueterie fort riches par la diversité des bois de couleur, l'ivoire, la nacre de perles, et par les compartiments qui les composaient. Il y en avait qui étaient ornés de lames de bronze, ou faits tout entiers de cette matière. (36) - Quum ergo camerarum postulabitur ratio. Servius dit que le mot camera vient de camurus qui veut dire courbé. Philander aime mieux le faire venir du grec. Galien nous apprend qu'en effet les architectes appelaient ce genre de structure kam‹ra. Les anciens, selon une remarque de Saumaise, ne connaissaient que trois sortes de voûtes : la première, fornix, était faite en forme de berceau; la seconde, testudo, en forme de tortue; la troisième, concha, en forme de coquille. (37) - Asseres directi disponantur. Palladius (Écon. rur., liv. 1er ch. 13), qui suit encore Vitruve dans tout ce passage, s'est aussi servi de l'expression asseres directi; mais ses traducteurs ne l’ont point comprise. Employé pour qualifier des soliveaux destinés à former une voûte, le mot directi ne peut signifier droit, horizontal; sa véritable signification est parallèle, comme le texte même le fait comprendre clairement peu après, dans Vitruve : Hique asseres quum ad formam circinationis fuerint distributi. Perrault ne l'a point rendu. (38) - Catenis dispositis. Vitruve appelle catenae ce que nos charpentiers nomment liens. Ce sont des morceaux de bois qui ont un tenon à chaque bout, et qui, étant chevillés, entretiennent la charpente en tirant; de même que les esselières et les jambettes l'entretiennent en résistant. Ils servent ici à attacher les soliveaux aux solives du plancher, ou aux chevrons du toit. Quoique l'auteur ne le dise pas expressément, il est aisé de comprendre que ces liens doivent être de différentes grandeurs, proportionnés à la distance qui se trouve entre la courbe ou cintre et le plancher ou le toit. (39) - Ex ea materia comparentur, cui nec caries. Pline (Hist. Nat., liv. XVI, ch. 68) dit que la pourriture et la vermoulure n'attaquent point le cyprès, le cèdre, l'ébène, le lotos, le buis, l'if, le genévrier, l'olivier sauvage, l'olivier; parmi les autres espèces le larix, le rouvre, le liège, le châtaignier et le noyer n'y sont sujets que fort tard. (40) - Ex sparto Hispanico. Pline (Hist. Nat., liv. XIX, ch. 7 et 8) explique la manière de préparer cette herbe extraordinaire, et donne un aperçu des nombreux et différents usages auxquels on l'emploie. (41) Arundines Graecae. Par canne grecque, de Bioul croit qu'il faut entendre la grosse canne qui pousse abondamment en Grèce et en Italie, surtout aux environs de Rome. Cette canne est aussi connue en France; mais elle ne croit ni aussi haute, ni aussi grosse dans les provinces du nord. (42) - Et mataxae tomicis. Perrault et Baldi, en parlant de ces fascines de jonc, voudraient qu'au lieu de mataxæ tomicæ (je mets tomicis, de tomex, icis, parce que je ne trouve dans Palladius et Columelle qu'un mot de la troisième déclinaison : tomicibus alli gatas, tomice palmea ligato), on lût mataxatce tomicae, quoique tous les manuscrits soient d'accord sur ce passage. Galiani, sans rien changer au texte, en a saisi la véritable signification, en faisant de tomicæ (c'est-à-dire tomicis, au génitif) le régime de alligationibus. (43) - Imum caelum earum trullissetur. L'enduit des murailles se faisait chez les anciens avec beaucoup plus de soin qu'on ne le fait aujourd'hui ; car on en mettait jusqu'à sept couches différentes, comme nous venons de le voir. Appliquer le premier enduit s'appelait trullissare. On employait du plâtre, selon les uns, un mortier composé de chaux et de cailloux ou de briques concassées, selon les autres. Appliquer le second s'appelait arena dirigere; celui-là se faisait avec de la chaux mêlée de sable excepté dans les endroits humides, où on y mêlait de la tuile pilée. Appliquer le troisième, destiné à recevoir un plus beau lustre que les autres, s'appelait creta aut marmore police; il était composé de chaux, de poudre de marbre, ou de plâtre, ou d'autres matières semblables. C'est ce que nous appelons le stuc. Les anciens, dit de Bioul, employaient souvent celui qui était composé avec le plâtre, comme nous faisons encore aujourd'hui, c'est-à-dire avec le gypse ou sulfate de chaux, qui est une substance minérale com posée de chaux et d'acide sulfurique, et appelée pierre à plâtre. Cette substance se trouve abondamment dans plusieurs endroits de l'Italie et de la France. La butte Montmartre en est toute formée. Les stucateurs, pour s'en servir, lui donnent une demi-cuisson; ils la pulvérisent ensuite, et en forment un mortier, en l'imprégnant d'eau. Il est étonnant de voir avec quelle vitesse il durcit, et il n'est plus possible après cela de l'amollir en le mouillant. Comme ce stuc sèche beaucoup plus vite que celui qui est composé de poudre de marbre Vitruve recommande de ne les pas mêler ensemble, parce qu'alors il ne manquerait pas de s'y former des crevasses. On mettait trois couches de ce stuc composé de marbre pulvérisé sur les trois autres faites avec le mortier de sable ou de gravier. La première de ces couches avait le grain beaucoup plus gros que celui de la seconde, et le grain de la troisième, qui était destinée à recevoir le plus beau poli, n'était qu'une poudre extrêmement fine, comme Vitruve le dit dans ce chapitre, et le confirme dans le sixième de ce livre. La troisième est la seule qu'on emploie aujourd'hui. Les stucateurs l'appliquent immédiatement sur l'enduit composé de chaux et de sable. Si cette manière est plus expéditive, le stuc est bien moins solide. Chacune de ces sept couches était bien battue et bien repoussée, et le tout était enfin couvert de marbre pilé et passé au tamis. Un tel revêtement n'avait cependant pas au delà d'un doigt d'épaisseur, et il acquérait une dureté, une blancheur et un poli qui le rendaient luisant comme un miroir. Il existe des dessus de table faits avec des morceaux d'enduits qu'on avait sciés de ces murs. Il n'est même pas possible d'abattre le revêtement des murs et des piliers de ce qu'on appelle le sette sale des bains de Titus, à Rome, et de la piscina mirabile, qui est près de Baies; il est aussi dur que du fer, et aussi poli qu'un miroir. Aux bâtiments communs et aux tombeaux, dont le côté intérieur n'est pas fait avec le même soin, le revêtement a deux doigts d'épaisseur. (44) - In hisque minime gypsum debet adsmisceri. Cependant Pline (liv. XXXVI, ch. 59) dit : Usus gypsi in coronis gratissimus. Mais le gypse est très voisin de la chaux. Il en est de plusieurs sortes : l'un est une pierre cuite, celui, par exemple, de Syrie et de Thurium ; l'autre est fossile, c'est celui de Chypre et de Perrhébie ; enfin on en trouve à fleur de terre, c'est le gypse tymphalque. La pierre dont la cuisson fournit le gypse doit ressembler à l'alabastrite, ou au marbre. On sait par expérience que le meilleur résulte de la pierre spéculaire ou de quelque autre à feuillets écailleux. (45)
- Coronarum autem aliae sunt purae, aliae celatae. La décoration des
chambres que de Bioul a vues dans les ruines des bains de Titus, à Rome, et de
Pompéïes, près de Naples, ressemble parfaitement à celle dont parle Vitruve
dans ce chapitre. Sous la voûte des chambres règne une petite corniche en stuc
dont la saillie est de deux ou trois doigts. Elle est unie ou ornée de
feuillages. Cette corniche coupe la partie supérieure de la porte, laquelle,
suivant les règles de l'architecture, doit avoir trois cinquièmes de la
hauteur de la chambre ; et de cette manière la chambre se trouve coupée en
deux parties. La partie supérieure qui sert comme de frise à la partie d'en
bas, est à celle-ci comme deux est à trois. L'espace qui est au-dessus et
au-dessous de la corniche est partagé en compartiments ou panneaux qui sont
