Par Mohammed, fils de Khavendschah,
connu sous le nom de Mirkhond.
Par M. Am. Jourdain
L.'ouvrage dont nous allons nous occuper, jouit depuis longtemps d'une juste célébrité dans l'Orient et en Europe. L'étendue de cet ouvrage, la multiplicité des faits qui s'y trouvent rassemblés, les nombreux détails que l'auteur y a consignés sur plusieurs dynasties peu connues de la Perse, le style même dont il est écrit, en ont fait, pour ainsi dire, un livre classique. Tant d'avantages réunis l'ont rendu l'objet des travaux de divers orientalistes, et plusieurs parties en ont été publiées avec ou sans le texte. Nous aurons soin de les indiquer par la suite.
M. Langlès a déjà donné dans ce recueil, tom. V, p. 192 et suiv., une notice abrégée de l'Histoire de Mirkhond, en publiant, comme nous le dirons plus loin, quelques morceaux intéressants extraits de cet historien, et relatifs à la vie de Djenghiz-khan, Comme son objet n'était point proprement de faire connaître l'ouvrage de Mirkhond, et qu'il n'en a parlé que par occasion, il n'a pas dû entrer dans les détails qui se trouveront dans la Notice qu'on va lire. Nous aurons soin cependant de ne point répéter ce qu'il a dit dans ce morceau auquel nous nous contentons de renvoyer les lecteurs.
Avant de passer à la description de l'ouvrage de Mirkhond, nous croyons devoir présenter ici les renseignements malheureusement trop incomplets, que nous avons pu nous procurer sur ce célèbre écrivain.
Mirkhond, ou plutôt Mir-Khavend , dont le vrai nom est Mohammed, fils de Khavendschah, fils de Mahmoud, doit être né en l'année 837 ou à la fin de 836 de l'hégire [1432 ou 1433 de J. C.], étant mort, comme nous l'apprenons de son fils Khondémir, en l'année 903, au mois de dsou’lkada [juin 1498 de J. C.], âgé de soixante-six ans. Nous croyons devoir rapporter ici le passage de l'ouvrage de Khondémir, intitulé , ou l’Ami des voyageurs, dans lequel se trouve fixée cette époque. Nous sommes redevables de cette indication à M. Et. Quatremère. Khondémir s'exprime ainsi :
Mon illustre seigneur Émir-Khavend Mohammed l'emporta beaucoup non seulement sur tous les autres illustres enfants de l'émir Khavendschah, mais même sur la plupart des savants du plus grand mérite, par ses excellentes qualités naturelles, et la justesse de son esprit exempt de tout défaut. Il s'occupa avec ardeur, dans sa jeunesse, à acquérir les connaissances qui font l'ornement de l'âme, et il parvint ainsi à embellir son esprit de toutes les sciences rationnelles et traditionnelles qu'il se rendit parfaitement familières. Ses talents dans le genre historique et dans le style qui convient à ce genre, étaient portés à un tel degré que les paroles les plus éloquentes ne le rendraient qu'imparfaitement ; et ce soleil du firmament du mérite avait porté si loin l'art de raconter et de décrire les événements et tous leurs détails, que les hommes les plus habiles n'oseraient entreprendre de peindre la perfection à laquelle il est parvenu, persuadés qu'il est impossible de s'acquitter de cette tâche d'une manière satisfaisante. Il ne faut point d'autre preuve de ce que nous venons de dire, que l'excellent ouvrage qu'il a composé, sous le titre de Rouzat-alsafa ; et le style admirable de cet écrit, vrai chef-d'œuvre d'élocution, est un argument sans réplique en faveur de notre assertion. Celui qui parle ici a l'honneur d'être fils de ce grand homme, et se fait gloire d'avoir été au nombre de ses disciples. Mais, que dis-je, grand Dieu! une goutte d'eau peut-elle, sans impudence, se vanter d'appartenir à la mer, et ne serait-ce pas une chose tout-à-fait surprenante qu'un atome prétendît avoir été pris au foyer du soleil élevé !
