Oeuvre numérisée par Marc Szwajcer
DÎWÂN
DE
TARAFA IBN AL-‘ABD AL-BÂKRI
ACCOMPAGNÉ DU COMMENTAIRE DE
YOÛSOUF AL-A'LAM DE SANTA-MARIA
D'APRES LES MANUSCRITS DE PARIS ET DE LONDRES
suivi d'un
APPENDICE
renfermant de nombreuses poésies inédites tirées des manuscrits
d'Alger, de Berlin, de Londres et de Vienne
PUBLIÉ, TRADUIT ET ANNOTÉ
PAR
MAX SELIGSOHN
Élève diplômé de l'École Pratique des Hautes Études
PARIS (IIe)
LIBRAIRIE EMILE BOUILLON, ÉDITEUR
67, RUE DE RICHELIEU, AU PREMIER
1901
(TOUS DROITS RÉSERVÉS)
Forme le cent
vingt-huitième fascicule de la Bibliothèque des Hautes Etudes
BIBLIOTHÈQUE
DE L'ÉCOLE
DES HAUTES ÉTUDES
PUBLIÉE SOUS LES AUSPICES
DU MINISTÈRE DE L'INSTRUCTION PUBLIQUE
SCIENCES HISTORIQUES ET PHILOLOGIQUES
CENT VINGT-HUITIÈME FASCICULE
LE DÎWÂN DE TARAFA IBN AL-'aBD AL-BAKRÎ,
PAR M. SELIGSOHN
PARIS (IIe)
LIBRAIRIE EMILE BOUILLON, ÉDITEUR
67, RUE DE RICHELIEU, AU PREMIER
1901
(TOUS DROITS RÉSERVÉS)
Le Diwân de Tarafa a déjà été édité par M. Ahlwardt, dans son ouvrage « The Diwans of the six ancient Arabie poets », et par le P. Cheikho dans « Les Poètes arabes chrétiens ». Si nous en donnons une nouvelle édition, c'est afin de publier le commentaire inédit d'Abou 'l-Hadjdjâdj Yousouf de Santa-Maria,[1] connu sous le nom d'Al-A'lam.[2] Nous ferons ainsi pour le Diwân de Tarafa ce que M. le comte de Landberg a fait pour celui de Zouhair.[3] De plus, nous avons traduit l'œuvre entier de notre poète : jusqu'ici, on n'avait que des traductions en plusieurs langues de la Mou'allaka, et des traductions latines, récemment parues, de quelques morceaux.[4] Enfin, nous avons réuni, d'une part, dans l'Appendice, un grand nombre de poésies inédites trouvées dans des manuscrits qui avaient échappé aux recherches pourtant méticuleuses de M. Ahlwardt, et, d'autre part, dans le Supplément, des vers publiés dans divers volumes, mais ne figurant pas dans l'édition du savant orientaliste.
Nous croyons devoir adresser nos remerciements les plus sincères à tous les érudits qui ont bien voulu nous prêter leur concours dévoué pour mener à bonne fin notre édition. A notre maître. M. Hartwig Derenbourg, qui a bien voulu copier pour nous, au British Museum, une poésie inédite de Tarafa; à M. Fagnan, professeur à l'École supérieure des Lettres, qui en a copié une autre à Alger; à M. Collin, professeur au Lycée d'Alger, qui a collationné cette poésie; à M. Barth, professeur à l'Université de Berlin, qui a fait copier pour nous par son élève, le Dr Horowitz, deux poésies renfermées dans un manuscrit de Berlin; à M. Léopold Delisle, membre de l'Institut, administrateur général de la Bibliothèque Nationale, qui nous a obligeamment procuré un manuscrit de Vienne, et à notre condisciple, M. L. Barrau-Dihigo, qui a eu l'amabilité de revoir toutes nos épreuves. En terminant ce court avant-propos, qu'il nous soit permis de témoigner à tous ceux qui ont facilité notre tâche l'expression de notre vive reconnaissance.
Les manuscrits qui ont servi à l'établissement du texte et au commentaire, sont les suivants :
1° Le ms. n° 3273 du fonds arabe de la Bibliothèque Nationale de Paris (A); écrit en caractères magrébins, il contient les Diwân des six poètes avec des gloses interlinéaires empruntées au commentaire d'Abou 'l-Hadjdjâdj Yousouf Al-A'lam de Santa-Maria. Le Diwân de Tarafa y occupe les folios 76 v°-91 r°.
2° Le ms. 3274 du fonds arabe de la Bibliothèque Nationale (B); il renferme les Diwân des six poètes avec le commentaire d'Al-A'lam. Il est écrit en caractères magrébins comme le précédent; mais l'écriture est mal formée et dénote chez le copiste beaucoup de hâte. Le commentaire sur Tarafa se trouve aux folios 168 v°-200 r°. Ce ms. nous a servi de base pour le commentaire.[5]
3° Le ms. Or. 3155 (Supplément n° 1026), du British Muséum à Londres (C). Il contient les Diwân de Tarafa, 'Antara et Zouhair avec le commentaire d'Al-A'lam, écrit en beau neskhi. Le Diwân de Tarafa y occupe les pages 2-100 et s'arrête net au commencement du dernier morceau. La page 101 commence par les mots du commentaire sur le 8e vers du 3e morceau du Diwân de 'Antara. Ce ms. nous a été très utile pour combler les lacunes du commentaire qui existent dans le ms. précédent.
4° Le ms. 781 de la Bibliothèque Impériale de Vienne (D). Ce ms., qui a été offert à la Bibliothèque Impériale, par M. le comte de Landberg, renferme les Diwân des six poètes; les quatre premiers : Imrou'ou'l-Kais, Nâbiga, 'Alkama et Zouhair, sont accompagnés du commentaire d'Al-A'lam écrit en beaux caractères et entièrement vocalisés ; au contraire, les deux derniers, 'Antara et Tarafa sont accompagnés du commentaire d'Abou Bakr 'Asim, ibn Ayyoub, Al-Batalyoûsi,[6] et l'écriture est à peine lisible. Le commentaire sur Tarafa se trouve aux folios 223 v°-248 r°. Certains poèmes du Diwân que l'on rencontre dans les manuscrits précédents ne figurent pas ici ; en revanche, il y a, dans ce manuscrit des morceaux qui ne sont reproduits nulle part ailleurs.
5° Le ms. Or. 3157 (Supplément n° 1034) du British Muséum (E). Ce ms. a au fol. 59 v° la poésie xiii du Diwân de Tarafa avec le commencement qui ne se trouve dans aucun autre ms. et qui forme la poésie viii de l'Appendice dans notre édition.
6° Le ms. 5322 de la Bibliothèque Nationale de Paris, qui nous avait d'abord échappé (F). Ce ms., qui renferme des poésies et des morceaux théologiques, contient les Diwân de 'Alkama, de Zouhair, de Tarafa et à peu près le tiers de 'Antara, accompagnés du commentaire d'Al-A'lam, dont le nom n'est d'ailleurs pas indiqué. Le Diwân de Tarafa avec le commentaire occupe les folios 228 v°-251 r°. L'écriture magrébine de ces quatre Diwân ressemble à celle du ms. B. Les Diwân dans ce ms. contiennent le même nombre de poésies, que les mss. A et B, et placées dans le même ordre.
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London, 1870. Ahlwardt, W. Bemerkungen über die Aechtheit der alten arabischen Gedichte. Greifswald, 1872. Arnold, F. A. Septem Mo'allakat. Lipsiae, 1850.
Al-Bakrî, Abou 'Oubaid 'Abd Allah, Kitab mou'djam mà'sta'djam.
Dictionnaire géographique, publié par Wüstenfeld. Göttingen, 1877.
Kitab al-bayàn wa 't-tabyîn, par Abou 'Outhmân ‘Amr Al-Djâhith, 2 vol. Le Caire, 1894.
Caussin de Perceval. Essai sur l'histoire des Arabes. 3 vol. Paris, 1847-49.
Cheikho, le R. P. Les Poètes arabes chrétiens. 2 vol. Beyrouth, 1890.
Delectus veterum Carminum Arabicorum, par Th. Nöldeke et Aug. Müller. Berlin, 1890.
Derenbourg, Hartwig. Diwân d'An-Nâbiga. Paris, 1869; Supplément, Paris, 1899.
Djamharat asch'àr al'arab, par Mouhammad ibn Aboû'l-Khaftâb Al-Kouraschi. Boulâq, 1890-91.
Freytag, G. W. Darstellung der arabischen Verskunst. Bonn, 1830.
La Hamàsa d'Abou Tammân, avec le commentaire d'At-Tibrîzî, publié et traduit par G. W. Freytag, 2 vol. Bonn, 1828-47.
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Al-Hariri, Abou Mouhammad Al-Kâsim ibn ‘Ali, Kitab al-màkàmàt. « Les séances de Hariri avec le commentaire de S. de Sacy, publié par MM. J. Derenbourg et Reinaud. 2 vol. Paris, 1853.
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LE DÎWÂN DE TARAFA
IBN AL-'ABD AL-BAKRÎ
Traduction française précédée d'une Introduction historique
Tarafa ibn Al-'Abd Al-Bakrî appartenait à cette portion de la tribu de Bakr qui habitait dans le Bahreïn.[9] Au reste, s'il naquit et mourut dans ce pays, il vécut ailleurs. Chassé d'abord par sa famille, à cause de la vivacité de ses satires contre elle, il erra dans des provinces qui n'appartenaient pas à sa tribu ; il prit part ensuite aux guerres que se faisaient depuis de longues années sa tribu et celle de Taglib ; il demeura enfin quelque temps à la cour de Hîra et y fut mis à mort par ordre du roi.
C'est aux différentes périodes de cette existence vagabonde qu'il a composé ses poésies si variées de caractère : tantôt il louera ses bienfaiteurs, tantôt il accablera ses parents de reproches ; tantôt il vantera sa gloire, tantôt il gémira sur le malheur qui le frappe ; mais avant tout, il sera le panégyriste de la générosité, de la volupté et des jouissances sensuelles, et, d'un bout à l'autre de son œuvre, on sentira la verve d'un poète jeune, éloquent et passionné.
Pour écrire une biographie aussi exacte que possible de ce personnage, la meilleure source que nous possédions, ce sont ses vers. Sur sa mort, nous avons quelques détails dans la partie du Kitab al-Aghani,[10] qui traite de l'oncle maternel de Tarafa, Al-Moutalammis ; mais cet ouvrage ne nous apprend rien sur la période de la vie de Tarafa qui a précédé son arrivée à la cour de Hîra. Les autres historiens ne s'étendent pas non plus sur ce sujet[11] ; cela vient peut-être de ce que l'on n'était pas fixé sur le nombre des poésies de Tarafa : certains historiens l'ont en effet placé parmi ceux que l'on appelle « ceux qui ont laissé peu de poésies », d'autres l'ont rangé parmi les « auteurs d'une seule pièce », en lui attribuant seulement la pièce appelée sa mou'allaka. Il est certain qu'en n'examinant qu'un nombre si restreint de poésies de Tarafa, on ne peut pas se faire une idée de sa vie. Mais, grâce à Al-Asmaï qui a recueilli la plus grande partie de ses vers, à Abou 'Oubaida et à ceux qui ont postérieurement complété son Diwân, on peut essayer d'écrire une biographie de Tarafa.
Il n'est possible de fixer avec précision ni la date de sa naissance, ni celle de sa mort. Nous savons qu'il a vécu sous le règne de ‘Amr, fils de Moundhir III, généralement connu sous le nom de 'Amr, fils de Hind ; mais on n'est pas sûr de la date de l'avènement au trône de ce prince ; on ignore aussi dans quelle année Tarafa fut mis à mort et quel âge il avait quand il mourut. Si nous acceptons avec Caussin de Perceval que l'avènement de 'Amr, fils de Hind, eut lieu en 562 de l'ère chrétienne[12] et que Tarafa fut mis à mort au commencement de son règne, ce serait vers l'année 563 qu'il aurait péri, et il serait né tout au plus 26 ans auparavant.[13]
VIE DE TARAFA
Tarafa ibn Al-'Abd est le nom que l'on donne habituellement au poète 'Amr ibn Al-'Abd ibn Soufyân ibn Sa'd ibn Malik ibn Doubai'a ibn Kais ibn Tha'laba ibn 'Oukâba ibn Sa'b ibn ‘Ali ibn Bakr ibn Wâ'il, issu de Ma'add ibn 'Adnan. Son père Al-'Abd était le frère du poète Al-Mourakkisch le jeune; tous deux étaient neveux d'Al-Mourakkisch le Vieux;[14] sa mère s'appelait Warda,[15] elle était sœur de l'illustre poète Al-Moutalammis, de la famille de Doubai'a ibn Rabî'a.[16] Tarafa avait un frère aîné du nom de Ma'bad[17] ou 'Abida[18] et une sœur nommée Khirnik[19] qui était également poète.[20]
Le surnom de Tarafa, qui a été appliqué à notre poète, vient peut-être d'une espèce de tamaris, peut-être aussi le lui a-t-on donné parce qu'il avait composé le vers suivant:
« Ne poussez pas tous deux à pleurer aujourd'hui celui qui achète une nouvelle chose, ni vos deux chefs lorsqu'ils s'arrêtent dans la maison. »
Le talent de Tarafa fut précoce. Dès son enfance, il se distingua par son esprit vif et ses paroles mordantes. On raconte qu'un jour son oncle maternel Al-Moutalammis (d'après quelques autres c'était le poète Al-Mousayyab ibn ‘Alas), en récitant des vers où il faisait l'éloge de son chameau, employa le mot qui ne convient qu'à une chamelle. Voici deux de ces vers :
« Quand le souci vient m'assaillir, je le dissipe en enfourchant un chameau coureur marqué avec un fer rouge, dont il porte l'empreinte sur son cou,
» Un chameau au poil roux dont la chair est ferme, ou bien une chamelle himyarite rapide qui fait voler les cailloux sous ses pieds déchirés par les aspérités du sol. »
Or, Tarafa, bien qu'il fût occupé à jouer avec ses camarades, entendit le mot que l'autre avait employé à tort, et s'écria: « Voilà le chameau transformé en chamelle! » mots qui sont devenus proverbiaux. L'auteur des vers, tout déconcerté, l'appela et lui dit : « Enfant, montre ta langue. » Tarafa la lui montra, elle était noirâtre. L'autre reprit : « Malheur à cet enfant à cause de sa langue! » Cette malédiction s'est réalisée plus tard.[21]
D'autres auteurs[22] racontent encore sur Tarafa l'anecdote suivante et lui attribuent les trois vers que nous citons plus loin : Un jour qu'il voyageait avec des gens de sa famille, il se mit à la chasse des alouettes. Il tendit son piège et attendit un certain temps, mais aucune alouette ne s'étant prise au piège, il dut renoncer à son dessein. Lorsqu'on se mit en route, il vit une alouette arriver à cet endroit-là et ramasser les miettes répandues par terre. Aussitôt il composa ces vers :
« O toi, alouette qui voltiges sur cette vaste plaine, l'espace est libre, ponds, chante.
» Becquète ce qui te plaît et réjouis-toi, car le chasseur s'en va.
» Le filet n'est plus là, et tu n'as rien à craindre. Mais un jour viendra où tu seras prise. Prends patience ! »
Il paraît que notre poète était encore en bas âge lorsque son père mourut. Ses oncles paternels voulurent déposséder sa mère Warda des biens auxquels elle avait droit. Tarafa, enfant, ne pouvant secourir sa mère qu'avec sa langue, improvisa une poésie et menaça ses oncles en disant que, quoique les enfants de Warda fussent petits et qu'elle fût loin de sa tribu, ils ne devaient pas la maltraiter. « Une petite chose, s'écria-t-il, suscite quelquefois de graves calamités. » Vers qui aurait fait honneur même à un poète plus âgé que lui.
Avec les années, le talent de Tarafa se développait et en même temps sa verve caustique s'aiguisait. Il faisait des satires sur des membres de sa famille et sur d'autres personnes', et s'attirait la colère et la haine de ses plus proches parents. Il s'adonnait au vin et à l'amour; il passait son temps avec des femmes; il dépensait son argent si bien qu'il se ruinait, et que ses amis, dit-il, s'éloignaient de lui comme on s'éloigne d'un chameau galeux. Non seulement ils s'écartaient de lui, mais encore ils le chassaient. Notre poète dut alors errer dans des provinces qui n'appartenaient pas à sa tribu, seul, abandonné, ainsi qu'un vagabond, passant la nuit dans des grottes, « mourant ou pareil à un mourant ». « Ah! dit-il, un homme qui a gaspillé sa jeunesse hors de sa tribu, ne peut être considéré que comme un mort. » La plus grande douleur qu'il eut à supporter, fut d'être séparé de sa maîtresse, de sa chère Khaula,[23] qui appartenait à la tribu Tamîmite de Hanthala ibn Malik.[24] C'était cette jeune femme douce, aux yeux de gazelle, aux dents blanches comme des fleurs de camomille, à la voix suave, qui le captivait. Toutes les fois qu'il pensait à elle, les liens qui les unissaient se resserraient davantage. Son fantôme voltigeait toujours devant lui; il cherchait en vain à le chasser, il n'y réussissait pas. Il entreprenait, pour dissiper son chagrin, des voyages dangereux, pénétrant dans des chemins difficiles sur sa noble chamelle dont il a fait l'éloge en termes chaleureux. Il se joignait à des troupes qui faisaient des razzias et se procurait ainsi de quoi vivre.[25]
Mais il finit par se lasser de cette existence et, certainement, ce qui le touchait le plus étaient les reproches que lui adressait sa maîtresse au sujet de cette vie de vagabondage qu'il menait et qu'il devait à ses imprudences de langage. Il reconnut sa faute et retourna chez ses parents, promettant d'être plus sage à l'avenir et de renoncer à ses débauches. Il rentra en grâce auprès d'eux et, au lieu d'user ses forces à des incursions de pillards loin de sa tribu, il les employa à la guerre dite guerre d'Al-Basoûs[26] qui, depuis quelque temps, avait éclaté entre sa tribu et celle de Taglib, toutes deux issues de Wâ'il. Il y prit une part très active; il était jeune, leste et courageux comme un lion. Il avait deux armes, son épée et sa langue, et toutes deux étaient acérées. Les gens de sa tribu remportèrent la victoire sous Al-Hârith ibn 'Abbâd,[27] enlevèrent un butin important et se le distribuèrent entre eux. Tarafa en eut sa part, devint riche, et dès lors il fut tout à fait réconcilié avec les siens. Il assistait aux réunions où l'on discutait les affaires publiques et où lui était assignée une place d'honneur. Il la méritait en effet, car sa famille était la plus noble de la tribu de Bakr. Cette réconciliation et ces témoignages de déférence lui ont fait dire :
« Je vous avais fait des reproches, puis vous avez incliné vers moi le seau plein d'une boisson sans amertume. »
Tarafa ne pouvait pas rester longtemps riche. Très généreux, il donnait de nombreux cadeaux et secourait quiconque s'adressait à lui. Il avait des amis qui vivaient à ses dépens; il dissipait son bien, passait son temps en festins, égorgeait des chameaux gras et invitait tous les jeunes gens de sa tribu à partager ses plats de viande de bosse de chameau. Il ne regardait jamais à la dépense quand il s'agissait d'acheter du vin pour en régaler ses amis, même en hiver où généralement tout objet de consommation était d'un prix élevé. Il échangeait les meilleures chamelles de ses troupeaux contre du vin capiteux. Aussi lui adressait-on des reproches, et les femmes de sa famille le blâmaient-elles sévèrement de son penchant excessif pour le vin; il supportait toutes ces réprimandes avec patience. Il se hâtait de boire avant leur arrivée, en alléguant que ce n'était pas la peine d'économiser l'argent pour le laisser après la mort ; car, d'après lui, il n'y a alors aucune différence entre l'avare et le prodigue : tous deux sont enterrés dans un tombeau étroit, aucun d'eux n'emporte rien de la richesse qu'il a amassée pendant sa vie. Ce qui le perdait, c'étaient les amis intéressés qui le flattaient tant qu'ils pouvaient faire bonne chère à ses frais, tant qu'ils recevaient de lui de nombreux cadeaux; mais qui, lorsqu'ils l'eurent dépouillé de tous ses biens, l'abandonnèrent â sa misère et le gourmandèrent quand il leur demanda de le secourir.
