Traduction française : l'Abbé AUGER.
Oeuvre numérisée par Marc Szwajcer
HOMÉLIE SUR L'HUMILITÉ.
SOMMAIRE.
L'ORATEUR , après avoir annoncé que nous sommes touchés par l'orgueil, et que nous ne pouvons nous relever que par l'humilité, montre, par des raisonnements et des exemples , que nous ne devons nous enorgueillir ni des richesses et de la grandeur, ni de la beauté et des autres avantages du corps, ni de la sagesse et de la prudence. L'homme ne peut se glorifier qu'en Dieu , puisqu'il tient tout et qu'il espère tout de Dieu. Ce principe est confirmé par un grand nombre de passages , surtout de St. Paul. Beaucoup d'exemples prouvent que l'orgueil en a perdu plusieurs ou les a exposés à se perdre. L'humilité corrige bien des fautes , l'orgueil rend inutiles les plus grandes vertus. Jésus-Christ surtout et ses disciples nous apprennent à être humbles. Moyens pour réprimer l'orgueil et pour s'exercer dans la pratique de l'humilité.
QUE l'homme n'a-t-il conservé la gloire à
laquelle Dieu l'avait d'abord élevé ! son élévation serait réelle et non
imaginaire ; il serait glorifié par la puissance du Très-haut , illustré par
sa sagesse; il
jouirait des biens de la vie éternelle. Mais depuis que renonçant à la
gloire qu'il tenait du Seigneur, il en a désiré et ambitionne une autre à
laquelle il ne pouvait atteindre, et perdu celle qu'il pouvait obtenir , son
unique ressource, le seul moyen de guérir son mal et de remonter à la
dignité dont il est déchu , c'est de prendre des sentiments humbles,
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de ne pas imaginer un vain appareil de gloire qu'il trouve dans son propre
fonds, mais de chercher sa gloire dans Dieu. Par-là il corrigera sa faute,
par-là il guérira sa maladie, par-là il recourra au divin précepte dont il
s'est écarté.
Le démon, qui a renversé l’homme en l’amusant par l’espérance d'une fausse
gloire, ne cesse de l'irriter par les mêmes motifs, et d'employer mille
artifices potin le surprendre. Il l’éblouit par l’éclat des richesses , afin
qu il s'en applaudisse et qu'il soit jaloux de les augmenter. Toutefois les
richesses, incapables de procurer une vraie gloire, n’ont de réel que le
péril auquel elles exposent. Amasser des richesses ne l'ait qu'irriter la
cupidité; les posséder ne sert de rien pour une gloire solide. Elles
aveuglent l'homme, le rendent insolent, produisent sur l’âme le même effet
que l'inflammation sur le corps. L’enflure des corps enflammés n'est ni
saine ni utile , elle est au contraire très-dangereuse et cause souvent la
mort. L'orgueil fait de même mal à l’âme.
Ce ne sont pas les richesses seules qui enflent l’homme, ce n'est pas
seulement le faste dont il s'environne et qu’il se plaît à étaler, ni les
tables somptueuses qu'il dresse , ni les habits magnifiques dont il se
revêt, ni les maisons superbes qu'il construit et qu’il décore , ni le grand
nombre de serviteurs qui l'accompagnent , ni la foule de flatteurs qu'il
traîne à sa suite ; mais les places qui dépendent des suffrages et des
caprices du peuple lui inspirent aussi une arrogance démesurée. Si le peuple
lui confère une dignité , s'il le nomme à une des premières charges , il
pense alors être au-dessus du genre humain; il s'imagine qu’il marche sur
les nues, qu'il foule aux pieds les autres hommes ; il s’élève contre ceux
auxquels il doit
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son élévation, il traite insolemment ceux qui l'ont rendu ce qu'il est.
L'insensé ! il ne voit pas que toute cette gloire dont il est revêtu est
plus vade qu'un songe; que tout cet éclat dont il est environné est plus
vain que les fantômes de la nuit ; que cette gloire et cet éclat sont formés
et détruits par les caprices du peuple. Tel était ce fils extravagant de
Salomon , plus jeune par l'esprit que par l'âge (3. Rois. 12. ). Il menaça
de traiter plus durement le peuple qui le priait d'adoucir le joug ; et il
perdit son royaume par la même menace par laquelle il espérait régner avec
plus d'empire ; il perdit par elle la dignité dont il avait hérité de son
père.
