Anthologie grecque
ÉPIGRAMMES
EXHORTATIVES ET MORALES.
(Édition de Jacobs, t. II, p. 219 ; de Tauchnitz, t. II, p. 269.,
1. LÉONIDAS. - Il est temps de prendre la mer ; car déjà l'hirondelle babillarde est revenue, déjà le doux zéphyr a réchauffé l'air. Les prés sont en fleur, les vents se sont calmés, les flots apaisés se taisent. Lève l'ancre, matelot, détache les amarres, et navigue à toute voile. C'est moi, Priape, le gardien des ports, qui t'engage à partir ; va partout où le commerce t'appelle.
2. ANTIPATER DE SIDON. - Il est temps pour le navire rapide y de prendre la mer. Elle n'est plus sillonnée de vagues pourprées et menaçantes ; déjà l'hirondelle maçonne sous les toits sa demeure arrondie, déjà sourit l'herbe verdoyante des prés. Ainsi donc, matelots, enroulez les amarres toutes ruisselantes, levez l'ancre qui plonge au fond du port , tendez les cordages et déployez les voiles. C'est moi Priape , le fils de Bacchus, le protecteur des rivages, qui vous le dis.
3. ANONYME. - La route qui descend aux enfers est toute droite, soit que tu partes d'Athènes, soit que tu viennes de Méroé. Que ce ne soit pas un chagrin pour toi de mourir loin de ta patrie. Le vent qui porte vers le royaume de Pluton est le même partout, et il souffle de tous côtés.
4. MARCUS ARGENTERIUS. - Détache les longues amarres des vaisseaux bien abrités dans le port, et déployant les voiles qui hâtent la course du navire, hardi commerçant, lance-toi sur les flots. Car l'hiver s'est enfui, et le doux zéphyr vient de calmer les vagues furieuses. Déjà l'hirondelle, pour ses chers petits, construit sa demeure avec de la boue et du chaume ; la terre s'émaille de fleurs. Ainsi donc, confiant dans Priape, prends la mer et va où tu voudras.
5. THYILLUS. - Déjà les hirondelles bâtissent leurs nids ; déjà le zéphyr agite et gonfle les voiles ; déjà les prairies s'émaillent de fleurs, et le détroit ne retentit plus du bruit des vagues. Matelots, enroulez les amarres, ramenez à bord les ancres, déployez les voiles. Voilà ce que moi, Priape, le gardien du port, je recommande à tous ceux qui ont à naviguer pour leur commerce.
6. SATYRUS. - Déjà les tièdes haleines du zéphyr effleurent doucement les prés qui se parent de fleurs. Les abeilles de l'Hymette bourdonnent, et la mer apaisée sourit, n'ayant plus rien à craindra des vents glacés. Allez donc avec confiance, matelot, détachez les amarres, déployez toutes les voiles ; allez où vous appellent les affaires de votre commerce. Le secourable Priape, le dieu protecteur des ports, vous y convie.
7. ARCHIAS. - Sur ce rocher que battent les flots, des matelots m'ont placé, moi Priape, comme gardien du Bosphore de Thrace. Que de fois, passant, je suis venu à leur aide quand ils m'invoquaient, amenant le doux zéphyr dans leurs voiles ! Aussi tu verras que mon autel, et c'est justice, ne manque ni de la fumée des sacrifices ni de couronnes printanières, mais que le feu y brûle sans cesse, que sans cesse l'encens le parfume. Or ce que les dieux préfèrent aux hécatombes, c'est un culte permanent.
8. LE MÊME. - Moi, humble et petit Priape, j'habite une jetée que la mer baigne de ses flots, et jamais les mouettes n'ont eu peur de moi ; avec une tête pointue, et sans pieds, je suis tel que, sur une plage solitaire , pouvaient me sculpter de pauvres pêcheurs ; mais si quelque pêcheur au filet ou à la ligne m'appelle à son secours, j'arrive plus prompt que le vent ; je surveille aussi les navires en péril (001) sur les flots. Assurément c'est par leurs services, non par leur forme, que les dieux se font connaître [et aimer].
9. ANONYME. - Pêcheurs, qui avez garni de ses avirons la petite barque,... [implorez-moi, moi] Priape, dont la statue peu haute est dominée par les joncs ; puis allez déployer en mer vos filets ; et lorsque vous aurez pris beaucoup de bogues et de scares, sans parler des sardines, honorez le dieu glauque, placé dans la forêt [de joncs], qui vous signale la proie, et offrez-lui une assez bonne part de votre pêche.
10. ARCHIAS LE JEUNE. - Les pécheurs m'ont placé sur cette roche unie (002), moi Pan, le Pan protecteur des rivages, ici le gardien de criques d'un accès facile. Aussi je prends soin tantôt des nasses et des filets, tantôt des pêcheurs mêmes de ces parages. Allons, étranger, double cette roche et longe la côte. En reconnaissance de l'hommage (003) que j'ai reçu, je t'enverrai en poupe un vent doux et propice.
11. SATYRUS. - Soit que, ayant enduit de glu les roseaux où se percheront les oiseaux, tu ailles sur la montagne, soit qu'en plaine tu fasses la guerre au lièvre, invoque Pan : au chien Pan révèle la trace du pied velu ; Pan élève et soutient en équilibre l'échafaudacge des gluaux.
