Anthologie grecque
ÉPIGRAMMES DESCRIPTIVES.
(Édition de Jacobs, t. II, p. 5; de Tauchnitz,1 t. II, p. 58,)
I. POLYEN. - Une biche venait de mettre bas, lorsqu'une affreuse vipère lui piqua sa mamelle gonflée de lait. Le petit de la biche téta le bout de la mamelle infectée par le venin, et de la blessure mortelle suça un lait amer et empoisonné. La biche et le faon échangèrent entre eux la mort : à l'instant même, par un sort impitoyable, la mamelle enleva au faon le bienfait de la vie qu'il devait au sein maternel.
2. TIRÉRIUS ILLUSTRIUS. - Une biche venait d'avoir un faon,
lorsqu'une vipère infecta de son venin mortel les mamelles gonflées de lait. Le petit, en suçant le lait empoisonné, but la mort, et sauva sa mère.
3. ANTIPATER OU PLATON. - Pauvre
noyer (001), planté sur le bord du chemin, les enfants qui passent se font un jeu de me lancer des pierres et de me frapper comme un but. Toutes mes branches ont été brisées, celles surtout qui avaient le plus de noix. A quoi sert aux arbres leur fécondité
? Assurément, c'est pour mon malheur et ma honte que j'étais tout couvert de fruits.
4. CYLLÉNIUS. - Naguère dans les halliers, moi poirier sauvage, l'arbre des solitudes où paissent les hôtes des forêts, je ne portais que des fruits bâtards ; maintenant je me couvre de fruits doux et savoureux, et mes rameaux fléchissent sous un poids qui n'est pas le mien. Bien des remerciements pour ta peine, jardinier ! Grâce à toi, me voilà inscrit, poirier sauvage, parmi les arbres qui portent de bons fruits.
5. PALLADAS. - Ce poirier est l'oeuvre charmante de mes mains. Dans la saison de l'été, sur son écorce en sève j'ai attaché un germe (002), et le rejeton enraciné sur l'arbre en a, par une incision, changé le fruit. En bas, c'est encore un sauvageon ; par le haut, c'est un poirier parfumé.
6. LE MÊME. - Je n'étais qu'un sauvageon ; par tes soins, par l'insertion d'un germe sous mon écorce, tu m'as changé en un poirier aux fruits délicieux. Je t'apporte le prix de ton bienfait.
7. POLYEN. - Quoique les bruyantes prières de ceux qui t'implorent avec crainte ou te remercient avec reconnaissance remplissent toujours tes oreilles, Jupiter, protecteur du sol sacré de Corcyre, écoute-moi cependant, et exauçant des voeux que j'accomplirai, permets que je trouve enfin le terme de mes voyages, que je vive dans ma patrie, et que je m'y repose de mes longues fatigues.
8. LE MÊME. -Tandis que nous nous berçons d'espérances, le temps s'écoule à notre insu, et la dernière aurore vient couper court à tous nos projets.
9. LE MÊME. - Souvent à mes prières tu as accordé, puissant Jupiter, une heureuse navigation ; sois encore mon sauveur, ramène-moi au port du salut et du repos. La maison, la patrie voilà le charme, le bonheur de la vie ; tout le reste n'est pour l'homme qu'une source de soucis et de peines.
10. ANTIPATER. - Un jour, sur une roche de la mer s'étendit un polype, qui, pour les sécher au soleil, développa ses pattes et ses membranes. Sa peau n'avait pas encore pris la couleur de la pierre ; aussi un aigle aux regards perçants le vit du haut des airs, et l'enleva. Mais l'oiseau, enveloppé dans les cirrhes du polype, tomba dans la mer, le malheureux, et perdit du même coup et sa proie et la vie.
11. PHILIPPE OU ISIDORE. - L'un était privé de l'usage de ses jambes, l'autre de l'usage de ses yeux ; mais tous les deux ils se gratifièrent réciproquement de ce que la fortune leur avait ôté. L'aveugle, en effet, chargeant sur ses épaules le boiteux, marchait guidé par sa voix, droit son chemin. La dure et ingénieuse nécessité leur avait appris à se faire part mutuellement de tout ce qui leur manquait, et de cette manière à se compléter l'un l'autre.
12. LÉONIDAS. - Un mendiant aveugle chargea sur ses épaules un boiteux, voyant en retour par les yeux d'autrui. Chacun d'eux était incomplet, mais le prêt mutuel de ce qui manquait à chacun, leur procura l'ensemble harmonieux d'un homme entier.
13. PLATON LE JEUNE. - Un aveugle portait sur son dos un boiteux , lui prêtant des pieds , empruntant ses yeux. Tous deux étaient estropiés et mendiants, l'un aveugle, l'autre boiteux ; mais l'un était l'auxiliaire de l'autre, car l'aveugle avait sur ses épaules le boiteux, et, grâce aux yeux du boiteux, il allait droit son chemin. Tous deux ils parvenaient à faire un ensemble complet ; car, ce qui manquait à chacun d'eux pour faire un tout, ils se l'empruntaient l'un à l'autre.
14. ANTIPHILE DE BYZANCE. - Phédon aperçut un polype qui, par une manoeuvre cachée, naviguait dans les bas-fonds du rivage. L'ayant rapidement saisi, il le jeta à terre avant qu'il eût le temps d'attacher à son bras des cirrhes nombreuses et mordantes. Lancé sur un buisson où s'était blotti un lièvre craintif, le polype enlaça les pattes de l'animal en s'y entortillant, et le prit étant pris lui-mème. C'est ainsi, vieux pêcheur, que tu as eu une double proie de terre et de mer, proie sur laquelle tu ne comptais guère.
15. ANONYME. - Ami, toi qui cherches du feu pour allumer cette belle lampe de nuit, approche, allume-la au feu de mon coeur ; car il brûle au dedans et lance des jets de flamme.
16. MÉLÉAGRE. - Il y a trois Grâces, il y a trois Heures (003), vierges aimables ; et moi, trois désirs de femme me harcèlent et m'égarent. Est-ce donc qu'Amour m'a tiré trois flèches, comme pour blesser en moi, non pas un seul coeur, mais trois coeurs ?
17. GERMANICUS CÉSAR. - Un jour, du haut d'une falaise un lièvre s'élança dans la mer, ayant voulu se dérober à la dent cruelle d'un chien. Mais il n'échappa pas ainsi à son mauvais sort, car un chien de mer le saisit et l'étrangla. Du feu, comme dit le proverbe, tu es tombé dans la flamme. C'est que sans doute la destinée, et sur la terre et dans les flots, te réservait pour pâture à des chiens.
18. LE MÊME. - J'échappe à un chien, un autre chien me happe. A cela quoi d'étrange ? Les chiens de mer, les chiens de terre , me poursuivent d'une égale haine. Lièvres, ayez donc l'air pour refuge, et encore redouté-je pour vous le ciel ; lui aussi a parmi les constellations un chien.
19. ARCHIAS. - Le coursier qui autrefois, digne de son nom d'aigle, éclipsait tous ses rivaux, qui devançait le vol des vents ailés, dont les jambes étaient parées de bandelettes triomphantes, que Pytho, célèbre par son oracle, que Némée, la nourrice du lion terrible, que Pise et l'Isthme au double rivage ont honoré de leurs couronnes, maintenant enchaîné par le cou à un carcan en guise de frein, broie (004) les épis de Cérès sous une rude pierre qu'il traîne. Son sort est semblable à celui d'Hercule : ce demi-dieu, après avoir accompli de nombreux exploits, n'a-t-il pas subi le joug de l'esclavage (005) ?
20. LE MÊME. - Maître (006), je fus autrefois couronné sur les bords de l'Alphée ; deux fois on m'a proclamé vainqueur près de la fontaine de Castalie ; autrefois, à Némée et dans l'Isthme, je fus salué par des cris de triomphe ; autrefois je courais aussi vite que les vents ailés. Maintenant que je suis vieux, voici qu'on me fait tourner la pierre ronde de Nisyre (007), ô honte pour mes couronnes ! à coups de fouet dans un manège.
21. ANONYME. - Thessalie, si fière de tes coursiers, un de tes fils, Pégase t'adresse une plainte. Quelle injuste fin termine ma carrière ! Moi qui, dans l'Isthme et à Pytho, ai joui des honneurs du triomphe, moi qu'on a conduit au temple du Jupiter Néméen et couronné du laurier olympique, maintenant je traîne la pierre lourde et ronde de Nisyre, écrasant le grain des épis de Cérès.
22. PHILIPPE. - Une génisse pleine, victime destinée à la fille de Latone, se tenait près d'un autel où les prêtres prodiguaient l'encens ; tout à coup et fort à propos, les douleurs de la maternité devancèrent le coup fatal, et on la renvoya au troupeau pour y mettre bas en liberté. La déesse qui préside aux accouchements ne trouvait pas juste, en effet, de laisser périr une mère dans l'état où elle l'assiste et la protège.
23. ANTIPATER. - Le laboureur Archippe, atteint d'une maladie mortelle et prêt à descendre chez Pluton, dit à ses fils : "Mes enfants, aimez toujours la pioche et la charrue, gardez-vous de préférer les fatigues de la mer et le funeste métier de matelot. Autant une mère est plus douce qu'une marâtre, autant la terre est plus digne de vos affections que l'Océan."
24. LÉONIDAS. - Le soleil, en s'avançant sur son char de flamme, fait disparaître les étoiles et le disque sacré de la lune ; de même les poètes s'éclipsent en foule devant Homère, l'astre éclatant de la poésie.
25. LE MÊME. - Cet ouvrage est du savant Aratus, qui, avec un génie sublime, a décrit le cours des astres, les étoiles fixes et les planètes, et enchaîné dans des cercles le ciel mobile et radieux. Qu'il soit loué, l'auteur de cette oeuvre immense, qu'il soit regardé comme le premier après Jupiter, lui qui a donné aux astres un nouvel éclat !
26. ANTIPATER. - L'Hélicon et la montage de Piérie en Macédoine ont nourri d'hymnes et de chants ces femmes aux voix divines, Praxille, Myro, l'éloquente Anyté, et l'Homère de son sexe, Sapho, la gloire et l'ornement de Lesbos aux belles femmes, Érinne, la glorieuse Télésilla, et toi, Corinne, qui as chanté le bouclier de la belliqueuse Minerve, Nossis aux accents efféminés, Myrtis dont les chants sont si doux, toutes ayant composé des Pages immortelles. Le ciel a les neuf Muses ; mais la terre a produit ces neuf femmes pour les éternelles délices des mortels.
27. ARCHIAS ou PARMÉNION. - En silence ou en m'invoquant passe devant moi Écho, qui parle et ne parle pas : je répète ce que j'entends. Oui, je te renverrai le mot que tu auras dit, et à ton silence je répondrai par le silence. Est-il une langue plus loyale que la mienne ?
28. POMPÉE OU MARCUS JEUNE. - Quoique je ne sois plus ici qu'un monceau de poussière, moi Mycènes, quoique je sois devenue aussi obscure que le moindre rocher, quiconque aura vu la célèbre cité d'Ilus dont j'ai foulé aux pieds les remparts, et les palais de Priam dont j'ai enlevé les trésors, reconnaîtra par là combien je fus autrefois forte et puissante. Mais, si l'âge et le temps m'ont accablée de leurs outrages, je m'en console en pensant au témoignage et aux beaux vers du chantre de Méonie.
29. ANTIPHILE. - Audace qui as créé la marine (oui , c'est toi qui as exploré les routes de la mer et aiguillonné les âmes par l'appât du gain), quel bois fragile et trompeur tu façonnes et lances sur les flots ! quel bénéfice chanceux tu montres aux hommes en échange de leur vie ! On était vraiment dans l'âge d'or, alors que, du rivage et de loin, on regardait la mer comme le royaume de Pluton.
30. ZÉLOTUS ou BASSUS. - Moi pin, j'ai été sur la terre brisé par le vent. Pourquoi lancez-vous à la mer un arbre qui a fait naufrage avant de braver les flots ?
31. ANONYME. - Charpentiers, comment confiez-vous à la mer un pin que le Notus a déraciné et précipité de la montagne ? Vaisseau, je naviguerai sous de funestes auspices, moi qui, étant arbre, avais les vents pour ennemis acharnés. Sur la terre j'ai éprouvé les catastrophes de la mer.
32. ANONYME. -Tout nouvellement construit, j'attendais sur les galets du rivage qu'on me lançât dans les flots azurés, quand la mer impatiente me saisit, me submergea ; ses vagues furieuses m'arrachèrent en tourbillonnant aux bords tutélaires, nef infortunée, à qui les flots ont été aussi funestes sur la plage qu'en pleine mer.
33. CYLLÉNIUS. - Je n'étais pas encore vaisseau, et me voilà perdu. Que me serait-il arrivé de plus si j'avais connu la mer ? Hélas! pour tout navire une vague c'est la mort.
34. ANTIPHILE. - Après avoir longtemps bravé les vagues de la mer, je m'abritais quelques instants à la côte, et ce n'est pas la mer, terreur des vaisseaux, qui m'a détruit, c'est Vulcain sur le rivage. Qui prétendra que la mer est moins sûre que la terre ? C'est au lieu de ma naissance que j'ai trouvé la mort, et je gis sur cette plage, faisant honte à la terre de la clémence des flots.
35. LE MÊME. - Ma carène venait d'être construite, lorsque la mer m'a enlevé aux chantiers du rivage, exerçant sur moi, même à terre, sa fureur.
36. SECUNDUS. - Beau navire, j'avais accompli ma traversée sur la mer immense et bien des fois bravé le couroux des flots ; ni le noir Eurus ne m'avait submergé, ni les rafales du farouche Notus ne m'avaient jeté â la côte ; et voici que je fais naufrage dans l'incendie sur un rivage perfide. Combien je regrette les flots de la mer, mon élément !
37. TULLIUS FLACCUS. - Puise sans dire mot. - Pourquoi ? - Ne puise plus. - Pourquoi donc ? - Ma nature est d'être la douce fontaine du silence. - Tu es une fontaine revêche. - Goûte, et tu me diras plus revêche (008) encore. - O quelle amertume ! - O quel bavardage !
38. ANONYME. - Si tu es un homme de coeur, approche et bois à ma source. Si tu 'es naturellement lâche et mou, garde-toi d'y puiser une excuse (009). Je fournis, moi, un mâle breuvage, et les braves aiment à me boire ; mais pour les lâches, c'est leur nature qui est la source de leur lâcheté.
39. MUSICIUS ou PLATON. - Cypris dit aux Muses : "Jeunes filles, honorez vénus, ou j'armerai l'Amour contre vous." Et les Muses de répondre à Cypris : "C'est à Mars qu'il faut tenir un pareil langage ; près de nous jamais ne vole le bambin dont tu nous menaces."
40. ZOSIME. - Ce n'est pas seulement sur le champ de bataille, dans la mêlée sanglante, que j'ai protégé la vie du vaillant Anaximène, mais je l'ai sauvé aussi des flots. La mer venait de briser son navire, lorsque moi, son bouclier, je lui servis de nacelle. Ainsi, sur terre et sur mer, je suis la ressource et l'espoir de ce brave, que j'ai sauvé d'un double trépas.
41. THÉON. - Moi, bouclier, qui naguère repoussais les javelots ennemis et bravais les tempêtes de la mêlée homicide, alors même que la mer amoncelait ses vagues furieuses et que le navire s'abîmait avec l'équipage dans les flots, je n'ai point oublié mon inséparable compagnon, et, le portant comme un précieux fardeau, je l'ai conduit en ami fidèle jusqu'au port désiré.
42. LÉONIDAS. - Avec une seule arme, j'ai échappé, moi, Myrtile, à deux dangers, une fois en combattant, une autre fois en naviguant. L'aquilon venait de renverser la quille de mon vaisseau ; mais je me sauvai sur mon bouclier, à l'épreuve des flots et de la guerre.
43. PARMÉNION. - Un petit manteau me suffit, et je ne serai pas l'esclave de la table, moi qui vis dans des fleurs des Muses. Fi de la richesse insensée, nourrice des flatteurs ! On ne me verra pas debout, épiant un coup d'oeil : j'aime la liberté d'un repas frugal.
44. STATYLLIUS FLACCUS. - Un homme ayant trouvé un trésor laissa là sa corde ; l'autre ne trouvant plus son trésor se mit au cou la corde [et se pendit].
45. PLATON. - Un homme trouva un trésor, un autre le perdit ; celui qui le trouva jeta sa corde ; mais l'homme qui ne le trouva plus, avec sa corde alla se pendre (010).
46. ANTIPATER. - Une femme aveugle et sans enfants demanda aux dieux de recouvrer la vue ou de devenir mère ; son double voeu fut exaucé, car peu après elle accoucha contre toute attente, et le même jour ses yeux s'ouvrirent à la lumière du soleil tant désiré. C'est qu'Artémis, par un double privilège, secourt les mères en travail et dispense la blanche lumière.
47. ANONYME. - Je nourris contre mon gré ce louveteau de mon propre lait ; mais la folie du berger m'y contraint. Un jour, devenu loup grâce à moi, il sera pour moi une bête féroce. Les bienfaits ne peuvent changer le naturel des gens.
48. ANONYME. - Jupiter s'est fait cygne, taureau, satyre, or, par amour pour Léda, Europe, Antiope, Danaé.
49. ANONYME. - Espérance, et toi, Fortune, adieu pour toujours : j'ai trouvé le port. Plus rien de commun entre vous et moi ; allez-vous-en faire d'autres dupes (011).
50. MIMNERME. - Tiens ton esprit en joie, et ne te trouble pas des propos de la foule : si l'un dit du mal de toi, un autre en dira du bien.
51 . PLATON. - Le temps emporte tout ; avec les années il change les noms, les figures, le naturel et la fortune.
52. CARPYLLIDE. - Un pêcheur, qui du rivage lançait à la mer ses hameçons, retira la tête sans cheveux d'un naufragé. Ému de pitié à la vue da ce mort dont il ne restait que le chef, il lui creusa une fosse avec ses mains, faute de pioche, et l'y déposa sous un peu de terre ; mais en creusant il avait découvert un trésor caché au fond. Ainsi les honnêtes gens ne font pas le bien en pure perte.
53. NICOMÈDE ou BASSUS. - Hippocrate fut le sauveur des hommes : des peuples entiers lui durent la vie, et tant qu'il vécut il y eut disette de morts aux Enfers (012).
54. MÉNÉCRATE DE SAMOS. - Tant que la vieillesse n'est pas venue, tout le monde la souhaite ; lorsque enfin elle est arrivée, on se plaint, on l'accuse : la vieillesse vaut toujours mieux avant l'échéance.
55. LUCILLIUS ou MÉNÉCRATE. - Qui a vieilli et souhaite vivre mérite de vieillir pendant des siècles.
56. PHILIPPE DE THESSALONIQUE. - Un enfant, marchant sur l'eau glacée de l'Hèbre de Thrace, ne put échapper au trépas. Il glissa dans le fleuve qui dégelait, et en même temps un glaçon lui trancha le cou. Le reste du corps fut entraîné par le courant. La tête qui était restée sur la glace, naturellement donna lieu à des funérailles. Malheureuse mère dont le feu et l'eau se sont partagé l'enfant ! En apparence il appartenait à l'un et à l'autre, celui qui n'appartenait à aucun tout entier.
57. PAMPHILE. - Fille infortunée de Pandion, qui vous inspire ces chants plaintifs que vous exhalez tout le jour ? Est-ce le regret de cette virginité que le Thrace Térée vous a si cruellement ravie ?
58. ANTIPATER. - J'ai vu les murs de l'antique Babylone sur lesquels courent des chars, j'ai vu les jardins suspendus et le colosse du Soleil, l'immense construction des hautes pyramides, et le magnifique tombeau de Mausole ; mais depuis que j'ai vu le temple de Diane (013) qui s'élance dans les nues, toutes les autres merveilles se sont trouvées éclipsées ; et comment cela ? C'est qu'à l'exception de l'Olympe, le Soleil, dans aucune contrée, n'a rien vu qui soit comparable.
59. LE MÊME. - Quatre victoires portent sur leurs larges ailes quatre divinités : l'une la vaillante Minerve, l'autre Vénus, celle-ci Alcide celle-là l'intrépide Mars ; et elles s'élancent ainsi vers le ciel. Telle est la peinture qui orne la voûte de ton palais, ô Caïus (014), gloire et soutien de Rome. Puisse Alcide te rendre invincible, Cypris te bien marier, Pallas t'inspirer sa sagesse et Mars son intrépidité !
60. DIODORE. - Sur une roche marine je m'élève comme une tour, et m'appelle du même nom que l'île, Pharos, indice et signalement d'un mouillage.
61. ANONYME. - En voyant son fils qui, d'une course rapide, rentrait dans ses foyers sans son bouclier et comme un fuyard, une Lacédémonienne se précipita à sa rencontre, et lui plongea un javelot dans le coeur ; puis, sur son cadavre elle jeta ces mâles paroles : "Race étrangère à Sparte, va-t'en aux enfers; va-t'en, car tu as renié ta patrie et ta mère (015)."
62. ÉVÉNUS DE SICILE. - Passants, sous la cendre du temps j'ai disparu, moi Ilion, ville illustre et sacrée, autrefois si fière de mes tours et de mes remparts ; mais je vis dans Homère, j'ai là un mur et des portes d'airain. Non, les javelots des Grecs ne me dévasteront plus : je resterai à jamais dans la mémoire et sur les lèvres de la Grèce entière.
63. ASCLÉPIADE. - Je suis Lydé et de pays (016) et de nom ; je suis de par Antimaque plus illustre que toutes les descendantes de Codrus. Car qui ne m'a pas chantée ? Qui n'a pas lu Lydé, l'oeuvre commune d'Antimaque et des Muses ?
64. ASCLÉPIADE OU ARCHIAS. - Les Muses t'ont vu, Hésiode, conduisant tes troupeaux par d'âpres montagnes, en plein midi, et toutes, pour te protéger contre la chaleur, t'ont présenté un rameau sacré d'olivier avec son beau feuillage. Elles t'ont donné aussi à boire de l'eau de la fontaine d'Hélicon que fit jaillir autrefois le pied du cheval ailé ; et c'est abreuvé de cette onde que tu as chanté la race des immortels, les travaux des champs, et la généalogie des anciens héros, demi-dieux.
65. ANONYME. - Le printemps qui rend la verdure aux forêts est l'ornement de la terre ; les astres sont l'ornement des cieux ; Athènes, celui de la Grèce, et ces héros (017) sont l'ornement d'Athènes.
66. ANTIPATER DE SIDON. - Mnémosyne, saisie d'étonnement aux mélodieux accents de Sapho, s'écria : "Les mortels ont-ils donc une dixième Muse ?"
67. ANONYME. - Un jeune homme posait une couronne sur la petite colonne du tombeau de sa belle-mère, pensant qu'avec cette vie elle avait aussi perdu son mauvais caractère. Mais cette colonne s'étant renversée sur le tombeau, tua le jeune homme dans sa chute. Enfants du premier lit ; fuyez même le tombeau d'une belle-mère.
68. ANONYME. - Les marâtres sont les fléaux de leurs beaux-fils ; même quand elles les aiment, elles ne les épargnent pas : rappelez-vous Phèdre et Hippolyte.
69. PARMÉNION DE MACÉDOINE. - La colère d'une belle-mère est toujours violente et funeste ; elle ne se calme pas même avec l'amour : vois les infortunes du chaste Hippolyte.
70. MNASALQUE. - Fille de Pandion qui gémis d'une voix plaintive, épouse de l'abominable Térée, pauvre hirondelle, pourquoi te lamentes-tu sous nos toits tout le jour ? Prends quelque répit ; car tu auras bien longtemps à pleurer.
71. ANTIPHILE DE BYZANCE. - Branches pendantes du chêne touffu, voûte ombreuse qui protégez contre l'excessive chaleur, larges feuilles qui abritez mieux qu'un toit de tuiles, asile des colombes, asile des cigales, impénétrables et frais rameaux, je me couche sous votre feuillage, défendez-moi des rayons du soleil que je fuis.
72. ANTIPATER. - Bergers, Mercure est un dieu facile à contenter ; il lui suffit d'une libation de lait ou de miel des bois. Hercule veut davantage ; il demande un bélier ou un agneau gras, et sans cesse on lui choisit une victime. - Mais il éloigne les loups. - Eh ! qu'importe si le troupeau, ainsi gardé, périt dévoré par les loups ou par son gardien (018) ?
73. ANTIPHILE DE BYZANCE. - Mer à flux et reflux du golfe Euboïque (019), toujours agitée, luttant toujours contre toi-même, inconstante, et de trois heures en trois heures, nuit et jour, donnant et reprenant ton onde aux navires, merveille du monde, tu m'étonnes, tu me confonds ; mais je ne recherche pas la cause de ta turbulence (020) : c'est l'affaire de la mystérieuse nature.
74. ANONYME. - J'étais naguère le champ d'Achéménide, maintenant j'appartiens à Ménippe, et de nouveau je passerai des mains d'un autre à un autre propriétaire. Et en effet Achéménide croyait me posséder, et Ménippe le croit encore ; mais la vérité est que je ne suis à personne : j'appartiens à la Fortune (021).
75. ÉVÉNUS D'ASCALON. - Même si tu me manges jusqu'à la racine, je produirai encore assez de raisin pour la libation qu'on fera sur ta tête, ô bouc, lorsqu'on t'immolera (022).
76. ANTIPATER. - De deux lacets en crin de cheval, l'un prit une grive, l'autre un merle. La grive gourmande ne vit plus se lever l'aurore, n'ayant pu dégager son corps trop chargé de graisse ; mais le lacet qui retenait le merle laissa partir l'oiseau sacré : évidemment il y a un certain respect pour la poésie et le chant même dans les piéges muets et sourds.
77. LE MÊME. - Déchirée par, l'aiguillon de la jalousie à la vue du beau Ganymède, Junon dit un jour : "Troie a mis au monde pour Jupiter une torche, cet échanson. A mon tour je lancerai sur Troie une torche, Paris, qui lui portera son châtiment. Ce n'est plus un aigle qui fondra sur les Troyennes, ce seront des vautours qui accourront à la curée, lorsque les Grecs emporteront les dépouilles de la guerre."
78. LÉONIDAS. - Ne me reproche pas de ne produire que des fruits revêches, comme un poirier sauvage. Sans cesse je me couvre de fruits ; mais à mesure qu'ils mûrissent, une autre main les dérobe ; et ceux qui sont verts restent seuls aux branches maternelles.
79. LE MÊME. - Je donne bien volontiers mes fruits ! mais quand ils sont mûrs. Ne m'attaque donc pas à coups de pierres. Bacchus se fâchera contre celui qui insulte à ses bienfaits. N'oublie pas quel fut le sort de Lycurgue.
80. LE MÊME. - Devins qui cherchez à lire l'avenir dans les astres, loin d'ici avec votre science conjecturale et menteuse ! La sottise a été l'accoucheuse qui vous a mis monde, l'audace a été votre mère. Malheureux, vous n'avez pas même le sentiment de votre bassesse !
81. CRINAGORAS. - Ne dis pas que la mort est le terme des maux. Il y a pour les défunts, comme pour les vivants, d'autres sources de peines. Vois le sort de Nicias de Cos (023). Déjà il était descendu aux sombres bords, et mort il est revenu à la lumière. Oui, ses sujets ont soulevé sa tombe avec des leviers, et le pauvre trépassé a subi les tortures de leur vengeance.
82. ANTIPATER. - Matelots, même à l'ancre, méfiez-vous de la funeste mer, même si des amarres vous retiennent au rivage. Ion n'a-t-il pas péri dans un port ? Le vin avait enchaîné ses bras, et il ne put nager. Gardez-vous de l'orgie à bord. La mer est l'ennemi juré de Bacchus. C'est une loi établie qu'on doit aux Tyrrhéniens (024).
83. PHILIPPE. - Des dauphins, meute ichthyophage, bondissaient dans le sillage d'un navire emporté par le vent. Un chien de chasse les prit pour des bêtes sauvages, et d'un bond il s'élança à la mer, comme il eût fait en plaine. Le malheureux périt dans cette chasse qui ne lui était pas familière. C'est qu'en effet la course en mer n'est pas du fait de tous les chiens (025).
84. ANTIPHANE. - Un berger vit sur le rivage la carène d'un navire désemparé qu'entraînait la violence du courant. Il étend le bras et saisit le navire ; mais il est emporté par le navire même qu'il voulait sauver, tant il avait pour tous des augures funestes ! Le berger eut le sort d'un naufragé. O cruel esquif, qui seul as mis en deuil les pâturages et les ports !
85. PHILIPPE. - La mer avait submergé le navire, et moi j'errais ballotté parla tempête, lorsqu'un dieu m'offrit un autre navire, celui de la nature et le plus aimé, mon père. Oui, j'aperçus le corps de mon père qui venait à propos vers moi ; je m'y installai, unique rameur, passager légitime, et il me conduisit au port. Ainsi le vieillard me donna deux fois la vie, enfant sur la terre, adolescent au milieu des flots.
86. ANTIPHILE. - Une de ces souris gourmandes qui grignotent et dévorent tout dans nos logis, remarqua une huître qui entre-bâillait ses lèvres barbues. Elle se mit à mordiller cette chair bâtarde ; mais soudain la maison d'écaille se referme avec bruit sous le sentiment de la douleur ; et elle, ainsi prise sans pouvoir se dégager, trouva là son tombeau et la mort.
87. MARCUS ARGENTARIUS. - Ne reste pas plus longtemps pur ce chêne, ne chante plus, ô merle, perché sur ses hautes branches : cet arbre est ton ennemi. Mais va où la vigne fleurit, mets-toi à l'ombre de ses pampres verts. Avec confiance pose-toi sur ses rameaux et près d'elle chante tes plus douces mélodies. Le chêne, ne l'oublie pas, porte la glu funeste aux oiseaux ; mais la vigne produit le vin, et Bacchus aime et protège les poètes et les musiciens.
88. PHILIPPE. - Harmonieux rossignol , je volais au-dessus des flots, me plaignant de Borée; car il venait de Thrace un vent qui n'était pas doux. Mais un dauphin me recueillit sur son dos, et l'hôte des mers servit de char à l'hôte ailé des bois. Tandis que je voguais ainsi sur ce fidèle et sûr esquif, ma voix charmait le pilote des plus doux chants de sa lyre. Toujours les dauphins ont accordé aux Muses le passage gratuit. L'aventure d'Arion n'est point un mensonge.
89. LE MÊME. - Aux prises avec la misère et la faim, la vieille Nico et ses filles glanaient des épis. Elle fut suffoquée par la chaleur et mourut. Ses filles et ses compagnes lui préparèrent un bûcher sans bois, un bûcher d'épis et de chaume. Ne trouve pas mauvais, ô Cérès, que de jeunes filles aient brûlé une mortelle, un enfant de la terre, avec les produits de tes sillons.
90. ALPHÉE DE MYTYLÈNE. - Arbitre des vaisseaux rapides, dieu du coursier, toi qui règnes sur le grand écueil de l'Eubée (026), accorde à nos voeux une navigation heureuse ; conduis-nous sans accident des rivages de la Syrie jusqu'à la cité de Mars (027).
91. ARCHIAS. - Mercure, qui habites la ville de Coryce, dieu puissant, salut ! Accepte avec un sourire propice cette modeste offrande.
92. ANTIPATER. - La rosée suffit pour enivrer les cigales ; mais dès qu'elles en ont goûté, leur ramage surpasse celui des cygnes. Ainsi le poète, pour prix de l'hospitalité, se plaît à témoigner par ses vers toute la reconnaissance que lui inspire le moindre bienfait. Nous t'offrons donc notre premier hommage ; et si les Parques le permettent, tu seras bien souvent le sujet de nos vers.
93. LE MÊME. - Antipater offre à Pison pour son jour de naissance un petit livre de poésies, travail d'une seule nuit. Qu'il accepte avec bonté cet hommage et ne le dédaigne pas, à l'imitation du grand Jupiter que quelques grains d'encens rendent propice.
94. ISIDORE D'AEGES. - Un jour Tynnique, qui avait pris un polype, le jeta de la mer sur la terre pour se soustraire à ses enlacements. Mais ce polype, étant tombé sur un lièvre endormi, qui peut-être, hélas ! venait d'échapper à la poursuite des chiens, l'entortilla de ses liens ; pris, il prit à son tour, et Tynnique le rejeta vivant à la mer, ayant le lièvre pour rançon.
95. ALPHÉE DE MITYLÈNE. - Par un jour d'hiver, une poule toute blanche de neige étendait sur ses petits le berceau de ses ailes ; et comme elle restait là luttant contre l'intempérie du ciel, le froid du ciel la tua. Procné et Médée, rougissez de honte chez Pluton, en apprenant d'une poule le devoir des mères.
96. ANTIPATER. - Antigène de Géla adressa ces dernières paroles à sa fille, avant de descendre chez les morts : "Belle jeune fille, ô mon enfant, prends et garde avec soin cette quenouille, trésor d'une pauvre et laborieuse ouvrière. Si tu viens à te marier, imite les bons exemples de ta mère Achaïs ; ta vertu sera pour un époux la plus précieuse dot."
97. ALPHÉE DE MITYLÈNE. - Nous entendons encore les cris d'Andromaque, nous voyons encore Troie tout entière s'abîmer dans les flammes, les combats d'Ajax, et sons les murs de sa ville, Hector traîné par les coursiers d'Achille, merveilleux effet de la poésie d'Homère, chantre immortel dont ne se glorifie pas une seule cité, mais l'Asie et l'Europe.
98. STATYLLIUS FLACCUS. - Les deux OEdipes, la mélancolique Électre, le Soleil reculant d'horreur devant le festin d'Atrée, d'autres pièces sur les infortunes des rois dignes des fêtes de Bacchus, t'ont proclamé, ô Sophocle, le maître et le chef de la scène tragique, toi qui as toujours parlé par la bouche de tes héros.
99. LÉONIDAS. - L'époux lascif et barbu d'une chèvre, un jour, dans un verger, dévora les tendres bourgeons d'une vigne. Du sein de la terre la vigne lui cria : "Ronge, scélérat, à belles dents mon sarment fructueux ; car ma racine, que tu ne saurais atteindre, produira encore assez de doux nectar pour qu'il soit fait une libation sur ta tête, ô bouc, lorsqu'on t'immolera (028)."
100. ALPHÉE DE MITYLÈNE. - Auguste nourrice des enfants de Latone (029), que Jupiter fixa sur une base inébranlable au milieu de la mer Égée, non, par ton dieu et par ta déesse, je ne dirai pas que tu es une méchante petite île, me gardant bien de suivre l'exemple d'Antipater. Je te proclamerai, au contraire, heureuse et grande, parce que tu as reçu Apollon, et qu'après l'Olympe, Diane ne reconnaît pas d'autre patrie que toi.
101. LE MÊME. - On voit peu de villes des anciens héros ; et celles qui restent encore ne sont pas beaucoup plus hautes que le niveau des plaines. C'est ainsi qu'en passant dans ton voisinage, malheureuse Mycènes, je t'ai vue plus déserte qu'un pacage de chèvres, et ne vivant que dans le souvenir des bergers. Un vieux chevrier m'a dit : "Ici était l'opulente ville des Cyclopes."
102. ANTOINE D'ARGOS. - Moi qui fus jadis la citadelle de Persée au vol aérien, qui engendrais l'astre des Atrides si funeste à Ilion, je sers maintenant de pacage aux troupeaux de chèvres, ayant donné cette tardive satisfaction aux dieux de Priam.
103. MUNDUS MUNATIUS. - Moi qui fus autrefois une opulente cité, qui reçus du grand Jupiter la race des Atrides, qui ravageai Troie, la ville des dieux, qui fus le solide et puissant royaume des demi-dieux de la Grèce, maintenant je suis la Mycènes des chèvres et des boeufs n'ayant plus que le souvenir de ma grandeur passée. Ah ! Némésis a pris à coeur les misères de Troie, puisque, Mycènes ayant disparu, elle est encore et qu'elle est ville.
104. ALPHÉE DE MITYLÈNE. - Argos chantée par Homère, murs sacrés d'Hellas (030), antique et riche acropole de Persée (031), vous avez disparu, vous, patrie de ces héros qui ont renversé les remparts de Troie bâtis par les dieux ; mais cette ville est plus florissante que jamais, tandis que vos ruines n'offrent plus que de misérables retraites aux troupeaux mugissants.
105. ANONYME. - Pin, j'ai été brisé par les vents. Comment faites-vous de moi un vaisseau, de moi déjà battu par les tempêtes et prédestiné aux naufrages ?
106. LÉONIDAS. - Moi vaisseau, qui parcourus tant de fois la mer et que la mer avait épargné, le feu m'a consumé sur la plage, sur cette terre qui avait fourni les bois pour me construire. Ainsi j'ai trouvé moins bienveillante et moins sûre que la mer, cette terre à qui je dois l'existence.
107. LÉONIDAS. - Ils m'appellent la petite, et prétendent que je ne pourrais comme un vaisseau traverser la mer et naviguer sans péril. Je ne dis pas non. Sans doute ma coque n'est pas grande, mais à la mer tout est égal, tout s'y décide, non par le jaugeage, mais par la fortune. Il y en a qui tirent leur avantage du gouvernail, d'autres mettent leur confiance dans d'autres agrès ; il me suffit que les dieux me soient favorables.
108. ANONYME. - Jupiter dit à l'Amour : "Je t'enlèverai tes flèches et ton carquois." Et l'enfant ailé de lui répondre : "[Menace,] tonne ; et de nouveau tu seras cygne (032)."
109. JULIUS DIOCLÈS. - Je ne sais si je dois t'appeler mon bouclier, toi qui m'as protégé, allié fidèle, contre tant d'ennemis, ou bien ma petite barque, toi qui du vaisseau naufragé m'as ramené nageant au rivage. Avec toi, dans les combats, j'ai pu échapper à la colère de Mars, et sur mer à celle de Nérée. Évidemment tu as été l'arme de mon salut sur les deux éléments.
110. ALPHÉE DE MITYLÈNE. - Je n'aime pas les vastes plaines de blé, ni les monceaux d'or, comme Gygès. Je préfère une fortune modérée, Macrinus, et le rien de trop me plaît infiniment.
111. ARCHIAS. - Louons les Thraces qui pleurent sur leurs fils, lorsque, du sein de leur mère, ils arrivent à la lumière du jour, et qui, au contraire, préconisent le bonheur de tous ceux qu'enlève avant le temps le Trépas, ministre des Parques. Ceux en effet, qui vivent, passent à travers des maux de toute sorte, et ceux qui meurent en ont trouvé l'infaillible remède.
112. ANTIPATER. - Les astrologues me disent que je vivrai trois fois dix et deux fois trois ans. Il me suffirait d'accomplir la troisième décade. C'est en effet la limite de la vie humaine. Les années en sus sont l'apanage de Nestor ; et Nestor après tout est descendu chez les morts.
113. PARMÉNION. - Les punaises, jusqu'à satiété, se sont rassasiées de mon sang ; et moi, jusqu'à satiété, je me suis également rassasié de vengeance, en écrasant les punaises (033).
