Annales de Tacite

 

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Plus qu'une mère !

TACITE : C. Cornelius Tacitus, d'abord avocat, se mit, relativement tard, à écrire. Après Le Dialogue des orateurs, l'Agricola, Les Moeurs des Germains, TACITE écrivit l'histoire romaine, ab excessu divi Augusti, en deux ouvrages, les Histoires et les Annales, qui nous sont parvenus mutilés
 On dit une chose d’Agrippine qui est si détestable, qu’il y aurait peine d’y ajouter foi, si sa vie passée ne faisait tout croire de son impudicité. Voulant prendre une puissance absolue sur son fils, elle épia l’occasion et le temps qu’il était échauffé de vin, s’étant parée à l’avantage, comme elle était encore jeune et belle princesse, elle lui prostitua son corps, et peu s’en fallut qu’il ne se souillât de cet abominable inceste, ayant déjà cueilli d’elle les mêmes baisers qui avaient perdu Claudius, et qui lui avaient fait épouser cette louve. Sénèque détourna accortement cette vilaine, ayant suscité Acté, qui pleine d’horreur et d’effroi alla crier à Néron qu’il était déshonoré : que sa mère se vantait qu’il avait couché avec elle, et que jamais les prétoriens n’endureraient un prince si exécrable.
 François Nicolas Coëffeteau, Histoire Romaine.
Tradit Cluvius ardore retinendae Agrippinam potentiae eo usque provectam ut medio diei, cum id temporis Nero per vinum et epulas incalesceret, offerret se saepius temulento comptam et incesto paratam ; iamque lasciva oscula et praenuntias flagitii blanditias adnotantibus proximis, Senecam contra muliebris inlecebras subsidium a femina petivisse, immissamque Acten libertam quae simul suo periculo et infamia Neronis anxia deferret pervulgatum esse incestum gloriante matre, nec toleraturos milites profani principis imperium. Fabius Rusticus non Agrippinae sed Neroni cupitum id memorat eiusdemque libertae astu disiectum. Sed quae Cluvius eadem ceteri quoque auctores prodidere et fama huc inclinat, seu concepit animo tantum immanitatis Agrippina, seu credibilior novae libidinis meditatio in ea visa est quae puellaribus annis stuprum cum Lepido spe dominationis admiserat, pari cupidine usque ad libita Pallantis provoluta et exercita ad omne flagitium patrui nuptiis.

TACITE, Annalium liber, XIV, 2.

   vocabulaire

Cluvius raconte qu'Agrippine, dans son désir de garder le pouvoir, en arriva au point où, au milieu du jour, alors qu'à ce moment Néron était échauffé par le vin et le repas, s'était offerte plusieurs fois, alors qu'il était ivre, parée et prête à l'inceste : déjà des baisers lascifs et des caresses qui présageaient un acte scandaleux. Sénèque avait alors demandé, pour contrebalancer les attraits de cette femme, l'aide d'une femme et avait envoyé l'affranchie Acté, qui, anxieuse pour sa propre personne et pour la mauvaise réputation de Néron, devait lui rapporter que l'inceste avait été divulgué, qu'Agrippine s'en vantait et que les soldats ne supporteraient pas le pouvoir d'un prince sacrilège. Fabius Rusticus rapporte que le désir vint non d'Agrippine mais de Néron. Mais d'autres auteurs racontent la version de Cluvius et la rumeur penche de ce côté, soit qu'il n'y avait qu'Agrippine pour imaginer un tel crime, soit que l'idée d'un nouveau caprice fut plus crédible chez elle qui, alors qu'elle était jeune fille, avait pris la couche de Lépidus par espoir de dominer, qui s'était roulée, avec la même passion, dans les fantaisies de Pallas, rompue à tous les vices en se mariant avec son oncle.

 

 Tradit Cluvius ardore retinendae Agrippinam potentiae eo usque provectam ut medio diei, cum id temporis Nero per vinum et epulas incalesceret, offerret se saepius temulento comptam et incesto paratam ; iamque lasciva oscula et praenuntias flagitii blanditias adnotantibus proximis, Senecam contra muliebris inlecebras subsidium a femina petivisse, immissamque Acten libertam quae simul suo periculo et infamia Neronis anxia deferret pervulgatum esse incestum gloriante matre, nec toleraturos milites profani principis imperium. Fabius Rusticus non Agrippinae sed Neroni cupitum id memorat eiusdemque libertae astu disiectum. Sed quae Cluvius eadem ceteri quoque auctores prodidere et fama huc inclinat, seu concepit animo tantum immanitatis Agrippina, seu credibilior novae libidinis meditatio in ea visa est quae puellaribus annis stuprum cum Lepido spe dominationis admiserat, pari cupidine usque ad libita Pallantis provoluta et exercita ad omne flagitium patrui nuptiis.