Vers. Qu'y a-t-il de commun entre on atome et le soleil éclatant de lumière ! Une perle de verre ne doit point occuper une place dans un collier de pierres fines. Si je veux me faire honneur, je dirai que je suis son disciple. Je ne suis pas même son disciple, je suis le moindre de ses esclaves; je ne fais que glaner quelques épis autour des monceaux de sa riche moisson.
Si j'ai fait mention de cette circonstance glorieuse pour moi, c'est pour faire sentir que si ma plume se donnait ici une fibre carrière, et s'étendait davantage sur les qualités estimables et le mérite littéraire de cet illustre personnage, il se pourrait que les hommes portés à mal interpréter les actions d'autrui, imputassent ces éloges à mon amour propre, à cause du lien de parenté qui m'unit à ce grand homme, et que regardant ces paroles dans la bouche d'un écrivain d'un mérite aussi petit que le mien, comme un trait de jactance et de vanité, ils m'en fissent un reproche : c'est pourquoi je n'ajouterai rien de plus sur ce sujet, et je me contenterai de dire que mon respectable seigneur et père, sur la fin de ses jours, conçut du goût pour la vie retirée et solitaire; qu'en conséquence il rompit tout commerce avec les hommes, et passa une année à Kiazerahah, employant la plus grande partie de son temps à acquérir des mérites pour le ciel, et à la pratique des vertus spirituelles.
Au mois de ramadan 902,[1] il quitta ce lieu et revint à la ville à cause d'une affection de cachexie, qui lui était survenue : il y tomba tout à fait malade, et après avoir gardé le lit pendant dix mois, il passa, le 2 de dsou’lkada 903,[2] de ce monde, séjour de misères, aux jardins délicieux du paradis. Il était alors dans sa 66e année. Il fut enterré dans la chapelle sépulcrale du scheik Boha-eddin Omar.
La préface que Mirkhond a mise à la tête du Rouzat-alsafa, contient quelques détails sur ses études, et sur les circonstances qui le déterminèrent à entreprendre la composition de cet ouvrage. Ce fut, comme il nous l'apprend, pour faire sa cour à l'émir Ali-schir qu'il mit la main à la plume; et il dut à la protection et à la générosité de cet illustre personnage, la tranquillité d'esprit et tous les secours nécessaires pour l'exécution de ce grand projet. M. de Sacy a rapporté d'une manière abrégée le contenu de cette préface, dans sa notice sur Mirkhond et sur l'émir Ali-schir,[3] placée à la tête de l'ouvrage qu'il a publié en 1793, sous le titre de Mémoires sur diverses antiquités de la Perse, et sur les médailles des rois de la dynastie des Sassanides, suivis de l'Histoire de cette dynastie, traduite du Persan de Mirkhond. L'extrait qu'il en a donné suffirait pour nous dispenser d'en insérer ici un aperçu, mais la chose serait d'autant plus superflue, que M. de Sacy nous a engagés à joindre à la suite de notre Notice, le texte de la préface de Mirkhond avec la traduction littérale qu'il en a faite. Cette préface, écrite dans un style très recherché, et par conséquent très difficile à entendre, lui a paru propre à donner une idée des talents de Mirkhond, et en même temps à exercer les amateurs des langues de l'Orient, Nous y renvoyons donc les lecteurs.
Nous ne rapporterons point la courte notice du Rouzat-alsafa, qu'on trouve dans le dictionnaire bibliographique de Hadji-Khalfa, M. Langlès l'ayant insérée à la tête du fragment de la cinquième partie de l'ouvrage de Mirkhond, qu'il a publiée, comme nous l'avons déjà dit, dans le tome V de ce recueil ».
