ZACHARIE LE SCHOLASTIQUE VIE DE SÉVÈRE Oeuvre numérisée par Marc Szwajcer AVERTISSEMENTL’ouvrage que nous publions sous le titre : Textes syriaques relatifs à la vie de Sévère, patriarche d’Antioche, paraîtra en trois fascicules. Le premier que nous présentons aujourd’hui au public comprend le texte syriaque et la traduction française de la Vie de Sévère par Zacharie le Scholastique; le second contiendra le texte et la traduction: 1° de la Vie de Sévère par Jean, higoumène du couvent de Beth-Aphthonia; 2° des diverses notices que les écrivains syriens nous ont laissées sur ce célèbre patriarche; le troisième donnera l’introduction, le commentaire, l’index nominum et un index syriacitatis. Les Vies composées par Zacharie et par l’higoumène Jean ont été écrites primitivement en grec, mais le texte grec en est perdu. La littérature syriaque nous en a heureusement conservé une excellente version, qui nous est parvenue, pour la première de ces Vies, dans le ms. Sachau 321, et pour la seconde dans le même ms. Sachau 321 ainsi que dans l’add. 17.203 du British Museum. Toutefois, dans ce dernier manuscrit, le texte est très mutilé par suite de la disparition de plusieurs feuillets. La Vie composée par Zacharie a été publiée par M. Spanuth en 1893, et traduite par M. Nau, en 1899-1900, dans la Revue de l’Orient chrétien. L’édition de M. Spanuth, qui est actuellement épuisée, a été faite avec beaucoup de soin. Il nous a cependant été possible d’apporter quelques améliorations, en supprimant parfois quelques fautes d’impression, en rétablissant ailleurs la leçon du manuscrit, enfin, en faisant certaines corrections qui nous ont paru nécessaires. Le texte de cette Vie est loin d’être toujours facile à comprendre. Nous nous sommes efforcé d’en reconstituer par endroits l’original grec, et nous sommes ainsi parvenu à pénétrer le sens de maint passage obscur. Ce n’est pas que toutes les difficultés du texte soient résolues, mais nous croyons avoir réussi à diminuer, dans une assez large mesure, le nombre de celles qui restent à résoudre. Nous avons mis entre parenthèses dans notre traduction les mots grecs que le traducteur syrien a employés et qu’il a empruntés, sinon toujours, du moins presque toujours, au texte de Zacharie et nous avons placé au bas de la page, pour certains mots et certaines locutions, l’original grec que le traducteur semble avoir eu sous les yeux. Pour plus de clarté, nous avons suppléé souvent des noms propres; les noms propres suppléés sont imprimés en caractères ordinaires, les autres en caractères italiques. La Vie composée par l’higoumène Jean est restée inédite jusqu’à ce jour; elle a seulement été résumée par M. Nau à la suite de sa traduction de la Vie de Sévère par Zacharie. Quant aux notices sur Sévère, plusieurs d’entre elles seront publiées pour la première fois. L’Introduction et le Commentaire seront étendus : dans l’Introduction, nous étudierons toutes les questions littéraires qui se rattachent aux documents publiés; dans le Commentaire, nous fournirons tous les renseignements historiques de nature à illustrer ces documents et à faire apprécier leur valeur par les historiens.
M.-A. KUGENER. VIE DE SÉVÈREPAR ZACHARIE LE SCHOLASTIQUE
Voici ensuite la biographie de saint Mar Sévère, patriarche d’Antioche, qui a été écrite par Zacharie le Scholastique, lequel étudia avec Sévère [la grammaire et la rhétorique] à Alexandrie et le droit à Béryte. — D’où nous viens-tu aujourd’hui, ô ami et camarade. — Du Portique (στοά) royal, mon cher. Je suis venu auprès de toi pour être renseigné sur les questions que je veux te poser. Mon esprit vient en effet d’être bouleversé par un libelle, qui semble avoir pour auteur un chrétien (Χριστιανός), mais qui, en réalité, vise plutôt à bafouer le christianisme — Et comment cela? dis-moi. Et de quelle manière en es-tu arrivé à lire ce libelle? — J’examinais les livres des libraires établis dans le Portique (στοά) royal — tu connais en effet ma passion pour les livres — lorsque l’un de ceux qui sont assis là et qui vendent des livres, me donna le libelle en question pour le lire. Dans ce libelle, on diffame, on calomnie, on outrage, on bafoue un philosophe (φιλόσοφος). Tu l’as connu au début de sa carrière; il s’est distingué depuis dans l’épiscopat et s’est fait remarquer jusqu’à ce jour par sa conduite et sa science des divines Écritures. J’entends parler de Sévère, dont la réputation est grande auprès de ceux qui savent apprécier le bien sans aucun parti pris. Et voilà pourquoi j’ai le cœur cruellement affligé. — Mais, mon ami, si tu as une si bonne opinion de Sévère, pourquoi te préoccuper de son diffamateur et de son calomniateur, quel qu’il soit? Il semble, en effet, d’après ce que tu dis, qu’il n’est chrétien (Χριστιανός) que pour la forme et par hypocrisie, qu’en réalité il se donne plutôt (μᾶλλον) pour tâche de glorifier les païens, et n’aspire qu’à les combler de louanges, outrageant de la sorte des personnes qui sont estimées pour leur vertu et à qui il a été donné de servir Dieu depuis tant d’années déjà par cette belle philosophie (φιλοσοφία) qu’elles nous ont fait voir. — Ce n’est pas parce que le doute m’a envahi, ou que j’ajoute foi à des récits dictés par la méchanceté, que je suis venu auprès de toi. Non, mais mon cœur, comme je l’ai dit, est affligé. J’ai peur que des lecteurs à l’esprit simple ne se fassent par hasard une opinion désavantageuse de ce patriarche. Aussi, si tu as le souci de la vérité — et tu l’as, raconte-moi la vie de Sévère depuis sa jeunesse, pour la gloire de Dieu tout-puissant et de notre Sauveur Jésus-Christ, en qui reposent ceux qui se sont voués au sacerdoce et à la philosophie, j’entends la vraie philosophie. Tu m’apprendras de quelle ville il est, de quel peuple, de quelle famille, si toutefois tu connais ces détails. Tu me diras surtout quelle a été sa conduite, et ce qu’ont été, depuis sa jeunesse, ses opinions au sujet de Dieu. Car le diffamateur l’a incriminé non seulement à propos de sa vie et de sa conduite, mais encore parce que, au début de sa carrière, il aurait adoré les démons malfaisants et les idoles. Il a dit en effet : « On l’a aussi surpris offrant des sacrifices païens, en Phénicie, à l’époque où il étudiait les belles-lettres et les lois (νόμοι). » — Mais, si quelqu’un diffame la vie d’autrui, en recueillant des propos futiles et mensongers, nous ne devons pas nous en préoccuper, à moins que ce qu’on dit ne renferme une part de vérité. Car les mauvais démons et leurs amis calomnient facilement la conduite de ceux qui ont vécu dans la vertu. Il ne faut pas nous étonner si les serviteurs du Christ, Dieu de l’univers, sont traités de Satans par Satan, puisque, quand la cause efficiente et créatrice de toute chose fut venue parmi nous, il poussa les Juifs à blasphémer et à dire : C’est par Belzébuth, prince des démons, qu’il chasse le démon. Cependant, puisque tu m’as dit que tu crains que ce libelle nuise à quelques esprits simples, je vais, par respect pour la vérité et par amour pour toi, raconter la vie de Sévère avec lequel j’ai été, dès sa première jeunesse, à Alexandrie et en Phénicie, entendant les mêmes maîtres que lui, et partageant les mêmes occupations. Ceux qui étudiaient avec nous et qui sont encore en vie — leur nombre est assez considérable — pourront attester la véracité de mon récit. L’illustre Sévère est Pisidien d’origine, sa ville natale est Sozopolis. C’est en effet cette ville qui lui échut comme séjour après la première, dont nous avons tous été bannis à la suite de la transgression d’Adam, et que le divin Apôtre nous invite à rechercher de nouveau. Car nous n’avons point ici, dit-il, de ville permanente, mais nous cherchons celle où nous devons habiter un jour, celle dont Dieu est l’architecte et le fondateur. Il fut élevé par des parents distingués, comme l’ont dit ceux qui les connaissaient. Ils descendaient de ce Sévère, qui fut évêque de la ville de Sozopolis à l’époque où le premier concile (σύνοδος) d’Éphèse fut réuni contre l’impie Nestorios. Après la mort de son père, qui faisait partie du sénat (βουλή) de la ville, sa mère devenue veuve l’envoya avec ses deux frères, qui étaient plus âgés que lui, à Alexandrie, pour étudier la grammaire (γραμματική) et la rhétorique (ῥητορική) tant grecques que latines (ῥωμαῖος). La coutume étant établie dans son pays, comme on le rapporte, de ne pas s’approcher du saint baptême, à moins de nécessité (ἀνάγκη) urgente, avant l’âge mûr, il se fit que Sévère et ses frères n’étaient encore que catéchumènes quand ils vinrent à Alexandrie, pour la cause indiquée. A cette époque, moi aussi je séjournais dans cette ville pour le même motif. Les trois frères se rendirent d’abord auprès du sophiste Jean, surnommé le Σημειογράφος (?), ensuite auprès de Sopater, qui était réputé dans l’art de la rhétorique, comme tout le monde lui en rendait un grand témoignage. Il se trouva que je fréquentais également les cours de ce maitre, à cette époque, ainsi que Ménas (Μηνᾶς), de pieuse mémoire, dont l’orthodoxie, l’humilité de vie, la grande chasteté, l’amour de son semblable et la commisération envers les pauvres étaient universellement attestés. Il était en effet de ceux qui fréquentent avec assiduité la sainte Eglise, ceux que les Alexandrins, suivant la coutume du pays, ont l’habitude d’appeler Φιλόπονοι. Au cours de nos études, pendant notre séjour à Alexandrie, nous admirions la finesse d’esprit du merveilleux Sévère, ainsi que son amour de la science. Nous étions étonnés de voir comment dans un court espace de temps, il avait appris à s’exprimer avec élégance, en s’appliquant avec assiduité à l’étude des préceptes des anciens rhéteurs (ῥήτορες), et en s’efforçant d’imiter leur style brillant et travaillé (?). Son esprit ne s’occupait que de cela, et nullement de ce qui séduit d’ordinaire la jeunesse. Il se consacrait tout entier à l’étude, s’éloignant dans son zèle pour elle de tout spectacle blâmable. Affligés qu’une telle intelligence n’eût pas encore reçu le divin baptême, nous conseillâmes à Sévère d’opposer aux discours du sophiste (σοφιστής) Libanios, qu’il admirait à l’égal des anciens rhéteurs, ceux de Basile et de Grégoire, ces illustres évêques (ἐπίσκοποι) , et de les comparer ensemble. Nous lui donnions ce conseil, afin qu’il parvînt, par la voie de la rhétorique qui lui était chère, à la doctrine et à la philosophie de ceux-ci. Lorsque Sévère eut appris à connaître ces écrits, il fut entièrement conquis par eux. On l’entendit aussitôt faire l’éloge des lettres adressées par Basile à Libanios et de celles que Libanios écrivit en réponse, dans lesquelles il avouait avoir été vaincu par Basile et accordait la victoire aux lettres de celui-ci. Il résulta de là que Sévère se plongea à partir de ce moment dans la lecture des ouvrages de l’illustre Basile et les méditations, et que Ménas, mon ami, qui faisait l’admiration de tout le monde par sa ferveur, déclara dans une prophétie que l’événement a confirmée (Ménas aimait, en effet, à faire le bien) : « Celui-là (Sévère) brillera parmi les évêques (ἐπίσκοποι) comme saint Jean, à qui fut confié le gouvernail de la sainte Église de Constantinople ». Dieu, qui seul connaît l’avenir, révélait donc ces choses sur Sévère, quand il était encore jeune homme, en se servant ici encore de l’intermédiaire d’une âme pieuse. Peu après se produisirent les événements relatifs à Paralios et à Horapollon le grammairien (γραμματικός) , desquels il ressort que celui qui a été calomnié contrairement aux lois divines, est innocent des calomnies de son infâme insulteur. Voici quelle a été l’origine de ces événements. Paralios était d’Aphrodisias, qui est la métropole de la Carie. Il avait trois frères, dont deux étaient adonnés à l’idolâtrie, et se conciliaient les démons pervers par des invocations, des sacrifices, des incantations et par les artifices des magiciens, et le troisième, Athanase, cet homme de Dieu, avait embrassé la vie monastique à Alexandrie, dans de couvent) appelé Ἔνατον, en même temps que l’illustre Étienne. Après ses premières études, pendant lesquelles il avait étudié le jus civile en Phénicie, Athanase s’était rendu à Alexandrie pour une certaine affaire. Là il rencontra Étienne, dont je viens de parler, qui depuis son enfance était animé d’une ardente piété, et qui exerçait alors les fonctions de sophiste (σοφιστής), c’est-à-dire de professeur, et il jugea bon de rejeter avec lui les vaines espérances du barreau. Comme sur un signe de Dieu, chacun d’eux reçut le joug de la vraie philosophie de la main du grand Salomon, à cette époque le supérieur de ceux qui cultivaient la philosophie dans le couvent en question. C’était un homme à l’esprit sain, qui se distinguait par les vertus de la vie monastique. Paralios, après avoir été élevé en païen dans son pays par ses deux autres frères, partit pour Alexandrie dans le désir d’apprendre la grammaire (γραμαμτική) : ses frères lui avaient fortement recommandé avant son départ de ne jamais adresser une seule parole à Athanase, dont il a été fait mention. Il vint donc auprès du grammairien (γραμαμτικός) Horapollon. Celui-ci connaissait d’une façon remarquable son art et son enseignement était digne d’éloge; mais il était de religion païenne, et plein d’admiration pour les dénions et la magie. Dans le commerce d’Horapollon, le paganisme de Paralios s’accentua davantage : il s’attachait, en effet, à offrir avec son maître des sacrifices aux idoles. A la longue, Paralios, vaincu par la nature, brûla du désir de voir enfin son frère Athanase. Il se rendit donc au monastère de Salomon, et fut captivé par le saint couple que formaient Étienne et Athanase. Ceux-ci eurent facilement raison, avec l’aide de l’esprit de Dieu, des nombreuses objections et questions païennes qu’ils s’entendaient faire par Paralios. Étienne était en effet très savant et bien au courant à la fois des doctrines divines et de la science encyclopédique. Après avoir lu de nombreux traités des docteurs de l’Église, qui combattent les païens, il avait reçu de Dieu la grâce de triompher entièrement de ceux-ci, en discutant avec eux; et son zèle pour la religion le rendait semblable au grand Élie. Il réfuta donc les objections sophistiques que les païens font aux chrétiens, puis il rétorqua contre Paralios les turpitudes des païens, les mystères infâmes de leurs dieux, les oracles mensongers du polythéisme °, les réponses obscures et embarrassées de ces dieux, leur ignorance de l’avenir, ainsi que d’autres tromperies de ces mêmes démons. Il persuada à Paralios de soumettre des doutes de ce genre à Horapollon, Héraïskos, Asklépiodotos, Ammonios, Isidore, et aux autres philosophes qui étaient auprès d’eux; ensuite de peser dans une juste balance ce qui aurait été dit des deux côtés. Pendant de nombreux jours, Paralios eut des conversations sur ce sujet avec les païens, et il trouva leurs réponses faibles et sans fondement. Il se produisit ensuite un fait qui est digue d’être rappelé et mis par écrit. Asklépiodotos d’Alexandrie, qui s’occupait d’enchantements, exerçait la magie, faisait des invocations démoniaques, et qui avait conquis par là l’admiration des païens pour sa philosophie, avait déterminé son homonyme (= Asklépiodotos),[1] qui en ce temps-là se glorifiait des honneurs et des dignités dont le comblait le roi et tenait le premier rang dans le sénat (βουλή) d’Aphrodisias à lui donner sa fille en mariage. Il habita longtemps avec sa femme en Carie, et désira avoir des enfants. Mais son désir ne s’accomplit pas, Dieu lui infligeant comme châtiment, parce qu’il s’occupait des pratiques mauvaises de la magie, la privation d’enfants et la stérilité de sa femme. Comme son beau-père était affligé que sa fille n’eût pas d’enfants, notre philosophe imagina un oracle (ou plutôt il fut trompé par le démon figuré par Isis), d’après lequel la déesse lui promettait des enfants, s’il allait avec sa femme dans le temple que cette déesse avait jadis à Ménouthis (Μένουθις), village éloigné d’Alexandrie de quatorze milles, et voisin de la [localité] appelée Canope. Il persuada donc à son beau-père de lui permettre d’emmener sa femme et d’aller avec elle en ce lieu. Après lui avoir promis de revenir auprès de lui avec sa femme et l’enfant qu’elle aurait eu, Asklépiodotos partit pour Alexandrie, ayant trompé son homonyme (= Asklépiodotos). Il séjourna un certain temps à Ménouthis et offrit un nombre considérable de sacrifices aux démons. Mais cela ne lui servit de rien. La stérilité de sa femme persista également là. Ayant cru voir en songe Isis couchée auprès de lui, il s’entendit déclarer par ceux qui interprétaient là-bas les songes et qui servaient le démon figuré par Isis, qu’il devait s’unir à l’idole de cette déesse, puis avoir commerce avec sa femme; qu’ainsi lui naîtrait un enfant. Notre philosophe ajouta foi à une tromperie aussi grossière, comme le prêtre qui l’avait conseillé depuis le commencement le reconnut à la fin, et s’unit à la pierre qui représentait Isis, et, après la pierre, il s’unit à sa femme. Celle-ci resta stérile malgré cela. A la fin, le prêtre lui conseilla d’aller, mais rien qu’avec sa femme, au village d’Astu (Ἄστυ), d’y demeurer un certain temps, puis de prendre pour son enfant celui qui était né à la prêtresse, une compatriote à lui, peu de temps auparavant. Car les dieux et les destins, disait-il en extravagant, voulaient qu’il fît cela. Asklépiodotos suivit également ce conseil, alla avec sa femme, sans que personne les accompagnât, auprès de la mère de cet enfant. Il lui donna une certaine somme d’argent et prit son enfant. Puis il revint à Alexandrie, en se vantant qu’une femme stérile avait enfanté après tout ce temps. Il s’ensuivit que tous ceux qui étaient livrés à la folie des païens, se glorifièrent grandement de cette fable comme d’une chose vraie, et louèrent Isis ainsi que Ménouthis, le village de la déesse, où quelqu’un a, accomplissant ainsi une bonne action, enfoui sous le sable le temple d’Isis, au point qu’on n’en voit même plus la trace. Paralios croyant que cette histoire mensongère était vraie, la fit connaître à son frère et à ceux qui étaient avec lui, comme une chose remarquable. Il disait que cette démonstration par les faits possédait une plus grande force que n’importe quel argument