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Les dauphins

Pline l’Ancien

Texte original

Velocissimum omnium animalium, non solum marinorum, est delphinus ocior volucre, acrior telo, ac nisi multum infra rostrum os illi foret, medio paene ventre, nullus piscium celeritatem eius evaderet. Sed adfert moram providentia naturae; quia nisi resupini atque conversi non conripiunt, quae causa praecipue velocitatem eorum ostendit. Nam cum fame conciti fugientem in vada ima persecuti piscem diutius spiritum continuere, ut arcu emissi ad respirandum emicant tantaque vi exsiliunt ut plerumque vela navium transvolent. Vagantur fere coniugia, pariunt catulos decimo mense aestivo tempore, interim et binos. Nutriunt uberibus, sicut ballaena, atque etiam gestant fetus infantia infirmos. Quin et adultos diu comitantur, magna erga partum caritate. Adolescunt celeriter, decem annis putantur ad summam magnitudinem pervenire. Vivunt et tricenis, quod cognitum praecisa cauda in experimentum. (De Naturalis Historia XIII, 22)

Texte amendé

Velocissimum omnium animalium, non solum marinorum, est delphinus, ocior volucre, acrior telo. Delphini cum, fame conciti, fugientem persecuti piscem, diutius spiritum continuerunt, ut arcu missi, ad respirandum emicant tantaque vi exsiliunt ut plerumque vela navium transvolent. Delphinus, non homini tantum amicum animal, verum et musica arte mulcetur. Hominem non expavescit : obviam navigiis venit, adludit exsultans, certat etiam et quamvis plena praeterit vela.

Vocabulaire :

Velox, ox, ox / velocis
Animal, animalis, n
Marinus, a, um
Ocior, or, us
Volucris, is, f

Acer, acris, acre
Telum, i, n
Fames, is, f

Concieo, ere, civi, citum

Persequor, eris, i, secutus sum
Piscis, is, m
Diutius
Spiritus, us, m
Contineo, ere, ui, tentum
Arcus, us, m
Ad respirandum
Emico, are, ui

Exsilio, ire, lui, sultum

Plerumque
Velum, i, n
Transvolo, are, avi, atum
Amicus, a, um

Non tantum … et verum …

Mulceo, ere, mulsi, mulsum
Ars, artis, f
Musicus, a, um
Expavesco, ere = expaveo, ere, pavi

Obviam venire alicui

Navigium, i, n
Adludo, ere, si, sum
Exsulto, are, avi, atum
Certo, are, avi, atum
Quamvis
Praetereo, ire, i(v)i, itum

Plenus, a, um
Vif, rapide
Rappel : Règle des 3 I
De mer, marin
= comparatif sans positif = plus rapide (voir grammaire, n° 36)
= poétique = bête ailée
à oiseau
Vif
Trait, javelot
Faim
Pousser, presser, agiter, secouer
Poursuivre
Poisson

= comparatif d’adverbe = plus longtemps

Souffle
Retenir, contenir
Arc
= Gérondif (Voir grammaire, n° 220)
S’élancer dehors, jaillir, bondir
Sauter hors, s’élancer
La plupart du temps, souvent
La voile (d’un navire)

Traverser en volant (+ acc) = voler à travers

= adjectif (+ datif)

= Non solum … sed etiam …
Adoucir, calmer, charmer
Art, habileté
De la musique, musical

Être effrayé, redouter
Aller au-devant de quelqu’un
Bateau
Jouer
Sauter
Combattre, rivaliser, faire la course
Quoique, bien que
Passer devant, devancer
Rempli, plein, gonflé

Questions de grammaire :

Phrase 1 : Cas, genre, nombre, fonction de : velocissimum, omnium animalium volucre, telo, ?

Phrase 2 : Nature de conciti, persecuti ? – Différencier les 2 UT – Cas, genre, nombre, fonction de fame, arcu, navium ?

Phrase 3 : Cas, genre, nombre, fonction de musica arte ?

VIII. Tradition invraisemblable sur l'attachement d'un dauphin pour un enfant.

Les dauphins sont voluptueux et enclins à l'amour, ainsi que l'attestent des exemples anciens, et même récents. En effet, sous les premiers Césars, dans la mer de Pouzzol, selon le récit d'Apion, et plusieurs siècles auparavant, près de Naupacte, comme le rapporte Théophraste, on a vu, de manière à n'en pouvoir douter, plusieurs de ces animaux donnant des marques évidentes de l'amour le plus passionné. Et cet amour n'avait pas pour objet des êtres de leur espèce, mais de beaux enfants qu'ils avaient vus par hasard dans des barques ou sur les sables du rivage, et pour lesquels ils ressentaient une tendresse extraordinaire et vraiment humaine. Je vais transcrire un passage du savant Apion, extrait du livre cinquième de ces Egyptiaques, où il rapporte l'attachement d'un dauphin pour un enfant qui s'était familiarisé avec lui de telle sorte, qu'il jouait, montait sur son dos, faisant des courses sur les flots ; Apion dit même qu'il fut un des nombreux témoins de tous ces faits. « J'ai vu moi-même, dit-il, près de Dicéarchie, un dauphin épris de passion pour un enfant nommé Hyacinthe : il accourait à sa voix, s'approchait du rivage et recevait l'enfant sur son dos, ayant bien soin de replier les pointes de ses nageoires, de crainte de blesser l'objet da sa tendresse, qu'il portait ainsi jusqu'à deux cents stades du rivage. On accourait de Rome et de toute l'Italie pour voir ce poisson guidé dans ses courses par l'amour ». Ce qu'ajoute Apion n'est pas moins merveilleux : « Cet enfant si tendrement aimé tomba malade et mourut. Après être revenu plusieurs fois au lieu même où l'enfant avait coutume d'attendre son arrivée, la dauphin ne le voyant pas venir, fut saisi d'une douleur si vive qu'il ne put lui survivre. Son corps fut trouvé sur le rivage par des gens qui connaissaient toute cette histoire, et qui le déposèrent dans le même tombeau que l'objet de ses amours. »