Ce fut probablement au moment où il fut trahi par ses amis et redevint pauvre qu'il alla rejoindre son frère aîné Ma'bad ou 'Abîda (nom sous lequel il figure ailleurs). Son frère l'accueillit, mais se fit payer par Tarafa la nourriture qu'il lui donnait. Tarafa en effet devait mener paître les chameaux de son frère;[28] cependant, occupé de ses poésies, il négligeait le troupeau. Ma'bad le grondait toujours de sa négligence en lui disant : « Crois-tu que, si on enlève les chameaux, tes vers les ramèneront? — Oui, je le crois, » lui répondait-il. Il ne les surveillait donc pas, comptant sur la protection du roi 'Amr ibn Hind et de son frère Kâboûs. Or, les chameaux furent pris par des gens de la tribu de Moudar. Il adressa alors au roi de Hîra des vers où il lui déclara que les chameaux appartenaient, non à des gens révoltés contre lui, mais à ses sujets loyaux, dans l'espoir que ces vers lui feraient recouvrer les chameaux ; son attente fut toutefois déçue. Il s'adressa ensuite à son cousin Malik, lui demanda son assistance; celui-ci, au lieu de l'aider, le chassa en le grondant et en lui reprochant sa vie de débauche'. D'autre part, il fut menacé par son frère, et se trouva dès lors dans une situation précaire. Ce fut à cette époque qu'il composa sa Mou'allaka, le plus charmant de ses poèmes, celui où il nous dépeint lui-même sa vie passée et son caractère. Si les vers adressés à 'Amr ibn Hind ne l'avaient pas fait rentrer en possession de ses chameaux, il réussit mieux avec ce nouveau poème. Ayant mentionné ses deux parents Kais ibn Khalid et 'Amr ibn Marthad, personnages riches et d'un rang considérable, le dernier appela Tarafa et lui dit : « Dieu seul peut te donner des enfants; mais des richesses, je pourrai moi-même t'en donner...» Il fit venir aussitôt ses sept fils et ses trois petits-fils et ordonna à chacun d'eux de donner à Tarafa dix chameaux. Tarafa put retourner chez son frère, possesseur de cent chameaux.
Dès qu'il eut indemnisé son frère de la perte des chameaux, il quitta son service. Il devint son propre maître et, comme il était d'une prodigalité que nous connaissons déjà, il ne tarda pas à perdre le reste de ses chameaux et, peu de temps après, il fut de nouveau ruiné. Les luttes entre les Bènou Bakr et les Bènou Taglib étaient finies depuis qu'ils s'étaient réconciliés par l'intermédiaire d'Al-Gallâk que 'Amr ibn Hind avait envoyé pour conclure la paix. L'occasion de combattre pour sa tribu ne s'offrait plus à lui. 'Amr ibn Hind venait de monter sur le trône de Hîra : ce fut de ce côté que Tarafa se dirigea. A cette cour se trouvaient déjà, d'une part, 'Abd 'Amr ibn Bischr, cousin et beau-frère de Tarafa,[29] personnage qui joua un rôle considérable auprès du roi ; et d'autre part, son oncle maternel Al-Moutalammis, qui était au service de Kâboûs, frère du roi et héritier présomptif du trône de Hîra. 'Amr ibn Hind fit à Tarafa un bon accueil[30] et l'adjoignit à Al-Moutalammis pour le service du prince Kâboûs.
Le roi 'Amr ibn Hind était un homme très sévère, violent et redouté de ses sujets ; on lui a donné le surnom de « celui qui fait lâcher des vents aux pierres ». Son frère Kâboûs passait son temps à chasser et à boire. Les jours de chasse, Tarafa et Al-Moutalammis étaient obligés de le suivre en courant, au point de tomber épuisés de fatigue et, les jours où ce prince restait chez lui à boire avec ses compagnons, ils devaient rester à cheval devant sa porte, sans avoir la permission ni de se présenter devant lui, ni de s'en aller. Ce service indigna Tarafa; il improvisa une satire contre le roi et contre son frère, en disant qu'il préférait au roi 'Amr et à son frère une brebis allaitante qui bêle autour de sa maison, et en ajoutant que Kâboûs gouvernerait bien sottement son royaume. Il eut l'imprudence de réciter ces vers devant son beau-frère 'Abd 'Amr ibn Bischr, avec qui il se brouilla peu de temps après. Sa sœur, femme de 'Abd 'Amr, s'étant plainte devant lui de la vieillesse de son mari, il fit une satire contre son beau-frère. Il se moqua de lui, en prétendant que 'Abd 'Amr n'avait rien de bon, sinon sa richesse et ses hanches minces, et qu'il buvait sans raison jusqu'à se gonfler de liquide et à devenir blême.
Un jour, le roi 'Amr ibn Hind alla au bain avec son ministre 'Abd 'Amr ibn Bischr. Lorsqu'ils furent déshabillés, le roi jeta ses regards du côté de 'Abd 'Amr dont l'embonpoint excessif et le ventre proéminent le firent s'écrier en souriant : « Il paraît que ton beau-frère Tarafa ne t'a pas vu déshabillé pour avoir pu dire : Il n'a rien de bon, si ce n'est sa richesse et ses hanches minces.[31] » 'Abd 'Amr lui répondit : « Mais il a dit contre toi des choses encore pires que cela. — Et qu'a-t-il dit? » répliqua le roi. 'Abd 'Amr, ayant réfléchi à la funeste conséquence de ses paroles, regretta d'avoir commencé ce récit et voulut couper court à la conversation. Mais, comme le roi insistait et promettait qu'aucun mal n'arriverait à Tarafa, 'Abd 'Amr récita les vers où Tarafa a dit : « Plût à Dieu que nous eussions à la place du roi 'Amr une brebis allaitante, » etc. Le roi resta silencieux, mais conserva un vif ressentiment contre Tarafa. Il voulait se débarrasser de ce jeune insolent, toutefois il ne pouvait pas le mettre publiquement à mort, car les gens de la tribu de Bakr se seraient peut-être révoltés contre lui. Il chercha un moyen de le faire tuer loin de sa cour; il dissimula donc son sentiment de rancune contre l'auteur de la satire, et Tarafa ne se douta nullement des intentions du roi.
Un jour, la sœur du roi, une très belle femme, étant assise à table en face de Tarafa, celui-ci, saisi d'admiration, improvisa ce couplet :
« Oui, la gazelle aux brillants pendants d'oreilles s'est réunie avec moi.
» Et, si le roi n'était pas assis ici, j'aurais goûté le doux baiser de ses lèvres. »
Le roi fut blessé de cette liberté. L'irritation causée par ces paroles audacieuses, jointe à la rancune qu'il éprouvait contre lui, le déterminèrent à mettre fin aux jours de Tarafa. Craignant également des satires de la part d'Al-Moutalammis, le roi se décida à le mettre aussi à mort. Il les appela donc tous deux et leur demanda s'ils voulaient obtenir un congé pour aller voir leurs familles. Comme ils étaient fatigués de servir Kâboûs, ils acceptèrent ce congé avec empressement. Le roi leur donna deux lettres en disant : « Portez ces deux lettres à Aboû Karib, gouverneur du Bahreïn; je l'engage à vous faire bon accueil et à vous récompenser de vos services.» Ils prirent les lettres et partirent. Lorsqu'ils furent hors de la ville, Al-Moutalammis dit à Tarafa: « Tu es jeune et sans expérience; moi, je connais la perfidie du roi. Nous avons fait tous deux des satires contre lui ; par conséquent, je crains qu'il n'ait écrit quelque chose qui nous soit funeste. Ouvrons les lettres et voyons : s'il y a quelque chose qui nous soit favorable, nous les porterons à leur destinataire; si au contraire il s'y trouve quelque chose de dangereux pour nous, nous les jetterons dans le fleuve. » Tarafa refusa de briser le sceau royal. En passant devant le fleuve de Hîra, Al-Moutalammis donna sa lettre à un enfant[32] qui l'ouvrit et la lut. Dans cette lettre il était ordonné au gouverneur du Bahreïn de le mettre à mort. Al-Moutalamis jeta la lettre dans le fleuve et engagea Tarafa à en faire autant, mais celui-ci s'y refusa. Al-Moutalammis s'enfuit en Syrie et Tarafa porta sa lettre au gouverneur du Bahreïn. Celui-ci, l'ayant ouverte, dit à Tarafa : « Sais-tu le contenu de la lettre? — Oui, lui répondit Tarafa, il y est écrit que tu me fasses du bien. — Comme tu te trompes ! lui dit le gouverneur, j'ai ordre de te mettre à mort ; seulement, comme je suis ton patent, je ne veux pas te tuer, je favoriserai ta fuite. Pars sur-le-champ, de crainte que, te rencontrant ici, on puisse prendre connaissance de la lettre du roi. » Tarafa refusa de suivre ce bon conseil, en disant que, s'il le faisait, on le croirait coupable d'un crime, et qu'il était préférable pour lui de rester, afin de prouver son innocence. Le gouverneur se trouva dans l'obligation de l'emprisonner.[33]
Étant en prison, Tarafa connut la trahison de son beau-frère et apprit que c'était lui qui était la cause de tout le mal; il composa un poème où il exposa la perfidie de son beau-frère, sa tyrannie et son ignorance. Il s'y désolait d'avoir un parent aussi vil que ‘Abd ‘Amr, lequel propageait l'infection comme un chameau galeux. Il fit ensuite de nouvelles tentatives pour s'assurer l'assistance de ses anciens amis, mais, comme il s'en plaint dans un court poème, ceux-ci l'abandonnèrent. Il resta donc seul sous le poids de son affliction et livré à ses méditations.[34]
Le gouverneur du Bahreïn écrivit au roi de Hîra, en donnant sa démission, parce qu'il ne pouvait se résoudre à tuer son parent Tarafa. Le roi envoya comme gouverneur un Taglibite, homme énergique, qui n'hésita pas à ordonner la mort de Tarafa.[35] La verve poétique de ce dernier n'en fut pas atteinte. Il composa même quelques vers pendant les apprêts de son exécution, alors qu'il allait être attaché au gibet. On le pendit,[36] sans égard pour sa jeunesse,[37] pour son caractère généreux, pour son talent poétique.
Après avoir donné une biographie bien incomplète de Tarafa, nous allons indiquer rapidement quelle était sa religion. Pour cela, nous aurons encore recours à ses vers; c'est en effet, comme nous l'avons remarqué, presque la seule source qui nous soit accessible, soit sur sa vie, soit sur sa religion.
Au VIe siècle de notre ère, les doctrines juive, chrétienne et même zoroastrienne avaient pénétré à des degrés divers dans toutes les provinces de l'Arabie; et, quoique la tribu de Bakr fût une tribu païenne, il se peut que quelques-uns de ses membres aient embrassé l'une ou l'autre de ces religions.
Cela n'a rien d'invraisemblable en soi, et ces conversions étaient fréquentes.
Le P. Cheikho a inséré le Diwân de Tarafa dans son recueil : « Les Poètes arabes chrétiens. » Il suppose donc que l'auteur était chrétien. Mais il ne dit pas sur quels arguments il base son opinion.
Une particularité qui indique très nettement la religion d'un peuple, ce sont les noms théophores. Or, en cherchant dans la famille paternelle de Tarafa, en remontant même jusqu'à Wâ'il, on ne trouve aucun personnage qui ait porté un nom théophore[38] ; nous ne pouvons donc rien conclure de là. Il est possible que son grand-père maternel ait été chrétien; car il a été appelé, d'après les uns, « le serviteur de la déesse Al-'Ouzzâ », et, d'après les autres, « le serviteur du Messie[39] ». Peut-être, avant sa conversion au christianisme, portait-il le premier nom et, après sa conversion, portait-il le second. Mais son petit-fils a été élevé sous d'autres influences ; il a vécu dans des contrées où les coutumes et les religions étaient différentes. Aussi ne peut-on rien inférer du détail indiqué plus haut.
Les poésies de Tarafa nous montrent qu'il a considéré les plaisirs de ce monde comme le seul but de la vie de l'homme. D'après lui, trois choses sont nécessaires à l'homme: la bravoure pour défendre les faibles, le vin, les délices que procure la société des femmes. Si l'on n'a pas ces trois choses, on ne doit pas regretter de perdre la vie. Il ne croyait donc pas à une existence future où les bonnes actions sont récompensées et les mauvaises punies. A ses yeux, l'hospitalité qu'il vante avec chaleur, l'habitude de secourir le pauvre et le faible donnent à l'homme de la gloire et lui attirent les louanges, les hommages de tous. Celui qui pratique ces vertus est assis, dans les festins, à la place d'honneur ; aucun bonheur n'est comparable au sien. Mais l'homme est malheureux parce qu'il songe qu'il n'est pas éternel et que tôt ou tard la mort l'enlèvera'. Il faut donc se hâter de jouir des avantages que nous offre ce monde passager. Nos jours ne nous sont pas donnés; ils ne nous sont que prêtés ; il convient par suite d'en emprunter le plus possible. Le bonheur terrestre, d'ailleurs, n'est pas de nature à faire gagner le royaume céleste ; le bonheur d'ici-bas consiste à boire du vin capiteux en compagnie de courtisanes, à passer son temps dans les jeux et les festins. « Laissez-moi boire, dit-il, durant ma vie, de peur d'une boisson insuffisante après la mort. »
Pour se procurer des plaisirs, la richesse est nécessaire, et Tarafa lui a consacré quelques vers. Il y démontre que l'homme riche est honoré partout; que sa vie est agréable, sa félicité complète. Quant à l'homme pauvre, son intelligence ne lui sert à rien; le monde, quelque vaste qu'il soit, est trop étroit pour lui', et il est malheureux. L'homme ne se console pas en songeant à une vie future, où il aurait une compensation aux misères d'ici-bas. Il n'a pas cette espérance, puisque tout est fini après la mort, et que, par delà le tombeau, il n'y a ni récompenses ni châtiments.
Tarafa n'est pas un athée. Il invoque son dieu dans sa détresse et lui demande de punir ses ennemis'; parfois, il dit aussi que son dieu, s'il l'avait voulu, l'aurait rendu riche.[40] Peut-être faisait-il en l'honneur de son dieu des sacrifices, peut-être répandait-il le sang des victimes sur des pierres levées analogues à celles que l'on trouve chez tous les anciens peuples. Ce qui est certain, c'est que ces pierres avaient, à ses yeux, un caractère sacré, puisqu'il jurait par elles,[41] et qu'il considérait un tel serment comme inviolable.[42] Mais le dieu auquel il croit veille sur les vivants et non sur les morts. Quand il remercie un ami, il invoque sa divinité pour qu'elle récompense cet ami, en faisant tomber sur ses champs une pluie bienfaisante; d'autre part, dans sa fureur contre un ami déloyal, il supplie son dieu de casser les dents à celui qui manque à la parole donnée.[43] Mais il ne prie pas pour que son dieu accueille avec bienveillance les âmes de ses amis après leur mort ; il ne menace pas non plus ses ennemis de châtiments qui les frapperont, lorsqu'il aura rendu le dernier soupir. Le dieu de Tarafa ne se préoccupe que des vivants.
Notons aussi que l'on retrouve dans Tarafa un certain nombre de croyances populaires; il pense par exemple que le corbeau est un oiseau fatidique1, et, comme beaucoup d'autres poètes païens, il l'invite à porter son message; d'un autre côté, l'existence des Djinns est avérée pour Tarafa.[44] Signalons enfin un dernier point : dans les vers où il se moque de l'avare, il fait allusion à la croyance populaire d'après laquelle l'âme se changerait après la mort en une chouette qui planerait au-dessus du tombeau5.
De ce qui précède, on peut conclure que Tarafa n'était ni juif, ni chrétien, ni zoroastrien. Il était païen. Mais on ne sait quel était son dieu ; on ignore même s'il en avait un ou plusieurs. Étant donné cette incertitude, il est légitime de supposer qu'il adorait le dieu « Awâl ' » et les autres dieux de sa tribu.[45]
Bien que nous ayons parlé dans les notes de l'authenticité des vers de Tarafa, et que nous ayons analysé chaque poésie, voire chaque vers, nous croyons qu'il ne sera pas inutile de terminer notre préface en faisant quelques remarques sur l'authenticité des poésies, l'ordre des vers dans chacune d'elles et l'époque de leur composition.
Il est certain que tous les vers de la Mou'allaka sont de Tarafa; il ne peut pas y avoir de contestation sur ce point. Mais le désordre des vers et la variété des sujets traités dans le même morceau nous montrent qu'il n'a pas été composé en une seule fois. Ce sont seulement les vers 11-72, à l'exclusion du vers 67, qu'il dut réciter après la prise des chameaux de son frère (voyez plus haut, p. 10), et non pas dans l'ordre où ils sont rangés maintenant. Les dix premiers vers, qui sont un éloge de Khaula, ont été ajoutés plus tard par un éditeur. En effet, le poète, à diverses reprises, a célébré sa maîtresse en termes qui sont toujours à peu près identiques; bien plus, il lui est arrivé de répéter les mêmes phrases, simplement avec des rimes différentes. Celui qui a réuni les poésies de Tarafa s'est contenté de choisir des vers dont le mètre et la rime correspondaient à ceux du morceau qu'il compilait; et il ne s'est pas toujours inquiété de savoir si les vers appartenaient ou non au poème dont il s'occupait. Si donc ces dix premiers vers ont été placés eu tète de la Afou'allaka, c'était pour former une poésie complète. Nous croyons que Tarafa a composé les vers 93-103, à l'exclusion des vers 99 et 100, lorsqu'il était en prison et qu'il s'attendait à mourir d'un moment à l'autre. Cette hypothèse explique la demande que, quoique très jeune, il adresse à sa nièce[46] de prononcer sur lui des élégies. Pour l'ordre des vers de cette poésie, voyez à la fin des notes sur la première poésie.
