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Anthologie grecque

LES INSCRIPTIONS DE CYZIQUE.

(Édition de Jacobs, t. I, p. 57; de Tauchnitz. t. I, p. 42.)

A Cyzique, dans le temple d'Apollonis, la mère d'Attale et d'Eumène, les colonnes étaient ornées de bas-reliefs (9), sur lesquels les traits les plus touchants de l'histoire et de la mythologie, relatifs à l'amour filial, étaient retracés dans l'ordre suivant.
Le premier bas-relief représente Bacchus, ramenant des bords de l'Achéron et conduisant au ciel Sémélé, sa mère, précédé de Mercure, et ayant pour cortège les Satyres et les Silènes, armés de flambeaux.
I. Le dieu du Thyrse, pour réparer (10) l'attentat impie de Penthée, ramène des bords de l'Achéron sa mère, fille de Cadmus et d'Harmonie. que la foudre de Jupiter avait consumée au milieu des douleurs de l'enfantement.

Le deuxième bas-relief représente Télèphe reconnu par sa mère.
II.
Fils chéri d'Hercule, j'avais quitté la montueuse Arcadie pour courir sur les traces d'Augé, ma mère ; je la retrouve enfin dans le pays où règne Teuthras, et me dispose à la ramener dons sa patrie.

Sur le troisième bas-relief on voit Amyntor voulant brûler les yeux de Phénix, son fils, et Alcimède cherchant à retenir et à calmer son mari.
III. Alciméde arrache son fils des mains d'Amyntor, son mari et tâche en même temps de calmer la colère de Phénix, aigri contre son père, parce que, négligeant une épouse chaste, il recherchait les embrassements d'une vile esclave ; et le père, a son tour, prêtant l'oreille à des propos injurieux, était irrité contre son fils, et approchait de ses yeux une lampe meurtrière.

Le quatrième bas-relief représente Polymède et Clytius, enfants de Phinée, égorgeant Phrygia que leur père avait épousé, après avoir répudié Cléopâtre, leur mère.
IV. Clytius et Polymède immolent Phrygia, pour venger leur mère. Cléopâtre applaudit, en voyant la nouvelle femme de Phinée subir le châtiment qu'elle mérite.

Le cinquième bas-relief représente Cresphonte tuant Polyphonte, le meurtrier da son père, et Mérope armée d'un bâton, venant en aide à son fils.
V. Polyphonte, tu fis périr jadis le père de Cresphonte, pour souiller le lit de sa jeune épouse ; mais un fils vient enfin venger par ta mort celle de son père. Il t'immole par amour pour Mérope sa mère, et tandis qu'il enfonce dans ton dos sa lance, elle lui vient en aide et sur tes tempes elle appuie un bâton noueux.

Le sixième bas-relief représente Python tué par Apollon et Diane, parce que, s'étant montré tout à coup, il avait empêcha Latone d'aller à Delphes faire taire l'oracle.
VI. Latone, remplie d'horreur, évite en se détournant le serpent Python, caché dans les sillons. Ce reptile enfant de la terre, comptait sur les dépouilles de la prudente déesse ; mais Apollon, qui guettait le monstre, le perça de ses flèches. Il n'occupera donc plus à Delphes (11) le trépied prophétique; mais il poussera [en expirant] des sifflements lamentables.

Sur le septième bas-relief, du côté du septentrion, on voyait Amphion et Zéthus attacher Dircé à un taureau, parce qu' excitée par Nyctée, père d'Antiope, leur mère, et enflammée de jalousie contre Lycus, son mari, qui en était devenu amoureux, elle s'était vengée outre mesure de celle-ci.
VII. Amphion et Zéthus, double proie arrachée à Dircé, immolez cette femme qui a fait périr Antiope. Sa colère jalouse tenait naguère votre mère dans les fers ; maintenant, suppliante, elle cherche à vous fléchir par ses gémissements. Soyez inexorables, attachez aux cornes de ce taureau un double lien, afin qu'il traîne son corps à travers ces fourrés épais (12).