12. ANONYME. - Venez ici, voyageurs, sous ce genévrier ; auprès de l'Hermès qui garde le chemin, reposez-vous un peu de vos fatigues, non tous indistinctement, mais vous qui, après une longue marche, souffrez de la fatigue et de la soif. Car il y a un banc, des brises rafraîchissantes ; et sous le rocher une source qui murmure réparera vos forces par le sommeil. Mais, après avoir ainsi échappé aux dévorantes ardeurs du Sirius, comme il est juste, honorez Hermès, le protecteur des routes [et des voyageurs].
13. SATYRUS. - Quelle belle chose que les lauriers ! Quelle belle chose qu'une eau qui jaillit de dessous des racines, qu'un bois épais et sombre, parfumé par des fleurs, rafraîchi par les zéphyrs ! C'est pour les voyageurs une ressource contre la soif, contre la fatigue, contre les feux du soleil.
14. AGATHIAS. - La mer est calme et d'azur ; car le vent ne blanchit pas les flots d'une écume menaçante. Les vagues, qui ne se brisent. plus sur les écueils, refluent vers la haute mer et se nivellent. Les zéphyrs soufflent ; l'hirondelle chante en bâtissant son nid de chaume et d'argile. Prends confiance, homme de mer, soit que tu navigues près de la Syrte, soit que tu franchisses le détroit de Sicile. Seulement, sur les autels de Priape, gardien des ports, sacrifie et brille ou un scare ou des bogues aux écailles de pourpre.
15. PAUL LE SILENTIAIRE. - Déjà le printemps qui charme les coeurs, qui embellit la terre, a ouvert aux zéphyrs le sein longtemps fermé des mers. Les navires qu'on avait retirés sur la plage viennent de glisser sur des cylindres de chêne, et se balancent sur les flots. Déployez les voiles, et partez sans crainte, armateurs qu'appelle au loin le fructueux échange de nos produits. Je n'ai point oublié que Bacchus, mon père, a reçu l'hospitalité de Thétis. Aussi, moi Priape, je protège les marins.
16. THÉÉTÈTE. - Déjà, pour l'abondante moisson, s'échappent les premières feuilles de leurs enveloppes rosées ; déjà, sur les rameaux symétriquement étagés des cyprès, la cigale charme de ses chants mélodieux le [futur moissonneur], et l'hirondelle, pour ses chers petits, construit sous les toits sa demeure d'argile. La mer semble dormir au souffle caressant du zéphyr, et sur les flots règnent le calme et la sérénité : les vagues ne brisent plus les ornements de la poupe et ne rejaillissent plus en écume sur les récifs. Matelots, en l'honneur de Priape qui surveille la plage et qui ouvre les ports, brûlez sur ses autels la sèche ou le mulet, fleurs marines, ou le scare à la voix sonore, et sans crainte parcourez en tous sens les parages de la mer d'Ionie.
17. ANTIPHILE. - Dieu du port, ô Priape, envoie un bon vent pour enfler les voiles d'Archélaüs en partance (004) et pousser son esquif jusqu'à la haute mer ; et du haut des falaises où tu règnes protège ma navigation et guide-moi au port de Pytho. De là, si tous les poètes sont les favoris d'Apollon, j'achèverai le voyage avec confiance au souffle du zéphyr.
18. ARGENTARIUS. - Gobrys, que Bacchus, que l'aimable Cypris, que les douces et doctes Muses charment ta vie : des Muses reçois les fruits de la sagesse ; avec Cypris vole aux amours ; avec Bacchus vide à longs traits les coupes qu'il aime.
19. APOLLONIDAS. - Caius coupe aujourd'hui, pour la première fois, la douce moisson de tes joues et les jeunes pousses de ton menton. Ton père Lucius recevra dans sa main ce duvet si désiré qui doit croître encore pendant bien des années. D'autres t'offrent de riches présents ; moi, je t'offre de gracieux distiques : la poésie vaut bien de l'or.
20. ADDÉE. - Si tu vois un beau garçon, que l'affaire soit arrangée à l'instant ; dis ce que tu veux, et des deux main prodigue les serments (005). Mais si tu dis : "Je t'estime et je serai pour toi comme un frère," sa pudeur te fermera la voie au but convoité.
21. PHILODEME. - 0 Vénus, bonne et paisible déesse, protectrice de l'hymen, la secourable alliée des gens de bien et la mère des Amours aux ailes rapides, Vénus, sois-moi prospère. Je suis arraché du lit parfumé d'une épouse, et tout glacé par les frimas de la Gaule. O Vénus, j'aime la paix, l'équité ; je ne parle jamais avec arrogance, et je suis ballotté sur les flots de ta mer orageuse ! O Vénus, tu aimes aussi le repos, la joie; sauve-moi donc, ô Vénus , ô ma déesse, et conduis-moi au port, près de ma Naïs.
22. BIANOR. - Ne marche pas pieds nus dans les sentiers de ces bois ; méfie-toi des serpents d'Égypte, oiseleur aux gluaux, et toi qui chasses les oiseaux avec l'arc, prends garde au venin (006) qui part de terre.
23. AUTOMÉDON. - Nicétas (007), avec modération, avec douceur, et comme une brise qui se joue dans les cordages, commence son discours. Puis le vent souffle plus fort, la voile se gonfle, la nef court à travers les flots. Ainsi de notre orateur, jusqu'à ce qu'il arrive au terme de son discours, comme le marin et sa riche cargaison dans le port.
24. CRINAGORAS. - Neptune, sublime et divin esprit, tu es, de plus, doux et propice à bien d'autres navigateurs qui traversent la mer Égée. Quant à moi, Aspasius, que poursuivait un vent de Thrace, je te dois le refuge d'un port que tu m'as offert.