Le sujet principal de la poésie II ne commence qu'au vers 27; jusque-là, ce n'est que l'éloge de la maîtresse du poète. Les deux premiers vers n'appartiennent certainement pas à Tarafa ; le rédacteur de ce morceau n'a peut-être pas connu la Mou'allaka en entier; et même on pourrait se demander si les poésies I et II n'ont pas été remaniées en même temps par deux rédacteurs différents. Le rédacteur de la poésie II, voyant que le mètre et la rime des deux premiers vers correspondaient à ceux des autres vers de cette poésie, les a placés en tête. Comment a-t-il pu expliquer les deux noms différents de Hir et de Mâwiyya, voilà une question difficile à résoudre; sans doute, il ne savait lui-même quel nom choisir et, pour se tirer d'embarras, il les a donnés tous deux. Quant à l'ordre des vers de ce prélude, nous l'établirons ainsi : 1-6, 13, 7-11, 18-25, 12, 14-16, 26, 17. Les autres vers, à partir du 27e, ont été récités par Tarafa dans diverses circonstances : par exemple, les vers 27-34 ont été composés à l'époque de sa vie vagabonde, tandis que le reste date du moment où il était rentré en grâce auprès des gens de sa tribu. La plupart des vers sont antérieurs à ceux de la Mou'allaka.
La poésie III est contemporaine de la guerre entre les Bakrites et les Taglibites, ou plus exactement de la réconciliation opérée entre les deux tribus pas Al-Gallâk. Mais cette réconciliation n'était ni complète ni définitive, et les Taglibites étaient sur le point de recommencer la guerre. Le poète s'adressa alors à eux et leur rappela les maux que les Bakrites leur avaient fait souffrir ; il ajoutait que, si les Taglibites ne demeuraient pas tranquilles, les Bakrites combattraient à nouveau avec plus de violence. Le début de cette poésie est, comme d'habitude, consacré à la maîtresse du poète. Mais ici le poète ne décrit pas la femme elle-même; il rappelle seulement la prospérité passée de la maison de sa maîtresse et la vue des ruines actuelles de cette maison; et, quoiqu'il n'en nomme pas le possesseur, nous supposons, par analogie avec les autres poésies, qu'elle appartenait à Khaula. L'ordre des vers est : 1-4, 15, 5-12, 16, 13, 14, 17-23.
La poésie IV a probablement été composée lorsque le poète, sur l'ordre du roi de Hîra 'Amr ibn Hind, était emprisonné. Elle est donc peu antérieure à sa mort. Les vers qu'il récita alors sont les vers 6-15. Les quatre premiers vers, comme dans la poésie III, décrivent la maison ruinée de la bien-aimée. Seulement elle porte ici le nom de Hind et non pas celui de Khaula. Le vers 5, quoiqu'on puisse à la rigueur le rattacher au vers 4, est plus probablement un vers interpolé (voyez la note 5 de cette poésie).
La poésie V a été entièrement composée dans l'exil. Dans les cinq premiers vers, Tarafa s'adresse à Khaula; il se figure le départ de sa maîtresse comme dans le vers 3 de la Mou-'allaka et la prie de s'arrêter pour recevoir ses adieux. Il parle ensuite de ses souffrances dans l'exil et termine par l'éloge de Sa'd ibn Mâlik. Le dernier vers, le vers 13, est douteux, parce qu'il n'a aucun rapport avec les vers précédents.
La poésie VI paraît être une suite de la deuxième partie de la poésie V. D'après B, Tarafa l'a composée quand il fut chassé et qu'il alla dans le Yémen ou en Abyssinie. A partir du vers 7, le poète se plaint de ses souffrances et ses plaintes sont analogues à celles de la poésie V. Le commencement, comme toujours, a été ajouté par le rédacteur. Le vers 5 doit être placé après le vers 2, et très probablement le poète avait écrit d'autres vers que celui-là pour dépeindre la beauté de Khaula.
La poésie VII comprend deux parties : dans la première (vers 1-6), Tarafa manifeste sa défiance probablement à l'égard de son cousin 'Abd 'Amr ibn Bischr; dans la seconde (vers 7-11), il fait l'éloge de Katàda. La seconde partie est la plus importante, mais au début, au lieu des vers où le poète parlerait de Khaula ou de sa maison, le rédacteur a placé la première partie qui se rattache mieux à la poésie VIII. Il a fait ce que nous faisons aujourd'hui quand, en présence de vers isolés, nous réunissons les vers qui ont même mètre et même rime. Le poète a récité ces vers, c'est-à-dire tous les vers de la poésie VIII et la première partie de la poésie VII, lorsque, à la cour de Hira, il lançait ses satires contre son cousin ‘Abd 'Amr ibn Bischr (cf. Introduction, p. 12). Pour les vers 7-11 de la poésie VII, on ne peut pas fixer la date de leur composition ; on peut seulement affirmer qu'ils sont antérieurs à l'arrivée de Tarafa à la cour de Hîra. En effet, il est question des éloges adressés par le poète à Katàda ibn Salama, qui avait secouru la famille de Tarafa dans une année de disette. Tarafa a récité ces vers en faveur de Katàda devant les gens de sa famille ; c'était donc avant de l'avoir quittée. Nous ne possédons maintenant que ces cinq vers ; les autres vers sont perdus et n'ont pas été connus du rédacteur.
La poésie IX est une improvisation de Tarafa lorsqu'il était à la cour de Hîra. Dans les vers 1-3, il se moque du roi 'Amr et dans les vers 4-8, de son frère Kâboûs. On ne peut pas savoir, entre cette poésie, le commencement de la poésie VII et la poésie VIII, quelle est la plus ancienne. La seule chose sûre, c'est qu'elles se suivirent de près.
Les deux vers qui constituent la poésie X sont attribués à la sœur de Tarafa, qui les aurait récités en apprenant la mort de son frère.
Les trois vers de la poésie XI sont les seuls qui restent d'un morceau plus long perdu aujourd'hui. Tarafa les aura sans doute composés peu avant son arrivée à la cour de Hîra.
La poésie XII est certainement de Tarafa. D'après Al-A'lam, c'est sa première composition; elle date de son enfance. Le vers 8 parait douteux ; s'il est de Tarafa, c'est un vers isolé qui appartenait à un morceau perdu ; peut-être aussi provient-il d'un autre poète. En tous cas, il est interpolé.
La poésie XIII n'est pas attribuée par Al-Asmaï à Tarafa, mais à un autre poète, Bakrite lui aussi, mais plus âgé que Tarafa. D'après Abou 'Oubaida et Al-Moufaddal, au contraire, elle est de Tarafa. Quoique nous ayons trouvé dans un manuscrit du British Muséum cette poésie avec un prélude consacré comme d'ordinaire à Khaula, on ne peut cependant pas affirmer son authenticité ; c'est peut-être un compilateur qui l'aura rédigée. Quand on examine les vers eux-mêmes, on voit que ce sont pour la plupart des vers répétés, mais changés de place et quelquefois même transformés. Les vers 6-22 ne sont, à vrai dire, qu'un recueil de variantes des vers de la poésie II et d'autres poésies. L'original comprend seulement les vers 1-5, 9 et 10, et ce sont des vers dont on ne peut pas reconnaître l'auteur avec certitude. Si c'est Tarafa, il les a composés, comme le premier vers l'indique, au moment de la bataille de Kadda, qui eut lieu avant l'avènement de 'Amr ibn Hind.
La poésie XIV est un fragment d'une poésie plus longue, dont il nous manque le commencement et la fin. C'est une satire contre les Bènou 'l-Moundhir ibn 'Amr,[47] qui habitaient dans le Yémen. Or, il paraît que Tarafa, lorsqu'il fut chassé de son pays, alla dans le Yémen et demanda secours à cette riche famille. Mais le refus qu'elle lui opposa attira sur elle la colère du poète. Le vers 6 seulement paraît interpolé.
Les trois vers de la poésie XV ont été composés en prison. Le poète a probablement récité plus de trois vers, mais le reste est perdu.
La poésie XVI n'est attribuée à Tarafa que par Ibn As-Sikkît et par Abou 'Amr Asch-Schaibàni. C'est probablement une poésie fabriquée à une époque postérieure. Voyez les Notes sur cette poésie.
Les poésies XVII et XVIII ne seraient pas de Tarafa, au dire d'Al-Asmaï. Ces deux pièces auraient été faites à l'imitation des vers de notre poète; car le contenu, sinon dans les mêmes termes, se retrouve dans ses poésies. Le poète y raconte que les gens de sa tribu portaient secours aux autres, lorsque l'hiver sévissait, qu'ils invitaient tout le monde à partager leurs plats remplis de viande et que, à la guerre, ces mêmes gens se conduisaient avec une extrême bravoure. Toutes ces idées ont été développées plus longuement dans la poésie II. Quant aux poésies XVII et XVIII, en les comparant l'une avec l'autre, on voit que la poésie XVIII n'est qu'une répétition écourtée et à peine modifiée de la poésie XVII.
La poésie XIX aurait pour auteur, d'après Ibn Al-Kalbî, 'Ouschsch ibn Labid Al-'Oudhrî. Les 9 vers que comprend cette poésie ne sont qu'un fragment. Le poète y décrit d'abord les chemins difficiles où il a pénétré, assis sur un cheval vigoureux, ensuite il loue les gens de sa tribu. C'est ou l'œuvre de Tarafa ou celle d'un de ses imitateurs. Mais le vers 5, qui semble rattacher les deux parties l'une à l'autre, ne peut pas être de lui. Le poète y dit qu'il était le chef d'une tribu dont les gens sont morts depuis longtemps. Or, Tarafa, qui est mort très jeune, n'a jamais été le chef d'une tribu de guerriers. Ce vers ne peut être sorti que de la bouche d'un vieux guerrier qui se souvient du temps où il menait au combat ses "compagnons auxquels seul il a survécu.
La poésie I de l'Appendice n'est, croyons-nous, qu'en partie de Tarafa. Comme ce morceau n'est qu'un recueil de sentences (voyez les Notes sur cette poésie), il y a bien des choses qui appartiennent certainement à Tarafa, bien d'autres aussi qui ne lui appartiennent pas. Les vers 3-5 ne sont pas de lui; Tarafa n'était pas de ces philosophes qui considèrent la vie comme une chose vaine et pensent que l'on doit vivre modestement. Le principe de Tarafa était : vivre dans les plaisirs et jouir de la vie autant que possible. Le vers 24 où le poète dit qu'il faut éviter d'encourir le blâme est trop philosophique pour Tarafa. D'un autre côté, les vers 1-2, où il s'agit des souffrances causées par l'amour, les vers 8-9, où il est question de la générosité, portent l'empreinte de l'esprit de Tarafa. Les vers 14-18, 21-23, qui se rapportent à l'influence de la richesse, sont certainement encore de Tarafa ; il les a probablement récités après avoir dépensé toute sa fortune avec ses amis, au moment où il devint pauvre et fut abandonné de tous. De même, les vers 25-29, qui concernent les faux amis, se rattachent bien aux vers dont nous venons de parler. Pour l'ordre des vers, voyez plus loin les Notes.
La poésie II de l'Appendice a été composée par Tarafa lorsque les chameaux de son frère furent enlevés par les gens de Moudar. Il a adressé ces vers au roi de Hîra, espérant son concours pour recouvrer les chameaux; cf. les Notes. Cette poésie est donc peu antérieure à la Mou-'allaka.
La poésie III de l'Appendice a aussi certainement Tarafa pour auteur. Il l'a récitée lorsqu'il annonça au roi de Hîra la mort de son frère consanguin 'Amr ibn Oumâma. Par conséquent, elle a été composée bien avant la poésie précédente. C'est lorsque Tarafa s'est rencontré dans le Yémen avec 'Amr ibn Oumâma, que cet événement eut lieu.
La poésie IV de l'Appendice est de Tarafa, à l'exclusion de quelques vers douteux. Ce morceau, bien que les vers y aient entre eux un rapport plus étroit que ceux de la poésie I de l'Appendice, est cependant formé de la réunion de petits morceaux, probablement de dates différentes, soit du même poète, soit de divers autres poètes. Pour plus de détails, voir les notes à ce n° IV.
La poésie V de l'Appendice a été composée par Tarafa, ainsi que nous l'expliquons dans les Notes, lorsque, ayant été attaqué par Hanâna, il lui arracha l'épée et le renversa par terre. Cet événement se produisit au moment où il allait chercher les chameaux de son frère, c'est-à-dire quelque temps avant la composition de la Mou'allaka.
La poésie VI de l'Appendice est une plainte contre les faux amis, à la fin ont été ajoutés quelques proverbes, qui indiquent chez l'auteur une grande piété. Les premiers vers pourraient s'appliquer à Tarafa, car lui aussi a souffert beaucoup des amis intéressés ; mais, à la manière dont le poète se plaint de ses douleurs et de ses insomnies, parle de sa grande confiance en Allah, et surtout de la souffrance que lui cause le manque de piété, on s'aperçoit que, seul, un poète très pieux et non Tarafa a pu les écrire. Tarafa a dit, en effet, que la nuit ne lui paraissait jamais longue, et que pourvu qu'il vécût à sa guise, il ne se préoccupait pas de savoir si les gens étaient pieux ou non. Les proverbes ont aussi l'air d'être de ces maximes générales que répètent les moralistes de toutes les religions.
Les trois vers de la poésie VII de l'Appendice forment dans D la suite de la poésie III de l'Appendice. Seulement, si c'est le même poète qui a récité les vers des poésies III et VII à la même occasion, pourquoi a-t-il subitement changé de rime ? En outre, il paraît que Tarafa a récité les vers de la poésie III en présence du roi, tandis qu'ici le poète dit : « Qui apportera un message à 'Amr ibn Hind ? Plût à Dieu qu'un corbeau t'appelât ! » En analysant ces vers, on voit que le vers 2 n'a aucun rapport ni avec le vers précédent, ni avec le vers suivant. Nous croyons que ce sont 3 vers sans lien entre eux, et cependant réunis par le rédacteur; peut-être même ne proviennent-ils pas d'un auteur unique.
Pour la poésie VIII de l'Appendice, voir plus haut, p. 24, notre remarque sur la poésie XIII du Diwân.
De notre analyse des poésies de Tarafa il résulte que, si l'on voulait les ranger par ordre chronologique de composition, ou tout au moins classer les poésies dont on peut juger d'une façon approximative la date de leur composition, on aurait l'ordre suivant : Diwân, XII, V, VI, XIV, Appendice, III, Diwân, XIII, II, Appendice, II, V, Diwân, I, XI, VIII, la première partie de la poésie VII, IX, IV, XV.
En terminant notre introduction, nous dirons quelques mots de la façon dont le talent de Tarafa a été jugé par diverses autorités. Le Kitab al-Aghani nous donne le jugement de trois poètes distingués, Djarir', Al-Akhtal' et Labîd'. D'après le premier, Tarafa était le plus grand poète, d'après le second, le premier était Al-A'schâ et après lui venait Tarafa; d'après le dernier, le premier était Imrou'ou 'l-Kais, et Tarafa occupait la deuxième place. Mais la Djamhara (p. 33) donne une classification différente de celle-ci : Aboû 'Oubaida a dit que les poètes de premier ordre sont : Imrou'ou 'l-Kais, Zouhair et An-Nâbiga Adh-Dhobyânî ; les poètes de second ordre : Al-A'schâ, Labid et Tarafa. Selon Al-Farazdak, le meilleur poète était Imrou'ou 'l-Kais ; pour Djarîr, An-Nâbiga Adh-Dhobyânî ; pour Al-Akhtal, Al-A'schâ; pour Ibn Ahmar, Zouhair; pour Dhoû 'r-Roumma, Labîd ; pour Ibn Moukbil, Tarafa, et enfin, pour Al-Koumait, c'était 'Amr ibn Koulthoùm. La Djamhara conclut en ces termes : « Notre autorité est Abou 'Oubaida et l'ordre : Imrou'ou 'l-Kais, Zouhair, An-Nâbiga, Al-A'schâ, Labid, 'Amr et Tarafa. » Al-Moufaddal a dit : Ce sont les auteurs des sept longues poésies que les Arabes appellent les « Colliers de perles ».
On voit qu'Abou 'Oubaida, bien qu'il ait donné à Tarafa la dernière place dans sa classification, le range cependant parmi les principaux poètes. En outre, il y a des divergences sur les jugements portés : par exemple l'Aghani prétend que Djarir préférait Tarafa à tous les autres poètes ; or, la Djamhara affirme que Djarir préférait An-Nâbiga. De même pour Abou 'Oubaida; d'après la Djamhara, il donnait à Tarafa la dernière place parmi les meilleurs poètes, tandis que, d'après le Mougnî, il préférait Tarafa à Al-A'schâ. Il résulte de tout cela que, quoique ces auteurs ne s'accordent pas sur la place que Tarafa occupait, ils s'accordent cependant tous pour reconnaître qu'il était un des plus grands poètes arabes.
Tarafa, fils d'Al-'Abd, a dit :
1. Les vestiges de la maison de Khaula, sur le sol rocailleux de Thahmad, brillent comme la trace du tatouage sur la surface de la main.
2. Là, mes compagnons, arrêtant auprès de moi leurs montures, disaient : Ne meurs pas de chagrin et reprends courage.
3. Au matin du départ, les litières de la Mâlikite, en s'engageant dans les gués de Dad, ressemblent aux grands navires d'une flotte
4. Adoulienne ou de la flotte d'Ibn Yâmin, que le pilote tantôt détourne, tantôt dirige en ligne directe;
5. Et dont les proues fendent les vagues, comme le joueur au fi'àl divise la poussière accumulée avec sa main.
6. Et la tribu possède une beauté au teint hâlé, une gazelle en âge d'atteindre les fruits de l’arâk, au cou orné de deux colliers de perles et de chrysolithe ;
7. Qui, séparée du troupeau, le surveille de loin en un endroit fertile; elle saisit les feuilles des branches de l’arâk, et elle s'en couvre comme d'un manteau.
8. Elle montre en souriant des dents blanches pareilles à une brillante camomille qui pousse au milieu d'un tas humide du sable le plus pur.
9. La lumière du soleil les a arrosées, sauf les gencives qui ont été saupoudrées avec de l'antimoine, sans qu'elle ait rien mordu sur ses dents.
10. Son visage est comme enveloppé du manteau du soleil, son teint est pur, sa peau est sans rides.
11. Quant à moi, je dissipe le chagrin lorsqu'il se présente, grâce à une chamelle légère et rapide qui marche du soir jusqu'au matin.
12. Ses pas sont sûrs comme les planches qui soutiennent le brancard ; je la pousse sur un chemin couvert de traces de pas, semblable à une étoffe rayée.
13. Elle lutte de vitesse avec les excellents chameaux agiles, et sur un chemin frayé, elle met ses pieds de derrière dans les traces de ses pieds de devant.
14. Elle passe le printemps à Al-Kouffàn, au milieu de chamelles pleines, à paître dans des vergers d'une vallée fertile et dont les fonds sont arrosés par des pluies successives.
