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L.-C.-F. LACTANCE.

Oeuvre numérisée par Marc Szwajcer

 

 

NOTICE.

 

 

NOTICE SUR LACTANCE.

 

LACTANCE FLORISSAIT AUX IIIe ET IVe SIECLES.

 

Il se trouve à la bibliothèque du roi deux traductions inédites de tous les ouvrages de Lactance, à l’exception de son de Mortibus persecutorum, récemment traduit alors par Maucroix. La première est en 2 vol in-4° par M. Louis Chevalier, président au parlement de Paris, en 1726. Elle contient même une traduction de l’abrégé des Institutions divines. Le style en est traînant et diffus, et le sens de la phrase latine n’est jamais serré d’assez près. La seconde, sans nom d’auteur, porte le numéro 4340 et provient de l’abbaye de Saint Victor; elle est en 1 vol. in 4°, d’une écriture cursive du xviie siècle. Elle contient les sept livres des Institutions divines, le traité de la Colère de Dieu et le traité de l’Ouvrage de Dieu. Le style en est ferme et précis, et le sens est toujours rendu nettement et exactement. Ce manuscrit est d’autant plus intéressant qu’on n’a jamais publié de Lactance que la Mort des persécuteurs, et le premier livre de ses Institutions divines. J’ai fait prendre copie du numéro 1340, et on le trouvera publié en entier dans ce volume. L’auteur a fait précéder son travail d’un avertissement que je reproduis exactement et en entier. Ce morceau est d’un homme fort pieux.

« L’histoire de l’Église, dit le traducteur anonyme, a rendu justice aux écrits de Lactance; a loué l’élégance de son style, son grand zèle pour la véritable religion et son parfait désintéressement; mais elle ne nous a rien appris ni de son pays, ni de ses parents, ni du lieu de sa naissance, ni de celui de sa mort, et n’a marqué que de légères circonstances de sa vie et de ses actions. Dès sa jeunesse il étudia sous Arnobe, et se proposant Cicéron à imiter, il fit de si merveilleux progrès dans l’art de bien parler et de bien écrire, qu’il approcha plus près que nul autre de la perfection de son modèle.

« Les Grecs, tout éloignés qu’ils étaient de vouloir céder à aucune nation en bel esprit et en politesse, n’osèrent en disputer la gloire à Lactance, et Eusèbe reconnut de bonne foi qu’il surpassait en éloquence tous les écrivains de son siècle. Sa réputation le fit rechercher par deux empereurs, Dioclétien et Constantin, d’ont l’un s’était déclaré ennemi de la religion chrétienne, et dont l’autre s’en était déclaré protecteur. Le premier l’attira à Nicomédie pour y faire des leçons publiques, et le second lui confia l’éducation de son fils Crispus. Mais ils se contentèrent de lui avoir donné ces marques stériles de leur estime, sans se mettre en peine de reconnaître son érudition, ni de récompenser son travail. Ces emplois dont ils l’honorèrent n’empêchèrent pas qu’il ne souffrit les incommodités de la pauvreté, ni que dans un âge avancé il manquât souvent des choses les plus nécessaires à la vie. Ce n’était pas aussi au fantôme de leur faveur qu’il avait consacré ses veilles, et jamais il n’avait employé sa plume ni à excuser leurs défauts, ni à flatter leurs passions.

« Il commença à écrire dès le temps qu’il étudiait sous Arnobe et fit un petit traité auquel il donna pour titre Entretiens de table. Pendant qu’il enseignait la rhétorique à Nicomédie, comme il n’y était pas chargé d’écoliers, et que la langue latine n’y était pas communément entendue, il eut le loisir d’y composer plusieurs ouvrages, dont les uns ont été perdus et les autres conservés. Ceux du premier ordre sont: une description, en vers hexamètres, des lieux qu’il avait vus en allant d’Afrique en Bythinie; un livre intitulé le Grammairien, deux livres à Asclépiade, et huit livres de lettres. Les ouvrages qui ont été conservés sont: un livre de la Persécution, donné depuis peu au public, en latin et en français[1] les sept livres des Institutions de la religion chrétienne; l’abrégé des mêmes livres, un livre de la Colère de Dieu, et un livre de la Création de l’homme.

« Dans le premier livre des Institutions de la religion chrétienne, Lactance établit l’existence d’une providence souveraine et éternelle, l’unité de Dieu, et prouve d’une manière invincible que ceux que les païens ont pris pour des dieux n’étaient que des hommes que d’autres hommes avaient vu naître et mourir.