114. LE MÊME. - Un enfant était penché sur les tuiles d'un toit et en dehors (la mort aux enfants n'inspire aucune crainte), lorsque sa mère fixa son attention et le rappela en arrière en lui montrant le sein. Enfant, le lait maternel t'a donné deux fois la vie.
115. ANONYME. - Ce bouclier d'Achille, teint du sang d'Hector, devint par l'iniquité des Grecs la propriété du fils de Laërte ; mais, quand Ulysse fit naufrage, la mer le lui arracha, et les vagues le portèrent au tombeau d'Ajax, non à Ithaque. La mer ainsi annula l'odieux jugement des Grecs, et Salamine possède le glorieux trophée qui lui était dû.
116. ANONYME. - Le jugement de Neptune est bien plus équitable que celui de Minerve. Le bouclier, sur le rivage, ébranle la tombe, il appelle le héros, seul digne de le porter, il lui crie : "Réveille-toi, fils de Télamon ; tu as l'arme d'Achille."
117. STATYLLIUS. - Lorsque Pyrrhus, sur le tertre funèbre, eut accompli le sanglant hymen de Polyxène avec son père, la fille de Cissé, Hécube, pleurant la mort de ses enfants, s'écria tout en larmes et s'arrachant les cheveux : "Naguère tu as traîné le cadavre d'Hector attaché à l'essieu de ton char, et maintenant sur ta tombe tu reçois le sang de Polyxène. Achille, pourquoi as-tu voué tant de haine aux fruits de mes entrailles ? Tu as été bien cruel pour mes enfants, et ton ombre l'est encore."
118. BESANTINUS. - O belle jeunesse, ô vieillesse ennemie ! Pour moi l'une arrive et l'autre est passée.
119. LE MÊME ou PALLADAS. - Si à la cour on tolère les flatteurs, que de victimes seront livrées à leurs bouches maudites (034) ! Donc il faut qu'un prince vertueux confonde dans une haine équitable ceux qui flattent et ceux qui se laissent flatter.
120. LUCIEN. - L'ingrat est un tonneau percé ; versez-y tous les bienfaits du monde, ce sera toujours en pure perte.
121. ANONYME. - Enfant de Sparte ou de Salamine, car l'une et l'autre se disputent ma naissance, je pleure le plus brave et le plus intrépide des jeunes guerriers (035).
122. ANONYME OU ÉVÉNUS. - Fille de l'Attique et nourrie de son miel, hirondelle mélodieuse, as-tu pris cette mélodieuse sauterelle pour la porter en pâture à tes petits ? Elle a des ailes comme toi, comme toi elle voyage, elle est comme toi la parure de l'été. Et tu ne la rejettes pas aussitôt ? Mais c'est une iniquité, c'est un crime, que les chantres divins ne s'épargnent pas entre eux.
123. ANONYME. - Après avoir brouté, une chèvre, en passant sous un poirier sauvage, recouvra la vue et reparut n'étant plus aveugle. La pointe aiguë d'une épine lui avait piqué un de ses yeux, et voilà comme un arbre fut plus efficace que l'art.
124. ANONYME. Sur un laurier coupé avec une hache. - Où Apollon était-il donc, lorsque (036) Mars (037) s'unissait à Daphné ?
125. ANONYME. - Les intrépides Celtes éprouvent leurs enfants dans le Rhin qu'ils croient aussi jaloux qu'eux-mêmes, et ils ne se regardent comme leurs pères que lorsqu'ils les ont vus de leurs propres yeux baignés dans ses eaux sacrées. Aussitôt que le nouveau-né est sorti du sein de sa mère, qu'il a versé ses premières larmes, le Celte le prend et le pose sur son bouclier, sans s'inquiéter autrement ; car il n'a pas le sentiment paternel avant d'avoir vu son fils à l'épreuve des eaux du fleuve, juge de sa légitimité ; et la mère, après l'enfantement, en proie à mille angoisses bien qu'elle connaisse le véritable père de son enfant ; attend en tremblant l'arrêt que le fleuve n'a pas encore prononcé.
126. ANONYME. Paroles qu'a pu dire Clytemnestre, au moment où Oreste allait la frapper. - Où diriges-tu ton glaive ? Contre mon ventre, ou contre mon sein ? Mais ce ventre t'a porté ; mais ce sein t'a allaité.
127. ANONYME. - S'il a été laissé au fond d'un vase un peu de la douce liqueur de Bacchus, ce reste de vin tourne à l'aigre. Ainsi quand on a épuisé toute la vie et qu'on arrive au fond, le caractère s'aigrit et se gâte.
128. ANONYME. - Le serpent (038) vint en rampant et but l'eau ; les sources tarirent, dans le fleuve il ne resta que de la poussière, et le monstre était encore altéré.
129. NESTOR. - Une partie du corps rampait, l'autre allait se mettre en mouvement, l'autre était encore immobile dans le repaire. Cependant le monstre (039) altéré plongea sa mâchoire dans le fleuve, et tout le Céphise s'y engouffra : sa gorge faisait entendre un bruit terrible ; et pendant que le fleuve disparaissait, les Nymphes ne cessaient de pleurer la perte du Céphise.
130. ANONYME. - Je suis l'arbre de Minerve (040). Pampres de Bacchus, pourquoi m'étreignez-vous ? Otez vos raisins : je suis vierge et ne m'enivre point.
131. ANONYME. - Pin des hautes futaies de la montagne, le pluvieux Notas m'a déraciné et m'a fait rouler dans la vallée. De là je suis devenu vaisseau ; pour que je luttasse encore contre les vents. Hommes audacieux, vous n'avez donc peur de rien !
132. ANONYME. - La sagesse et l'amour, face à face et aux prises périssent souvent l'un et l'autre. Un ardent amour pour Hippolyte a tué Phèdre, et la chaste tempérance a causé la mort d'Hippolyte.
133. ANONYME. L'homme qui, s'étant marié une fois, s'engage dans un nouvel hymen, est un naufragé qui, de nouveau, s'expose aux tempêtes de l'Océan.
134. PALLADAS.
- Espérance, et toi, Fortune, adieu pour jamais : j'ai trouvé la bonne voie. Vous ne me charmerez
plus ; fuyez ensemble, vagabondes que vous êtes. C'est vous qui nous présentez un avenir mensonger comme une réalité heureuse, et qui nous repaissez de songes et de chimères. Partez, mauvaises et cruelles filles, partez toutes deux. Trompez, si vous
voulez (041), ceux qui viennent après moi, qui ne savent pas encore ce qu'il faut penser de
vous (042).
135. ANONYME. - Véritablement, la Fortune est pour tous les
mortels un leurre, une illusion ; elle est impuissante ; bien plus, elle n'existe pas. Qui a écrit
cela ? Dieu le sait. Et pourquoi ? Dieu aussi le sait (043).
136. CYRUS. - Plût à Dieu que mon père m'eût appris à faire paître des troupeaux ! Assis à l'ombre d'un hêtre ou d'une grotte, je charmerais mes chagrins en jouant de mon chalumeau. Muses, fuyons de Constantinople, cherchons une autre patrie. Mais à tout l'univers je dirai que d'indignes frelons vivent aux dépens des abeilles.
137. GRAMMATICUS. - Un homme à moitié paralysé, demandant l'aumône à l'empereur Adrien, lui dit : "Prince, une moitié de moi-même est morte ; l'autre moitié meurt de faim. Sauve cette moitié, ce demi-ton qui résonne encore." L'empereur lui répondit : "Tu offenses à la fois Pluton et le soleil, l'un parce que tu le vois encore, l'autre parce que tu ne vas pas le voir."
138. ANONYME. - J'étais jeune, mais pauvre ; maintenant je suis vieux et riche. O seul de tous les hommes malheureux dans le dénuement et dans l'abondance ! Lorsque je pouvais jouir des biens de la terre, je n'avais pas une obole, et maintenant que je ne puis plus en jouir j'ai des trésors.
139. CLAUDIEN. Sur une vieille courtisane. - Joyeuse et lascive au milieu des danseuses qu'animent les crotales, elle agite dans ses mains frémissantes un double sistre d'airain .... dérobant sa chevelure blanche, symptôme de mort prochaine. Ses yeux sont inutilement peints pour paraître plus grands et plus vifs. Un vermillon imposteur supplée à sa pudeur éteinte et sans couleur, et son sein, qu'elle a soin de couvrir, se pare de formes empruntées.
140. LE MÊME. Sur un esclave qu'il avait frappé. - Un esclave ayant pris sur son dos un siège au pied d'airain, se tenait debout dans le vestibule de l'Hélicon (044), et ne voulait pas me céder, à moi, poète (045) fatigué, ce siège qu'il gardait. Aussi l'ingénieuse nécessité aiguillonna mon esprit, et ....
141. ANONYME. - Dans un lit commun étaient couchés deux hommes, l'un en léthargie, l'autre avec le délire. Ils guérirent tous les deux. Celui que le délire exaltait sauta à bas du lit et frappa le malade en léthargie à coups redoublés. Ces coups furent pour tous les deux un remède efficace: par eux l'un fut réveillé, et une grande fatigue jeta l'autre dans le sommeil.
142. ANONYME. - Dieu de la montagne, au front orné de cornes, Pan, guide et compagnon des Nymphes, salut ! Nous te prions, ô toi qui te retires dans cette grotte de pierre, de nous être propice, à nous tous qui venons à cette source intarissable étancher notre soif.
143. ANTIPATER. - Cette demeure que j'habite près de la vague blanchissante, et d'où je règne sur la plage humide, est bien petite sans doute, mais elle m'est chère ; car j'aime à voir les flots de la haute mer dans une salutaire crainte, et les matelots ainsi sauvés par ma présence. Implore cette Vénus ; et moi je te serai propice soit dans tes amours, soit dans tes courses sur la mer azurée.
144. ANYTÉ. - Cette enceinte est à Vénus, car il lui plut de voir en tout temps du rivage la mer scintillante, afin d'assurer aux matelots une navigation heureuse. Dans ces parages, la mer est respectueusement craintive, en voyant la statue de la déesse.
145. ANONYME. - Arrivé dans les enfers, après avoir terminé une longue vie consacrée à la sagesse, Diogène le Cynique, ayant aperçu Crésus, se prit à rire ; il étendit son manteau troué près de l'homme qui avait puisé tant d'or dans les eaux du Pactole, et lui dit : "A mon tour, maintenant j'occupe plus de place; car tout ce que j'avais, je le porte avec moi ; et toi, Crésus, tu n'as plus rien."
146. ANONYME. - A bonne intention j'ai placé près de cet autel l'Espérance et Némésis, l'une afin que tu ne perdes pas courage, l'autre afin que tu te contentes de peu (046).
147. ANTAGORAS DE RHODES. - Initiés, allez au temple de Cérés, allez-y sans craindre le débordement du fleuve. Xénoclès de Linde a jeté pour vous un pont solide sur ce large fleuve.
148. ANONYME. - Pleure, Héraclite, sur la vie humaine, pleure plus que de ton vivant : elle est maintenant plus misérable. Ris de la vie actuelle, Démocrite, bien plus qu'autrefois : elle n'a jamais été plus risible. Pour moi, quand je vous regarde, j'hésite et ne sais si je dois pleurer avec toi, Héraclite, ou bien, Démocrite, rire avec toi.
149. ANTIPATER. - Aristide de Bocerra de peu retirait assez une seule vache, une seule brebis lui procuraient presque l'abondance. Tout pauvre qu'il était, il ne put pourtant échapper à Némésis. Dans le même jour les loups mangèrent la brebis, et un laborieux accouchement tua la vache. Aristide prit en dégoût sa chaumière où ne bêlait plus la brebis, et avec la corde de sa besace il s'est pendu à ce poirier sauvage.
150. ANTIPATER. - La richesse d'Aristide consistait dans une génisse et dans une brebis à longue laine ; avec cela il éloignait la faim du logis, mais il perdit l'une et l'autre : le loup tua la brebis, la vache mourut en vêlant. Ainsi périt le troupeau du pauvre homme ; et lui, avec la corde de sa besace qu'il s'attacha au cou, il mourut misérablement auprès de sa cabane que n'égayaient plus les mugissements de la génisse (047).
151. LE MÊME. - Qu'est devenue ta beauté tant admirée, Dorienne Corinthe ? Où sont tes murs et tes tours, tes antiques trésors ? où sont les temples de tes dieux, tes palais, tes épouses descendantes de Sisyphe, et tes habitants que l'on comptait par myriades ? Infortunée, il ne reste de toi nul vestige. Tout a été pris ou dévoré par la guerre. Nous seules, impérissables Néréides, filles de l'Océan, nous restons, comme des alcyons, à pleurer tes malheurs.
152. AGATHIAS. - Je suis la cité de Priam autrefois célèbre, que les Grecs par dix ans de guerre n'ont pu saccager, et qu'a livrée à la dévastation une ruse de guerre, le maudit cheval de bois. Plût aux dieux qu'Épéus fût mort avant d'avoir fabriqué avec des planches de chêne ce piégée abominable ! Car je ne serais pas gisante au milieu des décombres de nos palais consumés par les feux des Atrides.
153. LE MÊME. - O ville, où sont tes fameux remparts, tes temples magnifiques ? où sont les têtes des taureaux immolés, les vases d'albâtre de Cypris et sa tunique d'or ? qu'est devenue la statue nationale de Pallas ? La guerre, les ravages du temps, la Parque puissante ont tout emporté, tout réduit au néant. C'est à ce point qu'a triomphé de toi la jalouse Némésis ; mais ton nom, mais ta gloire, elle n'a pu les détruire.
154. LE MÊME. - Sois-moi propice, ô Minerve protectrice des cités ! Je t'avais honorée, comme je le devais, moi l'infortunée Ilion, en te consacrant un temple étincelant d'or ; mais tu m'as livrée à mes ennemis comme une proie ; et pour te venger d'une pomme, tu as rasé, comme avec la faux, mes belles murailles. Ne suffisait-il pas que le berger mourût ? car s'il fut coupable, la faute n'en est pas à la patrie.
155. LE MÊME. - Étranger, si tu es de Sparte, ne ris pas de moi, car ce n'est pas de moi seule que s'est jouée la Fortune ; mais si tu es d'Asie, réjouis-toi bien plutôt, car il n'est pas da ville qui ne s'incline sous le joug troyen des descendants d'Énée. Sans doute l'impitoyable fer des ennemis a détruit mes temples, mes remparts, mes habitants ; mais de nouveau je suis reine ; et toi ma fille, intrépide Rome, fais peser sur les Grecs le joug de ta justice.
156. ANTIPATER. - Vois le piège qui triompha de Troie après dix ans de combats, considère le cheval qui porta dans ses flancs l'élite des Grecs (048). Épéus le fabriqua, Minerve inspira l'oeuvre ; de là s'élança toute la Grèce en armes. Certes, tant de braves sont bien morts en pure perte, si, pour terminer la guerre, la ruse réussit mieux aux Atrides que les combats.
157. ANONYME. - Qui a dit que l'Amour était un dieu ? Nous ne voyons pas de dieu faire le mal. Or lui, il aime le meurtre et le sang. Sa main n'est point armée d'un glaive, et pourtant voici les incroyables et funestes trophées d'un prétendu dieu. Une mère est tuée avec son fils, et sur leur cadavre un homme subit la peine de la lapidation. Et cela n'est pas l'oeuvre de Mars ou de Pluton, c'est l'oeuvre de l'Amour, ce sont les jeux de cet enfant.
158. ANONYME. - Un jour, trois jeunes filles, jouant ensemble, interrogèrent le sort pour savoir laquelle descendrait la première chez Pluton. Trois fois le dé s'échappa de leur main, et trois fois la même jeune fille fut désignée. Celle-ci ne fit qu'en rire ; mais l'infortunée tomba à l'improviste du haut d'un toit et descendit chez Pluton, comme le sort l'avait prédit. Le sort ne trompe jamais quand il annonce un malheur ; mais s'agit-il d'un bonheur qu'on désire, pauvres mortels, ni nos voeux ni nos mains tendues vers le ciel n'y peuvent rien.
159. ANONYME. - Un homme vit une tête de mort dans un carrefour, et cette commune image de l'humanité ne l'émut point. Il se baissa et ramassa une pierre qu'il lança contre cette tête, une pierre en apparence insensible et muette, mais pleine de justice. En effet, lorsqu'elle eut frappé le crâne, elle rebondit en arrière et atteignit à l'oeil celui qui l'avait jetée ; elle le priva de la douce vue de la lumière. Ainsi l'ombre du mort fut satisfaite et vengée ; et le coupable, combien il a pleuré la fatale adresse, l'acte impie de sa main !
160. ANONYME. - Hérodote reçut chez lui les Muses ; et sans doute chacune d'elles, pour son hospitalité, lui laissa un livre (049).
161. MARCUS ARGENTARIUS. - Un jour que je roulais (050) dans mes mains le poème d'Hésiode, les Travaux et les jours, je vis tout à coup Pyrrha qui venait à moi, et je m'écriai en jetant le livre à terre : "Des travaux (051), de l'ennui! assez comme cela, ô vieil Hésiode."
162. ANONYME. - J'étais un roseau, une plante inutile ne produisant ni figue, ni pomme, ni raisin. Mais un homme m'a initié aux fêtes de l'Hélicon, en me taillant un bec effilé, en me creusant un étroit canal. Depuis cette initiation, quand j'ai bu un noir breuvage, je suis comme inspiré, et de ma bouche muette il sort toute espèce de paroles et de vers.
163. ANONYME. - De Troie en flammes et du milieu des armes le vaillant Enée enleva son père, pieux fardeau pour un fils. "N'y touchez pas, criait-il aux Grecs. Pour les vainqueurs, un vieillard est un butin sans valeur, pour celui qui le porte c'est un précieux trophée."
164. ANONYME. - duel mortel, ô Justice, t'a causé tant de chagrins ? C'est le voleur qui m'a placée ici [et consacrée], n'ayant rien de commun avec moi.
165. PALLADAS. - La femme est l'oeuvre de la colère de Jupiter, le rachat du feu et sa contre-partie funeste. Aussi elle brûle l'homme, elle le dessèche à force de chagrins, et fait succéder à sa jeunesse une vieillesse prématurée. Junon au trône d'or ne laisse pas que de donner elle-même des soucis à Jupiter qui, plus d'une fois, la chassa du séjour des immortels, la suspendant au milieu de l'air et des nuages. Homère le sait bien, lui qui a décrit le courroux du maître des dieux contre son épouse. Ainsi, vous le voyez, aucune femme ne peut vivre en bon accord avec son mari, pas même celle qui sous la voûte dorée des cieux repose dans les bras de Jupiter.
166. LE MÊME. - Toujours Homère a représenté les femmes comme méchantes, trompeuses, et toujours également funestes, qu'elles soient vertueuses ou débauchées. Ainsi l'adultère d'Hélène a fait couler des flots de sang, et la chasteté de Pénélope a été cause d'un affreux carnage. Tous les malheurs de l'Iliade viennent d'une seule femme, et Pénélope fait aussi le sujet de l'Odyssée.
167. LE MÊME. - Quand Prométhée eut ravi le feu, Jupiter donna les femmes, autre fléau ; et plût aux dieux qu'il n'y eût ni femmes ni feu ! Mais au moins le feu s'éteint assez vite, tandis que la femme est un feu ardent qui brûle tout et que tout entretient.
168. LE MÊME. -La colère funeste (052), je l'ai prise pour femme, infortuné que je suis, moi qui, même dans mon métier de grammairien, commençai par la colère. Hélas ! que de colère m'accable, pauvre victime d'une double et implacable fatalité, celle de la grammaire et celle d'une femme querelleuse !
169. LE MÊME. - La colère d'Achille a été pour moi, maître de grammaire, la cause d'une funeste pauvreté. Plût aux dieux que cette colère m'eût anéanti avec les Grecs, avant que la grammaire me fit mourir de faim ! Mais non, c'est afin qu'Agamemnon enlevât Briséis, et Pâris Hélène, que je suis réduit à la misère.
170. LE MÊME. - J'ai fait honte par de solides raisonnements à mon estomac sans vergogne, et par la tempérance j'ai châtié mes entrailles indisciplinées. Comment, en effet, avec mon intelligence placée si haut, n'aurais-je pas vaincu mon ventre placé si bas ?
174. LE MÊME. - Instruments des Muses, mes livres, qui m'ont tant fait souffrir, je les vends, et je change de métier. Muses, portez-vous bien ! Belles-lettres, je vous dis adieu ! Adieu, grammaire, qui me laissez mourir de faim !
172. LE MÊME. - Je n'ai souci ni de la Fortune ni de l'Espérance , et ne m'inquiète plus de leurs mensonges. J'ai atteint le port. Je suis pauvre, mais j'ai pour compagne la liberté ; et la richesse qui outrage et méprise la pauvreté, je la déteste à mon tour.
173. LE MÊME. - Le début de la grammaire (053) est une malédiction en cinq vers. Je trouve dans le premier, la colère ; dans le second, funeste. Après funeste viennent encore les nombreuses souffrances des Grecs. Le troisième conduit les âmes en enfer ; le quatrième parle de proie et de chiens dévorants ; le cinquième d'oiseaux voraces et du courroux de Jupiter. Comment donc le grammairien, avec des mots d'aussi mauvais augure, ne serait-il pas accablé de maux ?
174. LE MÊME. - Ici enseignent ceux que Jupiter poursuit de sa colère, ceux qui commencent par le Mênin aeide, thea. Ici la nourrice, chaque mois, apporte le salaire de mauvaise grâce, un misérable salaire enveloppé dans du papiers mais elle en dérobe quelque chose, elle change des pièces, elle mêle de l'étain, et reçoit le cadeau accoutumé. Comme une offrande funéraire, elle laisse près de la chaire, ainsi qu'auprès d'une tombe le petit papier, jeté en détournant la tête. Que si quelque enfant, au jour de l'an, doit apporter un écu d'or, le onzième mois, avant d'avoir bien profité du cours, il change d'école, par son ignorance calomniant le premier maître, en outre qu'il l'a privé de son profit annuel.
175. LE MÊME. - Je vends Callimaque et Pindare, et les déclinaisons même de la grammaire, déclinant vers la pauvreté. Dorothée m'a ôté ma syntaxe, ma taxe alimentaire, après m'en avoir donné l'avis peu charitable. Mais toi qu'aime le bon Dieu, viens à mon aide, et ne laisse pas finir ma vie dans la conjonction de la misère (054).
176. LE MÊME. - Homme éloquent, tu m'as invité à dîner, et je n'ai pas répondu à ton invitation. J'en garde du moins tout l'honneur, et mon amitié s'en accroît. C'est que, si mon âme est peu sensible à la bonne chère ce qu'elle sent bien, c'est un témoignage de considération : elle en fait sa nourriture et sa vie.
177. ANONYME. - Près de la tombe de l'intrépide Ajax, un Phrygien se mit à vociférer ce vers injurieux à sa mémoire : "Ajax ne résiste plus (055)." Mais celui-ci lui répondit de dessous terre : "Il résiste. (056)" Et le vivant s'enfuit à la voix du mort.
178. ANTIPHILE. - Moi, Rhodes, je suis maintenant l'île de César, comme autrefois j'étais celle du Soleil, et je tire une égale gloire des rayons de l'un et de l'autre. J'avais fini par m'éteindre, lorsqu'un nouvel astre m'illumina, ô Soleil, et l'éclat de Néron surpasse encore le tien. Comment dire à qui je dois le plus ? Est-ce à celui qui m'a fait sortir des flots (057) ? Est-ce à celui qui m'a sauvée du naufrage et de l'abîme ?
179. LÉONIDAS. - Qui a poli avec de l'encens cet Amour armé de flèches, qui ne respecte pas Jupiter lui-même ? Enfin, le voilà donc placé pour but à Vulcain, celui qu'on ne devrait voir autrement que consumé par le feu (058).
180. PALLADAS. - La Fortune, qui trafique des affaires de ce monde, dont le caractère est sans bonne foi, qui sans cesse mélange et transvase , elle est maintenant une cabaretière, non plus une déesse , ayant obtenu en partage un métier bien en rapport avec ses habitudes et ses goûts (059).
181. LE MÊME. - Quel renversement dans les choses d'ici-bas ! nous voyons la Fortune elle-même en proie à l'infortune.
182. LE MÊME. - Et toi, déesse Fortune, d'où vient ta fortune infortunée ? Comment un mauvais sort accable-t-il la maîtresse du sort ? Sache à ton tour souffrir tes propres caprices, et fais l'apprentissage des maux que tu prodigues aux autres.
183. LE MÊME. - Et toi aussi, ô Fortune, tu es le jouet du sort, et tu ne t'es pas épargnée toi-même. Naguère tu avais un temple, et, les ans en sont la cause, te voilà cabaretière, versant aux humains de l'eau chaude dans les coupes de Bacchus. Maintenant gémis pieusement sur tes malheurs, déesse inconstante, aussi infidèle à toi-même que tu le fus aux autres.
184. ANONYME. - Pindare, bouche sacrée des Muses, Bacchylide, babillarde sirène, grâces éoliennes de Sapho, écrits d'Anacréon, Stésichore qui as fait passer dans tes oeuvres un courant homérique, pages délicieuses de Simonide, Ibycus qui as moissonné la douce fleur de la Persuasion près des adolescents, glaive d'Alcée qui maintes fois as versé le sang des tyrans pour sauver les institutions de la patrie , Alcman dont la voix a la molle douceur des chants du rossignol, soyez-nous propices, vous tous qui avez ouvert et fermé le stade de la poésie lyrique (060).
185. ANONYME. - Ils sont d'Archiloque, ces vers-ci ; ces ïambes retentissants, où s'épanche le fiel de sa colère et de ses redoutables invectives.
186. ANTIPATER. - Comédies d'Aristophane , oeuvre divine, dont le lierre, attique couvre chaque page, de quel feu Bacchus anime vos vers ! Avec quelle harmonie ils résonnent! Quelle grâce redoutable les embellit ! O poète généreux et patriote, que tu représentes bien les moeurs de la Grèce ! Que tes sarcasmes et tes ris ont d'à-propos !
187. ANONYME. - Les abeilles ont déposé sur tes lèvres, ô Ménandre, le suc des fleurs recueilli par elles dans le jardin des Muses, et les Grâces en personne t'ont donné ce charme de style, ce bonheur d'expression qui brillent dans tes comédies. Ta mémoire sera immortelle, et grâce à ton génie, à tes oeuvres, la gloire d'Athènes s'élève jusqu'aux cieux (061).
188. ANONYME. - O le plus sublime organe de l'éloquence attique, quelle plus grande voix que la tienne a jamais frappé les échos de la Grèce ? Le premier, divin Platon, tu as levé les yeux vers Dieu et le ciel, et trouvé la lumière qui éclaire nos moeurs et la vie ; et mêlant à l'ironie socratique la gravité pythagoricienne, tu as accompli l'admirable fusion (062) des graves dissentiments de la philosophie.
189. ANONYME. - Allez au temple radieux de la belle Junon, Lesbiennes, en formant des danses légères. Là, organisez en l'honneur de la déesse un choeur magnifique : Sapho le conduira avec sa lyre d'or. Qu'à ses accords vous danserez avec joie ! Oui, vous croirez entendre le doux hymne de Calliope elle-même.
190. ANONYME. - Cette oeuvre de la Lesbienne Érinne, suave rayon de miel, a peu d'étendue ; mais il est tout entier composé avec le miel des Muses. Ils sont aussi beaux que les roses d'Homère, ces trois cents vers chantés par une jeune fille de dix-neuf ans, qui, craignant sa mère, restait assise auprès de sa quenouille et de son métier, secrètement attachée au culte des Muses. Autant Sapho l'emporte sur Érinne dans la poésie lyrique, autant Érinne est supérieure à Sapho par ses hexamètres (063).
191. ANONYME. Sur le poème de Lycophron. - Si par hasard tu t'engages dans mon tortueux labyrinthe, tu ne reviendras pas aisément à la lumière, tant sont obscures, inextricables les paroles inspirées par Apollon à la Priamide Cassandre, et que rapporte au roi un messager aussi impénétrable qu'elle ! Que si Calliope t'honore de son affection, prends-moi et lis ; mais si tu es étranger aux Muses, laisse-moi là : tu n'aurais dans tes mains qu'un inutile fardeau.
192. ANTIPHILE. - O livres, qui êtes-vous ? que contenez-vous ? - Nous sommes les enfants du poète de Méonie et Ies historiens des événements de Troie. L'un de nous raconte la colère d'Achille, les exploits d'Hector et les combats d'une guerre de dix ans. L'autre décrit les épreuves d'Ulysse et les larmes versées par la vertueuse Pénélope près de sa couche solitaire. O livres, soyez-nous propices avec les autres Muses ; car dès que vos chants ont été entendus, le monde a reconnu qu'il y a onze Piérides.
193. EUNOMIANUS. Sur l'histoire de Philostorge. - Par la grâce et l'inspiration de Dieu, j'ai terminé mon histoire, en ayant ourdi la trame avec les faits divers de la vérité.
194. ANONYME. - Le beau nom de Philostorge a douze lettres. Aussi a-t-il commencé chacun des douze livres de son histoire par une de ces lettres, le premier par phi, le second par I, et ainsi de suite, ayant signé son oeuvre au moyen de ces lettres initiales.
195. ANONYME. - Le fils de Constantin, Esculape, a glorifié sa patrie en écrivant les origines et les institutions de la célèbre Anazarbe (064).
196. MARINUS. - Ayant toujours voulu être agréable aux dieux, c'est aussi dans une intention pieuse que Marinus a composé cet ouvrage.
197. LE MÊME. - Et ce n'est pas la moindre de tes oeuvres, divin Proclus, de nous avoir laissé en nous quittant Marinus, vivante image des immortels, l'aide et le consolateur des mortels pieux, et comme toi, auguste maître, le médecin des âmes. En écrivant ta vie chère aux dieux, Marinus a consacré chez nos descendants le souvenir da tes vertus.
198. ANONYME. - Je suis Nonnus ; Panopolis est ma ville natale, et c'est à Pharos qu'avec le glaive de mes vers j'ai taillé en pièces la race des géants (065).
199. ANONYME. - La Parque, craignant le divin Oribase à cause de son art prodigieux, a bien souvent prolongé le fil de sa vie.
200. LÉON LE PHILOSOPHE. - Ce livre de mécanique est l'oeuvre de Cyrinus, aidé de la collaboration de Marcellus, son parent.
201. LE MÊME. - L'illustre astronome Paulus m'a enseigné (066) les sacrés mystères de l'art divinatoire que lui a révélés Apollon.
202. LE MÊME. - Ce volume renferme Théon et Proclus, les savants mathématiciens ; il renferme les mesures du ciel et de la terre. Proclus a mesuré la terre, et Théon le ciel. Tous deux également dignes d'admiration, tous deux se sont mutuellement prêté l'aide de leur savoir. Théon, prenant à Proclus ses doctes propositions de géométrie, démontre par elles le cours des astres, et Proclus, prenant les démonstrations de Théon, analyse et développe par elles ses propositions. Salut, noble couple de savants ! salut, excellent Théon, intelligence supérieure, l'honneur de la ville d'Alexandrie ! salut aussi, Proclus, que tout le monde proclame le plus illustre descendant de Sarpédon !
203. PHOTIUS ou LÉON. - L'histoire de Clitophon, qui montre les amertumes de l'amour et de vertueux exemples, et la chaste conduite de Leucippe ravissent tous les lecteurs (067) ; ils admirent comment battue, les cheveux coupés, accablée d'outrages, et, ce qui passe tout, trois fois en face de la mort, elle persiste dans la vertu. Que si tu veux aussi être vertueux, ami, n'arrête pas seulement tes yeux sur les accessoires du récit, mais étudie le but de l'oeuvre et son dénoûment : l'hymen unit les époux selon leurs chastes voeux.
204. AGATHIAS. - Passant, ne t'amuse pas à me soulever, moi la pierre d'Ajax qui frappai Hector en pleine poitrine. Je suis noire et rude ; mais le divin Homère te dira comme je fis rouler sur le sol le fils de Priam. Maintenant ce n'est qu'à grand'peine qu'ils me remuent un peu avec des leviers, les hommes d'aujourd'hui, opprobre d'une génération énervée. Ah ! puisse-t-on me cacher sous terre ! car j'ai honte de servir de jouet à des hommes de rien.
205. ARTÉMIDORE. Sur la réunion des poésies bucoliques de Théocrite. - Muses bucoliques, naguère dispersées, maintenant réunies, vous voilà de la même bergerie et dans un seul troupeau.
206. EUPITHIUS. Après avoir ponctué et accentué la Prosodie universelle d'Hérodien. - Peste soit d'une multitude de règles qui se répètent et de signes imperceptibles qu'a tracés le roseau au bec effilé ! Mes yeux sont fatigués ; mon cou, mon échine, ma nuque, mes épaules n'en peuvent plus ; je souffre universellement de la prosodie universelle.
207. ANONYME. Sur le Manuel d'Épictète. - Pénètre-toi bien des pensées et de la morale d'Épictète, si tu veux alléger ton âme qui aspire au ciel, te détacher de la terre et t'élever aux célestes demeures.
208. ANONYME. - Celui qui suit les sages préceptes d'Épictète, traverse en souriant les écueils de la vie, et, après sa navigation terrestre, il arrive au port du ciel, dans la haute région des astres.
209. ANONYME. Un oiseleur à un moineau. - Pourquoi cries-tu ainsi en sautillant de branche en branche ? Un autre a fait comme toi et n'a pu échapper à mes pipeaux. Ses ailes rapides se sont engluées, et malgré tous ses efforts, il est tombé entre les mains de l'habile oiseleur.
210. ANONYME. Sur le livre des Tactiques du consulaire Orbicius. C'était l'oeuvre de l'empereur Adrien, ou, suivant d'autres, de l'empereur Trajan. - Étudier bien ce livre tout plein des rudes labeurs de la guerre, qu'autrefois l'empereur Adrien avait avec lui dans ses campagnes, et qui, depuis, est si longtemps resté sans emploi et dans l'oubli. Mais grâce au puissant empereur Anastase, il est revenu au jour pour être en aide aux armées. Il enseigne, en effet, les manoeuvres et l'art de la guerre homicide ; il enseigne comment il faut s'y prendre pour détruire les hommes de la mer occidentale, les Perses les affreux Sarrasins, l'impétueuse cavalerie des Huns, et les Isauriens qui se retranchent derrière leurs rochers. Ses leçons garantissent la soumission de l'univers au sceptre d'Anastase, astre qui se lève sur l'Orient plus radieux que Trajan lui-même.
211. ANONYME. - Paeon, Chiron, Esculape, Hippocrate sont de grands médecins ; ajoutez Nicandre dont la renommée est plus grande encore.
212. ANONYME. - Nicandre a catalogué un grand nombre de plantes, les unes salutaires, les autres mortelles, Nicandre qui surpasse en savoir tous les hommes ; et en effet il est de la race de Paeon.
213. ANONYME. - Colophon aussi est illustre entre toutes les villes, ayant donné le jour à deux poètes du plus grand génie, Homère d'abord, Nicandre ensuite, tous les deux chers aux Muses célestes.
214. LÉON LE PHILOSOPHE. - Porphyre, tu teins tes lèvres et pares ton âme de la pourpre (068) de tes discours.
215. ANTIPATER. - Passant, l'Hellespont a toujours été une mer fatale aux femmes : interroge Cléonice de Dyrrhachium. Elle naviguait vers Sestos pour rejoindre son fiancé ; et sur son malheureux navire elle a eu le sort d'Hellé. Infortunée Héro, tu as perdu ton amant, et toi, Déimaque, ta jeune épouse, dans un détroit de quelques stades.
216. ONESTE. - (069) Tu cites les saintes noces d'Harmonie ; mais rappelle-toi l'infâme union d'OEdipe. Tu vantes la piété d'Antigone ; mais ses frères étaient abominables. Ino est devenue immortelle ; mais qu'Athamas fut malheureux ! C'est au son d'une lyre que mes murailles se sont élevées ; c'est au son d'une flûte qu'elles sont tombées. Vois comme les dieux ont mélangé dans la destinée de Thèbes les biens et les maux, et comme ils se balancent.
217. MUCIUS SCÉVOLA. - Chevrettes, pourquoi laissez-vous là le thym, le tithymalle et l'herbe verte ? Pourquoi faites-vous ces bonds impétueux les unes contre les autres autour de Pan, le dieu des bois et des montagnes ? Ne cesserez-vous pas ces luttes turbulentes ? Prenez garde que la main du berger ne vous fasse sentir sa redoutable houlette.
218. ÉMILIEN DE NICÉE. - Plût aux dieux que les flots de la mer m'eussent englouti, moi qui ramène un chargement de morts au lieu d'un équipage de vivants ! J'ai honte de leur survivre. Pourquoi faut-il que j'entre au port, n'ayant plus d'hommes pour m'amarrer au rivage ? Appelez-moi le sinistre esquif de Charon. J'ai perdu tout mon monde, et ce sont des naufragés que j'amène au port.
219. DIODORE. - Tel que le fils d'Achille Néoptolème, ayant quitté les rochers de Scyros, voguait autrefois vers la plaine d'Ilion, tel dans la cité de Rémus, parmi les descendants d'Énée, aux rivages du Tibre revient le jeune Néron (070), dont le menton s'ombrage à peine d'un léger duvet. L'un se distinguait par son courage ; celui-ci se distingue par son courage et par sa sagesse.
220. THALLUS DE MILET. - Voyez comme ce vert platane cache les mystères des amants, comme il étend sur eux son feuillage sacré, comme autour de ses branches pendent en festons les belles grappes de raisin d'une vigne féconde. O platane, croîs et grandis, et que ton vert feuillage cache toujours les protégés de Vénus.
221. MARCUS ARGENTARIUS. - Je vois sur ce cachet l'inévitable Amour, guidant un char attelé d'un lion ; de la main droite, il frappe l'animal de son fouet ; de la gauche, il tient et dirige les rênes. La force et la grâce respirent là de toutes parts. Combien je le redoute, cet enfant terrible ! Car celui qui dompte un monstre sauvage, n'épargnera guère de pauvres créatures comme nous.
222. ANTIPHILE. - Habitant des eaux, je me suis dévoué pour un habitant de la terre, poisson pour un homme, vivant pour un mort. Ayant pris sur mon dos le cadavre d'un naufragé, je l'ai déposé sur le sable ; mais, ô triste chance ! ayant nagé de la mer vers le rivage, pour salaire de mon fardeau j'ai trouvé la mort. L'un et l'autre, nous avons réciproquement changé de destinée. La terre, son élément, m'a tué, et lui, hôte de la terre, a trouvé la mort dans mon océan.
223. BIANOR. - Un aigle, le seul des oiseaux admis auprès de Jupiter, portait un message du maître du monde au plus haut des airs, et sans voir un Crétois qui avait bandé son arc. La flèche ailée atteignit l'oiseau; mais le chasSdur n'échappa point au juste courroux de Jupiter, car l'aigle tomba sur le Crétois et e punit de sa fatale adresse, en plongeant dans sa nuque le trait qu'il lui avait enfoncé dans le flanc. Une seule flèche ainsi s'abreuva du sang de deux victimes.
