Alathyr

SÉLÂMA BEN DJANDAL

 

DIWAN

 

Traduction française : Mr. CL. HUART

Oeuvre numérisée par Marc Szwajcer

 


 

LE DIWAN

DE

SÉLÂMA BEN DJANDAL,

 

POÈTE ARABE ANTÉ ISLAMIQUE,

PAR

M. CL. HUART.

 

Extrait du Journal Asiatique, janvier-juin 1910

 

La bibliothèque de la mosquée de Sainte-Sophie, à Constantinople, possède un manuscrit portant le numéro 4904, ; ainsi décrit dans le catalogue en langue turque publié en 1304 de l'hégire, p. 335 : « Recueil de trois traités : 1° Bozough el-hilâl fi'l-khiçâl el-moûdjibè lizh-zhalâl,[1] calligraphié par Djélal-eddin 'Abd-er-Rahman es-Soyoutî; dos, tables, pauses, têtes de chapitre ornés et dorés; 2° Un traité sur les Apophtegmes de l'imâm 'Ali rangés suivant l’ordre de l'alphabet, calligraphié par Yousouf Chahroûdî; table et pauses dorées; 3° Un livre dans lequel se trouvent les poésies de Sélâma ben Djandal es-Sa'di, calligraphié par 'Ali ben Hilal; dos, table, pause et signature du calligraphe dorés. »

C'est ce troisième traité qui nous intéresse. Celui qui l’a calligraphié est 'Ali ben Hilal, plus connu sous le surnom d'Ibn-Bawwâb « fils du portier », parce que son père avait exercé ces fonctions dans un des palais des Bouïdes,[2] l'un des créateurs de la calligraphie arabe. Habib-Efendi, dans son Khatt u Khatâtân, qui a servi de base à mes recherches sur les calligraphes et les miniaturistes, dit que cette copie a été faite en 408 (1017) et que, contrairement aux énonciations du catalogue, les apophtegmes d’Ali, composés par Yousouf Châhroûdi, ont été tracés par la main de Yakout Mosta'çémî.[3] J'ai fait copier le dîwân de Sélâma ben Djandal, qui me paraît un exemplaire unique du recueil des poésies de ce poète antéislamique; je saisis l'occasion de remercier un de mes anciens élèves, M. Vadala, aujourd'hui interprète de l'Ambassade de France à Constantinople, pour le concours empressé qu'il m'a prêté en cette circonstance. Voici la description du manuscrit telle qu'elle m'a été fournie dans une note en langue turque (traduction):

Le diwân arabe de Sélâma ben Djandal, inscrit sous le numéro 4904, parmi les recueils factices, dans la troisième partie du catalogue de la bibliothèque de Sainte-Sophie, a été écrit en 408 par Ibn-Bawwâb. Cet Ibn-Bawwâb était élève d'Ibn-Moqla, qui est l'inventeur de l'écriture thuluth. Cet ouvrage se compose de soixante-une pages, dont chacune renferme deux vers. Ceux-ci sont tracés en caractères thuluth ; quant aux commentaires qui accompagnent les vers, ils sont écrits en naskhi. Si l'on ne veut pas reculer devant la dépense, on peut photographier ce manuscrit, de manière à en avoir une reproduction belle et identique à l'original. Cette déclaration est formulée par quelqu'un qui a vu de ses propres yeux le manuscrit susdit.

Le peu que l'on sait de Sélâma ben Djandal a été recueilli par Ibn-Qotéïba, qui s'exprime en ces termes:[4] « Il appartient à la tribu des Bènou-Amir (b. 'Abîd b. el-Hârith b. 'Amr b. Ka'b b. Sa'd b. Zéïd-Manât b. Témîm); il est de l'antiquité antéislamique et faisait partie des chevaliers de la race de Témîm dont on tient compte. Son frère, Ahmar ben Djandal, était également du nombre des poètes et des chevaliers.[5] 'Amr ben Kolthoum fit une incursion contre un campement des Bènou Sa'd (b. Zéïd-Manât) et emporta un butin considérable, au milieu duquel se trouvait Ahmar ben Djandal. Sélâma est l'un de ces poètes qui ont magnifiquement décrit les chevaux. La plus belle de ses compositions est l'ode où il dit : ... » (suivent les vers 1 et 9 de la pièce I ci-dessous, puis les trois vers de la pièce VII). A la page 141, Ibn-Qotéïba avait cité le vers 15 de la pièce III, avec des variantes que nous étudierons.[6]

Les Mofaddaliyyât (dans l'édition de Thorbecke, p. 96 à 98 du texte arabe) donnent, sous le numéro 20, une qaçîda de cinquante vers correspondant à la pièce I, mais beaucoup plus longue, puisque celle-ci, dans le manuscrit de Sainte-Sophie, ne renferme que 28 vers. Le Khizâna (II, 85) n'attribue à cette ode, qu'il dit insérée dans les Mofaddaliyyât, que trente-deux vers. Il est permis de douter de l'authenticité d'un grand nombre de ceux que l'on a pu rajouter à l'ode pour la rallonger; Thorbecke avait déjà fait la même remarque (p. 53 des notes).

Le Hamâsa d'Abou-Temmâm ne cite qu'un seul vers de Sélâma, p. 7 de l'édition de Freytag et une seconde fois p. 57; c'est le vers I, 25 du dîwân. Bekri, dans son dictionnaire géographique, en reproduit quelques-uns, notamment III, 9, 10, 15 et 40. Le R. P. Chéïkho, dans son anthologie des poètes chrétiens, a inséré une notice sur Sélâma (p. 486-491) où il donne en entier et dans le même ordre la qaçîda citée par les Mofaddaliyyât, plus des fragments de la pièce III empruntés à divers auteurs, et quelques vers isolés dont l'attribution est plus que douteuse, il ajoute, p. 491, que Sélâma est mort en 608 de l'ère chrétienne, sans nous informer de la manière dont cette date a été obtenue. Nomân III ben el-Moundhir, chanté par le poète, étant monté sur le trône vers 580[7] et ayant régné vingt-deux ans, ce qui porte à 602 la date de sa mort, celle qui est indiquée pour Sélâma reste vraisemblable.

Sélâma est appelé et-Tohawi dans la table des matières du Kâmil d’el-Mobarrad, éd. Wright; cette information repose uniquement sur l'un des manuscrits de Cambridge, qui est moderne et en général mauvais; bien que Tohayya soit un batn de la tribu de Témîm, aucune indication de bonne source ne permet d'attribuer, avec apparence de raison, cet ethnique à ce poète arabe. Tohayya est fils d’Abd-Chems, autre fils de Sa'd et frère de Ka'b; c'est un de ces ancêtres éponymes dont la postérité est interrompue, ce qui est dire que la tribu qui était censée en descendre ne jouissait d'aucune considération au point de vue du nombre. Cette indication isolée est néanmoins intéressante: elle est l'indice d'une filiation entièrement différente de celle qui a été donnée plus haut.