Le huitième bas-relief représente la nécyomancie d'Ulysse. Il évoque sa mère Anticlée et l'interroge sur les affaires de sa maison.
VIII. Mère du sage Ulysse, Anticlée, tu n'as pas reçu, vivante encore, ton fils dans Ithaque. Mais il te trouve sur les bords de l'Achéron, et c'est avec effroi qu'il contemple sa tendre mère.

Sur le neuvième bas-relief étaient gravés Pélias et Nélée, fils de Neptune, délivrant de ses liens leur mère Tyro que son père Salmonée avait enchaînée à cause du rapt de Neptune. Sa belle-mère Sidéro l'accablait de mauvais traitements.
IX. Leur mère Tyro, que Salmonée son père avait chargée de durs liens, [ils la délivrent]. Ici mangue un distique. Salmonée n'en fera plus une esclave, en voyant assis prés d'elle Nélée et Pélias.

Sur le côté du couchant, dans le dixième bas-relief on voit Eunoüs et Thoas, fils d'Hypsipyle, reconnus par leur mère et lui montrant le cep d'or, qui était pour eux le signe de leur race ; ils la délivrent des sévices qu' Eurydice (l'épouse de Lycurgue) exerçait sur elle, à cause de la mort d'Archémore leur enfant.
X. Montre, Thoas, le cep de Bacchus ; car tu sauveras [ainsi] de la mort la suppliante (13) Hypsipyle. Elle a à supporter la colère d'Eurydice, depuis qu'un serpent, fils de la terre, lui a tué Archémore qui était encore à la mamelle (14). Viens aussi, toi, Eunoüs, ayant quitté les champs (15) de la nymphe Asopis, viens pour ramener ta mère dans la divine Lemnos.  

Dans le onzième bas-relief, le roi de l'île de Sériphe, Polydecte est changé en pierre par Persée au moyen de la tête le la Gorgone. Pour épouser sa mère, il avait envoyé Persée à la recherche de la tête de Méduse, et c'est lui qui, suivant les vues de la Justice, reçut la mort qu'il avait tramée contre un autre.
XI. As-tu bien osé, toi aussi, Polydecte, souiller la couche de Danaé ? Ce n'est pas sans déshonorer Jupiter que tu as contracté un tel hymen. Pour te punir, Persée ici découvre la tête de la Gorgone, il te change en pierre, et sa mère est vengée

Dans le douzième bas-relief, Ixion tue Phorbas et Polymède à cause du meurtre accompli sur sa mère Mégare. Elle n'avait voulu épouser ni l'un ni l'autre des deux prétendants, et ceux-ci indignés l'avaient tuée.
XII. Cet Ixion a renversé sur la poussière Phorbas et Polymèle, vengeant ainsi la mort de sa mère.

Le treizième bas-relief représente Hercule conduisant sa mère Alcmène aux Champs-Élysées, la mariant à Rhadamanthe, lui-même étant sans doute rangé parmi les dieux.
XIII. L'intrépide Alcide a remis entre les bras de Rhadamanthe sa mère Alcmène, destinée à l'auguste lit du juge des enfers.

Dans le quatorzième bas-relief Tityus est tué à coups de flèches par Apollon et Diane, pour avoir osé faire violence à Latone, leur mère.
XIV. Téméraire, ivre d'orgueil et de luxure, comment as-tu osé attenter à la couche de la compagne de Jupiter ? Le dieu, comme tu le méritais, t'a laissé dans une mare de sang, en pâture aux bêtes sauvages et aux oiseaux de proie.

Dans le quinzième bas-relief on voit Bellérophon sauvé par son fils Glaucus, lorsque jeté à terre par Pégase dans les champs Aléens, il allait être tué par Mégapenthès, le fils de Proetus.
XV. Fils de Proetus, Bellérophon n'eût pas échappé à ta main meurtrière, s'il eût été sans son fils Glaucus qui lui sauva la vie. Le roi Iobatès n'échappera pas à son funeste sort (16) et ainsi s'est déroulé pour Bellérophon (17) le fil des Parques. Et toi, en accourant près de ton père, tu as repoussé loin de lui la mort, et tu t es montré le témoin de ses glorieuses épreuves (18) [et son vengeur].

