INTRODUCTION
LE Serment est, par la beauté de la forme et par l'élévation des idées,
un des plus précieux monuments de la littérature grecque ; c'est la pièce la
plus ancienne et la plus vénérable des archives de la famille des
Asclépiades. II est probable que la formule s'en était perpétuée par
tradition depuis longues années, quand Hippocrate l'a définitivement rédigée
telle que nous la possédons. Les autorités les plus imposantes, les preuves
les plus irrécusables s'élèvent en faveur de son authenticité. Nous trouvons
parmi les anciens les témoignages d'Érotien, de Scribonius-Largus, de Soranus,
de saint Jérôme, de saint Grégoire de Nazianze, de Th. Priscianus, de Suidas
; parmi les modernes, ceux de Lémos, de Foës, de Meibom, de Triller, de
Boerner, de Gruner, d'Ackermann, de M. Littré (a))
, et évidemment d'une époque où les confréries médicales étaient en pleine
vigueur, ce qui ne peut guère se rapporter qu'au temps où florissait
Hippocrate. D'ailleurs Platon (de Leg. IV, p. 720, A) confirme ce qui est dit
dans le Serment sur la transmission de la science aux enfants par les pères,
transmission qui a fait-la gloire des Asclépiades et en particulier de ceux de
Cos. II nous apprend, en effet, qu'il y avait deux espèces de gens traitant les
malades : les serviteurs des médecins, appelés aussi médecins et qui
n'apprenaient que par routine ; les médecins proprement dits, formés par une
vocation naturelle et par les préceptes de leurs'pères. J'apporte une preuve
nouvelle de l'authenticité du Serment en établissant dans la note 5 que la
double forme d'enseignement admise dans ce petit traité se place à peu près
certainement à l'époque de Platon, contemporain d'Hippocrate. - Le Serment,
qui imprimait quelque chose de si solennel et de si sacré à l'exercice de
l'art, était prononcé par les médecins au moment où ils allaient entrer en
fonctions.
Cette petite pièce se divise en trois parties : la première comprend
l'invocation ; la deuxième l'exposition des devoirs que le médecin s'engage à
remplir envers son précepteur, ses propres élèves, ses malades et envers
lui-même ; la troisième contient l'imprécation.
LE
SERMENT.
JE jure par Apollon médecin, par Esculape, par Hygie et Panacée (01),
je prends à témoin tous les dieux et toutes les déesses (02)
d'accomplir fidèlement, autant qu'il dépendra de mon pouvoir et de mon
intelligence, ce serment et cet engagement écrit ; de regarder comme mon père
celui qui m'a enseigné cet art, de veiller à sa subsistance, de pourvoir
libéralement à ses besoins, de considérer ses enfants comme mes propres
frères (03), de leur apprendre cet art sans
salaire et sans aucune stipulation (04) s'ils
veulent l'étudier ; de communiquer les préceptes vulgaires, les connaissances
secrètes et tout le reste de la doctrine (05) à
mes enfants, à ceux de mon maître et aux adeptes qui se seront enrôlés et
que' l'on aura fait jurer selon la loi médicale, mais à aucun autre. Je ferai
servir suivant mon pouvoir et mon discernement le régime diététique au
soulagement des malades ; j'éloignerai d'eux tout ce qui pourrait leur être
nuisible et toute espèce de maléfice ; jamais je n'administrerai un
médicament mortel à qui que ce soit, quelques sollicitations qu'on me fasse ;
jamais je ne serai l'auteur d'un semblable conseil ; je ne mettrai pas aux
femmes de pessaire abortif (06). Je conserverai ma
vie pure et sainte aussi bien que mon art. Je ne taillerai jamais les calculeux,
mais je les adresserai à ceux qui s'occupent spécialement de cette opération
(07). Dans toutes les maisons où j'entrerai, ce
sera pour le soulagement des malades, me conservant pur de toute iniquité
volontaire, m'abstenant de toute espèce de débauche (08),
m'interdisant tout commerce honteux, soit avec les femmes, soit avec les hommes,
libres ou esclaves. Les choses que je verrai ou que j'entendrai dire dans
l'exercice de mon art, ou hors de mes fonctions dans le commerce des hommes, et
qui ne devront pas être divulguées (09), je les
tairai, les regardant comme des secrets inviolables.