L'habileté des mains , l'agilité des pieds, les agréments du corps , qui
sont le butin de la maladie et la proie du temps, donnent encore à l'homme
de la fierté et de la confiance. Il ne fait pas réflexion que toute chair
n'est que de l'herbe, que toute la gloire de l'homme est comme la fleur des
champs. L'herbe sèche, et la fleur tombe (Is. 40. 6. ). Tels étaient et les
géants qui se glorifiaient de leurs forces (Gen. 6. 4. - Sag. 14. 6.), et
l'insensé Goliath qui s'attaquait à Dieu même (I . Rois. 17. ). Tels étaient
encore Adonias qui était fier de sa beauté (3. Rois. 1. 5.) ; Absalon qui
était idolâtre de sa chevelure (2. Rois. 14. 26. ).
Et ce qui de tous les biens humains paraît être le plus grand et le plus
solide, la sagesse et la prudence , elles inspirent aussi un vain orgueil,
elles donnent une fausse grandeur, et ne sont comptées pour rien quand elles
sont séparées de la sagesse divine. Les ruses que le démon a employées
contre l'homme ne lui ont pas réussi. Par ces artifices, il s'est fait plus
de mal qu'à l'homme qu'il voulait éloigner de Dieu. Il s'est trahi lui-même,
il s'est
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révolté contre Dieu , et s'est vu condamne à une mort éternelle. Il s'est
trouvé pris dans le filet qu'il as oit tendu contre le Seigneur , crucifié
sur la croix où il espérait le crucifier , et subissant la mort qu'il
désirait lui faire subir. Mais si le prince de ce monde, cet esprit
invisible, ce grand et premier maître de la sagesse mondaine, s'est trouvé
pris par ses propres artifices, s'il est tombé dans la dernière extravagance
; à plus forte raison ses disciples et ses sectateurs, quelque habiles
qu'ils soient, sont devenus fous en s'attribuant le nom de sages ( Rom. 1.2
). Pharaon avait concerté habilement la perte du peuple d'Israël, mais il ne
put jamais prévoir l'obstacle qui renverserait tous ses desseins. Un enfant
exposé à mourir par ses ordres, nourri secrètement dans son palais, détruit
la puissance du roi et de sa nation , sauve le peuple d'Israël, L'homicide
Abimelec, ce fils bâtard de Gédéon , qui avait fait massacrer soixante-dix
de ses frères ( Jug. 9. ) , et qui par-là avait cru s'assurer la puissance
souveraine , se tourne contre ceux qui l'avaient secondé dans son massacre ,
les soulève contre lui , et finit par périr d'un coup de pierre de la main
d'une femme. Les Juifs, d'après un raisonnement qu'ils croyaient fort sage,
prirent contre le Seigneur un parti qui leur a été funeste à eux-mêmes. Si
nous le laissons faire, disaient-ils, tous croiront en lui, et les Romains
viendront, ils ruineront notre pays et notre nation (Jean. 11. 48.). C'est
après avoir raisonné de la sorte , qu'ils résolurent de faire mourir
Jésus-Christ pour sauver leur pays et leur nation; et c'est par-là qu'ils se
perdirent , qu ils furent chassés de leur pays, qu'ils furent privés de
leurs lois et de leur culte. Je pourrais prouver, par une infinité d'autres
exemples , combien la prudence humaine est trompeuse,
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que ses vues sont plus basses et plus bornées qu'on ne se l’imagine. Quelque
éclairé qu'on soit , on ne doit s'applaudir, ni de sa sagesse, ni d’aucun
autre avantage , mais suivre l'avis sensé de la bienheureuse Anne et du
prophète Jérémie: Que le sage ne se glorifie pas de sa sagesse , que le fort
ne se glorifie pas de sa force , que le riche ne se glorifie pas de ses
richesses ( 1. Rois. 2. 3. et Jér, 9. 23 et 4 ).