de la raison, et il s’en glorifiait comme d’un miracle païen et évident. Le divin Étienne ayant entendu l’histoire de cette ineptie dit à Paralios: « Si une femme stérile, mon cher, a enfanté, elle a aussi du lait et il faut que les païens s’assurent de la chose, par l’intermédiaire d’une dame honorable apure et d’une famille connue à Alexandrie. Elle verra le lait établissant ce prodige et ce miracle, et ainsi la fille d’un haut personnage de la Carie et la femme d’un philosophe n’aura pas l’air d’avoir été outragée (?). » Ce langage parut raisonnable, et Paralios transmit la proposition (πρότασις)des moines aux philosophes païens. Mais ceux-ci craignant qu’on ne leur reprochât cette histoire fabuleuse, dirent à Paralios : « Tu oses (demander) l’impossible Tu penses (?) persuader (?) des personnes qui restent attachées d’une façon inébranlable à la vérité, et qui ne songent pas à des choses ce genre. » Mais comme il semblait …………….envoyé ……………..de sorte qu’(il résulta) pour Paralios qu’il s’éloigna des doctrines des païens. Il se produisit encore cet autre fait que voici : étant à Ménouthis, Paralios vit Isis, c’est-à-dire le démon qui représente cette déesse, qui lui disait en songe : « Prends garde à un tel, c’est un magicien ». Or, il se fit que celui dont il était question, était également venu pour apprendre la grammaire, qu’il étudiait chez le (même) maître et que le démon lui révéla (la même chose) au sujet de Paralios, lorsqu’il se rendit à Ménouthis. L’un et l’autre ayant fait connaître cette vision à ses camarades dans l’école (σχολή) d’Horapollon, et ayant appris ce que son condisciple avait raconté sur son compte, était persuadé qu’il disait la vérité et que son condisciple mentait. Aussi Paralios se souvint-il de l’enseignement du grand Étienne; il se rappela qu’Etienne ainsi qu’Athanase lui avaient tenu de longs discours sur la perversité des démons malfaisants, lui disant qu’ils avaient l’habitude d’exciter les hommes les uns contre les autres, parce qu’ils se plaisent toujours aux guerres et aux combats, et qu’ils sont les ennemis de la paix. Paralios voulut cependant savoir ce qu’il en était réellement de ces choses. Il réfléchissait en effet à ce qui était dans l’habitude du démon et de l’erreur, et à ce qui se pratiquait en ces lieux. Il tenait jusque-là que son compagnon mentait. Il revint donc à Ménouthis. Il offrit au démon les sacrifices habituels et le supplia de lui faire savoir par un oracle si c’était lui qui était magicien ou son ennemi, et si réellement un tel oracle avait été rendu également à son sujet. Le démon, ne tolérant pas que l’on reprochât aux oracles en question d’être entachés de contradiction et de méchanceté, ne daigna pas lui répondre. Paralios supplia alors le démon pendant de nombreux jours de ne pas le laisser sans réponse, parce que, disait-il, il ne chercherait pas à lui refuser, à lui ainsi qu’aux autres dieux, la soumission et les honneurs, s’il recevait à ce sujet entière satisfaction Le démon persévéra dans son silence et ne lui fit vas voir l’illusion (φαντασία) habituelle de son épiphanie. Après avoir, attendu bien longtemps et offert de nombreux sacrifices, Paralios s’irrita, et n’eut plus de doutes sur la mauvaise doctrine des démons. Il loua le grand Étienne qui lui avait réellement dit la vérité, et il pria, comme il lui avait conseillé de le faire : « Créateur de toutes choses » [etc.], en ajoutant ces paroles du grand Étienne: « Révèle-moi ta vérité et ne permets plus que je sois séduit par ce démon qui aime le combat, qui arme les hommes les uns contre les autres et qui les excite aux querelles, ni par les autres démons pervers qui lui ressemblent. » On lui avait en effet conseillé d’adresser une prière au créateur de toutes choses, parce qu’on voulait l’éloigner aussitôt de l’invocation des dieux des païens et des démons, de Kronos, dis-je, de Zens, d’Isis, et de noms de ce genre, et l’habituer petit à petit à la vérité des doctrines; qu’on voulait qu’il ne reconnût pas d’autre créateur de toutes choses que Notre-Seigneur Jésus-Christ, par lequel le Père a fait le monde, les principautés (ἀρχαί), les puissances et les dominations, comme il est écrit : Toutes choses ont été faites par lui, dit le Théologien,[2] et rien n’a été fait sans lui. Après cette prière, Paralios retourna à Alexandrie. Il proférait de nombreuses paroles contre les dieux des païens et disait avec David : Tous les dieux des nations sont des démons, mais le Seigneur est le créateur des cieux. Il se moquait d’Horapollon, d’Asklépiodotos, d’Héraïskos, d’Aminonios et d’Isidore (lequel finit par être reconnu un magicien manifeste et perturbateur) et du reste des païens, (raillait) ce qui se passait à Ménouthis, les impudicités de toute espèce et la lubricité de la prêtresse Isis, affirmant qu’elle se livrait à la débauche avec quiconque le voulait, qu’elle ne différait en rien de la prostitué qui se donne au premier venu. Les élèves d’Horapollon, qui étaient livrés à la folie des païens, ne purent pas supporter les sarcasmes et les reproches de Paralios. Aussi tombèrent-ils sur lui dans l’école même où ils étudiaient. Ils avaient attendu le mo men où peu de chrétiens étaient présents et où Horapollon s’était éloigné. C’était le sixième jour de la semaine, qu’on appelle vendredi’, pendant lequel tous les autres professeurs, pour ainsi dire, avaient l’habitude d’enseigner et d’expliquer chez eux. Paralios fut roué de coups; il en eut la tête toute meurtrie et tout son corps fut en quelque sorte couvert de blessures. Après avoir réussi, mais avec peine, à échapper en partie à leurs mains — il était de constitution robuste, — il chercha un refuge et du secours chez les chrétiens, tandis qu’une foule de païens l’entouraient et lui donnaient des coups de pied. Or, nous étions présents en ce moment, ayant cours de philosophie. Les philosophes ainsi qu’Horapollon avaient en effet l’habitude d’enseigner le vendredi dans l’école (σχολή) habituelle. Nous nous approchâmes au nombre de trois: moi, Thomas le sophiste, qui aime le Christ en toute chose (il est comme moi de Gaza) et Zénodote de Lesbos. Comme nous nous trouvions constamment dans les saintes églises avec ceux qu’on appelle (à Alexandrie) Φιλόπονοι, qui sont appelés en d’autres lieux zélateurs et dans d’autres encore compagnons, et que nous leur (aux élèves païens) paraissions dans une certaine mesure redoutables, nous nous approchâmes des perturbateurs qui étaient nombreux, et nous leur affirmâmes qu’ils n’agissaient pas bien du tout, en faisant souffrir de la sorte quelqu’un qui voulait, devenir chrétien. C’était, en effet, ce que criait Paralios. Les païens voulant nous tromper et nous tranquilliser par leurs témoignages disaient : « Nous n’avons pas affaire à vous, mais nous nous vengeons de Paralios comme d’un ennemi. » Nous eûmes beaucoup de peine, à cause de certains perturbateur à arracher Paralios à ces mains meurtrières. Nous le conduisîmes aussitôt au lieu dit ῎Ένατον auprès des moines. Nous leur montrâmes les meurtrissures qu’il avait revues pour la religion chrétienne, leur fîmes savoir combien il avait souffert injustement pour avoir blâmé l’erreur des païens, et leur apprîmes qu’il avait offert au Christ comme de belles prémices les souffrances il avait endurées pour lui. Aussitôt, le grand Salomon (le supérieur d’Etienne et d’Athanase les illustres) prit des moines avec lui, alla à Alexandrie, et fit connaitre ce qui était arrivé à Pierre, qui était à cette époque le patriarche de Dieu. Pierre était un homme très capable et d’une ardente piété. Il excita contre les païens la plupart des notables de la ville, au nombre desquels se trouvait aussi le sophiste Aphthonios qui était chrétien et qui avait beaucoup d’élèves. Aphthonios ordonna aux jeunes gens qui suivaient ses cours d’aller avec nous et, de nous aider. Nous décidâmes tous d’aller dénoncer ensemble les païens meurtriers à l’évêque (ἐπίσκοπος) Pierre. Celui-ci, après nous avoir adjoint son archidiacre (ἀρχιδιάκων) [diacre] et protonotaire qui est appelé en latin primicerius, nous envoya auprès d’Entrichios (Ἐντρέχιος) , qui, en ce temps-là, était préfet (ὕπαρχος) d’Egypte. Entrichios était un adepte caché des païens et l’assesseur qu’il avait comme σύμπονος, s’adonnait ouvertement au culte des démons païens. Ce dernier commença à nous outrager, puis il fit expulser la grande masse des jeunes gens, et ordonna qu’un petit nombre seulement exposassent l’affaire. Après le départ des élèves d’Aphtonios, nous restâmes au nombre de cinq : Pariolos qui, avant le baptême, était confesseur ; l’illustre Ménas que j ai mentionné plus haut : Zénodotos de Mytilène, ville de Lesbos, Démétrios de Suulmone (?), tous les quatre d’ardents champions (ἀγωνισταί) de la crainte de Dieu. A la suite de ceux-là, moi, je venais en qualité de cinquième. Lorsque le préfet (ὕπαρχος) eut appris la gravité de l’affaire, il ordonna que celui d’entre nous à qui cela plairait, rédigeât un acte d’accusation comme bon lui semblerait. Paralios écrivit alors, et accusa certaines personnes d’avoir offert des sacrifices païens, et d’être tombées sur lui comme des brigands. Le préfet (ὓπαρχος) ordonna aux accusés de venir. Lorsque des membres du clergé (κλῆρος) et du corps (τάγμα) les Φιλόπονοι eurent appris l’affront fait à ceux qui avaient rivalisé de zèle pour le bien, qu’ils connurent les sacrifices, et les pratiques païennes qu’on avait osé accomplir. Ils se soulevèrent subitement contre les notables, et attaquèrent avec violence l’assesseur du préfet (ὕπαρχος) en criant : « Il ne convient pas que quelqu’un qui est de religion païenne soit un assesseur du gouvernement, et prenne part aux affaires du gouvernement, car les lois et les édits des empereurs autocrates (αὐτοκτάτορες) le défendent. » Le préfet eut de la peine à sauver son assesseur quand on le réclama. A nous, il ordonna de rester tranquilles. Dès lors le peuple se souleva tout entier contre les païens. Ceux qui avaient été accusés s’étaient en effet enfuis, à commencer par Horapollon, qui fut cause que tous les païens furent poursuivis. Le préfet, dans son amour pour eux, ne les avait pas inquiétés. A la nouvelle de ces faits, le grand Étienne nous appela à Ἔνατον, au couvent de Salomon. Il demanda à Paralios s’il pourrait montrer les idoles païennes cachées à Ménouthis. Paralios répondit qu’il les montrerait, qu’il livrerait l’autel et prouverait les sacrifices qu’on avait osé accomplir. Là-dessus, nous décidâmes de nouveau, avec le très illustre Salomon, d’aller faire connaître ces choses à l’évêque Pierre. Arrivés là, Paralios promit devant Pierre de montrer les idoles, l’autel et les sacrifices, et de faire connaître le prêtre de l’erreur idolâtre. Le grand patriarche de Dieu, Pierre, nous donna alors des membres du clergé (κλῆρος) et invita par lettre ceux qui habitaient le couvent dit des Tabennésiotes (Τεννησιώτης) situé à Canope, de nous aider à extirper et à renverser les dieux démoniaques des païens. Après avoir prié comme il le fallait, on partit pour Ménouthis et on arriva à une maison, qui était alors totalement couverte d’inscriptions païennes (hiéroglyphiques). Dans l’un de ses coins, était bâtie une double muraille. Derrière cette muraille, étaient cachées les idoles. Une entrée étroite en forme de fenêtre y conduisait, et c’est par là que s’introduisait le prêtre pour accomplir les sacrifices. Voulant que notre recherche n’aboutît à rien, les païens, aidés de la prêtresse qui habitait cette maison-ils étaient en effet au courant du soulèvement qui avait eu lieu en ville, avaient bouché l’entrée avec des pierres et de la chaux. De plus, pour qu’on ne s’aperçût pas du caractère récent de la maçonnerie et qu’ainsi on ne découvrît la ruse et l’artifice, ils avaient placé devant cet endroit un meuble (σκευάριον) rempli d’encens (λίβανος) et de πόνανα (?),[3] et ils avaient suspendu au-dessus une lampe (κανδῆλα) qui brûlait alors qu’il faisait plein jour. Il en résulta que Paralios fut d’abord un peu troublé et embarrassé, ne sachant ce que l’entrée, en forme de fenêtre, était devenue. Il découvrit cependant, mais non sans peine, la ruse. Il fit alors le signe de la croix descendit la lampe, écarta le meuble et montra l’entrée qui était bouchée en ce moment avec des pierres, par une maçonnerie récente. Il demanda ensuite aux Tabennésiotes qui nous accompagnaient pour nous aider, d’apporter une hache, puis il chargea l’un d’eux d’ouvrir ce qui avait été fraîchement maçonné, et de faire apparaître l’aspect primitif (de l’ouverture). Le Tabennésiote entra alors. Quand il vit la multitude des idoles et qu’il aperçut l’autel couvert de sang, il s’écria en égyptien: « Il n’y a qu’un seul Dieu », ayant voulu dire par là qu’il fallait extirper l’erreur du polythéisme nous tendit d’abord l’idole de Kronos qui était entièrement remplie de sang, ensuite toutes les autres idoles des démons, puis une collection variée d’idoles de toutes espèces, notamment des chiens, des chats, des singes, des crocodiles et des reptiles; car dans le temps les Égyptiens adoraient aussi ces animaux. Il tendit encore le dragon rebelle. Son idole était de bois, et il me semble que ceux qui adoraient ce serpent, ou plutôt que ce dernier en voulant être adoré de la sorte, rappelaient la rébellion des premières créatures, qui se fit par le bois (arbre), sur les conseils du serpent. On disait que ces idoles avaient été enlevées du temple qu’Isis avait jadis à Memphis par le prêtre de cette époque, quand on s’était aperçu que le paganisme avait perdu sa force, et qu’il était aboli. Elles avaient été cachées, comme nous l’avons dit. On espérait, espoir vain et futile, qu’on ne les découvrirait pas. Nous livrâmes aux flammes, à Ménouthis même, celles d’entre les idoles qui, à cause de leur haute antiquité, étaient déjà en grande partie détériorées. Les païens qui habitaient ce village pensaient, sous l’influence des démons qui les possédaient, qu’il n’était pas possible que l’on eût la vie sauve, si l’on infligeait quelque outrage aux idoles; ils croyaient que l’on périrait sur-le-champ. Nous voulûmes donc leur montrer par les faits que toute la puissance des dieux païens et des démons était brisée et abolie depuis la venue et l’incarnation du Messie, le Verbe de Dieu, qui souffrit pour nous volontairement la croix, afin de détruire toute la puissance adverse; car il a dit : J’ai vu tomber Satan comme un éclair du ciel, et je vous ai donné le pouvoir de fouler aux pieds les serpents et les scorpions et toute la puissance de l’ennemi. Et ce fut pour ce motif que nous livrâmes une partie des idoles aux flammes.[4] Quant aux autres idoles, nous fîmes une description de celles qui étaient d’airain et qui étaient fabriquées avec un certain art ingénieux, ainsi que de celles qui étaient en marbre,[5] de toutes les formes, sans oublier l’autel d’airain et le dragon de bois. Puis nous envoyâmes cette description en ville, à Pierre, le patriarche[6] de Notre-Seigneur Jésus-Christ, en lui demandant de nous apprendre ce que là nous avions à faire. Ceux qui passaient pour être chrétiens à Μénouthis, et ceux qui faisaient partie du clergé de l’église de ce village, étaient, à l’unique exception de leur prêtre, tout à fait faibles dans leur foi, à ce point qu’ils étaient asservis à l’orque les païens leur donnaient pour qu’ils ne les empêchassent pas d’offrir des sacrifices aux idoles. Le soir du jour où nous fîmes ces choses étant arrivé, comme il leur fallait garder les idoles, après que la description en eut été faite, afin que personne ne les volât, ils déclarèrent qu’ils craignaient de souffrir quelque vexation diabolique en les gardant, et estimèrent que c’était à nous à les garder. De leur côté, les païens habitant Ménouthis pensaient et disaient que nous mourrions infailliblement pendant la nuit. Le prêtre, voyant la peur des chrétiens et des clercs, — c’était un bon fidèle que distinguaient les vertus de la vie monastique ainsi que celles de la vieillesse, et dont les mœurs étaient simples, — nous conduisit, après nous avoir offert un repas, dans l’une des chambres[7] de l’église, où étaient déposées les idoles. Il nous dit : « Je méprise à ce point les idoles que je les foule aux pieds et que je leur inflige tous les outrages, ne songeant nullement qu’elles sont quelque chose ». Puis il pria pour nous et nous invita à garder les idoles pendant toute la nuit, sans avoir peur. « Lui-même, disait-il, devait, comme d’habitude s’occuper du service de Dieu. » Nous passons donc toute la nuit à garder les idoles. Nous chantions Que tous ceux-là soient confus qui adorent les ouvrages de sculpture et qui se glorifient dans leurs idoles; puis : Les dieux des nations sont des démons; mais le Seigneur est le créateur des cieux; puis : Les idoles des nations sont de l’argent et de l’or, c’est un ouvrage de la main de l’homme. Elles ont une bouche et ne parlent pas….., ainsi que les paroles qui suivent celles-ci et qui leur ressemblent. Le matin, à notre lever, nous trouvons les païens étonnés de nous voir encore en vie. Tant le culte de certains démons et l’erreur étaient profondément enracinés chez eux! Nous courûmes alors de nouveau avec nos moines Tabennésiotes à la maison où les idoles avaient été trouvées et où les sacrifices avaient eu lieu, et nous la démolîmes de fond en comble. C’était là en effet l’ordre de l’archevêque.