224. CRINAGORAS. - César, ayant goûté de mon lait, le meilleur qu'on puisse traire, s'est réservé pour lui seul ma crème parfumée, et m'a emmenée sur ses vaisseaux afin que je l'accompagne dans ses voyages. Certes j'irai jusqu'au ciel ; car celui à qui j'ai prêté mes mamelles n'est pas inférieur au dieu qu'a nourri la chèvre Amalthée.
225. ONESTE. - Fontaines (071) d'Asopus et de Pégase, ondes fraternelles, don d'un coursier et d'un fleuve, vous avez jailli sous le choc de leurs pieds. Pégase a ouvert les canaux de l'Hélicon, Asopus ceux de l'Acrocorinthe. O d'un coup de pied effets également merveilleux et propices !
226. ZONAS DE SARDES. - A l'oeuvre, blondes abeilles ! Picorez le calice des fleurs, ou les tiges rugueuses du thym, ou les pétales du pavot, ou les raisins que le soleil a séchés, ou la violette, ou le duvet parfumé des pommes ; butinez partout et remplissez vos alvéoles de cire et de miel, afin que Pan, le protecteur des ruches et des abeilles, goûte à votre gâteau, afin que l'homme au tison fumeux en coupe une grosse part, et qu'il en reste aussi une petite pour vous.
227. BIANOR. - Sur les bords de la mer, dans l'onde transparente, un pêcheur aperçut un polype qui nageait. S'étant jeté sur lui, il l'envoya rapidement de la mer sur le sable, avant d'être pris par sa capture. Par un singulier hasard, l'animal ainsi lancé tomba sur un lièvre peureux, blotti dans les joncs où il dormait. Le polype, en un instant, l'enveloppa tout entier, si bien que l'homme sous une proie marine trouva une proie terrestre (072).
228. APOLLONIDAS. - Mélitée apprit inopinément la nouvelle que son fils avec la cargaison de son vaisseau avait été submergé, et comme preuve de son infortune elle vit sur le rivage m cadavre que les flots y avaient jeté. Elle l'ensevelit, croyant me, c'était son fils. Mais voici que Dion, sur son navire en bon état, arrive sain et sauf, avec un riche chargement. Quelle différence dans le sort des deux mères ! L'une, contre toute attente, retrouve son fils, et l'autre ne le verra pas même mort.
229. MARCUS ARGENTARIUS. - O toi qui d'habitude te remplis au cabaret, bouteille vieille amie de table, au doux glouglou, au facile sourire, à la belle embouchure, au long cou, confidente discrète et consolatrice de ma pauvreté , te voilà donc revenue entre mes mains après une longue absence. Puisses-tu t'offrir à moi sans mélange, sans commerce avec les Naïades, et pure comme la chaste fille qui s'unit à son époux !
230. ONESTE. - Pour arriver aux cimes de l'Hélicon, on se donne bien du mal ; mais aussi on se désaltère aux sources délicieuses de l'Hippocrène. De même les hauteurs de la poésie sont escarpées ; mais si tu parviens au sommet, tu y puiseras les faveurs des Muses.
231. ANTIPATER. - Une vigne, en grimpant, me couvre, pauvre platane desséché, et je suis tout verdoyant d'un feuillage étranger, moi qui naguère protégeais de mes frais rameaux ses grappes mûrissantes, et n'avais pas moins de feuilles qu'elle. Désormais, à mon exemple, qu'on se ménage une semblable amie qui, par exception, même au delà du trépas, témoigne sa reconnaissance.
232. PHILIPPE. - Vase d'Adria au goulot jadis harmonieux, quand je renfermais les trésors de Bacchus, maintenant brisé, je suis placé comme un abri pour protéger la jeune vigne qui tapissera cette charmante treille. Toujours nous rendons à Bacchus quelque service : vieux, nous le gardons fidèlement ; jeune, nous l'élevons avec sollicitude.
233. ÉRYCIUS. - Tu coupais de vieux troncs d'arbres desséchés, infortuné Mindon, lorsqu'une araignée qui s'y tenait cachée, sortant du fond de sa retraite, te piqua au pied gauche. Bientôt une noire pourriture, gagnant de proche en proche, dévora jusqu'aux os la chair livide. De ce moment il fallut couper ton genou vigoureux, et l'une des jambes qui te portent est maintenant une forte branche d'olivier.
234. CRINAGORAS. - Jusqu'à quand, mon pauvre coeur, séduit par de vaines espérances, t'égareras-tu dans la stérile région des nuages, et te forgeras-tu des rêves de puissance et de richesse ? Mais les mortels n'obtiennent rien qu'à grand'peine et par bien des efforts. Ne recherche donc que les faveurs et les dons des Muses ; et tout le reste, misérables idoles de l'âme, abandonne-le aux insensés.
235. LE MÊME. - Grandes régions limitrophes, que sépare le Nil gonflé par les eaux de la noire Éthiopie, vous avez toutes deux réuni par l'hymen vos souverains (073), ne faisant plus qu'une seule nation de l'Égypte et de la Libye. Qu'à perpétuité passe des pères à leurs enfants le sceptre qui s'étend sur ces deux parties du monde !
236. BASSUS LOLLIUS. - Les immuables arrêts des Parques avaient désigné comme dernière victime le vieux Priam : il a été immolé auprès de l'autel phrygien. Mais déjà, pieux Énée, ta flotte est arrivée aux rivages de l'Italie, ta nouvelle patrie en attendant celle que te réservent les Cieux. La citadelle de Troie est tombée à propos et pour sa gloire ; car de ses ruines, et au bruit des armes, a surgi la cité (074) qui doit dominer sur tout l'univers.
237. ÉRYCIUS. - Pâtre, je t'en prie par le dieu Pan, dis-moi quelle est cette grande statue de hêtre à laquelle tu fais une libation de lait. - C'est celle du héros de Tirynthe, du vainqueur de Némée. Ne vois-tu pas, étourdi, son arc et sa massue d'olivier sauvage ? - Salut, Alcide qui manges une génisse entière ! Épargne et protégé ces étables, et que de ce petit troupeau il naisse des milliers de boeufs.
238. ANTIPATER. - Cette statue d'airain d'Apollon éphèbe, oeuvre d'Onatas, est un témoignage de la beauté de Latone et de Jupiter. Elle prouve que Jupiter n'aima pas en vain Latone, et que, ainsi qu'on l'a dit (075), le fils de Saturne a une belle tête et de beaux yeux. Onatas non plus n'a pas coulé ce bronze en dépit de Junon, puisqu'il lui a donné la vie avec l'aide de Lucine.
239. CRINAGORAS. - Les cinq livres de poésies lyriques que ce manuscrit renferme sont l'oeuvre inimitable des Grâces. Anacréon, l'aimable vieillard de Téos, les a composées, la coupe à la main ou avec les Amours. C'est un don que, pour son jour de naissance, nous offrons à Antonia, qui brille de tous les attraits de l'esprit et de la beauté.
240. PHILIPPE. - Un bélier aux cornes recourbées frappait le fils de Calyptra, qui s'était un peu éloigné de sa mère, lorsqu'un sanglier, la bête d'Hercule, s'échappant des liens où il était pris, plongea ses défenses dans les flancs du bélier. Il sauva ainsi la vie de l'enfant. Sans doute que, depuis les sévices de Junon, Hercule a pitié des enfants en péril.
241. ANTIPATER. - Apollon, tu as été berger ; et toi, Neptune, cheval ; Jupiter, cygne, et l'illustre Ammon, serpent. (Ces dieux brûlaient pour de jeunes filles, et toi c'est pour de jeunes garçons.) Tous vous vous cachiez ; car vous ne faites pas l'amour avec la persuasion, mais avec la violence. Pour Évagoras qui est tout or, franchement, seul et au grand jour, il triomphe [par son opulence] de tous et de toutes sans recourir à des métamorphoses.
242. ANTIPHILE. - Glaucus, le passeur du détroit de Thasos en Thrace, que les rivages du Thasos ont vu nacre, et qui, pilote expérimenté, manoeuvrait, tout en dormant, le gouvernail d'une main sûre, accablé par l'âge, usé par les fatigues de la mer, n'est pas sorti, même quand il lui fallut mourir, de sa vieille barque. On l'a brûlée sur lui, afin que le vieux marin naviguât, en allant chez Pluton, sur son propre esquif.
243. APOLLONIDAS. - Le jeune Aristippe a été pour ses parents un sujet de joie et de deuil, dans le même jour. Il venait, en effet, d'échapper à l'incendie de la maison, lorsque Jupiter fit éclater sa foudre sur sa tête. Aussi tous ceux qui pleuraient sur ses restes foudroyés s'écriaient-ils : "O malheureux enfant, prédestiné au feu par l'arrêt du sort !"
244. LE MÊME. - Des cerfs timides, chassés des montagnes par la neige tombant à gros flocons qui en couvrait les cimes, s'élancèrent dans un fleuve, espérant, bien à tort, les malheureux, réchauffer leurs membres agiles dans de tièdes ondes. Mais le courant ennemi les enferma de toute part et les enchaîna soudain avec des entraves de glace. Une foule de villageois fit bombance avec ce gibier pris sans filet, qui tant de fois avait échappé aux toiles et aux épieux.
245. ANTIPHANE. - Ce n'est pas l'Hymen, c'est Pluton qui se tint sous les tentures du lit nuptial de la malheureuse fiancée Pétale. Car seule et tremblante pendant qu'elle se dérobait dans l'ombre aux premières exigences de Vénus, effroi commun des vierges, d'impitoyables chiens de garde l'ont dévorée, et celle que nous espérions voir femme, nous ne l'avons pas même vue comme cadavre.
246. MARCUS ARGENTARIUS. - Après avoir, au milieu de buveurs, épanché de ton flanc Bacchus, tu as été brisée, douce bouteille. De loin une pierre a été lancée contre toi avec un grand bruit, comme la foudre, non par la main de Jupiter, mais par celle de Dion. Quand tu fus ainsi frappée, il y eut parmi les amis un éclat de rire, des plaisanteries sans nombre, un grand tumulte. Je ne te plains pas, bouteille, toi qui venais d'accoucher de Bacchus, le dieu des bacchanales, car Sémélé et toi, vous avez eu le même sort.
247. PHILIPPE. - Les violentes rafales du Notus m'avaient déraciné et jeté à terre, moi platane au feuillage touffu; mais arrosé de vin, je me suis relevé, sous l'influence en toutes saisons d'une pluie (076) plus douce que la pluie de Jupiter. Mort, j'ai vécu ; et seul ayant bu du vin, tandis que tous les autres plient et chancellent, on me voit plus droit et plus ferme.
248. BOÉTHUS. - Si Bacchus était entré dans le palais sacré de l'Olympe, folâtrant avec les Bacchantes et les Satyres, tel que l'ingénieux Pylade vient de le représenter, suivant les règles les plus exactes des poètes tragiques, l'épouse de Jupiter, Junon, oubliant sa jalousie, se serait écriée : "Tu as menti, Sémélé, Bacchus n'est point ton fils, c'est moi qui suis sa mère."
249. MACCIUS. - Moi, Pan, du haut de la vigie où l'on m'a placé, je surveille cette vigne aux beaux pampres verts. Que si, passant, tu désires une grappe pourprée, prends-la, je ne la reproche pas à ton estomac satisfait. Mais si seulement tu me touches d'une main cupide et voleuse, aussitôt tu recevras sur ta nuque un violent coup de mon bâton noueux.
250. ONESTE. - Je fus bâtie au son d'une lyre, et j'ai été démolie au son d'une flûte, moi, Thèbes. Ah ! que ce fut au rebours de l'harmonie! Ils gisent à terre et sont sourds, les débris de mes remparts jadis charmés par les sons de la lyre, ces pierres qui d'elles-mêmes venaient sur mes murailles, asile des Muses, grâce à ta main, Amphion, et sans autre labeur. Oui, ta ville aux sept portes, tu l'as bâti avec ta lyre aux sept cordes.
251. ÉVÉNUS. - Ver funeste, détesté des Muses, fléau des livres, à toute heure dévorant les trésors (077) de la science, pourquoi, vilaine bête noire, te loges-tu comme un espion dans les oeuvres vénérées, où tu traces ton odieuse image ? Fuis loin des Muses, va-t'en au loin, maudit insecte, n'offre pas même à ma vue le bout de ta trompe (078).
252. ANONYME. - Un voyageur, du haut de la berge, se précipita dans les eaux profondes du Nil, à la vue d'une troupe de loups affamés. Ils le prirent néanmoins en traversant le fleuve ; tous se tenaient les uns les autres, chacun d'eux ayant saisi avec les dents la queue de son devancier. Ainsi se trouvait jeté comme un pont sur le Nil, et l'homme fut atteint par ces bêtes à la nage, qui avaient appris de la nature cette ingénieuse tactique.
253. PHILIPPE. - A Thèbes, les noces de Cadmus furent charmantes, celles d'OEdipe abominables ; Bacchus institua les mystères, Penthée les railla et en fut puni ; les murailles s'élevèrent au son de la lyre, elles tombèrent au son des flûtes ; Antiope eut une couche heureuse, Jocaste en eut une bien funeste ; Ino fut une tendre mère, mais Athamas fut un père dénaturé. O Thèbes, cité pitoyable, jouet du destin, tes annales se partagent en aventures vertueuses et criminelles.
254. LE MÊME. - Moi, la Philoenion qui n'enfantai que pour le bûcher, la mère vouée aux douleurs qui vis trois enfants descendre chez les morts , j'eus recours à la fécondité d'un sein étranger. Car j'espérais bien qu'il vivrait, celui que je n'aurais pas mis au monde. Pour remplacer ma belle famille, j'adoptai donc un enfant ; mais le sort ne permit pas que je jouisse de cette faveur d'une autre mère ; car à peine appelé mon fils, l'enfant mourut ; et maintenant, déjà même pour les autres mères je suis, moi, devenue une cause de deuil.
255. LE MÊME. - Le pauvre Aristide se trouvait riche avec sa brebis, avec sa génisse, comme avec un troupeau de moutons et de boeufs ; mais il les perdit toutes deux : le loup tua la brebis, la vache mourut en vêlant. Ainsi périt le troupeau du pauvre homme, et lui, avec la corde de sa besace qu'il s'attacha au cou, il mourut misérablement près de sa cabane, que n'égayaient plus les mugissements de sa génisse (079).
256. ANTIPHANE. - Je croyais vivre encore par la moitié, car cette moitié avait produit une pomme sur sa plus haute branche. Mais une chenille au dos velu, fléau des arbres, ou plutôt l'envie, a dévoré cette pomme unique. L'envie, d'ordinaire, s'attaque à la richesse (080), à la puissance ; mais l'envie qui détruit ce qui est faible et petit, appelle-la une furie abominable.
257. APOLLONIDAS. - Moi, la source Pure (les Nymphes m'avaient donné ce surnom qui me glorifiait entre toutes les fontaines), depuis qu'un brigand a tué des voyageurs qui s'étaient assis sur mes bords et lavé dans mon onde sacrée ses mains sanglantes, j'ai retiré mes douces eaux, et je ne coule plus pour les passants. Qui pourrait, en effet, m'appeler encore la source Pure ?
258. ANTIPHANE. - Naguère je coulais à pleins bords, et maintenant mon onde appauvrie en est réduite à quelques gouttes. C'est qu'un meurtrier a lavé dans mon courant ses mains sanglantes et mêlé ses souillures à mon onde. De ce moment les Nymphes qui alimentaient ma source se sont enfuies en disant : "Nous ne nous unissons qu'à Bacchus, nous ne nous mêlons pas à Mars (081)."
259. BIANOR. - Une maison tout entière s'écroula, mais sur le berceau d'un enfant sa chute fut plus légère que le zéphyr. Les décombres épargnèrent l'enfant. O gloire des mères, la pierre même sent ce que vous content les douleurs de l'enfantement.
260. SÉCUNDUS. - Moi, Laïs,qui autrefois perçais comme une flèche tous les coeurs, je ne suis plus Laïs ; je suis devenue avec l'âge un insigne exemple des vengeances de Némésis. Par Vénus (et qu'est-ce que Vénus pour moi, si ce n'est un simple serment ?), Laïs n'est plus reconnaissable aux yeux de Laïs elle-même.
261. ÉPIGONE. - Naguère, au milieu des vignes aux beaux pampres, je brillais jeune et vigoureuse, étalant mes grappes de raisin succulentes et mûres. Et maintenant me voilà vieille. Comme le temps nous arrange ! La vigne aussi sent les ravages et les rides de la vieillesse.
262. PHILIPPE. - Tous naguère comptaient Aristodice au nombre des plus heureuses mères, ayant sis fois mis au monde de beaux enfants. Mais contre elle se sont liguées la terre et l'eau. Trois de ses enfants ont succombé aux maladies, et ceux qui lui restaient sont morts à la mer. Toujours, depuis, on voit cette pauvre mère en larmes, gémir comme un rossignol sur des tombes, ou comme un alcyon accuser les flots de leur inclémence.
263. ANTIPHILE. - La vieille Eubulé, lorsqu'elle avait quelque idée en tête, ramassait le premier caillou qu'elle trouvait : c'était son oracle d'Apollon. Elle le consultait en pesant la pierre dans ses mains. Elle était lourde, si elle ne voulait pas ; si elle voulait, elle était plus légère qu'une feuille. Et en faisant elle-même ce qui lui plaisait, si parfois elle ne réussissait pas, c'est à Apollon qu'elle imputait l'erreur de ses mains.
264. APOLLONIDAS OU PHILIPPE. - Dans un buisson, perchée sur l'extrémité d'une branche, une cigale, en plein midi, battant ses flancs de ses ailes, charmait la solitude de ses instinctives mélodies. Or, Criton de Pialie, l'oiseleur, prit avec ses pipeaux ce chantre au corps aérien. Mais il en fut bien puni : désormais à ses piéges accoutumés il ne se prit aucun de ces volatiles qu'il convoitait.
265. LE MÊME. - L'oiseau de Jupiter, atteint par l'arc d'un Crétois, s'en est vengé en ripostant à la flèche de la terre par une flèche du ciel. Il est tombé du haut des airs sur le chasseur, et le même coup les a tués l'un et l'autre. Crétois, ne soyez plus si vantés pour votre adresse à lancer d'inévitables traits ; qu'on célèbre aussi la justesse du coup d'oeil de Jupiter (082).
266. ANTIPATER. - Aux doux sons que tirait de ses belles flirtes l'harmonieux Glaphyrus (083), Apollon charmé s'écria : "Marsyas, tu as menti ; tu n'avais rien trouvé, car les flûtes de Minerve, c'est lui, c'est Glaphyrus qui les a emportées de Phrygie. Et si autrefois tu avais soufflé dans de telles flûtes, ton père Hyagnis n'aurait pas pleuré la triste issue (084) de ta lutte musicale sur les bords du Méandre."
267. PHILIPPE. - Damis, le jeune fils de Nicarète, naviguant pur la mer d'Icare, glissa du vaisseau et tomba à la mer. Son père à grands cris invoque les immortels, il s'adresse aux flots, il les conjure d'épargner son fils ; mais l'enfant n'en périt pas moins, englouti par les vagues. Cette mer, même autrefois, n'écoutait pas les voeux d'un père (085).
268. ANTIPATER. - Une chienne crétoise, Gorgo, prête à mettre bas, courait sur la piste d'un cerf, après avoir invoqué l'une et l'autre Diane. Elle tua le cerf et mit bas. Diane s'était empressée d'exaucer son double voeu pour une bonne chasse et pour une couche heureuse. Et maintenant Gorgo allaite neuf petits. Cerfs et biches de Crète, fuyez des enfants dressés à la chasse dans le sein même de leur mère.
269. LE MÊME. - Un vaisseau s'étant brisé en mer, deux naufragés se disputaient une planche. Antagore frappa Pisistrate. Excusez-le , car il s'agissait de l'existence. Mais la Justice fit son devoir. L'un se sauva à la nage, un loup marin dévora l'autre. Évidemment l'Euménide vengeresse ne s'endort pas, même au milieu des mers.
270. MARCUS ARGENTARIUS. - Je me livre à la danse en voyant le choeur doré des astres du soir, et je ne gêne pas (086) les autres choeurs en les heurtant. Après avoir couronné ma tête de fleurs je prends en main la lyre et j'en tire de mélodieux accords. C'est en faisant tout cela que je mène une vie conforme à la nature ; car la nature, qui est tout harmonie, a dans le ciel sa lyre et la couronne (087).
271. APOLLONIDAS. - Et quand donc offriras-tu une traversée sans péril, ô mer, dis-nous-le, si même des naufrages signalent les jours des alcyons ? Pour eux d'ordinaire le vent se tait et la mer aplanit ses vagues, à ce point que la terre semble moins calme et moins sûre. Et pourtant, c'est lorsque tu te canter d'être pour leurs couvées une seconde mère que tu as englouti dans tes vagues Aristomène et son navire.
272. BIANOR. - Mourant de soif, un corbeau, serviteur d'Apollon, ayant vu sur la tombe d'une femme un vase avec de l'eau pour les lustrations, poussa un cri de joie en se posant sur les bords ; mais son bec n'atteignait pas le fond. Apollon, tu inspiras à l'oiseau un moyen ingénieux. Il introduit dans le vase des cailloux ramassés sur le sable, et bientôt de son bec avide il atteint les eaux dont les pierres ont élevé le niveau (088).
273. LE MÊME. - Par le fort de la chaleur, une cigale chantait à toute gorge et de sa double langue dans le bocage, lorsque Criton, ayant disposé ses pipeaux, prit le chantre de l'air, contre lequel les oiseleurs n'exercent jamais leur art. Celui-ci fut puni comme il le méritait de cette chasse impie ; car ses piéger, auparavant infaillibles, ne prirent plus aucun oiseau (089).
274. PHILIPPE. - Sous le joug et sous l'aiguillon, une jeune vache ouvre à grand'peine le sillon où germe le grain (090), et après ce rude labeur, de retour à l'étable, elle nourrit de son lait un petit veau ; double tâche, surcroît de fatigue ! Ne l'accable pas, ô laboureur ! Ce petit veau qu'elle t'élève, si tu épargnes la mère, deviendra génisse.
275. MACÉDONIUS. - Codrus a tué un sanglier dans la plaine, et dans la mer au milieu des flots il a pris un cerf. S'il y avait une race ailée de bêtes fauves, dans l'air même il l'atteindrait, et ne reviendrait pas, ô Diane, les mains vides.
276. CRINAGORAS. - Sur le bord de la mer, une pauvre femme qui lavait du linge, penchée sur une roche humide, fut entraînée par une vague qui monta sur le rivage, et la malheureuse but le flot amer de la mort. Elle fut délivrée à la fois de la vie et de la misère ; mais qui osera braver sur un vaisseau la mer dont on ne peut pas même, à terre, se garantir ?
277. ANTIPHILE. - Impétueux torrent, pourquoi t'élances-tu ainsi, barrant le passage aux voyageurs ? Certes tu es ivre de pluie, et tu ne portes pas à tes Naïades une eau limpide ; c'est aux nuées que tu as emprunté leurs eaux les plus troubles. Mais je te verrai bientôt desséché par le soleil ; il sait reconnaître les eaux naturelles et les eaux illégitimes et d'emprunt.
278. BIANOR. - Un enfant vit un cercueil où reposaient les restes de ses aïeux entraîné par un torrent. La douleur le remplit d'audace; il s'élance dans les eaux furieuses. Hélas ! funeste lui fut son dévouement. Il sauva bien les restes de ses ancêtres ; mais lui-même, à leur place, fut emporté par la violence du torrent.
279. BASSUS. - Lorsque Pluton eut reçu pour la seconde fois (091) trois cents passagers de la barque du Léthé, tous couronnés par la guerre : "Ce sont des Spartiates, dit-il ; voyez comme toutes leurs blessures ont été reçues par devant, comme leurs poitrines ont été seules atteintes. Maintenant, du moins, soyez rassasiés de fatigues et de combats ; reposez-vous enfin et dormez du sommeil que le destin vous accorde, soldats de l'invincible Mars !"
280. APOLLONIDAS. - Lélius, l'honneur du consulat romain, dit en voyant l'Eurotas : "Fleuve illustre de Sparte, salut !" Et mettant la main sur un livre inspiré par les Muses, il vit audessus de sa tête un présage de poésie et de science. Des pies, ingénieuses imitatrices de la voix humaine, charmaient la vallée ombreuse de leurs voix qui répétaient toute sorte de vers. Encouragé par elles à la lecture, il s'écria : "Quoi donc ! cette oeuvre n'est-elle pas digne d'étude, ô poète , puisque les oiseaux même imitent et répètent tes paroles ?"
281. LE MÊME. - Lorsque je vis avec l'Asie entière, prodige étrange ! un cheval hennissant de désir en voyant de la chair humaine, ce que l'antiquité raconte des écuries de Diomède s'est présenté à mes yeux. Je cherche un nouvel Hercule.
282. ANTIPATER. - Passants, je suis l'arbre autrefois vierge, le laurier. Dites à vos serviteurs qui s'apprêtent à m'émonder, de s'en abstenir. A ma place, que le voyageur dépouille l'arbousier et le térébinthe, pour faire à terre un lit de feuillage, car ils ne sont pas loin. Mais de moi le fleuve est distant de trois plèthres, tandis qu'entre sa rive et le bois il n'y en a que deux.
283. CRINAGORAS. - Monts pyrénéens, et vous, Alpes, qui de vos cimes élevées voyez de près le cours du Rhin, vous avez été témoins des éclairs que lança Germanicus foudroyant les Celtes ; aussi furent-ils écrasés par milliers ; et Bellone dit à Mars : "A de tels coups nous reconnaissons un maître."
284. LE MÊME. - Malheureuse Corinthe, quels habitants tu as trouvés au lieu de quels habitants ! O immense infortune de la Grèce ! Plût aux dieux, Corinthe, que tu fusses plus submergée qu'Égire (092), plus déserte que les sables de la Libye, plutôt que d'être livrée à de tels garnements (093) et de voir ainsi foulés aux pieds les ossements des antiques Bacchiades !
285. PHILIPPE. - L'éléphant avec ses énormes défenses ne s'élance plus au combat chargé d'une tour et comme une phalange ; mais, dompté par la peur, il a soumis son large cou au joug, et il traîne le char du divin César. Cette bête monstrueuse, elle-même a reconnu les douceurs de la paix ; elle a jeté là les machines de guerre, et en échange elle porte le père de la justice.
286. MARCUS ARGENTARIUS. - Coq maudit, pourquoi m'as-tu ravi le doux sommeil ? L'image de Pyrrha vient de s'envoler de mon lit. Est-ce ainsi que tu me récompenses de t'avoir nourri, de t'avoir fait le maître et l'époux de toute la gent volatile de ma basse-cour ? Par l'autel et le sceptre de Sérapis, tu ne chanteras plus la nuit ; mais tu teindras de ton sang l'autel par lequel j'ai juré.
287. APOLLONIDAS. - Moi, l'oiseau sacré qui n'étais jamais descendu à Rhodes, que naguère encore les Cercaphides (094) ne connaissaient que de nom, ayant pris mon vol sublime, je suis venu à travers l'air immense dans l'île du Soleil, lorsque Néron (095) y avait établi sa résidence, et je me suis installé dans son palais, sensible aux caresses de mains augustes et ne fuyant pas le futur Jupiter.
288. GÉMINUS. - Passant, je suis une pierre consacrée à Mars, pierre pesante pour les descendants de Cécrops, puisque je témoigne de la victoire (096) de Philippe, et que j'insulte à Marathon et aux trophées de Salamine, qui s'inclinent devant les armes de la Macédoine. Jure maintenant par les morts, ô Démosthéne, prends-les à témoin (097). Pour moi, je serai également lourde aux vivants et aux morts.
289. BASSUS. - Roches de Capharée où s'échouent les navires, vous qui autrefois avez détruit les Grecs au retour et la flotte qui les ramenait d'Ilion, lorsque le signal de feu, plus sombre que la nuit des enfers, fit briller sa flamme perfide, et que toutes les nefs coururent aveuglément sur les récifs à fleur d'eau, vous fûtes comme une autre Troie pour les Grecs, plus désastreuse que celle qu'ils avaient assiégée dix ans. Alors ils la détruisirent ; mais, à son tour, ton cap Capharée triomphe, ô Nauplius : la Grèce t'a payé par ses larmes la rançon de Troie.
290. PHILIPPE. - Sous les violentes rafales du Libys et du Notus, la mer s'était assombrie et bouleversée ; du fond des abîmes le sable était revomi par les vagues ; le mât fracassé pendait à la mer avec ses agrès ; le vaisseau en dérive était entraîné chez Pluton, lorsque Lysistrate invoqua avec ferveur les dieux secourables aux matelots ; et ceux-ci calmèrent la furie de la mer en faveur du pieux marin. Tant la prière, même d'un seul, a de puissance !
291. CRINAGORAS. - Que l'Océan soulève la masse de ses eaux, que la Germanie boive le Rhin tout entier, Rome n'en éprouvera pas le moindre dommage, aussi longtemps qu'elle aura confiance dans les auspices de César. Ainsi les chênes sacrés de Jupiter restent inébranlables sur leurs racines ; le vent ne fait tomber que leurs feuilles desséchées.
292. ONESTE. - Aristion avait mis le corps d'un de ses fils sur le bûcher, lorsqu'elle apprit que l'autre venait de périr dans un naufrage. Ce double coup fut trop fort pour un seul coeur, et tandis que sa douleur se partage, qu'elle pleure l'un brûlé par le feu, l'autre englouti dans les eaux, elle mourut consumée par le désespoir.
293. PHILIPPE. - A la vue du grand corps de Léonidas, Xerxès, pour honorer son glorieux dévouement, étendit sur lui un manteau de pourpre. Mais du milieu des morts, le héros da Sparte s'écria : "Je n'accepte pas une faveur qui semble le prix de la trahison. Mon bouclier est un ornement assez beau pour ma tombe. Loin de moi le luxe des Perses ! Je veux descendre chez Pluton comme un Lacédémonien."
294. ANTIPHILE. - Léonidas, le roi Xerxès que tes exploits ont frappé d'admiration, te donne ce manteau de pourpre. Je n'en veux pas ; c'est là une récompense de trahison. Que mon bouclier couvre seul mon cadavre, et qu'un vêtement de luxe ne soit jamais mon linceul. - Mais tu n'es plus. Pourquoi, même chez les morts, tant de haine contre les Perses ? - C'est que l'amour de la liberté ne meurt pas.
295. BIANOR. - Ne t'étonne pas si ce jeune cheval, destiné à franchir d'autres plaines que celles de la mer, refuse de s'embarquer, s'il hennit, lance des ruades contre les parois du navire, et menace de briser ses liens ; c'est qu'il digne d'être une partie du chargement, c'est que ce n'est pas aux autres à le porter, lui plus fort et plus rapide que tous les autres.
296. APOLLONIDAS. - Lorsque la longue flotte des Perses portait partout la dévastation sur les rivages de la Grèce, Scyllos leur déclara une guerre sous-marine. Il plongea au fond des abîmes de Nérée, et là il coupa les câbles qui fixaient les navires sur leurs ancres. Alors la flotte persane avec ses équipages échoua sur la côte, désastre terrible, premier essai de Thémistocle [et présage de Salamine] !
297. ANTIPATER. - Pars, vole vers l'Euphrate, fils de Jupiter. Déjà de l'Orient s'avancent vers toi les Parthes pour implorer la paix. Pars, divin empereur, tu verras que la peur a détendu leurs arcs. Va régner sur l'Orient, berceau de ta race ; que Rome, qui de tous côtés n'a de limite que l'Océan, sous tes auspices reçoive pour sceller sa gloire les rayons du soleil levant.
298. ANTIPHILE. - Un bâton m'a conduit au temple, moi profane privé de toute lumière, et de celle de l'initiation et de celle du soleil ; mais les déesses m'ont initié à l'une et à l'autre, et dans cette nuit des mystères j'ai vu, purifié même quant à la nuit des yeux. Sans bâton, je suis revenu à la ville, proclamant la puissance de Cérès plus manifestement encore par les yeux que par la bouche.
299. PHILIPPE. - Dociles taureaux, laboureurs des plaines, nous continuons à la mer les travaux des champs. Mon camarade et moi, nous traçons dans l'eau des sillons sans soc, en tirant le filet aux longues cordes de jonc. Après les labours, nous servons à la pêche, et ainsi, toujours patients et laborieux, les boeufs labourent la mer elle-même pour qu'on en récolte les fruits.
300. ADÉE. - Le vaillant Peuceste, à cheval, s'élança au-devant d'un taureau sorti de la ténébreuse forêt de Dobère. Tel qu'une montagne bondissante, l'animal fondit sur l'agresseur ; mais son javelot de Péonie lui traversa les tempes. Ayant arraché les deux cornes, il en fit des coupes, et toutes les fois qu'il buvait, il se rappelait avec orgueil la mort de son ennemi.
301. SECUNDUS. - Pourquoi contraindre avec l'aiguillon l'animal qui brait, l'âne à la marche lente, de courir en rond dans une aire avec les cavales ? N'est-ce point assez que je sois forcé de tourner en rond, les yeux bandés, pour mettre en mouvement une meule pesante ? Voilà que nous rivalisons encore avec les coursiers. Certes il ne me reste plus qu'à tirer la charrue et à tracer des sillons.
302. ANTIPATER. - Abeilles , ô quelle rage ! vous avez tué le petit Hermonax qui se traînait vers vous pour chercher vos rayons, et cet enfant que vous aviez si souvent nourri de vos dons, vous l'avez, hélas ! percé de vos dards. Et nous accusons encore la cruauté des vipères ! Croyez-en Lysidice et Amyntor, et maudissez les abeilles : elles ont, elles aussi, un miel bien amer (098).
303. ADÉE. - La petite Calathina était en souffrance, prête à mettre bas ; la fille de Latone lui procura une heureuse délivrance. Diane n'exauce point que les femmes ; elle se plaît aussi à venir en aide aux chiennes mêmes, ses compagnes de chasse.
304. PARMÉNION. - Celui (099) qui par les voies interverties de terre et de mer voguait à travers les montagnes, passait à pied l'Hellespont, avec trois cents épées la vaillance spartiate l'arrêta. Honte à vous, montagnes et mers !
305. ANTIPATER. - Hier je m'étais abreuvé d'eau pure ; Bacchus m'apparut, et s'approchant de mon lit : "Tu dors, me dit-il, du sommeil de ceux que hait Vénus. Homme sobre, dis-moi, as-tu ouï parler d'Hippolyte ? Tremble qu'il ne t'arrive quelque chose de semblable." A ces mots il disparut ; et moi, depuis ce moment, je n'aime plus l'eau.
306. ANTIPHILE. - Bûcherons, cessez d'abattre des arbres pour construire des vaisseaux. Ce ne sont plus des pins, ce sont des peaux qui voguent maintenant sur mer. On ne cloue plus les navires avec du cuivre, avec du fer ; les parois en sont ajustées et cousues avec du lin. Et les mêmes peaux sont tantôt des vaisseaux qui voguent sur la mer, tantôt une charge pliée que l'on transporte par terre sur des chariots. Le navire Argo a été chanté chez les anciens ; mais Sabinus, par les conseils de Minerve, a construit une nef bien plus extraordinaire.
307. PHILIPPE. - Daphné, qui jadis rejeta les voeux d'Apollon, ne refuse rien à César. Elle vient de donner à l'autel de César un de ses plus beaux rameaux. En changeant de dieu, la Nymphe a gagné au changement. Le fils de Latone lui déplaisait, et elle aime le Jupiter fils d'Énée. Mais ce n'est pas dans la terre, notre mère commune , que le rameau a pris racine ; c'est dans la pierre. La pierre même n'est pas stérile pour César.
308. BIANOR. - Lorsque des pirates, près des parages de la Tyrrhénie, eurent jeté le joueur de lyre par-dessus le bord à la mer, aussitôt il s'élança du fond de l'abîme un dauphin qui le reçut avec la lyre harmonieuse dont il s'accompagnait encore ; et c'est ainsi qu'il le porta en nageant jusqu'à l'isthme de Corinthe. Assurément la mer a des poissons moins méchants que les hommes.
309. ANTIDATER. - Un jour d'hiver, la vieille Gorgo se chauffait aux charbons de son foyer, lorsqu'un coup de tonnerre la remplit d'épouvante. Son coeur se glaça, et elle ferma les yeux [pour toujours]. Ainsi entre sa vieillesse et la tombe il y avait encore une cause de mort.
310. ANTIPHILE. - Une petite souris avait mangé une de ces paillettes d'or qu'enlèvent les dents de la lime ; plus légère qu'un grain de sable de Libye, cette paillette était pourtant un lourd repas pour la souris. Son ventre gonfla , et de légère elle s'alourdit, à ce point qu'elle fut prise. On lui ouvrit alors le ventre pour y trouver ce qu'elle avait volé. Oh l'or ! il est même pour les pauvres bêtes une cause de mort.
311. PHILIPPE. - Une chienne qui rivalisait de vitesse avec les cerfs, étant pleine, se blessa aux organes de la génération. La blessure, en se cicatrisant, obstrua leur orifice. Cependant l'heure de mettre bas arriva avec les douleurs. La pauvre bête hurlait, épuisée par la souffrance, lorsqu'un homme avec le fer ouvrit les voies, et des petits chiens s'élancèrent des flancs maternels. Plus n'est besoin que Diane aide aux accouchements, puisque Mars (100) à son tour se met à faire l'office de sage-femme.
312. ZONAS. - O homme, garde-toi bien de couper l'arbre qui produit le gland, garde-t'en bien. Taille et saccage le sapin, le pin séculaire, le paliure aux nombreux rameaux, l'yeuse, le sec arbousier ; mais n'approche pas du chêne la hache, car nos aïeux nous ont dit que les chênes ont été nos premiers parents.
313. ANYTÉ. - Qui que tu sois, viens t'asseoir sous le feuillage épais de ce beau laurier et goûter les eaux limpides de ce frais ruisseau, afin de reposer tes membres épuisés par la fatigue et la chaleur, au souffle caressant de Zéphyre.
314. LE MÊME. - Mercure, ici dans ce carrefour je protège un verger en plein vent, non loin des bords de la mer, offrant le repos aux voyageurs fatigués. Du socle da ma statue s'échappe en murmurant une onde fraîche et limpide.
315. NICIAS. - Assieds-toi sous ces peupliers, passant, situ es fatigué, et, fusses-tu pressé, bois de notre onde jaillissante. Souviens-toi, même loin d'ici, de cette fontaine qu'en mémoire de son fils Gillus, Simus a fait construire.
316. LÉONIDAS. - O vous qui passez par ce sentier, soit que de la ville vous alliez aux champs, soit que des champs vous descendiez à la ville, nous sommes deux dieux, gardiens des bornes rurales. Tel que tu me vois, l'un est Mercure ; l'autre est Hercule, tous les deux secourables aux mortels, mais [peu d'accord entre nous]. Quelqu'un nous apporte-t-il des poires sauvages, le glouton (101) les dévore. Oui, certes, il fait de même des raisins ; qu'ils soient mûrs, qu'ils soient à l'état de verjus, en un instant ils disparaissent. Je hais cette communauté : elle m'est désagréable. Donc, que celui qui nous apporte quelque chose le présente séparément, non en commun ; à chacun de nous deux qu'il dise : "Prends ceci, Hercule ; et toi, Mercure, prends cela." Ainsi il coupera court à nos débats.