Mais de quoi l’homme peut-il vraiment se glorifier ? en quoi est-il grand ?
Que celui qui se glorifie, dit Dieu par la bouche du même prophète , mette
sa gloire à me connaître et à savoir que je suis le Seigneur. La grandeur de
l'homme, sa gloire et sa dignité consistent à connaître ce qui est vraiment
grand, à s’y attacher , à chercher la gloire dans le Seigneur de la gloire.
Que celui qui se glorifie , dit l’Apôtre, se glorifie dans le Seigneur.
Jésus-Christ, dit-il, nous a été donné pour être notre sagesse , notre
justice, notre sanctification, notre rédemption, afin que , selon ce qui est
écrit, celui qui se glorifie ne se glorifie que dans le Seigneur ( 1. Cor.
1. 30 et 31 . ). La véritable et parfaite manière de nous glorifier en Dieu
est de ne pas nous applaudir de notre justice, mais de reconnaître que par
nous-mêmes nous sommes privés de la justice véritable , et que nous ne
sommes justifiés que par la foi en Jésus-Christ. Saint Paul se glorifie dans
le mépris de sa propre justice, et dans cette disposition qui lui fait
chercher celle qui naît de la foi en J. C., celui qui vient de Dieu par la
foi , celle par laquelle il connaît Jésus-Christ , il connaît la vertu de sa
résurrection et la participation de ses souffrances , étant rendu conforme à
sa mort , et s’efforçant de parvenir , de quelque manière que ce soit , à la
bienheureuse résurrection
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des morts (Phil. 3. 9 et suiv. ). C'est là que vient tomber toute hauteur de
l'orgueil. Il ne vous reste rien , ô homme, dont vous puissiez vous
applaudir , puisque toute votre gloire et toute votre espérance consistent à
mortifier tout ce qui, est en vous, et à chercher la vie dont nous devons
jouir en Jésus-Christ ; vie dont nous avons dès ici bas les prémices, ne
vivant que par la bonté et par la grâce de Dieu. Oui, c'est Dieu qui opère
en nous le vouloir et le faire selon qu'il lui plaît ( Phil . 2. 13. ). Dieu
nous révèle par son esprit sa propre sagesse qu’il avait prédestinée pour
notre gloire ( 1. Cor. 2. 7 et 10. ).Dieu nous donne la force dans les
travaux. J'ai travaillé plus qu'eux tous, dit saint Paul , non pas moi, mais
la grâce de Dieu qui est avec moi ( 1. Cor. 15. 10. ). Dieu nous tire des
périls contre toute espérance humaine. Nous avions en nous-mêmes une réponse
de mort , afin que nous ne missions point notre confiance en nous, mais en
Dieu qui ressuscite les morts, qui nous a délivrés dune mort si affreuse,
qui nous en délivre encore , et qui, comme nous l’espérons , nous en
délivrera à l’avenir ( 2. Cor. 1. 9 et 10.).
Pourquoi donc , je vous le demande, vous enorgueillir des avantages que vous
possédez, au lieu de rendre grâces à celui de qui vous tenez ces dons ?