[8] Le dimanche était arrivé, pendant lequel Notre-Seigneur Jésus-Christ ressuscita du tombeau et brisa le pouvoir de la mort. Tout le peuple d’Alexandrie, à l’heure de la célébration de l’office, faisait entendre des milliers d’imprécations contre Horapollon, et il criait qu’on ne l’appelât plus Horapollon mais Psychapollon, c’est-à-dire « qui perd les âmes ». Hésychios, qui est admirable par ses vertus (c’est lui qui m’apprit ces choses; il a été dans le temps le chef des Φιλόπονοι, maintenant il est prêtre) avait excité tout le monde au zèle, avec l’aide de Ménas, dont nous avons parlé plus haut, qu’il nous avait semblé bon de laisser en ville. Le patriarche de Dieu fit connaître à tout le monde dans son allocution la description des idoles que nous avions envoyée, dans laquelle étaient indiqués la matière ὕλη) et le nombre des idoles qui avaient été trouvées. Là-dessus, le peuple s’enflamme, apporte toutes les idoles des dieux des païens, soit qu’elles se trouvent dans les bains (βαλανεῖον), ou dans les maisons, les place en tas et y met le feu. Nous revînmes peu de temps après dans la ville. En même temps que les idoles, nous ramenions aussi leur prêtre avec nous. Il nous avait en effet été possible, avec l’aide de Dieu, de nous emparer également de lui. Vingt chameaux avaient été chargés par nous d’idoles variées, quoique nous en eussions déjà brûlé à Ménouthis, comme nous l’avons raconté. Nous les introduisîmes au milieu de la ville, sur l’ordre que nous reçûmes du grand Pierre. Celui-ci convoqua immédiatement auprès de lui, devant le Τύκαιον, le préfet d’Égypte, chefs des corps (τάξις) de troupes, et tous ceux qui étaient revêtus de quelque charge, ainsi que le sénat (βουλή), les grands et les propriétaires (= les possessores) de la ville. Quand il fut assis avec eux, il fit amener le prêtre des idoles et lui ordonna de se tenir debout en un certain endroit élevé. Puis, après qu’on eut exposé les idoles, il se mit à l’interroger. Il lui demanda ce que signifiait cette idolâtrie qui s’exerçait sur une matière (ὕλη) sans âme, lui ordonna de donner le nom de tous les démons et de dire quelle était la cause de la forme (σχῆμα) de chacun d’eux. En ce moment, tout le peuple était déjà accouru pour voir. Il écoutait ce qui se disait, puis se moquait des actions infâmes des dieux des païens que le prêtre faisait connaître. Lorsque l’autel d’airain fut arrivé ainsi que le dragon de bois, le prêtre confessa les sacrifices qu’il avait osé accomplir, et déclara que le dragon de bois était celui qui avait trompé Eve. Il tenait en effet cela, disait-il, par tradition, des premiers prêtres. Il avouait que les païens adoraient le dragon. Celui-ci fut donc aussi livré au feu, en même temps que les autres idoles. On pouvait alors entendre en quelque sorte tout le peuple crier: « Voilà Dionysos, le dieu hermaphrodite! Voilà Kronos qui haïssait les enfants ! Voilà Zeus, l’adultère et l’amant des jeunes gens ! Ceci, c’est Athéné, la vierge qui aimait la guerre; ceci, Artémis, la chasseresse et l’ennemie des étrangers. Arès, ce démon-là, faisait la guerre, et Apollon, c’est celui-là qui a fait périr beaucoup de gens. Aphrodite, elle, présidait à la prostitution. Il y a aussi parmi eux quelqu’un qui avait soin du vol. Quant à Dionysos, il protégeait l’ivresse. Et voici que parmi ces idoles se trouve également le dragon rebelle! Dans leur nombre, il y a encore des chiens et des singes, et, en outre, des familles de chats; car ceux-ci également étaient des dieux égyptiens. » Le peuple se moquait aussi des autres idoles. S’il y en avait parmi elles qui avaient des pieds et des mains, il les brisait et criait en plaisantant dans la langue du pays: « Leurs dieux n’ont pas de karoumtitin (?). Voici également Isis qui est venue pour se laver! » Puis il accablait les païens d’une foule de plaisanteries de ce genre, et faisait l’éloge de Zénon, de pieuse fin, qui tenait à cette époque le sceptre de l’empire; de Pierre, le grand patriarche, ainsi que des notables de la ville qui siégeaient avec lui. Ensuite tout le monde se retira en louant Dieu au sujet de la destruction de l’erreur des démons, et du culte des idoles. Quant au prêtre de la turpitude païenne, ordre fut donné de le garder en vue d’une enquête plus minutieuse. Après ces événements, le grand Étienne, s’étant rappelé la fable de la femme stérile et de l’enfant supposé, et songeant quel grand menteur était Asklépiodotos, craignit que celui-ci ne trompât, en Asie, des gens avec cette insanité. Aussi le grand Salomon conseilla secrètement à l’archevêque d’ordonner qu’acte (πρᾶξις) fût dressé des dépositions (ὑπομνήματα) par le defensor (ἔκδικος) de la cité, lorsqu’il demanderait que le prêtre des païens fût soumis à un interrogatoire au sujet de l’enfant. Cela fut fait, et le prêtre avoua toutes les choses que nous avons déjà racontées, car c’est de lui que nous les tenons. Quand l’imposture d’Asklépiodotos fut connue de tout le monde, l’illustre Étienne décida de son côté le grand Pierre à adresser une lettre synodale (συνοδική) à Nonnos, l’évêque d’Aphrodisias, dans laquelle il lui faisait connaître toutes les machinations des païens que le prêtre, lors de son interrogatoire, avait mises par écrit (?), au sujet de l’enfant supposé, et dans laquelle il l’exhortait à révéler à tous l’histoire de cette fable. Mais cette lettre synodale ne fut pas remise. Celui qui avait été chargé de la porter, avait été, à son arrivée en Carie, corrompu par un présent, comme nous finîmes par l’apprendre. Il s’ensuivit que les païens d’Aphrodisias crurent quelque temps que l’histoire de cette fable était vraie, jusqu’au moment où le juge Adraste s’émut de la chose — c’était un homme pieux, qui était le σχολαστικός du pays — et prit soin de faire venir d’Alexandrie en Carie, par l’entremise du préfet d’Égypte de cette époque, une copie de l’acte concernant cette fable.[9] Paralios, après avoir offert à Dieu un exploit de ce genre, reçut le baptême de rédempteur lorsque la fête de Pâques arriva, en même temps que beaucoup de païens qui avaient été pleins de zèle pour l’idolâtrie jusqu’à leur vieillesse, et avaient servi longtemps les démons pervers. Avec lui fut aussi baptisé l’admirable Urbanus, qui est aujourd’hui, dans cette ville impériale,[10] professeur de grammaire latine,[11] et Isidore de Lesbos, frère de Zénodotos que j’ai mentionné plus haut, ainsi que beaucoup d’autres. Il reçut le baptême, après avoir brûlé auparavant les formules d’invocation aux dieux des païens, c’est-à-dire, aux démons, qu’il possédait. Ceux-ci le tourmentant en effet avant le baptême divin et le remplissant d’épouvante pendant la nuit, depuis que les idoles avaient été brûlées, il m’avait fait venir chez lui, pour me demander ce qu’il devait faire. Je me rendis auprès de lui, ayant avec moi un livre des chrétiens et voulant lui lire l’homélie d’exhortation de Grégoire le Théologien (θεολόγος), relative au baptême rédempteur. Je le trouvai, à la suite d’une lutte avec les démons, tout en nage et très abattu. Il pouvait à peine respirer, disait-il, sous l’influence des paroles chrétiennes. Je lui demandai s’il n’avait pas par hasard des formules d’invocation aux dieux des païens. Il avoua, lorsqu’il eut fait appel à son souvenir, qu’il possédait des papiers (χάρτης) de ce genre. Il m’entendit alors lui dire : « Si tu veux être délivré de l’obsession des démons, livre ces papiers (χάρτης) aux flammes. » C’est ce qu’il fit aussi devant moi, et, à partir de ce moment, il fut délivré de l’obsession des démons. Je lui lus après cela l’homélie d’exhortation du divin Grégoire. Lorsqu’il eut entendu ces paroles : « Mais vis-tu dans le monde et es-tu souillé par les affaires publiques, et te serait-il pénible de perdre la miséricorde divine? Le remède est simple : si c’est possible, fuis le forum et sa belle société; attache-toi les ailes de l’aigle ou plutôt de la colombe, pour parler d’une façon plus appropriée. (Qu’y a-t-il, en effet, de commun entre toi et César, ou les affaires de César?) Tu t’arrêteras là où n’existe pas le péché ni la noirceur, là où il n’y a pas de serpent qui mord dans le chemin et qui t’empêche de marche dans la voie de Dieu. Arrache ton âme de ce monde, fuis Sodome, fuis l’incendie, fais route sans te retourner de peur que tu ne te figes en pierre de sel, sauve-toi sur la montagne de crainte que tu ne périsses. » Lorsque, dis-je, Paralios eut entendu la lecture de ce passage, il s’écria : « Prenons donc des ailes et envolons-nous vers la philosophie divine avec[12] le baptême rédempteur. » Ce fut avec cette pensée qu’il s’approcha du divin baptême et qu’il fut initié aux mystères divins. Le huitième jour après le baptême, quand il devait quitter les vêtements des [nouveaux] baptisés, il emmena mon frère Étienne, qui étudiait les lettres et apprenait la médecine, vers l’allégresse de la vie monastique. Il l’emmena pendant la nuit, à mon insu, parce qu’il m’avait trouvé trop faible, pour dire la vérité[13] courut avec lui à Ἐνατον, et alla au couvent du grand Salomon, auprès de l’illustre Étienne. Après avoir supplié ardemment son frère Athanase, il prit l’habit (σχῆμα) monastique et embrassa la philosophie divine, parmi eux, en même temps que mon frère. Paralios s’occupa alors de ses deux autres frères, qui étaient païens à Aphrodisias. L’un d’eux était le σχολαστικός de la contrée, et s’appelait Démocharès (Δημοχάρης); l’autre s’appelait Proclos et était le sophiste (σοξιστής) de la ville. Il leur écrivit une lettre d’admonition, dans laquelle il leur raconta tout ce qui s’était passé. Il les exhortait à tourner immédiatement leur regard vers le chemin du repentir et à embrasser le culte d’un seul Dieu, je veux dire, de la Trinité sainte et consubstantielle. Il les engageait à apprendre par les faits quelle était la puissance du christianisme. Il leur rappela des histoires comme celle de la rébellion d’Illos et de Pamprépios. « Souvenez-vous, leur disait-il, combien de sacrifices nous offrîmes, comme païens, en Carie, aux dieux des païens, lorsque nous leur demandions, à ces prétendus dieux, tout en disséquant des foies et en les examinant par la magie, de nous apprendre si avec Léontios, Illos et Pamprépios et tous ceux qui se rebellèrent avec eux, nous vaincrions l’empereur Zénon, de pieuse fin. Nous reçûmes alors une multitude d’oracles en même temps que des promesses, comme quoi l’empereur Zénon ne pouvait pas résister à leur choc, mais que le moment était venu où le christianisme se désagrégerait et disparaîtrait, et où le culte des païens allait reprendre. Cependant l’événement montra que ces oracles étaient mensongers, comme cela arriva pour ceux rendus par Apollon à Crésus le Lydien et à Pyrrhus l’Épirote. » — Et, continua-t-il, vous connaissez aussi les faits suivants « Lorsque nous sacrifiions dans la suite, dans ces lieux situés hors ville, nous restions privés de tout signe, de toute vision, de toute réponse, quoique auparavant nous fussions habitués à éprouver quelque illusion (φαντασία) de ce genre. En proie à la perplexité, nous recherchions et nous nous demandions ce que cela voulait dire. Nous changions les lieux des sacrifices. Malgré cela, les soi-disant dieux restaient muets et leur culte demeurait sans effet. Aussi, nous pensâmes qu’ils étaient irrités contre nous, et l’idée nous vint finalement que peut-être quelqu’un de notre suite avait une volonté opposée à ce que nous accomplissions. Nous nous interrogions donc mutuellement et nous nous demandions si nous étions tous du même sentiment. Nous trouvâmes alors qu’un jeune homme avait fait le signe de la croix au nom du Christ et qu’il avait rendu par là notre sollicitude vaine et nos sacrifices inefficaces, les soi-disant dieux fuyant souvent le nom [du Christ] et le signe de la croix. Nous ne savions comment expliquer la chose. Asklépiodotos ainsi que les autres fornicateurs et magiciens se mirent alors à la recherche. L’un d’eux crut avoir imaginé la solution de la difficulté et dit : « La croix est un signe qui indique qu’un homme a péri de mort violente. C’est donc avec raison que les dieux ont en horreur des figures (σχῆμα) de ce genre. » — Après avoir rappelé ces faits à ses frères dans la lettre qu’il leur envoya, Paralios le serviteur de Notre-Seigneur Jésus-Christ, ajouta : « Et si cela est vrai, mes frères, et si ces dieux fuient ce qui rappelle et indique que des gens ont péri de mort violente, pourquoi dans les mystères relatifs au Soleil, les soi-disant dieux ne se manifestent-ils aux initiés que lorsque le prêtre produit une épée souillée du sang d’un homme qui a péri de mort violente? Aussi, les amis de la vérité peuvent-ils se rendre compte par ceci que le signe de la croix fait par le jeune homme sur son front a montré que les soi-disant dieux n’étaient rien. D’autre part, l’invocation du nom de Jésus-Christ, comme elle est l’invocation de Dieu et qu’elle inspire de la crainte aux démons pervers, a montré que celui qui a fui pouvait être vaincu.[14] Les meurtres violents des hommes sont très recherchés par les dieux des païens, vu que ce sont des démons pervers. Ils ressemblent à leur père le diable, au sujet duquel notre Sauveur a dit : Celui-là a été homicide dès le commencement. C’est pour ce motif qu’ils ne consentent à faire leurs révélations qu’à la vue d’un homme qui a été tué violemment à la suite de leurs machinations, et qui provoque leurs indications. C’est encore pour ce motif qu’ils ont ordonné qu’on leur sacrifiât des êtres humains, comme le disent ceux qui ont raconté l’histoire de leur culte, et même Porphyre qui sévit contre la vérité. » C’est par ces histoires et ces admonitions que Paralios cherchat détourner ses frères de l’erreur, sous l’inspiration du grand Étienne et de son frère Athanase. Lui-même s’appliqua avec une telle allégresse à la philosophie divine que beaucoup de jeunes étudiants l’imitèrent et embrassèrent la vie monastique dans le couvent de l’admirable Étienne, qui les prit tous dans les filets de la doctrine apostolique. Jean aussi eut le plaisir de jouir de son amitié. Chacun d’eux est aujourd’hui directeur dans ce couvent et égale en vertu ses prédécesseurs l’un d’eux avait été l’adjudant (βοηθός) de la cohorte (τάξις) du préfet (ὕπαρχος) d’Égypte, l’autre cultiva la vraie philosophie, après avoir étudié d’une façon remarquable la médecine et la philosophie profane. Le grand Étienne fut le maître d’hommes de cette valeur. Quand, au bout d’un certain temps, Étienne, le maître commun de nous tous, fut retourné à Dieu, Paralios se rendit avec son frère, l’illustre. Athanase, en Carie, pour convertir ses frères; il y fonda une communauté chrétienne dont il abandonna, comme de juste, la direction à son frère et à son père. Peu de temps après, il partit pour « les tentes éternelles » et fut reçu dans le sein d’Abraham. Athanase vécut encore quelque temps. Il baptisa aussi en Carie beaucoup de païens, fit naître par sa conduite le zèle chez beaucoup de gens, puis il rejoignit le divin Étienne et Paralios, qui fut leur disciple commun, et parvint à la fin et à la félicité réservées à ceux qui ont vécu dans la crainte de Dieu. ***************** Mais que personne ne pense que cette histoire est étrangère à notre sujet. Nous avons pour but de montrer que l’accusation portée contre le grand Sévère n’est nullement fondée. Bien loin d’avoir jamais mérité l’accusation et le reproche d’idolâtrie, il était constamment avec ceux qui firent preuve de ce zèle contre les païens, et louait leur conduite. Il était chrétien par sa foi, mais n’était encore que catéchumène[15] en ce moment. Comme il s’appliquait alors à l’étude des sciences profanes, il ne put pas se montrer tel que tout le monde le vit en Phénicie. Cependant le fait suivant prouve qu’à Alexandrie également il était bien au-dessus de toute opinion païenne. Quelque temps après la destruction des idoles, le pieux Ménas, qui prophétisa à Sévère la dignité d’évêque, quitta la vie humaine. Il fit immédiatement route vers celui qu’il aimait, orné de nombreuses vertus : de la virginité de l’âme et du corps, de l’amour du prochain, de l’humilité, d’une charité parfaite, et d’une grande douceur. A cette époque, j’étais affligé d’une maladie corporelle, et les païens pensaient que nous recevions notre châtiment pour ce que nous avions fait à leurs dieux, dans notre zèle pour la religion, et pour les idoles que nous avions brûlées. Ils répandaient le bruit que moi aussi je mourrais certainement cette époque. Lorsque, dans la suite, par un miracle dû à la bonté de Notre-Seigneur Jésus-Christ, j’eus été délivré de la maladie, je prononçai l’éloge de l’illustre Ménas dans un discours funèbre. J’y fis mention de la destruction des idoles païennes; j’y racontai leur anéantissement par le feu, devant tout le peuple de la ville; enfin, tout ce qui s’était passé, je le rappelai, comme il fallait, sur la tombe de celui qui, par sa grande aménité et son amour du prochain, faisait même l’admiration des païens, avant le zèle que l’on montra contre eux. Le grand Sévère se réjouissait tellement et éprouvait une si vive joie en entendant ce discours, et il se glorifiait à ce point des paroles proférées par moi contre les païens, comme de propres paroles à lui, qu’il m’applaudissait plus que tout le inonde. Pendant ce temps, les païens, que nous avions invités à venir écouter, et qui étaient venus sans savoir ce qui allait être dit, pleuraient en quelque sorte sur leurs malheurs, et l’un d’eux s’écria tout en colère : « Si tu avais l’intention de parler contre les dieux, pourquoi nous as-tu amenés auprès de la tombe de ton ami? » J’ai été obligé de dire ces choses à cause du calomniateur en question. Car je ne cherche pas à raconter mes affaires, qui sont celles d’un homme plongé dans le péché et indigne d’écrire l’histoire non seulement du grand Étienne, d’Athanase et de Paralios, mais encore de Ménas, ainsi que des amis de ceux-là qui rivalisèrent de zèle avec eux, et principalement de Sévère, qui est la cause du présent opuscule, et dont nous allons également raconter le séjour en Phénicie. * * * Lorsque le très illustre Sévère fut sur le point de quitter Alexandrie et de se rendre en Phénicie dans le but d’étudier le droit (νόμοι) et avec l’idée de devenir avocat (δικανικός), il m’engagea à partir avec lui. Mais je lui dis que j’avais encore besoin d’étudier davantage les discours des rhéteurs et des philosophes, à cause des païens, qui se glorifiaient et s’enorgueillissaient tant de ces études, afin que nous les combattions aussi publiquement sous ce rapport. Sévère me précéda donc en Phénicie, mais d’une année seulement. Celle-ci écoulée, je me rendis à mon tour à Béryte pour étudier le jus civile. Je m’attendais à devoir souffrir de la part des étudiants appelés edictales (ἠδικτάλιοι) tout ce qu’endurent ceux qui arrivent nouvellement dans cette ville pour apprendre les lois. Ils n’endurent, en vérité, rien de honteux. On accable seulement de plaisanteries ceux que l’on voit, et on éprouve ainsi sur l’heure la possession de soi-même de ceux dont on se moque et dont on s’amuse. Je m’attendais surtout à avoir à souffrir de la part de Sévère, aujourd’hui cet homme sacré. Je