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Nous devons à Mirkhond des détails précieux sur plusieurs dynasties peu connues, qui ont régné dans la Perse ou les pays voisins. Parmi ces dynasties, est celle des Ismaéliens, secte plus célèbre par ses dogmes, son fanatisme et ses dérèglements, que par le rôle politique qu'elle a joué. Les écrivains Arabes qui en ont traité, se sont plus occupés, à ce qu'il paraît, des Ismaéliens de Syrie, connus dans nos historiens des croisades sous le nom d'Assassins, corruption de celui de Haschischi, ainsi que l'a démontré M. de Sacy, dans un mémoire dont nous parlerons dans un instant, que de ceux de Perse, nommés Malahidèh. Mirkhond, après avoir donné l'histoire des khalifes Paternités d'Egypte, a cru devoir y joindre celle des Ismaéliens de Perse : on la chercherait en vain ailleurs aussi étendue qu'elle se trouve dans son ouvrage. M. Silvestre de Sacy, dans un mémoire sur les Assassins, lu à la classe d'histoire et de littérature ancienne de l'Institut, en l'année 1809, a annoncé qu'il s'était servi de ce morceau, et qu'il le ferait connaître avec plus d'étendue dans les Notices et Extraits des manuscrits. Ses occupations multipliées ne lui ayant pas permis de remplir cet engagement, il a bien voulu nous charger de ce travail, et en surveiller l'exécution. Nous avouons avec le sentiment de la plus vive reconnaissance, que ce n'est que par ses conseils réitérés que nous sommes parvenus à rendre notre traduction fidèle, et à l'accompagner d'un texte correct.
Nous sentons parfaitement que, pour faire connaître d'une manière satisfaisante l'ouvrage qui est l'objet de cette Notice, il faudrait l'avoir lu en entier, la plume à la main, avoir recherché quels sont les auteurs dans lesquels Mirkhond a puisé les matériaux de son travail, l'avoir comparé avec les historiens plus anciens, et spécialement avoir conféré le récit qu'il fait des conquêtes de Djenghiz-khan et de Tamerlan, avec celui des autres écrivains Arabes et Persans. Nous ne doutons point qu'un pareil travail ne produisît beaucoup de résultats intéressants, et nous nous proposons de l'exécuter, du moins pour quelques portions de ce grand ouvrage. En attendant, la Notice que nous donnons aujourd'hui, pourra servir comme d'un cadre où il sera facile de rapporter tous les travaux particuliers qui ont été faits ou pourront l'être, à J'avenir, sur le même sujet.
Un des avantages qui résulteraient, sans doute, d'une étude approfondie du Rouzat-alsafa, surtout si l'on y joignait celle des deux ouvrages de Khondémir, le ou la Moelle des histoires, et le ou l’Ami des voyageurs, ce serait de recueillir des notions précieuses pour l'histoire littéraire, et particulièrement pour celle de Mirkhond dont nous savons si peu de choses. Nous ne devons point négliger un trait qui le concerne et qu'il rapporte lui-même à la fin de sa sixième partie, en ces termes :
Louanges et actions de grâces soient rendues à Dieu, de ce que, par son assistance et son secours divin, et par un effet de son infinie bonté, ce sixième tome, qui contient des aventures prodigieuses et des faits surprenants, a été achevé. Ce qui est arrivé à l'auteur pendant qu'il s'occupait à mettre par écrit l'histoire de ces faits mémorables, lui a paru mériter, par sa singularité, qu'il en ajoutât le récit à celui de ces grands événements, et qu'il terminât par-là cette partie de son ouvrage. Voici donc de quoi il s'agit : Lorsque je fus parvenu à l'époque de l'avènement