Qu'avez-vous que vous n’ayez reçu ? si vous l’ avez reçu, pourquoi vous en
glorifiez-vous comme si vous ne l’aviez pas reçu ( I. Cor. 4. 7. ) . Ce
n'est pas vous qui avez connu. Dieu par votre propre justice, mais Dieu vous
a connu par un effet de sa grâce. Ayant connu Dieu , dit saint Paul, ou
plutôt ayant été connus de Dieu (Gal. 4. 9.) vous ne vous êtes pas élevé de
vous-même à la connaissance de Jésus-Christ, mais Jésus-Christ s’est
manifesté à vous en venant au monde. Je poursuis
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ma course, dit le même Apôtre, pour tâcher d'atteindre à Jésus-Christ , pour
m'efforcer de le connaître comme j'en suis connu ( Phil. 3. 12. ). Ce n'est
pas vous qui m'avez choisi, dit le Seigneur, mais c'est moi qui vous ai
choisis ( Jean. 15. 16.). Etes-vous donc fier parce qu'on vous a accordé un
honneur , et de la miséricorde en faites-vous un sujet d'orgueil ne vous
connaîtrez-vous que quand vous serez chassé du paradis comme Adam , que vous
serez abandonné de l'esprit de Dieu comme Saül, que vous serez retranché de
la racine sainte comme le peuple juif? Pour vous, vous demeurez ferme par la
foi ; mais prenez garde de ne pas vous élever, et tenez-vous dans la crainte
( Rom. 11. 20.). Le jugement suit la grâce, et le souverain Juge vous fera
rendre compte des grâces que vous avez reçues. Si vous ne pouvez comprendre
cela même que vous avez reçu une grave, et que , par un excès de présomption
, vous vous faisiez de la grave un mérite, vous n'êtes pas plus précieux aux
yeux du Seigneur que saint Pierre ; vous ne sauriez l'aimer plus ardemment
que cet apôtre , qui l'aimait jusqu'à vouloir mourir pour lui. Mais par ce
qu'il se permit ces paroles trop présomptueuses : Quand vous seriez pour
tous les autres un sujet de scandale, vous ne le serez jamais pour moi
(Matth. 26. 33. ) il fut abandonné à sa propre faiblesse ; il tomba dans le
reniement; il apprit par sa faute à être plus circonspect ; il apprit à
ménager les faibles par l'expérience de sa propre faiblesse; et il comprit
parfaitement que , comme étant près d'être englouti dans les flots , il en
fut tiré par la main de Jésus-Christ ; de même dans la tempête du scandale ,
courant risque de périr par son incrédulité , il fut sauvé par la puissance
du même Jésus-Christ qui l'avait prévenu de ce qui devait
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lui arriver: Simon, Simon, lui avait-il dit, Satan vous a demandé pour vous
cribler comme on crible le froment ; mais j'ai prié pour vous afin que votre
foi ne s'éteigne pas. Lors donc que vous aurez été converti , ayez soin
d'affermir vos frères ( Luc, 22.31 et 32. ). Après avoir ainsi réprimandé
saint Pierre, Jésus-Christ le fortifia par sa sagesse, afin qu'il réprimât
tout sentiment de vanité , et qu'il apprît à ménager les faibles, Le
Pharisien fier et superbe , qui était plein de confiance en lui-même ( Luc.
18. 11. ) , qui, (levant Dieu, attaquait le Publicain sans ménagement,
perdit la gloire de la justice par le crime de l'orgueil : au lieu que le
Publicain s'en retourna justifié ( Luc. 18. 14. ), parce qu'il glorifiait le
Seigneur; parce que, n'osant lever les yeux au ciel,dans l'extérieur le plus
humble, il se frappait la poitrine et se condamnait lui-même. Que cet
exemple d'un dommage énorme causé par l'orgueil vous instruise. Le Pharisien
orgueilleux a perdit la justice , sa présomption l'a frustré de la
récompense; il a été abaissé au-dessous du pécheur humble , parce qu'il
s'est élevé au-dessus de lui, et qu'il s'est jugé lui-même sans attendre le
jugement de Dieu.
Pour vous, ne Vois élevez au dessus de personne, pas même au-dessus des plus
grands pécheurs. Souvent l’humilité sauve ceux qui ont commis les plus
grands crimes. Ne vous justifiez donc pas vous-même au préjudice d'un autre
, de peur que, justifié par votre propre suffrage , vous ne Soyez condamné
par celui de Dieu. Je ne me juge pas
moi-même, dit S. Paul ma conscience ne me reproche rien, mais je ne suis pas
justifié pour cela est le Seigneur qui me juge ( 1. Cor. 4. 3. ).
Croyez-vous avoir fait une bonne action ? rendez-en grâces à Dieu sans vous
élever au-dessus de
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votre prochain. Que chacun , dit saint Paul, examine ses actions, et alors
il trouvera sa gloire en ce qu'il trouvera de bon dans lui-même, et non en
se comparant aux autres ( Gal. 6. 4. ). De ce que vous avez confessé la foi,
ou souffert l'exil pour le nom de Jésus-Christ, ou soutenu les austérités du
jeûne, quelle utilité en est-il revenu à votre prochain ? Ce n'est pas un
autre qui en profite , mais vous. Craignez une chute semblable à celle du
démon, lequel voulant s'élever au-dessus de l'homme, fut abaissé au-dessous
de l'homme et foulé à ses pieds. Telle fut aussi la chute des Israélites.