pensais, en effet, qu’étant encore jeune, il imiterait la coutume des autres. J’entrai le premier jour dans l’école (σχολή) de Léontios, fils d’Eudoxios, qui enseignait alors le droit (νόμοι) et qui jouissait d’une grande réputation auprès de tous ceux qui s’intéressaient aux lois. Je trouvai l’admirable Sévère, assis avec beaucoup d’autres auprès de ce maître pour écouter les leçons sur les lois. Alors que je croyais qu’il serait un ennemi pour moi, je vis qu’il était favorablement disposé à mon égard. Il me salua en effet le premier, en souriant et en se réjouissant. Aussi remerciai-je Dieu pour ce prodige remarquable. Lorsque nous, qui étions à cette époque les dupondiι, nous nous fûmes retirés, ayant terminé notre exercice (πρᾶξις), tandis que ceux qui étaient de l’année de Sévère restaient encore pour leur compte, je me rendis en courant à la sainte église appelée Ἀναστασία (église de la Résurrection) afin de prier. Ensuite j’allai à celle de la Mère de Dieu, qui est située à l’intérieur de la ville, tout près du port (λιμήν). Ma prière achevée, je me promenai devant l’église même. Peu de temps après, cet homme de Dieu (Sévère) vint auprès de moi. Il me salua gaîment et me dit : « Dieu t’a envoyé à cause de moi dans cette ville. Apprends-moi donc comment je dois être sauvé. » Je levai alors de joie les yeux au ciel, et je remerciai Dieu d’avoir inspiré à Sévère cette pensée et de l’avoir fait songer à son salut. Puis je lui dis : « Puisque ta question a trait aux choses de la piété, viens — je l’avais pris par la main, — je vais te conduire au temple de la Mère de Dieu, et là je te raconterai ce que les saintes Écritures et les saints Pères m’ont appris. » Lorsqu’il eut entendu ces paroles, Sévère me demanda si j’avais avec moi des livres du grand Basile, des illustres Grégoire et des autres docteurs. Je lui répondis que j’apportais beaucoup de leurs écrits. Là dessus, il vint avec moi au temple de la Mère de Dieu. Après avoir d’abord récité avec moi les prières qu’il fallait, il me posa la même question [qu’au début]. Commençant alors par le livre de la Genèse, qui a été écrit par le grand Moïse, je lui fis voir la sollicitude de Dieu à notre égard; comment après avoir créé tout ce qui existe et nous avoir tirés également du néant, il avait placé nos premiers parents dans le paradis (παράδεισος); comment il leur avait donné, comme à des êtres doués de raison et maîtres d’eux-mêmes, la loi de salut, au sujet de ce qu’ils devaient faire; et comment, après avoir méprisé les commandements souverains, par la tromperie du serpent, ils avaient perdu cette vie heureuse, et échangé l’immortalité contre la mort, dont la loi les avait menacés d’avance. Tout en lui disant cela, je lui montrais Adam et Ève — ils étaient peints dans le temple — revêtus de tuniques de peau, après leur expulsion du paradis (παράδεισος). Je lui fis voir ensuite les nombreuses souffrances qui étaient résultées de là, toute la ruse et la puissance des démons que nous avions déchaînées volontairement contre nous, en obéissant à celui qui est à la tête de toute révolte. Puis je mentionnai la miséricorde de Dieu envers nous. Dans sa bonté il ne permit pas que sa créature pérît, elle, qui aurait été incorruptible, qui n’aurait point été sujette aux souffrances de la nature humaine, une fois sortie du néant pour entrer dans le devenir;[16] elle, qui aurait reçu l’immortalité supérieure à notre nature, si elle avait gardé la loi de Dieu. Ensuite je continuai : « Après la loi naturelle, Dieu nous donna aussi la loi écrite par l’intermédiaire de Moïse. Il vint également en aide à la nature par l’entremise de beaucoup de saints prophètes. Mais quand il vit que la plaie avait besoin d’un remède plus puissant, le Verbe de Dieu et le Dieu Créateur nous visita, après avoir été fait homme par la volonté du Père et du Saint-Esprit. Soleil levant, il brilla, des hauteurs sur nous qui étions assis dans les ténèbres et dans l’ombre de la mort ! Il fut conçu du Saint-Esprit dans la chair, et sortit par la vertu du Saint-Esprit d’un sein virginal et immaculé Il laissa à sa mère sa virginité. Ce fut là la première preuve qu’il donna de sa divinité : il produisit par un miracle une conception sans semence et sans tache, et un enfantement au-dessus de la nature. Il voulut ensuite nous arracher à la puissance du diable, ce rebelle à qui nous avions vendu notre âme, et accepta volontairement la croix pour nous dans son corps. Il livra son corps à la mort comme prix de notre rançon, et ressuscita le troisième jour, ayant brisé la tyrannie du diable et des démons pervers, ses auxiliaires, ainsi que le pouvoir de la mort. Il nous ressuscita avec lui, nous fit asseoir avec lui dans le ciel, comme le dit l’Écriture et nous montra la nouvelle voie du salut, laquelle mène au ciel. Après avoir conquis toute la terre au moyen de ses apôtres, il abolit les oracles de la magie païenne, et les sacrifices des démons, établit une seule église catholique (καθολική) sur toute la terre, et nous apprit à nous repentir et à chercher un refuge en lui au moyen du baptême rédempteur, lequel symbolise la sépulture de trois jours et la résurrection du Sauveur de nous tous, le Christ. » Lorsque j’eus encore produit de nombreuses autres preuves [de la divinité du Christ], dont les Evangiles (Εὐαγγέλια) sont remplis, je dis à Sévère : « Il est donc nécessaire, mon ami, que toutes les personnes intelligentes cherchent un refuge en lui par le baptême qui vivifie. — Tu as bien parlé, me dit-il, mais maintenant il nous faut arrêter une ligne de conduite. Car je m’occupe ici de l’étude des lois. — Si tu veux m’en croire, lui dis-je, ou plutôt si tu veux en croire les saintes Écritures et les docteurs universels de l’Église, fuis d’abord les spectacles honteux, les courses de chevaux et le théâtre (θέατρον), et ceux où l’on voit des bêtes opposées à de pauvres malheureux. Ensuite, garde ton corps en état de pureté, et offre chaque jour à Dieu, après l’étude des lois, les prières du soir dans les saintes Églises. Il convient en effet que nous, qui avons la connaissance de Dieu, nous accomplissions les devoirs du soir dans les saintes Églises, pendant que les autres passent d’ordinaire leur temps à jouer aux dés (κύβοι), à se vautrer dans l’ivresse, à boire avec des prostituées et même à s’avilir complètement. Sévère promit de faire et d’observer cela. « Seulement, dit-il, tu ne feras un moine de moi. Car je suis étudiant en droit (δικανικός), et j’aime beaucoup les lois. Maintenant, si tu veux encore autre chose, dis-le. » Plein de joie, je lui répondis : « Je suis venu dans cette ville pour étudier le jus civile, car j’aime la science des lois (δικανική). Mais, puisque tu te soucies aussi de ton salut, je vais te soumettre un projet qui, sans nuire à l’étude des lois et sans exiger beaucoup de loisir, nous procurera la connaissance de la rhétorique, de la philosophie, la science des saintes Ecritures et de la théologie. — Quel est ce projet ? dit-il. Car tu me fais là une grande et forte promesse, s’il est possible que, sans négliger l’étude des lois, nous puissions également acquérir d’aussi grands biens, surtout le dernier qui est le plus important de tous. — Nous étudions, les lois, d’après ce que j’ai appris, pendant toute la semaine, sauf le dimanche et le samedi après-midi. — En effet, nous assistons aux leçons que nos maîtres nous font sur les lois pendant les autres jours de la semaine, nous les répétons ensuite pour notre compte chez nous, et nous nous reposons pendant la moitié du jour qui précède le dimanche, jour (dimanche) que même la loi (νόμος) civile (πολιτικός) nous ordonne de consacrer à Dieu. — Si donc cela te convient, lui dis-je, nous réserverons pour ce moment-là les écrits des docteurs de l’Église, c’est-à-dire ceux du grand Athanase, de Basile, de Grégoire, de Jean, de Cyrille, etc. Laissant nos condisciples s’occuper comme bon leur semble, nous nous délecterons dans la théologie, et dans les sentences et la science profonde des écrits ecclésiastiques. — C’est pour ce motif, mon ami, me répondit Sévère, que je t’ai demandé, dès l’abord, si tu apportais avec toi tous ces livres. Or, maintenant que, grâce à Dieu, nous sommes convenus de quelque chose, tu vas nous faire obtenir les biens dont tu as parlé, car je ne te quitterai pas pendant les moments en question. » D’accord tous les deux, nous nous mîmes à l’œuvre. Nous commençâmes par les traités que différents auteurs ecclésiastiques ont écrits contre les païens. Nous lûmes après cela l’Hexaméron du très sage Basile, ensuite ses discours détachés et ses lettres, puis le traité adressé à Amphilochios, la réfutation qu’il a écrite contre Eunornios, ainsi que l’allocution (προσφωνητικόν) aux jeunes gens, dans laquelle il leur apprend comment ils tireront profit des ouvrages des païens. Ensuite, continuait nos lectures, nous en arrivâmes aux écrits des trois divins Grégoire et à ceux des illustres Jean et Cyrille. N’y avait que Sévère et moi qui fissions ces lectures profitables pendant les moments indiqués. Mais nous nous rendions chaque jour de compagnie à l’église pour accomplir les devoirs du soir. Nous avions avec nous l’admirable Evagrios, que Dieu avait envoyé exprès à Béryte pour pousser beaucoup de jeunes gens à échanger la vanité du barreau (δικανική) contre la philosophie divine. Cet Evagrios était de Samosate, et avait été instruit dans les écoles (σχολαί) d’Antioche la grande. Quand il était jeune, il lui arriva de se laisser entraîner par les passions de la jeunesse, et il alla voir un spectacle qui se donnait clans cette ville. Une sédition (στάσις) eut lieu et il y fut blessé. Corrigé par cette blessure, il prit en horreur les spectacles honteux, et fréquenta depuis lors avec assiduité les saintes Églises, s’étant joint à ceux qui, en ce temps-là, chantaient toute la nuit dans l’église du très illustre Étienne, le protomartyr. C’étaient des personnes adonnées à la philosophie pratique, qui, sous la plupart des rapports, ne le cédaient en rien aux moines. Après s’être appliqué à la science préliminaire, Évagrios voulut s’élever jusqu’à la philosophie et embrasser complètement la vie monastique. Mais son père le força d’aller en Phénicie, pour y étudier les lois, à l’époque où moi aussi je m’y rendis. A la même époque, l’admirable Élisée, originaire de la Lycie, vint aussi à Béryte pour le même motif. Élisée était un homme très doux et très humble. Il était de mœurs simples, et plein de compassion pour ceux qui ont besoin de nourriture et de vêtements. Ayant trouvé dans Évagrios et Élisée en quelque sorte des nourriciers[17] pour moi et ayant vu qu’ils préparaient à l’amour de Dieu, je leur proposai d’offrir ensemble à Dieu les prières du soir dans les saintes Églises. La chose fut décidée, et nous nous réunissions chaque soir dans l’église dite de la Résurrection, après nous être appliqués à l’étude des lois et aux travaux qui s’y rapportent. Il s’ensuivit que beaucoup d’autres se joignirent à nous, et en tout premier lieu, l’illustre Sévère, selon ce qui avait été convenu entre nous. Après Sévère, vinrent Anastase d’Edesse, Philippe de Pataru, ville de Lycie, et Anatolios d’Alexandrie. C’étaient des personnes pieuses, et les premières dans la connaissance du jus civile, car elles le travaillaient et l’étudiaient depuis quatre ans. Elles demandèrent à être reçues dans nos rangs. Nous avions aussi avec nous Zénodore, de pieuse mémoire, qui vint après nous à Béryte. Il était comme moi originaire du port de Gaza. Après avoir brillé ici, dans le Portique (στοά) royal, parmi les avocats (σχολαστικοί), il a quitté dans ces derniers temps la vie humaine. Faisait encore partie avec nous de cette société, Étienne de Palestine, qui arriva également dans la suite [à Béryte]. Evagrios était le président de cette sainte association. C’était un philosophe pratique de Notre-Seigneur Jésus-Christ. Il jeûnait en quelque sorte tous les jours, et consumait la grande fleur de la jeunesse dans la philosophie divine. Il torturait son corps par les veilles et ne se baignait jamais, sauf un seul jour: c’était la veille de Pâques, la fête de la grande résurrection de notre Sauveur à tous, le Christ. Le grand Sévère rivalisa peu à peu avec lui dans la pratique et dans la théorie. Il étudiait, en effet, avec moi de la manière qui a été dite. Une fois qu’il fut versé dans les écrits des docteurs de l’Église et qu’il eut reçu d’eux la partie théorique (θεωρία) de la philosophie divine, ainsi que les principes de la philosophie pratique, il se tourna vers la manière d’agir de l’admirable Évagrios, comme vers un exemple, un type (τύπος) et un modèle (εἰκών) vivants. Il voyait en lui un philosophe chrétien, qui ne se contentait pas de la théorie, comme moi et beaucoup d’autres, mais qui abordait aussi la pratique, imitait donc Évagrios et ses perfections, en torturant comme lui son corps par le jeûne. Il s’efforçait d’égaler sa chasteté et ses autres vertus en s’abstenant de manger de la viande, non pas parce qu’elle est mauvaise, comme le disent les Manichéens, mais parce qu’en s’en abstenant, on se rapproche davantage de la philosophie. Il ne prenait pas de bains pendant la plus grande partie de l’année, et finit pas ne plus en prendre que le même jour qu’Évagrios.[18] Sur ces entrefaites, il arriva que des étudiants en droit de Béryte se firent un grand renom dans la magie. C’étaient Georges, originaire de la ville de Thessalonique, qui est la première ville de l’Illyricum, Chrysaorios de Tralles, ville d’Asie; Asklépiodotos d’Héliopolis, ainsi qu’un Arménien, et d’autres individus de leur espèce. Ils étaient soutenus par Jean, surnommé le Foulon, originaire de Thèbes en Egypte, et ils ne cessaient de machiner des choses impies comme les suivantes. Ils réunirent de tous côtés des ouvrages de magie, et les montrèrent à des personnes qui se complaisaient dans les menées des perturbateurs.[19] Tout le monde pensa donc qu’ils allaient accomplir un meurtre abominable. Le bruit se répandit d’ailleurs sur leur compte qu’ils méditaient de sacrifier pendant la nuit, dans le cirque, un esclave éthiopien appartenant à ce Thébain. Ils voulaient se concilier, à ce qu’ils disaient, par ce forfait abhorré de Dieu, le démon qui leur était attaché, et lui faire accomplir ainsi, à ce qu’ils supposaient, ce qu’ils projetaient. Leur but général était de commettre n’importe quelle action criminelle et leur but particulier d’amener de force au maître de cet esclave, par le désir de l’amour et la violence des démons, une femme qui vivait dans la chasteté et dont il était éperdument amoureux. Ils conduisirent donc cet esclave, comme pour quelque autre motif, dans le cirque, au milieu de la nuit. Mais au moment où ils allaient commettre ce crime, Dieu qui se soucie de ce que font les hommes, eut pitié de ce malheureux esclave et fit passer des gens en cet endroit. Effrayés de leur propre audace ainsi que de cet incident imprévu, ils prirent la fuite, et l’Ethiopien trouva de la sorte l’occasion de s’échapper de leurs mains meurtrières, déjà prêtes à le mettre à mort. Cet esclave fit connaître l’attentai mené contre lui à un compatriote de son maître, qui était un très bon chrétien et craignait le jugement de Dieu. Ce compatriote, vu l’intérêt qu’il portait au maître de l’esclave et la pitié qu’il ressentait pour l’esclave lui-même, nous fit part de la tentative criminelle de ces personnes, ainsi que de leur désir de meurtre, et sollicita pour l’âme de son compatriote, assiégée par les démons, un secours chrétien. Il s’intéressait en effet, disait-il, à celui-ci, en sa qualité de compatriote. Lorsqu’il nous eut appris ces choses, nous lui demandâmes si son compatriote possédait des livres de magie; car le fait qu’il était magicien était en quelque sorte connu de tous ceux qui étudiaient les lois dans cette ville. — Oui, dit-il, l’Éthiopien en a aussi parlé. — Nous décidâmes alors, moi, Evagrios, Isidore et Athanase — ces deux-ci étaient d’Alexandrie, c’étaient deux frères animés d’une ardente piété — ainsi que celui qui nous avait fait connaître ces choses, de nous adjoindre Constantin et Polycarpe, qui étaient de Béryte, pour délibérer sur ce que nous avions à faire. Le premier exerçait depuis longtemps la profession d’avocat dans cette ville; le second était soldat dans la cohorte du préfet. Tous les deux avaient l’expérience des affaires, et fréquentaient avec nous les saintes Églises. De plus, Constantin passait pour être l’ami de celui qui avait été accusé de choses aussi graves. Nous les mîmes au courant des faits, comme il le fallait. Après avoir délibéré beaucoup sur les moyens à employer pour délivrer, avec l’aide de Dieu, cet homme de l’erreur des démons et du danger (κίδυνος) qui le menaçait, nous décidâmes de nous rendre tous ensemble chez lui, de lui parler le langage de l’amitié et de lui dire que nous venions auprès de lui comme auprès d’un frère, que nous nous intéressions à sa bonne réputation (ὑπόλεψις) et que nous voulions examiner ses livres à cause du soupçon auquel il était en butte; que nous étions en état, avec l’aide de Dieu, de dissiper le bruit répandu sur son compte dans toute la ville, si nous trouvions qu’en réalité il n’y prêtait pas. Cette décision nous parut excellente et nous nous rendîmes chez lui. Il nous reçut tant à cause de son compatriote, et de son ami Constantin, que parce que nous avions tous l’air doux et l’aspect humble. Nous lui fîmes alors part, avec toute la douceur voulue, des choses dont nous étions convenus entre nous, après l’avoir prié auparavant d’accueillir en frère nos paroles et de ne pas prendre en mauvaise part notre admonition. Comme il avait caché ses livres de magie sous le siège de sa chaise, qu’il avait fait faire pour eux en forme de caisse (θήκν), et qui était dérobée à la vue de ceux qui se rendaient auprès de lui, il nous répondit avec assurance. « Puisque tel est votre bon plaisir, à vous qui êtes des amis, examinez mes livres, comme vous voudrez. » Cela dit, il fit apporter tous les livres qui étaient placés en vue dans sa maison. N’y ayant rien trouvé, après les avoir examinés, de ce que nous cherchions, l’esclave de cet homme, dont on avait comploté, ainsi qu’il l’avait dit, l’immolation et le meurtre, — nous indiqua furtivement