Sélâma était-il chrétien? Le R. P. Chéïko, sans preuves, l'a rangé parmi ceux-ci dans son recueil. La preuve que le savant arabisant de Beyrouth avait raison est fournie par le dîwân, I, 11, et surtout III, 36.

Le dîwân de Sélâma se compose de neuf pièces, odes ou fragments, de longueur inégale; la première compte 98 béïts, la seconde 35, la troisième 60, la quatrième 15, la cinquième 2, la sixième 3, la septième 3 également, la huitième 4 et la neuvième 3. Le numéro X renferme cinq hémistiches en radjaz d'el-Ahdab ben Akhi Rabi'a ben Djérâd, qui ont fourni à Sélâma l'occasion de composer l'ode n° III.

L'ordre des vers de la pièce n° I est différent dans les Mofaddaliyyât-Chéïkho; ils sont, dans ces deux publications, rangés de la façon suivante : 7, 8, 9, 50, 19, 20, (21, restitué), 22, 24, 23, 27, 36, 28, 29, 31, 34, 32, 35, 43 (le vers n° 20, qui devrait venir ici, n'a pas de correspondant), 13, 14, 15, 45, 46, 17, 18, 27, 24.

De la pièce III, Chéïkho ne donne que les vers nos 1, 2, 9, 10, 28, 29, 16, 22, 32, plus, à un autre endroit (p. 486), le vers 38.


 

I

Ma jeunesse aux prouesses merveilleuses a disparu, elle qui fut si louée; elle a disparu, et c'est là une course[8] qu'il est impossible de suivre !

Elle s'en est allée bien vite, et cette vieillesse qui m'accable se mettrait à sa poursuite si la marche précipitée des perdrix[9] pouvait l'atteindre !

Elle a disparu, ma jeunesse dont le résultat était une gloire pour moi; nous y prenions plaisir, car la vieillesse n'en a point[10] !

Elle avait deux jours [de bons]; l'un était le jour des assemblées et des réunions, l'autre celui de la marche à l'ennemi, la marche en plein jour.[11]

(5) Et quand nous ramenions nos chevaux, au retour, sur le chemin qu'ils avaient déjà parcouru, leurs sabots usés à force de marcher,[12] soit au début, soit au retour.

Alors que les chevaux à la course rapide étaient couverts de ruisseaux de sang qui faisaient ressembler leur encolure aux pierres debout, lors du mois de Radjab, époque des sacrifices.

Tel tout cheval noble lorsque sa croupe est couverte de sueur, sa peau claire, sa ganache longue, son galop prolongé.[13]

Il n'a point le chanfrein bossué, ni une mèche de crinière maigre, ni des pieds et un corps exténués : il est l'hôte privilégié auquel on fait boire le lait, a l'exclusion des gens de la tente; il est bien dressé.[14]

Puis son garrot vers un cou allongé, sur un poitrail teint comme la pierre qui sert à piler les parfums.[15]

(10) La graisse se montre en lui tandis qu'il cherche à dépasser la foule des concurrents: il donne les différentes espèces de course et de galop.[16]

Il court du même pas que les chevaux tais dont les lèvres sont verdies (par l'herbage printanier), il dépasse son compagnon d'une première course, sans avoir besoin d'être frappé.

Que de pauvres elle[17] a, par la permission d'Allah, rendus riches, et de possesseurs de richesses qu'elle a logés dans la maison de celui qui a été ruiné !

Elle est de ces montures qui dans le combat mettent leur cavalier au premier rang, quand on en est dégoûté, au milieu des coups d'estoc, et qui sauve tous ceux qui sont attristés de la défaite.

La race de Ma'add a conçu de mauvaises pensées à notre égard: mais les coups d'estoc et de taille l'ont repoussée loin de nous, sans ramper,

(15) Grâce a nos sabres de Machârif[18] et à nos lances de bambou dont les pointes sont polies, dont le tiers supérieur est plein et dont les nœuds sont solides.[19]

Les jeunes gens de l'attaque matinale, qui ne sont ni des métis[20] ni nègres de basse condition, polissent les pointes des lances.

Le nafâq[21] a redressé leurs bambous, qui sont fermes, se sont peu courbes quand on les a rendus pointus et qu'on les a emboutis.

Ces lances, dans les mains des hommes de la tribu, au jour de la rencontre, on dirait que c'est les longues perches qui servent à tirer l'eau des puits ou les longues cordes de l'aiguade de Matloûb.[22]

Chacune des deux troupes, leur partie haute et leur partie basse, est fendue par nos lances, sans temporiser.

(20) J'ai trouvé que les Bènou Sa'd, dans leur supériorité, étaient des foudres de guerre qui tombaient sur leurs ennemis comme des sabres acérés.

Leur généalogie les rattache à la tribu de Témîm, défenseur des pâturages ouverts;[23] mais tout homme doué d'un mérite personnel est noble parmi le monde.

Ce sont des gens dont les tentes, quand l'année est stérile et le ciel toujours sans nuage et sans pluie,[24] sont l'honneur de l'homme avili et la demeure de tout pauvre.

Ce qui les sauve des calamités du malheur, lorsqu'elles deviennent effroyables, c'est la patience qui leur permet de les supporter, et le nombre [de leurs bienfaits], qu'on ne saurait compter.[25]

Lorsque le vent venant de Syrie soufflait, nous allions camper dans toute vallée dont le fond était couvert du bois, si méprisable qu'elle fût[26] ».

(25) Dans cette vallée, les endroits où s'agenouillent les chameaux sont tout dénudés, les ruisseaux tout effacés, la terre vole en poussière: il y pleut très peu, les pâturages trop fréquentés y ont disparu.[27]

Nous étions tels que si un homme venait tout craintif implorer notre secours, la réponse à ses cris était de frapper l'os de la jambe (de nos chameaux, pour qu'ils s'agenouillassent, que nous pussions les monter et partir en guerre à la défense de notre protégé).[28]

De sangler la selle sur une chamelle robuste et rapide, de placer le feutre sur le dos d'une jument au poil court et longue de taille.[29]

On dit : Le parc où sont enfermés ces chameaux est plus près de la prairie au pâturage libre, quand même toute chamelle que l’on trait courrait l’une après l'autre avec son peu de lait.[30]

Jusqu'à ce qu'ils nous ont laissés, tandis que nos femmes n'étaient pas détournées de leur route, car elles ont pris le chemin entre les terres cultivées d'El-Khatt et les pierres volcaniques.