25. ANTIPATER. - Apollon, protecteur des ports de Céphallénie, ô toi qui habites la plage de Panorme (008), en face de la rocheuse Ithaque, accorde-moi d'aller en Asie à travers une mer propice, sur le beau navire où j'accompagne Pison, et rends notre puissant empereur (009) favorable à mon patron, favorable aussi à mes vers.
26. LUCIEN. - Comme si tu devais bientôt mourir, jouis de ton bien ; et comme si tu devais toujours vivre, ménage-le. L'homme sage est celui qui, ne perdant pas de vue ces deus préceptes, tient un juste milieu entre l'épargne et la dépense.
27. LE MÊME. - Coupable d'une mauvaise action, peut-étre échapperas-tu aux regards des hommes ; mais tu ne déroberas pas même ta pensée aux regards des dieux.
28. LE MÊME. - Pour ceux qui sont heureux la vie la plus longue est trop courte ; mais aux malheureux une seule nuit paraît d'une durée sans fin (010).
29. LE MÊME. - L'amour n'a pas de tort vis-à-vis de l'espèce humaine ; mais aux âmes dépravées l'amour sert d'occasion pour mal faire.
30. ANONYME. - Les promptes faveurs sont les plus douces. Toute faveur qui se fait attendre perd de son prix et n'est plus une faveur.
31. LUCIEN. - Mortels sont les biens des mortels, et tous ils nous échappent; sinon, c'est nous qui leur échappons.
32. PALLADAS. - Que de choses entre la coupe et les lèvres (011) !
33. ANONYME. - Il est beau de dire toujours du bien de tout le monde ; il est affreux d'en dire toujours du mal, même quand les gens méritent ce que nous en disons.
34. PALLADAS. - Si vos soucis doivent vous être de quelque profit, ayez des soucis ; mais à quoi bon vos soucis, si Dieu a souci de vous ? Sans la volonté de Dieu , pour vous point de soucis, point de bonheur. Ainsi, pour être hors de souci, laissez-en le souci à Dieu (012).
35. LUCIEN. - Heureux, tu as pour amis les hommes, tu as pour amis les dieux ; oui, les dieux prêtent une oreille plus facile à tes prières. Mais éprouves-tu quelque échec, personne n'est plus ton ami. Tout à la fois te devient hostile, et change avec le vent de la fortune.
36. LE MÊME. - La nature n'a rien créé de plus funeste ici-bas qu'un homme qui affecte les dehors menteurs d'une franche amitié, car nous ne nous en méfions plus comme d'un ennemi, mais comme un ami nous l'aimons ; et par là nous sommes bien davantage dupes et victimes.
37. LE MÊME. - Une résolution lentement méditée est de beaucoup la meilleure ; celle qui est prise trop à la hâte traîne toujours à sa suite le repentir.
38. DENYS. - Il est une saison pour aimer, une saison pour se marier, une saison pour se reposer.
39. ANONYME. - C'est un grand trésor qu'un ami vertueux, Héliodore, pour celui qui sait le conserver.
40. ANONYME. - Ne laissez pas là l'ami présent pour en chercher un autre, en ajoutant foi à des propos de lâche médisance.
41. LUCIEN. - La richesse de l'âme est la seule richesse véritable ; tous les autres biens sont remplis de soucis et d'amertume. Il est juste d'appeler riche, très riche, celui qui sait user des dons de la fortune ; mais celui qui se consume sur des chiffres, qui entasse sans cesse écus sur écus, celui-là travaille comme l'abeille dans la ruche, faisant du miel que d'autres recueilleront.
42. LE MÊME. - Mets un sceau sur tes lèvres pour qu'il ne s'en échappe aucune de ces paroles qui ne doivent pas être dites. Il est plus important de veiller sur elles que sur un trésor.
43. ANONYME. - Six heures sont très suffisantes pour les travaux ; les heures qui viennent après (013), par les lettres qui les désignent, disent aux mortels dzêthi, reposez-vous, jouissez de la vie.
44. PALLADAS. - Donnez-vous quelque chose, aussitôt on vous appelle Domine frater, seigneur mon frère ; si vous ne donnez rien, on dira frater tout court ; car toutes ces dénominations s'achètent. Pour moi, je ne veux pas du domine (014), car je n'ai rien à donner.
45. LE MÊME. - O homme, si tu te souvenais par quel acte ton père t'a donné la vie, tu aurais moins de vanité. Mais le rêveur Platon t'a gonflé d'orgueil en te disant immortel, en t'appelant une plante céleste. Tu as été formé de boue. De quoi es-tu si fier ? C'est ce que disent ceux mêmes qui veulent embellir ton origine. Mais de fait et pour dire le vrai, tu es né d'un accès de débauche et d'une dégoûtante aspersion.
46. PALLADAS. - La grande science dans ce monde, c'est de se taire : j'en ai pour preuve le sage Pythagore lui-même, qui, habile à parler, enseignait à ses disciples le silence, ayant trouvé ainsi le meilleur remède pour avoir le repos.
47. LE MÊME. - Mangez, buvez, narguez le chagrin. Ce n'est point par le jeûne qu'il faut pleurer les morts, a dit Homère (015), et il nous rappelle aussi que Niobé (016), après avoir enterré à la fois douze enfants, songea à prendre quelque nourriture.