317. ANONYME. - J'aime à voir ce grossier satyre recevoir sur son crâne chenu les coups de tète des chèvres (102). Chevrier, je l'ai trois fois ..., et les boucs, en me regardant faire, sautaient sur les chèvres. - Mauvais sujet (103), t'a-t-il véritablement... ? - Non, par Mercure, chevrier. - Oui, j'en atteste Pan, chevrier, et de plus j'ai bien ri.
318. LÉONIDAS. - Cher Mercure, qui as reçu en partage, pour le protéger, ce coteau où poussent le fenouil et le cerfeuil, où l'on mène aussi paître les chèvres, sois propice et bon pour le jardinier, pour le chevrier ; et tu auras une part et de légumes et de lait.
319. PHILOXÉNE. - Tlépolème de Myra, le fils de Polycrite, a placé ici pour les courses ce Mercure comme point de départ et pour présider aux vingt stades. Allons ! bravez la fatigue ; point de mollesse dans les jarrets ; partez.
320. LÉONIDAS. - L'Eurotas dit un jour à Cypris : "Ou prends des armes ou sors de Sparte : cette ville a la passion des armes." Mais Cypris avec un doux sourire répliqua : "Je serai toujours sans armes et j'habiterai Lacédémone." Et Cypris est en effet sans armes. Mais des érudits ont l'impudeur de dire qu'à Sparte la déesse est armée.
321. ANTIMAQUE. - Pourquoi donc, ô Cypris, faible et pacifique déesse, as-tu reçu les attributs de Mars ? Quel est le faussaire qui t'a revêtue de ces rudes armes ? Tes armes, à toi, sont les charmants amours, les plaisirs du lit, le bruit enivrant des crotales. Laisse là, laisse à Minerve ces javelots sanglants, et va où t'appellent les chants joyeux de l'Hyménée.
322. LÉONIDAS. - Ces trophées ne sont pas pour moi. Qui a suspendu aux colonnes de mon temple ces ornements qui les déshonorent ? Quoi ! des casques sans fracture, des boucliers qui reluisent et que ne souille aucune tache de sang, des javelots non brisés ! A les voir je rougis de honte, et de mon front des gouttes de sueur tombent sur ma poitrine. Qu'avec de telles armes on décore une salle de festin ou une chambre nuptiale ; mais que le temple du dieu de la guerre soit paré de dépouilles sanglantes. Voilà les décorations qui nous plaisent.
323. ANTIPATER. - Qui a placé ici ces boucliers reluisants ? ces javelots non souillés de sang, ces casques sans fracture, qui les a appendus dans le temple de Mars, dieu du carnage ? Honteux trophée ! Quelqu'un ne rejettera-t-il pas ces armes loin de mes autels ? C'est dans les salles de festin d'hommes efféminés qu'il faut les déposer, non dans le temple de Mars. A moi des dépouilles brisées, à moi le sang des guerriers mêlé de poussière, car je suis l'homicide Mars.
324. MNASALQUE. - Que viens-tu faire ici, pauvre syrinx, chez Vénus ? Pourquoi n'es-tu pas suspendue aux lèvres d'un berger ? Ici point de coteaux, point de vallées ; tout est amour, tout est soupir. La Muse qui te convient habite la montagne.
325. ANONYME. - (104) J'étais naguère dans le creux d'un rocher baigné par la mer, entouré d'abondantes algues ; et maintenant, dans l'intérieur de mes valves, sommeille le serviteur de Cypris aux belles couronnes, le charmant Amour.
326. LÉONIDAS. - Eau fraîche qui jaillis d'un double rocher, salut ! Salut, statues des Nymphes, oeuvres des bergers, rochers des sources, prairies charmantes que vous arrosez, jeunes Nymphes, de vos eaux abondantes, salut ! Moi, Aristoclès, qui passe ici, je vous donne cette coupe de corne où j'ai puisé l'eau qui a étanché ma soif.
327. HERMOCRÉON. - Nymphes des eaux, vous à qui Hermocréon a consacré ces offrandes, heureux d'avoir découvert cette source abondante et pure, salut ! Foulez toujours de vos pieds charmants cette humide demeure, et remplissez-la de vos ondes limpides.
328. DAMASTRATE. - Naïades, qui d'un mont sourcilleux épanchez cette onde intarissable et pure, Damastrate, le fils d'Antilus, vous a consacré ces statues de bois et les hures velues de deux sangliers.
329. LÉONIDAS. - Nymphes des eaux, filles de Doto (105) [la Néréide], hâtez-vous d'arroser ce jardin de Timoclès ; car le jardinier Timoclès, jeunes Nymphes, de ce jardin vous offre toujours les primeurs.
330. NICARQUE. - Sur le bord de cette belle source, à côté des Nymphes Simon m'a placé, moi, Pan, aux pieds de chèvre. - Pourquoi ? - Je le dirai. Autant que tu le désires, bois à cette source, et puises-y pour y remplir ton urne ; mais n'y lave pas tes pieds, souillant le cristal des eaux et bravant ma colère. - Vénérable Pan, as-tu autre chose à dire ? - Oui, tu t'exposeras à être...; car c'est ainsi que j'en agis. Et si tu le fais à dessein, ayant du goût pour cela, il est encore un autre moyen de te punir : ce phallus, comme une massue, t'endommagera le crâne.
331. MÉLÉAGRE. - Lorsque Bacchus s'élança hors des flammes et qu'il était encore tout couvert de cendres, les Nymphes le recueillirent et le baignèrent. C'est pour cela que Bacchus aime à se mêler à leurs ondes, et si vous ne le laissez pas faire, vous verrez que le dieu brûle encore d'un feu qui dévore.
332. NOSSIS. - Entrons dans le temple pour y voir la statue de Vénus, comme elle est artistement travaillée en or. C'est Polyarchis qui l'y a placée, après avoir acquis une grande fortune, due à ses charmes et à sa beauté.
333. MNASALQUE. - Arrètons-nous près du rivage que baignent les flots de la mer, pour contempler l'enceinte sacrée du temple de Vénus marine et la source qu'ombragent des peupliers,où les alcyons puisent avec leur bec une onde pure.
334. PERSÈS. - Si tu m'invoques à propos et pour de petites choses, moi le petit dieu, tu verras tes voeux exaucés ; mais point d'aspirations trop hautes. Je suis l'arbitre de tous les petits bonheurs dont un dieu de la plèbe peut gratifier le pauvre monde ; je suis Tychon.
335. LÉONIDAS. - Cette statue est une consécration du portefaix Miccalion. Mais elle n'a pas échappé à Mercure, la piété du portefaix qui, dans un si pauvre métier, a trouvé moyen de lui faire une offrande. Toujours l'homme pieux et honnête est honnête et pieux.
336. CALLIMAQUE. - Près de sa demeure, le sculpteur Eétion. d'Amphipolis, m'a placée, après ma mort, petite statue, sous un petit vestibule, avec le serpent héroïque, et l'épée à la main. Irrité contre le fantassin qui m'a tué, il :n'a représenté égaiement à pied (106).
337. LÉONIDAS. - Bien du gibier, chasseur de lièvres ! Et si, pour prendre des oiseaux, tu viens comme oiseleur entre ces deux montagnes, invoque-moi aussi, moi Pan qui, de ce mamelon, surveille les bois. Je protège également la chasse aux chiens et aux pipeaux.
338. THÉOCRITE. - Tu dors, Daphnis, sur un tas de feuilles, reposant tes membres fatigués. Tes toiles, que tu viens de tendre, sont sur la montagne, mais te voilà à ton tour poursuivi par des chasseurs, par Pan et par Priape, qui a ceint sa tête charmante d'un lierre safrané ; tous deux déjà entrent dans la grotte. Allons ! secoue le sommeil qui tient tes sens engourdis, hâte-toi de fuir.
339. ARCHIAS. - Un corbeau aux noires ailes, du haut des airs où il planait, vit un scorpion qui sortait de terre, et s'élança pour le prendre. Mais au moment où il touchait la terre, le scorpion, qui n'est pas lent, le pique à la patte de son dard acéré ; et de cette blessure il mourut aussitôt. Voilà comme, en machinant la mort d'un autre, de cet autre même l'infortuné a reçu la mort.
340. DIOSCORIDE. - La flûte est une invention du Phrygien Hyagnis, lorsque la mère des dieux révéla pour la première fois les mystères du mont Cybèle, et qu'à sa voix le prêtre des grottes de l'Ida dénoua en fureur sa belle chevelure. Et cependant [Marsyas] le berger de Célènes ne doit pas (107) à son père sa renommée ; c'est sa lutte avec Apollon qui l'a fait connaître.
341. GLAUCUS. - Nymphes, je vous le demande, dites-moi sincèrement si Daphnis, passant près de vous, n'a pas fait reposer ici ses blancs chevreaux. - Oui, Pan le joueur de syrinx, et sur l'écorce de ce peuplier, il a écrit pour toi quelques mots : "Pan, va du côté de Malée, vers le mont Psophis, j'y serai." - Adieu, Nymphes, j'y cours.
342. PARMÉNION. - Je dis qu'une épigramme de beaucoup de vers (108) n'est pas selon les Muses. Ne cherchez pas dans le stade la longue course. La longue course revient souvent sur elle-même, mais dans le stade on va droit devant soi, rapidement et d'une haleine.
343. ARCHIAS. - Un merle et deux grives, poursuivis par dessus une haie, entrèrent dans les réseaux à peine visibles d'un filet. L'inévitable noeud se resserra sur les grives, le merle seul s'échappa. Sainte et privilégiée est la race des chanteurs. Aussi les piéges mêmes, tout sourds qu'ils sont, ont grandement soin des oiseaux qui chantent.
344. LÉONIDAS. - Lorsque j'occupais uniquement mon esprit d'études astronomiques, je n'étais connu, pas même en songe (109), d'aucun des nobles citoyens de l'Italie. Mais maintenant tous me connaissent et m'aiment ; car j'ai fini par m'apercevoir combien Calliope l'emporte sur Uranie.
345. LE MÊME. - Non, Athamas dans sa démence ne fut pas aussi cruel envers son fils Léarque que Médée, la meurtrière de ses enfants. C'est que la jalousie est un mal plus grand que la démence. Mais à qui donc confier encore nos enfants, si une mère les égorge ?
346. LE MÊME. - Hirondelle qui as parcouru toute la terre et ses îles, tu viens faire ton nid sur un tableau de Médée. Espères-tu que cette fille de Colchos gardera fidèlement les petits que tu vas lui confier, elle qui n'a pas épargné ses propres enfants ?
347. LE MÊME. - Non seulement, nous boeufs, nous savons ouvrir des sillons et bien labourer, mais voici que même de la mer nous tirons les vaisseaux sur la plage. On nous a, en effet, appris le métier de rameurs. Et toi, ô mer, attelle tes dauphins et fais leur labourer les champs.
348. LE MÊME. - Le voleur de raisin, Hécatonyme, vient d'arriver en courant aux enfers, fouetté avec des sarments et des pampres dérobés.
349. LE MÊME. - Que les eaux de Cotilies (110) pour ton jour de naissance, ô César (111), te versent tous les trésors de la santé, afin que tout l'univers te voie trois fois aïeul, comme il te voit père de trois beaux enfants.
350. LE MÊME. - Tu m'envoies de minces feuilles de papyrus avec des roseaux à écrire, produit de l'Égypte aux embouchures du Nil. Ne m'expédie plus ces instruments de travail insuffisants pour l'ami des Muses. Quel usage puis-je en faire sans de l'encre ?
351. LÉONIDAS. - Le petit enfant de Lysippé, en se traînant sur le bord d'un précipice, allait avoir le sort d'Astyanax, lorsque sa mère lui fit rebrousser chemin, en découvrant sa poitrine, en lui montrant le sein. Ce sein qui tant de fois le sauva de la faim, cette fois le sauva de la mort.
352. LE MÊME. - Sur les rivages du Nil, comme aux bords sacrés du Tibre, on célèbre des fêtes votives pour la santé rendue à César ; les haches des pontifes y ont immolé, sans résistance de la part des victimes, cent taureaux sur les autels de Jupiter Capitolin.
353. LE MÊME. - Tu as une instruction variée, le goût de l'étude, et des moeurs éprouvées et sires en amitié, cher Pappus ; aussi, pour fêter ton jour de naissance, le poète, hôte du Nil, t'envoie ce cadeau.
354. LE MÊME. - Moi que la guerre n'osa tuer, maintenant je suis étreint par la maladie, et je m'épuise tout entier dans une guerre intestine. Allons, mon épée, traverse ma poitrine, car ainsi je mourrai en brave, vainqueur de la fièvre, comme autrefois de l'ennemi.
355. LE MÊME. - Reçois de Léonidas, l'hôte du Nil, cette sphère céleste pour ton jour de naissance auguste Poppée, épouse de Jupiter. Il doit te plaire, ce don digne de ta couche impériale et de ton savoir (112).
356. LE MÊME. - Au moyen d'une source nouvelle, nous remplissons un bassin où l'on puisera de singuliers vers du poète Léonidas. Bien singuliers sans doute, car les distiques y sont égaux entre eux par la valeur des lettres numérales (113). Allons, Momus, éloigne-toi, et va mordre ailleurs.
357. ANONYME. - Il y a dans la Grèce quatre jeux, tous quatre sacrés. Deux ont été institués en l'honneur de dieux immortels, de Jupiter et du fils de Latone, et deux en l'honneur de simples mortels, de Palémon et d'Achémore. Les prix qu'on y décerne sont des couronnes d'olivier sauvage, de pommier, d'ache et de pin.
358. ANONYME. - Si Pluton ne m'a pas écrit (114), il y a eu deux Plutons : je porte toutes les fleurs des entretiens socratiques. Mais Panaetius m'a taxé d'erreur ; celui qui a déclaré l'âme mortelle, a dû certes arguer de faux mes doctrines.
359. POSIDIPPE. - Quel sentier de la vie faut-il prendre ? Sur la place publique, des débats, des affaires difficiles ; à la maison, des tourments ; aux champs, bien des peines ; sur mer, bien des craintes ; à l'étranger, a-t-on quelque chose, on a peur de le perdre ; et si l'on n'a rien, quelle affligeante position ! Le mariage est plein de soucis ; et le célibat, c'est la solitude. Avec des enfants, que de peines ! et sans enfants, point d'appuis. La jeunesse est sans raison ; la vieillesse, elle est sans force. Ainsi donc il fallait de deux choses l'une, ou ne naître jamais, ou mourir aussitôt après la naissance.
360. MÉTRODORE. -Tu peux choisir entre les chemins de la vie ; ils sont de toute sorte : sur la place publique, des honneurs, d'intéressantes affaires ; au logis, le repos ; dans la campagne, les plaisirs de la nature ; sur mer, le gain ; à l'étranger, si tu as quelque chose, de la célébrité, et si tu es dans le besoin, seul tu le sais. Te maries-tu, tu as une excellente maison ; ne te maries-tu pas, ce sont des embarras de moins ; des enfants, ils t'aimeront ; point d'enfants, point de soucis ; la, jeunesse, c'est la force, et les cheveux blancs ; c'est la considération. Il n'y a donc pas de raison pour désirer de n'être pas né ou de mourir, car tout est pour le mieux dans la vie.
361. LÉON LE PHILOSOPHE. - Cento est ridicularius, quo puella verbis homericis (115) fingitur matri narrare se per noctem defloratam esse a viro sine galea et scuto, gladium (116) vero gerenti.
362. ANONYME. Sur le fleuve Alphée. - Aimable Alphée, qui portes sur tes eaux des couronnes d'Olympie et qui dans les champs de Pise serpentes à travers une
noble poussière, ton cours est d'abord tranquille ; mais lorsque tu arrives à ton embouchure, rapide tu plonges sous les flots de la mer immense, et te frayant à toi-même une voie, étant ton propre canal, ton aqueduc, tu te diriges vers la fontaine Aréthuse, époux ruisselant. Et elle, t'ayant reçu épuisé, haletant, t'ayant débarrassé
des algues et des fleurs saumâtres de la mer, elle unit ses lèvres à tes lèvres, et telle qu'une épouse, t'enlaçant du doux lien de ses bras, elle endort sur son sein tes eaux olympiennes ....
Et comme des ruisseaux de sang s'étaient mêlés à ton onde et l'avaient rougie, tu n'osais plus en cet état t'approcher de la couche syracusaine. Tes eaux s'étaient retirées sous la pression de la honte, et tu t'abstenais de souiller les flots de la mer et le lit de ton amante. Cependant, entraîné souvent
par la violence de l'amour, tu t'avances jusqu'aux portes de ton humide maîtresse, mais soudain tu t'arrêtes, en voyant l'eau si limpide et si pure d'Aréthuse
; et la belle Aréthuse, qui t'aperçoit en larmes sur le rocher de Pélore, émue de pitié et de douleur, se déchire le sein en versant des larmes qui sont comme la rosée des fleurs, et aux gémissements du fleuve de Pise se mêlent les gémissements de la fontaine de Sicile ....
Il n'échappa pas à l'oeil vigilant des dieux l'homme de sang qui, dans les champs de la Grèce, avait moissonné des gerbes de jeunes guerriers, et par lequel beaucoup d'épouses de héros, mères d'enfants enlevés avant l'âge, versaient sur les tombes de leurs fils des larmes
intarissables (117).
363. MÉLÉAGRE. Le printemps. - A l'hiver qui avec les verts a disparu du ciel, succède la saison souriante et fleurie du printemps. La noire terre se couronne d'une herbe verte, et les arbres pleins de sève et de force parent leur tête d'un nouveau feuillage. La rosée de l'Aurore abreuve les riantes prairies, les féconde : aussi les roses ouvrent-elles leur calice parfumé. Le berger, sur les montagnes, se plaît à jouer de la flûte, et le chevrier à voir bondir ses blancs chevreaux. Déjà sur la vaste mer le matelot ouvre sa voile au souffle clément du zéphyr ; déjà, couronné de lierre en fleur, le vigneron invoque et fête le dieu du vin Bacchus. Les industrieuses abeilles, sorties des flancs du taureau, sont à l'oeuvre ; avec quel soin, posées sur leur ruche, elles travaillent à fabriquer leur belle et blanche cire ! Partout chantent des volées d'harmonieux oiseaux, l'alcyon sur les flots, autour des maisons l'hirondelle, le cygne sur les bords des fleuves, et dans les bois le rossignol. Que si les arbres se couronnent de feuilles et la terre de verdure, si le pâtre chante et les troupeaux bondissent, si les matelots naviguent, si Bacchus danse, si les oiseaux charment par leurs concerts, si les abeilles distillent leur miel, comment ne faut-il pas que le poète aussi chante de son mieux au printemps ?
364. NESTOR. - Muses, faites que j'entende vos voix harmonieuses ; épanchez sur moi la douce rosée des sons héliconiens qui s'échappent de vos lèvres. Car tous ceux à qui vos poétiques sources (118) versent leur onde, tous jouissent des chants délicieux de vos concerts.
365. L'EMPEREUR JULIEN. Sur l'orgue. -Je vois là des roseaux d'une autre espèce ; leurs tiges sauvages ont poussé sans doute dans quelque autre terre d'airain. Ce n'est pas notre souffle qui les anime ; mais un vent qui s'élance d'une outre de taureau comme d'un antre d'Éole, pénètre en dessous par leurs racines ces roseaux artistement percés, tandis qu'un homme vigoureux, de ses doigts rapides et savants, frappe les sonores et mélodieuses touches qui répondent à ces flûtes. II s'en échappe alors des torrents de la plus douce harmonie.
366. ANONYME. Apophthegmes des sept sages. - J'indiquerai en vers la ville, le nom et la maxime des sept sages. Cléobule de Linde disait : Le bien par excellence, c'est la mesure. Chilon de Lacédémone : Connais-toi toi-même. Périandre, qui habitait Corinthe : Maîtrise ta colère. Pittacus, qui était originaire de Mitylène : Rien de trop. Songe au terme de la vie disait Solon dans Athènes. Bias, de Priène, déclarait que les méchants étaient en majorité. Évite d'être caution, répétait Thalès de Milet.
367. LUCIEN. - Théron, fils de Ménippe, dans sa jeunesse, dissipa follement son patrimoine en dépenses honteuses. Mais un ami de sa famille, Euctémon, ne le vit pas plutôt réduit à l'indigence qu'il le recueillit en versant des larmes ; il lui donna même la main de sa fille avec une riche dot. Lorsque contre toute attente (119) la richesse fut ainsi venue à Théron, il ne tarda pas à recommencer les mêmes dépenses, accordant à ses passions tout ce qu'elles demandaient, sans retenue, sans pudeur, poussant le désordre jusqu'aux extrêmes débauches. Aussi le flot de la funeste indigence reflua sur Théron, et l'engloutit une seconde fois. Euctémon pleura une seconde fois, non plus celui-ci, mais la dot de sa fille et son hymen. Et il reconnut qu'il n'est pas possible qu'un homme qui a fait un mauvais usage de son propre bien garde avec fidélité le bien d'autrui.
368. L'EMPEREUR JULIEN. Sur le vin d'orge ou la bière. - Qui es-tu ? D'où viens-tu, Bacchus ? Car, par le vrai Bacchus, je ne te reconnais pas, je ne connais que le fils de Jupiter. Celui-ci sent le nectar, et toi tu pues le bouc. Sans doute c'est à défaut de grappes de raisin que les Celtes t'ont fabriqué avec des épis de blé. Aussi faut-il qu'on t'appelle une boisson céréale et non bachique, une essence de froment et non le jus de la treille, une liqueur de la déesse des avoines et des orges, et non du dieu des orgies.
369. CYRILLE. - Une épigramme qui se compose d'un distique est parfaitement belle ; mais si elle dépasse trois vers, c'est tout un poème, et ce n'est plus une épigramme (120).
370. TIBÉRIUS ILLUSTRIUS. - Pauvre chevreuil, ce ne sont pas les chiens, ce ne sont ni les toiles ni les chasseurs qui m'ont tué ; j'ai trouvé dans la mer la mort dont j'étais menacé sur terre. Car du bois je courus me jeter dans les flots, et de là des filets de pêche à mailles serrées m'ont ramené sur le rivage. J'ai eu tort de quitter étourdiment la terre, et le pêcheur a bien fait de me prendre, moi qui avais laissé là mes montagnes. Jamais, ô pêcheurs, vous ne manquerez de proie, vous qui avez des filets pour toutes les chasses, soit aux bêtes fauves soit aux poissons.
371. ANONYME. - Un lièvre venait d'échapper aux mailles d'un filet, et des chiens le poursuivaient le nez sur sa piste. Or, après s'être dérobé à ce piège, iI voulut aussi se dérober aux chiens, et pour cela il se précipita du rivage dans les flots profonds ; mais soudain un chien da mer le saisit et le croqua. Assurément le malheureux était prédestiné aux chiens.
372. ANONYME. - Une araignée qui de ses pattes agiles avait tissé sa toile, prit une cigale à ce piège perfide. Ayant vu la pauvre petite bête qui aime tant à chanter, se lamenter et se débattre, je ne passai pas outre avec indifférence, mais je la délivrai de ses liens et lui rendis la liberté. "Sois sauvée, lui dis-je, toi qui chantes avec la voix des Muses."
373. ANONYME. - Bergers, pourquoi me faites-vous une chasse impitoyable ? Pourquoi m'arrachez-vous de ces rameaux humides, moi cigale qui aime la solitude, qui sur le bord des routes suis le rossignol des Nymphes, qui au milieu du jour charme par mes chants les bois et les vallées ? N'y a-t-il pas des grives, des merles ; des moineaux, qui pillent les vergers ? Voilà ceux qu'il est permis de prendre. Tuez-les ; mais faut-il que je sois exposée à votre courroux parce que je mange les feuilles et bois la rosée ?
374. ANONYME. - Source intarissable et surnommée la Pure, je coule en abondance d'un bois voisin pour tous les passants. De toutes parts, des platanes, de beaux lauriers me couronnent, et j'offre un asile sombre et frais. En été ne passe donc pas si prés sans t'arrêter. Altéré, étanche ici ta soif ; fatigué, goûte ici le repos.
375. ANONYME. - Qui donc a étourdiment arraché du cep de vine une grappe verte où s'élaborait la liqueur de Bacchus, et de ses lèvres agacées l'a rejetée à demi mangée sous les pieds des passants ? Que Bacchus lui soit hostile comme à Lycurgue ! Car il a étouffé la joie près d'éclore : quelqu'un peut-être, grâce à cette liqueur, aurait fait entendre des chants, ou bien aurait oublié de douloureux chagrins.
376. ANONYME. - Les vents m'ont renversé, pauvre pin, et tu oses, charpentier malavisé, faire de moi un vaisseau à franchir la mer ! Mais tu ne crains donc pas les présages ? Borée m'a poursuivi, persécuté sur la terre : comment échapperai-je aux vents sur les flots (121) ?
377. PALLADAS. - Tantale ne mangeait rien ; car le fruit des arbres qui se balançaient sur sa tête lui échappait, et par cela même qu'il avait faim, il avait moins soif. Mais s'il eût mangé des figues mûres, des prunes, des pommes, une soif bien ardente, même chez les morts, eut-elle été excitée par des fruits si frais ? Quant à nous, convives vivants, on nous sert des cailles salées, du fromage, de la graisse d'oie, du mouton et du veau fumés ; puis, on nous verse à boire une fois, une fois seulement : Tantale, nous souffrons plus que toi.
378. LE MÊME. - Un meurtrier dormait contre un vieux mur. On dit que Sérapis lui apparut en songe et lui dit: "O toi qui es là couché, lève-toi, et va dormir ailleurs, malheureux." Celui-ci se réveille, s'éloigne, et le vieux mur s'écroule tout aussitôt. Le malfaiteur; dans sa joie reconnaissante, ne manque pas de faire un sacrifice le lendemain, s'étant imaginé que Sérapis voyait avec faveur les homicides. Mais Sérapis lui apparaît une seconde fois, la nuit, et d'une voix de prophète il lui dit : "Tu crois, misérable, que j'ai soin des méchants; sache que, si je viens de t'empêcher de mourir, tu n'as échappé qu'à une mort trop douce, et que je te réserve le supplice de la croix."
379. PALLADAS. - On dit proverbialement qu'un pourceau mordrait même un méchant homme. Mais je ne crois pas qu'il faille s'exprimer ainsi : je dirais qu'un pourceau mordrait même l'homme inoffensif et bon ; mais un méchant ! un serpent même en aurait peur et ne le mordrait pas.
380. GRAMMATICUS. Sur l'impossibilité d'égaler les poésies de Palladas. - Si les chants de l'alouette peuvent approcher de ceux du cygne, si les chouettes osent rivaliser avec les rossignols, si le hibou prétend être plus mélodieux que la cigale, moi aussi je peux faire des vers aussi beaux que ceux de Palladas.
381. ANONYME. Sur Héro et Léandre. - Sur un promontoire du large Hellespont, une jeune fille timide, debout au sommet d'une tour, tient à la main un flambeau et en anime les feux brillants : elle pense que son amant est en péril, s'il vient à la nage, s'il franchit rapidement le détroit dans cette nuit profonde, lorsque les autres mortels s'abandonnent au sommeil ; car les vastes flots se brisent sur le rivage. Tous les soirs, en effet, la jeune fille et son amant se réunissent et passent la nuit ensemble, à l'insu de leurs parents qui habitent Abydos, Sestos et la divine Arisbé (122).
382. ANONYME. Le premier qui entendit Écho. - Amis, héros grecs, serviteurs de Mars, me tromperai-je, ou dirai-je la vérité ? N'importe, il faut que je parle. A l'extrémité d'un champ, où s'élèvent de grands arbres, habite une déesse aux cheveux bouclés qui parle d'une manière étrange, une déesse ou une mortelle. On crie, on appelle, et si elle entend crier ou parler, elle répète exactement ce qui a été dit ; mais pourquoi entrer à ce sujet dans de longs détails ? Je ne puis ni la voir ni la comprendre. Mais le mot que tu auras dit, tu l'entendras (123).
383. ANONYME. Les mois des Égyptiens. - Thoth, le premier, avertit de tailler les vignes à la serpette. Phaophi apporte aux pécheurs une abondante proie. Athyr montre à la terre la brillante constellation des Pléiades. Choeac indique l'ensemencement des guérets. Tybi présente aux magistrats leurs insignes de pourpre. Méchir conseille aux marins de se mettre en mer. Phaménoth appelle aux exercices de Mars la jeunesse guerrière. Pharmonthi est le messager des roses du printemps. Pachôn réserve aux faucheurs les champs de blé mûr. Paonni annonce la féconde récolte des fruits, et Epéphi se couronne de pampres et de raisins. Mésori voit les eaux du Nil se gonfler pour féconder les plaines.
384. ANONYME. Les mois des Romains. - Janvier : Lorsque j'ai ouvert la porte de l'année, le soleil voit les suprêmes honneurs(124) de l'Italie. Février : J'humecte les champs par des couches de neige, et j'y féconde les germes du beau printemps. Mars : Avec moi commencent l'épanouissement des fleurs, l'abondance du doux laitage et les exercices militaires. Avril : Que le jardinier taille des rejetons, et sur une tige sauvage qu'il insère une branche aux doux fruits. Mai : Déjà la mer est libre ; équipez les navires ; il est temps de les faire sortir des ports, qui ne sont plus fermés. Juin : Je sers d'intermédiaire entre les roses et les lis, et mes branches plient sous le poids des cerises. Juillet : Le soleil est entré dans le Cancer ; le moissonneur fait tomber sous la faux les épis mors. Août : Je sépare le grain de la paille, et sous le signe du Lion il ne coule dans les ruisseaux que les eaux des Naïades (125). Septembre : Je suis chargé de raisins, chargé de toutes sortes de fruits, et de nouveau la nuit est égale au jour. Octobre : Est-il un mois plus agréable que celui où Bacchus aux doux propos descend des vignobles, où le vin coule à flots des pressoirs ? Novembre : Si tu as des plants chers à Minerve, c'est le moment de broyer les olives ; souviens-toi que l'huile est utile aux lutteurs. Décembre : Je te dis de suspendre les travaux des champs ; la gelée et la glace nuiraient aux semences huileuses pleines d'une sève laiteuse.
385. ÉTIENNE LE GRAMMAIRIEN. - Sommaire de chacun des vingt-quatre chants de l'Iliade.
I ou Alpha : Supplication de Chrysès, peste qui ravage l'armée, colère des chefs.
II ou Bêta : Le songe, l'assemblée des Grecs et le dénombrement des vaisseaux.
III ou Gamma : Combat singulier de Ménélas et de Pâris au sujet d'Hélène.
IV ou Delta : Assemblée des dieux, violation de la trêve jurée et commencement du combat.
V ou Epsilon : Le fils de Tydée blesse Vénus et Mars.
VI ou Dzêta : Les adieux d'Hector et d'Andromaque.
VII ou Eta : Combat d'Ajax contre Hector.
VIII ou Thêta : Assemblée des dieux, succès des Troyens, harangue et voeu d'Hector.
IX ou Iôta : Députation des Grecs vers Achille, qui n'accède point à leur demande.
X ou Kappa : Des espions grecs et troyens viennent reconnaître ce qui se passe dans les deux camps.
XI ou Lambda : Hector et ses compagnons tuent l'élite des Grecs.
XII ou Mu : La muraille des Grecs tombe sous les efforts des Troyens.
XIII ou Nu : Neptune en secret ranime le courage des Grecs.
XI ou Xi : Sommeil de Jupiter dans les bras de Junon.
XV ou Omikron : Colère de Jupiter contre Junon et Neptune.
XVI ou Pi : Hector tue le brave Patrocle.
XVII ou Rhô : Les Troyens et les Grecs combattent autour de son corps.
XVIII ou Sigma : Thétis apporte à Achille les armes fabriquées par Vulcain.
XIX ou Tau : Achille oublie son ressentiment et s'élance hors de sa tente.
XX ou Hupsilon : La discorde éclate parmi les dieux et favorise les succès des Grecs.
XXI ou Phi : Achille accable les Troyens sur les bords du Xanthe.
XXII ou Chi : Achille tue Hector et le traîne trois fois autour des murailles.
XXIII ou Psi : Achille termine les funérailles de Patrocle par des jeux et des combats.
XXIV ou Omega : Achille rend à Priam le corps da son fils, dont il a reçu la rançon.
386. ANONYME. Sur une jeune folle nageant dans le Nil. Vénus, t'ayant vue dernièrement toute nue, s'écria :
"O ciel ! comment, sans la semence d'Uranus, rivalisant avec les mers d'où je suis sortie, le
Nil téméraire a-t-il pu faire maître une autre Vénus de ses fécondes eaux ?"
387. L'EMPEREUR ADRIEN OU GERMANICUS. - Hector, fils de Mars, si tu peux entendre une voix chez les morts, salut ! Rassure-toi un peu sur l'avenir de ta patrie. Ilion est habitée, ville illustre, et ses habitant, sans titre aussi braves que toi, sont encore chers aux dieux des combats. Les Myrmidons ne sont plus. Approche-toi d'Achille, et dis-lui que toute la Thessalie est soumise au pouvoir des descendants d'Énée (126).
388-389. - Un soldat, quelques-uns disent Trajan, écrivit au-dessous
:
Les audacieux ! C'est qu'ils ne voient pas l'aigrette de mon casque (127).
L'empereur ayant approuvé l'à-propos de la citation et écrit :
" Fais-moi connaître qui tu es," l'inconnu répondit par ces vers :
Je suis un brave soldat du dieu de la guerre ; je suis aussi un serviteur de l'Héliconien Apollon, sous l'un et l'autre chef
soldat d'élite et au premier rang (128).
390. MÉNÉCRATE. - Outre deux (129) premiers enfants, une mère en avait placé un troisième sur le bûcher, accusant Pluton d'être insatiable. Elle mit au morde un quatrième enfant, nouvelle alarme ; mais ne se berçant pas d'espérances incertaines, elle le mit tout vivant sur le bûcher. "Je ne te nourrirai pas, dit-elle. Et pourquoi prodiguer, ô mon sein, ton lait à Pluton ? Ce sera de la peine de moins et une moindre douleur."
391. DiOTIME. - Le fils de Neptune et le fils de Jupiter exercèrent leur vigoureuse jeunesse dans les jeux d'une lutte à outrance. Le prix du combat n'était pas un vase d'airain ; mais pour ces athlètes il s'agissait de vaincre ou de mourir. Antée succomba. Hercule devait, en effet, triompher : il est fils de Jupiter, et la lutte est un art, non de Libye, mais d'Argos.
392. ANONYME. - Si quelqu'un répugne a se pendre et désire la mort, qu'il boive de l'eau froide d'Hiérapolis (130).
393. PALLADAS. - Aucun gouverneur de province n'est et doux et intègre : une de ces qualités semble exclure l'autre. La douceur s'allie à la rapacité, l'intégrité à l'insolence. L'insolence et la rapacité, voilà les instruments de l'administration.
394. LE MÊME. - Richesse, mère de la flatterie, fille des soucis et des peines, vous possède-t-on, l'on tremble, et si l'on ne vous a pas, on souffre.
395. LE MÊME. - Lorsque Ulysse a dit que rien n'est plus doux que la patrie (131), certainement il n'avait pas mangé chez Circé du gâteau au fromage. S'il avait seulement senti la fumée (132) qui en sort, il eût volontiers laissé gémir de son absence dix Pénélopes.
396. PAUL LE SILENTIAIRE. - Un matin, dans les mailles d'un filet aérien, tomba avec une grive un merle au doux ramage. La grive resta prise dans l'inextricable piège ; mais le chantre des bois ami de la solitude s'en échappa et prit son vol. Sans doute que la triple déesse, Diane chasseresse, aura délivré l'oiseau chanteur en faveur de son frère le dieu de la lyre (133).
397. PALLADAS. - Un Lacédémonien s'était enfui du champ de bataille. Sa mère (134) alla au-devant de lui, et la pointe d'une épée sur la poitrine, lui dit : "En vivant, tu déshonores à jamais ta mère, et tu détruis les saintes et fortes institutions de Sparte. Que si tu meurs de ma main, je passerai pour une mère bien malheureuse, mais ce sera du moins dans ma patrie sauvée."
398. JULIEN D'ÉGYPTE. - Un vaisseau qui venait d'échapper aux flots de la mer retentissante trouva sa perte sur le sein maternel de la terre, sur la plage où on l'avait retiré. Là, en effet, le feu le dévora, et en brûlant il appelait à son secours l'onde son ennemie.
399. PALLADAS. Sur Platon. - Le soleil brille moins que ton génie ; il rayonne d'un éclat doux et charmant, approprié aux yeux des hommes, et la lumière qu'il projette est agréable, éclatante, et pénètre intérieurement les âmes.
400. LE MÊME. - Lorsque je te vois, que je t'entends, je m'incline comme en présence du signe de la vierge Astrée ; car toutes tes pensées, toute ta vie ont quelque chose de céleste, auguste Hypathie, gloire de l'éloquence, astre pur de la sagesse et du savoir.
401. ANONYME ou PALLADAS. - La nature, propice aux voeux de l'amitié, a créé pour les absents des instruments de conversation, le roseau, le papier, l'encre, l'écriture, consolations des âmes tristes et séparées.
402. L'EMPEREUR ADRIEN. Sur la tombe de Pompée en Égypte. - Il avait des temples nombreux ; à peine a-t-il un tombeau.
403. MACCIUS. - Toi-même, dieu puissant, viens d'un bond rapide, viens fouler nos vendanges et présider à l'oeuvre nocturne. Blanchis ton pied dans l'écume du jus des raisins, encourage et fortifie nos choeurs de danse, ayant relevé ta peau de faon au-dessus de tes genoux légers. Puis, entonne dans nos jarres vides le vin au doux murmure, tandis qu'on l'offrira des gâteaux et une chèvre à longs poils.
404. ANTIPHILE. - Qu'elle est délicieuse la liqueur des abeilles, d'elle-même élaborée dans l'éther, et qu'elles sont belles les cellules construites sans la main des hommes , et dont elles sont les architectes ! Leurs dons gratuits s'obtiennent sans les travaux que réclament les jardins, les guérets ou la vigne : il n'est besoin que d'une petite jatte pour recueillir la douce liqueur que l'abeille distille en abondance de son petit corps. Soyez heureuses, légères abeilles ; allez, ouvrières ailées du nectar éthéré, allez butiner parmi les fleurs.
405. DIODORE. - Que la divine Adrastée, et que sa jeune campagne, Némésis, qui a laissé tant d'autres s'égarer, te guident et te protègent. Je crains, jeune héros ta beauté, tes projets, ton prodigieux courage, ta sagesse et ta haute intelligence. Des hommes tels que toi, Drusus (135), appartiennent au ciel plus qu'à la terre.
406. ANTIGONE. - Grenouille sculptée au fond de cette coupe d'argent, j'y suis arrosée par la liqueur de la vigne, et je ne coasse plus. J'y vis avec les Nymphes, chère à celles-ci, chère à Bacchus, tout inondée de leur double breuvage. Trop tardivement j'ai fait l'orgie avec Bacchus. Ah ! quels hommes que les buveurs d'eau avec leur froide et folle sagesse !