plus hauts que larges, et qui ont ordinairement la largeur de la porte, laquelle
forme elle-même un de ces compartiments; il y en a d'autres plus petits, ronds
ou carrés, dans lesquels sont peints des figures, des paysages. Dans un de ces
compartiments, long de deux pieds environ, et haut de trois pouces, étaient
peints, en très petit, des gladiateurs, sur un fond noir. Le dessin des figures
était de la plus grande beauté. Au-dessus de la corniche se trouve la même
division, de manière cependant que les compartiments en sont plus larges que
longs; on y avait aussi peint des paysages des marines, ou autres sujets
semblables. (46) - Aut ubi ignis. Les Romains n'avaient point dans leurs appartements de cheminées faites comme les nôtres, parce qu'ils n'imaginèrent pas de tuyaux pour laisser passer la fumée. On faisait le feu au milieu d'une salle basse, au haut de laquelle il y avait une ouverture pratiquée au milieu du toit, par où la fumée sortait. Cette sorte de salle servait dans les commencements de la république à faire la cuisine ; c'était encore le lieu où l'on mangeait ; mais dès que le luxe se fut glissé dans Rome, les salles basses furent seulement destinées pour les cuisines. On mettait dans les appartements des fourneaux portatifs ou des brasiers, dans lesquels on brûlait un certain bois qui, frotté avec du marc d'huile, ne fumait point. Sénèque dit que, de son temps, on inventa des tuyaux qui, passant dans les murailles, échauffaient également toutes les chambres par le moyen du feu qu'on faisait dans les fourneaux placés au pied des murs. On rendait aussi les appartements d'été plus frais, en se servant pareillement de tuyaux qui s'élevaient des caves, d'où ils tiraient la fraîcheur qu'ils répandaient en passant dans les appartements. (47) - Propter superbiam. Cette délicatesse, qui fait que la blancheur ne peut rien souffrir de ce qui peut salir, sans être offensée, est rendue par une métaphore élégante, superbia; et il semble que nos maçons aient voulu imiter cette figure, quand ils ont expliqué par le mot de fierté, la dureté de certaines pierres qui éclatent lorsqu'elles sont posées sur quelque chose qui leur résiste avec trop de force. (48) - Deformentur directiones arenati. Je ne pense point que par cette expression il faille entendre simplement cette surface parfaitement plane qui s'obtient à l'aide de la règle et du plomb. Vitruve s'est déjà servi du mot directiones, au liv. IV, ch. 3 (t. 1er, p. 354), pour décrire les cadres qui sont dans les plafonds des corniches doriques, et bien qu'il ne signifie pas proprement et particulièrement des moulures, mais seulement en général des choses qui sont conduites en droite ligne, et, pour parler comme nos ouvriers, qui sont poussées, on peut cependant dire que ce qui est énoncé par ce mot n'est autre chose que des moulures. (49) - Subarescente, iterum ac tertio inducatur. À quoi se rapporte ce mot subarescente? On trouve dans de vieux manuscrits subarescente primo. La phrase serait donc celle-ci : subarescente primo (arenato), iterum ac tertio inducatur (arenatum ). Voici comment Palladius (Écon. rur., liv. I, ch. 15) a imité ce passage Prima trullis frequentetur inductio; quum siccari coeperit, iterum inducatur, ac tertio. On repassera souvent avec la truelle la première couche ; lorsqu'elle commencera à se sécher, on en mettra une seconde, puis une troisième. (50) - Quum ab arena proeter trullissationem non minus tribus coriis fuerit deformatum. - Voyez PALLADIUS, Écon. rur., liv.1, ch. 15. (51)
- Colores autem. Les anciens, dit de Bioul, avaient deux manières de
peindre sur les murs, l'une à fresque, udo tectorio, l'autre à sec,
in
aride. La première s'appelle à fresque, parce qu'on peint sur l'enduit
fraîchement appliqué, et lorsqu'il conserve encore son humidité. Les couleurs
sont uniquement détrempées avec l'eau, ou avec de l'eau de chaux ; celle-ci
sert pour le blanc; et, comme le dit très bien Vitruve, cette peinture est le
plus solide de toutes, et celle qui dure le plus longtemps, parce que les
couleurs pénétrant dans l'enduit, s'amalgament tellement avec lui qu'elles ne
font plus qu'un même corps. Au contraire, les peintures à sec, c'est-à-dire
celles qui se font par l'application des couleurs sur le mur lorsqu'il est
entièrement séché, ne subsistent pas longtemps, parce que ces couleurs ne
pénètrent pas dans l'enduit, et restent seulement attachées à sa superficie,
au moyen de la colle dans laquelle elles sont détrempées; la moindre humidité
les ternit, ou les fait tomber. (52) - Mortario collocato. Le mot mortarium signifie ici le bassin dans lequel on prépare le mortier, et non le mortier lui-même. C'est ce que Pline (Hist. Nat., liv. XXXVI, ch. 55) exprime de cette manière : In Graecia tectoriis etiam arenatum, quod inducturi sunt, prius in mortario ligneis vectibus subigunt. (53) - Nonnulli crustas excidentes. Galiani, et de Bioul, qui adopte peut-être un peu trop facilement les opinions de Galiani, croient qu'on se donnait la peine d'enlever de dessus des vieux murs les morceaux d'un enduit aussi dur que du fer, qu'on les taillait, qu'on les sciait, et cela pour les employer en guise de briques dans de nouveaux murs : je n'en crois rien. J'aimerais mieux l'opinion de Barbaro, qui pense qu'on en formait des panneaux sur lesquels on peignait, après les avoir incrustés dans les murs. Mais il me semble que Perrault a saisi le sens le plus probable. Et de Bioul ne dit-il pas lui-même que ces enduits acquéraient une dureté, une blancheur et un poli qui les rendaient luisants comme des miroirs, et qu'il avait vu des dessus de table faits avec les morceaux de ces enduits? Nous avons déjà vu au ch. 3 du liv. III, que les anciens appelaient abaques de petites tables carrées et polies, sur lesquelles ils traçaient des figures. (54) - Sin autem in cratitiis tectoria erunt facienda. Perrault ne partage point l'opinion de Philander, qui croit que ces sortes de murs étaient faits de cannes entrelacées comme des claies, ce qu'exprime le mot crates : car il est évident que les cannes que Vitruve a entrelacées sur ce mur, ne sont point ce qui le fait être cratitius, parce qu'elles n'y sont mises que pour faire tenir l'enduit sans lequel le nom peut subsister, puisque le mur était fait de poteaux qui, étant posés droits, en avaient d'autres en travers qui les liaient et leur donnaient une forme de grille. (55) - Clavis muscariis. Il est assez difficile de préciser ce que c'est qu'un claves muscarius. On juge seulement, dit Perrault, que Vitruve a voulu signifier une espèce de clous qui ont la tête large et plate, parce que Pline dit (Hist. Nat., liv. XII, ch. 57) que les plantes dont la graine est en ombelle, faisant comme un bouquet plat au haut de la tige, ont leur graine in muscariis. Aurait-on appelé ces clous muscarii, à cause de leur ressemblance avec la tête large et plate des mouches? Les clous qu'on emploie encore aujourd'hui pour le même usage, en Italie, s'appellent muscardini, ce qui signifie la même chose. (56) - Quae plano pede fuerint. Ces expressions semblent indiquer clairement que les maisons des anciens avaient plusieurs étages. Cependant Galiani croit que les maisons des personnes riches, de même que les palais, n'avaient que le rez-de-chaussée, parce que, dit-il, Vitruve ne parle jamais ni des escaliers, ni du plan d'en haut, non plus que Pline dans la description qu'il nous a laissée de ses maisons de campagne. Peut-être a-t-il raison pour ces dernières; mais quant à la villa Adrienne, il paraît visiblement qu'il y a eu des appartements les uns au-dessus des autres, comme on le voit aussi aux bains d'Antonin et de Dioclétien, tels qu'ils étaient il y a deux cents ans. Quelques parties de ces édifices