Jérôme de Moravie

RÉMY d'Auxerre

 

DE LA MUSIQUE - EXTRAITS

 

Oeuvre numérisée par Marc Szwajcer

 


 

RÉMY d'Auxerre[1]

DE LA MUSIQUE

EXTRAITS

(ixe siècle)

D'abord professeur de dialectique et de musique à l'Ecole palatine, sous l'empereur Charles le Chauve, Rémy, religieux du monastère de saint Germain, à Auxerre, fut ensuite appelé à Reims par l'archevêque Fulcon, où il prit la direction des écoles cléricales qui venaient d'y être fondées. Il eut pour collègue dans l’enseignement le célèbre Hucbald de Saint-Amand.

Rémy devait instruire les clercs dans l'art du chant, pour les rendre capables d'interpréter à l'église les mélodies sacrées, Il nous a laissé de son enseignement comme une sorte de manuel musical, le commentaire du IXe livre de Martianus Capella de Nuptiis Philologiae qui servait de texte à ses leçons.

C'est donc aux auteurs grecs qu'il empruntait la théorie de la musique. Toutefois, dans son commentaire, deux choses sont remarquables : 1° il suit le texte de Capella, mais c'est à Boèce qu'il renvoie constamment pour une étude plus approfondie de la théorie harmonique, et l'on voit, par les explications qu'il ajoute à son texte, qu’il se servait également des autres auteurs chrétiens, saint Augustin, Cassiodore et Bède le Vénérable ; — 2° il ne prend guère de la théorie musicale des Grecs que ce qu'elle a de commun avec la théorie du chant grégorien. Il expose, par exemple, les trois genres d'échelles musicales, diatonique, chromatique et enharmonique, parce qu'on en faisait encore usage de son temps et même plus tard, comme nous le voyons par Guy d'Arezzo, au xie siècle. Des quinze modes, il fait simplement mention, en suivant son texte, sans explication inutile et en marquant avec soin, que ce sont là les modes dont les Grecs se servaient autrefois, non ceux qui sont encore en usage. En revanche, il compte huit espèces de diapason ou octave, selon la théorie de Boèce et contrairement à tous les auteurs grecs. C'était le moyen d'accorder ensemble les deux systèmes, celui de la musique ancienne et celui de la musique grégorienne, la théorie de l'octoéchos étant, à cette époque, encore assez mal définie.

Mais ce qu'il nous importe surtout de connaître, c'est son enseignement par rapport au rythme musical, sa manière de le comprendre et les leçons qu'il en donnait à ses élèves. De fait, c'est la partie de son commentaire la plus étendue et dans laquelle les explications sont plus multipliées. Il est remarquable, en outre, qu'il ne s'occupe que de la rythmique ; chez lui, comme dans Martianus Capella, la métrique est laissée complètement de côté, son but étant de former des chanteurs et des musiciens, non des poètes. Raison de plus pour le lire avec attention, il nous apprendra précisément ce que nous désirons savoir : comment, au ixe siècle, on comprenait et on pratiquait le rythme dans la musique ecclésiastique, la seule qui existât alors, la seule aussi dont s'occupe Rémy d'Auxerre. Je ne ferai guère que le traduire aussi exactement que possible, en fondant ensemble le texte et la paraphrase.

Page 67. — « Il y a trois sortes de formes en musique[2] : la première convient aux sons, la deuxième aux nombres, la troisième aux mots.

« La première forme, celle qui est dans les sons, constitue l’Harmonique. Elle a pour objet, non des mots ayant une signification précise, mais seulement les sons assemblés selon un certain ordre. — La deuxième forme, qui est dans les nombres et constitue la Rythmique, demande seulement ou des sons sans signification, mais en nombre convenable, ou des mots signifiant quelque chose ou ne signifiant rien, mais sans limites déterminées. — La troisième forme, appelée Métrique, ne requiert pas seulement des sons d'une durée précise, mais il faut encore des mots signifiant quelque chose et n'excédant pas une certaine étendue. Le vers et le mètre en sont des exemples : dans l'un et l'autre il y a une étendue limitée et un nombre maximum de pieds ; le sénaire est le plus grand vers, l'octonaire le plus grand mètre.