407. ANTIPATER. - Un petit esclave d'Hippocrate, qui de sa cabane, voisine de la mer, s'était traîné jusque sur le rivage, y périt ; car il but là plus qu'aux mamelles qui l'allaitaient. Maudite soit l'onde perfide et menteuse qui a reçu cet enfant comme une mère !
408. APOLLONIDAS OU ANTIPHILE. - Plût aux dieux que je fusse encore le jouet des flots et des vents, au lieu d'avoir été rendue fixe et immobile pour les couches de Latone errante ! Je ne serais point si délaissée. Malheureuse que je suis ! Combien ne vois-je pas de vaisseaux grecs passer devant moi sans daigner s'arrêter ! Quoi ! Délos , autrefois l'objet du culte de la Grèce, n'est plus maintenant qu'un désert ! Junon, tu t'es vengée bien tard, mais horriblement, de l'asile que j'ai donné à ta rivale.
409. ANTIPHANE. - Celui qui n'aime pas la flûte, la lyre, les douces chansons, les vieux vins, les promenades aux flambeaux, les beaux garçons, les couronnes, les parfums, qui, faisant maigre chère, se consume à calculer sur ses doigts avides les intérêts des intérêts, celui-là est mort pour moi depuis longtemps (136) ; comme auprès d'un cadavre je passe auprès de lui, le malheureux qui se prive de tout pour engraisser des héritiers.
410. TYLLIUS SABINUS. - Une souris, friande de toute espèce de nourriture, que n'effrayait aucun piège, qui dévorait l'appât même au péril de sa vie, coupa une corde harmonieuse de la lyre d'Apollon. Or cette corde, en se retirant vers la barre d'attache, prit la souris par le cou, et l'étrangla. Nous admirons la justesse de tir d'Apollon ; mais contre ses ennemis il a même dans la lyre une arme qui ne manque pas son coup.
411. MACCIUS. - Cornélius a tout à coup changé ; notre vie modeste et poétique n'est plus de son goût. Il s'abandonne à de vaines idées d'orgueil, et pour nous il n'a plus l'amitié d'autrefois : il a d'autres vues, d'autres espérances. Cédons, ô mon âme, point de violence ; nous sommes vaincus , et l'argent triomphe.
412. PHILODÉME. - Elle est de retour la saison des roses, les petits pois, des choux aux tendres pousses, de la maenis avec sa laitance (137), des fromages frais et de la laitue frisée aux feuilles délicates, et nous n'allons pas au bord de la mer, sur un tertre du rivage, ô Sosyle , comme autrefois ! Pourtant, Antigène et Bacchius jouaient hier avec nous, et nous aujourd'hui, nous les conduisons aux champs des morts.
413. ANTIPHILE. - Je porte des térébinthes, peu de vignes ; petite et modeste, je ne suis ni aride ni escarpée (138). Les îles mes voisines, longues et larges, mais montagneuses et stériles, l'emportent sur moi en grandeur. Ce n'est pas par nos stades qu'il faut lutter, mais par nos produits : un sillon de l'Égypte a-t-il quelque chose à envier aux immenses sables de la Libye ?
414. GÉMINUS. - Je suis la ronce, arbuste épineux ; mais je sers aux clôtures des vergers ; et qui pourra dire que je suis inutile, lorsque je garde et protège les biens de la terre ?
415. ANTIPHILE. - (139) J'ai depuis longtemps pour patron un homme qui a fait de gros bénéfices au métier de conduire des voyageurs à Cythère. Avec ses gains il m'a radoubé, chevillé, afin que Vénus me vît d'un oeil propice m'élancer du rivage et bondir sur les flots. Mon équipage est jeune et galant, mes voiles sont de gaze transparente, une bande de pourpre pare mes flancs. Matelots, allons, embarquez-vous tous avec confiance. Je suis fait à porter beaucoup de rameurs.
416. PHILIPPE. Même sujet. - Nef construite avec les bénéfices de Vénus, je navigue dans les parages qui ont vu naître la déesse. Le négociant en beautés qui m'a fabriquée m'a nommée l'Hétaire. Je suis, en effet, chère à tout le monde. Montez à bord avec confiance. Je ne demande pas un fort péage. Je reçois tous ceux qui viennent, étrangers ou nationaux. Au port, comme en mer, soyez mes rameurs.
417. ANTIPATER. - Lampon, le chien de chasse de Midas, il est mort de soif, après s'être donné bien du mal pour sauver sa vie ; car il creusa avec ses pattes le sol humide ; mais l'eau paresseuse ne se pressait pas de jaillir de sa source cachée. Épuisé, il tomba mort, et l'eau de jaillir. Ah ! certes, Nymphes, vous aviez pris en haine Lampon, à cause des cerfs qu'il tua.
418. LE MÊME. - (140) Femmes, occupées jusqu'ici à moudre, ne fatiguez plus vos bras, dormez la longue matinée, et laissez la voix du coq vous annoncer inutilement l'arrivée prochaine du jour. Cérès a ordonné aux Nymphes de remplacer l'ouvrage de vos mains ; aussitôt elles se sont élancées au sommet des roues pour faire tourner l'essieu, et l'essieu, à l'aide des rayons qui l'entourent, entraîne dans sa course quatre meules creuses et pesantes. L'âge d'or renaît donc pour nous, puisque, sans travail et sans peine, nous jouissons des dons de Cérès.
419. CRINAGORAS. - Que César Auguste aille dans la forêt d'Hercynie, au promontoire Soloéis, ou sur les bords les plus reculés de la Libye, la renommée le suivra partout et s'attachera aux lieux par lui visités. J'en atteste les eaux de Pyrène (141) ; ces sources où les bûcherons du voisinage ne daignaient pas même se laver, vont devenir les bains des deux continents.
420. ANTIPATER. - Ne crois pas, Télembrote, qu'avec des pleurs tu fléchisses l'Amour. Est-ce qu'avec un peu d'eau on étouffe un incendie ? L'or a toujours été le remède de l'Amour ; il ne s'éteindrait même pas, alors qu on le plongerait au sein de la vaste mer (142).
421. ANTIPATER DE MACÉDOINE. - Iles désertes, débris du continent, que la mer Égée entoure de sa ceinture frémissante, vous avez, malheureuses, à l'exemple de Siphnos et de la poussiéreuse Pholégandros, vous avez perdu votre ancienne beauté. C'est Délos, autrefois si florissante, qui vous aura fait participer à son mauvais sort, elle qui la première, sous de funestes auspices, a connu l'abandon et la solitude.
422. APOLLONIDAS. - "Par nos enfants, dit-elle, je t'en conjure, si je meurs avant toi, ne forme pas de nouveaux noeuds." Elle mourut, et lui se hâta de prendre une autre épouse. Mais Philinna, même morte, punit Diogène d'avoir oublié sa prière ; car dans la première nuit des noces, sa colère vengeresse fit crouler la chambre nuptiale, de sorte qu'un second soleil ne brilla pas sur le lit des époux.
423. BIANOR. - Sardes, l'antique cité de Gygès, royaume d'Alyatte. Sardes, qui pour le grand roi étais une autre Perse en Asie Mineure, qui construisis le vieux palais de Crésus avec des briques dont le métal avait été recueilli dans les eaux du Pactole, ô malheureuse, tout entière entraînée dans une seule et même catastrophe, tu t'es abîmée au fond d'un gouffre immense. Bura, Élire, Hélicé (143), ont été englouties dans les flots ; mais toi, ô Sardes, c'est sur la terre, en plaine, que tu as subi le même désastre.
424. DOURIS D'ÉLÉE. - Nuées du ciel, où aviez-vous puisé ces eaux amères qui, dans une nuit funeste, ont submergé, non des huttes de la Libye, mais ces innombrables maisons de la malheureuse Éphèse, et des richesses amassées depuis tant d'années heureuses ? Où les dieux sauveurs avaient-ils alors tourné les yeux ? Hélas ! c'était de beaucoup la plus fameuse cité de l'Ionie. Et tout cela, roulant ensemble dans les flots, courut à la mer avec les fleuves débordés.
425. JEAN BARRUCALLE. - Ah ! malheureuse ville qui n'en suis plus une, je gis pèle-mêle avec mes habitants morts, la plus infortunée des villes. Vulcain m'a anéantie après une violente secousse de Neptune. Hélas ! après avoir été si belle, je ne suis plus que cendre. Passants, gémissez sur ma destinée, arrosez de vos larmes les ruines de Béryte (144).
426. LE MÊME. - Où est-elle Vénus, la protectrice de Béryte, pour qu'elle voie habitée par des spectres la cité qui était naguère le séjour des Grâces ? Je ne suis plus qu'une vaste nécropole où gisent, sans sépulture, des milliers d'hôtes de Béroë (145) ensevelis sous la cendre. Vous qui survivez encore, gravez sur une seule pierre cette inscription funèbre : "La malheureuse Béryte gît sous ces décombres."
427. ANONYME. Même sujet. - Matelots, n'arrêtez pas la course du navire, ne pliez pas vos voiles pour moi. Mon port, vous le voyez, n'existe plus. Je ne suis qu'une vaste tombe. Allez chercher d'autres parages moins malheureux, où la rame puisse battre les flots et manoeuvrer. Ainsi l'a voulu Neptune , ainsi l'ont voulu les dieux hospitaliers. Adieu donc, vous qui voyagez par merl vous qui voyagez par terre, adieu !
428. ANTIPATER. - (146) Triomphateur de la Thrace, Thessalonique , la métropole de toute la Macédoine, t'envoie ce poème comme un hommage. J'y chante les belliqueux Besses domptés par ton bras , avec tous les épisodes de guerre que j'ai recueillis. Allons ! comme un dieu, sois favorable à mes voeux, à mes chants, et entends ma prière. Quel est le héros tellement occupé qui ne puisse prêter l'oreille aux Muses ?
429. CRINAGORAS. - Aristo a chanté Nauplius en observation sur les grèves orageuses de l'Eubée, et moi, qui me croyais à l'abri de toute atteinte, j'ai pris feu à ses chants. La perfide torche est descendue pendant la nuit du promontoire de Capharée, et, malheureux que je suis ! a pénétré dans mon coeur.
430. LE MÊME. Sur une brebis trois fois mère dans l'année. - La race de cette brebis est d'origine agarrique, du pays où les Arméniens aux bonnets de laine boivent les eaux de l'Araxe. Sa toison n'est pas épaisse et molle (147), comme chez les tendres moutons ; elle est maigre, rude et hérissée comme celle des chèvres sauvages. Mais ses flancs sont fécondés trois fois par an, et sa mamelle est toujours gonflée de lait. Son bêlement approche beaucoup du mugissement du petit veau. Ainsi chaque pays a ses richesses propres, ses produits indigènes.
431. ANONYME. Sur un voleur ayant trouvé une épée d'or. J'aime l'or, mais devant le fer ennemi, je me sauve.
432. THÉOCRITE. - O malheureux Thyrsis, à quoi bon inonder de larmes tes yeux et te consumer de douleur ? Elle s'en est allée la chèvre, la belle chèvre, elle s'en est allée chez Pluton : un loup cruel l'a mise en pièces et dévorée. Les chiens poussent des hurlements ; mais à quoi bon ? puisque d'elle il ne reste rien, ni os, ni cendre.
433. LE MÊME. - Veux-tu, au nom des Muses, me chanter sur ta double flûte quelque air doux et tendre ? Moi, je vais prendre mon luth et en pincer les cordes ; avec nous le pâtre Daphnis animera de son souffle ses rustiques roseaux. Ainsi, debout sous un chêne épais, derrière la grotte, nous empêcherons Pan aux pieds de chèvre de dormir.
434. LE MÊME. - Il y a un autre Théocrite de Chios. Moi, qui écris ces vers, je suis Théocrite de la grande et populeuse Syracuse, fils de Praxagoras et de la célèbre Philinna. Aucune des Muses étrangères n'a reçu mes invocations (148).
435. LE MÊME. - Cette caisse est ouverte également aux nationaux et aux étrangers. Y as-tu fait un dépôt, reprends tes fonds, après règlement de compte. Qu'un autre imagine des retards de remboursement. Caïcus, même la nuit, restitue à tout réclamant l'argent qu'on lui a prêté (149).
436. ANONYME. - Ces statues consacrées à Apollon sont bien anciennes. Quant à leurs bases, elles sont plus récentes de vingt ans, de sept ans, de cinq et de douze ans, et même de deux cents ans. C'est d'autant d'années qu'elles sent antérieures à leurs bases, d'après mon calcul (150).
437. THÉOCRITE. - Vers la place où tu vois des chênes, détourne-toi, chevrier, et tu trouveras une statue en figuier récemment taillé, ayant encore son écorce, à trois jambes et sans oreilles, mais avec un phallus capable d'accomplir les oeuvres d'Aphrodite. Alentour s'étend une enceinte circulaire, et une onde limpide, qui sans cesse tombe en cascade des rochers, coule sous le feuillage verdoyant des lauriers, des myrtes et des cyprès embaumés. Une vigne l'entoure d'une guirlande où sont suspendues des grappes mûres. Les merles printaniers y sifflent en variant leur ramage, et les rossignols leur répondent par des cadences mélodieuses. Là, va t'asseoir, chevrier, et au bon Priape demande qu'il me délivre des liens amoureux où me retient Daphnis, et dis-lui que je vais lui immoler une belle chèvre s'il défère à ma prière ; si j'obtiens ce que je demande, je veux lui offrir un triple sacrifice. Oui, je sacrifierai une génisse, un bouc aux longs poils, et un agneau que je garde au bercail. Daigne le dieu m'être propice !
438. PHILIPPE. - Une armée de fourmis se délectait à fourrager le miel d'un vieux cultivateur d'abeilles. Celui-ci, furieux, mit son vase dans de l'eau, pensant que les fourmis ne se hasarderaient pas à quitter la terre pour y arriver. Mais elles, apportant des fétus de paille , s'élancèrent sur leurs barques improvisées vers le précieux trésor. C'est ainsi que la gourmandise poussa de la terre sur les flots de hardis et nouveaux navigateurs.
439. CRINAGORAS. - Crâne autrefois chevelu, aux yeux vides, à la bouche muette, fragile enveloppe de l'âme, débris d'un mort privé de sépulture, sujet de pitié et de larmes pouf les passants, reste au pied de ce tronc d'arbre près du sentier, afin que chacun apprenne en te regardant ce qu'on gagne à ne point jouir des biens de la vie.
440. MOSCHUS. L'Amour fugitif. - Vénus appelait à grands cris son fils l'Amour. "Quelqu'un a-t-il vu l'Amour errer par les chemins ? disait-elle, c'est mon fugitif. Celui qui me le signalera aura une récompense ; pour salaire il recevra un baiser de Cypris ; et s'il le ramène, ce ne sera pas un baiser, mais quelque chose de plus encore. Or, l'enfant est facile à reconnaître ; on le distinguerait entre vingt autres. Sa peau n'est pas blanche elle ressemble à du feu ; ses yeux sont vifs et flamboyants ; il a l'esprit malin, le parler doux. Ce qu'il pense n'est pas ce qu'il dit. Dans sa voix il y a du miel, il y a du fiel dans son coeur. La méchanceté, la fraude, le mensonge, la ruse, sont ses jeux cruels. Sa tête est parée d'une belle chevelure, mais son visage respire l'insolence ; ses mains sont toutes petites, mais les traits qu'elles lancent portent loin : ils portent jusqu'aux rives de l'Achéron, et atteignent même le roi des enfers. Son corps est nu, mais son esprit s'enveloppe de voiles. Avec les ailes d'un oiseau il vole tantôt ici, tantôt là, vers les hommes et les femmes, et se pose sur les coeurs. Il a un arc tout petit, et sur l'arc une flèche. Cette flèche est petite aussi, et néanmoins elle monte jusqu'aux cieux. Sur ses épaules est un petit carquois d'or, rempli de flèches acérées dont souvent il me blesse moi-méme. Tout en lui est redoutable ; mais ce qui l'est bien davantage, c'est un petit flambeau qui brûle même le soleil. Si vous prenez cet enfant, ramenez-le-moi enchaîné ; point de pitié. Si vous le voyez pleurer, prenez bien garde qu'il ne vous trompe ; s'il rit, tirez-le plus fort; et s'il veut vous embrasser, fuyez : son baiser est mauvais, sur ses lèvres il y a du poison. Que s'il vous dit : "Prenez mes armes, je a vous les donne," n'y touchez pas ; cette offre est perfide ; car ces armes sont toutes imprégnées de feu."
441. PALLADAS. - Avec étonnement je vis dans un carrefour une statue d'airain du fils de Jupiter, naguère si honorée, maintenant renversée, foulée aux pieds (151). Ému de pitié : "Dieu secourable, dis-je, toi l'oeuvre de trois nuits, toi l'invincible, aujourd'hui te voilà terrassé, "et lui m'est apparu dans la nuit, et m'a dit en souriant : "J'ai appris, même étant dieu, à me soumettre, à obéir quand il le fallait."
442. AGATHIAS. - Un pêcheur travaillait péniblement a jeter ses filets. Une jeune fille opulente le vit, en devint amoureuse et le prit pour mari. Le voilà de pauvre devenu riche, fier et arrogant. La Fortune en riant s'approcha de Vénus et lui dit : "Ce n'est pas là ton ouvrage, c'est le mien."
443. PAUL LE SILENTIAIRE. - Ne laisse pas Vénus entrer dans ton coeur ; sois ferme, car l'Amour rebondit aussitôt d'un coeur qui résiste au choc. Ses traits sont d'une nature pénétrante : se laisse-t-on toucher du bout de sa flèche enflammée, elle s'enfonce tout entière. N'abandonne pas ton âme à un espoir qui charme et qui trompe ; car cet espoir, attirant la passion, attise le feu qui nous dévore.
444. ERATOSTHÈNE LE SCHOLASTIQUE - C'est un beau trésor que la virginité ; mais la virginité, si tout le monde la gardait, serait la ruine du genre humain. Ainsi donc, prends légitimement une épouse, et donne à la société un être qui te remplace. Mais garde-toi bien du libertinage.
445. JULIEN D'ÉGYPTE. - L'empereur voulait t'envoyer encore au secours de villes affligées et de peuples qui t'imploraient, excellent Titianus ; mais tu as préféré jouir d'une vie calme, de ta patrie, de tes biens, et augmenter le légitime héritage de tes ancêtres. Quant aux richesses de tes administrés, l'idée seule d'y toucher te fait horreur ; la Justice qui s'assoit à tes côtés te rend ce témoignage.
446. LE MÊME. - Dans la vie, toute voie a ses agréments sur la place publique, des honneurs, des amis ; les chagrins se cachent dans nos maisons. La campagne a des occupations charmantes ; la mer offre un gain assuré ; les voyages à l'étranger procurent de l'instruction ; par le mariage, on a une famille bien unie ; par le célibat, on a une vie exempte de soucis. A-t-on des enfants, ce sont des appuis, des remparts ; mais aussi, point d'enfants, point d'alarmes ; la jeunesse donne de la vigueur, et les cheveux blancs de la sagesse. Ainsi donc, avec toute assurance, vis et peuple le monde (152).
447. LE MÊME. - Une mère tua son fils qui avait quitté le combat après la mort de ses compagnons, reniant le souvenir de la maternité. C'est que Lacédémone ne reconnaît pour ses légitimes enfants que ceux qui combattent vaillamment, non ceux qu'elle a vus naître (153).
448. ANONYME. Demande d'Homère et réponse. - Pêcheurs arcadiens,avons-nous quelque chose ? - Nous avons laissé ce que nous avons pris ; et ce que nous n'avons pas pris nous l'emportons avec nous (154).
449. ANONYME. Paroles prêtées à l'Amour amoureux. - Qui a dompté le feu par le feu ? Qui a éteint une torche avec une torche ? Qui a bandé contre mon arc un autre arc ? Dans mon âme un nouvel Amour est aux prises avec l'Amour.
450. PHILÉMON. - S'il était vrai, comme quelques philosophes le disent, que les morts conservent l'usage de la raison, je me serais pendu pour aller voir Euripide.
451. ANONYME. Paroles que put adresser par écrit (155) Philomèle à sa soeur Procné. - Ton criminel époux, m'ayant pour mon malheur isolée dans une grotte profonde, m'a ravi ma virginité ; et pour ce déplorable hymen quel affreux présent il m'a fait ! Il m'a coupé la langue, il m'a privée de la parole.
452. ANONYME. - Salut, Procné, de la part de ta soeur Philomèle, si du moins il y a ici salut. Et puisse ce voile te faire connaître les douleurs de mon âme, les douleurs que m'a causées le misérable Térée ! Il m'a rendue bien malheureuse dans les cabanes des bergers, en me privant, d'abord de ma virginité, et ensuite de la parole.
453. ANONYME. Paroles de Méléagre, en entendant mugir un boeuf qu'il était sur le point d'immoler à Jupiter. - Ce boeuf humble et suppliant, mugit au pied de ton autel, ô puissant Jupiter, pour obtenir la vie. Aie pitié de lui, fils de Saturne, te rappelant que toi aussi tu fus taureau quand tu enlevas Europe.
454. ANONYME. Paroles attribuées à Calliope, au sujet de George. - Celui-ci (156) est mon vrai père, non le fils de Saturne.
455. ANONYME. Ce qu'a pu dire Apollon à propos d'Homère. Je chantais, et le divin Homère écrivait.
456. ANONYME. Paroles de Pasiphaé éprise du Taureau. - Amour, puisque tu m'as appris à soupirer pour un taureau errant dans les montagnes, apprends-moi à mugir, pour qua j'appelle celui que j'aime.
457. ANONYME. Paroles qu'Achille a pu prononcer après la blessure d'Agamemnon. - Tu connais maintenant les funestes conséquences de ma colère, tu connais dans les combats de pied ferme la force d'Hector ; car maintenant tous ont péri victimes de ton outrage, et la honte qui t'accable est pire que la mort. Tu subis les déplorables effets, les intolérables maux de la folie, toi qui te vantais d'être pour tous les Grecs un invincible rempart.
458. ANONYME. Ce qu'a pu dire Ulysse en débarquant à Ithaque. - Salut, Ithaque ! Après tant de combats, après une si pénible navigation, qu'avec plaisir j'aborde sur ton rivage, pour voir Laërte, mon épouse, mon beau Télémaque, fils unique et cher ! L'amour que tu m'inspires charme et ravit mon âme, et je sens, moi aussi, que rien n'est plus doux que la patrie et que ceux à qui l'on doit le jour (157).
459. ANONYME. Paroles d'Achille en voyant Ulysse dans les enfers. - Véritablement Ulysse est d'un esprit fécond en expédients. Vivant, il s'est imaginé de voir ce qui est interdit aux yeux des mortels, les sombres retraites de l'enfer et les amères douleurs des morts. Comment a-t-il osé quitter l'auguste lumière du monde ? Ou bien quelle nécessité l'a conduit ici malgré lui ? Ulysse a des ruses infinies sur terre, sur mer, et jusque chez les morts.
460. ANONYME. Paroles d'Achille à la vue des armes forgées par Vulcain. - O ma mère, tu apportes à ton fils qui va combattre ces armes, magnifique présent, telles que jusqu'à présent nul mortel n'en a vu de pareilles. Ah ! je sais maintenant que Pallas arme mon bras contre Hector et prépara aux Troyens de honteuses funérailles.
461. ANONYME. Paroles de Pyrrhus, en descendant sur le rivage de Troie. - Les travaux de mon valeureux père n'ont pu obtenir la fin du siège ; mais moi, j'arrive pour la ruine de tous les Troyens. Car ma vaillance élève ses voeux plus haut ; et le roi Priam et ceux qui ont échappé à la lance d'Achille, tous ensemble, dans une bataille, périront sous mes coups. Je saccagerai la belliqueuse ville de Troie, et mon glaive terminera pour les Grecs une guerre de dix années.
462. ANONYME. Paroles de Déidamie, après la destruction de Troie par Pyrrhus. - Tu as chassé de mon âme toute la douleur dont l'avait remplie la mort de ton père Achille. Troie, pour son malheur, l'a tué ; mais toi, tu as saccagé la ville, exterminé ses habitants ; tu as accompli les voeux de la Grèce, tu lui as procuré une gloire immortelle qu'elle n'avait pu acquérir par dix années de guerre, avec tous ses guerriers.
463. ANONYME. Ce qu'a pu dire Hélène, en voyant les armes d'Achille. - Minerve, dans sa colère, a de nouveau revêtu le fils de Pélée d'armes immortelles. A quel sort douloureux doivent s'attendre les infortunés Troyens, Hector et son père, lorsqu'une déesse donne de telles armes à un tel guerrier !
464. ANONYME. Ce qu'a pu dire Pandarus (158), après avoir blessé Ménélas. - Retirez-vous tous, misérables Achéens ! Ménélas que je viens de tuer me couvre d'une gloire immense.
465. ANONYME. Paroles d'Althée, excitant son fils Méléagre. - O mon fils, tu as oublié ta famille, tu ne te soucies plus de ta patrie qui succombe, tu repousses le fer que je te présente, déshonorant ainsi OEnée ton père, Calydon et ses habitants.
466. ANONYME. Paroles d'Alceste, lorsque Admète eut attelé à son char un lion et un sanglier. - Les glorieuses oeuvres de ton courage ornent (159) ton char des palmes de la victoire, et réclament une épouse pour ton hymen héroïque.
467. ANONYME. Paroles qu'aura dites Pélée, en apprenant que son fils s'est retiré sous sa tente. - Rochers du Pélion, qui avez élevé mon fils, dites à l'élève de Chiron, du maître qui lui a enseigné la vaillance guerrière, de laisser là sa colère et ses inimitiés funestes aux Grecs.
468. ANONYME. Ce que put dire Junon, après l'apothéose d'Hercule. - Ton père, Hercule, a décerné à tes exploits une récompense belle [et méritée] ; car les labeurs procurent aux mortels une gloire immense après de longues épreuves.
469. ANONYME. Même sujet. - En récompense de tes labeurs et de tes prodigieux exploits, tu habites le séjour fortuné des dieux, où jusqu'ici ne fut admis aucun mortel.
470. ANONYME. Paroles d'Achille à Ajax, pour le réconcilier avec Ulysse. - Il n'est pas permis d'avoir de la colère chez les morts. Laisse là les misères de la vie et embrasse ton ami. Non, Ulysse n'est point coupable envers toi par son fait ; c'est la violente Minerve qui t'a tué, ainsi que Jupiter, la Parque et Erinnys qui plane dans les airs. Plût aux dieux que la divine Thétis eût jeté mes armes dans l'abîme des mers et noyé ces causes de ta querelle et de tes ressentiments !
471. ANONYME. Ce qu'aura dit Nestor en apprenant le retour d'Ulysse. - Par son courage et son adresse il a échappé aux périls de la mer, et à grand'peine le voilà de retour dans sa patrie. Qu'il soit au-dessus de moi (160), lui qui a si bien étudié les villes, les nations et l'esprit des peuples.
472. ANONYME. Même sujet. - C'est après bien des fatigues que le patient et brave Ulysse est de retour. Mais aussi quelle gloire il a recueillie sur terre et sur mer ! Chez la race future, Ulysse sera toujours proclamé le destructeur de Troie.
473. ANONYME. Ce qu'a pu dire Agamemnon, lorsque Achille se fut armé. - La superbe ilion a succombé : un dieu vient de la donner tout entière comme une proie aux Grecs, puisque Achille, abjurant sa colère, arme sa main homicide.
474. ANONYME. Paroles d'Idothée (161), en voyant Hélène à Pharos. - Ta beauté m'émeut de pitié, car tu es du sang da Jupiter, car je reconnais dans tes traits une céleste origine ; et il est certain que pour toi les Troyens et les Grecs ont supporté une guerre de dix années. Mais comment Jupiter, le dieu de l'Égide, ton père, ne te vient-il pas en aide ? N'importe ! hâte-toi de partir, ayant pris l'heureuse voie du retour, et par la volonté d'Idothée, vogue sans péril sur le dos de la mer orageuse.
475. ANONYME. Ce que put dire Hélène, pendant le combat de Ménélas et de Pâris. - Vaillants rois d'Europe et d'Asie, voici l'instant décisif qui va régler lequel de vous deux sera mon époux, et vainqueur m'emmènera captive et infortunée. Et puisse Jupiter prononcer entre vous, sans l'intervention de Vénus, de peur qu'un autre séducteur ne m'enlève, moi, la honte de la Grèce !
476. ANONYME. Ce qu'a pu dire Hector à Patrocle, qui n'avait pu porter la lance d'Achille. - Ta faiblesse m'a fait tort, car tu m'apportes des dépouilles incomplètes.
477. ANONYME. Paroles de Thétis, lorsque Téléphe tomba embarrassé dans une vigne. - Vigne, que ferons-nous, lorsque l'amant de Daphné, Apollon, aura renversé mon fils avec les flèches de Pâris ?
478. ANONYME. Ce qu'aurait dit Priam, lorsque Hélénus donnait aux Grecs un conseil pour prendre Troie. - Tu fais là un beau cadeau à ta patrie !
479. ANONYME. Paroles de Persée, après la mort du monstre marin, lorsque Andromède refusa de le prendre pour époux. - Les durs liens de la pierre ont pétrifié ton âme ; et puisse le regard de Méduse achever de changer ton corps en pierre !
480. ANONYME. Paroles d'Hippodamie, après la mort de son père Oenomaüs, Pélée n'ayant pas voulu la prendre pour épouse. - Tu renonces à tes promesses, maintenant que tu as obtenu la couronne. L'amour, en effet, ne s'accorde pas d'ordinaire avec l'ambition : il aime à suivre une autre route.
481. JULIEN LE SCHOLASTIQUE. - A la fois le sommeil du soir et le sommeil du matin triomphent de mes sens: l'un m'accable, l'autre ne me lâche pas (162). Que l'un des deux s'en aille au diable, et que l'autre vienne propice et doux, respectant la juste mesure des heures.
482. AGATHIAS. Sur une partie de jeu de l'empereur Zénon. - Nous autres gens de peu, même si nous avons fait quelque chose de beau et de grand, nous n'en laissons pas un durable souvenir ; mais pour les puissants de la terre, même s'ils ne font rien, s'ils se bornent à vivre, ainsi que l'a dit un sage de Libye, cela reste gravé sur le marbre et l'airain. Donc Zénon, l'empereur et maître de Constantinople, jouait aux dés dont le hasard règle les coups, et voilà quelle était la position des pièces aux deux couleurs. Il avait les blanches et le côté inférieur du damier. La sixième case avait sept dames, la neuvième une. Le grand coin en avait deux comme la dixième case, et la case à la suite du grand coin en avait deux également ; une autre dame, seule et la dernière, occupait la case divine. Quant aux noires, à la huitième case il y avait deux dames, et autant à la onzième ; la douzième case était occupée par deux pièces semblables, et une pièce unique reposait à la treizième case. Une double dame ornait l'Antigone. La même marque se voyait à la quinzième comme à la dix-huitième case. De plus, à la quatrième case à partir de la dernière, figuraient deux autres dames. L'empereur, à qui était échu le commandement de la blanche armée, ne voyant pas le piège que la fortune lui tendait, jeta à l'improviste trois dés dans l'escalier de la tour de bois, et il amena deux six et deux cinq. Aussitôt les huit dames, tout à l'heure compactes, furent dédoublées et isolées (163). Fuyez les tables de jeu, puisque le hasard n'a pas craint de tromper le maître du monde.
483. ANONYME. Sur un enfant qui mourut pour avoir mangé trop de péches. - Du pays des homicides Perses, Persée a rapporté un arbre homicide qui a causé la mort de l'enfant de Théognoste.
484. PALLADAS. - (164) Ulysse reçut jadis en don une outre pleine de vent ; traversant la mer, c'était pour lui d'un grand secours. Mais mon Éole, dont le coeur n'est que du vent, m'envoie un oiseau qu'il a gonflé de vent aussi. Ami, tu m'envoies des souffles ailés, oui, des souffles ; or, je ne puis manger du vent comprimé.
485. HÉLIODORE. - Je chante Thétis, ô Thétis à la belle chevelure d'or. Je chante la fille immortelle de Nérée, la vierge qui épousa Pélée par la volonté de Jupiter, l'ornement de la ruer, notre Vénus. Le guerrier à la lance furieuse, le Mars de la Grèce, le foudre de guerre, le divin Achille dont la gloire est céleste, sortit de ses flancs, et son épouse Pyrrha mit au monde Néoptolème, le destructeur de Troie, le sauveur des Grecs. Sois-nous propice, Néoptolème, héros fortuné, qui reposes dans la terre delphique ; reçois cette offrande d'hymnes et d'encens, et de notre cité éloigne tout péril. Je chante Thétis, ô Thétis à la belle chevelure d'or (165).
486. PALLADAS. - Tu m'as expédié un saucisson bien ficelé ; mais mon esclave, l'ayant délié, n'a trouvé qu'une peau gonflée de vent.
487. PALLADAS. - Tu m'as envoyé de Chypre des quartiers de porcs engraissés de figues, desséchés à la fumée, provoquant la soif ; aussi suis-je gras à lard comme une victime sache-le ; ou tue-moi tout de suite, ou étanche ma soif dans la liqueur qui vient également de Chypre.
488. TRYPHON. - Terpès chantait en s'accompagnant de son harmonieuse cithare sous un berceau, lorsque subitement il mourut au milieu des Lacédémoniens qui l'écoutaient. Ni trait ni épée ne l'avaient frappé, mais une figue était tombée dans sa bouche ouverte. Hélas ! la mort n'a que trop de moyens de nous atteindre.
489. PALLADAS. Sur deux enfants nés ensemble et morts en naissant. - La fille d'un grammairien, après ses scholastiques amours, a mis au monde un masculin et un féminin, qui n'ont fait qu'un neutre.
490. HÉLIODORE. - Le devin Calasiris [dit en songe à Chariciée: ] "En portant sur toi une pantarbe (166) ne crains pas la violence du feu ; il est aisé aux Parques d'accomplir même ce qu'on espère le moins (167)."
491. THÉON. Monostique sur les jours de la semaine. - Dimanche Hêlios, lundi Mênê, mardi Arês, mercredi Hermês, jeudi Dzeus, vendredi Paphiê, samedi Chronos.
492. ANONYME. - Du soldat gisent ensemble le bouclier, la lance, l'épée, la cuirasse, le casque, le coursier (168).
493. ANONYME. - Le bouclier, l'arc, les flèches, le casque, l'épée, le robuste javelot.
494. ANONYME. - La flèche, l'arc, le casque, la lance, l'épée, la cuirasse.
495. ANONYME. Sur Agamemnon. - Glorieux hôtes de la Grèce, ô mes vaillants compagnons, n'accordez plus votre confiance à de perfides épouses. La mienne m'a égorgé, moi que ne tua pas le terrible Hector.
496. ANONYME. - Illustres philosophes stoïciens, ô vous qui avez gravé dans vos livres sacrés les plus pures maximes, vous avez raison de dire que la vertu est le seul bien de l'âme ; car elle est la seule gardienne de la vie des hommes et des cités. S'il en est d'autres qui prennent pour fin les plaisirs du corps, une seule des filles de Mémoire (169) a pu le leur persuader.
497. CRATÈS. - La faim apaise l'amour ; à défaut de la faim, le temps. Et si ni le temps ni la faim n'éteignent sa flamme, il te reste un remède : prends une corde, et pends-toi.
498. ANONYME. Sur un Perse, fils incestueux. - N'enterre pas celui qui ne mérite pas de sépulture ; laisse-le en proie aux chiens dévorants. La mère des humains, la terre ne reçoit pas dans son sein l'homme qui a violé sa mère (170).
499. ANONYME. - Le Temps avec ses blancs cheveux s'avance d'une allure pénible et lente ; mais tout en cheminant sans bruit il dérobe la renommée des faits mémorables ; sans se montrer, il fait disparaître les hommes qui sont en évidence, et met en évidence les hommes qu'on n'apercevait pas. Le terme de la vie humaine est incertain ; mais ce qui est sûr, c'est que chaque jour est un pas vers la mort.
500. ANONYME. Sur la catastrophe (171) de Béryte (172). - N'appelez pas héritiers ceux qui survivent ; mais ceux qui sont morts, proclamez-les héritiers. Les héritiers actuels, les morts, recueillent un legs magnifique : la délivrance de cette misérable vie.
501. ANONYME. Même sujet. - Autrefois les morts voyaient à leurs funérailles la cité vivante ; mais nous, vivants, nous assistons aux funérailles de la cité.
502. PALLADAS. - Il me faut du conditum (173). D'où vient à ce breuvage le nom de conditum, si étranger à la langue grecque ? Vous savez s'il vient de Rome, vous qui ôtes archiromain. Donc préparez-m'en, car pour les douleurs d'estomac que j'éprouve on vante fort ce spécifique.
503. LE MÊME. - Ce n'est pas sans raison que j'ai attribué aux poux-crotons (174) une vertu presque divine : hier j'en ai mis à un malade que tient depuis longtemps une fièvre quarte, et le voilà tout à coup qui se porte comme un Crotoniate.
504. ANONYME. Sur les Muses. - Calliope nous a donné la poésie du vers héroïque. Clio a fait mouvoir les choeurs au doux chant de la cithare. Melpomène a gratifié les mortels du luth mélodieux. La gracieuse Terpsichore a travaillé artistement les flûtes. Érato a célébré les dieux dans des hymnes ravissants. La savante Polymnie a réglé le geste et la danse. Uranie a montré les beautés du ciel et les choeurs des astres. Thalie a révélé la vie comique, les moeurs et les caractères.
505. ANONYME.
Même sujet. - Le peintre n'a pas vu Terpsichore ; mais par l'adresse du pinceau, son image qui vit, qui respire, fait illusion aux yeux.
Ami, si tu as entendu les ravissants accords d'une lyre, loue, admire Érato, à qui tu dois ces jouissances de l'art.
Euterpe, sur des roseaux percés de trous, chante en soufflant, et de son soufre naît une douce et savante mélodie.
Je préside, moi Thalie, à la poésie comique, et sur la scène applaudie, je représente les actions des mortels peu vertueux.
Regarde l'image de la Sagesse ; car en voyant Calliope, il te semblera voir la Sagesse elle-même.
Moi, Clio, je me tiens auprès des trépieds et des lauriers d'Apollon, Muse de la divination et de l'histoire.
J'ai enseigné, moi Uranie, par les procédés divins du calcul, les lois du cours périodique des astres.
Vois ici Melpomène, qui remplit le théâtre de sa grande voix d'airain et des accents d'une poésie sublime et charmante.
Silencieuse, je parle avec les gestes gracieux de la main, et mes signes rendent mon silence éloquent.
506. PLATON. - Les muses, dit-on, sont au nombre de neuf. Quelle erreur ! Voici encore Sapho de Lesbos qui fait dix.
507. CALLIMAQUE. - C'est l'accent, c'est l'allure d'Hésiode. Le poète de Soles (175) n'est pas un talent vulgaire ; mais je ne sais s'il a exprimé tout le miel des chants ascréens (176). Salut ! poésies ingénieuses, fruit des laborieuses veilles d'Aratus.
508. PALLADAS. - Veut-on avoir une belle tournée, il faut la passer avec toi, et c'est un beau jour. Si l'on veut éprouver le contraire, on n'a qu'à ne pas te voir, et c'est un mauvais jour.