surprenants avaient jusqu'à trois galeries les unes au-dessus des autres, ainsi qu'on le voit dans les plans des thermes de Dioclétien, que le cardinal Gravelle a fait graver par le célèbre Kock, d'Alost, en 1558; ils représentent ces thermes dans l'état où ils étaient avant que le pape Pie IV en eût converti la plus grande partie en une église, qu'on nomme aujourd'hui Sainte-Marie-des-Anges. (57) - Ab imo pavimento. Vitruve recommande, pour les chambres du rez-de-chaussée, d'élever à la hauteur de trois pieds au-dessus du pavé un enduit fait avec du ciment, qui mette le mur à l'abri de l'humidité. Car le ciment reçoit l'humidité sans la conserver, comme le mortier de sable. La chaux mêlée depuis quelque temps au sable, et imprégnée de gaz carbonique, ne se laisse plus pénétrer par l'humidité, tandis que la tuile, toute pilée qu'elle est, conserve sa qualité absorbante, et pompe toujours l'humidité. (58) - Perpetuos habuerit humores. Il est certain qu'il s'agit ici de l'humidité que la terre communique au mur, lorsqu'elle est plus haute que le plancher de l'appartement, et alors il est aisé de comprendre que le lambris de poterie peut rendre le dedans des appartements exempt de cette humidité, parce que l'eau s'écoule par le canal qui est entre les deux murs, et que la vapeur humide qui y est renfermée, s'exhale par les soupiraux qui sont en haut. Dans l'Italie, qui est traversée du nord au midi par l'Apennin, et surtout dans l'ancienne Borne, dont les édifices étaient construits sur la pente des sept collines, contre un terrain plus élevé, on devait avoir souvent recours, pour se garantir de l'humidité, aux moyens indiqués par Vitruve. On voit dans les cent voûtes, cento camere, qui servaient de logement à la garde prétorienne, et qui existent encore dans les ruines de la villa de l'empereur Adrien, près de Tivoli, que les murs qui, s'ils eussent été simples, auraient été fort humides à cause de la terrasse qu'ils soutiennent, sont encore si secs aujourd'hui que le foin s'y conserve pendant plusieurs années. L'intérieur de ces murs est fait avec tant de soin, et leur pavé est si poli, qu'il est facile de s'apercevoir qu'on a cherché à empêcher, autant qu'il était possible, que l'humidité ne pût s'y attacher. (59) - Struatur alter tenuis. Après s'être demandé si ce second mur doit être construit à l'extérieur ou à l'intérieur de la chambre, Sratico ne trouve pas de meilleure réponse à se faire que celle-ci : Peu importe le côté où on élèvera ce mur, pourvu qu'on établisse un courant d'air qui, passant de bas en haut entre les deux murs, enlève l'humidité. Je crois qu'il importe tant que ce mur soit à l'intérieur, que si on faisait autrement on augmenterait le mal au lieu d'y remédier. Que les murs de nos appartements soient humides, on ne s'avisera jamais, pour se mettre à l'abri de l'humidité, d'aller placer à l'extérieur ou des lambris, ou des cadres avec toile et papier ou étoffe. Il ne peut plus d'ailleurs y avoir de doute après les mots sin autem locus non patietur structuram fieri, dont le sens est, que si l'intérieur de la chambre est trop étroit pour qu'on puisse y bâtir ce second mur, il faut, au lieu d'un mur, se contenter d'une, cloison faite de tuiles creuses qui prennent beaucoup moins de place. (60) - Hamatae tegulae. Il y a des tuiles plates, il y en a de courbes; d'autres ont des rebords qui s'élèvent de chaque côté avec un milieu plat; ce sont celles-là que Vitruve appelle hamatæ, à crochet. On s'en sert pour couvrir les maisons, pour carreler, pour faire des revêtements. La partie apparente est ou naturelle ou vernie. Les tuiles flamandes étaient peintes; les anciennes représentaient des figures antiques, et le plus souvent des soldats. Quelques-unes offraient des compartiments, et quelquefois des devises mauresques; mais elles n'approchent point de la beauté des modernes. Ces sortes de tuiles s'appellent, à Paris, carreaux de faïence. Laét., dans son addition au Dictionnaire de Baldi, dit avoir vu dans deux vieux exemplaires animatae tegulae, au lieu de hamatæ, et il croit, ce qui ne manque pas de vraisemblance, que ce mot animatae signifie des tuiles qui sont en tonne de canal, quasi animae emittendae, hoc est spiritui seu vapori exhalando aptae ; de manière que olla animatoria signifie une marmite dont le couvercle a un tuyau pour laisser sortir la fumée. (61) - Curiosius piccentur. Pour exprimer la même idée, Caton se sert du verbe oppicare (Écon. rur., ch. CXX) et Columelle de impicare (Écon. rur., liv. XII, ch. 29). (62) - Nec megalographia. C'est-à-dire une peinture consacrée aux grands sujets, tels que les dieux, les personnages illustres, les batailles, les sujets mythologiques. Pline a dit dans un autre sens rhyparagraphos, peintre de compositions triviales (Hist. Nat., liv. XXXV, ch. 37). Vitruve commence à parler des peintures qu'on faisait sur les enduits. Les anciens, dit de Bioul, out excellé dans cette manière de décorer. IL y avait des décorations différentes pour chaque espèce d'appartement; aussi étaient-elles variées à l'infini. Les peintures trouvées dans les thermes de Rome, et surtout dans ceux de Titus, où Raphaël a puisé les charmantes idées des dessins arabesques qui ornent les galeries du Vatican; celles qu'on a trouvées à Herculanum et à Pompéies, nous font voir avec quelle richesse on décorait les appartements. C'eût été pécher contre les règles de la convenance que de représenter dans quelque partie d'un édifice, un sujet qui n'eût pas été adapté à l'usage du lieu, comme nous en verrons des exemples dans le chapitre suivant. Dans celui-ci on ne parle que du genre des couleurs qu'il convenait d'employer pour décorer les salles à manger d'hiver, à cause de la fumée, qui ne permettait que. des compartiments en noir, en rouge et en jaune. (63) - Abaci. On appelle panneaux des tables d'attente carrées, rondes, ovales ou d'autres figures qui s'élèvent avec une légère saillie sur les murs, et sur lesquelles on met quelque peinture ou quelque inscription. Les lambris dont on couvre le bas des murs, et qu'on fait ordinairement à hauteur d'appui, ne peuvent être que la signification du mot podium, qui signifie balustrade, appui; et comme il s'agit ici des ornements dont les murailles sont revêtues, le mot abacus doit signifier nécessairement les panneaux qui sont sur les murs au-dessus des lambris. (64) - Cuneis silaceis. Les anciens n'employaient pas toute espèce de sil pour peindre les panneaux; ils ne se servaient que de sil marbré, parce que le marbre qu'il contient résiste à l'action corrosive de la chaux. Voyez PLINE, Hist. Nat., liv. XXXIII, ch. 56. (65) - Testaceum pavimentum. Ces deux mots doivent être pris pour la matière avec laquelle on fait le pavé. C'est dans ce sens que les a employés Columelle (Écon. rur., liv. I, ch. 6) et Palladius (Écon. rur., liv. I, ch. 9 et 19). (66) - Deinde congestis et spisse calcatis carbonibus. On trouve ce même passage dans Pline (Hist. Nat., liv. XXXVI, ch. 63), et dans Palladius (Écon. rur., liv. I, ch. 9). (67)
- Simul cadit siccessitque. L'effet produit par la structure des
planchers des Grecs, celui d'absorber les liquides qui étaient répandus
dessus, jette quelque lumière sur l'étymologie du nom asarota qu'ils
leur donnaient. Le mot asarota signifie non balayé; c'est
vraisemblablement de cette sorte de salle que Vitruve veut parler ici.
L'étymologie que les grammairiens en ont prise dans Pline est bien bizarre, dit
Perrault. Pline dit que le premier plancher fait de cette sorte par Sosus, qui
en fut l'inventeur, était composé d'une infinité de petites pièces de
différentes couleurs qui représentaient les débris qui peuvent demeurer sur
un plancher après un festin, et qui le faisaient paraître comme non balayé.