« Notons cependant que ces trois formes peuvent se trouver dans la voix humaine. En harmonique, quand les voix n'offrent aucun sens intelligible, la première forme seule existe. Mais on trouve aussi dans les voix humaines des sons qui n'ont aucun sens et qui possèdent cependant le nombre, parce qu'ils sont assemblés suivant certaines proportions déterminées. On y trouve enfin des sons qui ont un sens et qui possèdent le nombre ; ce sont des mots……………………………………………………..

« Il y a cette différence entre le rythme et le mètre, que le rythme se forme de mots assemblés sans limites déterminées ; il peut se prolonger indéfiniment, car il n'y a pas de loi qui fixe le nombre et la forme de ses pieds. Le mètre, au contraire, se compose de pieds en nombre et de forme réglés. Le plus petit mètre renferme un pied et demi ; il peut croître jusqu'à huit pieds, mais ne dépasse pas ce nombre. »

Vient ensuite l'explication des sept parties de l'harmonique. Rémy suit la doctrine de Boèce et renvoie souvent à ses livres.

Page 80. — « Mais en voilà assez sur les sept parties de notre art. Voyons maintenant ce qui concerne les rythmes, car ils font indubitablement partie de nos études,

« Le rythme se forme de temps perceptibles aux sens et assemblée selon un ordre et des proportions déterminées. Nous distinguons, en effet, des nombres intelligibles et incorporels que les sens ne sauraient percevoir, et des nombres sensibles, que nous percevons par la vue, pu l'ouïe ou par le toucher. Toute musique est nécessairement nombre ; mais le rythme convient éminemment à la voix humaine, parce que seule elle est gouvernée par la raison. C'est pourquoi Virgile a dit :

Numeros memini, si verba tenerem.

« On peut encore et plus longuement définir le rythme : un assemblage de temps et de pieds, ordonnés de telle sorte dans la mélodie que les durées en soient réglées par arsis et thésis et que la mélodie elle-même, au lieu de divaguer sans règle et sans ordre, se trouve disciplinée et réduite en art. Il faut pourtant distinguer entre rythme et rythmizomenon (ce qui est susceptible de nombre et peut être soumis aux règles de l'art). Le rythmizomenon est la matière du rythme, c'est-à-dire les pieds qui servent à composer les rythmes ; car tout rythme se scande par pieds. Mais le nombre ou le rythme est comme l'artiste qui travaille cette matière, c'est lui qui donne sa forme à la mélodie.

« Nous percevons le rythme de trois manières : par la vue, par l'ouïe et par le toucher. Par la vue, dans les danses et les mouvements du corps ; par l'ouïe, dans les modulations des instruments et de la voix humaine ; par le toucher, dans les pulsations des veines que tâtent les médecins. Mais l'art rythmique, quel qu'il soit, consiste essentiellement dans les nombres ; ce sont eux qui en règlent tous les mouvements, qui déterminent jusqu'où ils doivent aller et quand ils doivent revenir, leur forme et leur durée.

« Rythme et mètre diffèrent passablement l'un de l'autre, comme il sera dit plus loin. Quant au rythme que nous percevons par la vue et par l'ouïe, il est aussi de trois sortes : dans les mouvements du corps, dans les sons et les modulations de la voix, dans les mots régulièrement assemblés. Ces trois choses réunies font la mélodie parfaite. Or le rythme se compose dans les mots de syllabes, dans la mélodie d'arsis et de thésis, dans les mouvements corporels de figures et de schémas. »

« On divise ordinairement la rythmique en sept parties : 1° des temps et de leurs durées longues et brèves ; 2° des mots, selon qu'ils sont aptes au rythme et au mètre, ou qu'ils ne leur peuvent convenir, ou enfin qu'ils leur conviennent en partie seulement. On appelle les premiers eurythmoi (bien rythmés), les deuxièmes, arythmoi (sans rythme), et les troisièmes, rythmoïdes (participant du rythme) ; 3° des pieds rythmiques ; 4° de leurs divers genres ; 5° du mouvement rythmique, c'est-à-dire comment on assemble dans les rythmes les pieds des divers genres ; 6° des mutations ou changements de rythme et de mètre ; 7° de la rythmopée, art d'assembler les rythmes pour en composer des mélodies, des mètres ou vers.