509. ORACLE. - Les femmes de Colias (177) feront griller l'orge avec des rames (178).
510. ANONYME. - Critonianus m'a épousée ; Solon m'a donné le jour ; Meltine fut mon nom ; mon mari m'a sculptée de ses mains.
511. ANONYME. - Paeon m'a ordonné avec douceur d'orner d'or ce cheveu blanc comma neige, et je l'ai fait avec plaisir, parce que je jugeai (179) que, de ma part, cela lui était agréable.
512. ANONYME. Dédicace d'un livre. - O toi le précepteur d'un empereur romain, reçois avec bienveillance le premier hommage d'un livre, fruit de longs travaux, où par des dessins sont représentés les mystères de la fable, et sois-nous propice.
513. CRINAGORAS.- Tu excellais (180) dans beaucoup de comédies, dans celles que Ménandre a écrites soit avec l'une des Muses, soit avec l'une des Grâces.
514. ANONYME. - Je partage ici (181) le joug de la jeune mariée Praxilla, moi l'Hymen toujours chanté près de la couche nuptiale. C'est Ménis le comique qui m'a placé près d'elle après cette invocation : "O Hymen, viens et sois propice à la fiancée et à l'époux !"
515. ANONYME. - Les Grâces sont au nombre de trois. D'elles trois seule tu es née, afin que les Grâces aient une grâce [de plus].
516. CRINAGORAS. - Que chacun exerce le métier qu'il a appris. C'est ainsi qu'aux pieds des hautes Alpes, des brigands aux cheveux épars et longs, prêts à fondre sur leur proie, écartent les chiens auxquels la garde des troupeaux est confiée. Ils se frottent les reins d'une quantité incroyable (182) de graisse (183), et trompent l'odorat fin de ces animaux. O Liguriens, que vous êtes bien plus habiles pour le mal que pour le bien !
517. ANTIPATER. - Orphée charmait les bêtes sauvages, et tu charmerais Orphée. Apollon a vaincu le Phrygien (Marsyas), et il cède la palme à tes accords, Glaphyrus ; ton nom est celui du talent et de la beauté. Minerve n'aurait point jeté à terre ses flûtes, si elle en avait tiré des sons aussi suaves, aussi variés. En les entendant, le Sommeil lui-même se réveillerait, fût-il entre les bras de Pasithée (184).
518. ALCÉE DE MESSÉNIE. - Jupiter, souverain de l'Olympe, tout est accessible à Philippe, les murailles même de Macynum. Hâte-toi de fermer les portes d'airain du palais des dieux. La terre et la mer, Philippe les a soumises à son sceptre ; il ne lui reste plus qu'à s'ouvrir un chemin vers l'Olympe.
519. LE MÊME. - Je bois, ô Bacchus, beaucoup plus que n'a bu le Cyclope gorgé de chair humaine ; et quand je bois, que ne puis-je écraser la tète de Philippe et dévorer sa cervelle ! Car au milieu d'un festin il s'est souillé du meurtre de ses amis, en mêlant aux vins des poisons.
520. ANONYME. - Ce tombeau est celui d'Alcée, que la rave, fille de la terre, a fait périr du supplice (185) des adultères.
521. ANONYME. Les Muses à Sapho pendant son sommeil.
- Non, certes, la Parque ne t'a pas gratifiée d'une mince part de gloire, le jour où, pour la première fois, tu as vu la lumière, Sapho car nous te donnâmes le lierre immortel, et le père des dieux l'approuva du bruit de son tonnerre. Tu seras célébrée par des chants chez tous les mortels, et tu jouiras de la plus illustre renommée.
Sapho en se réveillant s'écria : O ma mère, un songe divin a charmé mon
sommeil (186).
522. ANONYME. - (187) Iliade, oeuvre héroïque, Odyssée, où la sagesse et la vertu s'enseignent, et qui rends Ithaque même l'égale de Troie, vous conserverez au vieux poète une jeunesse éternelle ; car c'est la voix enchanteresse d'Homère qui résonne dans vos chants.
523. ANONYME. - Calliope, éloquente Muse du poétique Hélicon, mets au monde un autre Homère, car il est venu un autre Achille.
524. ANONYME. Hymne à Bacchus. - Chantons le dieu qui aime le cri d'Évohé, qui fut cousu dans la cuisse de Jupiter (188) ....
525.ANONYME. - Hymne d'Apollon. - Célébrons le grand dieu Apollon, Péan (189)...
526. OPRHÉE. - Ferme les portes inébranlables du grand Olympe, souverain Jupiter ; garde bien la divine citadelle des cieux. Car déjà la mer a subi le joug de la belliqueuse Rome, la terre aussi ; il ne lui reste plus qu'à se frayer un chemin vers la demeure des immortels.
527. ORACLE. - Lion, supporte courageusement ton sort, fût-il insupportable : nul homme ne peut éviter la punition de ses injustices (190).
528. PALLADAS. - Les habitants de l'Olympe (191), devenus chrétiens, demeurent ici à l'abri de tout danger ; car le creuset d'où sort la petite monnaie de cuivre ne les mettra pas sur le feu.
529. ANONYME. Sur le lit d'une courtisane en bois de laurier. - Moi (192) qui fuyais le lit d'un seul (193), je suis devenu le lit de tous.
530. ANONYME. Sur un magistrat indigne de l'être. - Sans le vouloir la Fortune t'a promu aux honneurs ; mais c'est afin de montrer qu' elle peut tout faire, même de toi un magistrat.
531. ANONYME. Sur les Isaures. - Ils courent aussi vite que les vents (194), et de là vient leur nom.
532. ANONYME.
Sur une coloquinte. - Dis-moi, coloquinte, pourquoi jusqu'à présent la famille aqueuse des coloquintes et des citrouilles ne s'est pas montrée.
Réponse de la coloquinte. - Les pluies excessives de Jupiter ont inondé les
champs, et ils tiennent encore cachée, bien à regret, notre tribu (195).
533. ANONYME. Sur un combattant du cirque descendant du haut d'un épieux - Un homme ficha en terre son épieu, et s'étant élancé en l'air il y suspendit son corps la tête en avant. La bête se dressa, passa dessous, et lui sauta à terre derrière elle d'un bond vigoureux ; la bête n'avait pu le saisir. La foule poussa un grand cri ; l'homme était sauvé.
534. ANONYME. - Quand la statue de Diane se couvre de sueur, c'est un présage de tumulte et d'alarmes.
535. ANONYME. - Bacchus se pare de lierre, Jupiter de son égide, les citoyens de leurs hôtes, et la cité de ses citoyens.
536. ANONYME. Sur l'Alphée. - Ses eaux coulaient à travers les eaux de la mer, sans en être mouillées.
537. NESTOR DE NICÉE. Sur un cocher gui s'était mis à chanter. - Pourquoi par vos clameurs interrompez-vous mes chants ? [On lui répondit:] "Le cocher a appris à conduire un char, le musicien a appris à chanter. Si celui qui sait conduire un char a la fantaisie de chanter, il risque fort d'être à la fois un mauvais cocher et un mauvais chanteur."
538-539. ANONYME. - (Ces épigrammes, dépourvues de sens, n'ont d'autre objet que de renfermer toutes les lettres de l'alphabet grec (196).)
540. ANONYME. - Ne déroule pas à la hâte le livre d'Héraclite d'Éphèse ! Certes une telle lecture est d'un abord rude et difficile. La nuit est sombre, les ténèbres sont épaisses. Mais si un initié te guide, tu verras clair dans ce livre plus qu'en plein soleil.
541. ANTIPATER. - Théogène envoie à Pison des coupes artistement travaillées : à nous deux nous contenons le ciel tout entier, car on nous a faites d'une sphère coupée par le milieu. Sur l'une de nous sont les constellations boréales, les constellations australes sont sur l'autre. Donc, en vidant l'une et l'autre coupe, tu verras tous les astres, et il ne sera plus nécessaire de recourir aux Phénomènes d'Aratus.
542. CRINAGORAS. - Ose écrire une scène à quatre personnages et plus encore ; car les grâces de Philonidas et de Bathylle ne te feront pas défaut, de Philonidas pour le chant de Bathylle pour le geste.
543. PHILIPPE. - La troupe bien montée de Thessaliens qui va à la chasse des taureaux ne s'arme pas contre ces monstres de javelots acérés ; sur des chevaux qu'aiguillonne l'éperon elle s'approche des taureaux bondissants, et n'hésite pas à saisir leurs cornes d'une main qui les enchaîne. La tête altière du monstre s'incline jusqu'à terre sous cette étreinte vigoureuse, et si fort qu'il soit, le taureau est renversé et roule dans la poussière (197).
544. ADDÉE. - Typhon m'a persuadée, moi Galatée, de devenir Béryl indien (198), et de ses mains délicates il a déployé ma chevelure. Voilà bien et les lèvres dont le souffle aplanit (199) la mer, et le sein par lequel je charme le repos des vents. Que si même la pierre jalouse me le permet, je suis prête à m'élancer, et tu connaîtras ma vitesse à la nage.
545. CRINAGORAS. - Ce poème est de Callimaque, oeuvre artistement travaillée et charmante, où le poète a répandu tous les trésors des Muses. I! y chante la cabane hospitalière d'Hécalé et les fatigues qu'a fait subir à Thésée le taureau de Marathon. Puisse-tu, Marcellus (200), acquérir la force musculaire de ce héros et égaler la gloire de son illustre vie !
546. ANTIPHILE. - Même à la poupe, sur le tillac, que j'aie quelquefois un lit de paille, et sur ce lit une peau de renne où résonnent les gouttes de pluie, un feu s'échappant avec peine de pierres improvisées, et sur ces pierres une marmite et le bruit de l'eau en ébullition ; que je voie auprès de moi un esclave sale de goudron, et que pour table une planche me soit dressée (201) sur le pont du navire ; que j'y joue à donne et prends; que j'entende l'amusant babil de l'équipage. Naguère une telle bonne fortune m'est échue, à moi qui n'aime pas les plaisirs recherchés.
547. ANONYME. - Le clops en fleur s'était élancé au-dessus de l'âpre haie.
548. BIANOR. - Hermonax, petit enfant encore à la mamelle, qui s'était écarté da sa mère, ah ! comme injustement vous l'avez tué, filles des entrailles (202) d'un boeuf ! Dans son ignorance, l'infortuné alla à vous comme à des abeilles, et vous avez été plus méchantes que des vipères. Au lieu de le régaler, vous lui avez enfoncé vos dards homicides, ô cruelles ! Quel contraste avec vos doux présents (203) !
549. ANTIPHILE. - Sources, pourquoi avez-vous fui? où sont allées vos abondantes eaux? quelle ardeur du soleil a tari votre onde qui coulait toujours ? - Nos larmes sur la tombe d'Agricola nous ont épuisées ; et tout ce que nous avions d'onde à épancher, sa cendre l'a bu.
550. ANTIPATER. - O Ténos, je ne veux point te contester ta réputation. Les légers enfants de Borée, Zéthus et Calaïs, t'ont donné de la célébrité. Mais Délos n'en avait-elle pas aussi une très-grande ? Son nom ne volait-il pas jusqu'aux monts hyperboréens ? Cependant tu subsistes, et Délos n'est plus. Qui aurait jamais pu croire que Délos deviendrait un jour plus déserte que Ténos (204)?
557. ANTIPHILE. - L'inimitié des Colchades poursuit le malheureux héron. Le Soleil, qui fut témoin, pourra dire à quel titra ils lui ont pour toujours infligé le nom de traître. C'est que tandis qu'il se tenait sur ses longues pattes, sur une grève recouverte d'une mer peu profonde, cherchant sa nourriture (205) dans la vase, les ennemis se sont avancés vers la ville, du côté opposé à leurs attaques, apprenant par cet oiseau qu'on pouvait passer à gué le bras de mer. Frappez donc le maudit héron, car il a reçu des ennemis une grosse récompense, des limaçons et de l'algue, le traître.
552. ANTIDATER. - Glaive macédonien, à qui le bras d'Alexandre a enseigné les hauts faits de la guerre, suivant mon désir, ô Pison, j'arme ta main. C'est avec joie que je le proclame : j'ai trouvé une main digne de me porter.
553. ANONYME. - A la place de Leucade, de l'opulente Ambracie, de Tyrrhée, d'Anactorium, d'Argos bâti par Amphiloque, et de toutes ces villes qu'autour du golfe la guerre furieuse a ravagées, César a fondé Nicopolis, ville divine, et l'a offerte en présent à Apollon pour prix de la victoire d'Actium.
554. ARGENTARIUS. - In fellatricem mulierem nomine Heracleam, de cujus nomine poeta ludit. Ut enim Hêraklei fato destinatum erat ut Heben in matrimonium duceret, sic Hêrakleiäi nostrae fatale fuisse videtur ut juvenum hêbên (206) contrectaret.
555. CRINAGORAS. - Bien que ceux qui m'ont mesurée me tiennent pour petite et me donnent sept stades au plus, je suis une île cependant, tu le verras bien, qui produit dans ses sillons du beau froment, et toute sorte de fruits, dont les côtes abondent en poissons, où, pendant la canicule, règnent de doua zéphyrs , et dont le port est tranquille et sûr, et qui a pour voisine Corcyre la Phéacienne. Pourquoi faut-il qu'on m'ait donné un nom (207) qui prête à rire ?
556. ZONAS. - Nymphes de ces bords, Néréides, vous avez vu Daphnis, hier, se purifier de la poussière qui couvrait ses épaules (208), lorsqu'il s'est jeté dans vos ondes rafraîchissantes, les joues légèrement colorées par le soleil. Dites-moi, était-il beau ? Et moi, suis-je (209) bouc autrement que par les jambes ? le suis-je encore par l'esprit et le coeur ?
557. ANTIPATER. - Dans le stade. Arias, fils de Ménéclès, ne dément pas Persée, ton fondateur, ô Tarse de Cilicie. Car les pieds de cet enfant ont aussi des ailes ; et Persée même ne lui aurait pas montré le dos en courant. On l'a vu, en effet, ce jeune athlète, ou à la barrière ou au but, mais jamais au milieu du stade.
558. ÉRYCIUS. - Le bouc de Clison, pendant toute la nuit sombre, a tenu éveillées les chèvres par ses cris et ses bonds. Car l'odeur du loup, l'égorgeur de troupeaux, l'avait frappé de loin, lorsqu'il montait vers la grotte du bercail. A la fin, les chiens, éveillés à leur tour, effrayèrent la bête ennemie ; et le sommeil alors ferma les yeux du bouc.
559. CRINAGORAS. - Je m'embarque pour l'Italie, où je vais rejoindre des amis dont je suis depuis longtemps séparé, et je cherche un guide du voyageur, un périple qui me puisse conduire aux îles Cyclades et à l'antique Schérie (210). Ménippe, viens à mon aide et dirige-moi, toi qui, d'après tes observations, as écrit un guide où brille ton savoir en géographie (211).
560. CRINAGORAS. - Redoutable tremblement de terre, soit que les flots de la mer, soit que les vents déchaînés te donnent le branle, épargne la modeste demeure que je viens de bâtir. Jamais, non jamais la terre ébranlée ne m'a causé une pareille frayeur.
561. PHILIPPE. - Quel rocher solitaire et sans soleil de la Scythie glacée t'a vue naître, vigne sauvage ? Poussas-tu au pays des Celtes, sur les Alpes toujours battues par la neige, ou dans les champs de la ferrugineuse Ibérie, toi qui produis des raisins si verts, si acides, d'où sortent des gouttes pleines d'âcreté ? Prête-moi ton bras, Lycurgue, pour moissonner tous les jets de ce sarment aux fruits amers, et en extirper la racine.
562. CRINAGORAS. - Un perroquet qui parlait comme un homme, s'étant échappé de sa cage d'osier, parvint, au moyen de ses ailes brillamment colorées, à gagner les bois ; et là, s'exerçant toujours à saluer César, il n'oublia pas, même au milieu des montagnes, ce nom glorieux. Tous les oiseaux accouraient vers lui et s'instruisaient bien vite, rivalisant à qui mieux et le premier dirait au dieu, salut ! Orphée a charmé les bêtes dans les bois ; mais maintenant tout oiseau, de lui-même et spontanément, te salue et te chante, ô César.
563. LÉONIDAS. - Passant, si tu rencontres quelque part l'amateur de fruits Démocrite, dis-lui ces quelques mots, dis-lui que moi, figuier aux fruits blancs et déjà mûrs, je porte pour lui des figues, morceaux friands, apprêtées par la seule nature ; et comme j'occupe une place mal défendue, qu'il se hâte, s'il veut le premier cueillir les trésors de mes rameaux intacts.
564. NICIAS. - Blonde abeille, montre-nous que le printemps s'est paré de guirlandes diaprées, butine ses fleurs, vole vers les prairies parfumées, et travaille sans relâche, afin que tes cellules de cire se remplissent des trésors de ton miel.
565. CALLIMAQUE. - Théétète est entré dans une voie nouvelle (212) ; cette voie, ô Bacchus, ne conduit pas à ton lierre , [à la victoire]. N'importe : les hérauts proclameront une fois le nom des autres vainqueurs ; le génie de Théétète sera glorifié à jamais dans la Grèce.
566. LE MÊME. - Un petit mot, Bacchus, suffit au succès du poète : "Victoire ! " s'écrie-t-il. Qu'y a-t-il de plus bref (213) ? mais au poète qui n'ayant pas reçu ton inspiration propice si l'on demande : "Que t'est-il arrivé? " il répond : "Ce qui m'est arrivé est affreux." Que celui qui médite des iniquités ne tienne pas un autre langage ; à moi, dieu puissant, le petit mot victoire !
567. ANTIPATER. - Antiodémis qui, même encore et depuis son enfance, nourrisson de Vénus, dort sur un duvet de pourpre, dont le regard voilé surpasse en mollesse le sommeil lui-même, alcyon qui chante comme Lysis (214), doux jouet de l'ivresse, dont les bras ont la souplesse de l'onde, et qui seule n'a pas d'os (car toute sa personne est comme du lait caillé (215) dans les clayons), Antiodémis vient de passer en Italie pour que Rome, séduite par ses grâces charmantes, renonce à la guerre et aux combats.
568. DIOSCORIDE. - O Nil, dans leur course aventureuse tes flots débordés ont emporté la chaumière d'Aristagore et tout ce qu'il possédait. Lui-même, pauvre vieillard, comme un naufragé et ayant perdu tout espoir, s'est sauvé à la nage sur un débris de ses champs, et s'est réfugié sur le toit à demi effondré de son voisin. "O mes longs et pénibles travaux, s'est-il écrié, ô mes champs, que dirigeaient mes vieux bras, vous avez disparu dans le fleuve. Combien ses eaux, propices et douces aux laboureurs, ont coulé fatales et amères peur Aristagore !"
569. EMPÉDOCLE. - J'ai déjà été autrefois garçon, fille, plante, oiseau et poisson qui de la mer passe au feu .... Amis qui habites la grande ville (216), sur l'Acropole, aux bords du jaune Acragas, et qui vous livrez à de nobles travaux, salut ! Je suis pour vous un dieu immortel, non plus un homme, lorsque je m'avance, honoré de tous, comme il convient, paré de bandelettes, de couronnes et de fleurs.
570.PHILODÈME. - Blonde(217) ouvrière, qui nous pétris la cire, ô toi dont la couleur est celle du miel, toi qu'on prendrait pour une Muse, toi qui bourdonnes si joliment, image charmante des Amours ailés, que tes mains couvertes de rosée continuent à distiller (218) leur liqueur parfumée. Hélas ! je suis condamné, quoi que immortel, à dormir longtemps dans ce lit solitaire de pierres, qu'on a eu soin de bien cimenter. Recommence, gentille et blonde petite abeille ; oui, oui, recommence ce doux chant. Ne l'entends-tu (219) pas, malheureux usurier ? Et toi aussi, tu habiteras (220) pour toujours un lit solitaire de pierres.
571. ANONYME. Sur les neuf poëtes lyriques. - Du côté de Thèbes a tonné la grande voix de Pindare. La lyre de Simonide module des chants d'une mélodie charmante. Quel éclat dans lbycus et Stésichore ! quelle douceur dans Alcman ! De la bouche de Bacchylide s'exhalent des accents délicieux. La persuasion respire sur les lèvres d'Anacréon. Dans la voix éolienne d'Alcée on reconnaît le cygne de Lesbos. Sapho n'est point un neuvième poète lyrique ; cette fille d'Érato (221) est parmi les Muses inscrite comme une dixième Muse.
572. LUCILLIUS. - "Commençons par chanter les Muses, " écrivait Hésiode, en gardant, dit-on, ses troupeaux. "Déesse, chante la colère", et, "Muse, célèbre le héros," a dit Calliope par la bouche d'Homère. Et moi aussi, il faut que j'écrive quelque prélude : mais qu'écrirai-je au début de mon second livre ? "Muses de l'Olympe, filles de Jupiter, j'étais perdu, si l'empereur Néron ne m'eût donné de l'argent."
573. AMMIEN. - Toi du moins, ami, ne t'assieds pas à la table des étrangers, et ne gratifie pas ton estomac d'un pain assaisonné d'outrages, tantôt pleurant avec l'hôte qui pleure et se lamente, et au rebours riant avec lui s'il vient à rire, n'ayant sujet de rire ni de pleurer, mais pleurant et riant de moitié par une lâche complaisance.
574. ANONYME. - Moi aussi, trois fois malheureux Aganax, j'ai conduit mon coche à travers cette misérable vie qui n'en est pas une. Cependant je ne suis pas resté longtemps attelé ; mais d'une ruade ayant brisé les traits de cette vie odieuse, je m'en suis allé chez Pluton.
575. PHILIPPE. - Le ciel éteindra ses astres et le soleil éclairera les nuits, la mer donnera aux marins une eau bonne à boire, les morts reviendront au séjour de la lumière, avant que l'oubli ne s'empare du nom d'Homère de Méonie et n'amoindrisse la renommée de ses vieux poèmes.
576. NICARQUE. Sur une statue de Minerve tenant une pomme. - Vierge Tritogénie, pourquoi me provoques-tu maintenant, et d'une main avide as-tu pris ma pomme ? Souviens-toi que sur les rocbers de l'Ida tu n'as pas été jugée belle et que c'est Vénus qui a reçu de Pâris le prix de la beauté. A toi la lance et le bouclier, à moi la pomme ! au sujet de cette pomme la terrible guerre d'autrefois ne suffit-elle pas ?
577. PTOLÉMÉE. - Je sais que je suis mortel et que ma vie est d'un jour ; mais quand j'étudie et contemple le cours circulaire des astres sans nombre, mes pieds ne touchent plus la terre, je m'élance au séjour même de Jupiter et m'abreuve de la divine ambroisie.
578. LÉON LE PHILOSOPHE. Sur les Coniques d'Apollonius. - Les matières que je traite et dont mes pages sont pleines, ont un caractère particulier de profondeur et d'abstraction. Pour ne pas s'y perdre, il faut être un plongeur de Délos. Mais si, à plusieurs reprises, on plonge dans mes abîmes, si on en explore avec soin toutes les profondeurs, d'abord on en rapportera l'honorable titre de géomètre, et ensuite, de l'aveu de tous, on sera proclamé philosophe. J'en atteste Platon et l'appelle en garantie.
579. LE MÊME. - Colonisateur de la Sicile, Corinthien, qui naguère buvais les eaux renommées de la syracusaine Aréthuse, vois ce sceptre, ornement des plus anciens héros (222).
580. ANONYME. Sur les mois des Romains. - Le mois des consuls (janvier) est le premier. Le second mois (février) ouvre les sillons. Le troisième (mars) appelle aux armes les peuples d'Ausonie. Le quatrième (avril) annonce la saison fleurie du printemps. Je suis le père des roses (mai) ; et moi (juin) je me pare de lis aux blanches corolles. Celui-ci (juillet) lie les javelles. Au souffle de mes ailes (août), le Nil gonfle et déborde. Celui-là (septembre) a toujours été cher à Bacchus, le dieu des raisins. Moi (octobre), je fabrique le vin, doux charme des mortels. Moi (novembre), j'envoie en cadeau à chacun de mes amis les délicieux fruits de l'olivier ; et moi (décembre), au son des chants et de la lyre, j'écarte le sommeil et les chagrins (223).
581. ANONYME. Sur un spectacle de chasse aux bêtes, appelé monêmerion, parce qu'il ne durait qu'un jour.- Dieu de l'arc, chef des Muses, Phébus qui lances au loin les traits, dis à ta soeur d'exciter les vaillantes bêtes, assez pour que leurs dents effleurent le corps des hommes, assez pour que le peuple témoigne sa joie par des cris ; mais que je ne voie pas, moi qui ai reçu un sceptre du doux et bon Jupiter, la mort d'un seul homme.
582. ANONYME. Sur les Arméniens et les Ibères, lorsqu'ils se soumirent aux Romains. - Les tribus de l'Arménie et la vaillante nation dès Ibères, animées du zèle dé la foi chrétienne, se sont volontairement soumises au joug, se reconnaissant les serviteurs et les sujets des invincibles empereurs.
583. ANONYME. Sur Thucydide. - Ami, si tu as de l'instruction, prends-moi et lis ; mais si tu es étranger aux Muses, laisse là ce que tu ne comprendrais pas. Car je ne suis pas accessible a tous, et peu même savent admirer Thucydide, le fils d'Olore, de race athénienne (224).
584. ANONYME. Sur la statue d'Eunomus le citharède, érigée à Delphes avec une cigale sur la cithare. - Apollon , tu sais comment moi, Eunomus de Locres, j'ai vaincu Spartis ; mais je le dirai pour ceux qui l'ignorent et le demandent. Je jouais sur la cithare un air varié ; tout à coup, au milieu d'un morceau, une code se brisa sous l'archet. Au moment où il fallait donner une note exigée, le juste son allait manquer pour l'oreille des juges, lorsqu'une cigale s'étant posée sur la barrette de l'instrument compléta l'accord qui manquait. Oui, je faisais vibrer six cordes, et j'allais attaquer la septième lorsque la cigale nous prêta sa voix. Le chantre des bois adapta ses notes pastorales à notre thème, et en chantant de sa voix transformée il se mettait à l'unisson de la corde absente. Aussi ai-je témoigné ma reconnaissance à l'artiste mélodieux, et sculptée en airain la cigale posée sur ma cithare.
585. ANONYME. Sur un bas-relief représentant Vénus et les Amours. - Il y a quatre Amours. L'un voile la couronne de sa mère ; l'autre a ses lèvres sur le sein, source de lait ; les deus autres jouent à ses pieds. Un vêtement cache aux yeux la partie voisine des cuisses de Vénus toute nue (225).
586. COMÉTAS. - Dis-moi, dieu des bergers, à qui sont ces rangées d'arbres ? - Les oliviers sont à Minerve ; et les vignes des alentours, à Bacchus. - De qui relèvent ces épis ? - De Cérès.-A quelles divinités appartiennent ces fleurs ? - A Junon et à la belle Vénus. - Cher Pan, ne cesse pas de tirer des sons de ta flûte ; car tu dois trouver Écho dans ces lieux charmants.
587. EUTOLMIUS. - (226) Je tiens un juste milieu entre Bacchus et les Nymphes : dans les coupes je verse à volonté l'eau qui les réchauffe ou les refroidit.
588. ALCÉE. - Passant, tu vois l'image en bronze du fier Clitomaque, tel que la Grèce l'a vu dans sa force et ses triomphes. Il avait désarmé ses mains sanglantes du ceste des lutteurs, et il venait de combattre au rude pancrace, lorsque après ces deux victoires il lutta ; mais la poussière ne souilla pas ses épaules, il ne fléchit pas, il ne tomba pas, et dans l'isthme il remporta trois prix. Seul des Grecs il eut cette gloire. Aussi des couronnes ont-elles été décernées à Thèbes, sa patrie, et à son père Hermocrate.
589. ANONYME. Sur une statue de Junon allaitant Hercule. - C'est une belle-mère que le statuaire a représentée. Aussi n'y a-il pas de lait dans ce sein qui n'est point celui d'une mère.
590. ANONYME. Sur un groupe de statues de Vulcain, de Minerve et d'Érechthée. - Mère sans enfants (227), époux sans femme, s'est écrié le statuaire, l'art vous a réunis, et la nature n'avait pu le faire (228).
591. ANONYME. Sur une statue de Mars et de Vénus. - Un peintre avait représenté Mars et Vénus dans les bras l'un de l'autre, et exposé ce tableau au milieu d'une chambre. Le Soleil (229) y entre par la fenêtre avec tous ses rayons, et à la vue des deux amants il s'arrête tout courroucé. Jusques à quand durera contre eux le ressentiment du Soleil ? N'a-t-il pas voulu même sur une cire inanimée exercer sa colère ?
592. ANONYME.
Sur un bouclier ou était représentée la naissance du Sauveur. - O combien l'artiste manque de sens, lors
qu'il grave sur ce bouclier, arme de guerre, la nativité du prince de la paix I
593. ANONYME.
Sur une statue de Médée. - Un artiste d'une habileté divine a mêlé dans ce marbre la pitié et la rage ; même sous la pierre,
ô puissance de l'art 1 Médée est contrainte de se rappeler toutes ses douleurs.
594. ANONYME. - Artiste qui as représenté les traits de Socrate, que n'as-tu su aussi reproduire son âme et son génie !
595. ANONYME. - L'excellent peintre Apelles s'est peint lui-même dans ce portrait.
596. ANONYME. Sur un portrait de Chiton. - La belliqueuse Sparte a donné le jour à ce Chiton, qui des sept sages est le premier pour la sagesse.
597. COMÉTAS. - Perclus depuis les reins jusqu'au bout des pieds, et depuis longtemps privé de ma force d'autrefois, je végétais entre la vie et la mort, très près de devenir l'hôte de Pluton, n'ayant plus qu'un souffle de vie, et pour tout le reste mort. Mais l'habile Philippe, dont tu vois ici le portrait, a mis en fuite le mal cruel : il m'a ressuscité ; et de nouveau Antonin comme parle passé, je vais, je viens, je marche, je me sens vivre et je vis de la tête aux pieds.
598. THÉOCRITE. Sur la statue de Pisandre, l'auteur du poème de l'Héraclée. - Ce poète, Pisandre de Camire, le premier de tous, a célébré le fils de Jupiter, le vainqueur du lion de Némée, l'athlète aux bras agiles et nerveux, et chanté tous les travaux, tous les exploits qu'il a accomplis. Afin que vous le sachiez, c'est le peuple qui a dressé ici cette statue de bronze, bien des mois et des années après sa mort.
599. LE MÊME. - Examine-bien cette statue, étranger, et dis, quand tu seras de retour chez toi : "J'ai vu à Téos une image d'Anacréon, le plus grand des poètes d'autrefois." Ajoute encore : "Il aimait les jeunes gens, et tu auras dépeint l'homme tout entier."
600. LE MÊME. - L'inventeur de la comédie, Épicharme, était dorien, et c'est en dorien qu'il s'exprime. O Bacchus, ne pouvant te consacrer le poète lui-même, les habitants de la magnifique cité de Syracuse t'offrirent en airain son image, donnant cette récompense au grand citoyen qui leur avait prodigué les trésors de sa sagesse. Combien ses préceptes ne sont-ils pas utiles à tous dans la conduite de la vie ! Honneur éternel à Épicharme !
601. ANONYME. - Anaximène a consacré cette grande statue à Vénus, la protectrice de tous les marins. Salut, auguste Aphrodite ! si tu me donnes de bons bénéfices, une fortune suffisante, tu verras que la navigation n'est pas fructueuse pour moi seul : nous partagerons.
602. ÉVÉNUS. - Moi qui naguère suppliais Vénus et invoquais l'hymen avec des flambeaux dans mes mains de jeune fille, au moment où, dans la chambre nuptiale, je dénouais ma ceinture, j'ai tout à coup vu naître sur moi des marques de virilité, et changeant mon titre d'épouse pour celui d'époux, je suis allé des autels de Vénus à ceux de Mars et d'Hercule, que j'ai parés de couronnes. Thèbes vantait autrefois son Tirésias, et maintenant Chalcis célèbre ma métamorphose.
603. ANTIPATER. - Les cinq suivantes de Bacchus Sauveur, que vous voyez, préparent les instruments du choeur et de l'orgie. L'une soulève la peau du lion terrible ; l'autre, la biche de Lycaonie aux belles cornes ; l'autre, l'oiseau aux brillantes ailes ; la quatrième, un tambour ; la cinquième, des crotales d'airain. Toutes, comme frappées de vertige, semblent prêtes à parcourir la montagne, en proie à la fureur bachique du dieu.
604. NOSSIS. - Ce tableau offre le portrait de Tymarète. Qu'il représente bien son air fin sa beauté, son doux regard ! Même la petite chienne qui garde le logis, à sa vue, agiterait sa queue, croyant voir la maîtresse de la maison.
605. LE MÊME. - Callo a suspendu dans le temple de la blonde Vénus son portrait fait par elle-même, en tout semblable à la déesse. Quelle pose charmante! Que de grâce, que de fraîcheur ! Salut et joie ! Car ses moeurs sont irréprochables comme sa beauté.
606. ANONYME. - Mars, contemple celle que tu aimais autrefois, Cythérée qui se baigne ici dans des eaux transparentes. Vois-la nager et ne crains rien. Car tu ne verras pas la vierge Minerve (230), et tu n'auras pas le sort de Tirésias.
607. ANONYME. - Les Grâces se sont baignées ici, et par reconnaissance, en sortant du bain, elles ont donné à ces eaux le transparent éclat de leurs charmes.
608. ANONYME. - Ou d'une telle eau Vénus est née, ou Vénus, en s'y baignant, a fait cette eau telle qu'elle est.
609. ANONYME. - Pour les Grâces ce bain est un lieu de délices, et, en effet, il n'admet que les Grâces pour y prendre leurs ébats .... Ce bain est vraiment le bain des Grâces, car il ne peut contenir que ces trois baigneuses.
610. ANONYME. - Ces constructions sont bien petites ; mais elles sont charmantes à voir, comme la violette dans les corbeilles, comme la rose dans les jardins.
611. ANONYME. - Dans ce petit bain, il y a un grand charme : ceux qui se baignent à ce filet d'eau sentent que le doux Amour est là (231).
612. ANONYME. - Comme la violette (232) qui n'a qu'une petite corolle, mais qui exhale un doux parfum, ces bains sont petits, mais délicieux.
613. ANONYME. Sur le bain de Marie à Byzance. - A la vue du bain de Marie, Momus a pleuré de dépit et s'est écrié : "Comme devant Marie, devant toi aussi nous passons, sans avoir rien à blâmer."
614. LÉONIDAS. Sur un petit bain près du Zeuxippe. - Zeuxippe, vois ce petit bain qui s'élève près de tes thermes magnifiques. A la suite d'un grand cortége, ne voit-on pas avec plaisir le petit Amour ?
615. ANONYME. - O Thermes, naguère vous étiez pauvres et sans lumière ; qui vous a donné cette opulence et cet éclat ? Naguère vous étiez malpropres, enfumés ; qui a remplacé les anciennes constructions par des constructions nouvelles et brillantes ? C'est Théodorias, qui en cela comme en toutes choses a manifesté son excellent esprit son intelligente probité. Intendant des revenus de la ville et son premier magistrat, il n'a jamais sali ses mains par des gains illicites. Aussi, Dieu souverain, Christ tout-puissant, protège de ta main auguste cet ami de son pays contre tout malheur.
616. ANONYME. - Un jour que les Grâces se baignaient ici, le petit Amour déroba leurs voiles divins, et se sauva en riant. C'est ainsi qu'elles sont restées, craignant de se montrer en dehors non vêtues.
617. ANONYME. Sur un bain très froid. - Baigneur, qui a renfermé ce fleuve dans des murs de briques ? Qui a donné à cette fontaine le nom faussement usurpé de bain ? Éole, fils d'Hippotas, cher aux dieux immortels, a émigré ici avec les vents pour y fonder leur empire. A quoi bon ces sandales de bois qu'on met ici sous nos pieds Ce n'est pas pour éviter la chaleur ; mais sans doute c'est à la cause de la neige. Sur ce séjour du frisson et de l'onglée, qu'on mette donc pour inscription : "Ici en ne se baigne qu'au mois de juin ; car au dedans souffle l'aquilon."
618. ANONYME. - La vieille fable au sujet de ceux qui mangent du lotus n'est pas fausse : ce bain en garantit la vérité. Car si une fois on se baigne dans ses eaux limpides, on ne regrette plus sa patrie, on ne se soucie plus de ses parents.
619. AGATHIAS. Sur un bain d Byzance où l'on voyait Vénus se baigner. - Maintenant, ô Vénus, je sais d'où te vient ta victoire et par quel artifice tu as enlevé à Pâris son suffrage. Ici tu avais pris un bain ; et Junon s'était baignée dans les eaux de l'Inachus. C'est à ce bain que tu dois la pomme. Et il me semble que j'entends Minerve dire : "Ce n'est pas ta beauté, ô Vénus, ce sont ces eaux qui m'ont vaincue."
620. PAUL LE SILENTIAIRE. Sur un double bain, où se baignent et les hommes et les femmes. - L'amour est là plein d'espoir ; mais il n'y a pas moyen d'enlever les femmes : une petite barrière est un obstacle à la puissance de Vénus. Au reste, cela même est plein de charmes. Car dans tout ce qui concerne l'amour et le plaisir, l'espoir est plus doux que la réalité.
621. ANONYME. - Jeunes femmes qui avez de l'amour au coeur, et toutes en ont, venez ici. Vous sortirez d'ici plus gracieuses, plus jolies. Celle qui a un mari lui plaira davantage. Celle qui est fille verra de nombreux prétendants lui apporter leurs cadeaux. Pour vous qui spéculez sur vos charmes, vous trouverez des essaims d'amants à vos portes, en sortant de ce bain.
622. ANONYME. - Si le doux amour d'une jeune épouse te tient au coeur, baigne-toi : mes eaux te feront paraître plus frais et plus beau ; et si la passion te pousse dans les bras d'amantes mercenaires, après t'être baigné ici, tu ne donneras plus, on t'offrira.
623. CYRUS LE POÈTE. - Cypris, après s'être ici baignée avec les Grâces, avec son fils à l'arc d'or, donna pour le prix de son bain un des charmes de sa ceinture.
624. LÉONTIUS. Sur un autre bain qui qe trouvait près du bain public, le Zeuxippe, dans Byzance. - Un habitant de la grande ville, par un sentiment de libéralité, non par un esprit de concurrence, m'a construit auprès des portiques du bain commun. Que celui-ci accueille et soigne la multitude ; mais moi, c'est pour un petit nombre, c'est pour des amis que je tiens prêts mes eaux jaillissantes, mes parfums, mes délices.
625. MACÉDONIUS. - Qu'à ma porte soit préposé un surveillant fidèle pour indiquer aux baigneurs le moment d'entrer. Il importe que personne ne voie de Nymphes nues dans mes ondes, ou ne surprenne Vénus avec les Grâces aux beaux cheveux, sans le vouloir. Car il est terrible de voir les dieux à découvert. C'est Homère qui l'a dit (233), et qui pourrait le contredire ?