N'est-il pas plus croyable que ces planchers noirs qui, à cause de leur
sécheresse, absorbaient ce qui se répandait dessus, devaient plutôt être
appelés asarota, parce qu'il ne les fallait point balayer ni essuyer
avec des éponges comme les autres planchers, quand ils étaient mouillés ? (68)
- Namque pictura imago fit ejus, quod est seu potest esse. On met
ordinairement en avant, pour pallier certaines licences en peinture, ces paroles
d'Horace tirées de son Épître aux Pisons (v. 9), qu'on a peut-être
intitulée à tort l'Art poétique : (69) - Silaceorum miniaceorumque cuneorum. Baldi a cru que ces deux couleurs étaient les mêmes. Les auteurs qui conviennent tous de la couleur du cinabre, ne sont pas d'accord sur celle du sil. Hermolaüs Barbarus, sur Pline, a dit d'abord que c'était du bleu, et ensuite que c'était du rouge, et cette dernière opinion a été suivie par tous les savants. Mais par cet endroit de Vitruve, et par ce qu'il dit encore du sil (ch. 7), l'ocre et le sil sont une même chose; le jaune est sa couleur naturelle, et il n'est rouge que quand il est brûlé : ce qui est confirmé par Pline, quand il dit qu'on peut imiter la rubrique en brûlant le sil et en l'arrosant de vinaigre. (70)
- Varietatibus topiorum ornarent. Des commentateurs veulent que par ces
mots on entende les représentations faites avec des arbrisseaux taillés de
toute forme. Mais il n'est pas possible de croire que ce soit l'intention de
Vitruve qui parle ici de peinture; il faut donc entendre par topiarium opus
les verdures et tous les accidents d'un paysage. Pour lever toute espèce de
doute, je renvoie à Pline, qui (Hist. Nat., liv. XXXV, ch. 3.) fait une
peinture délicieuse de l'art de décorer les murailles des appartements. (71)
- Flumina, fontes, euripi. Cicéron, après avoir dit (de Legibus,
Iib. II, c. 1) qu'il prend en mépris ces magnifiques maisons de campagne, et
leurs pavés de marbre, et leurs riches lambris, s'écrie : Ductus vero
aquarum quos isti Nilos et Euripos vocant, quis non irriserit. Ces euripes
étaient donc des filets d'eau, des ruisseaux, des canaux, dont on embellissait
une campagne, et qu'on décorait des noms de Nils et d'Euripes. (72) - Harpagae et mituli. Il n'est pas un des commentateurs de Vitruve qui ne soit embarrassé ou sur l'orthographe, ou sur la signification de ce passage. Philander avoue qu'il n'y comprend rien, malgré toutes les recherches qu'il a faites. Turnèbe, mécontent des interprétations des savants, a recours à de vieux exemplaires de Vitruve, dans lesquels il trouve apaginae oculi striati, qu'il se permet de corriger avec moins de respect qu'on ne l'aurait cru, en aparinae oculi striati, ou bien, si on l'aime mieux, en aparinae coliculi; ce qui rend la chose encore plus obscure, si c'est possible. Du reste, il fait très bon marché de ses corrections. Cesariano et J. Martin s'imaginent qu'il est ici question de harpies qu'on affuble de feuillages et de volutes. Barbaro garde un silence prudent dans son commentaire latin, et laisse harpaginetuli dans sa traduction italienne. Perrault pense que harpaginetuli est un diminutif de harpagines, qui signifie des crochets ; voilà pourquoi il traduit par entortillements de tiges : un entortillement de tiges des plantes cannelées. Ce n'est certainement pas plus clair. Et, en vérité, il est difficile, pour ne pas dire impossible, de donner de ce mot une explication bien satisfaisante. Serait-ce Baldi qui se serait le plus rapproché de la vérité ? Baldi croit que le mot est écrit d'une manière incorrecte; certes, il n'y aurait rien de surprenant ; jamais auteur fut-il, comme Vitruve, maltraité par les copistes? Au lieu de harpaginetuli, il faut lire harpagae et mituli. Convenons qu'un copiste ignorant et endormi aura bien pu se tromper d'une lettre ou deux, surtout avec ces malheureuses abréviations du moyen âge. (73) - Sigilla, alia humanis, alia bestiarum capitibus similia. On voit, dit Bellori dans son introduction aux peintures antiques, on voit au palais Farnèse, à Rome, un morceau d'ornement admirable ; il représente des feuillages avec un mascaron (tête grotesque), deux enfants, une figure, dont la moitié offre le corps d'une nymphe, et l'autre moitié le corps d'un cheval. Ces figures sortent des branches, des feuillages, et cette composition est un de ces caprices réprouvés par Vitruve, que nous appelons grotesques, du mot italien gratta, parce que ce genre de sujets, que nous nommons aussi ornement et arabesque, est une imitation de certaines peintures anciennes qui ont été découvertes dans des grottes souterraines. (74) - Neque enim picturae probari debent, quae non caret similes veritati. Dans tout ce chapitre, Vitruve s'attache à prouver que la vérité doit être, respectée dans tous les tableaux Or, la peinture a deux sortes de vérités, l'une historique, et l'autre naturelle. La vérité historique consiste dans l'arrangement et l'ensemble des choses qui sont représentées, en sorte que la vérité est blessée quand on réunit des choses qui ne peuvent être ensemble, comme Alexandre avec une barbe blanche. La vérité naturelle consiste à représenter les choses absolument telles que la nature les a faites, c'est-à-dire quand elle donne la saillie, l'enfoncement, la lumière, l'ombre, la force, la délicatesse, le contour, la grâce, la gradation, l'union, à l'aide desquels on arrive à faire une complète illusion. Cette dernière vérité appartient plus particulièrement à la peinture, que l'autre, qui lui est étrangère. La vérité historique demande dans le peintre le sens commun ; mais il faut avoir un génie rare et extraordinaire pour satisfaire à tout ce que requiert la vérité naturelle. Ordinairement cependant on examine plutôt un tableau sur la vérité historique que sur la vérité naturelle. (75) - Habuerint rationes sine offensionibus explicatas. Malgré tout ce que dit Vitruve, le goût pour ces sortes de peintures existait avant lui ; elles plaisaient de son temps, et il n'a pu persuader à la postérité de les rejeter, en montrant combien elles sont ridicules. « La ville de Pompéies, dit Le Mazois, 1re part., p. 13, est presque entièrement peinte dans le goût de ces arabesques, qui commencèrent à devenir de mode sous Auguste, et contre lesquelles Vitruve s'emporte si vivement. Ces décorations sont pleines de grâce et de légèreté. Raphaël a fait revivre ce goût, qui subsiste encore aujourd'hui, surtout en Italie. Ortiz s'est élevé contre ce genre de peinture. Mais tout ce qui a rapport aux ornements doit-il être soumis aux règles de la sévère raison, et ne faut-il rien accorder à l'imagination ? Il existe dans l'architecture même des exemples d'ornements qui, soumis au niveau de la sévère raison, peuvent paraître absurdes, et qui ne laissent pas d'être approuvés. Il y a des frontons au dedans du Panthéon, à Rome; on fait des mutules aux quatre côtés d'un édifice, bien que les bouts des forces ne paraissent que de deux côtés. Les triglyphes se font également sur toutes les faces; ou en fait d'aussi étroits sur les colonnes angulaires que sur celles du milieu, bien que les colonnes soient beaucoup plus larges en cet endroit qu'autre part ; on met des têtes de lion dans les corniches au droit des entre-colonnements, quoiqu'elles ne doivent point servir en cet endroit. » (76) - Efficiat et nos Alabandeos aut Aberitas. Ces deux peuples étaient décriés parmi les Grecs à cause de leur stupidité ; c'est pourquoi il faut entendre que c'est par raillerie que Licinius dit que les Alabandins passent pour grands politiques. Il est à remarquer, dit Perrault, que la réputation que les Alabandins avaient de manquer d'esprit et de jugement ne se trouve fondée que sur des choses appartenant à l'architecture, et que cependant le plus célèbre des anciens architectes, Hermogène, était Alabandin. Les Abdéritains passaient aussi pour peu éclairés, parce qu'ils avaient accusé de folie un de leurs concitoyens, qu'ils voyaient s'occuper à disséquer toutes sortes d'animaux, et cet Abdéritain était Démocrite. (77) - Minio parce videtur usus esse. Notre minium est une préparation de plomb qui est d'un rouge très vif, mais tirant toujours un peu sur le jaune. On l'appelle aussi vermillon. Ce que Vitruve, Pline et les auteurs anciens appellent minium, est notre cinabre naturel, c'est-à-dire un minéral rouge, très pesant, plus ou moins compacte; c'est une combinaison faite par la nature, du mercure avec une portion de soufre. Il était fort cher; aussi ne l'employait-on dans la peinture qu'en très petite quantité. Pline (Hist. Nat., liv. XXXIII, ch. 36) dit qu'aux grandes fêtes on en colorait le visage de la statue de Jupiter, et que les triomphateurs sen frottaient tout le corps. (78) - Accedit huc chrysocolla. La chrysocolle des anciens était une substance qu'on trouvait dans les mines d'or et de cuivre. Voyez PLINE, Hist. Nat., liv. XXXIII, ch. 27 et 29. (79) - Armenium.