II

La caravane de l'objet aimé a traversé rapidement les stations: il y reste des traces, des marques du campement.

Le vêtement dont les ont recouvertes les vents qui poussent les dunes de sable, ainsi que le temps, les ont effacées; elles ont été laissées comme une page blanche tout usée.[31]

Elles appartenaient à la femme des Bènou-Hâritha, avant que leur projet ne les eût éloignés, et pourtant elle ne désirait pas m'abandonner.[32]

Que de fois l’on a vu passer le nuage nocturne traînant les pans de sa robe,[33] semblables au balancement des autruches suspendues par le cou.[34]

(5) C'est une nuée qui vient d'Egypte, d'entre le Nord et l'Ouest[35] ; la pluie qu'elle a versée a passé à Ichâba, puis à Zaroûd, et enfin à El-Aflâq.[36]

Elle a forcé la porte des demeures des brebis qui ont récemment mis bas et qui sont tombées sur les genoux et les cornes.

Tu vois les rigoles de tout canal d'irrigation dérivé du torrent, que les ruisseaux se hâtent de remplir.[37]

On dirait que tout ruisseau de torrent de chaque plaine est orné de ces lambeaux de vêtements de laine qu'il est d'usage d'attacher aux arbres à feuilles hadab.[38]

Provenant des tissus de Bostra et de Ctésiphon exposas pour la vente le jour où Ton se présentait aux marches.

(10) J'y ai arrêté ma chamelle qui a poussé des plaintes; car de toute son âme elle désirait repartir au soir.

De sorte que, si elle ne les avait pas divisés en différents torrents, cette nuée aurait été assez vaste pour contenir, dans sa poussière, les vents de l’été.[39]

J'ai envoyé une chamelle rapide, dont ou dirait que ses poils d'en bas sont devenus noirs par suite de la maigreur.[40]

C'est un âne amaigri, le printemps lui a enlevé son manteau: il crie fort dans les ténèbres, répondant à tout braiement.

Rejeton des ânesses sauvages de Dinâ,[41] c'est pour lui que se couvrent de feuilles les plantes dahmâ des plaines, et il persévère au milieu des bêtes amaigries.

(15) Il pousse, de son museau et de sa veine jugulaire, des cris comme s'il était pris d'un étranglement quand il module, au milieu de la nuit

Au milieu d'un troupeau d'onagres maigres, dont la maigreur a repoussé les poulains, minces comme les arcs qui servent à lancer les flèches dites sirâ.[42]

On dirait que sa salive, lorsque tu l'éveilles, est une coupe de vin que l'échanson décante pour la présenter.

C’est un vin si pur que tu aperçois derrière lui le fond du vase: il enlève la raison de l'homme avant tout sanglot.

Il oublie, pour ce plaisir, sa noble pétulance;[43] il reste plongé entre le sommeil et les paupières baissées.

(20) Tu vois les brebis marcher de façons diverses, comme marchent les chrétiens Ibadites de Hîra dans leurs bottes épaisses.[44]

Elles broutent des herbes abondantes encore couvertes de la rosée nocturne, ainsi que les plantes, y comprit leur pédoncule et leurs lianes.[45]

Je suis descendu au milieu des plantes sur lesquelles la rosée était tombée; elles en mangent le reste du bout des lèvres.

Il a dirigé les premiers arrives dont la conversation est le prix du gagnant et la mention du pari mutuel et de la course de chevaux.[46]

Tellement que, lorsque arrive le héraut qui proclame la guerre, c'est comme s'il voyait un lion : [sa bouche se contracte et] les dents de sagesse du poltron s'allongent.

(25) Ils ont revêtu toute cuirasse ample en tant que cotte légère de mailles, qui brille comme la surface d'un étang agitée par les vents,

Étoffe tissée par Daoud et la famille de Moharriq[47] dont les faits extraordinaires se racontent dans les différentes contrées.

Je leur ai donné mon âme, en même temps que ma chamelle à la rotule ferme, au poil ras, se laissant contraindre au combat, et ayant des os tarqoû'a.[48]

Comme une ânesse au poil ras; contre la crainte de la perdre vous garantissant un doux remède et la plus noble des origines.[49]

Elle dépasse les meilleurs coursiers, qui reconnaissent leur défaite ; quand ce sont eux qui dépassent, elle les rejoint de la meilleure façon.

(30) Une lance au bois plein et dur, ressemblant aux lances de Rodéïna, est entre les mains d'un jeune combattant généreux.

C'est un vaillant qui charge l'ennemi près d'être rejoint, et qui énumère sa généalogie, lorsque [par peur] ne concordent plus les deux parties de la coche[50]

Je suis un homme de la troupe de Sa'd,[51] dont les pointes sont acérées au jour de toute rencontre.[52]

Ils ne regardent pas, lorsque la troupe armée s'approche, à la façon oblique des chameaux tourmentés par les désirs.

Ceux qui sont présents suffisent à remplacer les absents,[53] et leur affaire s'accomplit sans rupture de pacte ni dissension.

(35) Les chevaux savent bien qui sont ceux qui humectent leurs cous d’un sang qui ressemble à la résine du sang-dragon répandue à terre.

III

A qui appartiennent ces traces de campement, semblables à un livre élégamment tracé, trouvé dans une localité déserte entre Eç-Çoléib et Moutriq?[54]

Un écrivain, avec son encrier, y a employé ses peines; il se présente nouvellement à l'œil comme une page blanche toute fraîche.[55]

Elles appartiennent à Asmâ, qui, lorsqu'elle désire te rencontrer, est semblable à une gazelle à tache blanche, de celles qui donnent le musc, tendant le cou et regardant.[56]

Elle a, à Qirân eç-Çoulb, des plantes qu'elle broute: et si elle s'avance dans les dunes de sable, cela lui plaît.  

(5) Je ne me suis arrêté que le temps nécessaire pour qu'elle répondit à une interrogation; est-ce que les durs rochers comprendront jamais mon discours?

J'ai passé la nuit comme si les tournées de la coupe avaient été prolongées[57] en m'apportant la liqueur claire que présente le vin clarifié.

Son parfum rappelle les effluves du musc dans la nuit, quand il est décanté dans le pot que tient un échanson aux cheveux crépus, à In taille entourée d'une ceinture.

Pourquoi pleurer sur des vestiges qui n'ont qu'une année d'existence, et vides, comme un vêtement usé du Yémen tombant en morceaux?[58]

Allons ! nos nouvelles sont-elles parvenues aux gens de Mârib comme elles l'ont été à Khawarnaq?[59]

(10) A savoir que nous avons défendu nos femmes à la bataille d'El-Faroûq[60] et que nous avons tué ceux qui sont venus nous attaquer à Molzaq.[61]

Ces nouvelles, ce sont les chamelles jaunes et les noires[62] qui les feront parvenir aux deux fractions de Ma'add, celle du Tihâma et celle de l'Iraq.