Si j'accomplis fidèlement mon serment, si je ne faillis point, puissé-je
passer des jours heureux, recueillir les fruits de mon art et vivre honoré de
tous les hommes et de la postérité la plus reculée ; mais si je viole mon
serment, si je me parjure, que tout le contraire m'arrive !
(01) APOLLON,
fils de Jupiter, dieu du soleil et de la médecine, eut pour fils Esculape, qui
à son tour eut pour fils Podalyre et Machaon, et pour filles Hygie (la Santé)
et Panacée (le Remède universel).- Cf. pour les livres relatifs à l'histoire
des dieux de la médecine et de leur culte, L.Choulant, Bibl.medic. historica,
§. V, p. 28 et suiv., et les Addit. par J. Rosenbaum, p. 8 et suiv. Je
signalerai plus particulièrement les ouvrages suivants : C. F. Hundertmark, Exercit.
de princip. diis art. med. tutel. ap. vet. Graec. atque Rom.; Lipsiae, 1735,
in-4°, reprod. dans Opuscula ad med. hist. pertinentia d'Ackermann ;
Norimb.1797, in-8°, p. 1 à 48 ; - Institut. hist. med. d'Ackermann,
Norimb., 1792, in-8°.- Cf. aussi, pour l'histoire des Asclépions (temples où
Esculape était honoré), Hundertmark, Dissertation citée, p. 37, note 1
et M. Malgaigne, Lettres sur l'hist. de la chirurgie, Paris, 1842,
in-8°, 1. 9, p. 59 et suiv. - L'histoire des dieux de la médecine est une des
questions les plus confuses de l'archéologie mythologique ; et il
appartiendrait à l'Académie des inscriptions et belles-lettres d'élucider ce
point important, qui touche aux limites de l'histoire et de la fable.
(02) Cette invocation de tous les dieux et de
toutes les déesses se rencontre presque toujours dans les formules de serment
de l'antiquité.
(03) ᾿Αδελφοῖς ἶσον ἄρρεσι, germanis fratribus. Meibom veut que
ἄρρεσι
signifie virilibus, strenuis, generosis, pensant qu'Hippocrate fait
allusion à la coutume on les Grecs étaient de confier les emplois publics à
ceux qui par leurs belles actions avaient rendu service à la république (cf.
p. 85 et suiv.). Cette interprétation est forcée et rien ne l'autorise.
(04) Il ressort évidemment de ce passage que les
médecins stipulaient avec leurs élèves une certaine rétribution appelée
δίδακτρον,
(de διδάσκειν, apprendre), par les
anciens Grecs, et διδασκαλίον par les
Byzantins (Meib., p. 88). Nous savons du reste positivement par le témoignage
de Platon (voyez la Notice biographique en tête du vol.,) qu'Hippocrate
enseignait la médecine pour de l'argent.
(05) Παραγγελίης τε καί ἀκροήσιος. Les παραγγελίαι
sont les préceptes généraux accessibles à tous et divulgués par le maître,
soit dans des leçons orales, soit dans des écrits rédigés ordinairement sous
forme aphoristique (Cf. Meib., 98 , 9). - Les ἀκροάσεις
sont les leçons orales auxquelles les adeptes seuls étaient admis, et dans
lesquelles le maître traitait des questions scientifiques transcendantes. Cette
division de l'enseignement, que l'on retrouve dans l'école de Pythagore, mais
enveloppée sous la forme mystique de l'initiation égyptienne, était suivie
par Platon (Cf. Galien de Subst. facult. nat. t. IV, p. 758 (1),
mais surtout par Aristote, ainsi que nous le voyons dans Aulu-Gelle (N. att.,
XX, 5 ). Aristote appelait les préceptes vulgaires ἐσωτερικά,
et les leçons réservées pour les adeptes ἀκροαματικά.
Ainsi, quand le Serment fut rédigé, les mots de la langue usuelle
n'avaient pas été remplacés par des termes techniques, dont le chef du
péripatétisme parait être l'inventeur. Cette considération porte à penser que
cette pièce date d'une époque où la division de l'enseignement n'était pas
encore nettement opérée, ou du moins formulée, c'est-à-dire à l'époque de
Platon. Heurn et Dacier entendent par les autres parties de l'αρτ art λοιπῆς
ὰπὰσης μαθήσιος, l'application pratique aux cas particuliers.
L. Choulant (Hist. litterar. Jahrbuch, 2, année, Leipzig, 1839, p. 114
pense que l'auteur désigne par les παραγγελίαι,
les leçons de petite chirurgie, et l'étude des symptômes au lit du malade,
par les ἀκροάσεις
les cours scientifiques, et par λοιπὴ μάθησις
un cours de clinique pour les élèves avancés. Mais il admet aussi l'autre
interprétation.