au trône de l'empereur Saïd (c’est Schah-rokh, fils de Tamerlan), il me survint une maladie du foie, et une douleur de reins si violente, que je ne pouvais ni me mouvoir, ni même me tenir à mon séant. Les médecins aussi habiles que le Messie, qui entreprirent de me traiter, se bornèrent à me prescrire un régime et une diète qui paraissaient un bien faible moyen (pour ma guérison), et ordonnèrent que je me contentasse de prendre chaque jour deux sirs[4] de viande, sans aucune addition de pain, qu'ils m'interdirent absolument, dix sirs de bouillon, une fiole de sorbet le matin, et une grenade le soir, ajoutant que si j'étais tourmenté de la soif, je prendrais, au lieu d'eau, une dose d'eau distillée de chicorée, et que je devais considérer cette faveur comme un présent d'un grand prix, et comme un fruit délicieux. Je me conformai en tout à leur ordonnance, sans me permettre d'y manquer le moins du monde ; mais, malgré mon extrême faiblesses et la diète rigoureuse à laquelle j'étais assujetti pour le boire et le manger, les médecins ne me défendirent point d'écrire ; et, regardant cela comme un grand bonheur, je continuai à m'occuper de mon travail. Celui qui connaît les choses découvertes et les choses cachées, et qui a créé les tablettes et la plume éternelle, m'est témoin que, depuis le commencement de l'histoire de l'empereur Saïd jusqu'à la fin de celle du sultan Mirza 'Abou-saïd, dans mon état de faiblesse et de maigreur, j'ai tout mis par écrit, chapitre par chapitre, étant couché sur le côté droit, et ayant les pieds sur le seuil ; et qu'à cause de la violence des douleurs que je ressentais dans les reins, je n'ai pas pu écrire une seule page, assis à mon séant. Des médecins habiles ont assuré que cette occupation est un moyen de faire cesser la maladie, ou du moins d'empêcher qu'elle ne prenne des accroissements. Si, quelques nuits, il arrivait que je négligeasse mon travail, et qu'au lieu de me mettre à écrire, selon mon usage, je voulusse m'abandonner au repos, j'avais des rêves fatigants, j'étais éveillé avec effroi, ou bien une chaleur excessive s'emparant de moi, je ne pouvais prendre sommeil. Si, au contraire, je me mettais à écrire comme de coutume, mes sens commençant à s'engourdir et à se retirer en quelque sorte en moi-même, j'avais un bon sommeil et des rêves agréables. Le plus souvent, quand mes yeux s'étaient fermés ainsi, je dormais depuis l'heure de minuit jusqu'au lever de l'aurore, sans que mon sommeil éprouvât aucune interruption.
Mirkhond ajoute qu'une chose aussi extraordinaire ne peut être attribuée qu'aux mérites et aux heureuses influences de l'émir Ali-schir, par l'ordre duquel il avait entrepris cet ouvrage. Il fait un magnifique éloge de cet émir, et le termine par des vers dont voici la traduction :
« O Dieu, puisse sa bonne renommée subsister aussi longtemps que dureront les sphères célestes et les astres ! Qu'il reçoive toujours l'assistance de la grâce divine, et que son administration rende l'empire florissant! Que des vœux pour sa félicité accompagnent toujours les prières de l'aurore ! Que le bonheur ne l'abandonne jamais, et qu'une fortune heureuse soit sa compagne inséparable ! »
Je rapporte à dessein ces vers, parce qu'ils me serviront à prouver que cette sixième partie a été écrite du vivant de l'émir Ali-schir.
L’Appendix du Rouzat-alsafa, se termine aussi par un éloge de cet émir, qu'il entre également dans mon plan de faire connaître. J'en vais donner la traduction.