[Elles leur apprendront] notre séjour dans un pays qui n'est pas tranquille, et notre rencontre avec l’année semblable à un nuage qui monte à l'horizon, rempli d'éclairs.[63]

Lorsque nous sommes montés sur le dos d'une colline, l’on aurait dit qu'il y avait sur nos têtes des coquilles d'œuf fendues.[64]

Lorsque les Houms sont en masse venus vers nous,[65] le matin où nous les rencontrâmes en armée noirâtre immense,[66]

(15) On aurait dit que les autruches avaient déposé leurs œufs sur leurs têtes, à l'étang de Qidhâf ou à celui de Mokhaffiq.[67]

Nous avons joint leurs deux bords au moyen d'un coup de lance si dur qu'ils se résolurent à se séparer.

On eût dit que l'endroit où eut lieu notre rencontre était un campement de forgerons, à raison des mains et des jambes [coupées, qu'on y rencontrait].[68]

C'est comme s'ils étaient des gazelles dans une plaine déserte; une averse qui tenait ses promesses est revenue sur eux.[69]

La manière dont le sabre coupait leurs têtes rappelait le bruit sec des grains tombant sur un sol aride et brûlé,[70]

(20) Depuis le matin jusqu'à ce que la nuit vint les couvrir; il n'en réchappa que les chevaux au poil ras et à la marche rapide[71]

Ainsi que celui qui, dans sa course, allonge le cou de toute la longueur de la bride, passant à la façon du jeune faon qui court à fond de train.[72]

Ils nous ont jeté les licous de toute noble chamelle et des colles de mailles qui ressemblent à des râbles de lapereaux [tellement elles sont douées au toucher[73]].

Leurs mailles sont bourrées de tissu de David, comme des graines de l'arbre djanâ provenant de gousses de haricots qui se fendent.[74]

Ceux qui possèdent des armes défensives, nos lances les atteignent, et ceux qui sont tout nus se sauvent et dépassent tous les autres.

(25) Celui qui fait appel à notre engagement, on le laisse vivre dans son malheur, et celui que l’on estime pas cher par une rançon abondante, nous lui mettons un carcan au cou.[75]

La mère de Bohaïr, dans le combat qui a lieu entre nous, quand est-ce qu'elle en recevra des nouvelles pour qu'elle se déchire le visage à coups d'ongles et se rase la tête?[76]

Nous avons laissé Bohaïr là où la fortune s'était fatiguée de lui être favorable; nous emmenons Firâs captive; elle ne sera pas relâchée.[77]

Sans les ténèbres de la nuit, 'Amir ne serait pas revenu vers Djafar dont la tunique n'était pas déchirée,

En lui portant un coup de taille tel que l'oiseau s'y trouverait le jour en pleine nuit et un coup de pointe [dont la blessure est] comme la bouche d'une outre fendue entièrement.[78]

(30) Or notre gloire n'est point une tribu dans la contrée volcanique, mais bien une mer dans le vaste désert,

Dans laquelle les vagues font tanguer le navire: lorsque celui qui sait bien nager sur l'abîme y entre, il y est noyé.

La gloire de la race de Ma'add était placée sur un endroit élevé: nous l'avons dépassée, lorsqu'ils s'élevaient et que nous nous élevions,

Lorsque les sabres de l'Inde étaient nos bâtons et qu'avec eux nous nous attaquions à toute tête et à tout sommet du crâne.

Ils donnèrent de l'éclat à nos visages quand on se battit à coups de sabre, alors que nos pieds étaient couverts de poussière à Molzaq.[79]

(35) Vous vous êtes vantés à notre encontre d'avoir tué des cavaliers, alors que les paroles de Firâs excitaient mes actes et mes discours.

Vous vous êtes hâtés de nous présenter deux arguments contre vous: mais ce que veut le Rahman noue et dénoue.

C'est lui qui brise les os sains, et sa volonté réunit et sépare les affaires.

C'est lui qui a fait entrer Nomân dans une maison dont le toit était des gorges d'éléphants, après qu'il avait habité un palais décoré de pavillons.[80]

El après la chute de la pluie, ce furent les sables de Ma'add qui le régirent, et non plus la fortune de Moharriq.

(40) Il a un escadron qui sent l'odeur du fer et qui dépouille ses ennemis de leurs vêtements, comme l'épaule de celui qui (Mirait au matin à l'orient du mont 'Amâya.[81]

IV

Si je pouvais pleurer pour des palanquins que portent les chameaux, certes celui qui se trouve au haut des deux vallées me remplirait d'amour pour Leïla.

De toute litière voilée nous regardent de blanches compagnes qui ont peu de pareilles.

Celui qui les voit les compare à des gazelles dans un coin du désert:

Elles portent une longue chevelure qui les abrite sous l'ombre de ses branchages.[82]

La plus noble d'entre elles a son intendante auprès d'elle; elle jouira des biens de la vie et de la sieste prolongée, si on nous laisse vivre.[83]

(5) Que de braves jeunes gens pour lesquels j'ai construit un édifice qui tourne dans le désert sans eau[84] !

A la façon dont caracole le jeune poulain dans ses entraves, que des chevaux poussent à courir vers un but lointain.

Les Bènou Ka'b et les métis inconnus de Malik se sont rencontrés pour une affaire comme la pointe du sabre, qui est illustre.[85]

Tu vois tout (cheval) aux jambes longues et qui mord, s'y perdre en courant, de ses pieds valeureux.

Plus fier que les braves jeunes gens, il se trémousse vers le but comme s'agite dans la main droite un acier poli.

(10) On dirait que les poulains de deux ans, lorsque notre troupe fait tous ses efforts, sont vifs, comme des mouflons que suivent d’autres mouflons.

Sur eux sont montés les fils de Moqa’ïs;[86] ce sont des chevaux de cinq ans, qui gagnent la course quand on les excite, et qui hennissent.

On dirait que sur leurs cavaliers il y a une aspersion de sang-dragon: c'est un sang tout frais et du musc coulant sur leurs cous.[87]

Lorsqu'ils sortent du tourbillon de la mort, le fleuve aux bords abrupts et ombragés les y ramène.

Ils n'ont pas laissé dans la tribu de 'Amir personne pour appeler au secours, ni de femmes sans qu'elles poussent des hurlements.

(15) Elles ont laissa Bohaïr et edh-Dhahâb[88] ayant sur eux deux, mauvais présage, des limites que marquent les fers aux pieds.