Ils s'élevaient au-dessus des nations qu'ils regardaient comme impures , et
ils sont devenus eux-mêmes impurs , tandis que les nations ont été
purifiées. Leur justice a été comme le linge le plus souillé (Is. 64. 6.) ,
tandis que l'iniquité et l'impiété des nations ont été effacées par la foi.
En général, rappelez-vous cette belle maxime des Proverbes : Dieu résiste
aux superbes, et donne su gave aux humbles (Prov. 3. 34. ). Ayez toujours à
la bouche cette parole du Sauveur : Quiconque s’humilie sera exalté ;
quiconque s'exalte sera humilié ( Lue. 18. 14. ). Ne soyez pas un juge de
vous-même trop bien prévenu, ne vous examinez pas avec trop de faveur , vous
tenant compte du Lien que vous croyez être en vous, et oubliant sans peine
le mal; vous applaudissant des bonnes actions que vous faites aujourd’hui,
et vous pardonnant vos fautes anciennes et récentes. Lorsque le présent vous
rend fier , rappelez-vous le passé, et vous réprimerez les vaines enflures
de l'orgueil. Si vous voyez votre prochain tomber dans une faute , songez à
tout ce qu'il a fait et fait encore de bien , et souvent vous le trouverez
supérieur à vous , en examinant toute sa conduite sans vous
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arrêter à quelques parties. Dieu n’examine pas l’homme en partie : Je viens,
dit-il par son prophète, recueillir leurs œuvres et leurs pensées (Is. 66.
18). En reprenant Josaphat d’une faute qu’il venait de commettre, il
n’oublie pas de rappeler ses bonnes actions : Cependant , dit-il, on a
trouvé en vous de bonnes oeuvres (2. Paral. 19. 3.).
Répétons-nous sans cesse ces réflexions et d'autres semblables pour
combattre l’orgueil, nous abaissant afin d’être exaltés , imitant le
Seigneur qui du haut des cieux est descendu dans le plus profond
abaissement, et qui de cet abaissement, et qui de cet abaissement a été
élevé au plus haut degré de la gloire. Toute sa vie est pour nous une leçon
d’humilité. Né dans une caverne,dans une étable, sans avoir même de lit,
élevé dans la maison d’un simple artisan et d’un mère pauvre, soumis à son
père et à sa mère, il écoutait les instructions qu'on lui donnait, quoiqu'il
n'en eût pas besoin, et faisait des questions, qui cependant le faisaient
admirer pour sa sagesse. Il voulut bien se soumettre à recevoir le baptême
de la main de Jean, c'est-à-dire le maître fut baptisé par le serviteur. Il
ne s'opposa à aucun de ceux qui s'élevaient contre lui, et ne leur fit point
sentie son infinie puissance. Il leur cédait comme si leur force eut été
supérieure à la sienne, et laissait à une autorité passagère tout le pouvoir
dont elle était susceptible. Il parut devant les prêtres et devant le
gouverneur , comme un criminel qui subit son jugement , souffrant en silence
les calomnies, quoiqu'il eût pu confondre les calomniateurs. Après avoir été
couvert de crachats par les plus vils esclaves , il fait livré à la mort, et
à la mort regardée chez les hommes comme la plus infâme. Telle fut sa vie
mortelle depuis le commencement jusqu'à la fin. Apres un tel abaissement, il
s'éleva à une gloire sublime
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dont il fit part à ceux qui avoient partagé ses humiliations. De ce nombre,
les premiers furent les bienheureux disciples , qui , pauvres et nus ,
seuls, errans, abandonnés, parcourant le monde, la terre et la mer, sans
être soutenus de la beauté des discours et du nombre des partisans, furent
tourmentés , lapidés, persécutés, enfin mis à mort. Tels sont les exemples
anciens et divins que nous avons devant les yeux. Efforçons-nous de les
imiter ; afin que l'humilité nous obtienne une gloire éternelle , don
parfait et véritable de Jésus-Christ.
