Annales de Tacite

 

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Discours de Percennus à ses camarades

TACITE : C. Cornelius Tacitus, d'abord avocat, se mit, relativement tard, à écrire. Après Le Dialogue des orateurs, l'Agricola, Les Moeurs des Germains, TACITE écrivit l'histoire romaine, ab excessu divi Augusti, en deux ouvrages, les Histoires et les Annales, qui nous sont parvenus mutilés
 

XVII. [1] Postremo, promptis iam et aliis seditionis ministris, velut contionabundus interrogabat, cur paucis centurionibus, paucioribus tribunis in modum servorum oboedirent. Quando ausuros exposcere remedia, nisi novum et nutantem adhuc principem precibus vel armis adirent? [2] Satis per tot annos ignavia peccatum, quod tricena aut quadragena stipendia senes et plerique truncato ex vulneribus corpore tolerent. [3] Ne dimissis quidem finem esse militiae, sed apud vexillum tendentis alio vocabulo eosdem labores perferre. Ac si quis tot casus vita superaverit, trahi adhuc diversas in terras ubi per nomen agrorum uligines paludum vel inculta montium accipiant. [4] Enimvero militiam ipsam gravem, infructuosam: denis in diem assibus animam et corpus aestimari: hinc vestem arma tentoria, hinc saevitiam centurionum et vacationes munerum redimi. At hercule verbera et vulnera, duram hiemem, exercitas aestates, bellum atrox aut sterilem pacem sempiterna. [5] Nec aliud levamentum quam si certis sub legibus militia iniretur, ut singulos denarios mererent, sextus decumus stipendii annus finem adferret, ne ultra sub vexillis tenerentur, sed isdem in castris praemium pecunia solveretur. [6] An praetorias cohortis, quae binos denarios acceperint, quae post sedecim annos penatibus suis reddantur, plus periculorum suscipere? Non obtrectari a se urbanas excubias: sibi tamen apud horridas gentis e contuberniis hostem aspici.

   vocabulaire

XVII. Enfin lorsqu'il se fut associé de nouveaux artisans de sédition, prenant le ton d'un général qui harangue, il demandait aux soldats : "Pourquoi ils obéissaient en esclaves à un petit nombre de centurions, à un petit nombre de tribuns. Quand donc oseraient-ils réclamer du soulagement, s'ils n'essayaient, avec un prince nouveau et chancelant encore, les prières ou les armes? C'était une assez longue et assez honteuse lâcheté, de courber, trente ou quarante ans, sous le poids du service, des corps usés par l'âge ou mutilés par les blessures. Encore si le congé finissait leurs misères! Mais après le congé il fallait rester au drapeau, et, sous un autre nom, subir les mêmes fatigues. Quelqu'un échappait-il vivant à de si rudes épreuves? On l'entraînait en des régions lointaines, où il recevait comme fonds de terre, la fange des marais et des roches incultes. Le service en lui-même était pénible, infructueux : dix as par jour, voilà le prix qu'on estimait l'âme et le corps du soldat; là-dessus, il devait se fournir d'armes, d'habits, de tentes, se racheter de la cruauté des centurions, payer les moindres dispenses. Mais les verges, mais les blessures, de rigoureux hivers, des étés laborieux, des guerres sanglantes, des paix stériles, à cela jamais de fin. Le seul remède était qu'on ne devînt soldat qu'à des conditions fixes : un denier par jour; le congé au bout de la seizième année; passé ce terme, plus d'obligation de rester sous le drapeau, et, dans le camp même, la récompense argent comptant. Les cohortes prétoriennes, qui recevaient deux deniers par tête, qui après seize ans étaient rendues à leurs foyers, couraient-elles donc plus de hasards? Il n'ôtait rien de leur mérite aux veilles qui se faisaient dans Rome; mais lui, campé chez des peuples sauvages, de sa tente il voyait l'ennemi.

 

[1] Postremo, promptis iam et aliis seditionis ministris,

velut contionabundus interrogabat,

cur paucis centurionibus, paucioribus tribunis in modum servorum oboedirent.

Quando ausuros exposcere remedia,

nisi novum et nutantem adhuc principem precibus vel armis adirent?

[2] Satis per tot annos ignavia peccatum,

quod tricena aut quadragena stipendia senes

et plerique truncato ex vulneribus corpore tolerent.

[3] Ne dimissis quidem finem esse militiae,

sed apud vexillum tendentis alio vocabulo eosdem labores perferre.