V

Cueillir des herbes vertes et les passer sous le nez de la monture, si cela doit être une obligation pour moi, je ne suis plus celui qui cueille et celui qui les présente.[89]

Quant aux excuses de l'ami, c'est moi qui me charge de les faire parvenir, si tu n'es pas suffisamment éloquent pour le faire.

VI

Que d'amis pleins de haine j'ai évités, tandis que j'en fréquentais d'autres qui dissimulaient leur inimitié!

Je l'ai supporté exprès, pour lui être supérieur, après qu'apparurent dans sa jambe des nœuds et des défauts.

Que de chevaux rapides j'ai frappés en mal sur le dos et dans leur vile nature tandis que les mains étaient élevées pour le combat.[90]

VII

Ma fille me dit[91] : T’en aller seul au combat effroyable un jour, c'est m'abandonner; puissé-je n'avoir pas de père[92] !

Laisse là tes craintes, ou bien présente-nous un sorcier qui nous donne un enchantement contre les événements et la mort,

Ou ma vie périra, ou bien je rassemblerai un troupeau de chameaux tellement nombreux que les deux esclaves chargés de les abreuver souffriront de la gorge [par suite de la fatigue].

VIII

Sélâma ben Djandal composa les vers suivants et les envoya à Ça'ça'a ben Mahmoud ben 'Amr ben Marbad, entre les mains de qui le frère du poète, Ahmar ben Djandal, était prisonnier; et Ça'ça'a le remit en liberté:

« Je te donnerai une compensation pour la peau de chevreau que tu as mise en liberté; je te récompenserai pour ce que tu nous as fait espérer toute année, ô Ça'ça'a!

« Si Mahmoud est ton père, nous te trouvons néanmoins rattachant ta lignée au bien, et d'une belle prestance.

« Je te ferai des présents, quand même nous devrions tripler la louange, quand même tes tentes seraient fixées au mont La'la'.[93]

« Si tu le veux, je te donnerai en présent des louanges et des dithyrambes, ou si tu le préfères, je ferai passer chez vous cent chameaux ensemble.

Ça'ça'a répondit : « Nous aimons mieux les louanges et les dithyrambes. »

IX

Quel est le messager qui se charge de porter de nos nouvelles aux Kitab et à leur Ka'b, alors que le campement de Noméïr est à El-Yaqin.[94]

Si je reste en vie, je suis votre caution pour vous et la rencontre, en un jour semblable au jour du combat de Molzaq,

Le matin où nous avons laisse le sang de Rabi'a ben 'Amir rouler au haut des deux vallées.

X

Amr ben Obéir fit prisonnier Rabi'a ben Khowéïlid, dont le parti fit de grosses pertes. El-Ahdab, neveu de Rabi'a ben Djarâd, composa alors les vers suivants :

« Voilà ce qui eut lieu lorsque mon oncle, au jour du combat de Molzaq, rencontra un homme intelligent monté sur un cheval pie.

« Ils échangèrent des coupe de lance et se taillèrent les jambes à coups de sabre; puis il le domina d'un sabre brandi,

« Qui coupe tout bras et tout coude.

C'est à cette occasion que Sélâma ben Djandal composa son poème (n° III ci-dessus) :

« A qui appartiennent ces traces de campement, semblables à un livre élégamment tracé?

 

Abou 'Abdallah Mohammed ben el-'Ahbâs el-Yazidi[95] raconte ce qui suit : « J'ai entendu Aboul 'Abbâs Ahmed ben Yahya[96] dire ceci : J'allai trouver 'Omâra ayant avec moi les vers de Sélâma ben Djandal. Qu'as-tu apporté? me dit Omâra. Je l'en informai et il reprit : Peut-être t'imagines-tu que je n'estime que les vers de Djérir; allons, lis ceux-ci. » Je me mis à les lui lire et il les récitait en même temps que moi. Je l'interrogeai au sujet de difficultés qu'il y avait dans ces vers: et je le vis répondre et approuver.


 

[1] Cf. Hadji-Khalfa, t. II, p. 50, n° 1808; Brockelmann, Arab. Litteratur, t. II, p. 147, n° 35. L'auteur du catalogue a confondu le nom du copiste avec celui de l'auteur.

[2] Cl. Huart. Calligraphes et miniaturistes, p. 80.

[3] Cl. Huart, Calligraphes et miniaturistes. p. 81.

[4] Ibn-Qotéïba, Kitab ech-Chïr, éd. de Goeje, p. 147. Le Khizâna (II, p. 86) reproduit le texte d'Ibn-Qotéïba; mais la généalogie du poète d'après Yakoub Ibn-es-Sikkit est légèrement différente : Sélâma b. Djandal b. ‘Abd-Amr b. 'Abid b. el-Hârith b. Moqâ'is b. 'Amr b. Ka'b; le reste comme ci-dessus. Au lieu d'El-Hârith ben Moqâ'is, il faut lire el-Hârith dit Moqâ'is, car, d'après l’Iqd, t. II, p. 60, Moqâ'is est un surnom donné aux Bènou-Sad, (plus particulièrement) aux enfants de Ka'b b. Sa'd, et (tout spécialement) à el-Hârith. Il y a de légères différences avec la table L de Wüstenfeld.

[5] Un vers d'Ahmar a été conservé par Ibn 'Abd-Rabbihi, ‘Iqd, ibid.

[6] A la bataille d'el-Haradjât, Selma ben Djandal a fait captive Qofaïra, grand'mère de Férazdaq (Naqd'ïd, éd. Bevan, p. 767, l. 7). Ce pourrait être le même que notre poète.

[7] W. G. Rothstein. Dynastie der Lahmiden, p. 111.

[8] « Course de chevaux, course où l'on cherche à se devancer ». Comparer le Lisân el-'arab », t. XIX, p. 344.

[9] Commentaire : « Abou 'Amr ech-Chéibâni [Ishak ben Mirâr, Fihrist, 68], à moins que ce ne soit un autre, m'a dit : Ya’âqib désigne une troupe de ya'qoûb, c'est-à-dire de perdrix mâles. J'interrogeai Omâra (probablement 'Omâra ben 'Aqîl b. Bilâl b. Djarir. cité fréquemment dans le Kâlil d'el-Mobarrad) sur l'interprétation de ce terme; il me répondit : Ya’âqib désigne les chevaux qui ont du souffle et de la durée (c'est-à-dire ceux qui peuvent courir deux ou plusieurs courses de suite, et courir longtemps). » Ce vers est cité par le Lisân, t. II, p. 113.

[10] Ces deux vers sont cités, avec interversion, par Ibn-Hicham, Commentaire sur Bânat So'âd, éd. Guidi, p. 160; d'après lui, ya'qoûb pourrait désigner aussi l'aigle.