- Voyez PLINE, Hist. Nat., liv. XXXV, ch. 28. (80) - Ut ab domino, non a redemptore, repraesententur. Parmi les couleurs, dit Pline (Hist. Nat., liv. XXXV, ch. 12), les unes sont dures, les autres sont fleuries. Parmi les unes et les autres, il en est que fournit la nature il en est qui se font artificiellement. Les couleurs fleuries sont celles que fournit au peintre celui pour qui il travaille, le minium, l'armenium, le cinabre, la chrysocolle, l'indicum, le purpurissum. (81) - Quibus autem locis hæ copiae non sunt. Outre le plâtre, le sable et la chaux, les anciens faisaient encore entrer la poudre de marbre dans la composition des enduits, comme on le fait encore aujourd'hui en Italie, et c'est de cette poudre uniquement que Vitruve veut parler dans ce chapitre. L'espèce de marbre à laquelle il donne la préférence pour faire les enduits, c'est le marbre blanc, à gros grain, mêlé de particules brillantes comme des grains de sel, et qu'on appelle pour cela en Italie marmo salino; et il y a apparence, dit de Bioul, que c'est celui que les anciens appelaient le marbre pentélicien. Cependant le mot glebæ semble indiquer ces cailloux roulés qu'on rencontre dans les montagnes et dans le lit des torrents. Il est beaucoup plus dur, et meilleur, conséquemment, pour faire le stuc. Quand cette espèce manque, toutes les autres sont également bonnes, puisque Vitruve n'en désigne aucune particulièrement. (82)
- Colores alii sunt. L'auteur, comme nous le voyons, distingue deux
sortes de couleurs, savoir, les couleurs naturelles et les couleurs
artificielles. La seule différence qui existe entre elles, c'est que dans les
premières le mélange des oxydes minéraux avec les parties terreuses s'est
fait naturellement, tandis que dans les autres, c'est l'art qui a imité ce
mélange. Dans son liv. XXXV, Pline nous fait connaître les couleurs
qu'employaient les anciens, et la manière dont ils s'en servaient. Il y traite
à fond l'art de peindre chez les anciens, ce qui facilite beaucoup
l'intelligence des chapitres dans lesquels Vitruve traite des couleurs. (83)
- Uti sit, quod Graece Îxra
dicitur. Nous avons conservé à cette couleur,
dans notre langue, le nom qu'elle a en grec. En latin, on la nomme sil; ce dont
quelques personnes ont paru douter tout à fait à tort. (84) - Egregia copia silis. Pline (Hist. Nat., liv. XXXIII, ch. 56) nomme trois sortes principales de sil : le sil attique, c'est le meilleur; le sil de marbre, qui valait moitié moins; puis le sil foncé ou sil syrique, que fournissait l'île de Syros. Il parle encore du sil d'Achaïe qui servait à ombrer, et du sil lucide qui venait des Gaules. Le sil gaulois et le sil attique exprimaient les clairs et les jours. Pour les mosaïques, on n'employait que le marbré, parce que le marbre qui y était contenu résistait à l'action corrosive de la chaux. (85)
- Item rubricæ copiose. On ne peut douter que la rubrique ne soit la
terre ou craie rouge que nous nommons sanguine. La grande abondance qu'on
trouvait de cette matière dans beaucoup d'endroits, le bas prix auquel on la
vendait, son nom enfin prouvent évidemment que c'est notre craie rouge ou
sanguine ; c'est aussi un oxyde de fer rouge mêlé avec quelques parties
terreuses. (86) - Paraetonium. La couleur parétonienne et la méline étaient probablement si connues du temps de Vitruve, qu'il se contente de les nommer, sans en faire aucune description. Ce sont deux couleurs qu'il nous serait impossible de deviner aujourd'hui, si Pline ne nous les avait fait connaître (Hist. Nat., liv. XXXV, ch. 18). Le parétonium, d'après ce naturaliste, ainsi nommé d'un lien de l'Égypte, est un mélange de limon et d'écume de mer solidifiée. C'est la plus grasse des couleurs blanches, et le plus tenace des enduits, à cause de son poli (87) - Melinum. Le melinum est blanc aussi, dit Pline (Hist. Nat., liv. XXXV, ch. 19); le meilleur vient de l'île de Mélos. On en trouve aussi à Samos; mais ce dernier est trop gros pour que les peintres en fassent usage. Ceux qui l'extraient se couchent à terre pour découvrir le filon entre les rochers. Il dit encore que la méline était un métal; mais les anciens avaient l'habitude d'appeler indifféremment métal tout ce qui se tirait de la terre. Il est cependant certain, et c'est l'opinion de G. Agricola, que la méline est une terre ; Dioscoride dit aussi que c'est une terre alumineuse. Les auteurs ne s'accordent cependant pas sur sa couleur : Pline la fait blanche; Servius croit qu'elle est fauve; Dioscoride la dit jaune. La couleur que les peintres appellent ocre de rue, dit de Bioul, approche fort de la description que Dioscoride fait de cette terre. (88) - Creta viridis. La terre verte, que nous nommons aussi vert de montagne, est un oxyde de cuivre ou d'argent, mêlé avec des parties terreuses. (89) - Hanc autem Graeci yeodñtion vocant. On voit que Pline (Hist. Nat., liv. XXXV, ch. 19) applique cette particularité à la céruse est-ce avec raison ? « La troisième couleur blanche est la céruse. Jadis on trouvait cette terre à l'état natif, dans les propriétés d'un certain Théodote, à Smyrne, et les anciens s'en servaient pour peindre les vaisseaux; aujourd'hui on la fabrique avec du plomb et du vinaigre » (90) - Auripigmenturn. L'orpiment est de l'oxyde d'arsenic sulfuré jaune, qui est une combinaison d'arsenic et de souffre, qui se sublime dans les fissures des cratères volcaniques. On en trouve ordinairement dans les mines de cuivre. La couleur est le plus souvent jaune; mais il y en a encore de deux sortes : de couleur d'or, et d'un jaune orangé presque rouge. Il se trouve en Syrie, à fleur de terre, dit Pline (Hist. Nat., liv. XXXIII ch. 22). Les peintres en usent. Il offre les nuances de l'or, mais la fragilité de la pierre spéculaire. (91) - Sandaraca. Nous appelons aujourd'hui minium la couleur que les Grecs et les Latins nommaient sandaraque. Cerassa quum in fornace coquitur, mutato colore ad ignis incendium, efficitur sandaraca. (VITRUVE, lib. VII, c. 12, p. 160 de ce vol.). Or, on sait que le minium artificiel se fait avec du blanc de céruse brûlé. Puisqu'il traîte des couleurs naturelles, c'est du minium natif qu'il est ici question. Cette couleur est un oxyde. de plomb coloré eu rouge par l'action du feu. En brûlant et en calcinant le plomb, on le fait aisément passer à l'état d'oxyde. Vitruve parlera encore du minium naturel, ou sandaraque, au ch. 3 du liv. VIII, comme étant la cause de l'amertume des eaux du fleuve Hypanis « Tantam maguitudinem fluminis facit amaram, ideo quod per id genus terrae et venas, unde sandaraca foditur, ea aqua manando perficitur amara, » Pline dit Hist. Nat., liv. XXXIV, ch. 55) qu'on trouve la sandaraque dans les mines d'or et d'argent, et qu'elle est plus pâle que l'arsenic, dont la couleur imite celle de l'or. Il dit encore (liv. XXXV, ch. 22) qu'on la trouve à Topaze, île de la mer Rouge ; que sa couleur est celle de la flamme, et qu'il s'en fait de fausse à l'aide de la céruse calcinée. (92)
- Ingrediar nunc minii rationes explicare. Nous avons déjà dit que la
sandaraque des anciens n'est autre chose que notre minium, et leur minium notre
cinabre. Ce chapitre et le chapitre suivant nous en convaincront facilement.
Nous avons dit aussi que ce qui est connu parmi nous sous le nom de sang de
dragon, les anciens le nommaient cinnabaris. Galiani croit que ce qui a
fait donner le nom de minium à la sandaraque des anciens, c'est que les
marchands vendaient, dans le principe, cette sandaraque pour du cinabre, et le
cinabre pour ce que nous nommons le sang de dragon, que les anciens appelaient cinnabaris,
mot dont fut dérivé, sans doute à cause de cela, celui de cinabre. Galiani
fait encore observer, que c'est d'après un passage de Pline, qu'il a vu dans le
cinnabaris des anciens ce que nous nommons le sang de dragon :
Sic
enim appellant illi saniem draconis elisi elephantorum morientium pondere,
permixto utriusque animalis sanguine. (Hist. Nat., lib. XXXII, c.