« Le temps premier… est la durée du son le plus court ; il est indivisible. Le temps composé est celui qui peut être divisé en temps premiers ; il en est le double, le triple ou le quadruple, car nous n'allons pas plus loin dans la composition des temps rythmiques. Ainsi, tout pied légitime est double, c'est-à-dire formé de deux sons ou syllabes, ou triple, de trois syllabes, ou quadruple, de quatre syllabes. Mais on peut encore expliquer d'une autre manière la composition des temps, en ce sens que les deux temps d'une syllabe longue équivalent à un temps composé, de sorte que non seulement les syllabes, mais aussi les temps n'excèdent pas le nombre quatre, dernière limite fixée par la raison aux compositions rythmiques.

« Parmi les temps qui se composent les uns avec les autres, les uns sont eurythmiques, d'autres arythmiques, d'autres enfin rythmoïdes. Les temps eurythmiques observent entre eux un certain ordre et les proportions qui conviennent au rythme, proportion égale, double ou sescuple. Les temps arythmiques ne suivent aucun ordre ni ne gardent aucune proportion dans leur assemblage. C'est ainsi que certains pieds sont impropres au rythme, l'amphibraque, par exemple, que les métriciens regardent comme informe et mal ordonné. Les rythmoïdes sont en partie rythmés et en partie non rythmés ; tantôt ils sont strongyla (rotunda) et tantôt peripleo (superabundantia) …

« Mais, pour en venir aux temps proprement rythmiques, ils sont de deux sortes, simples et multiples. Les temps simples sont aussi nommés podiques, parce que ce sont eux qui forment les pieds rythmiques. Le pied est l'élément premier du rythme. Il se compose de sons assemblés en nombre déterminé et suivant des proportions fixes ; il renferme deux parties, une arsis, ou élévation, et une thésis, ou déposition de la voix. Les pieds simples se résolvent toujours en temps.

« Les temps ou pieds multiples sont composés de telle sorte qu'en les décomposant ils se résolvent en pieds simples, ou en pieds et en temps. Le pyrrhique, par exemple, est un pied simple, composé de deux temps ; mais les péons, les épitrites et autres pieds de ce genre, sont des pieds multiples, qui équivalent à plusieurs pieds simples.

« Il y a trois genres de rythmes : le dactylique ou égal, l’iambique ou double, et le péonique ou sesquialtère, auxquels on adjoint quelquefois l’épitrite ou sesquiterce. Dans le genre dactylique, les signes temporaires, c'est-à-dire les virgules qui servent à marquer les brèves et les longues, sont d'égale valeur à l'arsis et à la thésis, et tous les pieds dans lesquels cette égalité existe sont compris dans le genre dactylique, quel que soit d'ailleurs le nombre des temps dans les deux parties du pied (1 : 1, 2 : 2, 3 : 3, 4 : 4). On compte ainsi seize pieds dactyliques, dont dix sont simples et six par synzygie ou accouplement.

« Dans le genre iambique, les signes temporaires gardent entre eux (de l'arsis à la thésis, ou inversement) la proportion double, quel que soit encore le nombre des temps (1 : 2, 2 : 4, 3 : 6, 4 : 8). De même dans le genre péonique, où la proportion est sesquialtère (2 : 3, 4 : 6), et dans le genre épitrite, avec la proportion sesquiterce (3 : 4). Mais revenons à ce que nous disions tout d'abord.

« Le genre égal commence donc par un pied de deux temps brefs, qui est le pyrrhique, et il comprend jusqu'à seize pieds qui ont tous la même proportion d'égalité des temps à l'arsis et à la thésis. Le genre double commence par des pieds de trois temps, comme le tribraque, l'iambe et le trochée, et il en renferme dix-huit qui ont la même proportion ; six sont des pieds simples et douze se forment par synzygie. Le genre sesquialtère, qui est d'abord de cinq temps, compte quinze pieds ayant une proportion semblable. Sept de ces pieds sont simples… et les huit autres se forment par synzygie. Le genre épitrite, qui débute par des pieds de sept temps, en renferme quatorze de même proportion, quatre simple et dix par synzygie.

« Il faut observer que, si nous ajoutons ici aux pieds simples ceux qui, dans chaque genre, se forment par accouplement, ce n'est pas que ces derniers soient aptes à composer des mètres réguliers, mais uniquement à cause de l'usage qu'on en fait dans les rythmes. Toutefois les pieds du genre épitrite offrent au rythme de telles difficultés qu'ils sont très rarement employés.