la chaise de son maître, en nous donnant à entendre par signes que si nous enlevions seulement une planche, aussitôt les livres que nous cherchions apparaîtraient. C’est ce que nous fîmes. Lorsqu’il s’aperçut que son artifice était connu de tout le monde, il se jeta sur sa face et nous supplia, les larmes aux yeux, de ne pas le livrer aux lois; nous étions des chrétiens et pénétrés de la crainte de Dieu. Nous lui répondîmes que nous n’étions pas venus auprès de lui pour lui faire du mal, comme Dieu en était témoin, mais dans le désir de sauver et de guérir son âme. Il devait toutefois brûler de sa propre main ces livres de magie, dans lesquels il y avait certaines images des démons pervers, des noms barbares, des indications présomptueuses et nuisibles, et qui étaient remplis d’orgueil et convenaient tout à fait aux démons pervers. Certains d’entre eux étaient attribués à Zoroastre le mage, d’autres à Ostanès le magicien, enfin d’autres à Manéthon. — Il promit de les brûler, et ordonna qu’on apportât du feu. Entre-temps, il nous racontait qu’étant tombé amoureux d’une femme, et qu’ayant pensé qu’à l’aide de ces livres, il triompherait de son refus d’avoir commerce avec lui, il avait eu recours à la perversité de cet art. Il ajouta que l’art des magiciens était tellement impuissant et que ses promesses étaient tellement vaines que cette femme le haïssait encore davantage; à cause d’elle, non seulement lui, mais beaucoup d’autres encore, s’étaient adonnés à la magie et à la sorcellerie. Il en énuméra aussi les noms, en disant qu’ils possédaient également des livres de ce genre. Lorsqu’on lui eut apporté le feu, il y jeta, de sa propre main, ces livres de magie. Il remerciait Dieu, disait-il, d’avoir daigné le visiter et de l’avoir libéré de la servitude et de l’erreur des démons. Il était en effet chrétien, déclarait-il, et fils de parents chrétiens, mais il avait erré pendant ce temps-là et avait adoré les idoles, afin de se concilier les démons malfaisants. Aussi lui fallait-il offrir [au Seigneur] un repentir et des larmes en proportion de son péché. — Quand ces ouvrages, abhorrés de Dieu, furent brûlés, nous mangeâmes tous ensemble, après avoir prié auparavant, et loué et remercié le Seigneur de ce qui venait de se passer. L’heure du repas de midi était en effet déjà arrivée. Nous mangeâmes les vivres que chacun de nous avait apportés de chez lui, tout préparés pour son déjeuner. Parmi eux, il y avait aussi de la viande. Nous avions, en effet, veillé à ce que cet homme mangeât de la viande avec nous, parce qu’on dit que ceux qui se plaisent dans la magie et qui ont recours aux démons pervers, s’en abstiennent, et considèrent cet aliment comme impur. Notre repas achevé, nous nous rendîmes au temple très vénérable du saint apôtre Jude, frère de Jacques le Juste, qui étaient tous deux fils de Joseph, l’époux de la sainte Vierge, toujours vierge, Marie, Mère de Dieu, et qui étaient appelés pour cette raison frères de Notre-Seigneur. — Un certain Kosmas était le prêtre et le παραμονάριος de ce temple. Il craignait Dieu avec ardeur et s’acquittait de son service avec diligence. C’était un ascète qui était orné de toutes les vertus du christianisme, et qui exerçait à juste titre le ministère divin. Avec lui se trouvait Jean de Palestine, surnommé εὐδρανής (l’actif) (?). C’était un homme qui, après avoir étudié les lois, s’était consacré dans ce temple à Dieu, en s’y adonnant à la vie philosophique, et qui se rendit utile à beaucoup d’étudiants en droit de cette ville, tant par ses mœurs que par les livres chrétiens qu’il possédait, et qu’il communiquait et donnait. Ménas de Cappadoce, qui étudiait aussi en ce moment le jus civile rivalisa plus tard de zèle avec lui. Il reçut également l’habit (σχῆμα) monastique dans ce même temple, et il se proposait de retourner ainsi dans sa ville de Césarée et de s’y faire admettre dans les rangs de son clergé — Jean avait voulu, à cause de la carrière (σχῆμα) qu’il (Ménas) avait d’abord embrassée, qu’il n’eût rien à souffrir des égarements de la jeunesse, — mais il monta à Dieu avec l’habit (σχῆμα) même dont il était revêtu.[20] Nous racontâmes alors à Kosmas et à Jean les circonstances qui avaient accompagné la destruction de ces livres, et nous les suppliâmes de prier Dieu pour l’âme de celui qui avait été livré, ainsi que je l’ai dit, à l’erreur des démons pendant quelque temps, afin qu’il la délivrât complètement de l’erreur et qu’il lui fît don du vrai repentir, et aussi, pour qu’il nous sauvât tous de la perversité des démons. Lorsque le prêtre eut dit pour celui-là de nombreuses prières, chacun retourna chez soi. Dans la suite, celui-là fréquenta avec nous pendant quelque temps les saintes Églises, et offrait chaque fois du repentir et des larmes pour ses péchés antérieurs. Comme nous avions appris à connaître, par son entremise, tous ceux qui dans cette ville se plaisaient dans la magie et possédaient des livres de magie, nous recherchâmes comment nous nous rendrions aussi maîtres de ceux-là, ainsi que de tous ceux qui étaient attachés au paganisme et se livraient à des sacrifices païens. La plupart de ceux que cet Egyptien nous avait nommés, étaient des gens de cette espèce et nous étaient connus depuis Alexandrie. Dans ces affaires, le grand Sévère nous aidait aussi par des conseils. Il se réjouissait de tout ce qui avait lieu, et nous indiquait ce qu’il fallait faire. Aussi doit-il rougir de honte, dès maintenant, l’auteur des propos tout à fait mensongers et des calomnies invraisemblables qu’il a accumulés contre Sévère, après les avoir forgés de toutes pièces. Pendant que nous réfléchissions à ces choses, et que nous admirions tous ce qui s’était passé quand ces livres abhorrés de Dieu avaient été brûlés, notamment le repentir de cet Égyptien, le bruit de ce qui avait eu lieu s’était répandu partout, — il arriva qu’un copiste fit savoir à Martyrios, lecteur d’une sainte Εglise de cette ville, et à Polycarpe, qui a été mentionné plus haut, personnes actives et montrant du zèle dans ces affaires, que Georges de Thessalonique lui avait donné un livre de magie pour en transcrire un exemplaire. Ceux-ci nous firent savoir ce qui leur avait été dit. Nous dénonçâmes là-dessus Georges, Asklépiodotos d’Héliopolis. Chrysaorios de Tralles et Léontios (à cette époque μάγιστρος), qui étudiaient les lois à Béryte, ainsi que d’autres encore, à Jean, le pieux évêque de cette ville. Cet Égyptien nous les avait aussi dénoncés comme tels, et ils avaient encore cette réputation, en quelque sorte, auprès de tous les habitants de la ville. L’évêque nous adjoignit des membres du clergé et nous ordonna d’examiner les livres de tous ceux-là. Les greffiers de l’État (δημόσιοι) étaient avec nous. Toute la ville était en émoi de ce que beaucoup étudiaient les livres de magie au lieu de s’appliquer aux lois, et de ce que Léontios, dont il a été fait mention, leur faisait du tort par son paganisme. Ce Léontios était un homme qui savait tromper. Au lieu de s’adonner à la science préliminaire, il dressait des horoscopes, prédisait l’avenir, annonçait à tous ceux qui le fréquentaient leur élection[21] en qualité de préfets et de hauts fonctionnaires, et les amenait à avoir recours aux idoles. Tel était chez lui l’art de la tromperie que quelqu’un d’entre les grands de cette époque, qui habitait à Byblos, [devint aussi sa dupe].[22] On racontait en effet au sujet de Léontios l’histoire suivante Le personnage en question lui ayant demandé ce que sa femme, qui était enceinte, enfanterait, il lui avait répondu, en lui donnant à croire qu’il calculait et conjecturait d’après ses inepties, qu’elle mettrait au monde un garçon.[23] Etant ensuite sorti de la maison, il avait pris à part la portière et lui avait dit « Le maître de la maison m’a demandé ce que sa femme enfanterait, et j’ai répondu : un garçon, ne voulant pas le chagriner d’avance, lui qui désire avoir un garçon. Mais à toi je dis la vérité, garde-la cachée pour le moment L’enfant qui lui naîtra sera certainement une fille[24] ». Là-dessus, Léontios était parti. Dans la suite, la femme avant mis au monde une fille, cet homme s’était irrité de ce qu’il avait été trompé et avait fait venir Léontios, afin de le convaincre de mensonge. Mais celui-ci se tira d’affaire avec le témoignage de la portière, parce qu’elle était âgée[25] et qu’elle paraissait mériter créance. Il nous fut possible de savoir où étaient les livres de magie de Georges et d’Asklépiodotos, et nous les apportâmes au milieu de la ville. Mais ceux des autres nous échappèrent en ce moment, parce que leurs possesseurs s’étaient enfuis et les avaient cachés. Toutefois Chrysaorios souleva contre nous des perturbateurs parmi ceux qu’on appelle Poroi[26] (?) et que les étudiants en droit ont l’habitude de nommer compagnons (?) gens de mœurs infâmes, qui vivent avec arrogance, sont souvent meurtriers, et ne ménagent pas l’épée. Bien que le peuple tout entier craignît Dieu avec ardeur, qu’il se fût soulevé contre ces gens, et qu’il promît de nous aider, Constantin de Béryte, qui était à la tête d’une grande et puissante fortune, menaça (décida?) encore d’amener des paysans et de faire saisir par eux tous les chefs des dits compagnons.[27] Mais pour que cette affaire ne tournât pas en mal, lorsque Léontios eut été pris par des personnes zélées et alors qu’il allait se trouver en danger, maous lui assurâmes, non sans peine, la fuite et le salut.[28] Ne pouvant pas punir pour cause de zèle ceux que nous avions excités [au zèle], nous modérions la violence du mal dont ils se rendaient coupables, en leur disant qu’il nous fallait plutôt convertir les âmes de ces gens à la crainte de Dieu, comme l’ordonne la loi divine quand elle dit : Je ne veux pas la mort du pécheur, [mais] (afin?) qu’il se convertisse et vive. » Nous nous occupâmes aussitôt de brûler les livres de magie qui avaient déjà été saisis. C’est pourquoi ayant pris avec nous, sur l’ordre de l’évêque, le defensor (ἔκδικος) de la ville, les greffiers de l’État (δημόσιοι) et les membres du clergé, nous allumâmes pour ces livres un feu devant l’église de la sainte Vierge et Mère de Dieu, Marie. Chacun regardait brûler les livres de magie et les signes diaboliques, et apprenait à connaître auparavant, par les lectures que faisait celui qui les livrait aux flammes, la fanfaronnade, des choses écrites, l’orgueil athée et barbare (βάρβαρος) des démons, leurs indications malfaisantes et remplies de haine pour les hommes, ainsi que l’arrogance du diable, qui enseigna à promettre et à accomplir des choses horribles de ce genre. Telles étaient en effet ces indications : « Comment faut-il troubler les villes, soulever les peuples et armer les pères contre leurs fils et leurs petits-fils[29]? » Par quels moyens on rompra les unions légitimes et les cohabitations. Comment on amènera par violence une femme qui désire vivre dans la chasteté à l’amour illicite, ou comment on commettra l’adultère et le meurtre, ou comment on cachera le vol. De quelle manière on forcera les juges à rendre pour soi une sentence d’acquittement[30] ». A cause de ces indications si infâmes, le peuple tout entier poussa de nombreuses clameurs contre les païens et les magiciens, et bénissait, et comblait de louanges ceux qui avaient veillé à ces écrits fussent divulgués et livrés au feu.[31] Voilà quels furent les fruits des conseils du grand Sévère. Dans ces affaires, il dirigeait comme un chef d’armée, niais pour ne pas avoir l’air de se donner en spectacle, il se tenait tranquille et s’appliquait à l’étude des lois. Aussi celui qui a altéré la vérité par son mensonge et sa fiction, a-t-il porté contre lui une accusation qui ne peut nullement être démontrée et ne saurait en rien être établie. Peu de temps après, il se passa encore un autre événement : des vagabonds, des vanupieds, des magiciens, suivis du ramas de l’univers, vinrent à Béryte. Ils promettaient de faire apparaître des trésors, et avaient composé l’inepte histoire suivante « Darius, roi des Perses, quand il était venu jadis dans ce pays et dans ces lieux, où il exista avant notre temps des villes, avait caché beaucoup d’or, et autant et autant de talents d’or, ajoutaient-ils; ils avaient appris la chose par le récit des mages et des Perses. » Après avoir inventé cette ineptie, ils se demandaient qui ils trouveraient de nature à accueillir leur tromperie, et qui, par manque d’intelligence. Perdrait, dans l’espoir d’obtenir des biens, même ceux qu’il possédait, et serait la victime de cette bouffonnerie persane. Mis au courant des faits et gestes de Chrysaorius, ils lui firent connaître leur fable. Celui-ci l’admit sans difficulté, et demanda comment ils s’empareraient de ces trésors. Ils lui répondirent que l’affaire exigeait le secours de la nécromancie,[32] qu’ils avaient parmi eux quelqu’un qui s’entendait à ces évocations; qu’il fallait encore un endroit caché à la foule, afin disaient-ils, qu’on ne les surprît pas dans leurs opérations Chrysaorios, en homme dépourvu d’esprit, ajouta foi à ces paroles.[33] Avant eu pour un certain motif une conversation avec le παραμονάριος de la chapelle dite le second martyrion : il lui fit part de cette promesse de trésors. Celui-ci, comme il était fasciné par l’or, répondit qu’il y avait beaucoup de tombeaux isolés dans le temple dont il avait, la garde, et qu’il leur serait possible d’y accomplir, au milieu de la nuit, ce qu’ils avaient en vue. Ils se rendirent donc tous, après avoir attendu ce moment, au martyrion. Ces vagabonds et magiciens déclarèrent alors que des objets en argent leur étaient nécessaires pour cette entreprise, aux uns, pour aller à la mer qui était proche et évoquer au moyeu de ces objets les dénions, gardiens de ces trésors ; à cet autre, pour pratiquer la nécromancie dans les tombeaux situés dans le temple. Poussé par l’espoir de l’or, le ministre indigne de ces martyrs, obéissant à Chrysaorios, les aida à commettre leur sacrilège. Chrysaorios pour sa part donna à certains d’entre eux des objets d’argent avec lesquels ils ne tardèrent pas à prendre la fuite, après avoir fait semblant de se tenir d’abord devant la mer, et d’évoquer, avec ces objets, les démons, gardiens de ces trésors imaginaires. Quant au παραμονάριος, il prit parmi les vases sacrés l’encensoir d’argent, et le donna à celui qui promettait de pratiquer la nécromancie, d’évoquer de force les âmes des morts, et d’apprendre d’elles en quel lieu ces trésors étaient cachés. Mais au moment même où le magicien commençait cette évocation diabolique et qu’il portait l’encensoir, le Dieu des martyrs punit ces gens. Il fit trembler le sol sous leurs pieds, au point qu’ils furent tous à demi morts de frayeur, s’attendant à voir le temple tout entier s’écrouler sur eux. Oppressés par l’angoisse, ce vagabond et magicien (= le nécromancien) ainsi que Chrysaorios eurent beaucoup de peine à échapper au langer qui les menaçait. Les pauvres qui dormaient dans ce temple s’étant rendu compte de ce qu’on avait osé accomplir, poussèrent des cris et allèrent faire connaître ces faits en ville. Un nouveau soulèvement de tout le peuple résulta de là contre les païens et les magiciens, et de nombreuses clameurs s’élevèrent contre celui qui n’était pas digne d’être appelé παραμονάριος et aussi contre Chrysaorios, au moment où l’on célébrait la commémoration et la fête du très glorieux saint Jean, Baptiste et Précurseur. Le παραμονάριος après avoir été arrêté, puis réprimandé par l’évêque, fut envoyé dans un couvent, avec défense d’en sortir pendant un temps déterminé. Quant à Chrysaorios, il s’enfuit en ce moment de la ville, et ce fut au prix de beaucoup d’or qu’il acheta plus tard le droit d’y rentrer. — Léontios s’était en effet décidé, après avoir pris la fuite du premier soulèvement, à recevoir le divin baptême, dans le temple du saint martyr Léontios, et c’est ainsi qu’il avait pu rentrer dans la ville. Il était revenu en confessant qu’il était maintenant chrétien, et en suppliant tout le monde, dans le vêtement blanc des nouveaux baptisés, de lui pardonner ce qui avait eu lieu antérieurement. Mais pour que Chrysaorios n’eût pas la présomption d’être sage et ne s’imaginât pas que grâce aux démons, à la magie et à la richesse, il avait seul triomphé dans les soulèvements qui avaient eu lieu contre lui, — les livres de magie qu’il possédait n’avaient pas brûlés, — le Dieu des martyrs qu’il avait foulés aux pieds, se vengea de lui de la façon suivante. Quand il eut résolu de retourner dans son pays, il loua un navire sur lequel il chargea tous les livres de magie qu’il se trouvait avoir acquis, au dire des personnes bien informées au prix de beaucoup d’or. Il embarqua encore les livres de loi et la plupart des objets d’argent qu’il possédait, ainsi que ses enfants et leur mère qui était sa concubine, et ordonna de mettre à la voile au moment qu’il croyait propice avec beaucoup d’autres personnes, après avoir consulté quelque traité de magie, le mouvement des astres et ses calculs. Lui-même devait retourner dans son pays par voie de terre.