Théophile

Saint Théophile d'Antioche

 

Commentaire de la parabole de l'économe infidèle

Numérisé par Albocicade

 

 

 

Commentaire

de la parabole de l'économe infidèle

par

St Théophile d'Antioche

 

Rapporté par St Jérôme

Epître 121 : "A Algasia"

Numérisé par Albocicade

2010

 

 

 

Texte de la parabole

1 Jésus dit à ses disciples: Un homme riche avait un économe, qui lui fut dénoncé comme dissipant ses biens. 2 Il l'appela, et lui dit: Qu'est-ce que j'entends dire de toi? Rends compte de ton administration, car tu ne pourras plus administrer mes biens. 3 L'économe dit en lui-même: Que ferai-je, puisque mon maître m'ôte l'administration de ses biens? Travailler à la terre? je ne le puis. Mendier? j'en ai honte. 4 Je sais ce que je ferai, pour qu'il y ait des gens qui me reçoivent dans leurs maisons quand je serai destitué de mon emploi. 5 Et, faisant venir chacun des débiteurs de son maître, il dit au premier: Combien dois-tu à mon maître? 6 Cent mesures d'huile, répondit-il. Et il lui dit: Prends ton billet, assieds-toi vite, et écris cinquante. 7 Il dit ensuite à un autre: Et toi, combien dois-tu? Cent mesures de blé, répondit-il. Et il lui dit: Prends ton billet, et écris quatre-vingts. 8 Le maître loua l'économe infidèle de ce qu'il avait agi prudemment. Car les enfants de ce siècle sont plus prudents à l'égard de leurs semblables que ne le sont les enfants de lumière. 9 Et moi, je vous dis: Faites-vous des amis avec les richesses injustes, pour qu'ils vous reçoivent dans les tabernacles éternels, quand elles viendront à vous manquer. Evangile selon St Luc 16. 1-9 

Commentaire rapporté par St Jérôme

Théophile, qui a été le septième évêque de l'Eglise d'Antioche après saint Pierre, et qui nous a laissé un illustre monument de son érudition, faisant un corps d'histoire des paroles des quatre évangélistes, explique ainsi cette parabole dans ses Commentaires :

« Cet homme riche qui avait un fermier ou un économe est Dieu, dont les richesses sont infinies. Son économe est saint Paul, qui, instruit aux pieds de Gamaliel dans la science des saintes Ecritures, était chargé du soin d'enseigner aux autres la loi du Seigneur. Mais ayant commencé à persécuter ceux qui croyaient en Jésus-Christ, à les charger de chaînes, à les faire mourir, et à dissiper par là les biens de son maître, le Seigneur, blâmant une conduite si violente et si emportée, lui a dit: «Saül ; Saül, pourquoi me persécutez-vous? » Il vous est dur de regimber contre l'aiguillon.

Que ferai-je ? dit alors en lui-même cet économe infidèle. De maître et d'intendant que j'étais; je me vois réduit au rang des disciples et des ouvriers. « Je ne saurais travailler à la terre, car je vois qu'on a aboli tous les commandements de la loi, qui ne nous proposait pour récompense que des biens terrestres et passagers, et que cette loi aussi bien que les prophètes n'ont duré que jusqu'à Jean. « J'ai honte de mendier, » et de me voir réduit à apprendre des gentils, et d'Ananie qui n'est qu'un disciple, la science du salut et de la foi, moi qui ai été le maître et le docteur des Juifs. Je vais donc prendre le parti qui me paraît le plus avantageux pour moi, afin que, lorsqu'on m'aura ôté l'administration que l'on m'avait confiée, les chrétiens me reçoivent chez eux.

Il commença donc à instruire ceux qui avaient renoncé au judaïsme pour embrasser la foi de Jésus-Christ; et de peur qu'ils ne crussent qu'ils devaient être justifiés par la loi de Moïse, il leur fit voir que cette loi était abolie, que le temps des prophètes était passé, et qu'ils devaient regarder comme des ordures ce qu'autrefois ils avaient considéré comme un gain et un avantage.

Il fit ensuite venir deux des débiteurs de son maître. Le premier devait «cent barils d'huile: » c'était le peuple gentil qui avait besoin que Dieu répandit sur lui l'abondance de ses miséricordes. De cent barils dont il était redevable, et qui est un nombre plein et parfait, l'économe lui fit faire une obligation de cinquante; nombre qui marque la pénitence, et qui revient aux années de jubilé, et à cette autre parabole dont il est parlé dans l'Évangile, ou un créancier remet à l'un de ses débiteurs cinq cents deniers et à l'autre cinquante. Le second devait « cent mesures de blé :» c'était le peuple juif, qui s'était nourri des commandements de Dieu comme d'un froment très pur. L'économe lui fit faire une obligation de quatre-vingts mesures : c'est-à-dire qu'il l'engagea à croire en la résurrection du Sauveur, et à passer de l'observation du sabbat à la célébration du dimanche, qui est le premier jour de la semaine.