15. Elle se tourne à la voix de celui qui l'appelle, et se défend avec sa queue touffue contre les attaques redoutées du mâle brun dont la queue est collée à la croupe.
16. On dirait que les deux ailes d'un vautour, cousues avec une alêne à l'os de la queue, la couvrent des deux côtés.
17. Tantôt elle frappe sa partie postérieure, tantôt ses mamelles taries, semblables à une vieille outre flasque et sans lait.
18. Ses deux cuisses sont d'une chair solide, comme si c'étaient les deux battants de la porte d'un château vaste et élevé.
19. Son dos est cambré, ses côtes sont courbées comme l'arc, son cou est bien attaché au garrot vigoureux.
20. Comme si deux repaires dans un fourré de lotus l'entouraient, ses côtes sont courbées ainsi que des arcs sous ses reins robustes.
21. Les deux coudes sont arqués comme s'ils supportaient les deux seaux d'un robuste porteur d'eau.
22. Tel un pont construit par un Grec, dont l'architecte aurait juré de l'entourer de briques bien cimentées.
23. La touffe de poils qu'elle a sous le menton est blonde, son échine robuste, l'enjambée de son pied de derrière longue, le balancement de son pied de devant rapide.
24. Les tendons de ses pieds de devant sont forts comme des cordes bien tordues, et ses bras s'inclinent sous un corps semblable à un bloc de pierre très dure.
25. Elle marche en se balançant, sa course est impétueuse, sa tète est forte, ses deux épaules sont attachées à une hauteur très élevée.
26. Les marques laissées par les sangles sur ses côtes semblent des rigoles qui descendent d'une roche lisse sur un terrain dur,
27. Et, qui tantôt se joignent, tantôt se séparent, semblables aux pièces d'étoffe blanchâtre dans une tunique raccommodée.
28. Son cou long se dresse; lorsqu'elle le tient droit, il ressemble au mât d'un navire qui vogue sur le Tigre.
29. Son crâne a la dureté d'une enclume, et les sutures de ce crâne se réunissent en un point, semblables à l'arête d'une lime.
30. Ses yeux ont l'éclat de deux miroirs ; ils sont enfoncés dans deux cavités osseuses, solides comme la citerne creusée dans la roche.
31. Ils repoussent les fétus qui les aveugleraient ; on dirait les yeux couleur d'antimoine d'une vache, mère d'un veau et tremblant pour lui.
32. Les joues ressemblent à du papier de Syrie, les lèvres sont comme les lanières de cuir du Yémen dont on n'a pas enlevé le poil.
33. Les oreilles, douées d'une ouïe fine, perçoivent dans sa marche nocturne le moindre bruissement aussi bien que le son de voix le plus clair.
34. Terminées en pointe, ce qui est l'indice de la pureté de race, elles ressemblent aux oreilles du taureau sauvage et solitaire du Haumal.
35. Son cœur anxieux, qui bat avec vivacité, est très souple, mais aussi compact, qu'un pilon pris dans le roc et frappant contre des dalles solides.
36. Lorsque je le désire, elle dresse la tête jusqu'au pommeau de la selle et lance ses jambes avec la vitesse de l'autruche mâle.
37. A mon gré, elle ralentit ses pas ou les précipite, craignant un fouet composé de lanières bien tordues.
38. Sa lèvre supérieure est fendue, la partie molle des naseaux est percée, ce qui est la marque de la noblesse ; lorsqu'elle flaire le sol, elle redouble de vitesse.
39. Telle est la chamelle sur laquelle je voyage, lorsque mon compagnon me dit : « Plût à Dieu que je pusse te sauver d'ici et me sauver moi-même ! »
40. Son âme s'agite d'épouvante, lorsqu'il se croit atteint, quoiqu'il se trouve au soir loin de toute embuscade.
41. Quand les gens disent : « Quel est le brave? » je pense que c'est moi qui suis désigné, car je ne suis jamais ni paresseux, ni hésitant.
42. Je tombe sur elle à coups de fouet ; elle court, tandis que les vapeurs flottent sur le terrain pierreux et brûlant.
43. Elle marche gracieusement, pareille à une esclave au milieu d'une compagnie, qui montre à son maître la longue traîne de sa robe blanche.
44. Je ne cache point ma demeure en habitant les lits des torrents ; mais, toutes les fois que les hommes ont recours à moi, je leur prête mon appui.
45. Si tu me cherches dans une grave assemblée, tu m'y trouveras ; et si tu me cherches dans les cabarets, tu m'y trouveras aussi.
46. Dès le matin, si tu te présentes, je t'offrirai une coupe pleine de vin ; si tu n'en as pas besoin, que ton contentement augmente.
47. Si toute ma tribu se réunit, tu me trouveras me dirigeant vers le sommet de la gloire la plus noble, comme vers le rendez-vous général.
48. Mes compagnons de plaisir sont nobles, brillants comme des étoiles. Chaque soir vient une chanteuse parée d'une robe rayée et d'une tunique couleur de safran.
49. L'ouverture de sa robe est large ; son corps est doux aux attouchements de mes commensaux ; la partie qui est nue en est fine.
50. Lorsque nous, nous lui disons : « Fais-toi entendre à nous, » elle se met à nous chanter d'une voix grave, avec un regard langoureux, sans faire d'efforts.
51. Je ne cesse pas de boire le vin et de me plonger dans la volupté ; de vendre et de dissiper mes biens nouvellement acquis et mes biens héréditaires,
52. Jusqu'à ce que toute la tribu me fuie et que je reste isolé, comme un chameau galeux, enduit de goudron.
53. Cependant, je vois que ni les pauvres, ni les habitants des tentes en cuir aux cordes tendues ne me renient.
54. O toi, qui me blâmes de ce que je me présente aux combats et de ce que je me plonge dans les plaisirs, peux-tu me rendre éternel ?
55. Si tu n'es pas capable de repousser de moi la mort, laisse-moi du moins la prévenir en dissipant ce que je possède.
56. N'étaient trois choses dont l'homme généreux a besoin, par ton bonheur ! je ne m'inquiéterais point lorsque mes visiteurs se lèvent.
57. Ces trois choses sont : que je boive le vin rouge qui écume lorsqu'on le mélange avec de l'eau, avant que les femmes qui doivent me blâmer de mon action soient venues;
58. Que j'accoure lorsque celui qui est poursuivi invoque mon secours, en pressant mon cheval aux jambes arquées, semblable au loup d'Al-Gadâ, que tu as troublé dans sa course vers l'abreuvoir ;
59. Que j'abrège les jours nébuleux, en dépit de leur charme, assis sous une tente soutenue par des pieux, en compagnie d'une belle fille,
60. Dont les anneaux et les bracelets semblent attachés à de superbes et flexibles branches de 'ouschar ou de ricin.
61. Laisse-moi donc abreuver ma tête pendant qu'elle est en vie, de peur que je n'aie qu'une boisson insuffisante après la mort.
62. L'homme généreux se désaltère pendant sa vie; lorsque nous mourrons, tu sauras laquelle de nos chouettes sera la plus altérée.
63. Je vois que le tombeau d'un avare qui gémit pour ses biens ne diffère pas de celui d'un prodigue qui dissipe sa richesse dans l'oisiveté.
64. On voit en effet deux tertres formés par un amoncellement de sable, sur lesquels sont des dalles de pierre dure appliquées l'une contre l'autre.
65. Je vois la mort choisir les hommes généreux et revendiquer le meilleur de la richesse de l'avare sordide.
66. Je considère la richesse comme un trésor qui diminue chaque nuit; or, ce que les jours et le temps diminuent finit par disparaître.
67. Par ta vie ! lorsque la mort tarde à frapper l'homme, elle peut être comparée à une longue corde lâche, dont il tient les deux bouts dans sa main.
68. Qu'ai-je donc fait, pour voir mon cousin Malik m'éviter et s'éloigner de moi lorsque je m'approche de lui ?
69. Il me blâme, et je ne sais pas ce qu'il peut me reprocher. C'est ainsi que m'a blâmé Kourt, fils d'A'bad.
70. Il ne me laisse pas plus d'espoir au sujet d'aucun bien que je lui ai demandé que si nous l'avions mis dans un tombeau qui a une fosse latérale.
71. Je ne lui ai pourtant rien dit, sinon que je lui ai réclamé avec insistance les chameaux de Ma'bad.
72. Quant à moi, les liens de la parenté m'attachent fortement à toi et, je te le jure, dans les occasions difficiles, tu me trouveras prêt à te secourir.
73. Si tu m'appelles pour une entreprise grave, je serai parmi tes auxiliaires; si l'ennemi vient t'assaillir, je te défendrai de toutes mes forces.
74. Si par des propos injurieux l'on attaque ton honneur je ferai boire au calomniateur l'eau puisée aux citernes de la mort, avant même de le menacer.
75. Je n'ai point commis de crime; et cependant on m'outrage, on m'accuse, on se plaint de moi, on me chasse comme un coupable.
76. Si mon cousin était un autre homme, il aurait dissipé ma tristesse, ou du moins il m'aurait remis au lendemain.
77. Mais mon cousin m'étrangle, pour me contraindre à la reconnaissance et aux prières, à moins que je ne me rachète par une rançon.
78. L'injustice que l'on souffre de la part de ses proches parents cause une douleur plus cruelle que la blessure du fer tranchant de l'Inde.
79. Laisse-moi avec mon honneur, je te serai reconnaissant partout où je fixerai ma demeure lointaine, fût-ce sur la montagne de Dargad.
80. Si c'était la volonté du Seigneur, je serais comme Kais, fils de Khalid, ou comme 'Amr, fils de Marthad :
81. Je deviendrais possesseur de grandes richesses et les nobles fils des princes me rendraient visite.
82. Je suis l'homme que vous savez doué d'un corps léger, et je m'enfonce comme la tête enflammée du serpent.
83.- Je l'ai juré, ma hanche ne cessera pas d'être unie étroitement à un glaive indien, aux deux tranchants aiguisés.
84. Digne de confiance, il ne se recourbe pas quand je frappe. Lorsqu'on dit : « Doucement, » sa pointe répond : « J'ai fini. »
85. Il est si aigu que, lorsque je me lève pour me protéger par lui, le premier coup me dispense de recommencer; il n'est pas comme la serpe du bûcheron.
86. Lorsque les gens courent aux armes, tu me trouves le fer à la main, invincible.
87. Et combien de fois, les premiers parmi les chameaux accroupis, endormis, ont-ils été effrayés à mon approche, lorsque je marchais l'épée nue !
88. Or, une chamelle grasse, de haute taille, aux mamelles pendantes, passait devant moi. Elle était le bien le plus précieux d'un vieillard grondeur, desséché comme son bâton,
89. Qui disait, les chevilles et les jambes étant déjà coupées : « Ne vois-tu pas que tu as amené un malheur? »
90. Puis disait encore : « Que pensez-vous [qu'il faille faire] à cet ivrogne qui vous opprime, acharné dans sa violence ? »
91. Puis ajoutait : « Laissez-le jouir seulement de cette chamelle; mais, si vous ne l'écartez pas des chameaux les plus éloignés, il les égorgera également. »
92. Alors les servantes s'occupaient de rôtir le petit de cette chamelle et nous servaient les parties grasses de sa bosse.
93. Quand je mourrai, ô fille de Ma'bad, annonce ma mort avec les éloges que j'ai mérités et déchire ta robe on souvenir de moi.
94. Et ne me fais pas l'égal d'un homme dont les soucis seraient moins pesants que les miens, dont les services seraient moins signalés et qui n'assisterait pas comme moi à tous les combats ;
95. Qui serait lent aux affaires importantes et rapide aux actions honteuses, tel qu'un lâche repoussé par les poings des hommes.
96. Si j'étais faible au milieu des hommes, je serais en butte, certes, à l'inimitié de l'homme aidé de ses amis, et aussi de l'homme seul.
97. Mais je repousse de moi les hommes grâce à mon audace, à ma fermeté, à ma témérité et au souvenir de ma noble origine.
98. Mes accidents, par ta vie, ne me causent pas de soucis pendant la journée, ils ne rendent pas non plus ma nuit trop longue.
99. Que de combats où je me suis maîtrisé dans la mêlée, en me gardant des dangers et des menaces,
100. Sur un champ de bataille où les plus braves craignaient de trouver la mort et où les épaules tremblaient quand on en venait aux mains !
101. Je considère la mort comme l'abreuvoir des âmes; demain n'est pas loin. Que ce jour-ci est près du lendemain !
102. Les jours te montreront ce que tu ignorais, et celui à qui tu n'as pas donné de provisions t'apportera les nouvelles.
103. Et celui pour qui tu n'as pas acheté d'équipement de route, avec qui tu n'as pas fixé de rendez-vous, t'apportera les nouvelles.
Et il a dit encore :
1. T'es-tu dégrisé aujourd'hui, ou Hir excite-t-elle encore ta passion, et ton amour devient-il une folie furieuse?
2. Que mon amour pour toi ne soit pas un mal mortel. La manière dont tu m'as traité, ô Mâwivya, n'était pas généreuse.
3. Comment pourrais-je espérer [arracher] son amour de mon cœur, après que le mal caché s'y est enraciné?
4. Un fantôme léger m'a jeté dans l'insomnie; il voltigeait autour de moi, tandis que les cavaliers faisaient halte dans la plaine de Yousour.
5. Elle a franchi lé désert jusqu'à notre campement vers la fin de la nuit, étant elle-même comme une gazelle languissante.
6. Puis elle vint à moi, tandis que mes compagnons couverts de leurs manteaux aux couleurs éclatantes dormaient en groupes mélangés.
7. Elle lançait des regards dérobés; ses yeux ressemblaient à ceux du petit d'une chamelle et ses joues à celles d'une jeune gazelle brune.
8. Ses deux hanches étaient comme celles d'une génisse sauvage, mère d'un petit veau et qui va broutant dans le Raml les branches fleuries.
9. Sa belle chevelure longue et épaisse descendait jusqu'à sa ceinture.
10. Telle une gazelle aux cornes lisses, mère d'un faon au dos rayé, qui secoue le lotus et les branches des arbres épineux;
11. Qui met bas à l'automne entre les contrées de Khoufâf et d'Al-Liwâ, qui se tourne vers son noble enfant dont les sabots sont encore tendres.
12. Tu dirais qu'il lui est pénible de lever son regard. O mes gens, admirez cette jeune fille à la taille svelte!
13. Quand ils passent l'été dans le Nadjd et l'hiver autour de Dhât al-Hâdh, des deux côtés de Woukour.
14. Et lui, il éprouve dans les moments où il la voit, un plaisir aussi suave que le vin mêlé d'une eau délicieuse et fraîche.
15. Si elle lui accorde des faveurs, quelquefois elle lui en refuse et lui fait voir en plein midi les étoiles en mouvement.
16. Il vit dans la douleur à cause de son amour pour elle; car elle s'est éloignée de lui. Ah ! combien est loin le lieu de celle qui est si chère à ma mémoire !
17. Cependant, si une fois elle transporte au loin sa demeure, c'est à coup sûr selon l'habitude des amantes qui s'éloignent pour revenir.
18. Elle a un corps parfait; quand elle sourit, elle montre ses dents blanches comme des camomilles qui poussent dans le sable.
19. Le soleil lui a donné, au lieu de ses dents naturelles, des dents blanches et brillantes comme la grêle, rayées de stries polies.
20. Et lorsqu’elle rit, elle fait voir des bulles de salive dans sa bouche comme des parcelles de musc détrempées dans l'eau froide,
21. Poussée dans un torrent par le vent du Nord, et qui s'est arrêtée ensuite au milieu d'une plaine étendue.
22. Lorsqu'elle se lève, on dirait du sable qui tombe du haut d'un monceau remué par le vent et qui menace ruine.
23. Elle chasse le froid par sa chaleur naturelle et de même la chaleur intense de l'été, lorsqu'il arrive, par sa fraîcheur.
24. Ne me blâme pas, car elle est une des femmes qui peuvent dormir l'été comme le font celles dont les enfants ne vivent pas ou bien celles qui ont peu d'enfants;
25. Blanches comme les nuages légers, tendres comme les rameaux verts qui poussent pendant l'été.
26. Ils m'ont accablé de douleur lorsqu'ils eurent bridé leurs mulets pour enlever celle qui a une voix douce, voilée et exhalant le parfum.
27. Quand elle médit de moi, je médis d'elle; car je ne suis ni faible, ni lâche.
28. Je ne suis pas un vieillard à la démarche lente, je ne crains pas la nuit, et mes ongles ne sont pas émoussés.
29. Que de pays dont les autruches alertes ressemblent à des chamelles pleines galeuses dans un jour pluvieux,
30. Où j'ai pénétré sur une chamelle robuste qui n'a pour se défendre contre les inégalités du sol qu'un sabot endommagé dépourvu de poil !
31. Alors qu'elle court â l'heure de midi, tu vois les cailloux rejetés par ses sabots comme des essaims de papillons.
32. Mais cette époque-là est passée ! Cette année-ci, il m'est arrivé que des événements graves, qui ne sont un secret pour personne, m'ont atteint.
33. Ce sont des accidents qui se succèdent sans interruption, qui brisent la force de l'homme vaillant et vigoureux.
34. L'âme se plaint de ce qui l'a frappée; mais, patience! tu appartiens à un peuple patient.
35. Si par hasard nous devenons riches, tu ne nous verras pas exulter de la prospérité, et nous ne sommes pas affaissés par un malheur.
36. [Les gens de ma famille sont comme] des lions dans des fourrés ; lorsqu'ils prêtent secours, ils le font sans faiblesse, ni sottise, ni loquacité.
37. Mon origine est telle que sa greffe améliore la souche où on l'implante.
38. Ma famille est facilement accessible, tu trouveras vers elle des sentiers, si tu veux, même dans les endroits sauvages et escarpés.
39. Quels hommes, quand ils se revêtent de la tunique de David pour repousser un danger imminent,
40. Quand les hommes s'abreuvent mutuellement de la boisson amère, et les chevaux sont teints du sang couleur d'anémone !
41. Ce qui accroît encore leur gloire, c'est qu'ils pardonnent volontiers les offenses de leurs semblables et qu'ils ne sont pas vaniteux.
42. Le vin n'est pas trop cher pour eux, s'ils le cherchent même au prix des chamelles pleines, ou des jeunes chameaux à la grande bosse.
43. Et lorsqu'ils l'ont bu et s'en sont enivrés, ils font présent de toute bonne chamelle et de tout coursier.
44. Ensuite ils s'en vont en exhalant l'odeur du musc et en laissant traîner à terre leurs ceintures frangées.
45. De leurs ancêtres ils ont hérité la puissance, et ils exercent à leur tour une puissance qui n'est pas- mince.
46. Quand nous sommes dans nos quartiers d'hiver, nous invitons tout le monde en foule ; tu ne nous verras jamais choisir nos hôtes,
47. Lorsque les hommes assis dans leurs réunions se disent : « Est-ce l'odeur de la viande rôtie ou le parfum du bois d'aloès? »
48. Pour partager nos plats de viande de bosse de chameau que l'on présente dans notre festin (et le froid sévit alors) ;
49. Des plats qui, semblables à des citernes, ne cessent pas d'être pleins, soit pour entretenir les hôtes invités, soit pour les hôtes imprévus.