[34] Le navire mit donc à la voile sur la promesse des démons et des astrologues (ἀστολόγοι) qu’il serait sauvé avec tout ce qu’il contenait. Or, malgré la magie et les livres de magie, il fut englouti, et rien de ce que Chrysaorios avait embarqué ne fut sauvé. C’est par ce châtiment que le Dieu des martyrs punit en ce moment cet homme insensible, parce qu’il n’avait pas voulu se rendre agréable à lui par le repentir, ni tenir compte du premier châtiment, mais que, comme Pharaon, il avait persévéré dans son obstination. * * * Il semblera qu’il était inutile de raconter ces histoires. Cependant, comme elles contribuent à réfuter la magie et l’erreur des païens, nous avons cru bon de les ajouter, à juste titre, à la gloire de Dieu tout-puissant et de notre Sauveur Jésus-Christ, qui surprend les sages dans leur ruse, et qui a précipité Pharaon dans la mer avec ses chars, ses cavaliers et les sages de l’Egypte. D’ailleurs ces histoires ne sont nullement étrangères à notre sujet que nous traiterons dorénavant, en évitant toute digression. Nous avons montré suffisamment que jamais le serviteur de Dieu et pontife Sévère n’a pu être surpris en train d’offrir des sacrifices païens ou de se livrer à la magie, comme le calomniateur a eu l’audace de le dire. Celui-ci, quel qu’il soit, sera puni par Dieu, dès ce monde, s’il est encore en vie, pour la calomnie qu’il a inventée de la sorte, et s’il a quitté la vie humaine, devant le tribunal que personne ne peut tromper. Ce patriarche de Dieu était, en effet, à Alexandrie et en Phénicie, avec ceux qui, avec la seule aide de Dieu et de Notre-Seigneur Jésus-Christ, traitèrent comme ils le firent les païens, les magiciens et les dieux des païens. Il était surtout avec eux en Phénicie, parce qu’il possédait déjà bien la philosophie pratique, par la suite de soit émulation avec Evagrios, et parce qu’il était mieux au courant de la science et de la théorie (θεωρία) des doctrines, depuis qu’il s’appliquait à la lecture des écrivains ecclésiastiques. Lorsqu’il eut bien profité de celle-ci, il composa un panégyrique sur le divin apôtre Paul; offrit ce premier discours à Dieu et le supplia, par son intermédiaire, d’être jugé digne du baptême sauveur. Tous ceux qui le lurent admirèrent sa science des divines Ecritures de même qu’ils admiraient son application à l’étude des lois. L’admirable Evagrios, en considérant cette science, me réprimanda vivement. « Pourquoi, me disait-il, après avoir acquis tout ce savoir et avoir supplié Dieu au sujet du divin baptême, Sévère tarde-t-il à le recevoir réellement? D’où savons-nous qu’il persévérera dans son intention et son désir actuels? S’il ne participe pas aux saints mystères, Dieu plus, s’il ne reçoit immédiatement le baptême sauveur, tu subiras à sa place un grand châtiment. Car c’est toi qu’il doit cette science, celui qui tarde à montrer également dans le baptême les fruits du repentir, qui hésite à recevoir le sceau royal et à être compté au nombre des serviteurs de Notre-Seigneur Jésus-Christ. Mais si tu t’intéresses à ton salut et au sien, fais en sorte qu’il reçoive immédiatement la grâce divine. A la suite de cet entretien, j’allai trouver Sévère et je lui rapportai les paroles du pieux Evagrios. — Vous exigez de moi, me dit-il, que je me couvre de souillures après le baptême sauveur Car je vois souvent des jeunes gens captives par les femmes publiques et j’habite dans une ville qui est une source de plaisir. Attends que j’aie fini l’étude des lois, et je recevrai le baptême à Alexandrie, ou tu m’affirmes qu’en tout temps règne l’orthodoxie. — Depuis quand, mon cher ami, lui dis-je, sommes-nous sûrs de la vie, ne fut-ce que pour un seul jour, ou même une heure quelle qu’elle soit ? Et quelle excuse aurons-nous à donner au dispensateur de notre vie, au juge et à Dieu, [si], après avoir acquis une si grande [science],[35] nous ne lui avons pas obéi, quand il dit : « Si un homme ne naît pas de l’eau et de l’esprit, il n’entrera pas dans le royaume des cieux » et : « Celui qui connaît la volonté de son maître et qui ne l’aura pas accomplie, sera frappé de nombreux coups » et : « Si vous entendez sa voix, n’endurcissez pas vos cœurs pour l’irriter. » — Réponds donc de moi, dit-il, aux fonts baptismaux, et je me ferai baptiser quand vous voudrez. Mais je refusai pour le motif suivant : Je ne communiais pas avec les évêques de Phénicie, mais avec les saints Pères d’Egypte et de Palestine, dont les chefs étaient de grands athlètes (ἀγονισταί) de la religion. C’était Pierre, du pays des Ibériens, qui fut évêque de Maïouma[36] et qui se distingua par une philosophie remarquable, par la pratique de la vie monastique, et par l’accomplissement de miracles apostoliques. C’étaient Jean, archimandrite [d’un couvent] d’Egypte et évêque de Sebennytos, et Théodore, évêque d’Antinoé. Ce grand vase de perfection, par l’intermédiaire duquel Dieu accomplit, comme avec les autres, beaucoup de miracles, et fit don de la vue à un aveugle. C’était encore celui qui fut de nos jours le second prophète Ιsaϊe, lequel n’hérita pas seulement du nom du prophète, mais encore de sa grâce [prophétique], et qui brilla parmi les ascètes comme le grand Antoine. Je refusai donc pour ce motif la proposition de Sévère. — Prie alors, me dit-il, l’admirable Évagrios, qui insiste tant pour que je reçoive la vie éternelle par le baptême sauveur, d’être mon père spirituel et de se porter garant de ma foi — il communie avec toutes les saintes Eglises et je me ferai baptiser, si cela vous plaît, dans le temple du très illustre martyr Léontios, qui se trouve à Tripolis. Je promis avec plaisir de le faire. Lorsque j’eus prié l’admirable Évagrios de se charger d’être le parrain de Sévère, il me fit d’abord la même demande.[37] Il apprit alors ce qu’il fallait, et je l’amenai [à accepter] par le langage que je lui tins. « De même, lui-dis-je, que tu m’avais d’abord imposé une charge, de même je t’en impose une autre à mon tour. J’ai amené, avec l’aide de Dieu, l’admirable Sévère à se rendre avec empressement à ton exhortation et à ne différer nullement la grâce par crainte. Or, il convient maintenant que tu deviennes son père spirituel, si tu ne veux pas être un obstacle à son salut, et te condamner ainsi toi-même au châtiment dont tu m’avais d’ais bord menacé. » Il nous sembla bon de faire part de cette résolution à nos autres compagnons; puis, moi, Évagrios, cet homme si vertueux, Elisée, à l’âme pure comme l’or, l’admirable Anatolios, le pieux Zénodore, ainsi que d’autres encore, nous nous rendîmes avec Sévère au temple du divin martyr Léontios, à Tripolis. Nous le conduisîmes aussitôt auprès de Jean, ce grand philosophe de Notre-Seigneur Jésus-Christ, tant dans la pratique que dans la théorie,[38] qui depuis sa jeunesse était consacré à Dieu, et qui depuis son enfance était assidu à l’autel du saint temple en question. Il vécut à ce point dans la crainte de Dieu qu’il éleva à côté du martyrion une demeure de la vraie philosophie, et qu’il engagea beaucoup de personnes à se débarrasser des entraves du monde pour embrasser la vie monastique, à rejeter les vaines espérances qui ne diffèrent en rien des songes, et à préférer la loi de Dieu à tout ce qu’ils possédaient. Il versait de tels torrents de larmes à la suite de ses nombreux gémissements que ses yeux portaient la trace du flux continuel qu’ils faisaient jaillir. Sévère fut donc d’abord catéchisé par ce Jean, qui excellait autant dans les vertus pratiques que dans les théories (θεωρίαι) spirituelles, et qui était pénétré des doctrines du mystère divin. La lecture des homélies catéchétiques de Grégoire, frère du grand Basile et évêque de Nysse, de Cyrille de Jérusalem et du grand Jean, l’initia ensuite aux théories (θεωρίαι) divines et aux symboles du baptême.[39] Après cela, nous nous rendîmes au temple; nous nous présentâmes au prêtre et παραμονάριος du martyrion, nommé Léontios, et nous le priâmes de baptiser le grand Sévère. Jean, cet homme admirable par ses vertus, avait prié auparavant Sévère, prêtre de la sainte Église de Tripolis, qui était orné de toutes sortes de dons et qui occupait le premier rang dans la noblesse divine de cette ville, — lui aussi s’était approché de Dieu par de bonnes œuvres et avait préféré la grâce divine à la carrière du barreau — il l’avait prié, dis-je, lui et le clergé de l’église, de nous aider dans notre tâche et de préparer sa maison pour recevoir celui qui allait être baptisé. Il était venu avec nous, et s’était chargé de tous les soins que réclamait cette affaire. Celui qui est aujourd’hui évêque de Dieu fut donc baptisé dans la chapelle du divin et victorieux martyr Léontios. L’admirable Évagrios répondit de lui aux fonts baptismaux et fut son père spirituel. Dès qu’il eut participé aux mystères divins, on put prévoir ce qu’il serait plus tard. Il s’était, en effet, approché de Dieu avec une telle foi que tous ceux qui furent présents louèrent Dieu au sujet de sa componction. Comme il devait, après le septième jour, quitter les vêtements blancs, qui symbolisent l’affranchissement, et les mettre de côté, il fut triste quelque temps, et désirait, en quelque sorte, s’en aller alors à Dieu, avec cet ornement et ce costume tant il était pénétré de douleur, et si grandes étaient sa connaissance et son intelligence de la cérémonie divine et mystique! Après les jours fixés et légaux, nous retournâmes à Béryte, munis de prières du divin martyr et de ces hommes admirables. A partir de ce moment, Sévère fit de tels progrès dans la vertu, à l’exemple de son père (spirituel), qu’il jeûnait, pour ainsi dire, tous les jours, ne prenait jamais de bains, et n’accomplissait pas seulement les devoirs du soir dans les Églises de Dieu, mais aussi, la plupart du temps, y passait une bonne partie (?) de la nuit. Tout cela afin que son corps maigrît, que sa chair se consumât, et que sa vertu grandît davantage. Il cherchait ainsi un refuge en Dieu, tout en étudiant et en approfondissant sans relâche le droit pendant les jours où nous avions cours.[40] Aussi en vint-il à posséder dans les lois le savoir d’un professeur, et était-il tenu dans une pareille estime par la plupart des étudiants capables de juger sans envie le mérite.[41] D’autre part, nous consacrions avec joie, à l’étude des doctrines divines, le temps dont nous étions convenus entre nous dès le début. Pendant que notre vie allait de ce train, Evagrios, ce grand vertueux, ne cessait d’amener beaucoup de personnes à l’amour de la philosophie divine et à la vie monastique, et ne cessait de rappeler l’ascétisme de ceux qui cultivaient la philosophie en Orient. Or, tandis que je mettais par écrit les exploits de ces hommes inspirés de Dieu, de Pierre l’Ibérien, dis-je, et d’Isaïe, ce grand ascète d’Égypte, — car ces deux hommes, pendant leur séjour en Palestine, s’étaient acquis une grande réputation auprès de tous les chrétiens, Anastase d’Edesse, dont j’ai parlé plus haut, eut le premier une aventure dans le genre de ces histoires, aventure qui vaut la peine d’être admirée et racontée. Il vit, en effet, en songe Pierre, ce grand évêque de Notre-Seigneur Jésus-Christ, auquel fut aussi donné le nom du prince des apôtres, qui lui ordonnait de venir immédiatement, en montant ce qu’on appelle un βέρηδος (cheval de poste). A son lever, Anastase me fit part de sa vision et de l’ordre qu’il avait reçu, et me décrivit aussi la personne (πρόσωπον) sacrée de Pierre. Je conclus du récit qu’il me fit que ce n’était pas un songe qu’il avait eu, mais une apparition divine, qui appelait, par l’entremise de ce saint homme, l’admirable Anastase à la vie monastique. Aussi je lui dis : « C’est bien le grand homme que tu as vu, et tu dois obéir promptement. C’est là, en effet, la signification que cette apparition a pour toi. » Comme il avait un oncle qui était alors gouverneur de la province (ὑπαρχία), il me répondit qu’il avait peur de se mettre en route par voie de terre, et qu’il préférait attendre que le vent du nord lui permît de se rendre par mer en Palestine. Il attendit donc un certain nombre de jours pour ce motif. Comme ce qu’il désirait ne se produisait pas, et qu’il était en proie au découragement, je lui rappelai la vision qu’il avait eue et qui voulait plutôt (μᾶλλον) qu’il se rendît promptement par terre auprès de cet illustre évêque et serviteur du Dieu tout-puissant et de notre Sauveur Jésus-Christ. Puis je lui conseillai, à lui qui avait peur à cause de son oncle de passer [par Tyr] en quittant Béryte, de ne pas traverser Tyr, où son oncle habitait alors, pendant le jour, mais au milieu de la nuit, après avoir fait halte pendant le jour en dehors des murs. Ce conseil lui plut, et il le mit à exécution. Parvenu à Césarée de Palestine, Dieu, qui l’avait appelé à lui au moyen du grand Pierre, fit en sorte qu’il rencontrât des disciples de ce saint homme, et qu’il apprit d’eux où séjournait celui auprès duquel il se rendait. Au cours de son entretien avec eux, il s’entendit dire : « Pourquoi, invité à venir promptement, as-tu tardé jusque maintenant? » Arrivé ensuite auprès de Pierre, il apprit à connaître par expérience les vertus de cet homme divin et les récits qu’on racontait à son sujet, et, aussitôt qu’il eut promis à Dieu d’embrasser la vie monastique et de vivre sous son obédience de Pierre, il fut délivré de la lèpre dont son corps était atteint; car cette maladie, appelée maladie sacrée, avait déjà commencé à s’emparer de lui. Lorsque ces faits furent connus, à Béryte, de l’admirable ils suscitèrent chez lui le désir de partir aussi. Le pieux Évagrios nous avait, en effet, souvent parlé de la vie monastique, et il espérait, étant un homme de mœurs simples, nous entraîner tous, ou du moins un grand nombre de nous. Le grand Élisée n’attendit pas aussi longtemps. Il avait également eu, longtemps auparavant, une apparition du saint homme, qui lui ordonnait, pendant la nuit, de se lever et de chanter à Dieu le psaume cinquante. À la fin, à la suite de son grand amour [de Dieu], le feu de la philosophie divine s’était allumé en lui, comme il me l’avait appris, car j’habitais à cette époque avec lui. N’ayant pas su résister à la flamme de la vocation divine, il se rendit en hâte en Palestine auprès du saint homme, et se plaça sous son obédience, après avoir pris le joug de la philosophie. Peu de temps après, nous apprîmes la mort de l’illustre Pierre. A cette nouvelle, l’admirable Évagrios gémit et se lamenta de ce qu’il n’avait pas obtenu comme d’autres, la faveur de voir ce grand homme et de connaître par expérience la grâce divine dont il était doué. Il me reprochait d’avoir différé mon départ, et blâmait aussi l’hésitation des autres. Nous apprîmes également que le grand Pierre avait laissé des héritiers après lui. L’un d’eux était Jean, surnommé le Canopite, un philosophe qui était vierge d’âme et de corps, et même des sens du corps, et dont l’esprit était tourné vers Dieu. Les autres étaient Zacharie, André et Théodore. Celui-ci était mentionné en quatrième lieu, mais sur la proposition des deux qui étaient avant, lui, il parut juste de lui confier la direction du couvent avec le grand Jean, ainsi que de réserver l’autel à Jean, surnommé Rufus. Celui-ci avait étudié précédemment les lois à Béryte avec Théodore dont je viens de parler; et ils avaient laissé tous deux dans cette ville une grande réputation de chasteté et de piété auprès de tout le monde. A cause de la gravité de son visage et l’ascétisme de son corps, Jean était surnommé Lazare, et Théodore était appelé le Juste, à cause des vertus qu’il possédait. Jean avait été incorporé au clergé d’Antioche la grande par Pierre, alors évêque de cette ville, qui l’avait arraché aux écoles. Il avait reçu [de lui] l’ordination (χειροτονία) de la prêtrise, et avait habité avec celui qui l’avait ordonné à cause du beau témoignage que tout le monde lui rendait. Dans la suite, il s’était rendu en Palestine et avait embrassé la vie monastique auprès du grand Pierre. Quant à Théodore, il avait, avant Jean, aimé la même vie. Il avait vendu tous les biens qu’il possédait à Ascalon, d’où il était; en avait donné le prix (τιμή) aux pauvres, comme l’ordonne la loi de Dieu s’était chargé de la croix du Christ et l’avait suivi, conformément à ce que dit l’Écriture. Après que nous eûmes appris[42] que le grand Pierre avait laissé ces héritiers, Évagrios, le père spirituel du grand Sévère, nous déclarait à tous avec instances, lorsque leur renommée fut parvenue jusqu’à nous, que c’était perdre son âme que de tarder encore à habiter avec eux. Anatolios abandonna alors la femme et les enfants qu’il avait à Alexandrie, et promit à Évagrios de quitter le monde. Philippe de Patara, l’imita également, ainsi mon compatriote Lucius, qui avait reçu peu de temps auparavant une lettre du grand Pierre, — qui jouissait encore à cette époque de la vie corporelle, — dans laquelle il nous exhortait à l’observance des lois divines. J’aurais voulu dès lors imiter le zèle d’Anastase et d’Elisée, et promettre à ceux-là de devenir leur compagnon. Comme j’avais peur de la vie monastique, ils insistaient tous trois auprès de moi, en faisant valoir à mes yeux l’élévation de la philosophie divine, et en me priant de ne pas me séparer d’eux. Objectant la crainte de mon père, dont la maison n’était pas éloignée du couvent du grand Pierre, je disais que je serais certainement empêché par mes parents d’embrasser ce genre de vie, et je les priais de me pardonner[43] si pareille chose arrivait. « [Suis-nous toujours], me dirent-ils. Ou bien tu seras des nôtres, et tu cultiveras la philosophie avec nous, ou bien tu te borneras à nous accompagner jusqu’au couvent. » Je les suivis donc. Le grand Sévère n’approuvait pas mon départ. D’abord il prévoyait ce qui allait arriver, ensuite il était affligé de ce que tout le monde le quittait; il savait en outre que j’étais trop faible pour cet acte. Mais je ne m’étendrai pas sur ce sujet, car je ne veux pas raconter mes affaires, quoique je m’accuse moi-même dans ce que je dis. Ceux-là purent certes atteindre les hauteurs de la philosophie; quant à moi, les ailes me tombèrent,[44] comme on dit, — tant à cause de ma faiblesse que pour les raisons que j’ai données, — et je revins de nouveau à Béryte. La prophétie que l’illustre Pierre avait faite à mon sujet s’était accomplie : Lorsque je le revis, à l’époque où j’étais nouvellement revenu dans mon pays d’Alexandrie, — j’étais accompagné de Plousianos (Πλοθσιανός) d’Alexandrie, qui est aujourd’hui un pieux moine; il faisait alors partie de la cohorte (τάξις) du préfet d’Égypte et était venu auprès de Pierre pour [recevoir] sa prière et [sa bénédiction?] — lorsque, dis-je, je le vis alors, il dit à mon compagnon, après l’avoir regardé et après avoir deviné son nom : « Va et tonds ta chevelure »; mais à moi il me dit, pendant que je mangeais avec ses disciples à l’heure du repas : « Mange, jeune homme. » Il s’ensuivit que, peu de temps après, mon compagnon choisit la vie monastique, dans laquelle il s’est distingué jusqu’à ce jour, au couvent dit Ὀκτωκαιδέκατον; et que, quant à moi, j’embrassai la profession d’avocat (δικανική), m’étant réellement montré « jeune homme » et plongé dans de nombreux péchés. Je revins donc à Béryte. Je rapportais avec moi une lettre du fervent Εvagrios à son filleul, et une lettre d’Énée (Ἀινείας), le grand et savant sophiste chrétien de la ville de Gaza, à Zénodore mon compatriote. Ces lettres excusaient et me pardonnaient mon retour, c’est-à-dire mon refus [d’embrasser la vie monastique]. Dès lors moi et ceux-ci nous reprîmes nos études habituelles avec nos autres compagnons. Nous étudiions ensemble les lois, et nous fréquentions en commun avec d’autres, les saintes Églises à l’heure des offices du soir et des assemblées. D’autre part, le grand Sévère et moi, nous faisions pour notre compte, à la maison, aux moments habituels, la lecture des écrits chrétiens, selon ce qui avait été convenu entre nous dès le commencement. Si grands furent ses progrès dans la vertu que, même avant d’avoir revêtu l’habit monastique, il se montrait un philosophe chrétien par les actes et par la science. Dans la pratique, il était semblable à son père [spirituel], et il n’avait plus, pour ainsi dire, que l’ombre de son corps, à la suite de son ascétisme exalté; dans les théories de la science de la nature et de la théologie (θεολογία), il le surpassait. Je passe sous silence les luttes qui, dans l’intervalle, eurent lieu de nouveau contre les païens et les magiciens, et tout ce que j’aurais eu à souffrir de leur part, si je n’avais pas été sauvé à différentes reprises de leurs mains meurtrières par l’agonothète, notre Seigneur et notre Dieu, Jésus-Christ, grâce aux prières que lui avaient adressées pour nous le grand Evagrios et l’admirable Sévère. Celui-ci nous aidait en cachette de ses conseils. Comment donc une personne pourvue d’intelligence pouvait-elle écrire contre lui ce que tu m’as dit que ce menteur a écrit? Ou bien, celui qui est chrétien, n’adhère pas à des calomnies de ce genre; ou bien, s’il consent à les accueillir, il ne craint pas le jugement de Dieu, qui dit : « Tu ne recevras pas un vain bruit.