L'auteur de cet ouvrage dit: Voici quelques mots qui se sont trouvés, comme d'eux-mêmes, sous ma plume, et qui conviennent parfaitement pour terminer un livre orné du tableau de quelques-unes des belles qualités de l'émir Ali-schir. Dans le temps même où j'étais occupé à mettre par écrit la description de divers pays et de diverses villes, je me présentai un jour,[5] dans l'intention d'offrir mes hommages au pied du seuil fortuné de ce seigneur, favori du sultan. Lorsque j'eus été admis à baiser le tapis de sa grandeur, j'offris aux regards de ce seigneur d'une nature excellente, regards dont la puissance égale celle de la poudre de projection,[6] une portion de mon travail qui comprenait la description de la capitale du Khatai, et de la ville de Bisnagar. Ce seigneur, le refuge des petits et des grands, et dont tous les discours sont marqués au coin de l'élégance, me dit : Sans doute, ayant réservé la ville royale de Hérat pour en placer la description après celles des autres contrées, vous vous proposez d'en parler de manière à lui assurer la supériorité et la prééminence sur toutes les autres cités. Comme c'était, en effet, le plan que je m'étais proposé, et que l'esprit éclairé de l'émir l'avait deviné, je lui répondis affirmativement. Mais, reprit-il alors, quel est le mérite ou le genre d'avantage à raison duquel on pourrait assurer à Hérat la préférence sur toutes les autres villes, de manière à obtenir l'assentiment de tous, grands ou petits, amis ou ennemis, et à fermer la bouche à ceux qui voudraient contredire ou disputer! A l'instant même, sans que j'eusse pris le temps de réfléchir et de penser à ce que je devais dire, il sembla qu'une inspiration divine me suggérât la réponse que j'avais à faire, et ouvrant la bouche, je dis : Ce qui assure à cette ville l'avantage sur toutes les autres, et une supériorité incontestable et qui sera avouée de tous les hommes, sans la moindre difficulté, c'est qu'elle est la patrie originaire, le lieu de la naissance et la résidence de cet excellent personnage, dont la sagesse, semblable à un habile architecte, a orné et disposé ce bas monde de manière à exciter la jalousie de l'empyrée, et à rendre la terre un objet d'envie pour la galerie peinte de la Chine, et dont l'esprit éclairé est continuellement occupé à affermir les fondements de la vraie religion, et à consolider les bases de la loi publiée par le dernier des prophètes ; qui, par la pénétration de son génie, maintient l'ordre dans les affaires de la religion et de l'Etat, et par la supériorité de ses talents naturels, assure les intérêts de la loi sainte et de l'empire ; je veux dire le grand émir, assisté de la grâce céleste, comblé d'honneurs, dont les jours sont accompagnés de la victoire, dont la gloire égale celle de Féridoun, dont l'esprit possède les connaissances les plus profondes, favori du sultan, honoré de la confiance de l'empire impérissable, admis à la plus intime familiarité de la majesté impériale, riche en humilité,[7] hardi en fait de libéralité, soutien de l'Etat, du monde et de la religion, l'émir Ali-schir. Que Dieu perpétue ses hautes qualités, et accorde un éclat inaltérable aux bonnes œuvres de ses jours et de ses nuits! A parler sans exagération et sans flatterie, on peut dire que jamais le monarque le plus puissant et le souverain le plus magnifique n'a fait le dixième des bâtiments consacrés à la religion, et des édifices de charité, élevés jusqu'au ciel, que l'architecte de son génie, toujours porté aux grandes choses, a fait construire dans les diverses provinces, particulièrement dans le Khorasan, mais surtout dans cette ville de Hérat, rivale et émule du paradis, soit mosquées, collèges, monastères, soit hôpitaux et autres établissements.
Vers. Il a fait dans ce monde tant de grands édifices, que l'imagination même ne saurait s'en figurer le nombre; à peine la terre peut-elle suffire à les contenir; leur hauteur inspire de la jalousie à l'empyrée.