(06) Οὐδὲ γυναικὶ πεσσὸν φθόριον δώσω. Le serment est à ma connaissance le
seul livre de la collection hippocratique ou se trouve le mot πεσσός
(2). Mais on trouve dans les différents
écrits qui la composent, par exemple dans le traité des Lieux dans l'homme,
et surtout dans les traités relatifs aux maladies des femmes et à la
génération, la mention de formes médicamenteuses qui, sous le nom générique
de πρόστερον ou πρόσθεμα
(que les traducteurs latins rendent tantôt par pessus, tantôt par sunditium),
répondent exactement aux πεσσοί des
auteurs plus récents (3). Πρόσθετον
ou πρόσθεμα, avec ou sans φάρμακον
(ce qui est introduit, apposé), désigne toute espèce de médicaments
destinés à être introduits, soit dans le vagin, soit dans l'anus. Cette
expression par cela même est très vague, et l'on ne peut reconnaître son sens
précis que par l'examen du contexte. Les auteurs hippocratiques se servent
très souvent de προστιθέναι φάρμακον,
pour indiquer l'application d'un pessaire, et Hippocrate emploie aussi le mot
προσθεμένη
pour désigner une femme dans le vagin de laquelle on a introduit un pessaire
médicamenteux (Cf. Epid. I, mal. 4 et 5 ; - Gal., Com. III, in Epid.
I, text. 4 et 5, p. 270 et 277, t. XVII, 1ere part. ; - de
Superfoet., p. 49, 1. 46 , éd. de Bâle). Galien (Com. III, in Epid.
I, text.4, p. 270, t. XVII) fait observer que dans Hippocrate prosyem¡nh
seul, c'est-à-dire sans l'adjonction du mot βάλανος (suppositoire), se dit indifféremment d'une femme à qui on a mis un pessaire
ou un suppositoire. Ainsi, l'examen du contexte est le seul moyen de déterminer
avec quelque sûreté le sens précis de προσθεμένη
- Quoi qu'il en soit, je vais m'arrêter un instant sur l'historique du mot
πεσσός et des pessaires. Les modernes définissent un pessaire, "un instrument
topique de forme et de nature extrêmement variées, destiné à être introduit
dans le vagin pour y soutenir l'utérus, soit dans sa chute, soit dans ses
renversements, ou pour y contenir une hernie vaginale". (Gerdy, Traité
des pansements, 2e éd., p. 57). Les anciens définissaient un
πεσσός de la laine cardée, arrondie en forme de doigt et imprégnée de médicaments.
(Cf Celse, V, 21,1 ; Antyllus, dans son premier livre des Médicaments
externes dans Paul d'Égine, VII , 24, p. 138, verso, ligne 47., et éd.
d'Est., p. 094; - Paul d'Égine, III, 61, p. 52, verso, 1. 20, et p. 481, éd.
d'Est.; - Oribase, Collect. med., X , 25, dans Est., p. 398, et
dans De Matthaei , p. 322). Ainsi , le πεσσός
des anciens, au lieu d'être comme notre pessaire un instrument mécanique,
consistait en un mélange de médicaments dont on enduisait des corps plus ou
moins résistants, arrondis ou allongés, qui facilitaient l'introduction de ces
médicaments et les retenaient dans le vagin. On trouve dans la collection
hippocratique quatre formes principales de pessaires. 1°. La première consiste
en un mélange introduit à l'aide d'une sonde (μήλη)
recouverte ou non de laine (de Superfoet., p. 50 , 1. 13 , éd. de
Bâle). L'auteur n'indique ni la figure ni la matière de cette sonde ; mais il
est probable qu'elle était en plomb ou en étain comme toutes celles dont il
est question dans les traités relatifs aux maladies des femmes (Cf. Foës, Oecon.,
au mot μήλη. 2°. La seconde espèce est
très singulière ; elle est décrite dans le traité de la Nature de la
femme (Foës, p. 584). L’auteur veut qu'on prenne un morceau de chair de
boeuf (σάρκα βοός) de la grosseur du
gros orteil et de la longueur de six travers de doigt, qu'on l'enduise d'un
mélange dont il donne la composition, puis qu'on l'entoure de laine trempée
préalablement dans le même mélange, qu'on exprime le tout et qu'on introduise
ce pessaire dans le vagin, en ayant soin d'attacher un fil de lin à
l'extrémité libre, afin de pouvoir le retirer plus facilement. Cette dernière
précaution a été renouvelée par Antyllus pour les pessaires ordinaires (Paul
d'Égine, VII, 24). 3°. On trouve très souvent la mention de pessaires faits
avec des résines, avec la tige, les fruits et le bulbe de certaines plantes,
etc., recouverts ou non de laine, et trempés dans des médicaments ; 4°. les
pessaires les plus usités étaient faits avec une mèche de laine repliée sur
elle-même, probablement attachée avec du fil, imprégnée de mélangés de
diverse nature. - Le premier auteur qui à ma connaissance ait donné au προθετὰ
φάρμακα d'Hippocrate le nom de πεσσοί,
est Soranus (p. 58 et suiv., 232 et 260, éd. de Dietz). Ce mot désigne pour
lui tantôt le mélange médicamenteux lui-même, tantôt le véritable
πεσσός
.