38.) Il n'est pas de couleur au monde, ajoute Pline, qui rende mieux le sang en
peinture. Ce que dit ici Pline des dragons et des éléphants était une fable
accréditée probablement de son temps. On sait que le sang de dragon est une
résine qui découle d'une plante de la famille des aloès. Mais, abstraction
faite de cette fable, on voit, par ce que dit Pline, que le cinnabaris
des anciens n'était pas notre cinabre, et que c'était vraiment la résine
appelée sang de dragon. (93) - Natat in summo. Les anciens avaient déjà remarqué le rapport de la gravité d'un corps à celle d'un autre de même volume, ce qu'on nomme gravité spécifique, puisque Vitruve fait observer qu'une pierre du poids de cent livres surnagera au-dessus du mercure, tandis qu'un grain d'or du poids d'un scrupule s'y enfoncera incontinent, et cela, parce que l'or se trouve avoir une gravité spécifique supérieure à celle du mercure. Pline a fait la même observation. (94) - Sed genere singularum rerum. C'est-à-dire par la proportion qui est entre la grandeur de leur volume et la quantité de la matière pesante qui les compose : car, dit Perrault, un morceau de bois qui surnage sur l'eau, a plus de matière pesante que la cendre qu'on en tire et qui cependant va au fond, parce qu'elle a un moindre volume que le bois, qui ne reste sur l'eau que parce qu'il n'y saurait enfoncer qu'il n'en fasse élever une égale à son volume; et il ne le saurait faire, parce que l'eau, dans ce volume, a plus de matière pesante que n'en a le bois. (95) - Neque enim argentum, neque aes sine eo potest recte inaurari. C'est sur la propriété que le mercure a de s'attacher aux métaux, qu'est fondé l'art de dorer avec de l'or moulu, ce qui consiste à amalgamer l'or avec le mercure, à appliquer cet amalgame sur de l'argent ou du cuivre jaune, et ensuite à mettre la pièce au feu. Le feu fait évaporer le mercure, et l'or reste fortement attaché à l'argent. Mais d'après ce que dit Pline (Hist. Nat., liv. XXXIII, ch. 32), il paraît que les anciens n'employaient pas tout à fait ce moyen; ils doraient avec des feuilles, après avoir enduit le métal de mercure, ou après rasoir avivé avec un outil. (96) - Parum invenitur. Il est impossible qu'il n'y ait que le mercure qui passe au travers du linge, et qu'il n'y ait que l'or qui reste dedans. Les plus petites parties de l'or sont si bien amalgamées avec le mercure, qu'elles passent avec lui, et les plus grosses qui restent dans le linge doivent y retenir beaucoup de mercure; et en effet, dit Perrault, on ne l'en sépare qu'avec peine par le moyen du feu qui volatilise le mercure, ou par l'acide nitrique qui le dissout, et cette dernière manière, inconnue des anciens, est la meilleure. (97) - Revertar nunc ad minii temperaturam. Quoiqu'on distingue deux sortes de cinabre, le naturel et l'artificiel, le premier n'est pas moins composé que l'autre, puisque l'un est minéralisé avec le soufre par la nature, et l'autre par l'art. Le cinabre, qui est une des plus belles couleurs rouges qui existent, a l'inconvénient de se ternir quand on ne prend pas certaines précautions, surtout quand on l'emploie au grand air. Ce n'est pas, comme dit Vitruve, parce qu'il a perdu sa force naturelle par les préparations qu'il a subies, mais parce qu'il se décompose; c'est là l'inconvénient de presque toutes les couleurs composées. Sur le mont Esquilin, aujourd'hui mont de Sainte-Marie-Majeure, à Rome, on voit des ruines que quelques-uns soupçonnent être celles de la maison dorée de Néron, et que Philander prend pour celles du palais de Titus; on y admire une peinture des plus élégantes qui a si bien résisté aux injures du temps, que les couleurs paraissent avoir été tout fraîchement étendues. Deux surtout ont frappé Philander, qui a cru les reconnaître pour le cinabre et la chrysocolle. (98) - Apertis vero, id est in peristyliis, aut exedris, aut ceteris ejusmodi locis. Les anciens, qui peignaient presque tous les murs intérieurs de leurs édifices, et dont certaines parties, telles que les galeries, les portiques, les vestibules, les exèdres, se trouvaient ouvertes par les côtés où les colonnes seules soutenaient la couverture, avaient éprouvé combien cette couleur était sujette à changer dans ces sortes d'endroits, surtout lorsqu'elle était exposée aux rayons du soleil. On sera peut-être surpris de voir les exèdres mis par Vitruve au nombre des salles dont l'intérieur était exposé au soleil; mais il faut entendre qu'elles étaient ouvertes, seulement d'un côté, qui était occupé par plusieurs fenêtres ou soutenu par des colonnes, comme paraissait être la partie des thermes de Dioclétien qu'on nomme encore aujourd'hui les exèdres; une partie des peintures se trouvait ainsi exposée aux rayons du soleil. (99) - Tunc ceram Punicam.... inducat. Pour préserver les couleurs de l'action du soleil, Vitruve nous donne la recette du vernis qu'employaient les anciens. Ce vernis, dit-il, était composé de cire punique et d'un peu d'huile. Or, la cire punique n'était autre chose que de la cire blanche, dont la meilleure venait probablement de Carthage. Pline (Hist. Nat., liv. XXXIII, ch. 40) répète tout ce que dit ici Vitruve, en ajoutant quelques détails. Il donne encore (liv XXXI. ch. 49) la manière de faire la cire punique. (100) - Deinde cum candela.... subigat. Pline, comme nous avons pu le voir, dit presque la même chose. - Le procédé est obscur, à moins que nous ne comprenions qu'on se servait d'une bougie pour frotter la surface peinte, et de linges blancs pour étendre la cire bien uniment et enlever les parties inutiles, à peu près comme on fait pour une table ou un meuble ciré. Les mots ut signa marmorea nuda curantur sembleraient l'indiquer, ainsi que cette fin d'un vers de Juvénal : genua incerare deorum. C'était une espèce de culte de nettoyer les statues de marbre des dieux, de faire disparaître cette teinte jaunâtre que leur imprime le temps, de les cirer, de leur rendre leur lustre, pour se rendre les divinités favorables. (101)
Kaèsiw. Saumaise veut
qu'on substitue à ce mot celui de ¤gkaæsiw,
c'est-à-dire encaustique, peinture à l'aide du feu, pratiquée par les
anciens. Il ne reste d'eux aucun monument en ce genre; ou n'en peut donc juger
que d'après les auteurs. On ne, sait, dit Pline (Hist. Nat., liv. XXXV,
ch. 39), qui inventa l'encaustique, ou peinture par la cire et le feu.
Quelques-uns en attribuent la découverte à Aristide, et le perfectionnement à
Praxitèle. Cependant il y a eu avant eux des artistes en encaustique, par
exemple le Polygnote, Nicanor et Arcésilas de Paros. Sur une peinture de
Lysippe, à Égine, se lit le mot ¤n¡kausen
(a peint à l'encaustique), inscription inadmissible, si l'encaustique n'eût
été dès lors inventée. Ou dit aussi que Pamphile, maître d'Apelles, non
seulement peignit à l'encaustique, mais encore en donna des leçons à Pausias,
le premier qui se distingua en ce genre. (102) - Ferrea lamna sumatur. - Voyez PLINE, Hist. Nat., liv. XXXII, ch. 40. (103) - Chrysocolla. Nous appelons la chrysocolle borax, soude boratée, borate de soude. - Voyez PLINE, Hist. Nat., liv. XXXIII, ch. 26. (104) - Apportatur a Macedonia. La meilleure, dit Pline (Hist. Nat., liv. XXXIII, ch. 27), vient d'Arménie. Celle de Macédoine n'était que de seconde qualité ; la plus riche en parties colorantes venait d'Espagne. (105) - Armenium et indicum. - Voyez PLINE, Hist. Nat., liv. XXXV, ch. 27 et 28. D'après ce qu'il dit de l'indicum, il est vraisemblable que c'est notre indigo, puisqu'il donnait ce bleu foncé qui est presque noir ; et le nom d'indigo, donné à la plante d'Amérique, de laquelle on tire ce beau bleu, vient sans doute du mot indicum. (106) - Aedificatur locus uti laconicum. Il a déjà parlé du laconicum au ch. 10 du liv. V. C'était une étuve maçonnée en forme de petite tour ronde, et voûtée en cul de four. (107)
- Ad usum atramenti librarii. Pline a imité ce passage. Voyez ce qu'il
ajoute, Hist. Nat., liv. XXXV, ch. 25. (108) - Glutinum admiscentes. Les anciens connaissaient donc la gomme et la colle, et les employaient, comme nous, dans leurs peintures à sec. On sait que la gomme est un suc végétal concret, qui suinte naturellement par les gerçures de l'écorce de certains arbres. Quant à la colle, elle se fait avec des pieds, des peaux, des nerfs, des oreilles de boeuf, de veau, de mouton, des cartilages, des rognures de peau, etc., qu'on fait bouillir et dissoudre dans l'eau sur le feu, jusqu'à ce que tout devienne liquide ; après quoi on passe la matière avec un gros linge ou tamis. Quand ce suc est assez épaissi, on le verse sur des pierres plates, ou dans des moules, pour le couper par morceaux qu'on fait sécher sur des réseaux de cordes. (109)
- Caerulei temperationes. Si les anciens ont composé l'azur artificiel,
ce n'était sans doute que pour imiter l'azur naturel, qu'ils connaissaient.