Du nombre des édifices dont la construction est due à ce seigneur, est la mosquée élevée sur le bord de la rivière d’Abkhil,[8] en face du palais auguste de sa résidence : c'est assurément un monument admirable et d'une architecture excellente. Auprès de cette mosquée il a fait construire un hôpital, parfaitement bien disposé et orné. Une autre de ses fondations est le collège nommé Akhlasiyyth ; il est en face de cet hôpital ou maison de santé, dont la réalité répond très bien à la dénomination. Vis-à-vis de cet édifice auguste et fortuné, il a fait construire le monastère appelé aussi Akhlasiyyth, qui sert de retraite et d'asile aux hommes de mérite distingués par leur science.[9] Il n'y a aucun de ces établissements qui ne comprenne des jardins qui présentent l'image du paradis, et des vergers remplis d'arbres et de plantes aromatiques :'la fraîcheur des tulipes qui en font l'ornement, est le sujet d'une envie cuisante pour les jardins des bienheureux, et lès-charmes des rosés rouges qui les embellissent, inspirent une telle jalousie aux bosquets du paradis, qu'ils sont baignés d'un torrent de sueur, et rougissent de confusion.
Vers. C'est un lieu de retraite si charmant, et d'une beauté si parfaite, que je m'imaginai voir le jardin délicieux du paradis ; la réflexion de ce ravissant parterre peignoir sur la concavité de la voûte azurée,[10] des rosés de tout genre, et d'un ronge vif comme le feu.
L'architecte du génie de ce grand personnage a pareillement élevé dans les autres contrées du Khorasan, des édifices religieux, des bâtiments magnifiques, des ponts, des caravansérails, des bassins au milieu des déserts et des plaines inhabitées; tout cela est dû à sa religion bienfaisante et à ses soins charitables ; et il ne serait pas possible de faire l’énumération de tous les établissements de ce genre qui lui doivent leur existence. D’ailleurs, comme il ne nous a point accordé la permission d'en décrire quelques-uns en détail, nous nous sommes bornés à dire ce peu de mots. Maintenant notre plume quittant cette carrière et abandonnant ce sujet, va exprimer des vœux pour le bonheur de cet émir dont l'esprit est pur et exempt de toute tache. Puisse le Dieu très haut, et dont les perfections sont sans bornes, couvrant de sa protection la personne bénie de cet illustre favori de la majesté impériale, le garantir de toute atteinte de corruption et de toute faute contre la religion, et rendre, par les effets de sa justice, le monde florissant et heureux, comme le jardin dont la garde est confiée à Rezvan.[11]
Vers. Puisses-tu passer tous tes jours dans la satisfaction de tes désirs, environné d'honneurs et de plaisirs aussi innombrables que les révolutions des sphères célestes. La faveur de celui qui n'a point de commencement veille sur toi, et te sert de gardien: la protection du Dieu plein de tendresse est ton défenseur et ton patron.
Les personnes d'un esprit sage et d'un discernement éclairé sauront que, grâces à l'heureuse influence de la puissance de notre monarque, et aux regards favorables du ministre qui est le soutien de l'empire, j'ai recueilli en peu de temps les faits consignés dans cet ouvrage, de divers livres estimables où ils étaient dispersés ; que je n'ai rien négligé, autant que me le permettaient mes faibles talents, dans la composition de cet écrit; que j'ai exprimé des événements très remarquables, dans un style simple et exempt de toute prétention, enfin que je me suis abstenu d'employer des termes qui ne sont pas d'un usage ordinaire. J'ose me flatter que mon travail sera assez heureux pour obtenir l'approbation de notre puissant monarque.
Prière. Mon Dieu, daigne éclairer le cœur de ton pauvre, impuissant et misérable serviteur, de la lumière de la religion unitaire et du flambeau de la connaissance,[12] ne refuse point ta bonté et ta miséricorde à cet esclave pécheur. A l'instant où, conformément à cette sentence, vous vivez et vous mourrez, il sortira du monde, séjour de peines et d'ennuis, ne permets point que les sentiments d'amour pour les saints qui jouissent de la faveur d'être admis à ta céleste cour, s'effacent de son cœur; et au jour de la résurrection dont la certitude est fondée sur ces paroles, vous mourrez et vous serez rappelés à la vie,[13] accorde lui d'être réuni à tes fidèles amis. Amen, ô Dieu maître des mondes !