626. MARIANUS. - Un jour Vénus se baigna dans ce bain, dont son fils lui-même avait chauffé l'onde avec son flambeau. La sueur du corps divin mêlée aux eaux limpides remplit le bain d'une odeur de rose. Depuis lors, sans cesse une brise de printemps rafraîchit et parfume les eaux, comme si la belle Vénus s'y baignait encore.
627. LE MÊME. - Ici, sous les platanes, après avoir confié son flambeau aux Nymphes, d'un doux sommeil s'était endormi l'Amour. Et les Nymphes se disaient entre elles : "Qu'attendons-nous ? Êteignons cette torche, et avec elle le feu qui brûle les coeurs des mortels." Mais le flambeau plongé dans l'onde la fit bouillir ; depuis, les Nymphes soumises à l'Amour ne versent plus aux baigneurs que des eaux chaudes.
628. JEAN LE GRAMMAIRIEN. - Un puissant roi a ranimé avec un frein d'or le cheval aux belles eaux, dompté, vaincu par le fouet des ans (234).
629. JEAN BARBUCALLE. - Plût aux dieux, Pindare, que, de préférence à tous, je t'eusse purifié dans mes ondes ! tu aurais dit de moi seul "eau bonne par excellence (235). "
630. AGATHIAS. Sur les thermes impériaux. - Ce sont ici vraiment des bains d'empereur ; car ce n'est pas d'aujourd'hui que la foule émerveillée leur a donné ce nom ; car ce n'est pas un feu allumé par des hommes qui chauffe ces belles eaux ; d'elles-mêmes elles jaillissent bouillantes, et cependant on n'a pas besoin d'eau froide : elles vous arrivent à la température que vous souhaitez.
631. LE MÊME. Sur le bain d'Agamemnon près de Smyrne. - Je suis un lieu qui fut bien cher aux Grecs. Ceux qui y vinrent purent se passer de l'art de Podalire. Car après le combat les blessures lavées dans mes ondes se guérirent, ayant rejeté le venin des lances mysiennes. Aussi on m'a agrandi, on m'a couvert d'un toit, et pour comble d'honneur on m'a surnommé le bain d'Agamemnon.
632. ANONYME. - La terre ayant dans ses flancs de profondes cavernes où brûlent d'inextinguibles feux, il monte de ces fournaises vers la région éthérée d'ardentes vapeurs qui se condensent, se liquéfient et s'épanchent en sources d'eaux chaudes.
633. DAMOCHARIS. - Il a plu à Junon, à Vénus, à Minerve d'avoir ce bain, comme autrefois d'avoir la pomme d'or ; et peut-être y aura-t-il un jugement de la beauté ? Pâris ne sera pas leur arbitre ; ce sera aux flots argentés que les déesses montreront leurs charmes.
634. ANONYME. - Les Grâces ont juré par le dieu de la lumière de demeurer ici, plutôt qu'auprès de la déesse de Paphos.
635. ANONYME. - Ce bain porte le nom de laurier (236) au beau feuillage.
636. ANONYME. - C'est en voyant ce bain qu'Homère a dit avec la sagesse qui l'inspire : "Plus de chagrins, plus d'amertumes ; ici l'on oublie tous les maux (237).
637. ANONYME. - C'est après s'être ici baignée, que l'immortelle Vénus s'est montrée â Pâris, et soudain elle a remporté la pomme, prix de la beauté.
638. ANONYME. - Les trois Grâces ont construit ce bain d'Orchomène (238) : aussi ne peut-il contenir quatre personnes.
639. ANONYME. - Cypris, l'Amour, les Grâces, Bacchus, Apollon, se sont juré les uns aux autres de fixer ici leur séjour.
640. ANONYME. - Ici les immortels (239) se baignent dès que le bain est ouvert ; à la cinquième heure, les demi-dieux, et ensuite le misérable vulgaire.
641. AGATHIAS. Sur le pont du Sangarius (240). - Toi aussi, après l'orgueilleuse Italie, après la nation des Mèdes, après toute la foule des barbares, enchaîné dans ton cours par de puissantes voûtes, ô Sangarius, tu plies comme un esclave sous la main d'un maître (241). Naguère tu ne supportais pas une barque, naguère tu étais intraitable, indompté, et maintenant tu gis captif sous des entraves de pierre.
642. LE MÊME. Sur les latrines publiques de Smyrne. - Tout le luxe des tables, cette nourriture achetée à si grands frais, ici digérée, perd sa valeur première et son agrément. Car les faisans et les poissons, les purées de viandes et de légumes, le mélange appétissant de mets déguisés, deviennent ici du fumier, des ordures. Oui, le ventre se débarrasse de tout ce qu'a reçu la gorge affamée ; et enfin chacun reconnaît combien grande a été sa folie d'acheter au poids de l'or de la poudrette.
643. LE MÊME. Sur le même sujet. - Pourquoi te plains-tu du mal de tête ? Pourquoi gémis-tu amèrement sous le poids qui t'oppresse ? Pourquoi frappes-tu à coups redoublés sur ton ventre, comme pour en chasser le mal que lui cause ta gourmandise ? Tu n'aurais pas besoin de tant d'efforts, si à table tu ne t'étais pas gorgé de plus de nourriture qu'il n'en faut. Mais sur ton lit, convive superbe, tu ne refuses rien. à ta bouche de ces mets où tu vois le bonheur. Ici, cependant, tu souffres, et ton ventre souvent frappé expie les convoitises et les péchés de ton estomac.
644. LE MÊME. Sur le même sujet. - Que tu es heureux, homme des champs ! La condition de ta vie est de supporter les travaux de la terre et les peines de la pauvreté. Tes repas sont modestes, et tu t'endors sous un arbre, après avoir bu à une source qui ne mesure pas son onde. Mais tu te portes bien, et à peine t'es-tu placé ici que tu alléges ton ventre et deviens dispos. On ne frotte pas ton épine dorsale, tu ne te frappes pas les cuisses : de soi-même ce qui te pèse est rejeté. Malheureux les riches et les sectateurs d'Apicius (242), qui préfèrent les festins à une bonne santé !
645. MACÉDONIUS. - Au pied du Tmolus en fleurs, sur les bords de l'Hermus de Méonie, je m'élève, moi Sardes, la plus importante ville des Lydiens. La première, je fus témoin de la naissance de Jupiter ; mais je me gardai bien de trahir ton fils que tu cachais, ô Rhée, ma souveraine. Je fus aussi le berceau de Bacchus : au milieu des éclairs et de la foudre, je le vis resplendissant d'une auréole divine. C'est dans nos premières fêtes bachiques que la vendange fit des grappes de raisin couler un jus vermeil. Voilà mes titres d'honneur ; et pendant bien des années les cités les plus opulentes ont envié ma gloire.
646. ANONYME. - Si tu connais quelque autre ville du nom d'Hercule, sache que Héraclée de Pont ne le cède à aucune autre.
647. ANONYME. - Rome, la reine du monde, ta gloire ne périra jamais ; la Victoire, qui n'a plus d'ailes (243) pour s'envoler ; restera toujours près de toi.
648. MACÉDONIUS. Sur une maison à Cibyre, en Phrygie. - Le concitoyen et l'étranger me sont également chers ; car il est d'une bonne hospitalité de ne pas demander : "Qui êtes-vous ? d'où venez-vous ? quels sont vos parents ?"
649. LE MÊME. - La probité a construit cette maison depuis les premières assises jusqu'au faîte des toits. Car ce n'est pas avec l'argent d'autrui, avec une fortune acquise par le vol et la rapine, que Macédonius l'a bâtie ; ce n'est pas non plus après avoir gémi dans de stériles labeurs et s'être vu frustré de gains légitimes. Or, un lieu de repos étant réservé à l'homme de bien, qu'ici se conserve à jamais l'oeuvre de la probité.
650. LÉONTIUS. Sur une maison située entre le Zeuxippe et l'Hippodrome. - D'un côté, je suis tout prés du Zeuxippe, bain délicieux ; de l'autre, du champ de course des chevaux et des chars qui se disputent les prix. Après avoir assisté à leur lutte, après avoir pris ton bain, viens ici te reposer et dîner sous mon toit. Puis, de nouveau, sur le soir, à ton heure, tu pourras retourner au stade, de proche en proche t'acheminant vers la mort (244), qui non plus n'est pas loin.
651. PAUL LE SILENTIAIRE. Sur une haute maison à Byzance. - De trois côtés, j'ai la vue sur la mer immense, et de tous côtés la lumière du jour m'inonde de ses rayons. Car lorsque le soleil pourpré tourne autour de moi, charmé de mon site et de mes peintures, il ne peut se décider à s'en aller vers le couchant.
652. JULIEN D'ÉGYPTE. - Fraîche l'été, chaude l'hiver, je corrige les défauts des saisons et supplée à ce qui leur manque.
653. AGATHIAS. - "La voie de la vertu est escarpée et baignée de sueurs," a dit le poète d'Ascra (245) en annonçant d'avance cette demeure. Et, en effet, escaladant les rudes degrés d'un pied haletant, j'ai mouillé de sueur ma chevelure ruisselante. Aussi, arrivé en haut et dominant l'immense mer, me suis-je écrié : "Oui, certes, cette maison est le temple le plus élevé de la vertu."
654. JULIEN D'ÉGYPTE. - Voleurs, cherchez d'autres maisons à dévaliser, celle-ci est sous la garde permanente de la pauvreté.
655. ANONYME. Sur la salle à manger du palais de Magnaura. - En peu de temps cette salle a été achevée par des empereurs qui, sous les auspices de la croix, obtinrent le sceptre fortuné de l'empire, par l'empereur Héraclius et son fils Constantin.
656. ANONYME. Sur le bâtiment appelé Chance que construisit l'empereur Anastase dans le palais impérial. - Maison de l'empereur Anastase, sous lequel périrent les tyrans, à moi seul je l'emporte sur des cités entières, et suis l'objet de l'admiration universelle. Les intendants des bâtiments, en voyant mon étendue en hauteur, en longueur, en largeur, avaient conseillé de laisser mes immenses constructions sans couverture. Mais le savant Aethérius, qui occupe le premier rang parmi les architectes, a constitué ma forme définitive, consacrant ainsi à l'empereur les prémices de son génie. C'est de la sorte qu'ayant reçu d'énormes développements, je surpasse les merveilles les plus vantées de l'Ausonie. Avoue-toi vaincu, magnifique Capitole, bien que de ton toit d'airain jaillissent des rayons de lumière. Cache, ô Pergame, ton plus bel ornement, le parc de Rufin qui se trouve à l'étroit dans l'enceinte de tes vastes palais. Et toi, Cynique, ne vante plus l'irréprochable temple de l'empereur Adrien aux larges assises de marbre. La beauté des Pyramides, du Colosse, du Phare ne saurait m'être comparée, et, seul, je brille plus que toutes les merveilles ensemble. C'est mon empereur, c'est lui-même qui, après sa victoire sur les Isauriens, en m'achevant, a fait de moi une resplendissante demeure de l'Aurore, exposée, par quatre portiques, aux brises de tous les vents.
657. MARIANUS. Sur le palais des Sophiens. - Là, où la mer à travers des continents s'ouvre une voie en baignant deux rivages, un divin empereur a élevé à sa glorieuse épouse Sophie un palais, ou plutôt un temple resplendissant d'or. 0 toute puissante Rome (246), vois d'Europe, en face de toi, sur la côte d'Asie, une merveille digne de tes regards.
658. PAUL LE SILENTIAIRE. Sur les embellissements du grand prétoire. - L'empereur Justin, après avoir purifié le monde de ses souillures, a aussi nettoyé et embelli le grand sanctuaire de la Justice. Par tes travaux, ô Domninus, il a fait disparaître la triste nuit des demeures de Thémis et du coeur des hommes.
659. THÉÉTÈTE. - Quelle douce chose. pour la vieillesse qu'un fils ! Domninus vient de rendre tout son lustre à la demeure de Thémis, sa mère. "Je jouis des bienfaits de mon fils. [dit-elle,] et mon fils brille de mon auréole : entre nous se fait un échange de bons offices et de gloire."
660. ANONYME. Sur la basilique de l'École de droit à Byzance. - Ce lieu est ouvert à l'étude des lois. Ici s'épanche la source de la législation italienne qui se répand en abondance et sans cesse pour tous ; mais c'est surtout pour la jeunesse ici rassemblée qu'elle coule à pleins bords.
661. JULIEN D'ÉGYPTE. Sur la chaire du rhéteur Cratérus. - Je suis un arbre fortuné ; car, au milieu des bois, j'ai grandi au souffle harmonieux des vents, asile des oiseaux aux doux ramages. Mais la hache m'a abattu, et j'ai trouvé une destinée encore plus heureuse ; car, au lieu d'oiseaux, c'est la forte élocution de Cratérus, avec ses poétiques périodes, qui entretient ma vigueur et ma joie.
662. AGATHIAS. - J'étais naguère un lieu très désagréable à voir, partagé en plusieurs cases par des cloisons de boue. Ici, des étrangers, des citadins, des paysans, le ventre déversait à grand bruit ses ordures. Mais par la métamorphose que m'a procurée le père de la cité, Agathias, il a fait du lieu le plus dégoûtant un séjour enchanteur.
663. PAUL LE SILENTIAIRE. Sur un jardin au bord de la mer. - La mer baigne le sol, et sur le dos de la terre navigable s'élèvent des bouquets de bois qui sortent des flots. Comme il fut habile, celui qui mêla la mer à la terre, les algues aux fleurs, et aux douces eaux des Naïades les eaux amères des Néréides !
664. LE MÊME. - Ici les Naïades, les Néréides, les Hamadryades, se disputent la propriété de ce jardin. Afin de juger la cause, une Grâce fut prise pour arbitre ; mais elle ne décida rien entre les parties, reconnaissant que toutes également concouraient aux charmes de ce séjour.
665. AGATHIAS. - Avoue-toi vaincu, bocage sacré de Daphné qui, loin des bords de la mer, étales tes grâces solitaires et rustiques. Car ici les Nymphes des bois et les Néréides se sont réunies pour embellir ce séjour. A mon sujet, il s'était élevé entre elles un débat ; mais Neptune, comme arbitre, décida que je resterais également accessible aux deux parties.
666. ANONYME. Sur un jardin nommé l'Amour. - L'Amour lui-même n'est pas grand, mais qu'il est gracieux ! Il en est de même de moi, jardin : je ne suis pas grand, certes, mais j'ai mille agréments.
667. ARABIUS. Sur un faubourg. - Des eaux, des vergers, des bocages, des vignes, le voisinage de la mer et ses brises délicieuses multiplient les agréments de mon site. Les pécheurs, les campagnards, m'apportent à l'envi les tributs exquis de la terre et des flots. Quant à ceux qui m'habitent, ils ont le plaisir d'entendre ou les douces voix des bateliers ou le chant de quelque oiseau.
668. MARIANUS. Sur un autre faubourg nommé Erôs, dans Amasée. - Qu'il est beau le bocage de l'Amour dont les grands arbres sont agités par les brises du doux Zéphyre ! Là, les prairies humides de rosée sont émaillées de fleurs, et les violettes s'y mêlent aux roses. D'un mamelon à triple étage tombe, en cascade l'onde d'une charmante Naïade. Dans cet asile des Hamadryades et sous les arbres qu'elles protègent, coule le vieux Iris. A côté de pampres chargés de beaux raisins, mûrit le fruit de l'olivier sous son pâle feuillage. Tout à l'entour chantent les rossignols, et les cigales leur répondent, harmonieux concert ! Allons, étranger, ne passe pas devant moi sans t'arrêter ; mon bocage est sans clôture et t'invite ; acceptes-y l'hospitalité et quelques fruits.
669. LE MÊME. Même sujet. - Passant, viens ici te reposer à l'ombre du bois, viens te délasser d'une longue route sous ces platanes où circule une belle source en nombreux ruisseaux ; où, sur le bord du chemin, la violette printanière se mêle aux calices des roses. Vois comme sur le sol de la prairie humide de rosée le lierre étend ses flexibles rameaux. Ici encore, le fleuve coule entre des rives herbues, rasant la lisière du bois. C'est le bocage l'Amour. Et quel autre nom convenait mieux à ce séjour, de toutes parts foisonnant de plaisirs et de grâces ?
670. ANONYME. Sur le môle construit dans la mer à Smyrne. - Qui a prolongé dans la mer le continent ? Qui, au milieu des flots, a bâti en assises de marbre un rivage que les vagues entourent ? Qui, là, en pleine mer, a construit une citerne pour que les marins y puisent l'eau dont ils ont besoin, de leurs vaisseaux mêmes et sans descendre à terre ? C'est l'ingénieux, l'admirable Vénétius, qui par ses constructions, a surpassé Thésée et Pélops.
671. ANONYME. Sur le phare de la même ville. - Qui a construit cet immense ouvrage ? De quel pays est-il ? Quelle est sa fonction ? - Ce phare est l'oeuvre d'Ambroise de Mylasa (247), proconsul.
672. ANONYME. Sur la même ville. - Tu parcourrais tous les rivages de la terre que tu ne trouverais pas un séjour plus en chanteur. Comme l'illustre Jean a embelli, a décoré cette cité, reine du monde ! De la mer même il a su tirer un charme toujours nouveau dont il a doté la ville d'Homère.
673. ANONYME. - Esculape gratifia aussi de cette faveur l'amazone Hippolyte (248).
674. ANONYME. Sur le phare d'Alexandrie. - Je suis une tour qui vient en aide aux navigateurs égarés, en allumant le salutaire fanal de Neptune. La violence des vents était sur le point de me renverser, lorsque, par ses travaux, Ammonius, qui est un des pères (249) de l'empereur, m'a consolidé. Échappés à la fureur des flots, c'est vers lui que les marins élèvent leurs mains reconnaissantes, comme vers un glorieux Neptune.
675. ANONYME. Sur le phare de Smyrne. - Maintenant, n'ayant plus à craindre les sombres ténèbres de la nuit, naviguez avec confiance à ma lumière, chers marins. Pour vous tous j'allume un flambeau dont les rayons s'aperçoivent de loin, souvenir des travaux et des bienfaits des Asclépiades.
676. ANONYME. Sur une fontaine du mont Olympe en Asie mineure. - Nymphes de Prusa (250), vous l'emportez sur nous ; vous aussi Nymphes de Pythia (251), salut ! Nous reconnaissons votre suprématie. Mais vous toutes, Nymphes des autres fontaines, reconnaissez qu'après Pythia, après Prusa, nos eaux tiennent le premier rang.
677. AGATHIAS. - Musonius m'a construite à grands frais, moi maison magnifique, immense, rafraîchie par les vents du nord. Cependant il ne s'est pas fait prier pour descendre au séjour ténébreux des Parques ; il m'a quittée pour habiter sous la terre. Là, il n'est plus qu'un peu de poussière ; et moi, qui lui survis, je fais le bonheur et la joie d'étrangers qui me possèdent.
678. ANONYME. Sur des thermes dans un quartier de Smyrne. - Quel beau travail tu as accompli là, Agaclide ! Ta persévérance et ton audace te font le plus grand honneur : l'antique Nymphe Brisa voyait tarir ses eaux, se détériorer ses bains ; tu as rendu les sources plus abondantes et les bâtiments plus beaux.
679. ANONYME. Sur la ville d'Assos, près d'Atarné. - Il n'y a pas de ville qui ne fasse des voeux pour Axiochus ; car dans les diverses villes qu'il a visitées, comme un dieu il a répandu des bienfaits divers. Mais le plus grand de ses bienfaits est d'avoir donné de l'eau à la pierreuse Assos, en entrouvrant les dures cimes d'une masse de rochers. Maintenant, ô voyageurs, ne vous éloignez plus en courant, ne fuyez plus ma cité : de toutes parts y jaillissent les fraîches eaux d'Axiochus.
680. ANONYME. Sur un jardin au bord de la mer, où il y avait aussi un bain, dans Antioche. - Chez moi, tu vois les trois Grâces. Neptune a fait l'une du voisinage de la mer ; l'autre est le produit d'un fertile verger ; ce bain a vu naître la dernière.
681. LÉONTIUS. Sur une coquille où était représentée Vénus. - Je te fais, Bacchus, un beau présent : Cypris se baigne sur mes bords nacrés, et de sa part je t'apporte cette coupe.
682. ANONYME. Sur la colonne à quatre faces dans l'Hippodrome. - Cette colonne à quatre pans, qui par son poids semblait devoir à tout jamais rester couché sur le sol, l'empereur Théodose (quel autre l'eût osé ?) l'a fait mettre debout ; il en a donné l'ordre à Proclus, et cette prodigieuse colonne a été dressée dans l'espace de trente-deux jours.
683. ANONYME. - Les eaux de l'Alphée sont mâles et celles de la fontaine Aréthuse sont femelles ; en mêlant ces eaux, l'amour a trouvé le breuvage qui lui plaît (252).
684. ANONYME. Sur une fontaine de Vile de Taphos, l'une des Échinades. - Fille de l'Océan et de Téthys, je suis la source Nychie : ainsi m'ont nommée les Téléboens. Aux Nymphes, je verse une onde pure, aux mortels la santé. Ptérélas, fils de Mars, m'a consacrée.
685. ANONYME. Au sujet de Camarine en Sicile, oracle devenu proverbe. - Ne touchez pas à Camarine. Il vaut bien mieux n'y pas toucher. Prenez garde qu'en y touchant, de grande elle ne devienne moindre (253).
686. ANONYME. Sur la porte orientale de Thessalonique en Macédoine. - Passant, réjouis-toi en voyant au-dessus des portes le destructeur de la belliqueuse et superbe Babylone, le chef de l'empire, flambeau de justice, qui brille [pour les riches et] pour les pauvres. [Grâce à lui,] tu voyages dans un pays où règnent les lois, où elles produisent les meilleurs fruits ; tu ne crains pas le Barbare, ses moeurs dissolues, ses amours contre nature. Comme le Lacédémonien avait ses armes pour le protéger, tu as pour rempart la statue de l'empereur (254).
687. ANONYME. - Ayant peint les figures, je voudrais aussi peindre les caractères et les
moeurs ; mais l'art a des limites et s'oppose à mon désir. Ami, ne m'en appelle pas moins l'éloquent
Alexandre (255).
688. ANONYME. Sur la porte d'Argos. - Cette porte en belles pierres polies, à la fois l'ornement de la ville et l'admiration des étrangers, a été construite par Cléadas, l'époux de la douce et noble Cléé, auguste pontife du sanctuaire de Lerne, honoré des dons des puissants empereurs.
689. ANONYME. Sur la porte d'Eugénius à Constantinople. - Le grand Julien, en construisant ces remparts de pierre, les a dressés comme un trophée, comme un témoignage de sa vigilance, mais avec la résolution d'aller au loin tailler en pièces ses ennemis, bien plutôt que d'engager des combats devant sa capitale.
690. ANONYME. Sur la porte dite du cirque de bois à Constautinople. - L'empereur Théodose, et Constantin, préfet de l'Orient, ont construit cette muraille en soixante jours.
691. ANONYME. Sur la porte du Rhésium à Constantinople. - En soixante jours, sous les auspices de l'auguste empereur, le préfet Constantin a construit cette double enceinte.
692. ANONYME. - Ce que tu vois est l'ouvrage de Vivianus, dont l'Orient, dont l'Occident célèbrent et glorifient les sages institutions.
693. ANONYME. - Le préfet Démétrius a relevé ce temple de la Fortune, ému de pitié pour la ville et comme digne fils d'Hiérius, et aussi par ses conseils. Il a fait ces constructions, non aux frais de la ville, non avec l'argent du Trésor, mais avec ses propres deniers.
694. ANONYME. - Le fils de Messalinus a construit cette merveilleuse arcade.
695. ANONYME. Sur une pierre dite akoitoinos (256). - Tu vois comme elle est belle cette pierre dans l'irrégulière régularité de ses veines.
696. ANONYME. Sur un portique dans la basilique ou palais du Sénat, à Constantinople. -Théodore, qui a orné la cité de portiques à quatre passages, est digne de gouverner la cité aussi une quatrième fois.
697. ANONYME. Sur une autre partie du même portique. Il te convenait, ô Théodore, d'orner le temple de la Fortune des merveilles d'une si grande oeuvre et d'offrir ce magnifique don à la belliqueuse Rome, qui t'a fait consul et qui te voit préfet pour la troisième fois.
698. ANONYME. - Tu aperçois ici l'illustre ville (257) qu'autrefois a bâtie le devin Mopsus, et qu'il a suspendue au-dessus du fleuve pour qu'elle s'y mirât et vît comme elle est belle.
699. ANONYME. Sur une source nommée Olympias. - Alexandre de Macédoine but à cette source limpide. "Son eau, dit-il, ressemble au lait de ma mère," et il lui donna le nom d'Olympias, ainsi que cette inscription le constate.
700. SlMONIDE. - Polygnote de Thasos, fils d'Aglaophon , a peint la prise et le sac de la citadelle de Troie.
701. ANONYME. Sur le temple de Jupiter bâti par les Athéniens. - C'est la digne demeure du grand Jupiter, et l'Olympe même ne se plaint pas de ce que Jupiter est descendu pour l'habiter.
702. ANONYME. - Les Cécropides (258) ont consacré ce temple à Jupiter, pour que, descendant de l'Olympe sur la terre, il trouvât un autre Olympe.
703. ANONYME. - Les sources du fleuve Téare (259) donnent la meilleure et la plus belle eau de tous les fleuves. Jusqu'à ces sources est parvenu à la tête de son armée, marchant contre les Scythes, le meilleur et le plus beau de tous les hommes. Darius, fils d'Hystaspe, roi des Perses et de toute l'Asie (260).
704. ANONYME. - Le temps ronge et détruit même la pierre ; mais il ne pourra rien sur la gloire d'Asclépiodote : elle est éternelle. C'est la récompense de nombreux services rendus à son pays ; et parmi ces services, qu'on n'oublie pas de compter aussi la construction solide et hardie de cette coupole.
705. ANONYME. - Ce don qu'il a reçu de la ville de Termesse (261), à cause de sa sainte équité, Eusèbe l'offre au dieu dont il est le ministre.
706. ANONYME ou ANTIDATER. - Je suis un arbre sacré. Passant, garde-toi de m'outrager ; les blessures que l'on me fait sont très douloureuses. Je suis recouverte, souviens-t'en bien (262), d'une parure virginale qui ne ressemble point à l'écorce dure du poirier sauvage. Qui ne connaît pas l'origine des Héliades (263) ? Si, me voyant écartée des sentiers fréquentés (264), tu oses me mutiler, tu te repentiras de ton offense. Quoique métamorphosée en arbre, je suis encore chère au Soleil.
707. TYLLIUS GÉMINUS. - Je suis un fleuve, le Strymon ; mais, par mon étendue, je rivalise avec la mer, je suis la douce mer de l'Hémathie. Mes eaux profondes sont à leur surface comme un champ ; car il y pousse la châtaigne d'eau, plus savoureuse que le fruit de Cérès. Elle est féconde aussi, l'onde hémathienne ; et suivant nous, ne vaut-il pas mieux, ô Nil, porter la moisson que de l'arroser ?
708. PHILIPPE. - Un barbare, avec une audace insensée, jeta un pont sur la mer d'Hellé, et cette oeuvre prodigieuse fut brisée par les vagues (265). Mais Dicaearchie (266) a prolongé le continent dans la mer et a changé l'abîme des flots en terre ferme. Comme sous des mains de géants, un immense môle profondément affermi, enraciné, a rendu le calme et la paix aux flots. La navigation n'a point été entravée ; seulement, où les marins seuls passaient, les piétons passent aussi avec le consentement des flots immobiles.
709. LE MÊME. - L'Eurotas, traîné par l'artiste dans un bain de feu, semble encore baigné de ses eaux, et n'avoir pas quitté son lit. Il est courbé sous les flots qui inondent toutes les parties de son corps, depuis le sommet de la tête jusqu' à l'extrémité des ongles. Ici l'art a lutté avec avantage contre le fleuve, en rendant l'airain plus souple et plus moelleux que l'eau.
710. ANONYME. Sur les pyramides à Memphis. - Une fiction de la poésie a représenté l'Ossa entassé sur l'Olympe et le Pélion ; mais les pyramides, encore aujourd'hui, sur la terre du Nil, touchent de leurs cimes les étoiles d'or des Pléiades.
711. ZÉNOBIUS. - Un peintre voulut représenter la grammaire elle-même. Il écrivit le nom de Victor (267), et dit : "Mon couvre est faite."
712. MÉTRODORE. - Lorsque la vieille législation vit siéger parmi les magistrats Jean le jurisconsulte, elle dit, s'étant sentie rajeunir : "Je te revois enfin, ô Solon. "
713. ANONYME. Sur la vache de Myron. - Je suis une génisse de Myron qu'on a placée sur ce piédestal. Berger, avec l'aiguillon, ramène-moi au troupeau.
714. ANONYME. - Pourquoi, Myron, m'as-tu placée, moi génisse, ici près des autels ? Ne veux-tu pas me ramener à l'étable ?
715. ANACRÉON. - Berger, fais paître ton troupeau plus loin, de peur d'emmener avec tes génisses la génisse de Myron, comme vivante.
716. LE MÊME. - Cette génisse n'a pas été fondue dans un moule, mais avec l'âge elle est devenue d'airain : Myron prétend à tort qu'elle est son ouvrage.
717. ÉVÉNUS. - Ou bien toute une peau d'airain a été mise sur cette génisse à l'extérieur, ou bien au dedans l'airain a le sentiment et la vie.
718. LE MÊME. - Myron lui-même dira peut-être : "Je n'ai fait cette vache, mais je pourrai bien en faire une copie (268)".
719. LÉONIDAS. - Myron ne m'a point sculptée, il en impose ; je paissais lorsqu'il m'a chassée du troupeau et attachée à ce socle de pierre.
720. ANTIDATER. - Si Myron n'eût pas attaché mes pies cette pierre, génisse je serais à paître avec les autres génisses.
721. LE MÊME. - Petit veau, pourquoi t'approches-tu de mes flancs ? Pourquoi mugis-tu ? L'artiste n'a pas mis de lait dans mes mamelles.
722. ANTIPATER. - Berger, laisse là cette vache, et ne la rappelle pas en sifflant. Elle a son veau qui la tette.
723. LE MÊME. - Le plomb et la pierre me retiennent ; sans cela, grâce à ton art, ô Myron, je brouterais le lotus et le serpolet.
724. LE MÊME. - Cette génisse, je pense, va mugir. Ainsi donc Prométhée n'est pas le seul à former des êtres vivants ; Myron est un autre Prométhée.
725. ANONYME. - Un jour Myron s'aperçut que sa génisse était mêlée à tout un troupeau. C'est à grand'peine qu'il la retrouva, après avoir chassé les autres génisses.
726. ANONYME. - La génisse s'est formée dans le sein de sa mère ; mais c'est la main de Myron qui l'a mise au monde.
727. ANONYME. - Bien qu'en airain, elle parlerait, la génisse aux belles cornes, si Myron lui avait intérieurement sculpté les entrailles.
728. ANTIPATER. - Cette génisse, je pense, va mugir. Si elle tarde, la faute en est à l'airain sans intelligence, et non pas à Myron.
729. ANONYME. - Qu'on m'attelle à la charrue, qu'on me mette sous le joug, et, grâce à ton art, Myron, je labourerai.
730. DÉMÉTRIUS. - Si un veau vient à me voir, il mugira ; si c'est un taureau, il voudra me saillir ; si c'est un berger, il me ramènera au troupeau.
731. ANONYME. - Ici Myron m'a placée, moi, sa génisse, et les bergers me lancent des cailloux comme étant restée en arrière.
732. MARCUS ARGENTARIUS. - Passant, si tu vois mon berger, dis-lui que le sculpteur Myron m'a attachée ici.
733. ANONYME. - Passant, cette vache que ce veau vient d'apercevoir et qu'il flatte comme sa mère, est en bronze et l'oeuvre de Myron.
734. DIOSCORIDE. - Taureau, en vain tu fais l'empressé auprès de cette génisse ; elle n'est pas vivante: c'est Myron qui a fait cette génisse, et tu es la dupe de son art.
735. ANONYME. - Myron, un veau est mort auprès de ta vache, l'ayant prise pour sa mère, et croyant qu'il y avait du lait dans sa mamelle d'airain.
736. ANONYME. - Hélas ! Myron, en exécutant ton oeuvre tu n'as pas été assez prompt. L'airain s'est refroidi et durci, avant que tu puisses mettre une âme dans ta génisse.
737. ANONYME. - Tu frappes une génisse d'airain, ô berger, et ton erreur est grande. Myron n'a point ajouté à son oeuvre une âme et le sentiment.
738. JULIEN D'ÉGYPTE. - Dans cette génisse la nature et l'art sont aux prises ; mais Myron a donné à l'une et à l'autre une égale satisfaction. Aux yeux, en effet, la nature a été surpassée par l'art ; mais au toucher, la nature est restée la nature.
739. LE MÊME. - O taon, toi aussi, Myron t'a trompé, puisque tu dardes ton aiguillon contre les flancs d'airain de cette génisse. Mais il ne faut pas trop en vouloir à ce taon, puisque Myron fait illusion aux yeux mêmes des bergers.
740. GÉMINUS. - C'est le piédestal auquel elle est enchaînée qui retient la génisse ; si on l'en détachait, elle s'enfuirait au bercail. Oui, l'airain mugit ; il a reçu de l'atiste le souffle et la vie ; et si tu attelais une autre génisse, celle-ci probablement se mettrait à labourer.
741. ANONYME. - Tu es d'airain, et un laboureur t'a attelée à sa charrue, il t'a mise sous le joug, ô génisse qui le trompes. Allons ! Myron est un grand maître dans son art, lui qui t'a faite animée et vivante comme une bête de labour.
742. ANONYME OU PHILIPPE. - Laboureur, ôte-moi ces liens qui m'attachent au joug et ce fer qui trace le sillon ; car Myron n'a pas changé en chair notre bronze. Seulement son art a représenté au naturel l'air et la forme d'une génisse, au point que souvent je veux mugir. Mais le statuaire n'a pas permis que je laboure, m'ayant attachée à un piédestal.
743. THÉODORIDAS. - Ces génisses sont thessaliennes. Elles ont été placées dans le vestibule de ce temple comme une belle offrande à Minerve Itonide. Toutes d'airain, au nombre de douze, elles sont l'oeuvre de Phradmon et un trophée conquis sur les Illyriens [qui combattent] nus.
744. LÉONIDAS. - Passant, les chevriers Soton et Simale, qui font paître de nombreux troupeaux sur ces collines hérissées de lentisques, ont consacré ici à Mercure, qui leur donne de bons fromages et du lait en abondance, ce roi des chèvres, ce bouc d'airain à longue barbe.
745. ANYTÉ. - Vois ce bouc de Bacchus, comme il a de belles cornes, une barbe épaisse, comme son oeil est vif et superbe, comme il est fier de ce que souvent dans la montagne Naïs a pris dans ses doigts de rose les longues soies de son menton.
746. LE ROI POLÉMON. Sur une bague. - Une petite pierre de jaspe a pour cachet sept génisses qui, toutes pareilles, semblent toutes vivantes. Et peut-être même se sauveraient-elles ; mais pour le moment le petit troupeau se trouve enfermé dans l'étable d'or du chaton.
747. PLATON. - Cinq génisses ont été représentées sur cette petite pierre de jaspe. Elles vivent, elles paissent. Peut-être même elles se sauveraient ; mais pour le moment une étable d'or enferme le petit troupeau.
748. PLATON LE JEUNE. Sur un Bacchus gravé dans une coupe d'améthyste. - Cette pierre est une améthyste, et moi, je suis Bacchus le buveur. Ou elle me persuadera d'être sobre, ou bien qu'elle apprenne à s'enivrer.
749. OENOMAUS. Sur un Amour gravé dans une coupe. - L'Amour dans une coupe ! et pourquoi? Le vin n'y suffit-il pas pour enflammer le coeur ? N'ajoutez pas du feu à du feu.
750. ARCHIAS. Sur des boeufs en cachet. - En regardant à ton doigt les boeufs et le jaspe de cette bague, tu croirais voir les uns respirer et l'autre verdir comme du gazon.
751. PLATON LE JEUNE. - Ce cachet est une hyacinthe (269). Apollon y est gravé et Daphné aussi. A qui le fils de Latone donnera-t-il la préférence ?
752. ASCLÉPIADE OU ANTIPATER. - Je suis l'Ivresse, Methê, oeuvre d'une main habile, et c'est sur une améthyste (270) que je suis gravée. La pierre est bien étrangère au sujet ; mais j'appartiens à Cléopatre, et au doigt de la reine il fallait que même ma divinité se montrât sobre et décente.
753. CLAUDIEN. Sur une sphère céleste en cristal pleine d'eau. - Ce bloc de glace, actuellement cristal, façonné par un artiste habile, représente l'image diaprée du pur éther, le ciel tout entier, enveloppant la mer aux vagues retentissantes.
754. LE MÊME. Sur le même sujet. - Dis-moi, cristal, cette eau devenue aussi dure que la pierre, qui l'a congelée ? Borée. Ou qui l'a fait fondre ? le Notus.
755. ANONYME. Sur une Scylla d'airain. - Si le bronze ne reluisait pas, s'il n'indiquait pas une oeuvre d'art d'un habile Vulcain, on pourrait croire en regardant de loin que c'est Scylla elle-même qui est là debout, ayant quitté les flots pour la terre : tant elle est menaçante et furieuse, tant elle ressemble à celle qui de la mer enlève et fracasse les vaisseaux !
756. ÉMILIEN. - Grâce à ton art, Praxitèle, même la pierre voudrait prendre ses ébats ; détache-moi de ma base, et je bondirai comme autrefois. Ce n'est plus la vieillesse qui chez nous est impuissante, c'est le marbre qui, par jalousie, met des entraves aux jeux des vieux Satyres.
757. SIMONIDE. - Iphion de Corinthe a peint ce tableau. C'est l'oeuvre d'un pinceau bien habile, irréprochable, et la renommée n'en égale pas à beaucoup près le mérite.
758. LE MÊME. Sur une porte. - Cimon a peint le battant de la porte à droite des entrants, et Denys le battant à droite des sortants.
759. ANONYME. Sur un char de pierre. - Le char, le cocher, les chevaux, le joug, les rênes, le fouet, sont d'une seule et même pierre.
760. ANONYME. - D'un seul bloc de pierre sont le siège, le char, le cocher, le joug, les guides, la victoire.
761. ANONYME. Sur une grappe peinte. - Peu s'en est fallu que je ne misse la main sur cette grappe de raisin, trompé par le prestige des couleur.
762. ANONYME. Sur un plat romain d'Asclépiade. - Je suis une oeuvre de Vulcain qui m'a longtemps travaillé. Mais Vénus m'a secrètement enlevé de l'atelier de son époux. Elle me donna à Anchise comme gage d'amour et de mystère, et Asclépiade m'a trouvé chez les descendants d'Énée.
763. JULIEN D'ÉGYPTE. Sur une hache de magistrat. - Si tu es coupable, je fige et trouble ta vue : c'est la hache que tu vois. Es-tu innocent et honnête, je brille à tes yeux comme étant d'argent, rien de plus.