retinendae potentiae : = retinendi potentiam (transformation de gérondif en adjectif verbal)
id temporis : temporis : génitif partitif - id : acc. de relation
incalesceret : cum + subj. : alors que
offerret : ut + subj. - conséquence
saepius : comparatif = assez, trop
    
temulento : datif (s/e  Néron)
incesto : paratus : ici avec Datif
adnotantibus proximis : abl. absolu.
a femina : petere + ab
Acten : acc. grec
suo periculo : anxius + abl.
deferret : subj. de style indirect
gloriante matre : abl. absolu
toleraturos : (s/e esse) : proposition infinitive
cupitum : le désir (accusatif)
astu : abl. de moyen
quae : construction : ceteri auctores prodidere eadem quae Cluvius 
immanitatis : génitif partitif après tantum
puellaribus annis : abl. de temps d'époque
spe : abl. de moyen
pari cupidine : abl. de moyen
nuptiis : abl. de cause

CLUVIUS TRADIT Cluvius rapporte 
AGRIPPINAM PROVECTAM (ESSE) ARDORE RETINENDAE POTENTIAE qu'Agrippine se laissa entraîner par son ardeur à retenir son pouvoir
EO USQUE UT, MEDIO DIEI si loin que, au milieu du jour, 
CUM NERO INCALESCERET ID TEMPORIS, comme Néron s'échauffait à ce moment de la journée
PER VINUM ET EPULAS dans le vin et des mets 
SE OFFERET SAEPIUS TEMULENTO elle s'offrit assez souvent (à lui) ivre, 
COMPTAM ET PARATAM INCESTO elle-même parée et prête à l'inceste 
QUE PROXIMIS ADNOTANTIBUS JAM OSCULA LASCIVA Et les intimes remarquant déjà les baisers lascifs 
ET BLANDITIAS PRAENUNTIAS FLAGITII et les caresses annonciatrices du scandale 
SENECAM PETIVISSE SUBSIDIUM A FEMINA (Cluvius rapporte aussi que), Sénèque demanda de l'aide d'une femme 
CONTRA ILLECEBRAS MULIEBRES contre les attraits féminins 
QUE LIBERTAM ACTEN IMMISSAM et l'affranchie Acté fut envoyée 
QUAE SIMUL ANXIA SUO PERICULO ET INFAMIA NERONIS qui, à la fois préoccupée de son propre danger et du scandale der Néron, 
DEFERRET INCESTUM ESSE PERVULGATUM lui rapporta que l'inceste avait été divulgué, 
GLORIANTE MATRE sa mère s'en faisant gloire 
NEC MILITES TOLERATUROS IMPERIUM PRINCIPIS PROFANI et que les soldats ne supporteraient pas le commandement d'un Princeps sacrilège
FABIUS RUSTICUS MEMORAT Fabius Rusticus rappelle 
ID CUPITUM NON AGRIPPINAE SED NERONI que ce désir non d'Agrippine mais de Néron 
DISJECTUM ASTU EJUSDEM LIBERTAE fut dissipé par l'adresse de la même affranchie. 
SED CETERI AUCTORES PRODIDERE QUOQUE EADEM QUAE CLUVIUS, Mais les autres auteurs ont rapporté aussi les mêmes «choses» que Cluvius ET FAMA INCLINAT HUC, et la rumeur penche vers cela 
SEU AGRIPPINA CONCEPIT ANIMO soit qu'Agrippine eut conçu en son esprit 
TANTUM IMMANITATIS une si grande monstruosité 
SEU MEDITATIO LIBIDINIS NOVAE soit que la méditation d'un désir nouveau 
VISA EST CREDIBILIOR sembla plus crédible 
IN EA QUAE, ANNIS PUELLARIBUS, chez celle qui, lors de ses années de jeune fille, 
ADMISERAT STUPRUM CUM LEPIDO SPE DOMINATIONIS avait accepté des relations avec Lépide par espoir de la domination
PROVOLUTA USQUE AD LIBITA PALLANTIS CUPIDINE PARI, s'était abaissée jusqu'aux caprices de Pallas par un désir identique
ET EXERCITA AD OMNE FLAGITIUM et s'était exercée à tout espèce de forfait 
NUPTIIS PATRUI par son mariage avec son oncle.