Entre la sixième partie du Rouzat-alsafa, et Appendix, il devrait y avoir une septième partie, qui était destinée, comme nous l'apprenons de la préface même de Mirkhond, à contenir l'histoire du règne du sultan Hoseïn Mirza, sous lequel cet historien écrivait. Dans l'un de nos manuscrits, à la suite de la sixième partie, on en trouve effectivement une autre qui s'étend jusqu'à la mort de ce sultan arrivée en l'an 911, et où il est même fait mention de quelques événements postérieurs de plusieurs années à cette époque. La mort de l'émir Ali-schir y est rapportée avec toutes ses circonstances, sous l'année 906.
Ceci fait naître une difficulté chronologique, sur laquelle nous devons nous arrêter, pour examiner si cette septième partie et l'Appendix qui vient ensuite sont réellement l'ouvrage de Mirkhond. C'est ce qu'on ne saurait raisonnablement admettre, du moins pour cette septième partie. On n'a point de raison d'élever aucun doute, relativement aux six premières parties, Mirkhond racontant lui-même, à la fin de la sixième, la maladie dont il fut attaqué pendant qu'il travaillait à cette portion de son ouvrage, et qui fut vraisemblablement le commencement de celle dont il mourut. Quant à la septième partie, comme elle s'étend jusqu'à l'an pli, époque de la mort du sultan Hossein Mirza, et même un peu au delà, et que Mirkhond, suivant le témoignage de son fils que j'ai rapporté plus haut, et qui est confirmé par Hadji Khalfa, dans ses tables chronologiques, est mort en l'année 903, après dix mois de maladie, il est évident qu'elle ne peut être, du moins en entier, de Mirkhond. Le seul exemplaire que nous possédions de cette septième partie, est défectueux au commencement. Il y manque au moins la première page, et on y en a substitué une autre qui est visiblement une interpolation. Cette page restituée ne se lie pas même avec la page suivante. Dans celle-ci, on trouve d'abord quelques lignes qui devaient terminer la vie d'un personnage illustre nommé Khodja Obeïd-allah, après quoi on lit ce qui suit. « Puisque nous avons terminé l'histoire du sultan Abou-saïd et de ses enfants, par le récit de la vie de quelques-uns des scheiks et des savants les plus célèbres qui ont été contemporains de ce prince, il est temps que nous nous occupions à tracer l'histoire du sultan Hossein Mirza etc. » En lisant attentivement le texte, je crus reconnaître les propres termes de Khondémir que j'avais lus précédemment dans le Habib-alseïr ; en conséquence je comparai cette prétendue septième partie du Rouzat-alsafa avec l'ouvrage de Khondémir, et je reconnus aussitôt la vérité de ma conjecture. Cette septième partie, n'est donc autre chose qu'un fragment du Habib-alseïr de Khondémir. Cependant, en deux ou trois endroits, le copiste a omis plusieurs chapitres du Habib-alseïr, comme je m'en suis assuré par une confrontation exacte des deux ouvrages. Le fragment dont il s'agit commence, dans le Habib-alseïr, man. n° 142, de Le Gentil, au fol. 234 recto, et finit au fol. 293 recto. Je ne sais s'il se trouve d'autres exemplaires du Rouzat-alsafa où l'on ait admis ce supplément. Le manuscrit de Vienne, qui paraît complet, ne contient, en deux volumes, que les six parties rédigées par Mirkhond. Dans le manuscrit de Bruix, n° i C, l’Appendix suit immédiatement la sixième partie. Dans le manuscrit de l'Arsenal, l’Appendix est intitulé Septième partie du Rouzat-alsafa de Mirkhond,