[45] » A cause de ce diffamateur, il fallait qu’il fût montré que Sévère ne le céda pas même en une petite mesure en vertu à son père. Sévère étudia les lois autant qu’on peut le faire, examina et approfondit tous les édits impériaux y compris ceux de son temps, compara ensemble les commentaires contenus dans les précis des lois,[46] nota dans des cahiers des racines auxiliaires de l’oubli et du souvenir (?), et laissa, comme des à ceux qui viendraient après lui, ses livres et ses notes.[47] Lorsqu’il eut décidé dans la suite de rentrer dans son pays, afin de s’y établir comme rhéteur (ῥήτωρ) et d’y exercer la profession d’avocat (σχολαστική), il me dit d’aller prier avec lui au temple du très illustre martyr Léontios, où il avait reçu le baptême sauveur. De là, il me fit encore aller avec lui à Émèse, pour prier devant le chef divin et sacré de saint Jean, Baptiste et Précurseur qui avait été découvert en cette ville. Après y avoir trouvé ce que nous cherchions, et fréquenté beaucoup de personnes qui étaient fortement adonnées là, à cette époque, à la philosophie divine, nous revînmes à Béryte. Après avoir acheté des toges (χλανίδια) pour sa profession d’avocat (δικανική), Sévère résolut d’aller d’abord à Jérusalem et d’y adorer la croix, le tombeau et la résurrection de notre grand Dieu et de notre Sauveur Jésus-Christ puis de se rendre auprès d’Évagrios,[48] de lui dire bonjour; ensuite de rentrer dans son pays. Il ne s’était point aperçu que la grâce de Dieu le conduisait à la philosophie elle-même! En quittant Béryte avec l’intention d’y revenir encore, il me confia ses bagages et ses serviteurs (esclaves), s’étant contenté de prendre un seul de ceux-ci avec lui, un des anciens. Il adora certes les signes sauveurs des souffrances divines, une fois arrivé dans la ville sainte; mais lorsqu’il eut rencontré dans la suite l’admirable Evagrios, qu’il eut fréquenté les héritiers du grand Pierre, et qu’il eut vu toute la disposition de leur vie, il fut saisi par l’amour de la philosophie divine, et fit voir un changement digne d’admiration : au lieu de la toge, il revêtit l’habit monastique; au lieu de se servir des livres des lois, il se servit des livres divins; au lieu des travaux du barreau, il choisit les labeurs[49] de la vie monastique et de la philosophie. Peu à peu la grâce divine l’avait proclamé rhéteur de la religion, et oint pour le patriarcat d’Antioche, la grande ville ! Parvenu à cet endroit de mon récit, je veux raconter brièvement tout le genre de vie que l’on menait dans le couvent fondé par le divin Pierre. [Les moines] passaient tout leur temps[50] à jeûner, à coucher sur la terre, à se tenir debout toute la journée, à veiller pour ainsi dire la nuit entière, à prier constamment et à assister aux offices. Ils ne consacraient qu’une très faible partie du jour au travail des mains, par lequel ils se procuraient ce qu’il leur fallait pour [nourrir] leur corps et pour assister les indigents. D’autre part, chacun d’eux méditait les saintes Ecritures même à l’heure du travail manuel.[51] Si grande était leur chasteté que, pour ainsi dire, ils ne regardaient même pas les visages les uns des autres. C’était en fixant les yeux à terre qu’ils se répondaient[52] dans les relations qu’ils avaient ensemble. Ils accomplissaient avec piété tout ce qui avait trait aux exercices de la vertu,[53] évitant de prononcer la moindre parole inutile. — J’en connais parmi eux qui furent aussi astreints par le grand Pierre, quand il vivait corporellement, à observer un silence complet envers tout le inonde pendant dix ans et davantage. Ils ne parlaient qu’à Dieu dans les prières et les offices ayant reçu l’ordre de la part de celui qui les avait astreints au silence, de ne révéler, à cause des pensées dont les démons les obsédaient souvent, qu’à lui (Dieu) seul leur combat, afin d’en recevoir le remède qu’il leur fallait. Ils obéissaient à ce point que non seulement aucune parole futile ne sortait de leur bouche, mais qu’ils ne se laissaient aller, ni par la tenue, ni par la démarche, ni par le clignement des yeux, à exprimer une pensée inconvenante. C’est de cette philosophie si pure que le grand Sévère s’éprit et dont il porta le joug. Il m’envoya par conséquent celui (le serviteur) qui l’avait élevé depuis son enfance et qui l’avait précisément accompagné, en me faisant savoir par lettre ce qui avait plu à Dieu à son sujet, et en m’invitant à envoyer dans son pays terrestre ses serviteurs (esclaves) ainsi que tout ce qu’il m’avait confié; ce que je fis. L’admirable Étienne brûla également de zèle dans la suite pour ce genre de vie. Il était de ceux qui vinrent après nous à Béryte. Comme j’étais encore dans cette ville, je lui appris le départ qui en avait eu lieu de ces six [compagnons], qui étaient allés revêtir l’habit (σχῆμα) monastique dans le couvent de l’illustre Pierre. Il s’y rendit alors à son tour, en qualité de septième, après n’être resté que peu de temps à Béryte. Lorsque j’eus achevé l’étude des lois, je retournai dans mon pays. Je le vis la troupe divine, mais j’avais beau la voir, je ne pouvais pas faire de même, retenu que j’étais par la faiblesse de mon âme. Une épreuve qui arriva à mon père, me força de venir dans cette ville impériale[54] et d’y exercer la profession d’avocat. Quant à Évagrios, qui avait été cause de beaucoup de bien pour tous ceux qui s’étaient appliqués à l’imiter, après qu’il se fut aussi consacré vaillamment à la philosophie divine dans ce couvent, qu’il eut enduré des peines[55] et des fatigues pour la vertu, qu’il se fut montré un moine parfait aux yeux de tout le monde, il quitta peu de temps après la terre, retourna à Notre-Seigneur Jésus-Christ qu’il aimait, et courut au ciel où reposent les âmes de ceux qui ont vécu comme lui. La prophétie qu’il avait faite sur son compte s’était accomplie « S’il arrive que je prenne l’habit (σχῆμα) monastique, je mourrai dans le couvent même où j’aurai reçu l’habit (σχῆμα) sacré. » L’admirable Sévère, après avoir vaillamment supporté pendant un certain temps la philosophie divine dans le couvent en question, fut entraîné par l’amour des lieux déserts et de la vie dite solitaire, — qu’institua le grand Antoine, ou bien un autre qui lui a été semblable en vertu, — quitta le séjour et la vie en commun, et se rendit dans le désert d’Éleuthéropolis. Il était accompagné d’Anastase d’Edesse, qui était animé de la même allégresse et poussé au même zèle. Ils s’adonnèrent [tous deux] à une vie si dure, à des travaux si pénibles, à un ascétisme si élevé, que leurs corps tombèrent dans une grave maladie, et qu’ils auraient été forcés, à cause de leur grand ascétisme, à quitter la vie humaine, si Dieu, qui approuve cette allégresse, n’avait poussé le supérieur du monastère, fondé par l’illustre Romanos, à venir les visiter, à les recueillir dans son couvent, à les traiter avec la sollicitude qu’il fallait, et à les engager à habiter pour le moment avec eux. La vie de ces moines était pénible, plus que celle de tous les couvents réputés en Palestine pour leur ascétisme. Mais l’admirable Sévère ne l’en aima que davantage pour sa grande austérité, qui fut cause que ses pieds se tuméfièrent de la manière que l’on sait, après qu’il eut été guéri de sa maladie. Après avoir demeuré un certain temps dans ce dernier monastère, il résolut de retourner au port de Gaza, et il vécut la vie des solitaires dans une cellule tranquille (κελλίον) de la laure de Maϊouma, où se trouvait aussi le couvent du grand Pierre. Mais lorsqu’il eut brillé longtemps ainsi dans ces deux monastères, dans le silence de la retraite, certaines personnes lui demandèrent, à cause de la parole de grâce dont il était doué, à vivre sous son obédience en portant l’habit (σχῆμα) monastique. Il fut alors obligé de consacrer à l’achat d’un couvent et à son arrangement le restant de l’argent qui lui était revenu, lors du partage qu’il avait fait avec ses frères des biens de ses parents, et dont il avait distribué la plus grande partie aux pauvres. Il bâtit des cellules propres à recevoir d’autres personnes. Quand cela fut connu de Pierre — il était de Césarée de Palestine; après avoir étudié dans cette ville les sciences encyclopédiques, c’est-à-dire la grammaire et la rhétorique, il avait méprisé Béryte et les lois qu’il convient, dit-on, d’apprendre(?), comme aussi les vaines espérances, et s’était joint à ceux qui pratiquaient la philosophie divine dans le couvent de l’illustre Romanos — quand, dis-je, cela fut connu de Pierre, il vint trouver Sévère. Il avait déjà appris à connaître par expérience sa chasteté, sa sagesse, toute sa continence, tout le trésor de ses vertus et la grâce qui lui avait été accordée par rapport à la science de la nature et la théologie, qui est le réceptacle de celle-ci, lorsque, à la suite de la maladie corporelle qui l’avait atteint, l’higoumène du couvent du grand Romanos l’eut conduit dans ce monastère, comme je l’ai raconté. Il le pria donc de le recevoir comme associé de la philosophie divine et de lui assigner le rang de disciple. Sévère consulta à son sujet les notables d’entre les grands qui avaient vieilli dans l’ascétisme, qui possédaient depuis longtemps une grande expérience et beaucoup de jugement, et qui avaient notamment reçu l’ordination spirituelle. Au nombre de ceux-ci était le grand et illustre Elie.[56] Celui-ci lui dit de ne pas repousser le frère spirituel qui s’était refugié auprès de lui, qu’il (ce frère) prenait part à la même lutte et au même combat, et que c’était surtout par amour de la philosophie et des dons spirituels qu’il s’était rendu auprès de lui. Obéissant alors aux saints Pères, Sévère le reçut comme disciple, de même que Paul, le divin apôtre, avait reçu le grand Timothée, et avant lui, Élie de Thisbé, qui était parvenu au ciel par ses vertus, Élisée, et, si l’on veut, comme le divin Pamphile, ce martyr de Notre-Seigneur Jésus-Christ, avait reçu Eusèbe de Césarée, ou comme le très illustre Basile, Grégoire le divin, à l’époque de son séjour dans le Pont. D’autres encore vinrent auprès de lui, qui se distinguèrent par le même zèle, et qui montrèrent, en vivant sous l’obédience du grand Sévère, de tels fruits de la philosophie que tout le monde louait Dieu à cause de leur progrès et de leur avancement dans la vertu. Quant au disciple Pierre, lorsque son père [spirituel] lui eut permis de s’appliquer à la théorie dont la pratique forme, comme l’a dit Grégoire le Théologien, les échelons,[57] il concentrait constamment son esprit sur les Livres sacrés, sur la méditation des Paroles divines et sur leur explication que sa pensée concevait souvent, avec l’aide de l’Esprit divin, de deux et de trois manières. Il s’acquit de la sorte la richesse de la science et l’abondance des exemples de l’Écriture. Tout le monde l’admirait non seulement à cause de la continence de sa vie, de sa chasteté et de ses autres vertus, mais encore pour sa charité envers les indigents, qui est surtout agréable à Dieu, et notamment pour sa bienveillance et sa sollicitude à l’égard des étrangers (ξένοι) qui passaient. Ce furent là les motifs qui déterminèrent tous les saints à ne pas seulement choisir le grand Sévère pour recevoir l’ordination de la prêtrise, mais encore, dans la suite, l’admirable Pierre. Tous deux la reçurent des mains d’Épiphane, cet évêque confesseur, qui la leur donna, comme il l’avait donnée auparavant à Jean et à Théodore, les héritiers du très renommé évêque Pierre et les pères spirituels du grand Sévère. La vie de ceux-là allait de ce train, et tous les Pères d’Égypte et de Palestine étaient fiers de leurs vertus, quand tout à coup l’envie se dressa contre tous ceux de Palestine qui communiaient avec les Pères d’Égypte et d’Alexandrie. En effet, Néphalios, un moine d’Alexandrie, après avoir complètement oublié la vertu pratique, puis aiguisé sa langue pour parler, et adopté des procédés sophistiques, s’en prit à tous ceux qui avaient vieilli dans les travaux de l’ascétisme. Il souleva le peuple de son pays à cause de la communion de Pierre, patriarche d’Alexandrie, avec Acace, archevêque de cette ville impériale, et par zèle, disait-il, contre le concile (σύνοδος) de Chalcédoine. Une foule de séditions (στάσεις) et de massacres naquirent de son inimitié avec Pierre, qui était très aimé de tous ses compatriotes, pour ainsi dire, et principalement de ceux qui formaient les partis dans la ville. C’est ainsi qu’il excita aussi souvent l’empereur Zénon, de pieuse fin, contre Pierre, en disant qu’il avait chassé de leurs couvents ceux qui s’étaient séparés de sa communion par suite de son union avec Acace. C’est ainsi encore qu’il souleva trente mille moines Egyptiens et qu’il s’apprêtait à entrer à Alexandrie afin de détruire cette union, lorsque Cosmas, l’eunuque (εὐνοῦχος) de l’empereur, fut envoyé pour porter aide à ceux qu’on disait avoir été chassés. Après la mort de Pierre, il fit semblant de se convertir et de regretter les séditions qu’il avait souvent suscitées contre lui à propos de son union avec Acace; et il s’efforça de faire croire qu’il était devenu orthodoxe (ὀρθόδοξος), à la suite de ce que Pierre avait écrit dans sa lettre synodale à Fravitas, l’héritier d’Acace. Après, il voulut recevoir l’ordination (χειροτονία) de la prêtrise à Alexandrie et être chargé de l’économat d’une église, et il poussa beaucoup de personnes du palais (παλάτιον) à insister par écrit à ce sujet auprès d’Athanase, qui reçut le patriarcat après Pierre. Mais le peuple gardait un souvenir sympathique de Pierre et détestait avec raison Néphalios, qui avait été la cause d’une multitude de troubles; il criait dans son angoisse que c’était un démon qui avait besoin d’être enchaîné, et il affirmait qu’il était impossible que son désir audacieux se réalisât. A la fin, Néphalios osa prendre la défense du concile dont il était auparavant l’accusateur. Il se joignit alors au clergé de Jérusalem et revint au zèle par lequel il avait provoqué de nombreux troubles, quand il avait fait de fréquents voyages auprès de l’empereur, qu’il avait bouleversé complètement l’union tics Églises, et corrompu la paix et l’ordre de son pays. Dans la suite, il feignit de donner une preuve de sa conversion et dressa des embûches aux héritiers du grand Pierre, à leurs partisans, ainsi qu’à tous ceux qu’il admirait auparavant, lorsqu’il fut venu à Maïouma, où se trouvaient leurs couvents. Ayant reconnu que le pieux Sévère était invincible dans la science de la crainte de Dieu et qu’il se détournait avec nue égale horreur de toutes les hérésies, principalement de celles d’Apollinaire, de Nestorios et d’Eutychès, ces adversaires de Dieu, il résolut de lui livrer tout un combat (ἀγών). Mais il ne put pas résister à sa parole invincible, ni à la profondeur de ses pensées ni à la pureté de ses doctrines. Il prononça alors devant l’église un discours contre Sévère et contre les autres dont il avait été le défenseur (σθνήγορος) devant l’empereur. Dans ce discours, il partageait en deux natures Notre-Seigneur Jésus-Christ qui est un. Finalement, il chassa ces moines de leurs couvents avec l’aide du clergé des églises, c’est-à-dire avec l’aide de ceux qui avaient toujours été pacifiquement disposés à leur égard, et qui considéraient comme une querelle entre frères le différend qu’ils avaient avec eux. Aussi, les appelaient-ils orthodoxes (ὀρθόδοξοι) avant le jour où le soulèvement en question se produisit contre eux, de la manière que je l’ai raconté. Voilà quel fut le motif pour lequel Sévère, cet ami de la philosophie divine et de la tranquillité,[58] vint dans cette ville impériale. Lorsque, en effet, notre pieux empereur apprit ce qui s’était passé, il avait été mis au courant des faits par le gouverneur du pays, — comme il connaissait de par le passé l’humeur perturbatrice de Néphalios et les vertus de ceux qui avaient été persécutés, il entra dans une juste colère contre lui. Tout le monde put, par conséquent, connaître la pieuse volonté de l’empereur. Aussi, ceux qui avaient été chassés de leurs couvents envoyèrent-ils le grand Sérère comme député, pour raconter l’injustice qui leur avait été faite. A son arrivée, il me demanda et demanda aussi Jean, le serviteur de Notre-Seigneur Jésus-Christ. Lorsqu’il eut été renseigné par nous au sujet de ceux qui avaient à cœur l’orthodoxie, il se rendit devant l’empereur; il avait été appuyé par Clementinus qui avait alors l’honneur d’être consul (ὑπατικός) et patrice (πατρίκιος), et par Eupraxios, de glorieuse et pieuse mémoire, qui était l’un des eunuques cubiculaires[59] de l’empereur. Il raconta en détail tout ce qu’on avait fait contre