Voyez PLINE, Hist. Nat., liv. XXXIII, ch. 57.Après avoir dit que l'azur
était un sable tiré d'Égypte, de Scythie et de Chypre, Pline (Hist. Nat.,
liv. XXXVII, ch. 38) en fait une pierre gemme qui, sous le nom de cyanos, charme
l'oeil par sa couleur azurée. Elle se tire, du reste, des mêmes lieux que le
cæruleum, avec des qualités différentes pourtant, puisque le plus beau cyanos
est celui de Scythie, puis celui de Chypre et celui d'Égypte. Le cyanos est
quelquefois parsemé de points d'or, différents de ceux qui couvrent les
saphirs. Ce cyanos me parait être le lapis-lazuli, duquel on tirait le beau
bleu appelé outre-mer, parce qu'on l'apportait d'Orient. (110) - Satis habet admirationis. Vitruve veut dire que c'est une belle chose que l'art puisse imiter les ouvrages de la nature aussi heureusement qu'il le fait dans l'azur artificiel, qui se compose des matières dont on juge que l'azur naturel est formé. Car, selon Perrault, on suppose que l'azur naturel, qui se tire des mines de cuivre, est produit par la vapeur chaude qui s'élève des profondeurs de la terre, fond, dissout et mêle ensemble les minéraux qui sont près de se former en cuivre, c'est-à-dire une terre qui n'est ni cuivre ni terre, mais qui tient de l'un et de l'autre ; ce que la limure de cuivre, mêlé avec le sable pilé, semble suppléer, de même que la vapeur chaude est suppléée par le nitre échauffé dans le fourneau, qui produit la fusion et le mélange de ces matières. (111)
- Usta vero. Cette couleur, selon Pline, est de deux sortes. La première
est faite avec la céruse brûlée ; c'est la couleur que nous nommons
aujourd'hui le minium, connu des anciens sous le nom de sandaraque. La
découverte de l'usta, dit Pline (Hist. Nat., liv. XXXV, ch. 20),
eut lieu lors de l'incendie du Pirée, où l'on trouva de la céruse brûlée
dons des vases; ce qui est confirmé au ch. 22 du même livre, où il dit qu'il
s'en fait de fausse à l'aide de la céruse calcinée. Vitruve rapporte la même
chose dans le chapitre suivant. (112)
- De cerussa. Voyez PLINE, Hist. Nat., liv. XXXIV, ch. 54. (113) - Ne spiramentum obturata omittant. PLINE donne encore une recette pour faire le blanc de céruse. - Voyez Hist. Nat., liv. XXXIV, ch. 54. (114) - Efficiunt aeruginem. On trouve dans Pline (Hist. Nat., liv. XXXIV, ch. 26) plusieurs manières d'obtenir le vert-de-gris. Le mot aerugo, chez les anciens, comprend trois ou même quatre composés cuivreux : l'oxyde de cuivre, le sous-carbonate de cuivre, et peut-être le deuto-acétate que l'on fabrique avec le sous-deuto-acétate et de l'acide acétique. La première et la seconde de ces substances sont seules natives. (115) - Cerassa vero quum in fornace coquitur, mutato colore ad ignis incendium, efficitur sandaraca. Ce passage prouve clairement que la couleur connue des anciens sous le nom de sandraca était vraiment celle que nous nommons minium, comme nous l'avons vu ci-dessus, aux notes 91 et 111. (116) - Incipiam nunc de ostro dicere. Le pourpre, dont on tire cette matière colorante, si vantée par les anciens, est un coquillage operculé et univalve. Voyez Pline, Hist. Nat., liv. IX, ch. 61. On ne connaît pas aujourd'hui très bien les espèces; mais il est certain que la plupart des animaux des coquilles univalves, surtout des genres buccin et murex de Linné, transsudent de leur manteau une liqueur plus ou moins rouge. Pline indique plusieurs variétés qui tirent leur nom ou des matières dont elles se nourrissent, ou des endroits où on les trouve. Il y avait le pourpre lutensis, qui se nourrit de limon ; l'algensis, qui se nourrit d'algues : c'étaient les moins estimés. Le taeniensis, qu'on trouvait sur les rochers, valait mieux; le calculensis, qui se plaisait dans les cailloux, était excellent pour la couleur conchylienne; le dialutensis, qui se nourrissait de diverses natures de sol, était le meilleur pour les couleurs purpurines. (117) - Carissimarn. La cherté de cette teinture tenait sans doute à la très petite quantité de liqueur que donnait l'animal. Au reste, depuis qu'on connaît le coccus ou graine d'écarlate, et surtout depuis que le nouveau monde nous a envoyé la cochenille, on n'a plus besoin de recourir aux coquillages. Alexandre, au rapport de Plutarque (Vie d'Alexandre, ch. XXXVI), s'étant rendu maître de Suse, trouva dans le château de cette ville quarante mille talents d'argent monnayé, et une quantité innombrable de meubles et d'effets précieux de toute espèce, entre autres, cinq mille talents de pourpre d'Hermione, qu'on y avait amassée pendant l'espace de cent quatre-vingt-dix ans, et qui conservait encore toute la fraîcheur de son coloris et de la nouveauté. Cela venait, disait-on, de ce que la teinture en écarlate s'y faisait avec du miel, et la teinture en blanc avec l'huile la plus blanche; on en voyait du temps de Plutarque d'aussi anciennes, qui avaient encore leur éclat aussi pur et aussi vif. (118)
- Excellentissimam. - Voyez PLINE, Hist. Nat., liv. IX, ch. 60. (119)
- Id autem excipitur. Cette fleur de pourpre, dit Pline, si recherchée
pour la teinture, se trouve au milieu du gosier de l'animal. - Voyez Hist.
Nat., liv. IX, ch. 60. (120) - Et ideo hoc rubrum Rhodo etiam insula creatur. Cet endroit est difficile à entendre, parce que Rhodes, qui est éloigné de l'équateur vers le pôle arctique de 36°, n'est pas aussi rapproché du midi que les pays situés à l'orient ou à l'occident équinoxial qui sont sous la ligne. (121) - Et, quod ex concharum marinarum testis eximitur, ideo ostrum est vocitatum. On appelle en latin ostrea, huître, un coquillage du genre bivalve que tout le monde connaît. Il n'a rien de commun avec le pourpre qui est univalve et désigné par un nom particulier; mais les Grecs appelaient l'un et l'autre coquillage östrakñderma (qui a pour peau une écaille) : voilà pourquoi Vitruve fait dériver ostrum du mot grec östrakon, qui désigne un coquillage quelconque. (122) - Nisi mel habeas circumfusum. Nous avons vu que Plutarque, dans la Vie d'Alexandre, raconte qu'à la prise de Suse on trouva cinq mille talents de pourpre qui, préparée cent quatre-vingt-dix ans auparavant, avait conservé toute la fraîcheur de son coloris, parce que la rouge avait été préparée avec du miel, et la blanche avec de l'huile. Quelle est cette pourpre rouge et cette pourpre blanche? De quel moyen se servait-on pour les conserver dans le miel et l'huile? Mercurial, dans ses diverses leçons, dit que les anciens conservaient la pourpre de deux manières : d'abord en mettant dans le miel la chair du coquillage pilée avec son suc, ce qui faisait une masse rouge ; ensuite en séparant de la chair une veine blanche dans laquelle l'humeur pourprée était contenue, ce qui faisait ce que Plutarque appelle la pourpre blanche. Plongée dans l'huile, elle s'y conservait de même que l'autre dans le miel. Il semble néanmoins, d'après Vitruve, que c'était le suc seul exprimé du pourpre qui se mettait dans le miel pour y être conservé. (123) - Creta. - Voyez PLINE, Hist. Nat., liv. XXXV, ch. 26. Quelle est cette espèce de craie dont parle Vitruve et Pline? Comme elle n'entrait dans la composition que pour donner du corps à la couleur, on devait la choisir très légère, ne donnant par elle-même presque aucune couleur, et propre à recevoir toutes celles dont elle était imprégnée. Il est probable qu'on se servait de la terre érétrienne, qu'il nomme un peu plus bas, en parlant de la couleur qu'on faisait avec des fleurs de violette desséchées. (124) - Rubiae radice. Au lieu de cochenille, les anciens employaient le suc de la racine de garance, qu'on emploie encore aujourd'hui pour teindre en rouge. Cette plante, haute de quatre à cinq pieds, se cultive présentement, dit de Bioul, en Flandre et dans le Brabant. Elle s'appelle rubia en latin, et on la connaît encore sous la dénomination de rubia tinctorum., L'¤ruyrñdanon (Hippocr. et Dioscor.), nommé par d'autres ereuthodanus, est appelé par les Latins rubia, dit Pline (Hist. Nat., liv. XXIV, ch. 56) ; elle sert communément à teindre les laines et à corroyer les peaux. Il est impossible de douter que ce ne soit là notre garance. Le mot rub, rouge, en celtique, a formé rubia, ruber; Robert nom autrefois appliqué exclusivement aux hommes à cheveux roux ; rubis et rubiron; rubrique, donné jadis aux livres de droit, parce qu'ils étaient écrits avec une encre rouge, dont la base était la garance. Sans trop savoir au juste d'où vient le mot garance, il est certain qu'on le retrouve dans le mot warrentia, nom qui est donné à la garance dans les capitulaires de Charlemagne. (125)