48. LE MÊME. - Que jamais la femme, de servante, ne devienne maîtresse ; c'est proverbial. Je dirai de même que jamais l'avocat ne devienne juge, eût-il plus d'éloquence qu'Isocrate. Car tout homme habitué à un salaire ne peut rendre la justice à d'anciens confrères avec intégrité, avec dignité.
49. PALLADAS. - On dit que les fourmis et les moucherons ont des accès de colère : ainsi la colère s'empare des plus vils animaux. Et vous exigez qu'abjurant ce sentiment, je me laisse attaquer par tout le monde et que je n'oppose même pas quelques innocentes paroles aux actes les plus offensants ! Autant vaudrait me bâillonner avec des touffes de jonc et m'étouffer.
50. LE MÊME. - Je ne dis pas, comme on le lit dans Homère (017), que Circé changeait en pourceaux ou en loups les hommes qui l'approchaient. Mais, étant une artificieuse courtisane, elle ruinait ceux qu'elle avait pris dans ses filets. Elle leur faisait perdre la tête ; et, quand ils n'avaient plus rien à eux, elle les nourrissait chez elle en les parquant comme des animaux. Mais Ulysse, qui était sage, échappant à une frivole passion (018), n'eut pas besoin de l'aide de Mercure, et n'invoqua que la raison, don de sa propre nature, le meilleur contre-poison de la séduction et de la magie.
57 . LE MÊME. - Il vaut mieux, selon Pindare (019), faire envie que pitié. L'envie s'attache aux gens fortunés, et la pitié aux misérables. Quant à moi, je voudrais nôtre ni trop heureux ni trop à plaindre. Entre les deux est le meilleur ; car il y a péril à s'élever trop haut, il y a honte à descendre trop bas.
52. LE MÊME. - Bravo ! Ménandre, bravo ! tu as fait un dieu du Hasard (020), en vrai nourrisson des Muses et des Grâces. Souvent, en effet, le hasard fait surgir je ne sais quoi d'inattendu qui vaut mieux que tout ce qu'on a le plus fortement médité.
53. LE MÊME. - Quand je vois les homicides prospérer, je ne m'en étonne pas : c'est le fait de Jupiter. Il aurait lui-même égorgé son père qu'il haïssait, si par hasard Saturne eût été mortel. Ne pouvant le tuer, il l'a confondu avec les Titans, puni et enchaîné, comme un voleur, au fond des enfers.
54. LE MÊME. - La phthisie seule n'amène pas la mort ; bien souvent l'embonpoint a le même résultat, comme on le voit par la fin de Denys (021), tyran d'Héraclée, dans le Pont, que la graisse a étouffé.
55. LE MÊME. - Si tu te vantes de ne pas obéir aux ordres de ta femme, tu déraisonnes. Car tu n'es ni de chêne ni de marbre, comme on dit. Ce que par nécessité nous souffrons presque tous, ou plutôt tous, toi aussi tu le souffres : tu es sous la domination de ta femme. Que si tu me dis : "Elle ne me donne point des coups de sa sandale ; elle n'est point d'une conduite dissolue ; je n'ai pas à supporter mon déshonneur en silence," alors je réponds que ton esclavage est modéré, puisqu'au moins tu as été vendu à une maîtresse sage et pas trop méchante.
56. LE MÊME. - Il n'y a point de signe manifeste de chasteté. Je le dis pour les maris. La laideur n'est pas même toujours à l'abri du soupçon, et les femmes jolies ne sont pas toutes coupables. Telle femme, en effet, ne cède pas aux riches présents qu'on offre à sa beauté, et l'on en voit beaucoup d'autres, sans être belles, qui ne se lassent pas d'accueillir et de combler de dons les hommes qu'elles recherchent. Celle qui fronce les sourcils et ne rit jamais ne présente pas pour cela plus de garantie de sagesse : l'apparente austérité fait place souvent à une mystérieuse licence ; et souvent, au contraire, l'enjouement et la grâce accompagnent la chasteté, si toutefois il y eut jamais une femme complètement chaste. - Au moins, tout cesse avec la jeunesse (022). - Non, la vieillesse ne donne pas la paix des passions. - Eh bien ! fions-nous aux serments. - Cherche donc alors douze nouveaux dieux pour punir les parjures.
57. LE MÊME. - Dieu maudisse le ventre et tout ce qu'il faut pour le nourrir ! Car c'est par là que la tempérance et la chasteté périssent.
58. LE MÊME. - Je suis venu sur la terre nu, et nu je m'en irai sous la terre : pourquoi me donnerais-je en pure perte tant de peines, avec la perspective d'être toujours nu ?
59. LE MÊME. - L'attente de la mort est une douloureuse anxiété, et la mort elle-même nous en délivre. Ne pleure donc pas celui qui sort de la vie (023), car après le trépas il n'y a plus de souffrance.
60. PALLADAS. - Tu es riche ; eh bien, après ? en t'en allant, emporteras-tu tes richesses, les encoffrant dans ton cercueil ? Tu dépenses ta vie à entasser de l'or ; mais tu ne peux entasser plus de vie qu'il ne t'en a été mesuré.
61. LE MÊME. - Fuyez les enrichis, gens sans pudeur, tyrans domestiques, qui haïssent la pauvreté, mère de la sagesse.
62. LE MÊME. - La Fortune ne connaît ni raison ni loi ; elle tyrannise les humains, entraînant tout dans son cours capricieux. De préférence, elle incline vers les méchants, elle hait les bons, comme pour montrer sa puissance aveugle et brutale.