« Il recherche dans son second livre l’origine de la superstition qui a abaissé les hommes jusqu’à se prosterner devant des idoles insensibles; et suivant, en général, le progrès qu’elle a eu dans les descendants de Caïn, il montre comment les uns ont adoré les cieux et les astres, et les autres les éléments et les bêtes. Descendant ensuite au particulier, il fait voir de quelle manière les Romains ont élevé des temples à un grand nombre de dieux étrangers.

« Dans le troisième livre il découvre la faiblesse de la sagesse humaine, les égarements des philosophes et l’inutilité de leurs études, incapables d’étouffer les vices et d’apaiser les passions.

« Dans le quatrième livre il explique le mystère de l’incarnation du Verbe, parle des deux natures du Fils de Dieu, de ses souffrances et de sa mort. Sur la fin, il montre que les hérésies qui ont altéré la pureté de la foi ne sont nées que de l’ignorance de l’Écriture sainte et que de l’avarice et de l’orgueil de ceux qui les ont inventées.

« Dans le cinquième livre il représente quelle est l’injustice des parents, et envers Dieu quand ils l’abandonnent pour adorer ses ouvrages, et envers les chrétiens quand ils exercent toutes sortes de cruautés pour les obliger à renoncer à la foi.

« Dans le sixième livre il leur reproche la fausseté du culte où ils s’engagent, lorsqu’ils immolent des victimes à leurs dieux, comme s’ils étaient altérés du sang des animaux et affamés de leur chair, puis il convainc les philosophes de s’être éloignés de la vérité dans les principaux points de leur morale, puisque par tous leurs préceptes ils n’ont pu arracher aucun vice du cœur humain, ni inspirer de la libéralité à un avare, ni de la tempérance à un débauché.

« Dans le septième livre il examine en quoi consiste le souverain bien, propose plusieurs arguments pour prouver l’immortalité de l’âme, montre que l’on ne peut parvenir à cette immortalité que par la vertu, marque les présages qui précéderont la fin du monde, décrit la rigueur du dernier jugement, et conclut enfin son ouvrage en exhortant ses lecteurs à renoncer à l’erreur et à embrasser la piété.

« Le sujet du livre de la Colère de Dieu est de combattre les épicuriens, qui soutenaient qu’il n’y avait point de dieu, ou que, s’il yen avait, ils étaient également insensibles et aux services et aux injures que les hommes prétendaient leur faire. Le principal argument dont Lactance se sert contre eux est que leur opinion détruit la Providence et la religion, et qu’en ôtant aux dieux le soin de gouverner le monde, elle ôte aussi au monde le soin d’honorer les dieux. Pour bien entendre sa pensée il est nécessaire de remarquer qu’il prend toujours la colère pour un mouvement de l’âme qui se porte à punir les péchés, et qui l’aide à justifier que la colère qu’il attribue à Dieu est exempte du trouble auquel celle des hommes est pour l’ordinaire très-sujette.

« Quant au livre qui a pour titre de l’Ouvrage de Dieu, il tend principalement à prouver la Providence par le soin particulier qu’elle a pris de former le corps de l’homme et de l’animer. Il est divisé en deux parties, dont la première est employée à répondre aux plaintes que certains philosophes formaient sur la condition humaine, en exagérant avec excès la faiblesse de notre naissance, la difficulté de notre éducation, les douleurs de nos maladies et la nécessité de mourir, à laquelle nous sommes sujets. Elle contient aussi une description détaillée du corps humain et des fonctions auxquelles chaque partie est destinée. Dans la seconde partie du livre il est traité de l’âme raisonnable, des opinions des philosophes touchant ses actions et de sa véritable origine, qui n’est autre que Dieu même.

« Saint Jérôme admirant la force de notre auteur a témoigné qu’il aurait été à souhaiter qu’il l’eût aussi heureusement employée à établir les maximes de la religion chrétienne, qu’à ruiner les errants du paganisme. Mais parce qu’il est incomparablement plus difficile d’édifier que de détruire, il a clairement montré les superstitions des païens. Il n’a pas suffisamment expliqué la sainteté des mystères chrétiens. Pour le premier, il ne fallait qu’en sens exquis, un jugement solide, un esprit exempt des préjugés populaires, une âme assez généreuse et assez intrépide pour mépriser les promesses et les menaces des princes. Mais le second demandait outre cela une connaissance exacte de l’Écriture sainte et une méditation profonde des vérités que l’esprit de bien a révélées à l’Église et que l’on ne trouve pas dans Lactance. Il a prouvé l’antiquité de la religion chrétienne et de l’Écriture sainte, et donné une haute idée de Dieu en le décrivant comme un être souverain et indépendant de qui les autres procèdent et dépendent. J’ai déjà remarqué qu’il avait bien traité la matière de la Providence et bien expliqué en quoi consiste proprement le culte qui est dû à Dieu. Il n’a parlé que légèrement du péché du premier homme, de la réparation de la nature humaine, de l’incarnation du Verbe, de l’économie de l’Église, et en traitant toutes ces matières, il y a mêlé diverses sortes d’erreurs.