Ac

si quis tot casus vita superaverit,

trahi adhuc diversas in terras

ubi per nomen agrorum uligines paludum vel inculta montium accipiant.

[4] Enimvero militiam ipsam gravem, infructuosam:

denis in diem assibus animam et corpus aestimari:

hinc vestem arma tentoria,

hinc saevitiam centurionum et vacationes munerum redimi.

At hercule verbera et vulnera, duram hiemem, exercitas aestates, bellum atrox aut sterilem pacem sempiterna.

[5] Nec aliud levamentum

quam

si certis sub legibus militia iniretur,

ut singulos denarios mererent,

sextus decumus stipendii annus finem adferret,

ne ultra sub vexillis tenerentur,

sed isdem in castris praemium pecunia solveretur.

[6] An praetorias cohortis,

quae binos denarios acceperint,

quae post sedecim annos penatibus suis reddantur,

plus periculorum suscipere?

Non obtrectari a se urbanas excubias:

sibi tamen apud horridas gentis e contuberniis hostem aspici.

a, prép. : ab, prép. : (+abl) à partir de, après un verbe passif = par

ac, atque, conj. : et, et aussi

accipio, is, ere, cepi, ceptum : recevoir, apprendre

adeo, is, ire, ii, itum : aller à, vers

adfero, fers, ferre, attuli, allatum : apporter

adhuc, inv. : jusqu'ici, encore maintenant

aestas, tatis, f. : l'été

aestimo, as, are : estimer, juger

ager, agri, m. : la terre, le territoire, le champ

alius, a, ud : autre, un autre

an, inv. : est-ce que, ou est-ce que ; an... an..., si... ou si

anima, ae, f. : le coeur, l'âme

annus, i, m. : l'année

apud, prép+acc : près de, chez

arma, orum, n. : les armes

arma, orum, n. : les armes

as, assis, m. : l'as (monnaie)

aspicio, is, ere, spexi, spectum : voir

at, inv. : mais

atrox, ocis : affreux

audeo, es, ere, ausi, ausus sum : oser

aut, conj. : ou, ou bien

bellum, i, n. : la guerre

binus, a, um : chaque fois deux

castra, orum, n. pl. : le camp militaire

casus, us, m. : le hasard, le malheur, la chute

centurio, ionis, f. : le centurion

certus, a, um : certain

cohors, ortis, f. : la cohorte

contionabundus, a, um : qui harangue (velut.. comme s'il était à la tribune)

contubernium, i, n. : la camaraderie de soldats; le commerce, la société, l'intimité; la tente

corpus, oris, n. : le corps

cur, inv. : pourquoi ?

decumus, a, um : dixième

denarius, ii : le denier (dix as)

deni, ae, a : dix

dies, ei, m. et f. : le jour

dimitto, is, ere, misi, missum : disperser, laisser partir

diversus, a, um : divers

durus, a, um : dur

e, prép. : (+abl) hors de, de

enimvero, adv. : c'est un fait, bien sûr

et, conj. : et, aussi

ex, prép. : (+abl) hors de, de

excubiae, arum, f. : le garde, la garde de nuit

exercitus, a, um : tourmenté, inquiété

exposco, is, ere, poposci, poscitum : solliciter, demander vivement

finis, is, f. : la limite ; pl., les frontière, le territoire

gens, gentis, f. : la tribu, la famille, le peuple

gravis, e : sérieux, triste, lourd, alourdi

hercule, (hercle) : par Hercule !

hiems, hiemis, m. : l'hiver

hinc, adv. : d'ici

horridus, a, um : hérissé, terrible

hostis, is, m. : l'ennemi

iam, inv. : déjà, à l'instant

idem, eadem, idem : le (la) même

ignavia, ae, f. : l'inaction, l'apathie, la mollesse, la paresse

in, prép. : (acc. ou abl.) dans, sur, contre

incultus, a, um : non soigné, rude, négligé

ineo, is, ire, ii, itum : entrer dans, se mettre à

infructuosus, a, um : infructueux, stérile

interrogo, as, are : interroger

ipse, ipsa, ipsum : même (moi-même, toi-même, etc.)