63. LE MÊME. - L'homme pauvre, n'ayant jamais vécu, ne meurt pas ; car, paraissant vivre, il était comme mort, le mal heureux. Mais pour ceux qui ont en partage les honneurs et la richesse, pour ceux-là la mort est la fin de la vie.
64. AGATHIAS. - Qu'est devenu ton orgueil insolent ? où sont allés tout à coup les nombreux flatteurs qui t'escortaient ? Voici que maintenant, loin de Constantinople, tu pars pour l'exil. La Fortune a donné raison contre toi aux malheureux [qui t'accusaient]. O Fortune. qui viens de te distinguer par une belle couvre, grâces te soient rendues, parce que tu te joues également de nous tous et que tu nous procures encore quelque agrément.
65. PALLADAS. - La vie est une navigation périlleuse, à la merci des orages ; souvent nous échouons plus misérablement que des naufragés. N'ayant d'autre pilote que la Fortune, comme sur l'Océan, nous naviguons au hasard, les uns avec des vents propices, les autres par des temps horribles ; mais tous ensemble nous arrivons à un même port, le royaume de Pluton.
66. AGATHIAS. - Lorsqu'un indigent passe de la misère à la richesse, aux dignités, il ne se rappelle plus ce qu'il était auparavant. Les anciennes amitiés, il les renie, et dans son fol orgueil il ne se méfie pas des jeux et des caprices de la Fortune. Naguère, en effet, tu étais pauvre, et tu ne veux pas, ayant demandé des croûtes de pain, en donner aux autres. Ainsi tout passe ici-bas ; et si tu en doutes, puisses-tu, mendiant de nouveau, te servir à toi-mëme d'exemple !
67. MACÉDONIUS. - Souvenir et oubli , soyez les bienvenus, l'un, le souvenir, pour tout ce qui est bon, l'autre, pour les chagrins et les maux !
68. AGATHIAS. - Il est beau d'avoir l'esprit et la chasteté du célibat ; mais, si la nécessité le veut que jamais l'amour masculin n'émeuve tes sens. Aimer les femmes est un mal léger, puisque l'auguste Nature les a douées de tous les charmes d'Aphrodite. Vois les animaux privés de raison : aucun d'eux n'outrage les lois du mariage. Le mâle, en effet, s'unit à la femelle ; mais les malheureux hommes forment entre eux des hymens étranges, abominables.
69. LE MÊME. - Pourquoi redoutez-vous la mort qui engendre le repos qui est un terme aux maladies, à la douloureuse pauvreté ? Elle ne vient qu'une fois visiter les mortels, et jamais mortel ne l'a vue venir deux fois. Mais les maladies, elles sont nombreuses, variées à l'infini, visitant tantôt l'un, tantôt l'autre, et se succédant sans cesse.
70. MACÉDONIUS. - Si les Espérances, compagnes de la Fortune qui n'accorde ses faveurs qu'à de longs intervalles, se jouent de la vie humaine, je sois joué puisque je suis homme. Je sais bien que je suis mortel, et que des espérances à longs termes m'abusent ; mais je me complais dans mes illusions, et je ne voudrais pas être pour me juger, un sévère censeur, un Aristote; car je garde dans mon coeur les conseils d'Anacréon : "Il faut bannir les soucis (024)."
71. LE MÊME. - Je ris de la boîte que porte Pandore (025), et je n'accuse pas la pauvre femme ; mais je m'afflige de ce que les biens avaient des ailes ; car, lorsqu'ils s'envolèrent au séjour de l'Olympe, quittant les demeures des hommes, plût au ciel qu'il en fût tombé quelques-uns sur la terre ! Mais après avoir levé le couvercle, Pandore pâlit de peur, ayant perdu la beauté, les grâces dont elle avait été douée. Et maintenant la vie a un double désavantage : la femme vieillit plus vite, et la boîte n'a plus rien.
72. PALLADAS. - La vie est un théâtre et un jeu : ou apprenez à jouer, laissant là toute idée sérieuse, ou bien sachez supporter le malheur.
73. LE MÊME. - Si la Fortune te porte et te pousse, ne la repousse pas, supporte-la. Que si tu te fâches, si tu te désoles, elle (026) ne t'en emporte pas moins.
74. PAUL LE SILENTIAIRE. - Ne te laisse pas emporter aux brises caressantes de la Fortune, et ne permets pas aux soucis d'abattre ton âme fière et libre. Car toute la vie est agitée par des vents variables qui sans cesse la poussent tantôt d'un côté tantôt d'un autre ; mais la vertu est quelque chose de fixe et d'immuable, et c'est avec elle seule que tu traverseras sûrement la mer orageuse de la vie.
75. PALLADAS. - Tous tant que nous sommes, nous ne vivons, nous ne voyons la lumière du soleil qu'en aspirant par les narines un air subtil ; nous sommes des instruments qu'animent des haleines vivifiantes. Si donc on venait à arrêter avec la main cette faible respiration, la vie serait éteinte, et l'on descendrait chez les morts. Tel est notre néant, et pourtant nous nous gorgeons d'orgueil, nous qui ne vivons que d'un petit souffle d'air.
76. PAUL LE SILENTIAIRE. - La vie a par elle-même peu de charmes, à moins qu'on lie bannisse de son tueur les soucis qui blanchissent les cheveux. De la richesse je ne désire que le nécessaire; l'excessive cupidité, l'amour de l'or rongent l'âme et la torturent. Aussi trouvera-t-on souvent qu'ici-bas la pauvreté vaut mieux que l'opulence, et que la mort est préférable à la vie. Sachant cela, rends droites les voies de ton coeur, et fige tes yeux sur un seul but : la sagesse.