[11] Commentaire : « Omâra a dit : ta'wib, c'est [la marche] du matin jusqu'à la nuit. On dit aussi que c'est le retour, de l'expression « je suis revenu vers l'ennemi »; que c'est [la marche] du matin à la nuit, quelle que soit l'heure où l’on campe, que la marche soit pénible ou non; que c'est aussi se hâter dans une marche pénible, comme il est dit dans ce vers :

« Nous rencontrâmes un campement dont les gens avaient précipité leur marche, après que nous fûmes à l'abri des rayons du soleil ou qu'il fut sur le point de disparaître. »

Cf. Lisân, t. I, p. 213, où le vers de Sélâma est cité.

[12] Commentaire : « Abou 'Amr a dit : —  signifie s'en aller par où on est venu, venir par où on s'en est allé. Er-Râ'i a dit :

« J'ai revêtu mes deux vêtements, et je me suis éloigné par où j'étais venu. »

, en parlant de la partie intérieure du sabot du cheval, signifie usé par la route et la longueur du voyage; se dit proprement des dents usées et raccourcies . » Comparer Lisân, t. VIII, p.81.

[13] Commentaire: On dit d'un cheval « quand il est un noble coursier avec lequel on ne peut lutter à la course.  est l'endroit où pose le feutre de la couverture, comme  l'endroit où s'applique la sangle, et  l'endroit où passe la têtière de la bride . L'auteur du commentaire semble avoir lu , car il explique le dernier mot par « poils de la crinière et de la queue », mais cette leçon est contraire au mètre.

[14] Le cheval qui a la tête unie, dit le commentaire, n'est pas aqua, car qana désigne une ligne de couleur différente sur le chanfrein , ce qui est un défaut chez les chevaux: asfa signifie relui dont les poils de la crinière et de la queue sont rares, défaut appelé safa; mais Abou 'Abdallah el-Yazidi, citant Ahmed ben Yahya, qui s'appuie sur l'autorité d'Ibn-el-Arabi, dit que asfa est le cheval dont un poil a une couleur différente du reste de la robe. Saghil signifie amaigri et exténué; on dit aussi que c'est la mauvaise nourriture et l'agitation du cou. Le qafi est celui à qui on fait boire du lait et qui sent que cela agit sur lui, à l'exclusion des Saka qui sont les gens de la tente. Le mot qafwa veut dire particularité; iqtafâ, c'est désigner spécialement. Ibn-Ahmar a dit :

« Ne leur sont pas réservés spécialement le vent du Nord quand il souffle, ni ses horizons poussiéreux. » (If. Ibn-Hicham, Comment. sur Bânat So'âd, éd. Guidi. p. 144; Ibn el-Anbâri, Kitab el-Addâd, éd. Houtsma, p. 258; Ibn-Qotéïba, Adab el-kâtib, p. 116. Aqua signifie « bossu du chanfrein », dit le Lisân. t. XX, p. 66 : c'est une marque des métis. Voir encore Lisân, XIII, 358, XIX, 111, XX, 58, où le vers est expliqué comme je le traduis.

[15] Omâra rapporte la variante , qui signifie aussi longueur du cou. La leçon  est peu satisfaisante, d'autant plus que le Lisân, IX, 438 a celle des Mofaddaliyyât.

[16] Omâra donne la variante  au deuxième hémistiche.

[17] Allusion à une jument qui n'est pas nommée.

[18] Bourgade de Syrie, sur la frontière du Balqâ, non loin de Mo'ta (Bekri. p. 501 et 807).

[19] Sur ce sens, voir le Lisân, t. XII, p. 62.

[20] Moqrif, celui dont la mère est arabe et le père étranger; le contraire du hadjin, dont le père est arabe et la mère étrangère.

[21] Tuteur, bois au moyen duquel on redresse le bois de la lance.

[22] Puits appartenant aux Bènou-Kilâb. Pour Bekri, p. 532, c'est une simple localité, sans plus.

[23] Thaghr, vallée fertile et dangereuse, où les hommes vont se réfugier et que les gens d'honneur défendent.

[24] Autre leçon : , c'est-à-dire, dit le commentaire, une année où il ne reste (en fait de provisions) qu'une quantité à peine suffisante pour servir de collyre à l'œil.

[25] Commentaire explique  par  ; 'Omâra a dit : « ils se montrent généreux et donnent ».  désigne « un nombre considérable ».

[26] Ainsi expliqué par el-Asma'i, qui cite, pour appuyer le sens de « blâmable » donné à  un vers de Dhour’ Romina :

« Quelles belles joues rebondies, quelles paroles douces tu as, quel caractère tel que celui qui le blâme en est réduit à chercher des prétextes. »

Abou 'Amr rite le vers suivant :

« O Bâriq ! je ne veux ni vous faire du mal ni vous frapper, tant que vous ne proférez pas votre concours pour me blâmer! »

Une autre leçon donne  au lien de ; dans ce cas, le sens serait : « Cette vallée a des pâturages et des plantes; c'est un pâturage ouvert où les hommes vont se réfugier; nous, nous y campons et nous y faisons paître les bestiaux, à notre honneur. » Voir le Lisân. t. IV, p. 208.

[27] Commentaire d'el-Asma'i : « Les stations de chameaux de cette vallée sont blanches par sécheresse, les [petites] vallées [secondaires] où poussaient les plantes sont effacées, c'est-à-dire battues et foulées aux pieds, et les plantes broutées; la terre s'envole en poussière; il ne se promène plus de chameau qui y aurait été laissé par peur. » Commentaire d'Abou Amr : « Blanches, parce qu'il n'y à plus de fourrage ni rien, de sorte qu'elles ont blanchi: on y a trop fréquenté, de sorte que tout a été brouté. »  signifie  pour les habitants de la Syrie et de l’Iraq: vers d'Ibn-Mayyâda (mètre sari) :

« Il te suffit, en fait de visites dans les régions du monde, d'avoir vu une terre brune, de ce qu'a laissé le fils du maître, terre brune, déposée par l'usure, foncée comme la mélasse. »

[28] C'est ce qui ressort de l'explication d'Abou 'Amr. D'après el-Asma'i, l'expression « frapper l'os de la jambe » signifie s'occuper sérieusement d'une affaire. Une autre leçon, au second hémistiche, donne . Ce vers est cité dans le Hamâsa d'Abou-Temmâm, éd. Freytag, p. 7, l. 17, avec la variante  au premier hémistiche et le commentaire suivant : « Lorsqu’il nous appelle à l'aide, nous lui répondons en faisant nos efforts; car zhonboub est l’os de la jambe, et l'on dit « frapper l'os de la jambe » pour signifier « s'y efforcer ».