764. PAUL LE SILENTIAIRE. Sur une moustiquaire. - Mes mailles ne prennent pas la bête des forêts ni le poisson des mers, ni des oiseaux, mais des humains qui ne demandent pas mieux. Par un artifice salutaire, je mets à l'abri de l'aiguillon des mouches l'homme qui fait sa sieste au sortir du festin, et j'empêche qu'il ne soit dévoré, comme la muraille empêche la cité d'être prise. Le charme paisible du sommeil, c'est moi qui le procure ; c'est moi aussi qui délivre les serviteurs de la pénible manoeuvre de chasser les mouches.
765. LE MÊME. Sur le même sujet. - J'entoure les lits des époux, et je suis un filet, non de la diligente Phoebé, mais de la tendre Vénus. Je couvre d'un tissu à mille trous l'homme qui dort, sans le priver en rien des brises vivifiantes.
766. AGATHIAS. Sur le même sujet. - Les filets servent à envelopper des bandes de volatiles et à prendre au vol de petits oiseaux ; mais moi je préfère les éloigner et ne rien prendre ; je repousse tout ce qui se présente. Pas même un moucheron ne s'introduira à mon insu, si petit qu'il soit, en passant à travers les mailles de mes filets. En quelque sorte les oiseaux me doivent la vie, je les épargne, et en même temps je protège la couche des humains. Est-ce qu'il y a rien de plus bienveillant et de plus doux que mes procédés ?
767. LE MÊME. Sur une table de jeu. - Assis à cette belle table de marbre, tu agiteras souvent dans leur cornet les dés que tu aimes. Si tu gagnes, point d'orgueil ni de jactance ; si tu perds, point de mauvaise humeur, point de récrimination contre un coup malheureux. Et en effet, dans les petites choses se montre le caractère de l'homme, et le jeu indique jusqu'à quel point on a de l'empire sur soi-même.
768. LE MÊME. Même sujet. - Tout cela n'est qu'un jeu : les vicissitudes du sort ressemblent à des coups de dés dont la raison n'est pas l'arbitre. Car ici tu reconnaîtras une exacte image de la vie humaine où tantôt l'on gagne, où tantôt l'on perd. Honneur donc à celui qui, dans la vie comme au jeu, sait modérer sa joie et son chagrin !
769. LE MÊME. Même sujet. - Pour les honnêtes gens, ce n'est qu'un jeu ; pour les mauvais sujets, c'est une rage, un tourment, une maladie. Quant à toi, point de blasphème si le sort t'est contraire, point de tapage, point de cris. Car il ne faut pas faire du jeu un travail, ni du travail un jeu. Suivant l'occasion, sois ce qu'il convient d'être.
770. PAUL LE SILENTIAIRE. - Anicétie pose ici ses lèvres charmantes ; puissé-je aussi lui offrir le breuvage de la mariée (271) !
771. JULIEN D'ÉGYPTE. Sur une coupe au fond de laquelle étaient gravés des poissons. - Thétis a véritablement (272) reçu Bacchus (273). Maintenant la fiction d'Homère, un peu tard il est vrai, a trouvé sa preuve, est devenue une vérité.
772. PHOCAS. - Je suis une coupe chère au seul échanson, parce que je recueille pour lui le vin qu'ont laissé les convives.
773. PALLALAS. - D'un Amour d'airain un fondeur fit une poêle à frire, non sans raison, car c'est ainsi que nous brûle l'Amour (274).
774. GLAUCUS. - Cette Bacchante est de Paros ; le marbre a reçu du sculpteur la vie et le mouvement : il semble bondir sous l'influence de l'ivresse. O Scopas, ton ciseau divin a opéré un prodige : cette Thyade furieuse vient de tuer un chevreau.
775. LE MÊME. - Cette Bacchante a fait de Jupiter un Satyre : au milieu des chants de danse, il bondit furieux, et comme inspiré par Bacchus.
776. DIODORE. - C'est la couleur, c'est la grâce de Zeuxis. Sur une petite plaque de cristal , Satyréius m'a peint, et m'a donné, chef-d'oeuvre d'art, à Arsinoé. Je suis le portrait de la reine, petite image qui n'ôte rien à sa grandeur.
777. PHILIPPE. - Vois comme ce coursier d'airain, par un art merveilleux, se tient là dans sa plus magnifique pose. Son regard est fier, il dresse la tête, et sa crinière flotte aux vents qu'il provoque. Il me semble que si quelque écuyer lui adaptait un mors et la bride, que s'il approchait de ses flancs l'éperon, ton oeuvre, ô Lysippe, contre toute attente, prendrait le galop ; car, grâce à ton art, elle vit, elle respire.
778. PHILIPPE. - Cette terre féconde qu'entoure l'Océan et qui reconnaît le grand César pour maître, et cette mer d'azur sont l'ouvrage de Carpo (275), dont les navettes industrieuses ont su tout reproduire. Nous avons été données à César par son épouse(276). Il était bien permis à l'impératrice d'offrir des dons déjà dus, et depuis longtemps, au dieu de l'empire.
779. ANONYME. Sur la base de l'horloge de l'arc de triomphe de la place impériale. - O toi qui brilles sur un peuple libre, soleil, contemple comme un don de l'empereur Justin le tyrannicide, et de son auguste épouse Sophie, cet airain qui indique si bien les heures depuis la première jusqu'à la douzième, chef-d'oeuvre qu'un voleur avait dérobé, mais que retrouva et que replaça de ses incorruptibles mains Julien (277), le dispensateur de la justice.
780. ANONYME. Sur une horloge. - Cette pierre, savamment disposée, contient le ciel, et à l'aide d'un petit gnomon elle partage le cours entier du soleil.
781. ANONYME. Sur une porte à claire-voie. - Si tu me fermes, je suis ouverte ; et si tu m'ouvres, me voilà fermée (278), de telle sorte que je ne puis garder ta maison.
782. PAUL LE SILENTIAIRE. Sur une horloge. - Ici l'artiste a coupé la marche de l'astre du jour en douze sections d'heures ; et par l'eau mesurant le cours du soleil, de la terre il a élevé jusqu'au ciel les calculs de son intelligence.
783. ANONYME. Sur un hermaphrodite. - Pour les hommes je suis Hermès, et pour les femmes Aphrodite. Je porte en effet les caractères de ma double race. Aussi n'est-ce pas sans raison qu'on m'a placé dans ces bains communs aux hommes et aux femmes, moi hermaphrodite, enfant d'un sexe incertain.
784. ANONYME. Sur un petit bain. - Ne te fâche pas contre ce qui est petit. Ce qui est petit, la grâce l'accompagne. Petit aussi était le fils de Vénus, l'Amour.
785. ANONYME. Sur un portique voûté du marché à Constantinople. - Ménas a construit pour l'usage de tous les passants cette oeuvre magnifique, glorifiant ainsi la ville des magnifiques empereurs.
786. ANONYME. - Les habitants ont élevé ce superbe autel à Jupiter, l'ayant placé comme limite commune entre Leucé et Ptéléon (279) indice de la contrée ; et le roi des immortels, le fils de Saturne lui-même, est ainsi devenu un garant de bon voisinage entre les deux cités (280).
787. SOPHRONIUS. Sur une hôtellerie. - Vous qui naguère erriez à la recherche d'un gîte, d'un foyer, soit que vous ayez voyagé par terre, soit que vous descendiez d'un navire, maintenant approchez-vous, étrangers, venez chez moi, si vous voulez faire un séjour ; vous trouverez une maison toute prête. Et si vous me demandez qui m'a construite, c'est Eulogius, citoyens, c'est l'excellent évêque d'Alexandrie.
788. ANONYME. - Fortune propice (281), le temps apporte aux hommes que tu protèges une vie fortunée ; car, sur un signe de ta volonté, tout concourt à la gloire de celui dont tu acceptes les caresses et l'hommage. A ce signe obéit et se manifeste le génie des grands rois et des princes immortels de la science. Sous ta garde se reposent au port les vaisseaux que tu as sauvés de la tempête ; les villes jouissent du calme et de la paix (282), les peuples aussi, ainsi que les champs et les prés. C'est pour cela, qu'ayant jeté un regard favorable sur ton heureux serviteur, tu ....
789. ANONYME. - Regarde-moi et reconnais un habile artisan de beau langage, conformant son éloquente diction aux règles de la rhétorique.
790. ANTIPATER. - Qui autrefois a, de l'Olympe, transporté sa demeure virginale, primitivement construite dans les palais du ciel, au sein de la cité d'Androclus, dans l'intelligente capitale de lIonie, dans Éphèse dont la guerre et les Muses ont consacré la gloire ? C'est vous, ô meurtrière de Tityus (283), qui, aimant moins l'Olympe que votre nourrice (284), avez fixé chez fille votre demeure.
791. APOLLONIDAS. - Postumus, ô Cythérée, t'a élevé ce temple que baigne la mer où tu es née, ayant jeté les fondements dans l'abîme des flots. Autour de toi se joue la mer qui te couvre de son écume au souffle des zéphyrs. Postumus, quelque jour, se vantera que ce temple qu'il a bâti, tu l'aimes mieux (285), à cause de la piété du fondateur, que Paphos même.
792. ANTIDATER. - Ce tableau est de Nicias. Je représente l'immortelle descente d'Ulysse aux enfers, chef-d'oeuvre et monument de tous les âges. Homère ayant pénétré jusque dans les demeures de Pluton, sa description a servi de modèle à l'artiste qui m'a peint.
793. JULIEN D'ÉGYPTE. - A la vue de cette génisse de Myron, peut-être tu t'écrieras : "La nature est inanimée ou l'art est vivant !"
794. LE MÊME. - Bouvier, pourquoi veux-tu me forcer de courir ? Cesse de me piquer de ton aiguillon. L'art ne m'a pas donné aussi le don de la course.
795. LE MÊME. - Ou bien l'habile Myron a animé l'airain, ou bien il a métallisé la génisse après l'avoir fait sortir vivante du troupeau.
796. LE MÊME. - Un voleur de grand chemin vint pour emmener ta génisse, habile Myron ; mais quand au toucher il sentit du bronze, le voleur fut bien attrapé.
797. LE MÊME. - En me voyant, le lion ouvre sa gueule, le berger prend sa houlette, le laboureur soulève le joug.
798. LE MÊME. - Résigne-toi, Myron ; l'art ne te permet pas d'aller plus loin: ton oeuvre reste inanimée et sans vie. La nature n'est pas une invention, une création de l'art ; c'est l'art qui est fils de la nature et qui lui obéit (286).
799. ANONYME. - Musélius a, pour l'empereur, un dévouement que proclament des monuments publics, une inébranlable fidélité dont ses actes font foi. Il a gratifié la nouvelle Rome d'un musée, et, dans l'intérieur, il a placé l'image auguste de l'Empereur. Ce musée est l'honneur des lettres, l'ornement de la ville, l'espérance de la jeunesse, un arsenal de vertus, un trésor pour les gens de bien.
800. ANONYME. - Musélius, de grand coeur, a consacré ce monument aux leçons d'éloquence (logois), dans la ferme croyance que le verbe (logos) est dieu.
801. ANONYME. - Musélius a construit une partie du Musée ; il en a sauvé l'autre, et la plus grande, qui menaçait ruine. D'importantes réparations ont consolidé le monument.
802. ANONYME. Sur la statue de l'empereur Marcien (287). - Tu vois cette statue : elle t'offre l'image du maître du monde, de l'empereur Marcien, sur un cheval qui semble vivant. Il tient le bras droit étendu, et il pousse en avant son coursier rapide par-dessus un barbare qui relève encore la tête.
803. ANONYME. Sur la statue de l'impératrice Sophie, à l'entrée du Zeuxippe. - Le préfet de la ville, Julien, a élevé cette statue à l'impératrice Sophie (288) comme à la Sagesse même.
804. ANONYME. Sur la statue de l'empereur Justin. - Le préfet Julien honore ici, comme il convient, Justin, son empereur et maître, à titre de bienfaiteur.
805. ANONYME. Sur une statue de Mars érigée en Thrace. - Tant que ce terrible Mars sera debout sur cette terre, jamais la nation des Goths ne mettra le pied sur le sol de la Thrace.
806. ANONYME. Sur un cadran solaire. - Ce lieu était un verger dont les arbres épais entretenaient une nuit sombre qui voilait le soleil ; mais maintenant le pontife initié aux mystères de la Trinité, Sergius, a pieusement rendu claire et sereine cette même place, où une pierre immobile proclame par les sept planètes la loi qui règle le perpétuel mouvement des cieux.
807. ANONYME. - L'art, à l'aide de gnomons mathématiquement disposés, a le pouvoir de mesurer la course brillante du soleil ; sur un petit disque de pierre, son lever, son coucher se règlent d'après la science qui a distribué le jour en heures, et au moyen de la marque où se projette l'ombre. C'est sous la direction du divin. pontife Sergius (289) que ce chef-doaeuvre est sorti de la main des hommes.
808. CYRUS. Sur la maison de Maximin. - Maximin m'a bâtie dans l'enceinte de la nouvelle Rome, ayant jeté mes solides fondements sur le rivage même. Autour de moi s'étend à l'infini la vue la plus charmante. Par derrière, j'ai la ville, et en face je vois les belles plaines cultivées de la Bithynie. Au bas de mes pesantes assises, les flots roulent vers la vaste mer [de la Propontide], ne me touchant qu'autant qu'il faut pour humecter le pied de mes constructions. Sans cesse , du haut de mes terrasses, en se penchant un peu, on sent son âme remplie d'une douce ivresse à la vue de tant de merveilles, à la vue des arbres, des maisons, des vaisseaux, de la mer, de la ville, de la terre et des cieux.
809. LE MÊME -Cyrus a placé un gracieux Pindare près de ces eaux, parce que sur sa lyre il a chanté : "L'eau est excellente."
810. ANONYME. - C'est Justin près de Sophie : tous deux ont fait ce magnifique ouvrage (290) après les victoires remportées sur les Perses.
811. ANONYME. - L'empereur Justin a fait de moi le plus brillant séjour, m'offrant à l'admiration du soleil levant. Non, jamais sur la terre le soleil n'a vu rien de plus beau du haut du ciel que parcourt son char.
812. ANONYME. - Domninus a placé le divin Justin, l'intègre gardien des lois, sous le portique de l'intègre Thémis.
813. ANONYME. - Cette statue de Sophie (sagesse) a été placée au devant du portail de la Justice ; car il ne convient pas que la justice soit séparée de la sagesse (291).
814. ANONYME. Sur un bain. - Nymphes des eaux, capricieuses et fugitives, je ne croyais pas que toutes ensemble vous déserteriez (292) nos sources. Mais ce bain a tant d'agréments, que l'envie n'y gagnera rien si les Nymphes persistent à nous refuser la faveur de leurs ondes.
815. ANONYME. Sur un autre bain. - Étranger, hâte-toi (293) de visiter ces eaux salutaires ; c'est le bain du bien-être et de la joie : il débarrasse des soucis, il délasse des fatigues ; oeuvre excellente, en effet, de Michel qui gouverne l'auguste cour de l'empereur.
816. ANONYME. Sur un plat d'Eubule. - En face de Télémaque et près de Pénélope, pourquoi, héros si sage et si avisé (294), étends-tu une main qui témoigne de tes craintes ? Ta nourrice ne dira jamais aux prétendants qui tu es.
817. ANONYME. Sur une nappe d'autel du même Eubule. - Sur la table du saint sacrifice, j'ai représenté le martyre de ceux qui ont souffert pour le Christ, et je demande, moi Pierre, d'avoir pour protecteurs ceux que j'ai placés ici pour protéger ce lieu redoutable.
818. ANONYME. Sur un autre plat du même Eubule. - Autre Pierre, je suis parvenu à graver, pour que tous (295) le voient, le tombeau vivifiant du Seigneur sur ce plat, image du tombeau divin, dans lequel, prosterné, je vois le corps du Christ.
819. ANONYME. Sur une coupe du même Eubule. - Calice spirituel, par l'effusion du Saint-Esprit je verse dans les âmes les eaux de la pénitence et de la grâce.
820. ANONYME. - Justinien a bâti ce magnifique monument qui emprunte sa beauté à la terre et à la mer qu'il domine.
821. ANONYME. - Couple auguste (296), le temps à jamais glorifiera vos mérites, votre puissance et vos oeuvres, tant que les astres feront leur révolution dans le ciel.
822. ANONYME. Sur un plat où étaient gravés les douze signes du zodiaque et d'autres constellations. - Sur ce plat d'argent vous voyez le ciel ; la lune y regarde le soleil, dont les rayons illuminent la totalité de son disque. D'autre part les planètes et les étoiles y décrivent leurs courses et règlent les destinées de la race mortelle.
823. PLATON. - Silence, grotte ombragée de chênes ! Silence, fontaines qui jaillissez du rocher ! Silence, brebis qui bêlez prés de vos petits ! Pan lui-méme, sur sa flûte harmonieuse, chante, ayant mis ses lèvres humides sur ses pipeaux assemblés. Autour de lui, d'un pied léger, dansent en choeur les Nymphes des eaux et les Nymphes des bois.
824. ÉSYCUS. - Chasseurs qui venez sur cette colline de Pan le montagnard, en chasse et bonne chance ! Mais soit que vous chassiez de préférence avec des toiles, ou avec le javelot, ou bien, comme oiseleurs, avec les pipeaux et la glu, que chacun de vous m'invoque ; car je sais à la chasse gratifier du succès l'épieu, les filets et les gluaux (297).
825. ANONYME. Sur une statue de Pan placée près d'une conduite d'eau coulant sans bruit. - Suis-je assez malheureux en amour ! pour m'éviter, moi Pan, même des eaux Écho s'enfuit.
826. ANONYME. Sur un Satyre placé au-dessus d'une source et sur un Amour endormi. - Moi Satyre fils de Bacchus, je suis l'oeuvre d'une main habile qui a su mettre un souffle divin dans le marbre inanimé. Les Nymphes sont mes compagnes, et au lieu du vin pourpré que je versais naguère, j'épanche une eau limpide et douce. Si tu viens ici, marche légèrement et sans bruit, de peur d'éveiller cet enfant qui dort d'un si paisible sommeil.
827. AMMONIUS. Même sujet. - Je suis le serviteur aimé de Bacchus aux belles cornes, je verse l'onde argentée des Naïades, et je charme par un doux sommeil ce jeune enfant.
(001) Ovide a traité le même sujet, mais en 182 vers ! dans l'élégie intitulée Nux, le Noyer.
(002) Φύλλον, de germine accipi debet. Jacobs. Ces mystères de la greffe rappellent ce beau vers des Géorgiques : "Miraturque novas frondes et non sua poma."
(003) Elles étaient au nombre de trois, Εὐνομίη, Δίκη, Εἰρήνη, comme les Grâces, les Parques, etc.
(004) ᾿Ελᾷ ou bien ἀλεῖ.
(005) Sous Omphale.
(006) Le maître du moulin ou un passant.
(007) Ile de la mer Égée , d'où l'on tirait de bonnes pierres meulières. Strabon, X, 5, I7.
(008) "Fontis haec erat natura ut strepitu coacesceret, silentio dulcesceret." Huet, Notae ad anthologiam.
(009) En disant que cette fontaine énerve et amollit, comme on le disait de la source Salmacis en Carie. Voy. Strabon, XIV, 2, 16.
(010) Voy. les Pensées de Platon, p. 12 de M. Le Clerc, et Ausone, Epigr. 22.
(011)
Voy. Longepierre, Anacréon, p. 427, et Anthol. lat. II, p. 313 :
Inveni portum ; Spes et Fortuna, valete.
Sat me lusistis, ludite nunc alios.
(012)
᾿Επίγραμμα
ἀναστρεφόμεν, distique qui peut se lire à rebours. Ce tour de force a été bien imité par Florent Chrestien
:
Hippocrates hominum est columen, decus, aura salutis;
Aula patet raris jam nigra funeribus.
(013) A Éphèse, dans l'Asie-Mineure (Ionie).
(014) Ce Caius était le fils d'Agrippa et de Julie, le petit-fils d'Auguste.
(015) Voy, ci-après l'épigramme 397.
(016) Λύδη, natione Lydia. Un livre des élégies d'Antimaque portailtce nom de Lydé.
(017) Sans doute les héros de Marathon, de Salamine, de Platée.
(018) Voy. Voltaire, Dict. philosophique, Épigramme.
(019) L'Euripe, aujourd'hui Canal de Négrepont.
(020) Aristote en chercha la cause, et ne l'ayant pas trouvée mourut de chagrin, dit la légende.
(021) Cf. Horace, Sat. II, II, 133.
(022) Voy. ci-après l'épigramme 99.
(023) Tyran de Cos, sous l'empereur Tibère.
(024) Voy. l'hymne VI d'Homère, A Bacchus.
(025) Il faut se rappeler qu'il y a le chien marin, ἐνάλιος κύων.
(026) Le cap Capharée.
(027) Rome.
(028) Voy. plus haut l'épigramme 75.
(029) L'île de Délos.
(030) Patrie d'Achille, Iliade, II, 683.
(031) Mycènes.
(032) Voy. Longepierre, Bion, p, 418.
(033) C'est un puéril jeu de grammaire sur des mots de consonnance semblable.
(034) A leurs calomnies.
(035) Hoc epigramma aenigmatis speciem habet. Jacobs.
(036) Lisez ὅτ' ἐμίγνυτο.
(037) ῎Αρης, Mars ou fer, la hache.
(038) Le serpent Python.
(039) Le même serpent Python. C'est un fragment de quelque poème, comme l'épigramme qui précède.
(040) Un olivier.
(041) Lisez εἰ θέλοιτε, ὅσους.
(042) Voy. l'épigramme ci-dessus 49.
(043) Hic ultimus versus fortasse a sciolo additus est, qui hos versus ἀδήλους esse et obscuros indicare voluit. Jacobs.
(044) C'est ici l'auditorium, la salle des lectures publiques.
(045) Lisez ἀοιδῷ.
(046) En lisant μηδὲν ἄγαν.
(047) Voy. ci-après l'épigr. 255.
(048) Lisez ἡλικίηςau lieu de ἡσυχίης.
(049) Les neuf livres de l'histoire d'Hérodote portent chacun le nom d'une Muse.
(050) ῾Ελίσσων, c'était un volumen qu'il lisait.
(051) Jeu de mot par allusion aux ῎Εργα καὶ ἡμέραι d'Hésiode.
(052) C'est le début de l'Iliade.
(053) Grammaticae docendae initium ab Iliade fieri solebat. Jacobs.
(054) Ce n'est que jeux de mots, et encore de grammairien !
(055) Iliade, XV, 717.
(056) ῎Εμιμνεν, μίμνεν, c'est l'écho.
(057) Voy. Pindare, Olymp. VII, 57.
(058) II s'agit ici du procédé encaustique avec la gomme d'encens et l'ustion. Voy, ci-après l'épigr. 591.
(059) C'est au sujet d'un temple en ruine de la Fortune devenu un cabaret.
(060) Voy. M. Sainte-Beuve, Méléagre, p. 486.
(061) Voy. M. Guizot, Ménandre, p. 26.
(062) Au lieu de σῆμα lisez κρᾶμα.
(063) ᾿Εξαμέτροις, c'est le fameux poème d'Érinne, le Fuseau, ᾿Ηλακάτη
(064) Ville de Cilicie.
(065) Dans son poème des Dionysiaques.
(066) C'est le livre même de Paulus qui parle, son Εἰσαγωγὴ ἀστρολογίας.
(067) II s'agit du roman d'Achillès Tatius.
(068) Jeu de mot sur Porphyre, de pourpre, προφύρα.
(069) C'est la ville de Thèbes qui parle.
(070) Fils de Germanicus et frère de Drusus.
(071) Hippocrène et Pirène.
(072) Voy. Plus haut les épigr. 14 et 94.
(073) Bérénice, fille de Magas, roi de Cyrène, et Ptolémée Évergète.
(074) Rome.
(075) Homère, Iliade, II, 478.
(076) Une pluie de vin.
(077) Au lieu de κλέμματα, lisez σκέμματα ou κτήματα.
(078) Lisez avec Jacobs Βάσκανε, τὸν σίφων' ὀξὺν ἐπεισαγάγῃς.
(079) Voy. ci-dessus les épigr. 449 et 460.
(080) Remplacez ὄχλον par ὄλβον et lisez ainsi le dernier vers : Πορθεῖ ναὶ τοὺτον κῆμα κάλει μεγάλην.
(081) C'est-à-dire, nous nous mélangeons avec le vin, non avec le sang.
(082) Voy. ci-dessus l'épigramme 223.
(083) Mentionné par Juvénal , VI, 77.
(084) Marsyas fut écorché vif.
(085) Dédale.
(086) Au lieu de ἐβαρυναόρος, lisez ἐβάρυνα χόρους.
(087) Constellations célestes.
(088) Voy. Avianus, Fable 27, et Pline, Hist. nat., X, 8.
(089) Voy. ci-dessus l'épigr. 284.
(090) En lisant πυρητόκον.
(091) Une première fois au sujet de la plaine de Thyrée, une seconde fois aux Thermopyles.
(092) Καὶ γᾶς, lisez Αἰγείρας.
(093) L'an de Rome 710 Jules César envoya dans l'isthme une colonie d'affranchis.
(094) Les Rhodiens, de Cercaphe, fils du Soleil, leur premier roi.
(095) Suétone, Vie de Tibère, 44 : "Ante paucos quam revocaretur Tiberius Nerodies, aquila, nunquam antes Rhodi conspecta, in culmine domus ejus assedit."
(096) La victoire de Chéronée.
(097) Dans le Discours sur la couronne, μὰ τοὺς ἐν Μαραθῶνι, 60.
(098) Voy. ci-après l'épigr. 518.
(099) Xerxès.
(100) ῎Αρης signifie Mars et fer ; de là le trait de l'épigramme.
(101) Au lieu de ἀλλὰ ποθ' αὑτους, lisez ἀλλ' ὁ λαφύκτας.
(102) ᾿Οχνᾶν, lisez αἰγᾶν.
(103)
῾Ερμαφρόδιτος · τὸν αἰσχρῶς καὶ ποιοῦντα καὶ πάσχοντα
(104) Sur une coquille bivalve où était sculpté un amour endormi.
(105) Δῶρου, lisez Δώτους.
(106) Nil certi de sensu. Jacobs.
(107) Au lieu de εἰ δέ, lisez οὐ δέ, et au lieu de πάρος οὗπερ, lisez πατρὸς οὕνεκ'.
(108) Voy. ci-après l'épigramme 369.
(109) Οὐδ' ὄναρ, forte négation.
(110) Dans la Sabine.
(111) Vespasien, père de Titus, de Domitien et de Domitilla.
(112) Huic mulieri sermo comis nec absurdum ingenium. Tacite, Ann., XIII, XIV.
(113) Voy. des épigrammes isopsèphes de Léonidas, parmi les épigrammes votives 321 et suiv.
(114) Moi, le Phédon (Dialogue sur l'âme et la vie future).
(115) Iliade, V, 381, X, 83, XVI, 333, XX, 478 ; Odyssée, V, 368, XXIII, 97.
(116) Ξίφος, obscoenum telum.
(117) Fragmenta e longiori poemate decerpta. Jacobs.
(118) Lisez ἀοιδοτόκοι πηγαί.
(119) En lisant παρ' ἐλπίδας, au lieu de περιφρένας.
(120) Voy. l'épigr, ci-dessus, 342.
(121) Voy. ci-dessus l'épigr. 30.
(122) Cette épigramme n'est composée que de centons d'Homère, ὁμηροκέντρων.
(123) Ce sont également des ὁμηροκέντρα ou centons d'Homère.
(124) L'élection des consuls.
(125) Non les eaux de la pluie.
(126) Voy. l'Anthologie latine, I, 103.
(127) Vers de l'Iliade, XVI. 70.
(128) Parodie de deux vers d'Archiloque, 9. 467 des Lyrici de Bergk.
(129) En remplaçant ἤδη par δυσί.
(130) Ville située entre la Phrygie et la Lydie, dont les eaux chaudes étaient excellentes et l'eau froide détestable.
(131) Odyssée, IX, 34.
(132) Odyssée, I, 57.
(133) Voy. l'épigr. ci-dessus. 76.
(134) Voy, les épigr. 61 et 447.
(135) Le père de Germanicus, celui que Tacite appela breves et infaustos populi Romani amores. Ann. II, 41,
(136) Au lieu de περίμνηστιν, lisez πάλαι · νῆστιν.
(137) Lisez ζαγλαγεῦσα, de ζα et γλάγος, lait, laitance.
(138) On ne sait pas de quelle île il s'agit.
(139) De nave meretricia. Ipsa navis, quasi meretrix, loquitur. Jacobs.
(140) Sur les moulins à eau.
(141) Fille de Bébrix qui donna son nom aux Pyrénées.
(142) Au lieu de τικτόμενος, lisez avec Huet τεγγόμενος.
(143) Lisez Βοῦρ', Αἰγειρ', ᾿Ελίκητε κεκλυσμέναι.
(144) En Syrie, aujourd'hui Beyrouth.
(145) Béroë ou Béryte, même ville.
(146) Antipater avait composé un poème sur les exploits de L. Calparinus Pison . C'est ce poème même qui parle.
(147) Lisez ἐπίμαλλοι.
(148) C'est-â-dire je suis un poète national, tout Sicilien.
(149) II ne faut voir ici qu'une annonce, un prospectus de banque.
(150) Sensus et argurnentum obscura. Jacobs.
(151) Par les chrétiens.
(152) Voy. plus haut l'épigramme 380.
(153) Voy. ci-dessus l'épigr. 397.
(154) A savoir, des poux. Voy. Hésiode, Vie d'Homère, 35.
(155) Au lieu de εἴποι lisez γράφοι.
(156) Ce George Pisidès était un des plus grands poètes de son temps, vers 630.
(157) C'est un vers de l'Odyssée, IX, 34.
(158) Au lieu de Πάρις lisez Πάνδαρος.
(159) ῎Εστεψαν et non ῎Εστρεψαν.
(160) Allusion au vers 281 de l'Iliade, I : ἄλλ' ὅγε φέρτερός ἐστιν.
(161) C'est la Théonoé de la tragédie d'Hélène d Euripide.
(162) Au lieu de καλέσας lisez χαλάσας.
(163) At quomodo id factum sit, obscurissimum. Jacobs.
(164) In avem vento pro farto infatam. Jacobs.
(165) Fragment d'hymne qui se trouve dans les Ethiopiques d'Héliodore, III, 2.
(166) Pierre précieuse à talisman.
(167) Voy. les Éthiopiques d'Héliodore, VIII, 11.
(168) Cette épigramme, celle qui précède et celles qui suivent sont des exercices de métrique.
(169) Erato, de ἐράω, erôs, nam tu nomen amoris habes. Ovide, Ars amandi, II, 5.
(170) Voy. Euripide, Andromaque, 173, et Catulle, XC.
(171) Sous Justinien, l'an 551.
(172) Aujourd'hui Beyrouth.
(173) Mélange de vin et de miel.
(174) Δίζυγον est probablement synonyme de κράτων, poux, tique.
(175) Ville de Cilicie, patrie d'Aratus.
(176) Hésiode était d'Ascra en Béotie.
(177) Promontoire de l'Attique.
(178) Avec les rames et les débris des vaisseaux de Xerxès. Voy. Hérodote, VIII, XCXVI.
(179) En lisant ἔκρινα. Argumentum obscurum. Jacobs.
(180) Comme acteur.
(181) Au lieu de ἐς γάμον, lisez ἐς δόμον. Agitur de statua Hymenaei in domo Praxillae recens nuptae dicata. Jacobs.
(182) En remplaçant ἄπεστι νόσου par ἄπιστον ὅσον.
(183) Afin d'attirer les chiens sur leur trace, tandis que d'autres feraient le coup de main.
(184) La plus jeune des Grâces, l'amante du Sommeil.
(185) ῾Ραφανίσωσις.
(186) vers 56 de l'Illiade, II.
(187) C'est Homère qui parle.
(188) Suit une litanie d'épithètes depuis A jusqu'à omega, d'après l'ordre alphabétique, dans autant de vers qu'il y a de lettres dans l'alphabet. Chaque vers contient quatre épithètes commençant toutes par la même lettre ; ce qui donne quatre-vingt-seize épithètes ! C'est là une de ces croix scholastiques dont se raille à bon droit Gabriel Naudé (Syntagma de studio liberali. p. 124), un échantillon des difficiles nugae qu'a flétries Martial.
(189) Voy. la note qui précède.
(190) Voy. Hérodote, V , LVI. -
(191) Il s'agit de statues d'airain de dieux et de déesses, appropriées au culte des chrétiens et sauvées ainsi de la destruction.
(192) Daphné.
(193) Apollon.
(194) ῎Ισα αὔραις.
(195) Ineptum. Reiske.
(196)
De même on retrouve toutes les lettres de l'alphabet latin dans ces vers :
Zenodoti physicem quaerebat Gracia felix.
Zeuxis erat pictor, quem flebat dura Phrygum gens.
(197) Voy. Pline, Hist. nat., VIII, 70, 1.
(198) Pierre précieuse, l'algue marine.
(199) Lisez avec Jacobs λειοῦντα.
(200) Le fils d'Octavie, soeur d'Auguste, le tu Marcellus eris.
(201) Au lieu de πρώτη, lisez σπρωτή.
(202) Il faut se rappeler l'épisode d'Aristée. Virgile, Georg., IV.
(203) Voy. ci-dessus l'épigramme 302,
(204) Voy. ci-dessus l'épigramme 408.
(205) Lisez ἐθοινολόγει.
(206) C'est-à-dire penem.
(207) Ce nom est resté inconnu.
(208) Variante ἐπωμιδίαν.
(209) Lisez ἐγυιώθην ou ἐγεννάθην.
(210) Corcyre, aujourd'hui Corfou.
(211) Voy. les fragments de Ménippe, p. 583 des Georaphi gr. minores de Didot.
(212) Théétète avait vu le prix refusé à ses innovations dramatiques ; Callimaque le console.
(213) Lisez μικρότατον.
(214) Poète obscène.
(215) Mollior et cycni plumis et lacte coacto. Ovide, Met, XII, 796.
(216) Agrigente.
(217) Lisez ξανθ' ὦ
(218) Lisez ψήλου attenua.
(219) Lisez ἀΐεις.
(220) Lisez βιοῦν.
(221) Au lieu de ἐρατειναῖς, lisez ᾿Ερατοῦς παῖς.
(222) Fragment trop court pour qu'on en saisisse le sens.
(223) Voy. ci-dessus l'épigramme 384.
(224) . Voy. l'épigr. ci-dessus, 191.
(225) Ineptum carmen. Jacobs.
(226) C'est une sorte de bouilloire, θερμοχύτης, qui parle.
(227) Minerve éleva comme son fils Érechthée ou Érichthonius, fils de la Terre et de vulcain, dont elle n'avait pas voulu pour époux.
(228) Haec parum acute dicta. Jacobs.
(229) C'est le Soleil qui avait révélé leurs amours à Vulcain. Ici il s'agit d'un tableau â l'encaustique altéré par les rayons du soleil. Jejunum carmen. Jacobs.
(230) Voy. Callimaque, les Bains de Pallas, 71.
(231) ῎Ερως était sans doute le nom même du bain.
(232) En lisant ὡς μὲν ἴον.
(233) Illiade, XX, 131.
(234) C'est-à-dire a relevé, a décoré le bain ῞Ιππος, à Alexandrie, tombant en ruine.
(235) Ainsi débute la première Olympique, ἄριστον μὲν ὕδωρ.
(236) Ou Daphné.
(237) Odyssée, IV, 221.
(238) En Béotie.
(239) Les Césars et les grands.
(240) Un des affluents du Peut-Euxin, aujourd'hui Sakari.
(241) L'empereur Justinien.
(242) Lisez ῾Απικίῳ οἱ συνεόντες οἷς πλέον.
(243) La foudre venait d'abattre les ailes d'une statue de la victoire.
(244) En lisant θανάτου au lieu de θάλαμου.
(245) Hésiode, les OEuvres et les jours, 289.
(246) ῾Η νέα ῾Ρώμη, Constantinople.
(247) Ville de Carie.
(248) Peut-étre s'agit-il de la résurrection d'Hippolyte, fils de celle amazone et de Thésée.
(249) Ainsi s'appelaient les Patrices.
(250) En Bithynie, auj. Brousse.
(251) Également en Bithynie. Voy. Paul le Silentiaire εἰς τὰ ἐν Πυθίοις θερμά.
(252) Ineptum distichon. Jacobs.
(253) Malgré cet oracle, on cura un marais qui mit la peste dans Camarine et la dépeupla.
(254) Basile Ier, d'origine macédonienne.
(255) Inepti hominis foetus. Jacobs.
(256) Cette pierre est inconnue.
(257). Mopsueste, Μόψου ἑστία, en Cilicie.
(258) Les Athéniens.
(259) Dans la Thrace.
(260) Hérodote, IV, XCI. Comment celte inscription en prose s'est-elle glissée dans l'Anthologie ?
(261) En Pisidie.
(262) Lisez Μέμνεο, παρθένιος μοι ἐπίφλοος.
(263) Soeurs de Phaéthon changées en peupliers.
(264) Lisez παρατραπίην.
(265) Lisez ῥόος.
(266) Puteoli, aujourd'hui Pouzzoles.
(267) Peut-être Sulpicius Victor, dont nous avons les Institutiones oaratoriae, et qui était la grammaire personnifiée.
(268) Lisez ἄν ἐπλασάμην.
(269) ῾Υάκινθος, jeune Lacédémonien , aimé d'Apollon, iris, fleur, et aussi hyacinthe ou saphir.
(270) De a privatif et μέθη. Cette pierre passait pour un préservatif contre l'ivresse.
(271) C'est une coupe qui parle, la coupe d'une jeune fille.
(272) Au lieu de οὕτω lisez ὄντως.
(273) Voy. Iliade, VI , 130.
(274) En lisant ὅτι δὴ φλεγέθει κατὰ ταὐτό.
(275) Lisez Καρπώ, au lieu de καρπός.
(276) Lisez de ἐξ ἀλόχουau lieu de ἀκείνου.
(277) Préfet du prétoire.
(278) Parce que, étant appliquée contre le mur, on ne voit plus à travers le treillis de la porte qui semble ainsi fermée.
(279) Villes de la Chersonèse de Thrace.
(280) Cette épigramme a été conservée par Démosthène, disc, sur l'Halonèse.
(281) En lisant εὐμενέτειρα.
(282) En lisant ἀκύμονες.
(283) Diane, dans l'assaut de l'Olympe par les Géants, tua Tityus.
(284) Éphése, où Diane passait pour être née.
(285) Lisez μέζον' ἐρᾶν σε Πάφου.
(286) Voyez sur la vache de Myron les épigr, ci-dessin, 713 et suiv.
(287) Cet empereur régna de 450 â 457.
(288) L'épouse de Justinien.
(289) Patriarche de Constantinople sous Héraclius.
(290) Portus Sophiae, olim Justiniani. Jacobs.
(291) Même jeu de mot sur Σοφία dans l'épigramme ci-dessus, 803.
(292) Lisez ἔξειν.
(293) Lisez τί γ' οὐ σπεύδεις
(294) Ulysse.
(295) Lisez πᾶσιν φθάσας au lieu de μὴ συμφθάσας.
(296) L'empereur Justinien et sa femme Théodora.
(297)
Voy. l'épigramme ci-dessus, 337.