Le seizième bas-relief représente Éole et Boeotus, fils de Neptune, délivrant Ménalippe, leur mère, des fers dont son père l'avait chargée, pour la punir de leur avoir donné le jour. 
XVI. Éole et Boeotus, en venant au secours de votre mère, vous avez accompli un acte éclatant d'amour filial ; aussi êtes-vous glorifiés, pour votre courage, l'un dans l'Éolie et l'autre dans la Béotie.

Dans le dix-septième bas-relief on voyait Anapis et Amphinome qui, dans l'éruption du volcan de Sicile, à travers les laves, ne sauvaient que leur père et leur mère, les portant sur leurs épaules et laissant là tout le reste.
XVII. Du feu et de la terre ....

Le dix-huitième bas-relief représente Cléobis et Biton. L'attelage de boeufs qui devait conduire leur mère au temple de Junon, à Argos, tardant trop à venir, d'eux-mêmes ils se mirent sous le joug, et leur mère pour offrir le sacrifice. Celle-ci que cette action avait remplie de joie demanda, dit-on, à la déesse d'accorder à ses fils le plus grand bien que puissent obtenir les hommes ; et la nuit même qui suivit sa prière, ils moururent.
XVIII. Elle n'est point feinte, cette histoire des fils de Cydippe et de leur touchante piété ; la vérité en est l'ornement. La tâche de ces jeunes hommes fut joyeuse et opportune, et ils l'entreprirent par piété filiale. Salut donc, jeunes gens illustres par votre piété jusque chez les morts (19), et puisse votre mémoire survivre à tous les âges !

Dans le dix-neuvième bas-relief, Rémus et Romulus délivrent leur mère Rhéa Silvia des sévices d'Amulius. Mars, qui l'avait enlevée, eut d'elle ces enfants; ils furent exposés, et une louve les allaita. Devenus hommes, ils brisèrent les chaînes de leur mère, fondèrent Rome, et rétablirent sur son trône Numitor.
XIX. Tu mis au monde en secret ces deux enfants, Rémus et Romulus, fruit de ton union avec Mars. Une louve, dans une grotte, les éleva comme une nourrice, et ce sont eux qui t'ont arrachée à de cruels traitements.

(9) Ces bas-reliefs, au nombre de dix-neuf, avaient été décrits, en autant d'épigrammes et en vers élégiaques, par un poète inconnu, dont la poésie est très médiocre, pour ne pas dire mauvaise, mais qui présente, sous une face nouvelle, plusieurs points mythologiques. (Chardon de la Rochelle, Mélanges, t. II, p. 272.) 
(10) Pour venger, si on lit ἀμυνόμενος.
(11)  Au lien de Δέλφον je lis Δέλφοις
(12) Ce trait mythologique a fourni à la statuaire le sujet du fameux groupe de Dircé liée aux cornes d'un taureau, groupe connu sous le nom de Taureau Farnèse. Voy. Clarac, Manuel de l'hist. de l'art, p. 668. 
(13) Au lieu de οἰκέτιν, je lis ἱκέτιν
(14) Au lieu de ᾿Αφοῦθραρ, je lis ἐπ' οὖθαρ (s. ent. ὅντα). 
(15) Au lieu de νέαν κούραν je lis Εὐνο' ἄρουραν.
(16) Au lieu de κρανταγένους ᾿Ιοβάτου, je lis avec Jacobs κῆρα κακὴν δ' οὐδ' ᾿Ιοβάτας.
(17) A Μοιρῶνil faut ajouter τῷδε.
(18) Au lieu de μύθων, je lis μόχθων..
(19) Au lieu de ἱεροῖσιν, je lis ἐνέροισιν.