77. PALLADAS. - O hommes, pourquoi tant de soins inutiles, tant de troubles, étant esclaves du Sort par la naissance ? Livrezvous à ce dieu, ne luttez point contre lui. Aimer sa destinée, c'est aimer son repos. Mieux encore, malgré le Sort, s'il est possible, efforcez-vous de procurer à votre âme les enchantements de la joie.
78. LE MÊME. - Trêve aux pleurs, aux chagrins ! Tu as bien peu de temps à rester ici-bas, comparé à celui que tu passeras chez les morts. Ainsi donc, avant d'être jeté dans le fosse, avant d'y devenir la proie des vers, ne tourmente pas ton âme comme déjà condamnée, et cela quand tu vis encore.
79. LE MÊME. - Nous renaissons chaque matin, jour par jour, ne gardant rien de notre existence écoulée. Étrangers à notre vie d'hier, nous recommençons aujourd'hui à vivre. Ne te vante donc pas de tes longues années ; car elles sont passées, et ne t'appartiennent plus aujourd'hui.
80. PALLADAS. - La vie de l'homme, misérable, vagabonde, ballottée entre la richesse et la pauvreté, est le jouet de la Fortune. Ceux qu'elle avait abattus, elle les élève de nouveau comme un ballon, et d'autres qu'elle avait portés aux cieux ; elles les précipite au sombre abîme (027).
81. LE MÊME. - O courtes délices de la vie ! déplorez la rapidité du temps. Tandis que nous vivons dans la peine ou dans la joie, livrés au plaisir ou au sommeil, le temps vole et se précipite , il se rue contre nous, infortunés mortels, apportant à chacun la ruine et la fin de ses jours.
82. LE MÊME. - Bien que nous ne soyons pas encore morts (028), nous n'avons cependant de la vie que l'apparence, pauvres Grecs que le malheur accable. Ce qui n'est qu'un songe nous le prenons pour la vie ; nous ne vivons plus ; chez nous la vie est morte.
83. LE MÊME. - La sagesse chez les riches n'est qu'un accident, l'ennui est une nécessité. Ils ont un entourage bariolé et force (029) flatteurs.
84. LE MÊME. - Je suis né en pleurant et en pleurant je meurs. Dans toute la vie je n'ai trouvé que des larmes. O race humaine pleureuse, sans force et pitoyable, entraînée vers la tombe et là réduite en poussière !
85. LE MÊME. - Nous sommes réservés et nourris pour la mort, comme ces troupes de pourceaux brutalement égorgés.
86. LE MÊME. - Je nourris, non splendidement, mais cependant je nourris des enfants, une femme, un esclave, des poules, un chien. C'est que jamais parasite n'a mis le pied dans ma maison.
87. LE MÊME. - Rions de cette vie qui nous échappe comme un esclave fugitif, et de la Fortune, qui a des caprices de courtisane ; sinon, nous nous forgerons sans cesse des chagrins, en voyant que les moins dignes sont les plus heureux.
88. PALLADAS. - Le corps est le tourment de l'âme. son enfer, sa Parque, son fardeau, sa nécessité, sa chaîne, son châtiment, son fléau ; mais lorsqu'elle sort du corps, comme des liens de la mort même, elle se réfugie dans le sein d'un dieu éternel.
89. LE MÊME. - Si la Renommée est une déesse, elle aussi est irritée contre les Grecs et les trompe par de fausses rumeurs. Éprouve-t-on un malheur, la Renommée se montre bien vite vraie ; souvent aussi la triste réalité devance la Renommée (030).
90. LE MÊME. - O grande méchanceté de l'envie ! Elle hait l'homme heureux que Dieu aime. Ainsi elle a égaré nos esprits, ainsi par ses folies elle a préparé notre esclavage. Grecs infortunés que nous sommes, cendre et poussière ! Nos espérances sont évanouies ou mortes ; car aujourd'hui chez nous tout est confusion et ruine.
91. LE MÊME. - Il fait un acte d'insigne folie celui qui hait l'homme que Dieu aime. Car évidemment il se déclare contre Dieu lui-même par cette manifestation de haine, oeuvre de l'envie. Oui, il faut aimer l'homme aimé de Dieu.
92. LE MÊME. - Au juge impartial, à l'orateur intègre, moi aussi j'offre l'hommage de ma muse, une épigramme sérieuse et loyale, pleine de franchise. Oui, celui (031) qui te chante paraît moins te célébrer que la Justice même.
93. LE MÊME. - Même pour les malheureux mieux vaut supporter les rigueurs de la Fortune que l'arrogance des riches.
94. LE MÊME. - Je pense que Dieu aussi est philosophe, lui qui ne s'irrite pas sur-le-champ des blasphèmes, mais qui, en temporisant, augmente les châtiments des coupables et malheureux mortels.
95. LE MÊME. - Je hais l'homme à double face, affectueux dans ses paroles, hostile dans ses actes.
96. LE MÊME. - Lorsque, livré à mes réflexions, j'examine les choses de ce monde, les importunes vicissitudes de la vie, le flot trompeur de l'inconstante Fortune, par quelle manoeuvre elle fait les pauvres riches et dépouille les riches de leurs biens, alors, étourdi de ses caprices, mon esprit se trouble, et je prends tout en haine, à cause de tant d'incertitude. Par quel moyen, en effet, maîtriserai-je la Fortune, qui, de sa cachette, nous épie et nous surprend, ayant toutes les allures d'une courtisane ?
