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Anthologie grecque

LES PRÉFACES DES ANTHOLOGIES.

(Édition de Jacobs, t. I, p. 69 ; de Tauchnitz, t. I, p. 49).

COURONNE DE MÉLÉAGRE (20). - Muse chérie, à qui portes-tu ces vers, ces fleurs de toute espèce, et quel est celui qui a tressé cette couronne de poésie ? Méléagre l'a composée, cette couronne, et c'est pour son illustre ami Dioclès qu'en souvenir d'affection il a préparé cette offrande. Il a entrelacé beaucoup de lis d'Anyté, beaucoup de lis de Myro, et de Sappho quelques fleurs seulement, mais des roses, le narcisse des choeurs de Mélanippide qui s'épanouit en hymnes, et le jeune pampre de la vigne de Simonide. Au milieu il a mis l'iris parfumé de Nossis dont les tablettes ont été enduites de cire par l'Amour, et avec cette fleur la marjolaine du suave Rhianus et le safran virginal de la douce Érinne, l'éloquente hyacinthe du lyrique Alcée, le laurier au sombre feuillage de Samius, les festons fleuris du lierre de Léonidas et un rameau du pin piquant de Mnasalque. Il y a mêlé de flexibles jets du platane de Pamphile, avec d'onduleuses branches du noyer de Pancrate, de larges feuilles du peuplier blanc de Tymnès, de la menthe verte de Nicias et le jonc marin d'Euphémus qui croit dans le sable, la violette foncée de Damagète, de douces baies du myrte de Callimaque, toujours pleines d'un miel épais, la lychnide d'Euphorion et l'amome cher aux Muses du poète qui a le même nom que les Dioscures (21). A ces fleurs il a joint le raisin enivrant d'Hégésippe et le lentisque embaumé de Persès. Il y a joint encore les doux fruits du pommier de Diotime et les premières fleurs du grenadier de Ménécrate, des rameaux de myrrhe de Nicénète, le térébinthe de Phaënne et la succulente poire de Simmias, l'ache des prés délicieux de Parthénis avec quelques-unes de ses fleurs bien choisies, de jaunes épis glanés dans les chaumes de Bacchylide, reste de l'abondante moisson des Muses qui en composent leur miel, Anacréon aussi ses vers doux comme le nectar, ses élégies fécondes comme la camomille, la feuille d'acanthe aux feuilles contournées et aux piquants redoutables d'Archiloque, petite récolte faite dans un immense jardin, de jeunes pousses de l'olivier d'Alexandre, des bleuets pourprés de Polyclète, et la fleur des poètes, l'amaracus de Polystrate, et le jeune ligustre à corolle rouge d'Antipater. Il y mêla encore des épis de nard syrien du poète qui est qualifié de don d'Hermès(22), Posidippe, Hédyle et Sicélide, fleurs des champs qui s'ouvrent au souffle des vents amoureux, et de plus le chrysanthème du divin Platon, plein de sève, de force et d'éclat, sans oublier les bourgeons des plus hautes tiges du palmier d'Aratus qui touche les cieux, et le lotus à longs filaments de Chérémon avec la phlox de Phédime unie à l'oeil de boeuf d'Antagoras, le frais serpolet de Théodoride dont les amphores se couronnent, et les barbeaux de Phanias, beaucoup d'autres fleurs encore nouvellement cueillies, et de ma propre muse aussi quelques giroflées hâtives. Telle est l'offrande que j'apporte au meilleur de mes amis (23), dont les initiés en poésie jouiront également, douce et éloquente couronne des Muses.

COURONNE DE PHILIPPE. - J'ai cueilli pour toi, cher Camille, des bouquets héliconiens, des fleurs nouvellement écloses des illustres bocages de Piérie ; j'ai moissonné les parterres de la poésie moderne, et j'ai tressé une nouvelle couronne semblable à celle de Méléagre. Tu connais le mérite des anciens poètes ; connais aussi celui des poètes plus récents d'après ces petites pièces de vers, fleurs modestes et charmantes : Antipater y figurera l'épi des guérets ; la grappe de lierre y sera représentée par Crinagoras ; Antiphile rappellera la fleur et l'éclat du raisin ; Tullius y brillera comme le lotus, Philodème comme la marjolaine, Parménion comme le myrte ; Antiphane sera la rose ; Automédon le lierre, Zonas le lis, Bianor le chêne, Antigone l'olivier et Diodore la violette. Pour Événus, ajoutez le laurier. Quant aux autres poètes, représente-les à ton gré par les fleurs les plus nouvelles et les plus fraîches.

PRÉFACE D'AGATHIAS. - Les colonnes, les statues, les inscriptions, sont des causes de grande satisfaction pour ceux qui les obtiennent, mais seulement tant qu'ils vivent ; car ces vains honneurs n'accompagnent pas leurs âmes chez les morts. Mais la vertu, la sagesse nous suivent même au tombeau (24) ; elles y restent avec nous, attirant tous les souvenirs. Ainsi ni Homère, ni Platon, ne doivent leur renommée à des peintures, à des statues ; ils ne la doivent qu'à la sagesse (25). Heureux ceux dont la mémoire réside dans de bons et savants livres, et non dans de frivoles images. 

(20)  "Celte pièce est comme l'enseigne du jardin des Hespérides." Sainte-Beuve, Portraits contemporains et divers, p. 476.
(21) Dioscoride.
(22) Hermodore. 
(23) FÛloiw, le pluriel par emphase ; c'est de Dioclès seul qu'il s'agit, Žriz®lÄ DiokleÝ.
(24)  Sophocle a dit bien mieux, Philoct., 1443 :

O
é gŒr ²és¡beia sunyn®skei brÅtoiw
Kn zÇsi, kn y‹nvsin, o
ék Žpñllutai..
Et la pure vertu, le plus beau don des cieux, 
Ne meurt point avec l'homme et se rejoint aux dieux. (LA HARPE.)
(25) Sñfiac'est la science, la poésie.