Cette double signification se retrouve dans Galien (t. X II, p. 332), dans
Myrepsus (éd. d'Est., p. 556) , et dans d'autres auteurs encore. - M.
Malgaigne, dans sa belle et savante édition d'Ambroise Paré (t. I, Introd., p.
XCV, et t. II, p. 742 et suiv., ne fait pas remonter l'invention des pessaires
solides au delà du XVe siècle ; il la rapporte à Matthieu de
Gradi. Ces pessaires étaient en cire, revêtus de laine, trempés dans des
mélanges médicamenteux, et placés à demeure dans le vagin pour soutenir la
matrice. L'assertion de M. Malgaigne ne me paraît pas exacte. Les pessaires
solides employés contre les chutes de matrice remontent jusqu'aux auteurs de la
collection hippocratique. On trouve en effet dans le IIe livre du
traité des Maladies des femmes ( p. 650, éd. de F.), la mention de
grosses canules de plomb laissées à demeure dans le vagin pour ramener à sa
position naturelle la matrice déviée. On voit aussi dans le IIe livre de ce
même ouvrage (p. 656); dans le traité (les Femmes stériles (p. 387 ) , et
dans celui de la Nature de la femme ( p. 564 ) , que l'on se servait contre les
chutes de matrice, d'éponges soutenues à l'aide d'un bandage fixé autour des
reins. Paul d'Égine (III, 52 ) et Aetius (Tetrab. IV, Serm. IV,
cap. 76), d'après Soranus, se servaient aussi, dans le même cas, de gros
pessaires de laine bien serrée. Toutefois les anciens paraissent attacher
presque autant d'importance aux substances dont ces pessaires étaient
imprégnés, qu'à leur puissance mécanique. Antyllus (loc. Cil.) divisait les
πεσσοί
en trois classes : les émollients contre l'inflammation ; les apéritifs pour
attirer les purgations et ouvrir l'orifice de l'utérus ; les astringents pour
resserrer la matrice relâchée ou pour la relever lorsqu'elle est tombée. -
Cf. pour de plus amples détails, Triller, Clinotechnia, Francfort et
Leipzig, 1774, in-4° , p. 192 et suiv.
(07) Ce passage a grandement embarrassé les
commentateurs, et a donné lieu aux opinions les plus paradoxales (Cf. entre
autres Haller, Bibl. med., t. 1 , p. 65, et Sprengel, Hist. de la
méd., t. VII, p. 209). La seule qui me paraisse admissible, c'est que dès
le temps d'Hippocrate, l'opération de la taille rentrait dans les
spécialités, et qu'il y avait des lithotomistes (4),
comme il y en a eu dans les temps plus modernes, comme il y a de nos jours des
lithotribes. Nous pouvons, du reste, appuyer cette assertion sur le témoignage
d'Hérodote. Il nous apprend en effet qu'en Égypte il y avait des médecins
pour toutes les maladies: des médecins pour les yeux, pour la tête, pour les
dents ; des médecins pour les régions du ventre τῶν κατά νηδύν), et d'autres pour les maladies invisibles (Hist., II, 84).
Qu'y a-t-il donc d'étonnant que quelques années plus tard Hippocrate parle de
gens qui s'occupent spécialement de lithotomie ? - Cf. Meibom, chap. 16, mais
surtout Boerner, qui est moins diffus et plus clair.- F. BOERNERI super locum
Hippocratis in jurejurando maxime vexatum, meditationes, Lipsiae, 1741 ,
in-4°, 22 pages, reproduit dans Noctes guelphicae, p. 735 et suiv.