97. LE MÊME. - Après avoir péniblement vécu soixante-douze ans (032) avec la grammaire, je suis envoyé chez Pluton pour être sénateur (033) des morts.
98. LE MÊME. - Tout homme sans instruction agit très sagement s'il garde le silence, s'il cache son ignorance comme une plaie honteuse.
99. LE MÊME. - J'ai souvent mis dans la même balance (034) votre insolence et votre amitié, et ayant trouvé votre amitié beaucoup plus légère et vos injures plus pesantes, je me suis séparé de vous, ne pouvant plus supporter vos outrageants procédés.
100. ANTIPHANE. - Elle est bien courte la vie tout entière que nous traînons ici-bas misérablement, si même nous arrivons à la blanche vieillesse. Mais le temps de la jeunesse est plus court encore. Donc, lorsque pour nous brille cet âge fleuri, que tout soit à profusion, chants, amour, banquets. Survient ensuite le rude hiver de la vieillesse ; et alors une jeune esclave du prix de dix mines ne t'émoustillerait pas ; tant est piteux l'état de tes affaires !
101. BIANOR. - Voici une génisse qui à la fois traîne l'instrument de labourage, et conduit un petit veau qui tette encorre, craignant le bouvier qui la mène, et attendant le petit, également soigneuse de l'un et l'autre devoir. Un peu de patience, infatigable laboureur, ne malmène pas cette pauvre bête que doublement surcharge un double labeur.
102. BASSUS. - Que la violente mer ne m'emporte pas sur ses vagues ; je n'aimerais pas non plus l'immobilité d'une mer paresseuse. Un juste milieu, voilà la perfection. C'est aussi ce que je voudrais trouver dans les affaires du monde. Aime-la, cher Lampis, cette juste mesure. Évite les tempêtes funestes : il y a aussi dans la vie de doux zéphyrs.
103. - BASSUS. - Ne regarde pas la figue (035) précoce, ne passe pas auprès. [Évite d'être tenté, mais] va-t'en maintenant avec ta drachme au marché aux tripes. Avec une drachme on ne peut avoir qu'une figue ; attends un peu, et tu en auras mille : pour les pauvres gens le temps est une providence.
104. CRATÈS. - Salut, déesse, ma souveraine, délices des gens de bien, Frugalité, fille de l'illustre Sagesse; ils te vénèrent, ils t'honorent, tous ceux qui aiment et pratiquent la justice.
105. SIMONIDE. - Théodore se réjouit (036) parce que je suis mort ; un autre se réjouira à son sujet. Tous nous sommes dus (037) à la mort.
106. - ANONYME. Proverbe sur ceux qui jouissent d'une réputation non méritée. - Beaucoup portent des tiges de férules, mais bien peu sont inspirés par Bacchus.
107. EURIPIDE. - En dehors de Dieu il n'y a de bonheur pour aucun homme .... Que de diversité, que d'inégalités dans les fortunes des humains ! les uns, en effet, sont heureux, et d'autres sont accablés de calamités, malgré leur piété envers les dieux.
108. ANONYME. - Puissant Jupiter, que nous te le demandions, que nous ne te le demandions pas, accorde-nous ce qui peut nous rendre heureux ; mais ce qui peut nous être nuisible, refuse-le même à nos prières (038).
109. ANONYME. - L'intention est nulle si elle n'est point suivie du fait ; et dans toute action le fait est tenu pour l'intention.
110. ESCHYLE. - Il ne faut pas élever un lionceau dans une ville ; encore moins faut-il y nourrir un lion. Mais si un lion y a été élevé, il faut obéir à ses caprices et flatter ses instincts (039).
111. ANONYME. - L'Envie se perce elle-même de ses propres traits.
112. ANONYME. - Le vin, les bains et les plaisirs de Vénus conduisent aux Enfers par la voie la plus courte.
113. ANONYME. - Je ne veux pas être riche, je ne souhaite pas l'opulence ; mais puissé-je vivre de peu, exempt de tout mal !
114. ANONYME. - Certes il y a des peines aux enfers, il y a le supplice de Tantale. Je n'en doute pas : ma pauvreté me révèle les châtiments de la vie future.
115. ANONYME. - Vis en calculant, et tu ne seras jamais dans le besoin.
116 ANONYME. - Le mariage, c'est l'orage, c'est la tempête. Tout le monde le sait et le dit, et tout le monde se marie.
117. PHOCYLIDE. - Je suis un ami sincère, et je traite mon ami comme un ami ; mais les méchants, je les déteste tous, sans exception. Je ne flatte personne hypocritement ; mais ceux que j'estime, ceux-là depuis le commencement jusqu'à la fin je les aime.
118. ANONYME. - Comment suis-je né ? d'où suis-je ? pourquoi suis-je venu ? Pour m'en aller. Comment puis-je savoir quelque chose, n'ayant rien appris ? Je n'étais rien. De nouveau je ne serai rien comme devant, car la race humaine n'est rien, absolument rien. Allons ! prépare-moi la charmante liqueur de Bacchus : c'est là l'antidote de tous les maux.
119. ANONYME. - Nourrir beaucoup de bouches et bâtir beaucoup de maisons, c'est la voie la plus sûre pour arriver à la pauvreté.