labor, oris, m. : la peine, la souffrance, le travail pénible

levamentum, i, n. : le soulagement, l'allégement, la consolation, le réconfort

lex, legis, f. : la loi, la (les) condition(s) d'un traité

mereo, es, ere, rui, ritum : mériter, gagner

militia, ae, f. : l'armée, le service militaire

minister, tri, m. : le serviteur

modus, i, m. : la mesure, la limite, la manière

mons, montis, m. : montagne

munus, eris, n. : le spectacle, la charge, la mission, le cadeau

ne, inv. : pour que... ne... pas, de peur que, que

nec, neque = et non , et...ne...pas

nisi, inv. : si... ne... pas ; excepté

nomen, inis, n. : le nom

non, neg. : ne...pas

novus, a, um : nouveau

nuto, as, are : faire signe de la tête

oboedio, is, ite, ii, itum : obéir

obtrecto, as, are : dénigrer, rabaisser, critiquer par jalousie

palus, udis, f. : le marais, l'étang

pauci, ae, a : pl. peu de

paucior, oris : comparatif de pauci : peu

pax, pacis, f. : la paix

pecco, as, are : commettre une faute

pecunia, ae, f. : l'argent

penates, ium, m. pl. : pénates

per, prép. : (acc) à travers, par

perfero, fers, ferre, tuli, latum : transporter, porter

periculum, i, n. : le danger

plerique, aeque, aque : la plupart

plus, adv. : plus, davantage

post, prép+acc. : après

postremo, inv. : enfin

praemium, ii, n. : la récompense

praetorius, a, um : de préteur

preces, um, f. pl. : les prières

princeps, ipis, n. m. et adj. : le premier, le chef, l' empereur

promo, is, ere, prompsi, promptum : montrer, faire sortir, saisir

quadragenus, a, um : au pluriel : quarante chacun, chaque fois quarante

quae,1. N.F.S. N.F.PL. N.N.PL., ACC. N. PL. du relatif = qui, que (ce que, ce qui) 2. idem de l'interrogatif : quel? qui? que? 3. faux relatif = et ea 4. après si, nisi, ne, num = aliquae

quam, 1. accusatif féminin du pronom relatif = que 2. accusatif féminin sing de l'interrogatif = quel? qui? 3. après si, nisi, ne, num = aliquam 4. faux relatif = et eam 5. introduit le second terme de la comparaison = que 6. adv. = combien

quando, inv. : quand

quidem, inv. : certes (ne-) ne pas même

quis, quae, quid : qui ? quoi ?, après si, nisi, ne num = aliquis = quelqu'un

quod, 1. pronom relatif nom. ou acc. neutre singulier : qui, que 2. faux relatif = et id 3. conjonction : parce que, le fait que 4. après si, nisi, ne num = aliquod = quelque chose 5. pronom interrogatif nom. ou acc. neutre sing. = quel?

reddo, is, ere, ddidi, dditum : rendre, rapporter

redimo, is, ere, emi, emptum : racheter

remedium, i, n. : le remède

saevitia, ae, f. : la fureur, la violence, la dureté, la cruauté

satis, adv. : assez

se, pron. réfl. : se, soi

sed, conj. : mais

sedecim, adv. : seize

seditio, onis, f. : la sédition

sempiternus, a, um : qui dure toujours, éternel, perpétuel

senex, senis, m. : le vieillard

servus, i, m. : l'esclave

sextus, a, um : sixième

si, conj. : si

singuli, ae, a : pl. chacun en particulier, chacun un

solvo, is, ere, ui, itum : détacher, payer, dénouer

sterilis, e : stérile

stipendium, ii, n. : l'impôt, la solde

sub, inv. : sous

sum, es, esse, fui : être

supero, as, are : vaincre

suscipio, is, ere, cepi, ceptum : soutenir, soulever, engendrer, accueillir

suus, a, um : adj. : son; pronom : le sien, le leur

tamen, adv. : cependant

tendo, is, ere, tetendi, tensum : tendre

teneo, es, ere, ui, tentum : tenir, retenir

tentorium, i, n. : la tente

terra, ae, f. : la terre

tolero, as, are : supporter

tot, adv. : tant, si nombreux

traho, is, ere, traxi, tractum : tirer, traîner

tribunus, i, m. : le tribun

triceni, ae, a : trente chacun

trunco, as, are : tronquer, amputer

ubi, inv. : où, quand

uligo, inis, f. : l'humidité naturelle de la terre

ultra, ,adv. : au delà plus loin ; prép. + acc. : plus loin que, plus que

urbanus, a, um : urbain, poli, spirituel, fin

ut, conj. : pour que, que, comme

vacatio, ionis, f. : l'exemption, la dispense

vel, inv. : ou, ou bien

velut, inv. : comme

verbera, um, n. : les coups

vestis, is, f. : le vêtement

vexillum, i, n. : l'étendard, le drapeau

vita, ae, f. : la vie

vocabulum, , i, n. : le nom propre

vulnus, eris, n. : la blessure