« En assemblant les pieds des trois genres susdits, on forme des rythmes de plusieurs sortes. Les uns sont composés, c'est-à-dire réunissent des pieds de deux genres, comme le dactyle et l'iambe, ou même davantage, comme le dactyle, l'iambe, le péon et l'épitrite. D'autres sont incomposés et ne renferment que des pieds de même genre, les tétrasèmes par exemple, c'est-à-dire ceux de quatre temps ou dactyliques. D'autres enfin sont mixtes, parce que tantôt on les divise en pieds semblables, comme deux iambes ou deux trochées, et tantôt en rythmes ou en temps impropres à faire un pied. Les pieds de six temps sont de ce nombre, le diiambe par exemple, qu’on peut diviser en deux iambes ou en deux ternaires qui ne sont ni des trochées ni des iambes :

De même le molosse qui se résout en trois binaires ou en deux pieds différents, un spondée et un temps long, l’équivalent rythmique d’un pyrrhique :

Quant à la manière de composer ensemble les pieds rythmiques, il y en a deux : par synzygie et par période. La synzygie ou accouplement ne réunit que deux pieds dissemblables, c’est-à-dire différents de genre ou de figure, le pyrrhique par exemple et le procéleusmatique, qui sont l’un de deux temps et l’autre de quatre; l’iambe et le spondée ou le daétyle, le premier du genre double et les deux autres du genre égal. La période associe un plus grand nombre de pieds dissemblables par le genre ou l’espèce.

« Pour en venir maintenant aux rythmes les plus ordinaires, c’est-à- dire à ceux qui se résolvent en pieds, le premier et le principal est le rythme dactylique. On y fait usage de six pieds incomposés, savoir : deux procéleusmatiques, deux anapestes et deux spondées.

« Le premier procéleusmatique,[3] appelé aussi pyrrhique, se compose d’une arsis brève et d’une thésis également brève . Le second, plus usité, renferme quatre temps brefs, deux pour l’arsis et autant pour la thésis. De ces deux procéleusmatiques, le premier est dit mineur et le deuxième majeur. On donne encore au premier le nom de continu (syneches), parce que la fréquence et la continuité des syllabes ou des temps qui le composent ne permettent au mouvement rythmique ni largeur ni variété.

Aussi en fait-on peu usage dans les mètres, la continuité des syllabes brèves étant contraire à la dignité et à la majesté de la poésie. Au contraire, le procéleusmatique majeur s'unit très bien aux autres pieds de même rythme, les anapestes et les spondées. Il tempère par son mouvement rapide leur lenteur et prolixité, et c'est de lui qu'on fait surtout usage dans les rythmes.

« L'anapeste a toujours une de ses parties monochrone et l'autre dichrone. Il est mineur, lorsque la partie monochrone du pied ne renferme qu'un temps simple, et alors c'est l'iambe ou le trochée, dont il sera parlé plus loin. Il est majeur, lorsque cette partie monochrone est un temps composé, l'équivalent de deux brèves. L'anapeste majeur a donc ses temps disposés de telle sorte que, pour la durée, la thésis et l'arsis sont égales et se répondent l'une à l'autre. Ce qui se fait de deux manières : 1° le pied commence par le temps le plus considérable, le temps double ou long, et c'est alors l’anapeste apomyzon (ἀπο μειζόνος) que nous appelons aussi dactyle ; le pied commence par les deux temps moindre ou brefs, et c'est l’anapeste apelasson (ἀπ' ἐλασσόνος) qui retient le nom d'anapeste tout court.

« Le spondée simple est formé de deux longues, une à l'arsis et l'autre à la thésis. Le spondée majeur ou dispondée double la valeur de son arsis et de sa thésis, qui valent ainsi chacune quatre temps simples.

« Dans ce même genre égal, notons encore deux pieds qui se forment par synzygie : l'ionique majeur et l'ionique mineur. Le premier associe un spondée simple et un pyrrhique ; le second, un pyrrhique et un spondée. Ce sont là les principaux rythmes du genre égal, c'est-à-dire dans lequel tous les pieds ont leur arsis de même valeur que la thésis.

« Passons aux rythmes iambiques. Ce genre renferme quatre sortes de rythmes incomposés, deux composés par synzygie et douze par période. Les rythmes incomposés sont formas : de l’iambe, arsis brève et thésis longue ; du trochée, arsis longue, thésis brève ; de l’orthius, pied de douze temps, dont l'arsis est un spondée et la thésis un dispondée ou leur valeur en temps ; on y retrouve, en effet, la proportion double et la figure de l'iambe (1 : 2 : :4 : 8) ; enfin du chrœsus, pied de douze temps, inverse de l'orthius, c'est-à-dire huit temps à l'arsis et quatre à la thésis ; c'est le trochée quadruplé (2 : 1 : : 8 : 4), appelé aussi trochée sémantique.