50. La viande qu'on sert chez nous est sans mauvaise odeur; c'est seulement là où elle reste jusqu'au lendemain qu'elle sent mauvais.
51. La tribu de Bakr sait bien que nous sommes la terreur des bestiaux, que nous sommes généreux et que nous vivons dans l'aisance.
52. La tribu de Bakr sait encore que nous sommes doués d'un jugement excellent et que nous sommes fermes dans les périls.
53. Les gens de ma famille repoussent le mal de celui qui en est atteint et l'emportent sur le vainqueur dédaigneux.
54. Ils sont pleins de douceur envers leurs voisins; leurs mains sont largement ouvertes, et ils ordonnent de faire le bien.
55. Ils s'élancent avec impétuosité dans toute incursion sanglante, et au moment du danger ils sont de fermes défenseurs.
56. Nous empêchons nos chevaux de fuir lorsqu'un malheur leur arrive, moment où ils ne peuvent être retenus que par des hommes très patients.
57. Lorsque la tribu appelle en tremblant et que le crieur donne l'alarme, la terreur s'étant emparée d'eux :
58. « O braves guerriers de nos réunions ! choisissez les chevaux couleur fauve et alezane ;
59. Les chevaux issus d'A'wadj, au corps long, mince et dur, auxquels on n'a pas épargné les soins ;
60. Les chevaux mâles, au corps long et au sabot dur, qui sont couverts de sueur lorsque leur mors est blanchi par l'écume durant la course;
61. Qui galopent avec leurs jambes arquées et rapides, on dirait que de durs marteaux y sont attachés.
62. Ils élèvent leurs longs cous semblables aux troncs de palmier dont on a ôté l'écorce.
63. Leurs jambes supportent un corps au ventre large, et c'est pourquoi ils ne s'essoufflent point.
64. Ils trottent ; lorsqu'ils sont emportés, leur ardeur semble faire voler leurs sangles serrées.
65. Leurs queues élevées, ils courent en se balançant, et allongent le corps dans l'ardeur de leur course.
66. Ils s'élancent dans la mêlée, portant secours, semblables aux oiseaux qui passent par bandes.
67. Ils laissent les guerriers renversés entre eux: les héros ne cessent pas de rouler au milieu d'eux dans la poussière. »
68. Que servent de rançon aux fils de Kais pour tout le bien et tout le mal qu'ils ont fait aux hommes,
69. Ma tante maternelle et moi-même ; car, depuis bien longtemps, ils concourent au bien-être des gens qui sont au loin.
70. Ils sont les compagnons de jeu de Lokman, lorsque, à cause de l'hiver, les membres des bestiaux deviennent plus chers.
71. Ils ne pressent pas leur débiteur; car ceux qui vivent dans l'aisance doivent aider ceux qui vivent dans la pauvreté.
72. Certes, je vous avais fait des reproches, puis vous avez incliné vers moi un seau plein d'une boisson sans amertume.
73. J'ai été parmi vous comme celui dont la tête est ouverte; mais aujourd'hui tout voile a disparu.
74. Je considérais, par étourderie, mon égarement comme une conduite irréprochable, mais je m'abstenais et mon état était arrivé à son paroxysme.
Et il a dit encore :
1. Est-ce le campement de printemps qui t'a rendu triste, ou le souvenir de son passé, ou la cendre dont les charbons sont éteints?
2. On dirait les lignes qui restent sur un parchemin après qu'un dessinateur l'a, en pleine lumière, orné de dessins.
3. Les torrents s'y jouent après mon départ, et les pluies douces s'écoulent au milieu de ses plantes brillantes.
4. Les tas de sable sont recouverts de végétation, et cette végétation est intacte, ainsi que ses vallons et ses collines.
5. Une pluie continuelle de printemps y a couché sa poitrine et la bat avec force.
6. Un de ces vestiges m'y retient; j'y ai arrêté ma monture, et si j'obéissais au penchant de mon âme, je ne le quitterais pas.
7. Je n'y vois maintenant que les autruches semblables à des servantes portant leurs fagots.
8. Vous rappelez-vous? lorsque nous vous combattons, la pauvreté ne nuit pas à l'indigent.
9. Vous êtes un palmier dont nous faisons le tour, et lorsque ses fruits deviennent mûrs, nous les cueillons.
10. Vos vierges avec leurs robes retroussées cueillent les fruits des palmiers sauvages.
11. Vos vieilles femmes chauffent leurs mains ornées de bracelets au feu qu'elles ont allumé.
12. [Nous vous avons enlevé] toutes les meilleures choses qui vous servent de fourrage, tant les arbustes que les tiges desséchées ou humides.
13. Al-Gallâk s'efforça de les réconcilier; mais ses efforts étaient ceux d'un homme au caractère trompeur et mensonger.
14. Il prit les flèches divinatoires en faisant ses incantations, mais les flèches furent trompeuses.
15. L'intérieur de la vallée est bien arrosé, les collines verdoyantes ont orné les bords.
16. Nous faisions ainsi pendant un certain temps, puis l'arbitre nous fit approcher l'un de l'autre.
17. Si vous recommencez [la guerre], nous ferons de nouveau contre vous des satires aux paroles acérées.
18. Et [nous recommencerons] le combat continuel au moyen d'une armée nombreuse et dévorante.
19. Ses cris seront : «Avance! arrête! halte! » Ses braves guerriers seront en très grand nombre.
20. Ils quitteront le champ de bataille après l'avoir converti en un pré où la poussière se soulève en tourbillon.
21. On n'y verra que chaque homme tenant son adversaire résolu [à le tuer] avec acharnement.
22. Là se trouveront ensemble les lâches sans cœur et les guerriers fermes soutenus par leur esprit.
23. L'homme est doué d'intelligence, elle soutient sa vie partout où ses pas le portent.
Et Tarafa a dit au sujet de 'Abd 'Amr, fils de Bischr :
1. Les débris de la maison de Hind brillent sur le terrain dur d'Asch-Schouraif; et une année au moins est passée sur eux.
2. A As-Safh aussi on voit des traces pareilles aux dessins d'un vêtement yéménite brodé par les gens de Raida et de Sahoûl.
3. Un vent bruyant y souffle constamment et fait voler en l'air les cailloux; un nuage sombre y répand le soir une pluie pénétrante.
4. [Leur effort] joint à celui du temps, a changé l'aspect de ces maisons; car rien ne peut garantir contre et! que le temps amène.
5. Parfois, quand on voit la tribu tout entière dans la prospérité, c'est que la tribu est une vraie tribu et les armées de vraies armées.
6. Faites parvenir, tous deux, un message à ‘Abd Ad-Dallâl; car quelquefois aussi un messager m'apporte de tes nouvelles.
7. Tu as porté mon secret après l'avoir appris, étant par habitude un porteur de secrets des nobles gens.
8. Et comment pourrais-tu t'écarter de la bonne voie, alors que la vérité est claire, et que vers elle conduit un chemin fraye par des hommes de bien?
9. Tes calomnies et tes paroles ont éloigné des deux branches de ta famille Sa'd, fils de Malik, et 'Auf et 'Amr.
10. Tu es pour tes proches parents comme un vent froid du Nord, comme un vent humide de Syrie qui pique le visage.
11. Et pour les plus éloignés, tu es comme un doux zéphyr qui apporte tantôt une pluie fine et tantôt une averse.
12. Tu es comme un champignon qui pousse dans une plaine au sol fendillé; car l'homme vil reste toujours vil.
13. Je sais par expérience, et non par conjecture, que l'homme qui a un parent vil est avili lui-même.
14. Et que la langue d'un homme sans intelligence est l'indice sûr de ses défauts.
15. Et que l'homme, qui n'a pas, un jour, pardonné une plaisanterie à celui qui l'a faite sans malice, est assurément un sot.
Et Tarafa a dit quand il fut chassé et partit hors de sa tribu :
1. Arrête-toi aujourd'hui pour nous dire adieu, ô fille de Malik! et tourne vers nous les poitrails de tes chameaux.
2. Arrête-toi ; que ceci ne cause pas la rupture de notre alliance au moment de la séparation, que ce ne soit pas ma part de tes faveurs.
3. Que je t'informe que la tribu a été divisée, après s'être dispersée dans des directions lointaines, dispersion qui me cause un grand mal.
4. Rien de plus étonnant que ma voisine et ses demandes: « Avons-nous une famille ? » Puisse-t-il arriver que l'on te demande une pareille chose.
5. Elle me reproche mon voyage à travers le pays et les lieux où je m'arrête. Ah ! j'ai tant de maisons, sauf le foyer de la tienne!
6. Un homme, qui a gaspillé sa jeunesse hors de sa tribu, ne peut être considéré que comme un mort.
7. Combien de fois m'auraient visité, si j'étais malade, des nobles femmes, des familles de Houyai et de Malik!
8. J'habite à Dhoû 'l-Artâ un peu plus haut que Mouthakkib un antre funeste, mourant ou pareil à un mourant.
9. Le vent fouette mon visage avec ma robe lorsque, assis, je m'appuie contre mon chameau de Sadaf qui plie les genoux comme un arc.
10. J'ai vu plusieurs Sa'd dans différentes tribus, mais pas un seul n'est l'égal de Sa'd, fils de Malik.
11. Il remplit son serment et accomplit les pactes qu'il a contractés; il a fait du bien lorsque la maigreur a abaissé la bosse du chameau au niveau de l'épaule.
12. Il a accru sa gloire au point de la rendre héréditaire, et la dignité est transmise dans sa famille, par héritage, des morts aux vivants.
13. Mon père désarçonna le géant d'un coup de la pointe de sa lance et le fit tomber entre les sabots du cheval.
Et Tarafa a dit lorsqu'il fut chassé et alla en Ethiopie :
1. Khaula possède une maison en ruines dans les détours de la vallée d'Idam et, sur le versant de la montagne Kaww, elle a un lieu où elle séjourne et s'arrête;
2. Où elle passe le printemps. Sa demeure de printemps et d'été est auprès des eaux qui descendent des montagnes élevées, là où on chasse les perdrix.
3. Puissent les averses de printemps et d'été qu'accompagne le tonnerre ne pas cesser d'arroser son habitation là où elle a fixé son séjour!
4. Une averse que le vent du Sud a fait tomber du nuage, et qu'ensuite le vent du Nord a chassée de son souffle; qui s'abat sur une de ses anciennes maisons [de Khaula] qu'elle rencontre dans son parcours :
5. On dirait qu'il y a dansée nuage des chamelles blanches dont, les petits, nés au printemps se sont égarés, et des chamelles qui viennent de mettre bas; il verse la pluie par torrents lorsque le tonnerre l'ébranlé.
6. Son ventre à là peau veloutée est couvert de plis, et la grossesse n'a pas diminué la minceur de sa taille.
7. Lorsque tu te dis : « Un amant, peut-il oublier l'objet de son souci? » les anciens liens de mon amour pour Khaula se resserrent davantage.
8. Quelle cause a redoublé tes plaintes sur une maison méconnaissable? Tu y restes en pleurant alors qu'on ne peut plus s'y arrêter.
9. Toutes les fois que tu vois une place vide des maisons qui s'y trouvaient, même un an après ton œil verse des larmes ou les laisse tomber goutte à goutte.
10. Dis au fantôme de la Hanthalite de retourner vers elle, car moi je ne noue des liens qu'avec ceux qui s'attachent à moi.
11. Comme je pleure pour un jour funeste passé à Djourtham! Tout ce qui est arrivé après est de peu d'importance.
12. Lorsqu'il m'arrive quelque chose d'inévitable, je le supporte avec patience, sans employer aucun mensonge ni aucun prétexte pour m'y soustraire.
13. J'ai bu la boisson la plus noire. Ah! assez, assez de cet amer breuvage!
14. Puissé-je, si je te réclame la protection que tu me dois, ne jamais me voir pareil à [la colombe] qui, appelant Hadil, ne fut pas entendue et ne se lassa pas [d'appeler] !
Et Tarafa a dit pour faire l'éloge de Ratâda, fils de Salma de la tribu de Hanif, qui avait été très généreux envers sa tribu [de Tarafa] et lui a fait du bien dans une année de disette :
1. Certes, l'homme insouciant considère mon insulte comme du miel dans l'eau qui tombe du nuage,
2. Tandis que moi je suis un homme qui pique plus fort que la maladie du cou que l'on ne peut dissimuler et qui affronte les troupes avec des troupes.
3. J'atteins le flanc du gibier avec la flèche, même lorsqu'il en détourne son côté.
4. Et je laisse celui qui a une large croupe traîner la lance qu'il a reçue dans les nerfs de sa hanche, de sorte qu'il reste saignant.
5. L'orgueil de l'homme méchant, tu le repousses par une blessure qui met l'os à découvert :
6. [Blessure faite] par le tranchant de ton épée ou de ta langue ; car les paroles efficaces sont comme une plaie très large.
7. Porte un message à Katâda, sans lui en demander la récompense et la rémunération sur-le-champ.
8. [Dis-lui] : « Je t'ai loué pour le secours que tu as prêté à ma famille, lorsque, ayant les os amincis [par la famine], elle s'est adressée à toi.
9. Ils envoyèrent vers toi toutes les veuves amaigries portant leur marmites en pierre;
10. Et toi tu as ouvert ta porte aux bienfaits, tandis que les hommes se recommandaient les uns aux autres de fermer les leurs.
11. Puissent la pluie du printemps et une pluie qui coule en torrents arroser ton pays sans lui causer aucun dommage! »
Et Tarafa a dit en se moquant de 'Abd 'Amr, fils de Bischr, après qu'une inimitié avait surgi entre eux :
1. Comme je m'étonne de 'Abd 'Amr et de son injustice ! Ce 'Abd 'Amr a ardemment désiré m'opprimer, et il a dépassé les bornes.
2. Il n'a rien de bon si ce n'est qu'il est riche et que sa hanche, lorsqu'il se tient debout, est mince.
3. Les femmes de la tribu tournent continuellement autour de lui en disant : « Voici un palmier, du fond de la vallée de Malham ! »
4. Il boit deux fois pendant la journée et quatre fois dans la nuit, jusqu'à ce qu'il devienne enflé et que sa chair soit inconsistante comme l'eau qui sort de la matrice d'une femme.
5. Il boit jusqu'à ce que le lait pur submerge son cœur; moi, au contraire, si l'on me donne à boire, certes, je laisse de la place à mon cœur.
6. Les armes qu'il porte semblent suspendues. Aux branches d'un saule égyptien ; tu le vois gonflé, ayant les plis du ventre d'un rouge foncé.
Et Tarafa a dit en se moquant de 'Amr, fils de Hind et de son frère Kâboûs, fils de Hind :
1. Plût à Dieu que nous eussions à la place du roi 'Amr une brebis allaitante qui bêle autour de notre maison,
2. Une de celles qui ont peu de laine, qui ont les mamelles longues, la chair de ces mamelles compacte et dont le lait est abondant,
3. Tellement que nos jeunes brebis puissent s'associer à nous en elle [pour partager son lait]; une de celles que les béliers couvrent et qui ne s'y soustraient pas !
4. Je le jure par ta vie! Kâboûs, fils de Hind, mêle à son pouvoir beaucoup de sottise.
5. Tu as partagé ton temps dans une vie oisive (c'est ainsi que l'autorité va droit ou dévie) :
6. Un jour pour nous et l'autre pour les perdrix ; mais ces malheureuses peuvent voler et nous, nous ne le pouvons pas.
7. Quant au jour des perdrix, il est funeste pour celles-ci; car les faucons les attaquent dans les inégalités du sol ;
8. Quant au nôtre, nous restons à cheval, mais immobiles, sans qu'il nous permette ni d'entrer chez lui, ni de nous en aller.
Et la sœur de Tarafa a dit en pleurant son frère :
1. Nous lui avons compté vingt-six années et, lorsqu'il les eut accomplies, il devint l'égal d'un grand seigneur.
2. Nous avons été plongés dans la douleur à son sujet, alors que nous espérions qu'il reviendrait dans un parfait état, ni enfant, ni vieillard.
Et Tarafa a dit en s'excusant devant 'Amr fils de Hind qui l'avait menacé, en apprenant qu'il s'était moqué de lui :
1. Je te jure par ton bonheur et par les stèles sur lesquelles on répand le sang des victimes que je ne t'ai pas raillé.
2. Certes, j'ai pensé le faire lorsqu'elle [la chamelle] fut saisie et que la courroie fut bien tordue par ordre de 'Abîda.
3. Je crains ton châtiment si tu en as le pouvoir, et moi je n'ai pas agi en traître de sorte que des discussions éclatent entre nous.
Et Tarafa a dit au sujet des droits de sa mère que l'on avait lésés :
1. Qu'attendez-vous pour faire justice à Warda parmi vous ? Ses fils sont petits et sa famille est absente.
2. Une petite chose suscite quelquefois des choses bien graves, au point que le sang coule en abondance.
3. L'injustice a séparé les deux tribus de Wâ'il; Taglib fait boire à Bakr la coupe de la mort.
4. L'injustice qui s'étale en plein jour abreuve quelquefois d'une boisson gâtée, salée et troublée par le poison qui y est mêlé.
5. L'alliance avec celui qui ne renonce pas un moment à la corruption, infecte celui qui l'a contractée comme un chameau galeux infecte celui qui est sain.
6. Le crime est un mal que l'on n'espère pas guérir, et la bienfaisance est une guérison pour laquelle aucun danger n'est à craindre.
7. La vérité est la propriété de l'homme courageux en qui on a confiance, et le mensonge est la propriété de l'homme vil qui est déçu dans ses espérances.
8. Je suis bien sûr, que ce qui a perdu 'Ad et les peuples de jadis, qui sont morts, me perdra également.
9. Observez le droit, et cela augmentera votre honneur. Certes, l'homme noble se met en colère quand on l'irrite.
Et Tarafa a dit au sujet de la bataille de Kadda :
1. Interrogez celui qui nous connaît sur l'état de nos forces le jour où nous avons coupé nos chevelures.
2. Au jour où les femmes blanches mettaient leurs jambes à découvert, et où les cavaliers rassemblaient de nombreux troupeaux.
3. Nous sommes les hommes les plus dignes d'un chef puissant, qui fait exécuter ses ordres et qui est brave dans le combat :
4. D'un chef parfait qui possède toutes les vertus de l'homme brave, célèbre, prince des princes généreux.
5. Nous sommes les meilleurs hommes de la tribu de Ma'add, si connue de ses pairs, de ses voisins et de ses parents.
6. Celui qui est dépouillé de son bien, le recouvre chez nous en recevant des maisons, des chameaux et des esclaves.
7. Nous transportons toujours de la viande grasse dans nos quartiers d'hiver; nous égorgeons les chamelles âgées, et nous écartons la faim des hommes.
8. Nous chassons le sot de notre réunion, tu dirais qu'elle est le foyer sacré de la maison.
9. Nous avons surpassé les deux familles (étant la tête de la gloire et le nez de la noblesse),
10. Les fils de Bakr et les fils de Taglib, toutes les fois qu'on en est venu à la question de leur généalogie (et les massacreurs des héros).