Comment donc parviendrons-nous à étouffer les mouvements nuisibles de
l'orgueil , et à prendre les sentiments si avantageux de l'humilité? Ce sera
en nous exerçant continuellement dans celle-ci , et en ne négligeant rien de
ce qui pourrait nous causer le moindre dommage. L’âme se modèle, pour ainsi
dire, et prend telle ou telle forme d’après ses goûts et ses exercices. Que
tout votre extérieur, que vos habits , votre démarche, votre nourriture,
votre siège, votre lit , votre maison et tous les meubles qu'elle renferme,
soient simples et modestes ; que vos propos , vos chants , vos conversations
, soient exempts de tout faste. Si vous parlez ou chantez publiquement , ne
montrez ni trop de luxe dans vos discours, ni trop de complaisance dans
votre voix. Ne disputez jamais avec fierté et opiniâtreté. Retranchez, dans
tout, ce qui sent trop la grandeur et l'appareil. Soyez obligeant envers
votre ami, doux envers votre serviteur , patient avec les personnes
violentes , humain avec les humbles. Consolez les affligés, visitez ceux qui
sont dans la tristesse, ne méprisez absolument personne , parlez à tous avec
douceur , répondez d'une manière agréable. Soyez poli et affable pour tout
le monde: ne parlez point avantageusement
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de vous-même , et n'en apostez point d'autres pour le faire. Ne vous
permettez point de propos déshonnêtes ; cachez autant qu'il est en vous vos
bonnes qualités. Reconnaissez sincèrement vos fautes , sans attendre que
d'autres vous les reprochent , afin que vous imitiez le juste qui commence
par s'accuser lui-même (Prov. 18. 17.) ; afin que vous ressembliez à Job qui
ne craignait pas de publier devant une grande multitude ce qu'il pouvait
avoir fait de mal ( Job. 31. 34. ). Que vos réprimandes ne soient ni trop
promptes , ni dures , ni chagrines ; car cela annonce de l'arrogance. Ne
condamnez pas les autres pour des fautes légères, comme si vous étiez un
juste parfait. Traitez avec bonté ceux qui sont tombés dans quelque péché,
et relevez-les avec un esprit de douceur, comme vous y exhorte l'Apôtre,
faisant réflexion sur vous-même , et craignant d'être tenté aussi bien
qu'eux. Apportez autant de soin potin n'être pas glorifié devant les hommes,
que les autres en apportent pour l’être. Rappelez-vous les paroles du
Sauveur, qui dit que courir après la gloire des hommes et faire le bien pour
en être regardé , c'est perdre la récompense qui vient de Dieu. Ils ont reçu
leur récompense, dit l'Evangile (Matth. 6. 2. ). Ne vous faites donc pas
toit à vous-même en voulant vous faire valoir aux yeux des hommes. Puisque
Dieu est le grand témoin de nos actions , ambitionnez la gloire auprès de
Dieu qui vous destine une superbe récompense. Si vous êtes placé au-dessus
des autres, si les hommes vous glorifient et vous honorent, soyez l'égal de
ceux qui sont au-dessous de vous, sans vouloir dominer sur l'héritage du
Seigneur ( Pierre. 5. 3. ) ; et sans vous régler sur les princes du siècle.
Le Seigneur ordonne à celui qui veut être le premier,
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d’être le serviteur de tous ( Marc. 10. 44.). Pour tout dire en un mot ,
pratiquez l'humilité comme le doit un homme qui l'aime. Aimez cette vertu
et elle vous glorifiera. C'est le moyen de parvenir à la véritable gloire,
dans la société des anges et de Dieu. Jésus Christ vous reconnaîtra devant
les anges comme son disciple ( Luc. 12. 6. ) , et il vous glorifiera si vous
devenez l'imitateur de son humilité. Apprenez de moi, disait-il , que je
suis doux et humble de coeur, et vous trouverez le repos de vos âmes (Matth.
11. 29.). A Jésus-Christ soient la gloire et l'empire dans les siècles des
siècles.
Ainsi soit-il.