eux; comment, alors qu’aucune hérésie (αῖρησια) ne pouvait leur être reprochée, mais qu’ils adhéraient complètement aux doctrines de l’Eglise et qu’ils communiaient avec les Pères d’Egypte, ils avaient été chassés de leurs couvents où ils vivaient tranquilles. Il excita la pitié de l’empereur et des hauts fonctionnaires, lorsque, avec les moines qui l’accompagnaient, il leur eut fait connaître ce qui s’était passé; et il les remplit d’admiration pour sa conduite sage et spirituelle. Aussi, l’empereur ordonna-t-il immédiatement que le magister d’alors veillât à ce que ceux qui avaient été traités avec iniquité, rentrassent le plus vite possible en possession de leurs couvents. D’autre part, il écrivit une lettre dogmatique à ceux qui étaient à la tête de ces couvents, dans laquelle il confessait que Notre-Seigneur Jésus-Christ était « hors de deux natures » et dans laquelle il les exhorta à avoir en vue l’union de la sainte Église catholique de Dieu. Irrités par ces choses, ceux du parti adverse inventèrent que l’admirable Sévère et ses associés avaient d’abord été adonnés aux hérésies de l’impie Eutychès. Pour réfuter cette calomnie, Sévère composa contre les hérésies d’Eutychès un discours qu’il dédia (προσεφώνησε) à Apion et Paul, de très illustre mémoire, qui étaient patrices. Il envoya également de nombreuses lettres de ce genre à d’autres personnes, dans lesquelles il attaquait Eutychès, Apollinaire et Nestorios. Ayant appris que des partisans de Nestorios avaient fait des extraits des écrits, inspirés par Dieu, de Cyrille, le grand patriarche d’Alexandrie, et qu’ils s’étaient attachés à établir par des citations forcées, tronquées et détachées de l’ensemble du contexte qu’il adhérait aux doctrines de l’impie Nestorios, il réfuta, quand cet ouvrage lui fut tombé sous la main, la ruse machinée contre les esprits simples. Il démasqua, en effet, par ce qui précédait et suivait [ces citations], la calomnie qu’on avait osé porter contre cet homme divin, et pour ce motif, intitula ce traité (πραγματεία), Philalèthe. (Φιλαλήθες) Je passerai sous silence les traités qu’il composa pour beaucoup de personnes du palais impérial, notamment pour l’ami de la science et l’ami du Christ, Eupraxios, dont j’ai fait mention — c’était l’un des eunuques impériaux — lequel l’avait interrogé sur certains points (κεφάλαια) et dogmes (δόγματα) ecclésiastiques, ainsi que sur des questions (ζήτηματα) qui paraissent embarrassantes. Je ne dirai pas comment il réfuta le Testament (διαθήκη) de Lampétios, qui engendra l’hérésie des Adelphiens (Ἀδελφιανοί); comment étant allé à Nicomédie, il démasqua Isidore, c’est-à-dire Jean, qui avait quitté l’habit monastique et qui erra par là et par les doctrines d’Origène et qui en fit errer beaucoup d’autres; comment,[60] avec l’aide du grand Théodore, l’un des héritiers de l’illustre Pierre l’Ibérien, quand il fut venu dans la suite pour le même motif dans cette ville impériale, c’est-à-dire à cause de l’union à laquelle il s’intéressait et dont Sévère avait commencé à s’occuper ; [puis comment], avec l’aide de Sergios, le saint évêque de Philadelphie de Séleucie,[61] d’Astérios de Κηλένδρης il discuta avec celui-ci; il se fit, en effet, que ceux-ci étaient également venus à Constantinople; — de Marnas, qui était le chef du couvent de saint Romanos; du vénérable Eunomios, l’archimandrite du bienheureux Acace, [comment, dis-je], avec l’aide de ceux-ci, il acquit l’union avec tous les évêques isauriens, confondant ainsi par les faits ceux qui disaient d’eux qu’ils fuyaient la communion de tout évêque de la sainte Église catholique de Dieu, et qui, pour ce motif, leur donnaient le nom mensonger d’Acéphales (Ἀκέφαλοι). — Je ne dirai pas non plus comment, les moines d’Antioche la grande arrivant pour le même motif et se plaisant dans des excommunications terribles et étant un obstacle à l’union de l’Eglise, Sévère et ceux de Palestine, ayant considéré ce qui était possible et ne s’étant écartés en rien de l’exactitude des doctrines, avaient laissé sans excuse les évêques qui ne voulaient pas alors réunir ensemble les membres de la sainte Église catholique de Dieu. Il éleva, en effet, les convictions (πληροφορία) terre à terre de Flavien, qui fut évêque d’Antioche, vers la sublimité des doctrines, tempéra dans la mesure du possible la violence de ceux qui s’étaient séparés de lui, et pria l’empereur d’ordonner que l’union se fît de cette manière. Flavien d’Antioche et Elie de Jérusalem, ainsi que certains adversaires de ces choses, ne voulurent pas lui obéir et occasionnèrent de grands troubles à eux-mêmes et au peuple. Quoi? Faut-il raconter comment il attira à lui les évêques éloquents, les uns en leur écrivant, les autres en leur parlant, de sorte qu’eux aussi l’aidèrent à combattre les doctrines de Nestorios? J’omettrai cela, et je me bornerai à dire qu’ayant séjourné trois ans ici (= à Constantinople) pour la cause de l’union, il ne s’écarta en rien de la vie monastique, ni de la règle rigoureuse des ascètes, et ne vécut jamais d’une vie sans contrôle, suivant l’ordre du grand Pierre l’Ibérien. Il vécut pendant tout ce temps, d’abord avec les moines qui l’accompagnaient pour cette affaire, ensuite avec les saints hommes qui étaient montés après lui de Palestine pour le même motif, je veux dire avec Théodore dont j’ai parlé, qui fut appelé le Juste à Béryte, et avec ceux qui l’accompagnaient. Tous ceux qui connurent cet homme (Théodore) affirmaient qu’il était l’image parfaite de la vertu et de la pureté. Oui, même des personnes de grand conseil et d’âge[62] étudièrent avec lui. C’est, comme je l’ai dit précédemment, l’un de ceux qui avec le saint Jean furent les héritiers de Pierre, ce vase d’élection qui donnèrent l’habit monastique à l’admirable Sévère, le consacrèrent pour la vertu et l’élevèrent à la hauteur de la philosophie divine. Dans la suite, Pierre, le disciple de Sévère, dont j’ai parlé plus haut, arriva également [ici]. Il venait rappeler Sévère au retour dans son couvent. Tous ceux de nous qui virent alors ce Pierre et apprirent à le connaître, le trouvèrent également orné de toute espèce de vertus, et parfait dans la pratique de la vie monastique et dans la componction. Il était aussi admiré du grand Théodore[63] pour sa chasteté et ses autres vertus. A la suite de tout cela, lorsque les événements relatif à Macédonios eurent eu lieu, après la lutte et la discussion que Sévère avait engagées avec lui au sujet des dogmes, devant les juges établis par l’empereur, des personnes furent portées à le faire élire comme patriarche. Beaucoup d’autres se joignirent à elles. Aussi, s’en fallut-il de peu que l’empereur lui-même ne fût de cet avis, si l’envie et la jalousie de certaines gens n’avaient fait échouer ce projet. Cependant Sévère fut invité plusieurs fois par l’empereur à habiter avec Timothée, — le successeur de Macédonios, un homme admirable de vertu et plein de miséricorde pour les pauvres, — à s’occuper [avec lui] de l’union de l’Église et à gérer avec lui les affaires de l’Église. Mais il déclina cette invitation, en rappelant son amour de la tranquillité et de la vie monastique et philosophique. Après en avoir engagé d’autres à embrasser cette même vie, il retourna avec eux dans son couvent. Il avait rempli dans la mesure du possible la mission pour laquelle il était venu dans cette ville impériale. Pour lui et pour tous ceux habitant la Palestine, il avait obtenu la tranquillité; et à toute chose, il avait préféré la vie monastique. Mais, dans la suite, Dieu voulant l’établir patri arche d’Antioche la grande, fit porter sur lui les suffrages (ψήφισμα) de celle-ci, par le choix de tous les moines de l’Orient. Un grand nombre de ceux-ci avaient eu l’occasion de faire, dans cette ville impériale, l’expérience de sa foi, de son orthodoxie et de ses autres qualités philosophiques, lorsqu’ils y étaient arrivés pour le même motif [que lui]. En outre, avant eux, les moines du couvent de Tourgas (?) avaient appris à le connaître. Chassés de l’un des villages situés auprès d’Apamée, par ordre de Flavien, à cause du zèle dont ils avaient fait preuve contre les doctrines de Nestorios, ils étaient arrivés en Palestine, au nombre d’une centaine. Ils s’en étaient allés portant chacun sa croix sur ses épaules, et ils avaient été reçus par Sévère et par les héritiers de Pierre, d’Isaïe, de Romanos, de Salomon, d’Acace, ces hommes illustres. — De plus, [Sévère fut encore élu] par le peuple tout entier, qui était déjà dans l’admiration de la belle réputation qu’il s’était acquise par les combats qu’il avait livrés ici pour l’orthodoxie, ainsi que dans le concile tenu en Phénicie, où, sur le désir des évêques orthodoxes, il avait uni ses efforts à ceux du grand Théodore, et les avait fait triompher dans tous les combats (ἀγῶνες). Notre pieux empereur approuva le choix qu’on avait fait pour le patriarcat. Lorsque Flavien eut été chassé du trône patriarcal, sur la décision générale des évêques de l’Orient, à cause de ses innovations en matière de foi, il ordonna à Sévère de quitter son couvent, de se rendre à Antioche, en vertu de l’accord unanime des évêques et des moines, d’y recevoir le patriarcat et d’obtenir pour tout le monde l’union que Flavien avait rompue en favorisant Macédonios ainsi que tous ceux qui partagent les idées de Nestorios et veulent introduire dans l’Eglise les doctrines de Diodore et de Théodore. De cette espèce étaient également ceux qui en Perse soulevaient de nouveau des controverses de ce genre, et à cause desquels les orthodoxes de ce pays avaient envoyé de fréquentes ambassades à notre empereur, pour prier nos évêques de faire connaître leurs avis sur ces choses, notamment sur ce fait y a. que chez eux Barçauma s’était non seulement efforcé de leur faire adopter les doctrines hérétiques en question, mais avait encore corrompu les canons (κανόνες) de l’Église. Pour plaire au roi des Perses, irrité du grand nombre des chrétiens qui s’étaient abstenus du mariage, il avait osé leur imposer des lois contraires, qui obligeaient tout évêque, tout clerc (κληρικός) tout moine, et, d’une façon générale, tous les chrétiens à s’unir à une femme par le mariage et à habiter avec elle. A cette époque, Acace, qui était patriarche de cette ville impériale, après avoir censuré Barçauma, l’avait dépouillé à cause des doctrines de Nestorios et de Théodore — le serpent siffle encore; — quant à ses canons (κανόνες), il les avait condamnés comme ne concordant nullement avec la tradition apostolique. Notre pieux empereur voulut faire disparaître les innovations que les Nestoriens avaient machinées contre l’Hénotique (Ἑνωτικόν) de Zénon, de pieuse fin. Macédonios avait, en effet, également voulu commencer dans la suite une tentative de ce genre : après avoir promis, à l’époque de son ordination (χειροτονία) de recevoir l’Hénotique et de communier avec tous les évêques. Il avait méprisé plus tard la vertu de cet écrit et refusé l’union avec les Egyptiens. Après un certain temps, Flavien avait manifesté la même volonté par ses actes. Il avait mis le trouble parmi tous les moines de l’Orient, en y persécutant un grand nombre de ceux qui étaient attachés à la philosophie divine, qui se réjouissaient des travaux et des fatigues de la vie ascétique, qui anathématisaient également les hérésies de Nestorios, d’Eutychès, celle d’Apollinaire, cet ennemi de Dieu, ainsi que toute autre mauvaise doctrine qui s’est dressée contre la sainte Eglise catholique de Dieu. Ne voulant pas s’écarter de la vertu de l’Hénotique et désirant réprimer les innovations et les persécutions, l’empereur ratifia l’élection du grand Sévère, comme je l’ai dit plus haut, et le reconnut digne de recevoir le patriarcal Aussitôt que je l’appris, je rappelai à Sévère par lettre la prophétie que le bienheureux Ménas avait faite à son sujet. Je lui disais que sa nomination était d’ordre divin et qu’il ne devait pas la décliner. C’était Dieu qui, en réalisant la prophétie faite à son sujet, l’avait fait monter sur le trône patriarcal, tandis que toute la ville le considérait comme un second Pierre. Il accepta donc le patriarcat, ainsi que l’union de tous les évêques orientaux, des clercs (κλεροκοί), des moines et des peuples. Il rétablit aussitôt l’union avec les Égyptiens que son prédécesseur avait rompue dans le but d’altérer la concorde de l’Église. Épiphane seulement, évêque de Tyr, en raison de son amour pour Flavien dont il est le frère, refusa complètement d’adhérer à l’union, de même que Julien de Bostra. Ceux-ci abandonnèrent alors les villes dont ils étaient évêques, sans que personne les y forçât. Cet homme de Dieu (Sévère) aurait aussi fait l’union avec tous les autres [évêques]. — Il leur envoya, en effet, des lettres synodales, — s’il n’en avait été empêché par l’envie des démons et la jalousie des personnes qui ne se réjouissent nullement de la paix des Églises, ainsi que par l’agitation qui se produisit dans cette ville impériale à cause de l’hymne du Trisagion Cette hymne était en usage en Orient avec l’addition « Toi qui as été crucifié pour nous, aie pitié de nous », et il avait plu à certaines personnes de la chanter également ici de cette manière. Mais elles coururent de grands dangers (κίνδυνοι), lors des troubles que provoquèrent chez les simples les partisans de Nestorios, qui préparaient cette hymne pour Rome (?). Voilà comment l’union fut empêchée. Sévère, au moment où il monta sur le trône patriarcal, prononça sa première homélie dans l’Église de Dieu. Il y foula aux pieds toutes les hérésies. Aussi, tout le monde admirait-il son orthodoxie ses citations de l’Écriture, la clarté de sa parole, et le considérait-il, en vérité, comme un second Jean. Voici que j’ai raconté, mon ami, quelle a été la vie du grand Sévère jusqu’à son patriarcat. Laissant l’histoire des autres faits à la ville qui l’a accueilli, à ceux qui ont été dirigés par lui, qui ont profité de son enseignement apostolique et qui ont fait l’expérience de sa vie et de ses travaux ascétiques, je terminerai ce récit que j’ai composé, sur ton invitation, pour la gloire du grand Dieu et de notre Sauveur, Jésus-Christ, qui est l’objet, le commencement et fin6 de toute crainte de Dieu et de toute histoire vraie. Fin de l’histoire de la vie de saint Mar Sévère, antérieurement à son épiscopat (ἐπισκοπή), par Zacharie le Scholastique (σχολαστικός). [1] C.-à-d. : Asklépiodotos d’Alexandrie demande en mariage la fille d’Asklépiodotos d’Aphrodisias. [2][2] L’épithète γεόλογος est donnée à saint Jean l’Évangéliste et à Grégoire de Nazianze. [3] Le popanon est une sorte de galette que l’on offrait dans les sacrifices. On peut aussi supposer que le mot syriaque représente le mot grec mais cette lecture me paraît moins satisfaisante. [4] καίειν πυρί. [5] Mot à mot : « en matière (ὕλη) de marbre » [6] ἀρχίερευς. [7] οἶκος. [8] ἀρχιεπίσκοπος ; ἐπίσκοπος est dans le texte. [9] Le texte de cette phrase est peu clair. [10] Constantinople ou Rome, ici Constantinople. [11] Mot à mot : « grammairien (γραμματικός) de la science de la langue des Romains (Ῥωμαῖοι). » [12] « Après » ? [13] « Pour me dire la vérité » ? [14] Le texte de la dernière partie de cette phrase est obscur, et a embarrassé le Syrien qui a annoté cette Vie. [15] Mot à mot : « auditeur. » [16] Passage un peu obscur, que nous avons traduit assez librement. [17] Mot à mot : « une nourrice. » [18] Passage obscur. [19] Tout ce passage est obscur : le texte semble corrompu. [20] Le texte de ce passage n’est pas très clair. [21] Proprement : « élisaient tous ceux qui le fréquentaient préfets, etc. » [22] Le ms. semble présenter une lacune ici. [23] Mot à mot : « un mâle. » [24] Mot à mot : « une femelle. » [25] Littéralement « parce qu’elle avait la dignité de la vieillesse ». [26] πόρνοι « des mignons »? [27] Passage difficile. [28] Peut-être vaut-il mieux traduire cette phrase comme suit : « sans cette mesure, nous aurions été mis dans quelque mauvais cas. Ce ne fut pas sans difficulté que nous assurâmes la fuite et le salut à Léontios lorsqu’il eut été pris etc. » [29] Littéralement « contre ceux qu’ont engendrés ceux qui ont été engendrés par eux. » [30] Μot à mot : « une sentence de victoire. » [31] Le sujet des deux derniers verbes n’est pas exprimé dans le texte qui présente probablement une lacune à cet endroit. [32] Μot à mot : « divination par les morts. » [33] Le verbe de cette phrase a été omis par le copiste. [34] Le scribe semble avoir oublié quelques mots devant cette phrase. [35] Passage obscur ; pour le mot « science » que nous avons suppléé. [36] Mot à mot : « de la ville de Gaza au bord de la mer. » [37] Proprement : « il me rétorqua ma demande. » [38] Proprement : « la science. » [39] Ce passage n’est pas très clair. Peut-être vaut-il mieux traduire : « Je fus ensuite instruit par Grégoire, etc., en lisant leurs homélies catéchétiques, leurs théories divines et leurs symboles du baptême ». [40] Mot à mot : « pendant les autres jours », les jours autres que le samedi après-midi et le dimanche. [41] Ce passage n’est pas très clair. [42] Zacharie reprend et achève ici la phrase commencée au paragraphe précédent. [43] « et je disais qu’ils (les parents) m’abandonneraient »? [44] Dans le sens de : « inexpérimenté, irréfléchi », c’est-à-dire dans le sens du mot français « enfant. » [45] Le texte de cette phrase nous semble corrompu. [46] Les explications contenues dans les commentaires des lois? [47] Tout ce passage n’est pas très clair. [48] Peut-être est-il préférable de traduire ici et plus bas « Évagrios et ses compagnons ». [49] Mot à mot : « sueurs. » [50] Mot à mot : « tous les jours. » [51] Proprement : « corporel. » [52] Mot à mot : « disaient les réponses les uns aux autres ». [53] C’est-à-dire : « ascétiques ». [54] Constantinople. [55] Proprement : « sueurs ». [56] Le sens de cette phrase ne nous apparaît pas clairement [57] Ce passage n’est pas très clair. [58] ἡσυχία = vie contemplative [59] Mot à mot : « des chambres impériales ». [60] La suite de ce passage manque de clarté. [61] C’est-à-dire du diocèse ayant Séleucie pour métropole (diocèse d’Isaurie). [62] « De la grande Boulé et du sénat »? [63] Peut-être est-il préférable de traduire ici « Théodore et ses compagnons ».
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