11. Lorsqu'il faut que les hommes défendent leurs biens, nous défendons nos troupeaux, nous qui avons les visages sereins et connus comme nobles.
12. Avec nos épées tranchantes, qui s'enfoncent dans ce qu'elles frappent, qui coupent les poignets.
13. Campés sur des étalons à la haute taille, aux durs sabots, descendants d'A'wadj, qui rongent leur frein en galopant.
14. Et avec des lances fournies, montés sur des chevaux minces, amaigris par le rongement continuel du frein.
15. Ils ont les traces des soins empreintes sur leurs côtés, les flancs sont continuellement sanglés.
16. Ils se défendent contre le sol avec de larges sabots durs, verdâtres, qui s'enfoncent dans les collines et les élévations du terrain.
17. Leur chair s'use par l'ardeur de leur course, et par conséquent ils deviennent minces comme des noyaux de dattes.
18. Ils lancent les jambes avec force, se cambrent lorsque la main les menace du fouet.
19. Ils courent en se devançant les uns les autres vers celui qui appelle au secours, après avoir d'abord fait un appel particulier, suivi d'un appel général.
20. Enfin [nous les défendons] avec de jeunes guerriers et avec ceux qui sont arrivés à l'âge mûr, courageux comme des lions auprès de leurs tanières dans les fourrés.
21. Nous retenons les chevaux malgré eux au moment où ils ne peuvent être retenus que par les illustres guerriers.
22. Nous laissons les héros renversés au milieu des chevaux, en proie aux aigles et aux vautours qui planent au-dessus de leurs corps.
Et Tarafa a dit en se moquant des fils de Moundhir, fils de 'Amr :
1. Ils sont les enfants d'une famille nombreuse, issus du mal et de l'affliction, et ils ne donnent en cas de nécessité, pas même un jeune chameau.
2. Ils sont comme la rue qui fatigue celui qui la mange, quoiqu'ils possèdent de nombreux troupeaux.
3. Ils ressemblent à un sol desséché plein de macis, dont les cailloux blessent les sabots des chamelles qui allaitent et même des grosses chamelles rouges.
4. Ce n'est point notre faute si vous souffrez d'hydrocèles, et si vous êtes des gens affectés de hernies.
5. Lorsqu'ils sont assis, on croirait qu'ils ont sous leurs vêtements de petits lièvres qui accomplissent des vœux avec leur glapissement.
6. O Abou-Karib ! fais parvenir ma lettre que tu as par devers toi, sans y manquer, à Abou Djâbir 'Amr.
7. Ils ont pris pour chef une grue qui s'approvisionne d'eau dans son derrière, croyant que les oiseaux ne descendent à l'abreuvoir que tous les dix jours.
Et Tarafa a dit à 'Amr fils de Hind, en reprochant à ses compagnons de l'avoir abandonné :
1. "Mes gens m'ont abandonné et ne se sont pas irrités de l'iniquité honteuse qui a été commise au milieu d'eux.
2. Puisse Allah ne laisser aucune dent à tout homme dont j'avais cultivé l'amitié !
3. Ils sont tous plus rusés que le renard; comme cette nuit ressemble à celle d'hier!
Et Tarafa a dit encore :
1. Est-ce que tu connais les vestiges du séjour dont les habitations sont désertes, pareilles au fourreau du sabre yéménite que l'artisan a orné de dessins ?
2. A Tathlîth ou à Nadjrân ou là où se rencontrent les torrents du Nadjd dans les plaines du Djâs ?
3. C'étaient les maisons de Salmâ, lorsqu'elle te captivait avec ses faveurs, lorsque ses charmes te retenaient auprès d'elle,
4. Et lorsqu'elle ressemblait à une gazelle blanche, dont le petit est pris en chasse, et qu'elle lançait vers toi des regards furtifs et languissants.
5. Nous étions alors riches et durant de longues années, nous ne craignîmes point la séparation ; nous étions tous les deux dans la prospérité, menant une vie gaie et agréable.
6. Pendant les nuits, je me laissais conduire par l'ardeur de la jeunesse et elle me conduisait ; sa fleur nous a fait tourner et nous avons tourné avec elle.
7. Le fantôme de Salmâ s'est levé vers toi, tandis qu'entre vous deux se trouvent le flanc et les élévations allongées d'une montagne sablonneuse,
8. Dhoû’ n-Nir, les montagnes élevées du côté du pré et des collines semblables à des boucliers, entre lesquelles coulent les torrents.
9. Et comment Salmâ a-t-elle pu se laisser conduire par les liens de notre amitié, le suave amour qui s'attache au cœur après s'y être glissé,
10. Malgré tant d'ennemis et tant de pays qui nous séparent et où le guide agile à la robe retroussée reste stupéfait?
11. Des pays où habite l'onagre du désert, semblable à un gardien qui tantôt montre sa face et tantôt la cache?
12. Et moi je n'avais jamais pensé auparavant que Salmâ eût la force de marcher, surtout au moment où la partie la plus sombre de la nuit se couvre de son manteau.
13. Et Salmâ t'a enlevé tout ton esprit, et en vérité, es-tu autre chose qu'un gibier enlacé par le filet?
. 14. C'est ainsi qu'Asmà' a enlacé le cœur de Mourakkisch d'un amour pareil à l'éclat de l'éclair, qui par ses lueurs indique la pluie.
15. Mais 'Auf a marié Asmâ' avec le Mouradite en causant par là la mort de Mourakkisch.
16. Puis, lorsque ce dernier vit que rien ne pourrait le calmer et que sa passion pour Asmâ' causerait inévitablement sa mort,
17. Il partit du pays d'Al-'Irâk plein d'émotion, aux pas rapides de sa monture,
18. Vers Sarw, là où sa passion le poussait, ne sachant pas que la mort l'y atteindrait.
19. Il fut abandonné à Al-Fardain, pays lointain, situé à une distance d'un mois de marche continuelle, que l'on ferait sans ralentir le pas.
20. O toi qui as besoin d'une chose qu'on ne peut obtenir que par des ruses! l'homme n'obtient pas tout ce qu'il désire.
21. Par ma vie! une mort après laquelle il n'y a plus de peines vaut mieux pour un homme affligé qu'une passion qui ne lui laisse aucun repos.
22. Mon amour pour Salmâ est comme l'amour de Mourakkisch pour Asmâ' qui existait alors que les femmes ne cessaient pas un instant de le blâmer.
23. Mourakkisch est mort en aimant Asmâ', tandis que moi je suis lié à Salmâ par une folie que je prolonge.
Et Tarafa a dit encore :
1. Je suis un de ces hommes qui, lorsque l'hiver sévit et que l'on entre dans l'intérieur de la maison,
2. Qui, au jour où l'on rapproche les tentes les unes des autres pour s'abriter du froid, et que les jours froids se succèdent peu de temps avant la pluie de printemps,
3. Lèvent la flèche du sort ; elle leur donne le moyen de jouir de la chair des chamelles grasses. Le joueur la plante,
4. De façon qu'elle devienne le but; le mauvais sort ne l'arrête pas lorsqu'elle suit une certaine direction.
5. Tu trouveras alors les plats remplis de la chair des chamelles grasses, dont les bons morceaux passent et repassent parmi eux.
6. Et tu verras encore les restes des plats remplis de viande devant les hôtes de nos réunions;
7. On dirait des chameaux aux jarrets coupés, près de puits au fond desquels les eaux jaunissent.
8. Nous savons bien qu'une averse nous atteindra, qu'une pluie abreuvera nos chameaux.
9. Lorsque la troupe qui fait des incursions dans le but de piller, nous engage à l'ardent combat où les terreurs de la mort sont évidentes,
10. Ils nous tournent le dos et nous laissent prendre ce que nous voulons, lorsque la mort a fait tomber leurs ceintures.
11. Certes, nous les couvrons, malgré eux, de coups qui font jaillir et voltiger des étincelles dans leurs interstices.
12. Quant à la gloire, nous la rendons plus grande et la faisons héréditaire ; et au milieu de nos semblables nous amassons les louanges comme un trésor.
13. Nous multiplions les bienfaits malgré les accidents, comme les excellents chevaux augmentent de vitesse, nous ne laissons pas sans secours le pauvre abandonné,
14. Si ses parents se sont éloignés de lui, et si son arbre n'a pas été arrosé au matin avec la meilleure eau.
15. Certes, les hommes se mettent réciproquement à l'épreuve ; les excuses du noble ne lui serviront pas contre les vicissitudes.
16. Chaque homme montre distinctement, quand il est atteint par l'adversité, s'il est réellement riche ou pauvre.
1. Lorsque le nuage prend la forme des filets de graisse et que le vent glacial qui rougit [l'horizon!
2. Amène un froid qui fait tomber entre les maisons et le# tentes un givre semblable à du coton,
3. Et que l'étalon vient en galopant devant les chamelles pleines vers l'abri, tandis que leur gardien se détourne du troupeau,
4. Et lorsque les chamelles grasses, qui sont dans le dixième mois de leur portée, dirigent leurs pas vers le campement de la tribu jusqu'à ce que l'endroit où elles doivent paître pendant l'été soit recouvert d'herbes :
5. Alors les servantes de la tribu passent la nuit à faire cuire nos mets, et celui qui est amaigri et dépouillé de son bien se réfugie chez nous.
6. Et lorsque les cavaliers sont dispersés par les coups mortels qui font couler le sang à torrent et qui anéantissent le corps,
7. Et que les vierges de la tribu circulent dispersées comme les derniers d'un troupeau de buffles, et que les lances dégouttent de sang,
8. Et lorsque les brèches de la tribu ne peuvent être défendues que par les nobles guerriers, et que celui qui est poursuivi et pressé fait un appel général,
9. Alors c'est nous qui poussons au lendemain de la bataille tous les chevaux pris à l'ennemi, et c'est de notre côté que sont les braves guerriers patients et dociles.
10. Et combien de femmes pleines de rage nos lances ont rendues veuves et ont privées de leurs maris, tandis que leurs yeux sont inondés de larmes!
11. Elles poussent des gémissements du fond de leurs cœurs étreints par la douleur, sur un héros que les lances ont étendu raide mort.
1. Par combien de chemins d'une antiquité éternelle, où autrefois sifflaient les génies ;
2. D'où l'eau, en inondant les grottes jusqu'à leur orifice, avait fait sortir des lézards,
3. Ces lézards morts étant le jouet de l'eau au milieu d'une agglomération de débris roulés par le torrent,
4. [Par combien de chemins] ai-je pénétré, sur un grand cheval, excité par l'éperon, qui ne s'essouffle point et n'est point gros!
5. Je le conduisais à la tête des gens d'une tribu, morts aujourd'hui, qui portaient secours sans faiblesse ni lâcheté.
6. Ils étaient nobles dans leurs efforts, et d'une origine dont les gens abandonnent les choses viles et s'efforcent pour les choses glorieuses.
7. Ils chassaient la sottise de leurs réunions et portaient secours à l'homme doux et bienfaisant.
8. Eux qui, séjournant sur un sol stérile, lui rendaient sa fertilité par la recherche de la gloire et l'abandon du mensonge.
9. Leurs pauvres étaient doux, leurs riches bienfaisants, leurs vieillards princes et leurs imberbes prodigues.
1. On dit qu'un homme va mourir quand il est malade, et moi je le dis : Il va mourir lorsque ses femmes viennent vers lui.
2. Et si un homme mourait d'autre chose que d'amour, il passerait dès le lendemain chez les morts pour avoir eu le mal d'amour.
3. Dès le matin, l'homme est instruit de la perte de sa jeunesse, et le soir, cette perte lui est confirmée.
4. Et cependant il pleure les morts sans aucun souci de lui-même et croit que sa douleur est insuffisante pour leur perte.
5. Mais s'il était doué d'intelligence et s'il avait plus de souci de son âme, il aurait sans aucun doute pleuré continuellement sur elle.
6. Lorsque la pudeur diminue, la rougeur du visage diminue également, et un visage sans le rouge de la pudeur ne présage rien de bon.
7. Tu as le rouge de la pudeur, garde-le bien, car c'est là l'indice du visage des nobles.
8. L'avarice d'un homme montre ses défauts, sa générosité les cache tous.
9. Couvre-toi des vêtements de la générosité, car je vois qu'elle couvre tous les défauts.
10. Rien ne perdra jamais l'homme, si ce n'est l'action qui ne plait pas à ses bons conseillers.
11. Rends ton discours concis lorsque tu parles, car l'homme qui parle peu commet peu de péchés.
12. Lorsque tu choisis un compagnon, choisis-le bien né, car ce sont les compagnons de l'homme qui en font l'ornement ou qui le dénigrent.
13. Fréquente les hommes excellents, pieux et bienfaisants, car les amis de l'homme en sont l'ornement au milieu de ses gens.
14. Lorsque la richesse de l'homme est faible, son éclat l'est également, et la terre et le ciel se rétrécissent pour lui.
15. Il reste confondu, ne sachant pas, malgré sa fermeté, si c'est devant ou derrière lui qu'il trouvera le bien.
16. En quelque lieu de la terre, si large pour les autres hommes, — qu'il dirige ses pas; le vaste lieu où il s'arrêtera sera trop étroit pour lui.
17. S'il est absent, son ami ne s'inquiète pas de lui, et lorsqu'il revient ses amis sincères ne s'en réjouissent pas.
18. Mort, son parent ne regrettera pas son décès; vivant, son-ami n'éprouvera aucune joie de sa rencontre.
19. Lorsque l'intelligence de l'homme est parfaite, ses affaires sont en bon ordre, son autorité est absolue, et l'on fait des éloges de lui.
20. Et s'il n'a pas d'esprit, bien qu'il soit très généreux et que ses dons soient nombreux, ce manque d'esprit se montre d'une façon évidente.
21. Lorsque la richesse de l'homme est petite, ses amis sont également peu nombreux, et le désir de se réunir à lui ne se manifeste pas dans le cœur de son ami.
22. Lorsque la richesse d'un homme est petite, ses fils ne sont pas contents de son esprit, et ses protecteurs ne le défendent plus.
23. Ses paroles sont alors rejetées, bien qu'il parle avec raison et que ses défauts soient peu nombreux.
24. Lorsque l'homme ne lave pas son honneur des blâmes et ne le rend pas pur, son éclat ne lui sert de rien.
25. Et s'il ne cherche pas un ami pour lui-même, proclame à son sujet parmi les hommes : « Telle est sa récompense. » (
26. Car que d'amis ai-je eus, tous injustes ! Lorsque mes bienfaits leur arrivaient, je subissais leur dureté.
27. Prompts dans leur éloignement, lents dans leur retour, prodigues d'accusations et peu empressés à tenir leur parole.
28. Toutes les fois que mon affaire est droite, la leur est boiteuse, et quand parfois la mienne est boiteuse, alors la leur devient droite.
29. Quand je dis non, ils me disent oui, par pur désir de contredire mes volontés.
30. Je vois que toute maladie peut être guérie par un remède quelconque, mais la sottise est une maladie que l'on n'espère pas guérir.
31. Lorsqu'un homme réussit dans son affaire après avoir été affligé, son affliction ne pèse pas sur lui.
1. Par ta vie! la chamelle de Ma'bad, malgré l'ardeur de sa course, n'offrit pas de résistance à ces deux hommes de Moudar.
2. Celui qui a un protecteur espère la fidélité de ses engagements, et mes deux protecteurs sont les plus fidèles à leurs engagements, et ils sont les plus bienfaisants.
3. Certes, je trairai d'une chamelle robuste un plat de poison, et c'est avec cela que j'interrogerai mes voisins s'ils n'ôtent pas le voile pour moi.
4. J'ai vu, en effet, les vers pénétrer dans des trous trop étroits pour laisser entrer une aiguille.
5. O 'Amr ibn Hind ! que penses-tu d'un troupeau de chameaux qui a les moyens de paître, l'eau et les arbres?
6. Il avait deux protecteurs dont l'un était Kâboûs; mais on se trompe en attendant l'aide de certains protecteurs.
7. Amr ibn Hind était aussi un de ceux qui le recevaient sous leur protection, et je ne lui ai donné pour pâtre ni le soleil ni la lune.
1. O 'Amr, fils de Hind! quelle est ton opinion sur une troupe qui a fait périr Abou Hassan, ayant près de lui-des protecteurs ?
2. Car les gens de Mourâd ont ouvertement attaqué son foyer sacré et eux tous sont devenus pour toi des gens de qui tu dois tirer vengeance.
3. Il invoqua Oumâma lorsque les flèches frappaient sa poitrine; il implora aussi le secours de compagnons.
4. Mais s'il avait appelé une troupe d'Al-Hisn, elle se serait certainement livrée à lui sur le chemin.
5. Et si les enfants de Karrân s'étaient trouvés près de lui, il aurait victorieusement obtenu ce qu'il demandait.
6. Si encore Taglib, la fille de Wa'il, avait été près de lui, elle lui aurait été un appui puissant et victorieux.
7. Mais il appela les gens de Kais-Gailân, ceux qui fleurent les épines dans les élévations du Hidjâz.
8. Oh ! le meilleur des hommes, qu'il vive ou qu'il soit mort, qu'il ait la connaissance ou qu'il ne l'ait pas, git maintenant dans la vallée de Kadîb !
9. On se distribuait sa fortune et ses esclaves, se tenant debout auprès de lui découvert avec des mouchoirs.
10. J'ai surmonté pour lui l'inimitié qui existait entre nous, et j'ai dit : « O quel homme tué par Djâbir ! »
11. Que la distance qui les sépare de toi ne t'empêche pas de les atteindre, et charge sur eux les gens de Ma'add avec les chevaux rapides de couleur alezane.
Et Tarafa ibn Al-'Abd (qu'Allah pardonne nos péchés et les siens!) a dit :
1. Retire-toi de moi, ô Khaula, ou bien baisse ton regard ; car un caméléon dont la morsure est incurable est descendu.
2. Il a déplacé mon cœur de son lieu fixe, et mon bras aujourd'hui est devenu incapable de s'élever.
3. Et cependant j'avais été fort de nature, repoussant [les ennemis], et j'avais fréquenté les hommes, malgré leur haine.
4. Je suis doux envers l'ami, mais je suis amer envers l'ennemi, je lui témoigne ma haine.
5. Certes, je suis riche, mais je ne suis pas insolent à cause de la richesse, et j'offre généreusement mon bien à celui qui a recours à ma bienfaisance.
6. Parfois j'éprouve une difficulté, et même si elle est pénible, je recouvre l'aisance ayant toujours mon honneur.
7. Je tire le client de sa grave affaire après qu'il a trébuché, comme trébuche le chameau par suite de sa glissade.
8. Je lui fais présent de mon bien, de ma fortune et de mon appui, quoique ses côtes soient pliées sur la haine.
9. Ma douceur l'inonde, bien que, si je l'eusse voulu, il eût été atteint d'une blessure douloureuse dont les suites auraient rongé sa chair.