« Par accouplement ou synzygie, on forme deux sortes de rythmes iambiques : le bacchius ( ? choriambe), qui commence par un trochée et finit par un iambe, et l’antibacchius ( ? antipaste), inverse du précédent.

« … Le genre péonique ne forme que deux rythmes incomposés. Le premier de ces rythmes est formé du péon premier et du péon deuxième réunis en un pied ; le second rythme est formé du péon troisième et du péon quatrième, pareillement réunis en un pied ; mais dans le premier rythme l'arsis et la thésis sont l'une à l'autre dans la proportion de 4 : 6, et dans le deuxième la proportion est inverse, de 6 : 4.

« Ce genre n'admet de rythmes composés ni par synzygie ni par période. »

Martianus Capella et Remy d'Auxerre après lui traitent alors des rythmes formés par le mélange des pieds de différents genres, c'est-à-dire des rythmes appelés dochmiaques, prosodiaques, irrationnels et autres de même formation ; subtilités de grammairiens, disséquant les rythmes musicaux pour y trouver à toute force leurs pieds métriques. Nous ne nous y arrêterons pas ; ce qui précède nous apprend assez de quelle nature était le rythme enseigné par Rémy d'Auxerre à ses élèves de Reims, et jusqu'à quel point il se conformait à la théorie que les Grecs en avaient laissée.

Ce n'est pas à dire que cette théorie tout entière ait passé dans la musique grégorienne, d'un genre beaucoup plus simple, plus primitif que la musique grecque de la décadence. Mais il fallait bien que les principes et les lois fondamentales de la rythmique fussent les mêmes dans les deux musiques, pour que les maîtres de l'une empruntassent à l'autre sa théorie, lorsqu'ils voulaient expliquer le rythme de leur musique.

Finalement, Rémy d'Auxerre conclut avec Martianus Capella :

« Il faut savoir qu'en musique le rythme est le mâle et le mélos la femelle. En effet, le mélos n'a par lui-même aucune forme, tant que le rythme ne se joint pas à lui et, au moyen des arsis et des thésis, ne vient pas lui donner sa forme et son efficacité. C'est comme une matière première qui n'a encore aucune figure, ni dactylique, ni iambique, ni aucune de celles que nous avons dites. Mais le rythme, par une sorte d'opération virile, produit dans les sons une forme déterminée et leur communique la puissance d'émouvoir de diverses manières. »

 

LES QUATRE GENRES d’après Aristide QUINTILIEN


 


[1] Rémi d’Auxerre (v. 841-v. 908), moine à Saint-Germain d’Auxerre, élève d’Heiric (tradition de Loup de Ferrières et Jean Scot Érigène). Il succède à Heiric comme écolâtre d’Auxerre. En 893, il est appelé avec Hucbald à enseigner à Reims, puis vers 900, il enseigne à Paris, où il a parmi ses élèves Odon, le futur abbé de Cluny. L’attribution des œuvres est difficile au sein de l’école d’Auxerre : il est professeur de grammaire, de philosophie et de théologie, et laisse des commentaires sur la Genèse et les Psaumes, des gloses interlinéaires d’ouvrages classiques en usage dans l’enseignement: Donat, Boèce, Martianus Capella. Son commentaire des Opuscula sacra de Bède le Vénérable est le plus ancien qui est parvenu. (Extrait du site http://www.musicologie.org/Biographies/r/remi_auxerre.html)

[2] M. Capella divise la musique en trois parties : ἐιδικόν (formalis), ἀπεργαστικόν (practica), ἐξαγγελτικόν (enunciativa). Il appelle cette division très ancienne et primitive, mais ne l'explique pas d'une manière bien claire. A. Quintilien dit également que 'la musique est ou contemplative, (théorique), ou activa (pratique), et cette dernière se subdivise en usuelle et en énonciative. Ces divisions, familières aux Grecs, importent assez peu d'ailleurs. Ce qu'il faut entendre ici par formes musicales paraît assez par le conteste.

[3] Voir la traduction de ces pieds rythmiques en notation musicale moderne dans le tableau en fin de texte.

 

 

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