« Quelques-unes de ces erreurs ne regardent que la philosophie, comme quand il fait un grand discours, pour prouver qu’il n’y a point d’antipodes, d’autres ne regardent que la chronologie et l’histoire comme quand il fait Moïse près de neuf cents ans plus ancien que la prise de Troie, au lieu qu’il ne l’était que de trois et demi, selon le calcul d’Eusèbe; mais les plus considérables et les plus dangereuses sont celles qui touchent la religion. C’est, pour rapporter quelques exemples, une erreur capitale de nier, comme il le fait, l’éternité du Fils de Dieu, en disant que le père le produisit avant que de créer le monde. C’en est enfin une de soutenir que les âmes, au sortir du corps, sont enfermées dans des prisons où elles sont gardées jusqu’au dernier jugement. Enfin, Lactance a suivi les égarements des millénaires, touchant les deux résurrections et le règne de mille ans.

Je n’ajouterai que quelques dates à cette notice donnée, comme on le voit, par un catholique zélé que je crois de l’Ecole de Port-Royal.

L’opinion commune est que Lactance naquit en Afrique puis qu’il étudia dans la ville de Sicca en Numidie, bien que son nom de Firmianus ait fait conjecturer à quelques savants qu’il était né en Fermo dans la marche d’Ancône.

Dioclétien l’appela pour enseigner les belles lettres à Nicomédie vers l’année 290.

Il paraît avoir renoncé au paganisme vers l’an 300, et composé ses Institutions vers 310.

De Nicomédie, où il résida jusqu’en 317, Constantin l’appela dans les Gaules pour lui confier l’éducation de son fils Crispus, déjà césar; et il mourut à Trêves, probablement vers l’an 325.

A peine l’imprimerie était-elle inventée, que les ouvrages de Lactance furent reproduits; ils furent imprimés dans le monastère de Sublac, en 1465, in fol. C’est le premier livre imprimé en Italie avec date. Le de Mortibus persecutorum ne fut publié qu’en 1689, par Baluze. Ce livre dont personne depuis saint Jérôme n’avait parlé, fut trouvé dans les manuscrits de l’abbaye de Moissac en Quercy, d’où il passa dans la bibliothèque Colbert.

L’édition la plus complète et la mieux exécutée, est celle du père Édouard de Saint François Xavier. Rouen, 1754-59, 14 vol. in-8°.

Je me suis servi pour mes collations, de l’édition de Deux-Ponts, 1786, en 2 vol. in-8°, et de l’édition publiée en 1 vol. in-8°, à deux colonnes, en 1836, à Besançon. Les Institutions de Lactance ont été traduites en français par René Famé. Paris, 1542, in fol. Cette traduction est aujourd’hui illisible; elle est plate et diffuse. Le premier livre a été aussi traduit par Drouet de Maupertuy, et imprimée à Avignon, en 1710. La traduction de Drouet de Maupertuy est élégante et facile; c’est celle dont je me suis servi pour ce livre, en regrettant qu’il n’ait pas donné suite à son projet de publier le reste des ouvrages de Lactance. La Mort des persécuteurs a été traduite par Maucroix, chanoine de Reims; Paris, 1680, in-12; par Basnage, d’après la version anglaise de Burnet; Utrecht, 1687, in-8°; et par Godescard. J’ai choisi celle de Maucroix. Aucune traduction des autres ouvrages n’avait jamais été publiée; il en restait cependant deux manuscrits à la bibliothèque du roi. J’ai fait choix de la traduction contenue dans le n° 1340, ainsi que je l’ai indiqué au commencement de cette notice.

 


 

[1] Baluze le publia pour la première fois, en latin, en 1689, et le chanoine Maucroix fit paraître, en 1690, sa traduction que je reproduis dans ce volume. Les mots depuis peu déterminent ainsi l’époque de la traduction donnée dans le manuscrit 1340, et publiée ici pour la première fois.