- Et hysgino. On ne sait pas précisément ce que c'est que le hysginum,
dit Perrault. Tous les auteurs conviennent que c'est une plante qui sert à
teindre, et que Pausanias appelle ìsgh
; mais quelle est-elle? quelle couleur donne-t-elle? Les uns croient que c'est
la pourprée, les autres la jaune; ceux-ci la bleue, ceux-là la rouge. Il y a
néanmoins beaucoup d'apparence que c'est la bleue car Vitruve dit qu'on imite
la pourpre qui est le violet, avec la garance qui est rouge et le hysginum; et
l'on sait que le mélange du rouge avec le bleu fait le violet. Pline dit aussi
que le hysginum se cultive dans la Gaule, ce qui peut faire croire que c'est
l'herbe isatis des Grecs (le glastum des Latins), qui est appelée
guède en France, où elle croît en abondance et meilleure qu'en nul autre
pays, pour teindre en bleu, principalement en Languedoc : car celle de Normandie
appelée vouëde, a bien moins de force ; on fait de l'une et de l'autre ce
qu'on appelle pastel, c'est-à-dire une pâte faite de l'herbe pilée et
séchée avec son suc. (126) - Non minus et ex floribus. Perrault fait remarquer que les belles couleurs dont on peint les toiles de coton et les satins, à la Chine, sont des sucs d'herbes et de fleurs, sans mélange d'aucune autre chose. Les plantes qui croissent dans nos contrées ne produisent pas de couleurs aussi vives; il faut, principalement en ce qui regarde le rouge, leur donner de la vivacité et de l'éclat, par des lessives et des aluns. Ce sont les moyens dont on se sert pour augmenter la beauté de la garance et de la cochenille. (127) - Sil Atticum imitari. C'était la meilleure espèce, selon Pline (Hist. Nat., liv. XXXIII, ch. 56). (128) - Et eo cretam Eretriam infundentes. Il y a deux espèces de terre d'Érétrie, dit Pline (Hist. Nat., liv. XXXV, ch. 51), il y en a de blanche; il y en il aussi de cendrée. (129)
- Efficiunt silis Attici colorem. Démantiosus, prétend que c'était une
couleur bleue, et il se fonde sur ce passage de Vitruve, supposant que la
violette, avec laquelle Vitruve dit qu'on imite le sil, fait une couleur bleue.
Philander pense de même à l'égard de la couleur de la violette, à cause d'un
endroit où Pline ayant parlé du sil, et de la poudre d'azur, dit : « Fraus
viola arida decocta in aquam succoque per linteum expresso in cretam Eretriam.
» Mais Perrault est incertain de quelle sophistication Pline veut parler, et ne
saurait dire si c'est le sil ou l'azur que l'on imite avec les violettes (il me
paraît néanmoins impossible de douter que ce ne soit de l'azur qu'il est ici
question) ; de même que le texte de Vitruve ne nous indique pas clairement la
couleur que donnent les violettes. Ce qui a trompé Démontiosus et Philander,
c'est que de toutes les espèces de violettes, on ne donne ce nom en France
qu'à celle qui tire sur le bleu; mais les anciens, qui joignent toujours nigra
ou purpurea avec viola, quand ils veulent signifier la violette
qui tire sur le bleu, n'entendent par viola, pris absolument, que la
violette jaune, appelée autrement leucoïon, à cause de la blancheur
des feuilles de sa tige tinctus viola pallor amantium, a dit Horace. Le
sil Atticum devait être jaune, si l'on en croit Pline, quand il dit que les
anciens se servaient du sil Atticum pour les clairs, et du sil Lydium pour les
ombres : car la vérité est que des quatre couleurs, la rouge, la bleue, la
verte et la jaune, la plus claire est la jaune, avec laquelle on peut éclaircir
toutes les autres; et qu'il n'y a point de jaune brun, de même qu'il y a du
rouge brun, du vert brun et du bleu brun, parce que le jaune brun n'est pas à
proprement parler du jaune. (130)
- Eadem ratione vaccinium temperantes. La signification du mot vaccinium
est une chose fort controversée. Tous les auteurs, dit Perrault, demeurent
d'accord que c'est une couleur bleue fort obscure; mais la difficulté est de
savoir quelle était sa composition. Il y a trois opinions là-dessus : les uns
croient qu'elle était faite avec la fleur d'hyacinthe, parce que Dioscoride dit
que les Romains appellent l'hyacinthe vaccinium. La seconde opinion est
qu'il était fait de l'herbe isatis, parce que Pline dit que le vaccinium
croît en Gaule, où l'on sait que l'isatis est la meilleure. La troisième est
que c'est le fruit du ligustrum, ou troène, à cause de ce vers de Virgile (Égl.
II v. 18) : (131) - Herba, quae lutum appellatur. Cette herbe, qui a singulièrement exercé la verve des commentateurs, dont il est absolument inutile de rappeler les opinions diverses, est celle que nous appelons gaude en français. On s'en sert pour teindre en jaune. (132) - Cretam Selinusiam.... inficientes. Pline dit également (Hist. Nat., liv. XXXV, ch. 27 ) qu'on falsifie l'indicum avec de la fiente de pigeon, de la craie de Sélinonte, ou de l'annulaire teinte à l'aide du verre. Plus loin (ch. 56), le naturaliste romain dit encore que la terre de Sélinonte, blanche comme le lait et très facile à délayer dans l'eau, sert pour la peau des femmes. (133)
- Aut annulariam vitro, quod Graeci àsatin
appellant, inficientes. « L'annulaire est blanche, dit Pline (Hist. Nat.,
liv. XXXV, ch. 30) ; les peintres s'en servent pour représenter la carnation
des femmes. On la fait aussi avec de la craie combinée aux verres, qui tiennent
lieu de gemmes dans les anneaux des gens du peuple, et de là son nom
d'annulaire. COULEURS DONT PARLE VITRUVE. NATURELLES. 1.
Sil, ocre jaune. ARTIFICIELLES 1.
Atramentum, noir de fumée. La peinture passa à Rome, de la Grèce qui l'avait reçue de l'Égypte ; mais la politique des Égyptiens avait toujours entretenu cet art, selon Platon, dans le même état de médiocrité, sans aucune altération comme sans aucun progrès, tandis que les Grecs le portèrent au plus haut point de grandeur et de perfection. C'est à l'expiration du beau siècle de la peinture grecque, lequel avait commercé par Apollodore, vers 404 avant J.-C., qu'on voit, pour la première fois, un jeune Romain prendre le pinceau. À quelle hauteur la peinture fut-elle portée à Rome ? c'est ce qu'il est impossible de déterminer par les fragments qui nous restent; mais il paraît, par les écrits des anciens, que les peintres qui ont travaillé à Rome sous Auguste et sous ses premiers successeurs, étaient bien inférieurs à Apelle et à ses illustres contemporains. Pline, qui composait son Histoire sous Vespasien, et quand les arts avaient atteint le plus haut point de perfection où ils soient parvenus sous les empereurs, ne cite point, parmi les tableaux qu'il regarde comme un des plus grands ornements de la capitale de l'univers, un seul tableau qu'on puisse croire avoir été fait du temps des Césars. Il ne compte de peintres romains que les suivants, dont les noms ne rappellent rien d'heureux pour la peinture : Fabius Pictor, Pacuvius, Sopolis, Dionysius, Philiscus, Arellius, Ludius, Quintus Pedius, Antistius Labeo, Amulius, Turpilius, Cornelius Pinus, Accius Priscus. Voir deux mémoires donnés par MM. de Caylus et de la Nause, dans le Recueil de littérature, t. XXV. terminé le lundi 24 janvier 2005
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