 

a, ab, prép. : (+abl) à partir de
ad, inv. : vers, à, près de
admitto, is, ere, misi, missum : admettre, laisser passer
adnoto, as, are : annoter, noter, mettre une note à
Agrippina, ae, f. : Agrippine
animus, i, m. : le coeur, la sympathie, le courage
annus, i, m. : l'année
anxius, a, um :anxieux, inquiet
ardor, oris, m. : l'ardeur
astus, us, m. : la ruse, la fourberie
auctor, oris, m. : l'auteur
blanditia, ae, f. : la flatterie, la caresse
ceteri, ae, a : pl. tous les autres
Cluuius, i, m. : Cluvius
como, is, ere, compsi, comptum : arranger, peigner
comptus, a, um : orné, paré
concipio, is, ere, cepi, ceptum : faire naître, produire
contra, adv : au contraire, en face ; prép+acc : contre
credibilior, ioris : comparatif de credibilis, e : crédible, coryable
cum, inv. : conj., comme ; prép, avec
cupido, dinis, m. : le désir
cupitum, i : le désir
defero, fers, ferre, tuli, latum : emporter, pousser, entraîner
dies, ei, m. et f. : le jour
disicio, is, ere, ieci, iectum : disperser, séparer
dominatio, onis, f. : la domination
eo, is, ire, iui, itum : aller
epulae, arum, f : le repas
et, conj. : et, aussi
exerceo, es, ere, cui, citum : s'exercer
Fabius, i, m. : Fabius
fama, ae, f. : la nouvelle, la rumeur, la réputation
femina, ae, f. :la femme
flagitium, ii, n. : l'action honteuse et scandaleuse
glorior, aris, atus sum : se glorifier, s'enorgueillir
huc, adv. : ici (question quo)
iam, inv. : déjà, à l'instant
idem, eadem, idem : le (la) même
immanitas, atis, f. : la grosseur monstrueuse, la démesure, la sauvagerie, la barbarie
immitto, is, ere, misi, missum : envoyer dans
imperium, ii, n. : le pouvoir (absolu)
in, prép. : (acc. ou abl.) dans, sur, contre
incalesco, is, ere, calui, - : s'échauffer
incestus, a, um : impur, incestueux
inclino, as, are : pencher, incliner
infamia, ae, f. : le déshonneur, la mauvaise réputation, la honte
inlecebra, ae, f. : l'attrait, le charme
is, ea, id : ce, cette
lasciuus, a, um : lascif, licencieux
lepidus, a, um : plaisant, charmant, agréable
liberta, ae, f. : l'affranchie
libido, dinis, f. : le désir, l'envie, la débauche
libita, orum, n. : les fantaisies
mater, tris, f. : la mère
meditatio, ionis, f. : la préparation
medium, ii, n. : milieu, centre
medius, a, um : qui est au milieu, en son milieu
memoro, as, are : rappeler au souvenir, raconter, rapporter
miles, itis, m. : le soldat
muliebris, e : de femme, féminin
nec, neque = et non , et...ne...pas
Nero, onis, m. : Néron
non, neg. : ne...pas
nouus, a, um : nouveau
nuptia, ae, f. (tjrs au pluriel) nuptiae, arum : les noces, le mariage
offero, fers, ferre, obtuli, oblatum : offrir, donner
omnis, e : tout
osculo, as, are : baiser, embrasser
osculum, i, n. : le baiser
par, aris : semblable, pareil
paratus, a, um : prêt
pario, is, ere, peperi, partum : accoucher, produire
patruus, i, m. : l'oncle
per, prép. : (acc) à travers, par
periculum, i, n. : le danger
peruulgo, as, are : répandre partout, divulguer
peto, is, ere, iui, itum : chercher à atteindre, attaquer, demander
potentia, ae, f. : la puissance
praenuntius, a, um : avant-coureur, qui présage
princeps, ipis, n. m. et adj. : le premier, le chef, l' empereur
prodo, is, ere, didi, ditum : publier, trahir, transmettre
profanus, a, um : profane, impie, sacrilège, criminel
proueho, is, ere, uexi, uectum : s'avancer
prouoluo, is, ere, uolui, uolutum : rouler en avant
proximus, a, um : proche ; primus... proximus : le 1er... le second
puellaris, e : de jeune fille
qui, quae, quod, pr. rel : qui, que, quoi, dont, lequel..., après si, nisi, ne, num = aliqui
quoque, inv. : aussi
retineo, es, ere, ui, tentum : retenir, maintenir
rusticus, i, m. : paysan
saepius, comp. de saepe : plus souvent
se, pron. réfl. : se, soi
sed, conj. : mais
Seneca, ae, m. : Sénèque
seu, inv., répété : soit... soit
simul, inv. : adv. en même temps, conj : dès que
spes, ei, f. : l'espoir
stuprum, i, n. : le déshonneur, l'opprobre, les relations coupables
subsidium, ii, n. : la troupe de réserve, l'aide, le secours
sum, es, esse, fui : être
suus, a, um : son
tantum, inv. : tant de, tellement ; seulement
tantus, a, um : si grand ; -... ut : si grand... que
tempus, oris, n. : le temps, la tempe
temulentus, a, um : ivre
tolero, as, are : supporter
trado, is, ere, didi, ditum : livrer, transmettre
uinum, i, n. : le vin
uiso, is, ere, uisi, uisum : voir, visiter
usque, prép. : usque ad, jusqu'à
ut, conj. : pour que, que, comme