10. Mais, jusqu'à ce que [cette difficulté] soit écartée et partie, nul homme de confiance ne m'a, pour cette cause, offert un prêt ni donné un cadeau.
11. Mais seulement la grâce de Dieu, mon métier et le poitrail de ma monture bien serrée d'une sangle [m'en ont délivré].
12. Je m'estime trop pour paraître humble envers celui (jui m'obligerait, moyennant une faveur, donnant le peu qui reste dans l'outre usée.
13. J'écarte le mal de mes parents par pure générosité, bien que je paye la dette à celui qui me prête.
14. Je prodigue mes bienfaits, et mon caractère reste serein, tandis que celui de tous les hommes purs est troublé.
15. Et je conduis mes affaires à leur but par ma persévérance toutes les fois que certaines ne marchent presque pas.
16. Je suis mon propre juge lorsque le droit est à moi, tandis qu'il y a des hommes qui sont jugés, mais ne jugent pas.
17. Je suis doux, malgré la violence avec laquelle je défends mon honneur lorsque des gens me provoquent.
18. S'ils recherchent mon amitié, je penche vers eux, car il n'y a rien de bon dans celui qui ne répond pas à une voix douce.
19. A plus d'un homme qui a émis un jugement à tort, j'ai fait changer sa sentence, et je lui ai dit : « Le jugement n'est pas tel que tu as jugé. »
20. Je l'ai jeté dans les terreurs jusqu'à ce que je l'aie laissé dans un endroit si étroit qu'il ne peut travailler ni s'en aller.
21. Je ne suis pas de deux couleurs pour celui que je connais et apprends que l'avarice n'est ni de mon ciel ni de ma terre.
22. J'ai exécuté ceci par suite du testament de 'Abdal, et tout ce que 'Abdal a recommandé, je l'exécute.
23. Lorsque je serai mort, pleure-moi avec les éloges que je mérite et excite pour moi, des pleureuses, une excitation prolongée.
24. Ne me fais pas l'égal, si je péris, d'un homme faible dont toutes les cordes tressées et détordues sont défaites.
25. J'ai juré par le dieu des femmes qui vont en dansant à Mina et qui rivalisent entre elles dans les jours de cérémonie et de mouvement,
26. Si je crains les gens dont les péchés m'apparaissent, comme je craindrais l'homme à l'a vaste poitrine, maitre d'une dispute piquante.
27. Ils ont, depuis longtemps, agité ma lance, et ils m'ont poussé, mais elle n'a pas été trop douce pour ne pas mordre.
28. Ils ont su que je suis chagrin de leur hostilité et que très souvent je fais semblant de fermer les yeux sur leur haine.
29. Mais je n'en défends pas moins les droits de ma famille, et ma course repousse celui que je poursuis
30. Avec le combat d'un homme qui n'est ni mou ni faible, mais de celui qui a confiance en lui-même et qui frappe les hommes sans distinction.
31. Après les enfants de Dharâ, fils de 'Abdal, que [leur père] a emportés un matin, y a-t-il un homme qui espère jouir de la vie tranquillement?
32. Ils sont partis et nous sommes restés après eux, espérant vivre; mais celui qui reste ne [marche-t-il] pas sur les traces de celui qui part?
33. N'as-tu pas vu que l'œil répand un torrent de larmes à cause de la nuit, de façon que sa paupière ne s'est presque pas fermée?
34. Comme s'il y avait le jus de la lavande fraîche que les vents, en se disputant, apportent dans des feuilles humides.
35. Comme ceux qui descendent à l'abreuvoir aperçoivent des chevaux rapides, mais entravés, qui réclament la housse et la sangle.
36. Prenez garde, gens d'Al-Mouschakkar et d'As-Safâ, nos cousins! récompensez un bienfait par un bienfait.
37. Faites parvenir à Bakr de l'Irak, fils de Wâ'il, la coupe brûlante dont le Nasrite a abreuvé celui qui l'a bue.
38. Si An-Nou'man extermine mon peuple, c'est la première mort, et il est le précurseur de la mort définitive.
39. Portez-vous contre An-Nou'man dans la guerre ; quant à Ka'b, fils de Zaid, occupez-le de façon qu'il ne puisse pas boire la boisson pure.
40. Eux deux m'ont amené à l'abreuvoir de la mort de propos délibéré, et ils ont expédié à ce lieu mortel une troupe de cavaliers infatigables à la course.
41. J'ai péri et la prudence du Yaschkourite l'a sauvé; il a évité [le danger], comme un chameau évite le sol glissant.
42. Et si même j'avais peur de cette témérité dans [ta] manière d'agir, les enfants de Malik m'auraient défendu, de façon qu'il fût rejeté, ce que tu aurais ordonné.
43. Comme c'est étonnant le tronc d'arbre au-dessus duquel je suis hissé! Comme c'est étonnant le gibet! C'est le lot qui m'a été dévolu par des ennemis et des poésies.
44. Nous étions du côté de notre pays, ô Rabl'a! à la tête de ceux qui frappent les hommes sans distinction.
45. O Abou Moundhir! tu as détruit beaucoup, épargne donc quelques-uns de nous; nous implorons ta pitié; certains maux sont moins lourds que d'autres.
46. O Abou Moundhir ! si tu avais quitté notre guerre, notre terrain serait vaste, son étendue considérable.
47. O Abou Moundhir ! qui se portera contre les braves guerriers lorsque les chevaux dispersés tournoient les uns derrière les autres.
48. O Abou Moundhir ! ma lettre était trompeuse, et je ne vous ai pas accordé dans l'obéissance ni mon bien ni ma fortune.
49. O Abou Moundhir! les choses que tu t'imagines n'être que passagères mènent les lois à leur abolition.
50. Tu vois les hommes se dirigeant par troupes vers la porte de sa maison, afin qu'ils sachent ce qu'il rejette et ce qu'il fera exécuter.
51. Tu n'es cependant pas gouvernant ni pour les vivants lorsque tu es en vie, ni pour les morts lorsque tu seras dans le tombeau.
52. On lui dit : « Puisses-tu éloigner de toi la malédiction! » tandis que la malédiction est son lot; tu sauras plus tard la formule : « Puisses-tu éloigner de toi le bien dans l'abaissement ! »
53. J'ai juré, lorsqu'on a dressé [le gibet], que j'allais mourir dans un lieu de perdition qui ne serait ni un exil ni un abaissement
54. La [mort] puissante surviendra un matin, et elle t'emportera subitement; alors aucune richesse ne te sauvera.
55. Les gens d'Al-Mouschakkar et d'As-Safâ seront couverts des averses de la mort qui couleront et ne s'arrêteront pas.
56. Dans les limites de sa terre, tu es injuste à l'égard • du fils de 'Abd. Quant à Ka'b, fils de Sahl, tu le prives de boisson pure.
57. Je ne donne pas mon bon conseil au seigneur injuste, lorsqu'il ne se penche pas vers moi et ne me communique pas son secret.
58. Ce n'est pas tout trompeur qui te nuira par sa fraude, et tu ne plairas pas à tout homme que tu désires être honoré.
1. J'ai rencontré, dans la partie la plus basse de Dhoû Djâschim, Hanâna, qui ressemblait à un chameau gris cendré.
2. Il se jeta sur moi avec un sabre fourbi, blanc et assoiffé, visant avec lui le sommet de ma tête.
3. Je bondis sur lui, je lui arrachai le sabre et la pluie de mes coups a devancé les siens.
4. Puis, lorsque nous courûmes l'un contre l'autre, il tomba le visage contre terre comme un âne, et à la fin je fus victorieux.
5. Si c'avait été mon épée, je l'aurais certes laissé, couché sur son côté et sur son coude.
6. Mais c'est votre épée, qui a respecté vos choses sacrées qui protègent contre la mort.
7. Hanâna, cette brebis qui mange les herbes sèches de la plante 'ischrik, a prédit ma mort.
8. Prédis ta propre mort et non pas la mienne; soigne tes blessures et ne me menace pas.
1. J'ai passé la nuit dans l'insomnie, à cause d'un souci dont la présence m'a tenu éveillé; mes larmes m'ont soulagé et, devançant- l'une l'autre, elles ont coulé à torrents.
2. J'ai passé la nuit dans la contemplation des étoiles sans goûter le sommeil, comme si j'étais un prisonnier, dont l'esprit s'agit, s'envole;
3. Qui, chargé de fers, manie ses entraves, et dont les cheveux sont devenus blancs comme la plante thagâm.
4. Je n'ai pas pleuré le fantôme qui m'avait visité au milieu de la nuit, je n'ai pas non plus regretté celui que, caché derrière le rideau, j'avais serré dans mes bras.
5. Un campement de printemps resté vide de ses habitants, où l'on ne voit que des pierres dressées et des autruches, n'a pas non plus excité mon désir.
6. Je n'ai été en proie à. aucune crainte chimérique, j'ai été au contraire rassuré à cet égard, sachant qu'Allah donne le pain quotidien à l'homme tant qu'il vit.
7. C'était seulement parce que les temps ayant été faciles étaient devenus difficiles, et il est arrivé des événements que la difficulté des temps a rendus plus considérables.
8. Les ancêtres parmi lesquels il y avait des hommes intelligents et pieux sont partis, et une époque qui manque d'hommes vertueux n'offre rien de bon.
9. Et il n'est resté que ceux qui se réjouissent des malheurs d'autrui et les envieux qui ne marchent pas dans de bonnes voies.
10. Ennemi et ami, refrogné et souriant, tous emploient la ruse avec moi lorsque je les rencontre.
11. Chacun d'eux agit bien envers moi en public lorsque je le rencontre; niais au fond de son âme, sa voix ne ressemble pas à un roucoulement.
12. Quand il voit le monde me sourire et me combler de faveurs, son visage' reste serein.
13. Mais quand une affairé grave se présente, ou bien quand un trouble descend où je le joins, ses foudres m'apparaissent.
14. Il grince ses dents avec colère en ma présence, et pousse de profonds soupirs comme si je l'étranglais.
15. L'œil de l'homme met à découvert ce qui est caché au fond de son cœur, tu le devineras par son regard lorsque tu lui parleras.
16. Je bannirai de mon âme tout sentiment trompeur, j'éviterai de prendre son caractère, et je me séparerai de lui.
17. Je donnerai aux gens de bonne foi mon amitié, pour que les hommes de mérite sachent qui a ma confiance.
18. Quant aux hommes qui emploient l'hypocrisie dans leur fraternité, — moi, je ne suis jamais hypocrite dans mon amitié pour l'homme bien né, —
19. Leur cœur ressemble au cœur des loups carnassiers, mais leur langue est la chose la plus douce que tu puisses goûter.
20. Je ne suis jamais dans ma vie désireux de m'en approcher, car il n'y a rien de bon dans l'amitié que l'on a pour un homme avec lequel on n'est pas d'accord.
21. Celui qui endure facilement le monde, je me porte garant pour lui, son caractère ne sera pas calomniateur.
22. Celui qui supporte difficilement le monde a de longs soucis, et celui qui s'abstient des choses illicites et mène une vie de modération, il verra ce qui lui convient.
23. Celui qui met les jours à l'épreuve, ses flèches manqueront le but, et celui qui est en sûreté contre les malheurs est ruiné par le temps.
24. Lorsque l'homme ne m'offre pas son amitié autant que je lui ai offert la mienne, sache que je l'abandonnerai.
25. Ce qu'Allah a bâti est d'une construction parfaite, et ce que l'injustice a bâti, Allah l'effacera.
26. Un terme est inévitable, qu'il soit hâtif ou tardif; car partout où l'homme est, la mort l'atteindra.
27. Prenez-la, hommes de cœur ; car celui dont la parole est vraie et parfaite l'a composée et consolidé son tissu.
1. Qui apportera un message à 'Amr ibn Hind? Plût à Dieu qu'un corbeau qui vole sous le ciel t'appelât!
2. Ils sont deux parties; l'une visite la Ka'ba d'Allah, et l'autre, si elle n'a pas passé la mer, viendra à toi,
3. A Harrân, pendant que les rois décident leurs affaires. Que je n'entende pas que tu es resté dans ta vallée.
1. Mes deux amis, arrêtez-vous, que je vous informe des nouvelles et d'un souci qui m'ont accablé.
2. Apprenez vous deux à Khaula que je veille la nuit, que je ne dors pas sans avoir aucun repentir,
3. Toutes les fois que l'homme à l'esprit libre dort, moi, je passe la nuit le confident du souci et ne dors pas.
4. Son souvenir m'a empêché de fermer les paupières, c'est elle qui est mon souci, mon occupation et ma maladie.
5. Elle a captivé le cœur avec des yeux semblables à ceux du petit d'une vache sauvage, avec une gorge superbe sur laquelle est un collier de corail,
6. Avec deux tresses de longs cheveux qui descendent jusqu'à sa taille et qui ressemblent à des grappes noires,
7. Et avec un visage que la frivolité n'a pas défiguré et que la joue et le nez droit ont orné.
8. Elle est la meilleure créature humaine, lorsqu'elle s'enveloppe et laisse voir le pied et la chaînette du bas de sa jambe.
9. Elle est le désir de l'âme lorsqu'elle est déshabillée et qu'elle marche entre les vêtements rembourrés et les bracelets.
10. On ne dit pas de paroles basses dans nos réunions, non, et celui qui accorde une faveur n'est pas avare.
1. C'est comme si les cœurs des oiseaux, au fond de son nid, étaient les noyaux durs de dattes, jetés là à la suite de quelque repas.
1. Comment un homme peut-il espérer une vie éternelle, alors que sous peu il devra rendre compte de ses actions?
2. N'as-tu pas vu Lokman, fils de 'Ad, au-dessus de qui les aigles se sont succédés et dont les étoiles ont ensuite disparu?
3. Aç-Sa'b aussi avait dos moyens qui rendaient ses affaires considérables; mais après un certain temps, ses désirs l'ont quitté.
4. Lorsque As-Sa'b Dhou'l-Karnain abandonne son drapeau à un rival qui le surpasse, les pleureuses se lèvent.
5. Il va du côté de la mort, pendant que la vie est dans son plein et que ses troupes marchent sur la face des contrées.
1. Certes, j'ai vu la troupe de cavaliers pendant qu'elle faisait des incursions, et j'ai frappé avec la lance les jointures des cuisses,
2. Des cuisses de nobles chevaux que surmontait un corps excellent, des chevaux au naturel docile, les meilleures créatures pour porter la mort,
3. Des cuisses de chevaux qui ne cessaient de faire des incursions et dont le sang dégouttait sur le poil des talons.
1. Je n'étais pas heureux en partant le matin,
2. Et je n'ai jamais éprouvé ce que je venais d'éprouver.
3. Je suis pareil à un oiseau qui voltige continuellement autour de nous,
4. Qui s'élance dans l'air, et cependant ne nous échappe pas,
5. Et meurt presque par simple peur de nous.
1. Ayant entre mes cuisses une jeune chamelle méhari, dont la croupe ressemble à un tas de sable et dont la racine dos cuisses est enveloppée de graisse.
2. Elle a hérité dans la contrée de Kais d'une croupe pour se rencontrer avec un coussin, et elle a marché entre les choses rembourrées comme une autruche.
1. Elle rit en montrant des dents pareilles à des camomilles, contenant une pluie continuelle versée par un ciel recouvert d'un nuage abondant.
2. Dans une troupe houleuse, débouchant à l'improviste, il fait avancer la première des femmes qui voyagent dans des litières et qui ont la taille élancée comme des acacias.
3. Qui viendra me visiter cette nuit? Quel est mon ami sincère? J'ai passé la nuit dans la maladie, mon cœur était blessé.
4. Montez des vêtements brodés de couleur splendide, d'une étoffe magnifique semblable au sang d'une bête égorgée.
5. Elles paissent l'herbe printanière dont la végétation est luxuriante; leur couleur est brillante et leurs hanches sont minces.
6. Et de plus d'un troupeau le sifflement de la flèche gagnante et de celle qui ne. gagne pas a enlevé le soir quelques vieilles chamelles.
7. La flèche posée sur l'arc est rapide, et celle qui est déjà lancée ressemble au passage d'une pluie bruissante au milieu du vent.
8 d'un vin mêlé avec de l'eau limpide.
1. Tu es le fils de Hind, mais dis-moi alors qui était ton père. Ce n'est que tout vantard qui gouverne bien le royaume.
2. Si tu dis que c'était Nasr, mais Nasr était autrefois un homme méchant, et la tunique de son cuisinier était la plus blanche.
3. Vous n'avez dans les hauteurs ni ombre ni feuilles, mais dans les affronts vos racines sont bien profondes.
1. Selon celui qui croit que nous sommes des Himyarites, descendants des familles d'Ad-Dou'à et d'At-Tannoûkli.
1. Le bien est toujours le bien, quoiqu'il faille longtemps pour y parvenir, et le mal est la pire provision que tu aies mise dans ton sac.
1. O enfants de Loubainà! vous n'êtes rien autre chose qu'une main sans bras.
1. A Raudat Dou'mî et dans les contrées de Hà'il, je m'arrête en pleurant et je pleure jusqu'au lendemain.
2. Forte comme un chameau mâle, à la chair dure, qui court comme une autruche se précipitant vers le mâle chauve couleur de cendre.
3. Quand elle s'avance, on dit que son bât est resté en arrière, et lorsqu'elle recule, on dit : « Il s'est avancé, par conséquent, serre-le bien. »
4. Les montagnes de couleur cendrée apparaissent derrière moi comme si elles étaient, à cause de la grande distance, entourées de voiles rayés.
5. Elle boit dans la petite coupe, et si on la conduit par la babine toute la journée jusqu'à la nuit, elle se laisse faire.
6. Lorsqu'elle répète sa voix, tu croirais entendre les plaintes que des chamelles allaitantes poussent sur un petit, né au printemps, précipité du haut d'un rocher.
7. Si, un jour, il le veut, il le fait marcher par la bride, et quiconque est attaché par la corde de la mort se laisse conduire par elle.
8. Et de plus d'une flèche jaune, noircie par le feu, j'ai attendu le sifflement, lorsque nous étions rassemblés auprès du feu, et je l'ai déposée dans la main de celui qui ne joue pas, mais qui distribue les flèches.
9. Je vois que la mort n'a pas d'égards pour l'homme illustre, bien qu'il soit honoré dans toute réunion d'ici-bas.
10. Par ta vie! je ne sais pas, — et j'en ai peur, — si la mort arrivera aujourd'hui ou demain.
11. Alors, si elle est derrière moi, ma personne ne lui échappera pas, et si elle est devant moi, je la trouverai dans une embuscade.
12. Si tu ne fais pas profiter de ton amitié celui qui l'a méritée et si tu ne fais pas souffrir à ton ennemi le malheur, péris donc!
13. Par ta vie! les jours ne sont que prêtés; en conséquence, fais de leurs bienfaits la plus grande provision que tu pourras.
14. Il n'y a rien de bon dans un bien sous lequel se cache quelque mal, et aucun don ne t'arrivera, si tu es lent.
15. Ne demande pas après l'homme, regarde son ami, car les amis s'imitent l'un l'autre.
16. Mon parent ne craint pas mon impétuosité tant que je vis, et moi je ne suis pas troublé par l'impétuosité de celui qui menace.