(08) Galien (de optimo Medico, t. I, p.
59 ) dit : "Celui qui aime véritablement la science et l'étude ne doit ni
s'enivrer, ni se gorger de nourriture, ni s'abandonner aux plaisirs de Vénus,
en un mot il ne doit pas se faire l'esclave de son ventre et de ses honteux
penchants. Le vrai médecin doit être l'ami de la modération comme de la
vérité."
(09) ᾿Εκλαλέεσθαι
littéralement bavarder, manuscrits 2145, 2140, Bâle, Heurn, Meibom, au lieu de
ἐκκαλέεσθαι de Foës, de quelques
manuscrits, entre autres de 2255.
(a)
Induit en erreur par
Triller (cf. Opusc., t. 2, p. 165), M Littré avait mis en tête de ces
témoignages celui d'Aristophane d'après un passage des Thesmophoriazuses
(vers 272-4, éd. de B.), auquel il avait donné un sens qui s'écarte du texte
et de la pensée de l'auteur (cf. Oeuv. d'Hipp., Introd., p. 31); mais il
a reconnu plus tard (cf. ibid. t. 2, Avert., p. XLVIII), avec MM.
Boissonade et Letronne, qui s'appuient de l'autorité du scholiaste de Ravenne,
que ce passage se rapporte à un Hippocrate d'Athènes en butte aux traits
satiriques d'Aristophane, à cause de la stupidité de ses fils. Un autre
scholiaste G. Bourdin, qui vivait de 1517 à 1570 et qui écrivait en grec,
suppose qu'il s'agit ici d'un Hippocrate qui avait dans sa boutique les images
et les statues des dieux. Les sources où Bourdin a puisé cette ingénieuse
interprétation sont inconnues, elle n'a donc aucun poids. Fritzsche, dans son
édition des Thesmophoriazuses, Leipzig, 1838, change le texte en
s'autorisant bien à tort du ms. de Ravenne, et veut qu'on lise
῾Υωκράτους
(conducteur de porcs) au lieu d'῾Υπποκράτους.
(Cf. p. 101, sqq.). Du reste, le passage en question a été très mal compris
des traducteurs français d'Aristophane.
(1) Galien semble placer le Timée
parmi les livres acroatiques ; la nature même de ce livre autoriserait ce
sentiment; je ne sache pas du reste qu'on ait fait attention à ce passage de
Galien.
(2) Je remarque d'une part que le verbe δώσω
n'est guère applicable à un pessaire tel que le définissaient les anciens ;
et d'une autre que Soranus (de Arte obstetrica, etc., texte grec, éd. de
Dieu, p. 59), qui cite ce passage, ne semble pas avoir eu sous les yeux un texte
qui portât pessñn;
voici ses paroles: « II y en a qui rejettent les médicaments abortifs,
invoquant le témoignage d'Hippocrate, qui dit : ούδ' ἄν οὐδενὶ φθόριον [δώσω] »
c'est-à-dire, je ne donnerai rien d'abortif.
(3) Ce que l'auteur du traité des Maladies
des femmes ( p. 609 , éd. de Foës) appelle collyre (κολλύριον)
, parait être un mélange médicamenteux introduit dans le vagin sans le
secours d'aucun corps résistant.
(4) C'est par abus qu'on a donné ce nom à
ceux qui s'occupent de l'opération de la taille, et qu'on a appelé lithotomie
l'opération elle-même. Litotomie (de λίθος et τέμνω)
signifie proprement section de la pierre. Or, dans l'opération de la taille on
ne coupe pas ordinairement la pierre, mais seulement les chairs. Cet abus de
langage vient sans doute de l'inintelligence d'un passage de Celse (VII, 26, 3)
, où il est dit qu'Ammonius (d'Alexandrie) avait été surnommé λιθοτόμος
mais Celse prenait ce mot dans son acception littérale, et non pas dans le sens
que nous attachons aujourd'hui au mot lithotomiste. En effet, cet Ammonius est
l'inventeur d'un procédé qui consistait à briser, à l'aide d'un instrument
qu'il avait imaginé, la pierre dans la vessie, quand elle était trop grosse
pour passer à travers l'incision des parties molles. L'invention d'Ammonius
contient en germe celle de la lithotritie.
|