120. NONNUS. - La femme aime plus que l'homme ; mais par pudeur elle cache l'ardeur de son amour, toute passionnée qu'elle est (040).
121. RHIANUS OU PALLADAS. - Celui qui hait et l'avoue franchement ne fait pas autant de mal que celui qui simule une affection sincère. Prévenu, on se tient en garde contre la haine ; mais on ne se méfie pas de l'homme qui proteste de son amitié. Je considère, moi, comme un ennemi mortel, celui qui en secret abuse de ma confiance dans son amitié pour me nuire.
122. LUCILLIUS. - Que ne peut la Fortune, en dépit de notre attente et de nos voeux ! Elle élève les petits, elle abaisse les grands. Ton orgueil, ton faste, elle les abattra, quand bien même un fleuve te prodiguerait ses paillettes d'or. Le vent ne renverse jamais ni le jonc ni la mousse, mais il jette à bas les grands chênes et les hauts platanes (041).
123. ÉSOPE. - Comment sans la mort t'échapperait-on, ô vie ? Infinies sont, en effet, tes peines, et il est aussi difficile de s'y soustraire que de les supporter. Sans doute il y a des beautés et des charmes dans les biens de la nature, dans la terre, la mer, les astres, la lune et le soleil ; mais tout le reste n'est qu'épouvante et douleur ; et si, par aventure, il nous arrive quelque bonheur, Némésis est là qui épie sa revanche.
124. GLYCON. - Tout est dérision tout est poussière, tout est néant ; car tout ce qui existe dépend de l'aveugle Fortune .... Les enfants sont une cause de soucis : s'il leur arrive malheur. quelle affliction ! et s'ils vivent, c'est un souci permanent. Une épouse bonne et tendre a en elle-même un certain agrément ; mais pour le mari d'une méchante femme combien la vie est amère !
125. ANONYME. - L'amitié sincère est chose rare et difficile. Il y a beaucoup d'amis ; et presque tous le sont juste assez pour se dire bonjour.
126. ANONYME. - Un serviteur serviable est pour le maître qui l'emploie quelque chose de très bon ; mais celui qui s'en passe est bien mieux encore exempt de mécompte et d'ennuis (042).
(001) Au lieu de theonta lisez pathonta.
(002) En lisant avec Huschke tonde petrês epi lissados.
(003) Lisez eupoiês ou eunoiês.
(004) Lisez oichomenëi othonê.
(005) Mieux : Utraque manu illius verpulum (legendo orcheôn) contrecta.
(006) Jeu de mot sur ion, qui signifie flèche et venin.
(007) Ce Nicétas Sacerdos est cité comme un rhéteur distingué de son temps par Pline le Jeune, Lettres, VI, VI.
(008) Port de Céphallénie, aujourd'hui Céphalonie.
(009) Tibère.
(010) Nux. Que la nuit semble longue à la douleur qui veille ! Saurin.
(011) Voy. Lycophron, 489. Cf. Aulu-Gelle, Noct. Att., XIII, 1.
(012) Quelle décadence de goût !
(013) La septième Z, la huitième H, la neuvième TH, la dixième I.
(014) La plaisanterie, si jocus est ! consiste dans la similitude des sons domine et domenai.
(015) Iliade, XIX, 225.
(016) Iliade, XXIV, 601.
(017) Odyssée X, 212.
(018) Au lieu de neotêta lisez kenotêta, et dôrêma au lieu de emphrona.
(019) Pythiques, I, 16 .
(020) Tautomaton estin hôs eoike pou theos. Ménandre.
(021) Voy. Athénée, XII, p. 549.
(022) En lisant toinun tade krinetai.
(023) Au lieu de aperchomenon lisez apoichomenon.
(024) Anacréon 244 : Methete me, phrontides, ktl.
(025) Voy. Hésiode Oeuvres et Jours, 95.
(026) To pheron, c'est hê anagkê.
(027) Cf. Horace. 0d., I, 35,
(028) Au lieu de ara mê lisez mêpô, et ou dzômen au lieu de ei dzômen.
(029) En lisant agelê au lieu de anagkê.
(030) Cette épigramme semble tronquée. J'ajouterais : mais qu'une nouvelle soit heureuse, la Renommée ne se pressera pas pour la divulguer.
(031) Au lieu de lire ou gar, llisez ho gar et humnous cheei an lieu de hupnous echei.
(032) Litran. Dans la livre d'or on frappait 72 aurei (nummi), sous les premiers empereurs chrétiens.
(033) Le poète, à ce qu'il paraît, ne put être sénateur dans son municipe, et c'était une croyance que les espérances déçues ici-bas se réalisaient dans l'autre monde.
(034) En lisant exêtassa au lieu de exesrêsa.
(035) Au lieu de proteron thumelên lisez avec Jacobs proïmon phibalin.
(036) A titre d'héritier.
(037) Debemur morti nos nostraque. Horace, ad Pisones.
(038) "Cette prière me paraît très belle et très sûre," dit Socrate dans le Second Alcibiade de Platon, IX.
(039) Tiré des Grenouilles d'Aristophane, 1352.
(040) Ce distique se trouve dans les Dionysiaques de Nonnus. LXII, 209.
(041) Cf. la fable du Chêne et du Roseau, qui est ici en germe.
(042) En lisant avec Brunck
autarhês de kakôn estin apeiroteros. . "Et nous serons nos serviteurs pour être nos maîtres." Rousseau,
Émile.