17. Et certes, si je le menace ou si je lui fais une promesse, je n'exécute pas la menace, mais j'accomplis ma promesse.
1. Et plus d'une mauvaise parole m'est venue de la part d'un ami, et je l'ai repoussée par une parole amicale demandant son pardon.
1. Et certes, Bakr sait que nous avons de blancs visages et que nous sommes sereins dans un malheur.
2. Ils sont les princes, les maîtres de la générosité et les -chefs des hommes dans une affaire difficile.
3. Le peigne disparait dans les boucles de ses cheveux, et lorsqu'elle les laisse tomber, ils roulent dans la poussière.
4. Fréquente les hommes avec un esprit large; ne sois pas comme un chien grognant contre les hommes.
5. Elle est corpulente quand elle avance; son corps est gros, ses hanches sont larges, c'est une chamelle charnue.
1. Elle fend les régions du désert comme le couteau d'Al-Ma'în fend le cuir.
2. Elle marche avec rapidité, il y a de l'espace entre ses pieds, et quand elle recule les mains ont de la peine à la retenir.
3. Elle ressemble à une vache sauvage parmi les animaux d'Inbita, derrière laquelle tourne son petit.
4. S'il y en avait un parmi nos rois qui nous eût donné autant que tu nous donnes!
1. Il vit son aspect [à elle] dans la vallée de Tabâla, et la provision qu'il avait sur lui était une chose comme l'aloès ou plus amère.
2. Elle resta à Az-Za'râ' un jour et une nuit; les vents y apportaient tour à tour l'eau et la pluie.
1. De la famille de Laila ont disparu As-Sahb, Al-Amlâh et Al-Gamr,
2. 'Ark et Ar-Rimâh ; et Al-Liwâ est vide d'habitants.
3. Ainsi qu'Oubli jusqu'à Al-Gazâ, Al-Ma'wâni et Al-Hadjr,
4. Les eaux de Dana, An-Nadjd, As-Sahrâ' et An-Nasr.
5. [Tous ces lieux sont devenus] un désert, où paissent les buffles, les autruches et les démons.
1. Un homme comme moi, sache-le, ô Oumm 'Amr! toutes les fois qu'un voyage lointain s'impose à lui.
2. Laisse ceci et accable An-Nou'mân de paroles injurieuses pareilles au coup de la hache, quand bien même il entre dans les plateaux élevés ou dans les terrains bas.
1. Comme un chien de Tasm, — il l'a élevé en en lui donnant à boire du lait à la fin de la nuit, —
2. Il secoue le chien pendant la journée, à moins que celui-ci ne lèche le sang et ne morde avec les dents.
3. Dissipe les soucis qui t'assaillent pendant la nuit, comme tu brises avec un coup de ton épée l'os saillant du crâne du cheval.
4. Certes, les plus méchants des rois et ceux d'entre eux qui sont plus vils que la saleté, tous ont su—
5. 'Amr, Kâboûs et le fils de leur mère, — qui leur amènerait un prisonnier d'ignominie.
6. C'est celui dont l'injure n'est pas redoutée, qui viendra. 'Amr et Kâboûs sont deux chanteuses de noce.
7. 'Amr se trouve au matin préposé aux affaires, et il a agité quelque chose devant les hommes comme un cheval.
1. Le jour il est le roi, il s'amuse comme un mâle, mais la nuit on monte sur lui à la manière des boucs.
2. Celui qui marche devant eux a fait lever des oiseaux gisants, dont la voix ressemble au jargon des Perses.
1. De tes deux mains, l'une fait espérer le bien et l'autre s'irrite contre ses ennemis.
2. Quant à celle dont on espère le bien, elle est plus généreuse que la mer.
3. Quant à celle dont le mal est à craindre, elle vomit le poison du combat.
4. Quand elle pique et que son poison coule, celui qui est piqué, périt.
1. Par ma vie! une troupe d'animaux de mauvais augure est passée, et un peu avant l'aurore est passée une gazelle aux cornes très acérées.
2. Et une aigle à queue courte battit des ailes, semblable, malgré l'aurore, à un vieillard couvert d'un voile d'étoffe rayée.
3. Tu ne refuseras pas un moyen de vivre à un serviteur qui l'obtiendra. Est-ce que ton malheur dépasse ce que l'on puisse attendre?
1. Il me suffit, pour accomplir une chose qui me préoccupe, d'un voisin semblable à celui du Houdhâkite, qui est un homme distingué.
2. O homme d'expérience et homme averti ! plût à Dieu que votre voix fût sous la terre lorsque l'amour vain m'a quitté!
1. Je ne m'attaque pas aux poésies pour les piller, je peux m'en dispenser ; le pire des hommes c'est celui qui vole.
2. Et certes, le meilleur vers est celui que tu composes toi-même; un vers dont on dit : « Il est bon, » lorsque tu le récites.
1. Et je n'ai pas cessé de boire du vin jusqu'à ce que mon ami m'ait traité de méchant et que quelques-uns d'entre eux m'en aient blâmé.
1. Qui annoncera aux tribus de Bakr, fils de Wâ'il, que le fils de 'Abd, ne marche pas à pied, mais chevauche
2. Sur une chamelle, sur le dos de laquelle un étalon n'a jamais monté, et dont les côtés ont été émondés par des faucilles?
1. Par ta vie ! tu ne connaîtras pas les calamités au moyen de calculs divinatoires, et les femmes qui consultent les augures au moyen des oiseaux, ne savent pas ce que fait Allah.
2. Les âmes des hommes se reconnaissent lorsqu'elles se rencontrent; parmi elles se trouvent des ennemis à craindre et des amis.
3. Et combien y verras-tu d'hommes impétueux et robustes, mais qui n'ont pas d'intelligence au moment d'exécuter les entreprises?
4. [Tu y verras] aussi des hommes faibles, sans vigueur, s'en remettant à autrui, et ceux-là sont habiles à réconcilier les discordes.
C'est un persévérant, qui, au sommet des collines enlève la saleté de ses jambes avec le sabre ébréché.
1. Elles domptent, dans toute discussion, les gens au caractère difficile, bien que leurs cous n'aient pas été sans ornements.
1. Que son corps serait au bas de la vallée d'Ahalla dont les loups et les filets le déchireraient.
1. Certes, la troupe a préparé avec ardeur son départ, et c'est pourquoi ses chameaux ont été bridés un matin.
2. Je les connais pour avoir gravi les chemins ardus, les plus vils d'entre eux guidant leurs montures les plus difficiles.
1. Le jour où aucune femme ne cachera son visage, considérant les héros ses oncles maternels et ses cousins paternels.
1. Tu as fait du bien lorsqu'ils furent à la tête de leurs biens héréditaires ; ainsi agit celui qui fait du bien le premier.
1. Il se rappela Ar-Rabâb et son souvenir le rendit malade ; il en devint amoureux et celui qui est amoureux n'a pas de calme.
2. Lorsque son fantôme vient me visiter, mon œil est blessé et l'eau de ses glandes lacrymatoires tombe goutte à goutte.
3. Je vois une maison qu'elle a dans Agdirat as-Sidân et dont les traces ne sont pas effacées.
4. Il n'y a que de la cendre pourrie; des montagnes noires en écartent les vents.
5. La femme qui me blâme dit — elle n'a aucune connaissance ni du lendemain ni du jour suivant :
6. « Certes, la richesse est l'éternité, et c'est la pauvreté qui rend pénibles les jours de l'homme. »
7. Mais même si j'avais bâti à côté d'Al-Mouschakkar sur une colline pierreuse, là où les chamois ne peuvent pas atteindre,
8. La mort m'y surprendrait quand même ; certes, il n'y a pas de jugement contre celui d'Allah.
9. Les lits des torrents de Dhoû-Dâàl n'en ont pas été dispensés ni 'Oukab ni Az-Zoukhm.
10. Est-ce toi qui as coupé les liens de la tribu lorsqu'ils les ont coupés? O mon ami ! ce sont eux qui ont rompu les liens.
11. Les hommes vils ont le caractère ainsi fait : lorsque tu les aimes, ils éprouvent du dégoût.
1. Nous occupons une colline au milieu de laquelle les hommes vils ne sont pas admis; celui qui réclame notre protection s'y réfugie et y est protégé.
2. Quelle est l'armée dont nous n'avons pas ramené le butin, ou dont nos épées n'ont pas distillé le sang de ses héros ?
1. Mes félicitations pour la prostituée qui, dans la tribu, a suspendu un collier et qui au-dessus a suspendu des drapeaux.
1. Le mal commence parmi les hommes par une très petite chose, mais l'auteur d'une guerre ne te la fera pas éviter.
1. Ce que j'ai caché et ce que j'ai dit n'a pas cessé d'exciter mon amour, au point que mon œil pleurant versait des larmes.
2. Toutes les fois que tu désires faire quelque chose, va droit au but, laisse la lenteur, en l'évitant à la façon d'un prophète.
3. Que l'oiseau ne t'empêche pas de faire ce que tu veux, car ce que tu subiras a été écrit sur les tablettes.
[1] Né à Santa-Maria, en Espagne, en l'année 410 de l'hégire (1019-1020) ; frappé de cécité, il mourut à Séville vers le milieu du mois Dhoù 'l-Ka'da de l'année 476 (fin de mars 1084). Voyez Kitab as-sila d'Ibn-Baschkouwal (n° 1391), publié par Codera dans la Bibl. Arab. Hisp., Madrid, 1883, le Ta'rikh al-islam d'Adh-Dhahabî, manuscrit Or. 50 (Cat. 1638), du British Museum (fol. 154), et le Tabakat an-nouhât, manuscrit n' 2119 de la Bibliothèque Nationale de Paris (fol. 222 V).
[2] Celui qui a la lèvre supérieure fendue.
[3] Voyez le Diwân de Zouhair, avec le commentaire d'Al-A'lam, publié par M. le comte de Landberg dans Primeurs arabes, t. II. Leyde, 1886-89.
[4] Le deuxième poème a été aussi traduit en français par M. de Slane dans le Journal Asiatique, sér. III, t. 5, p. 450. La traduction latine a été faite par M. Vandenhoff dans Nonnulla Tharafae Carmina. Berlin, 1895.
[5] Ces deux manuscrits ont été décrits tout d'abord par M. de Slane, dans la préface de son édition du Diwân d'Imrou'ou 'l-Kais, p. xi-xiv, et ensuite par notre maître, M. Hartwig Derenbourg, dans l'avant-propos de son édition du Diwân de Nâbiga, p. 1. Il mentionne aussi le second manuscrit dans la préface de son édition de Sîbawaihi, p. xxxvi.
[6] Mort en l'année 494 de l'hégire (1100 de l'ère chrétienne) ; cf. Kitab as-sila (n° 966) d'Ibn Baschkouwal dans la Bibl. Arab. Hisp., éd. Codera, Madrid, 1883, et Kitab Tabakat an-noubât d'As-Souyoûtî, fol. 136 v°. Seulement ce dernier porte 194 au lieu de 494.
[7] Il n'est tenu compte ni du mot Kitab ni de l'article Al dans l'ordre alphabétique.
[8] Je tiens à remercier M. Ig. Guidi, de Rome, d'avoir bien voulu m'envoyer d'avance l'Index du Kitab al-Aghani, contenant les citations de Tarafa.
[9] Iskander Agi, Rauda, 86.
[10] XXI, 192, 193-196, 201, 202.
[11] Ibn Al-Athir (éd. Tornberg), I, 395, et Aboulféda, Historia ante-islamica (éd. Fleischer), p. 192, le mentionnent seulement en passant.
[12] Cf. Hartwig Derenbourg, Le Diwân de Nabiga, p. 17.
[13] Iskander Agâ (Rauda, 189) dit que la mort de Tarafa eut lieu environ 70 ans avant l'apparition de l'Islam, c'est-à-dire 12 ans plus tôt.
[14] Aghani, V, 189.
[15] Diwân, ix, 1.
[16] Aghani, XXI, 187, Al-Mougni, f. 164 r°. D'après B, Warda était de la famille de Malik ibn Doubai'a, cependant, comme elle était sœur d'Al-Moutalammis, elle était forcément d'une autre tribu. Voici la généalogie de ce dernier d'après Aghani et Ibn Douraid : Al-Moutalammis ibn 'Abd Al-'Ouzzâ (ou Abd Al-Masîh) ibn 'Abd Allah ibn Zaid ibn Daufan ibn Harb ibn Wahb ibn Djoulay ibn Ahmas ibn Doubai'a ibn Rabi'a ibn Nizâr, sans qu'on y rencontre de Malik. A moins qu'on ne suppose que Warda était seulement une sœur utérine d'Al-Moutalammis.
[17] Diwân, i, 71, 93. Considérant probablement le nom de Ma'bad comme une altération de Al-'Abd, Ibn Kalbî dit que Ma'bad était le père de Tarafa. Je crois qu'il a raison pour le vers 93, car Tarafa s'adresserait plutôt à sa sœur qui était poète qu'à sa nièce, lorsqu'il lui demande de faire une élégie sur lui après sa mort, à moins que le nom de Ma'bad dans ce vers ne soit une faute.
[18] Diwân, xi, 2. L'édition du Père Cheikho porte . D'après la poésie vi, Warda avait d'autres enfants plus jeunes que Tarafa, et Ma'bad, qui était beaucoup plus âgé que lui, n'était que son frère consanguin.
[19] Lisàn al-'Arab, XI, 365.
[20] Son Diwân est publié également par le P. Cheikho dans Les Poètes arabes chrétiens, I, 321-27. Il vient d'être édité séparément par le même, avec un savant commentaire.
[21] Tout cela est raconté dans Aghani, XXI, 202-203; Caussin, Essai, II, 343; Reiske, Prologus, p. 44; Vullers, Prolegomena, p. 3-4.
[22] Khizânat al-adab, I, 417 ; Lisân, VII, 87, et Sahâh (). Ibn Noubâta les attribue à Koulaib ibn Rabi'a. Cf. Reiske, Prologus, p. 83, et Vullers, Prolegomena, p. 2-3.
[23] Bien que Tarafa fût volage, on peut admettre qu'il aima particulièrement une femme, celle qu'il nomme au début de quelques-unes de ses poésies, à la manière des poètes de l'époque.
[24] B dit qu'elle était de la famille de Malik ibn Doubai'a, c'est-à-dire de la môme famille que Tarafa; mais dans la poésie vi, où il parle de Khaula, le vers 10 commence avec les mots , par conséquent le Malik auquel Khaula est attribuée n'est pas de la tribu de Bakr, mais de celle de Tamîm.
[25] Les incursions déprédatrices étaient considérées par les Arabes comme des titres de gloire.
[26] Pour cette guerre, voyez Al-'Ikd al-farid, III, 95 et suiv.
[27] C'est à ce chef que Tarafa fait allusion dans les vers 3 et 4 de la poésie xiii. Cf. Al-'Ikd al-farid, III, 99.
[28] Il dit que les chameaux appartenaient à tous deux et qu'ils les menaient paître alternativement. Cependant, Tarafa en parlant de ces chameaux, dit toujours qu'il s'agit des chameaux de son frère.
[29] D'après le Père Cheikho, Khirnik, sœur de Tarafa, n'était pas la femme de 'Abd 'Amr, mais de son père Bischr.
[30] 'Amr ibn Hind favorisait les poètes; aussi, ayant reconnu le talent poétique de Tarafa, l'accueillit-il de môme qu'il avait accueilli Al-Moutalammis.
[31] Vullers, d'après Al-Moufaddal. Cette histoire est racontée d'une autre façon par Ibn Noubâta : Un jour, le roi, étant en chasse avec 'Abd 'Amr.lui dit d'aller rapidement ramasser le gibier. 'Abd 'Amr exécuta l'ordre du roi et, comme son embonpoint le rendait peu léger à la course, il revint essoufflé. Alors 'Amr ibn Hind lui dit : « Il parait que ton beau-frère t'a vu autrement, » etc. B rapporte simplement que le roi, ayant regardé les hanches de 'Abd-'Amr, dit : « Il paraît, » etc.
[32] B ; Aghani, XXI, 193 ; Caussin, Essai, II, 350. Lui et Aghani en concluent qu'Al-Moutalammis, malgré son grand talent de poète, ne savait pas lire. Mais, bien que la chose paraisse vraisemblable, on peut supposer qu'Al-Moutalammis, n'ayant pas voulu briser le sceau royal, l'a fait briser par un autre.
[33] Aghani, XXI, 193; Caussin, Essai, II, 350.
[34] On peut supposer qu'il a composé dans la prison la poésie vi de Y Appendice.
[35] Le Kitab al-Aghani, XXI, 202, donne le nom de celui qui a présidé à sa mort : c'est, d'après Ibn Al-Kalbl, Ma'dad ibn 'Amr et, d'après un autre, Abou Rîscha, un des fils de 'Abd Al-Kais. Hammer Literatur geschichte, I, 303, donne son nom Mou'âwiya ibn Mourra Al-Aifilî.
[36] Appendice, iv, 43, 53 ; Supplément, xxvii, 1, 2. Mais d'après Hammer, ibid., Inc. cit., on lui coupa les mains et les pieds et on l'enterra vivant. Iskander Agâ (Rauda, p. 189) raconte que l'on tua aussi le premier gouverneur.
[37] D'après deux vers, Diwân, x, attribués à sa sœur, Tarafa avait 26 ans quand il fut tué; mais il a été appelé par Djarîr (Aghani, VII, 130) et par Al-Akhtal (ibid., 175) « l'homme de 20 ans »; d'autres enfin ont supposé qu'il avait seulement 18 ans.
[38] Il se peut cependant que le nom de son père « le serviteur » soit une forme abrégée: un nom de divinité devait y être exprimé.
[39] Ibn Douraïd, Al-Ischtikâk, p. 192.
[40] Diwân, i, 80. Ici il l'appelle ; ailleurs (xv, 2) le nom de la divinité a dû être changé par le copiste musulman en celui d'Allah. Quant au mot « seigneur », il est possible, comme c'est un terme général, que Tarafa s'en soit servi pour invoquer sa divinité.
[41] Diwân, xi, 1. Je crois que ce vers prouve suffisamment qu'il était païen ; car on ne faisait de sacrifices dans aucune des trois religions ci-dessus mentionnées.
[42] Tarafa prouve plusieurs fois dans ses poésies qu'il attachait une grande importance aux serments ; voir Diwân, i, 83 ; v, 11, et ici.
[43] Diwân, xv, 2. Cette malédiction est analogue à celle que l'on trouve dans les Psaumes, iii, 8.
[44] Diwân, xix, 1, dans la supposition que cette poésie est de Tarafa.
[45] D'après le Kitab al-asnâm. d'Ibn Al-Kalbî (Khizànat al-adab, III, p. 242 ; Lisàn al-'Arab, IX), il y avait chez les Bakrites une idole nommée, 'Aud; cf. les diverses acceptions du nom propre dans la Bible.
[46] Ou bien à sa sœur.
[47] B, fol. 195 r°.
[48] Cette poésie est la moallaca.