[29] Ces deux vers sont cités par Ibn-el-Anbâri, Kitab el-Addâd, p. 51, avec la variante  au premier hémistiche du deuxième vers,  au deuxième hémistiche.

[30] Commentaire d'el-Açma’i: « Lorsque nous avons campé dans la vallée et que nous y avons enfermé les chameaux pour y jouir du vert pâturage et pour qu'on ait peur de nous (), les hommes ont dit : Le parc où sont emprisonnés ces chamelles, sur le territoire de protection , est trop près pour que nous atteignions le pâturage, quand même les chamelles se seraient mises à courir avec peu de lait. » — Commentaire d'Abou 'Amr : « Leur parc est plus près de leur pâturage, cela veut dire qu'ils ont fait agenouiller les chamelles pour le combat; et le pâturage est trop près pour qu'elles périssent. Bien que leur lait ait disparu, ils se sentent protégés, parce qu'ils sont sous la protection. »

[31] Commentaire :  est le temps . Mahariq, dit Abou Sa'id el-Asma'i, ce sont des chiffons que polissaient les Arabes [païens] et sur lesquels ils écrivaient; on les appelait , mot persan arabisé. Mohraq est simplement arabisé de la forme pehlevi muhraka du persan mohra, œuf de verre servant à polir le papier.

[32] Commentaire : , c'est-à dire sa directionet là par où elle désirait prendre [sa route].

[33] *est le nuage qui vient la nuit,  celui qui vient le matin.  celui qui vient le soir. Les nuages élevés dans l'atmosphère sont [ordinairement] accompagnés d'un autre plus bas qui est | comme | le pan de la robe du premier.

[35] Ainsi expliquée par le Lisân. II, 268.

[36] Ichâba, localité du Nedjd, près du désert de sable (Merâcid, I, 65). Sur Zaroûd, localité sur la route de la Mecque, ou se trouve un château de couleur jaune, qui a peut-être donné son nom à l'endroit (persan  jaune), un étang et des puits, voir Yakout, Merâcid, l. 311; Zamakhchari, Lex. géogr., éd. Salverda de Crave, p. 80 ; Bekri. p. 436; il s'y est livré deux batailles entre Bédouins.

[37] Sur midhnab, voir Lisân, II, 375, 376 et sur le sens de saqiya id. op., XIX, 115.

[38] Feuilles minces et pointues, Lisân, II, 279. Commentaire :  =  « effets de l’homme » et aussi ce qui lui est suspendu, comme fragments de laine . Cf. Lisân, XII, 141.

[39] Commentaire d'Abou 'Amr :  est le pluriel de  (forme attestée ). Cf. le Lisân, XII, 76, qui cite au vers de Sélâma ne figurant pas au diwân :

[40] Ce vers est difficile; ….. Adjrafiyya signifie « pas rapide » (Lisân) et nafâq « s'en aller, disparaître, mourir, en parlant des bêtes » (Lisân, XII, 235).

[41] Le Méraçid vocalise Daiui : localité du désert, région de Témim, cf. Bekri, p. 349, qui cite, avec des variantes, le vers III, 9 ci-dessous.

[42] Une autre leçon donne  au deuxième hémistiche: c'est-à-dire « stériles », Sirwa, pl. sirâ, désigne des flèches très minces pouvant s'introduire entre les maillons de la cotte de mailles. Cf. Lisân, L XIX, p. 10.

[43] Sur ce sens, voir l'étude du R. P. Lammens dans les Mélanges de la Faculté orientale de Beyrouth, t. I, 1906, p. 66 et suiv., et les remarques de Vollers, Deutsche Litteraturzeitung, 29 juin 1907, col. 1607, résumées par M. I. Guidi dans la Rivista degli studi orientali, t. I, Bollettino, p. 372.

[44] Sur les 'Ibâdites, voir G. Rothstein, Dynastie der Lahmiden, p. 19 et suiv.

[45] C’est ce qu'on peut inférer du commentaire :

 

[46] Commentaire d'Abou 'Amr :  ; il manque une brève et une longue au premier hémistiche.

[47] Surnom des Ghassanides et des Lakhmides de Mira; sur cette expression, voir G. Rothstein. Die Dynastie der Lahmiden in al-Hira, p. 48.

[48] Commentaire :

[49] Il s'agit bien ici d'une ânesse.

[50] L'expression les deux parties de la coche signifie celles qui se trouvent au-dessus des plumes de la flèche; infâq, c'est ce qui met la coche sur la corde. Or c'est par peur (qu'arrive le défaut de concordance signalé dans le vers). signifierait : 1°celui que les lances atteignent ; 2° celui qui atteint un refuge; 3° celui qui rassemble des hommes tout près de lui, de sorte qu'ils le prennent.

[51] Peut-être  proprement troupe de dix à quarante personnes (Lisân, II, 95), est-il pris dans le sens de  famille, race.

[52] Commentaire : « ceux qui sont habitués au poison. »

[53] La glose prouve que la leçon du manuscrit est mauvaise.

[54] Cf. Merâcid et Bekri ; celui-ci cite ce vers avec une variant. Moutriq est une vallée des Bènou Témim

[55] Le texte est obscur. Commentaire : 

[56]  est une épithète de la gazelle qui tend son cou et regarde, pose la plus gracieuse du monde ; on dit aussi que cela veut dire : qui te regarde avec son œil comme l’archer quand il vise. Lisân, XI, 407.

[57] Commentaire :

[58] Sur mohila, voir Lisân, XIII, 195; les formes yamna ou yomna coexistent, id. op., XVII, 356, l. 10.

[59] Vers cité avec variantes dans Bekri, 349. — Khawarnaq et Ma'reb sont deux localités bien connues.

[60] 'Antara a exprimé la même idée clans un vers célèbre; le premier hémistiche est presque identique à celui-ci. Voir l'édition d'Ahlwardt, Six ancient poets, p. 51; Bekri, p. 709, où le vers de Sélâma est également reproduit.

[61] Localité près d'el-Faroûq, où a eu lieu une bataille dans laquelle les Bènou Sa'd, la tribu de Sélâma, ont défait les Bènou 'Amir ben Ça'ça'a, considérés comme faisant partie des Houms, parce que leur mère était Medjd, fille de Téïm b. Ghâlib (Bekri, p. 539). Cette journée porte le numéro 110 dans la liste d'El-Meïdani, Amthâl, éd. de Boulaq, t. II, p. 336.Le second hémistiche est cité par Yakout, t. IV, p. 632, qui lit Malzaq et Milzaq.

[62] 'Omâra prétend que  signifie « leur marche » .

[63] Sur mota’alliq voir Lisân, XII, 288.