Aulu-Gelle, VII

CHAPITRE XIX.

Histoire du musicien Arion, tirée des écrits d'Hérodote.

Hérodote a écrit l'histoire singulière d'Arion, ce fameux joueur de lyre, dans un style non moins rapide et coulant que plein d'élégance et de naturel. Arion, dit-il, s'acquit la plus grande célébrité par son talent à marier les accents de sa voix au son de la lyre. Ce musicien fameux, qui vivait dans les premiers âges du monde, naquit à Méthymnée, et passa les premières années de sa vie, dans l'île de Lesbos. Périanthe, roi de Corinthe, plein d'admiration pour son talent, lui témoigna de la bienveillance et même de l'affection. Toutefois le célèbre artiste s'éloigna de sa personne, dans le dessein de visiter la Sicile et l'Italie, pays de tous temps renommés. Dans ces contrées, il enchanta tous les habitants des villes qu'il parcourut, par la beauté de ses vers et la douceur de ses accords. Après être devenu les délices et l'amour de ces charmants pays, et y avoir amassé d'immenses richesses, Arion forma le dessein de retourner à Corinthe. Il choisit donc un vaisseau dont les mate-lots étaient de cette ville, croyant pouvoir leur confier avec plus de sûreté sa fortune. Mais les Corinthiens, après l'avoir pris à bord, et avoir gagné la pleine mer, forment le dessein de se défaire de lui, pour s'emparer de ses trésors. Arion s'étant aperçu du danger qui le menaçait, offre aux matelots de leur distribuer tout ce qu'il possède, et les prie de lui laisser seulement la vie. Tout l'effet que ses supplications et de ses larmes produisirent sur le coeur de ces barbares, fut d’obtenir qu'ils ne tremperaient pas leurs mains dans son sang, à condition que, sur l'heure, il se précipiterait lui-même dans les flots. Consterné de ce qu'il entend, et perdant toute espérance de sauver ses jours, Arion sollicita une dernière grâce : qu'on lui permette de se revêtir de des habits les plus précieux, de prendre sa lyre, et de mourir en chantant son malheur. Ces marins féroces et insensibles eurent cependant la curiosité de l'entendre, et lui accordèrent sa demande. Aussitôt, s'étant paré, comme il avait coutume de le faire dans des jours bien différents de celui-ci, de ce qu'il avait de plus élégant et de plus brillant dans ses habillements, il se place au haut de la poupe, entonne une chanson d'un son de voix éclatant et militaire ; et en finissant, se précipite dans la mer avec ses ornements et sa lyre. Les matelots, bien persuadés qu'il a péri, poursuivent tranquillement leur route. Mais un incident, non moins singulier que digne d'admiration, sauva Arion d'une manière vraiment surprenante. Pendant qu'il lut tait contre les vagues, un dauphin vient, le reçoit sur son dos, le tient élevé au-dessus des eaux, et le porte en nageant jusqu'au promontoire de Ténare, dans la Laconie, où il le dépose sain et sauf avec tous ses ornements. Arion se rendit de là droit à Corinthe, et alla aussitôt se présenter au roi Périandre, tel qu'il avait été laissé sur le rivage par le dauphin. Il raconta au prince son aventure ; mais celui-ci, la regardant comme une fable, le fit mettre en prison. Cependant, ayant soin de tenir l'arrivée d'Arion secrète, il fait venir les matelots aussitôt après leur débarquement, et leur demande ce qu'on disait de lui dans le pays qu'ils venaient de quitter ? Ils répondent qu'ils l'ont laissé en Italie, jouissant d'une bonne santé, admiré et chéri de toutes les villes, comblé d'honneur et nageant dans l'opulence. A peine ont-ils achevé ces mots, qu'on voit paraître Arion jouant sa lyre et revêtu des mêmes habits avec lesquels il s'était précipité dans la mer. Alors les matelots, interdits et convaincus, sont obligés d'avouer leur crime. Cette histoire se répandit dans Corinthe, dans toute l'île du Lesbos ; elle fournit le sujet d'un groupe d'airain qu'on voyait au promontoire de Ténare  et qui représentait un dauphin nageant et portant un homme sur son dos.

Aulu-Gelle, livre XVI.