Ce fut par une conduite si sage que cet économe mérita l'approbation et les éloges de son maître, qui le loua d'avoir renoncé pour les intérêts de son salut à la sévérité d'une loi dure et austère, pour prendre les sentiments de douceur et de miséricorde qu'inspire l'Evangile.

Mais pourquoi, me direz-vous, appelle-t-on cet économe « infidèle, » puisqu'il n'agissait que par l'esprit de la loi dont Dieu même est l'auteur? C'est que, quoiqu'il servît Dieu avec un véritable zèle et des intentions épurées, néanmoins son culte était défectueux et partagé, parce qu'en croyant au Père il ne laissait pas de persécuter le Fils, et que reconnaissant un Dieu tout-puissant, il ne voulait pas confesser la divinité du Saint-Esprit.

Saint Paul a donc fait paraître plus de prudence en transgressant la loi que les enfants de lumière, qui, en vivant dans la pratique exacte de la loi de Moïse , ont méconnu Jésus-Christ qui est la véritable lumière de Dieu le Père. »

 

Texte latin de St Jérôme

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Theophilus Antiochenae Ecclesiae [b] septimus post Petrum Apostolum Episcopus, qui quatuor Evangelistarum in unum opus dicta compingens, ingenii sui nobis monumenta dimisit [al. reliquit], haec super hac parabola in suis Commentariis est locutus.

«Dives qui habebat villicum, sive dispensatorem, Deus omnipotens est, quo nihil est ditius. Hujus dispensator est Paulus, qui ad pedes Gamalielis sacras Litteras didicit (Act. 22. 3), et Legem Dei susceperat dispensandam. Qui cum coepisset credentes in Christo persequi, ligare, occidere, et omnem Domini sui dissipare substantiam, correptus a Domino est: Saule, Saule quid me persequeris? Durum est tibi contra stimulum calcitrare (Actor. 9. 4. 5). Dixitque in  corde suo:

Quid faciam? quia qui magister fui, et villicus, cogor esse discipulus et operarius. [867] Fodere non valeo. Omnia enim mandata Legis, quae terrae incubabant, cerno destructa: et Legem atque Prophetas usque ad Joannem Baptistam esse finitos. Mendicare erubesco, ut qui doctor fueram Judaeorum, cogar a gentibus et a discipulo Anania, salutis ac fidei mendicare doctrinam. Faciam igitur quod mihi utile esse intelligo: ut postquam projectus fuero de villicatione mea, recipiant me Christiani in domos suas.

Coepitque eos qui prius versabantur in Lege, et sic in Christum crediderant [c], ut arbitrarentur se in Lege justificandos, docere Legem abolitam [d], Prophetias praeterisse, et quae antea pro lucro fuerant, reputari in stercora (Philipp. 3. 8).

Vocavit itaque duos de pluribus debitoribus. Primum, qui debebat centum balos olei, eos videlicet qui fuerant ex gentibus congregati, et magna indigebant misericordia Dei; et de centenario numero (qui plenus est atque perfectus) fecit eos scribere quinquagenarium, qui proprie poenitentium [1021] est, juxta jubilaeum, et illam in Evangelio parabolam, in qua alteri quingenti, alteri quinquaginta denarii dimittuntur. Secundum autem vocavit populum Judaeorum, qui tritico mandatorum Dei nutritus erat, et debebat ei centenarium numerum, et coegit, ut de centum, octoginta faceret, id est crederet in Domini resurrectione, quae octavae diei numero continetur, et de octo completur decadibus: ut de sabbato Legis transiret ad primam sabbati.

Ob hanc causam a Domino praedicatur, quod bene fecerit; et pro salute sua in Evangelii clementiam de Legis austeritate [a] mutatus sit. Quod si quaesieris, quare vocetur villicus iniquitatis, in Lege, quae Dei est; iniquus erat villicus, qui bene quidem offerebat, sed non bene dividebat; credens in Patrem, sed Filium persequens; habens Deum omnipotentem, sed Spiritum Sanctum negans.

Prudentior itaque fuit Paulus Apostolus in transgressione Legis filiis quondam lucis, qui in Legis observatione versati, Christum qui Dei patris verum lumen est, perdiderunt.

 

Source :

Oeuvres de st Jérôme publiées par M. Menoit Matougues, sous la direction de M. L. Aimé-Martin. Paris Auguste Desrez, imprimeur-éditeur rue neuve-des-petits-champs, n° 50, MDCCCXXXVIII : Critique sacrée : explications de divers passages de l'écriture sainte. partie I. A Algasia.

 epistola cxxi. ad algasiam. hieronymus ad algasiam. de quaestionibus

http://remacle.org/bloodwolf/eglise/jerome/algasia.htm