[64] Autre leçon au premier hémistiche : ; le mot  est ici pris dans le sens de  (ma. ) « terrain volcanique ». Cf. Lisân, XIV, 192; et sur nachz, id. op., VII, 284. Sous le soleil intense, les casques paraissaient blancs comme des coquilles d'œuf.

[65]  désigne une partie des tribus de Qoréïch, de Khozâ'a, des Bènou-Amir et de Kinâna. Suit un résumé de ce que l'on sait touchant les .

[66] C’est une troupe qui a une couleur tirant vers le noir. El-Açma'i a dit : C’est celle chez qui prédomine la couleur du noir et de la rouille. Voir les remarques du Lisân, XII, 186.

[67] Le texte a été corrigé chez Bekri, p. 515, qui cite ce vers, ainsi qu’Ibn Qotéïba, Kitab ech-Chïr, p. 141.

[68] Le commentaire est embarrassé pour expliquer cette expression bizarre : « L'auteur compare les mains et les jambes coupées à un campement de forgerons où l’on fabrique les sabres, comme s'il avait voulu exprimer l'idée de couper du fer et celle de leurs marchandises [habituelles]. »

[69] Sur la leçon maçdaq au lieu de miçdaq du ms., voir le Lisân, XII, 63.

[70] Le manuscrit a un mot qui ne signifie rien. — Commentaire :  signifie prendre obliquement  et couper; l’auteur veut dire : Les sabres par rapport à leurs têtes étaient comme [la faucille] par rapport à] , qui est de l'herbe. Il manque quelques mots.  signifie « tomber de haut en bas », Lisân, t. XX, p. 248.

[71] Cf. Lisân, XI, 368.

[72] Il existe une autre leçon.

[73] Ainsi expliqué par le commentaire qui cite ce vers d’un poète en radjaz :

Cf. Qodâma, Naqd ech-chir, p. 40, où le vers suivant est également cité.

[74] Leçon différente d'après el-Açma'i : « ses mailles sont comme l'épaule de celui qui apparaît au matin à la montagne 'Amâya » (dans le Bahreïn); mais, dans notre recension, c'est le deuxième hémistiche du vers 40 plus loin. Le commentaire explique  par « arbre », c'est-à-dire « nom d'arbre », et  par « [nom de] plante », qui est « feuille de palmier »; mais d'après Lane, le premier mot, qui signifie « cueillette », se dit spécialement de dattes mêmes cueillies sur l'arbre; et quant au second, le Lisân, t. XIV, p. 320, dit que c'est « un légume qui sort de terre avec des cornes comme la fève, mais sans racines [profondes], et avec de petites feuilles aux bords déchiquetés , comme les feuilles de carotte ».

[75] Sur le sens de ce vers, voir Lisân, I, 407, et XIX, 368.

[76] Se raser la tête lors d'une calamité était un usage païen (Lisân, t. XI, p. 345) qui s'est conservé chez les Bédouins (P. Jaussen, Coutumes des Arabes, p. 94).

[77] Commentaire : « Bohaïr et Firâs sont les parents d’Abdallah ben Salama. »

[78] Expliqué par « branches flexibles et pendantes, proches de la terre »; cf. Lisân, III, 252, et XIII, 442. L'auteur veut dire que la blessure est tellement grande que l'oiseau s'v arrêterait comme sous un buisson.

[79] La correction est indiquée en marge.

[80] Abou 'Amr a dit : « Chosroès avait emprisonné Nomân dans une maison où se trouvaient trois éléphants. » — Sur le genre de mort de Nomân III b. el-Moundhir, roi lakhmide de Hîra, voir Rothstein, Dynastie der Lakhmiden, p. 1186119; la suite des vers 36, 37, 38 de notre manuscrit lève tous les doutes exprimés par M. Rothstein à propos du sujet de la phrase dans le vers qu'il cite en traduction d'après Nöldeke, Geschichte der Araber, p. 331, note 4. — Je ferai remarquer que ce vers ne signifie pas du tout que Nomân ait péri écrasé sous les pieds des éléphants (Massoudi, Prairies d'or, III, 208, Hamza, 61) et qu'Abou 'Amr doit avoir raison; cela ne préjuge en rien le genre de mort de No'mân, qui est peut-être mort de la peste en prison.

[81] Grande montagne du Bahreïn; Bekri, p. 668, où ce vers est cité. — Commentaire :  est une troupe compacte;  signifie qui sent l'odeur du fer. L'auteur veut dire : « Cette troupe est dans la position de ce qui se montre au soleil levant du mont Amâya. » — Le Lisân, XX, 202, n'indique que la forme en .

[82] Commentaire : « se dit des branches d'arbre qui pendent »; se dit d'une chevelure longue et qui s'étend à droite et à gauche. El-Lehemi a dit :

« Tu t'es engagée à me donner une chevelure abondante qui ressemble à des grappes de raisin. »

[83] « Celle qui s'occupe des femmes, comme une femme de chambre (peigneuse) », gouvernante, intendante. — Abou 'Amr a dit : « C’est le nom d'une femme ».

[84] Allusion au tournoiement des sabres sur les têtes, image fréquente.

[85] Afnâ désigne les métis dont on ne connaît pas la tribu (Lisân, XX, 24).

[86] Ancêtre de Sélâma.

[87] Expliqué par « sang frais »; cf. Lisân, X, 225.

[88] Nom propre d'homme; cf. Tadj el-'arouz, I, 259.

[89] « Il veut dire : « Je ne trompe pas et je ne frotte pas légèrement comme quand on présente à un quadrupède de l'herbe en la lui passant légèrement sous le nez, pour le tromper; ce qui est un proverbe. Le sens est : Je ne trompe pas et ne suis pas trompé, mais lorsque je veux quoique chose, je la fais publiquement. »

[90] Ainsi expliqué par le commentaire : .

[91] Cette pièce a été- insérée par Ibn-Qotéïba dans son Kitab ech-Chir, p. 147.

[92] C’est-à-dire : « Quel brave père j'ai ! » Cf. Hariri, Dorret el-Ghawwâç, éd. Thorbecke, p. 53, l. 10 et 15.

[93] Cf. Lisân, X, 196.

[94] Ka'b est fils de Kitâb (Wüstenfeld, Register, p. 262); Noméïr et Rabi'a sont fils de 'Amir (id., op., p. 340 et 377), donc de même race Ismaélienne.

[95] Grammairien de l'école de Yézid ben Mansour, oncle du khalife el-Mehdi. Il mourut en 310 de l'hégire (999-993) [Fihrist, p. 50, 51].

[96] C’est le fameux grammairien connu sous le surnom de Tha'lèb, mort en 291 de l'hégire (904) [Fihrist, p. 74].