Mais cet Appendix est-il lui-même l'ouvrage de Mirkhond ! La chose me paraît très vraisemblable, cependant avec quelques restrictions. Cette partie n'étant point historique, il est très possible que Mirkhond l'ait composée avant les autres, ou du moins en même temps qu'il travaillait aux six premières parties. Il y parle, en finissant, de l'émir Ali-schir, comme d'une personne vivante. Ainsi, il est certain que cet Appendix a été terminé avant l'année 906, et rien n'empêche de supposer qu'il ne l'ait été même avant 903. Mais on a tout lieu de croire que cette partie du Rouzat-alsafa a souffert des interpolations; car il y a une très grande différence entre les deux seuls exemplaires que nous en ayons, et cette différence est telle, qu'on croirait quelquefois que ce sont deux ouvrages distincts. On doit, je pense, regarder comme une interpolation, un passage qui se lit également dans les deux manuscrits, à l'article de Sawèh, ville de l'Irak persan. L'auteur dit que cette ville a l'avantage d'être la patrie originaire d'un homme d'état qu'il ne nomme point, mais dont il fait l'éloge dans les mêmes termes employés par Mirkhond, à la fin de cet Appendix, en parlant de l'émir Ali-schir, et il ajoute qu'il ne s'étendra pas davantage sur cet homme illustre, qui était, sans doute, vizir ou premier ministre, puisqu'il le nomme l’Asaf, refuge de la justice, , parce que l'on en a suffisamment parlé dans la Préface et l’Appendix des trois volumes du livre intitulé Habib-alseïr.
Le nom de ce ministre est le Khodjah Habib-allah, . Il est certain que ce n'est point Mirkhond qui a cité le Habib-alseïr, ouvrage de Khondémir son fils, dans le tome troisième duquel la mort de Mirkhond lui-même se trouve rapportée. Mais, je le répète, ce n'est vraisemblablement ici qu'une interpolation ; et effectivement ce passage se lit mot à mot dans le Habib-alseïr. (Man. de Le Gentil, n° 142, fol. 391 recto.) Avant de terminer cette notice générale du Rouzat-alsafa, je dois dire un mot de Teixeira qui passe pour avoir emprunté de Mirkhond l'histoire abrégée des souverains de la Perse qu'il a insérée dans l'ouvrage intitulé Relaciones de Pedro Teixeira del origen, descendencia y succession de los reyes de Persia, y de Hormuz, y de un viage hecho par el mismo autor dende la India Oriental hasta Italia, por tierra. Cet écrivain dit effectivement dans sa préface, que, voulant connaître l'histoire de Perse, de la manière qu'elle est racontée par les indigènes, il apprit que le livre qui jouissait parmi eux de la plus grande autorité est celui qu'ils appellent Tarik Mirkond; que se l'étant procuré, il en a tiré tout ce qu'il rapporte relativement au nombre et à la succession des rois de Perse, depuis l'origine jusqu'à celui qui vivait de son temps. Teixeira cite encore l'autorité de Mirkhond dans un grand nombre d'endroits de son ouvrage, et il n'est pas possible de douter qu'il n'ait effectivement connu le Rouzat-alsafa, et qu'il n'en ait fait usage. C'est toujours d'ailleurs en suivant les années de l'hégire qu'il indique les époques des événements, ce qui prouve qu'il a pris pour guide des écrivains orientaux. Mais si l'on veut connaître jusqu'à quel point Teixeira s'est écarté par fois de son guide, il suffira de comparer la manière dont il trace la succession et l'histoire des rois Sassanides, avec cette même portion de l'ouvrage de Mirkhond, traduite par M. de Sacy: la confusion est si grande à l'égard des premiers princes de cette dynastie, dans Teixeira, qu'on a peine à comprendre qu'il ait pu aussi mal user de l'historien Persan qu'il consultait. Au surplus, Teixeira n'a guères pris, en général, de Mirkhond que les noms des princes, leur succession et les époques principales; et quoique son récit soit fort abrégé, il y a mêlé beaucoup de choses étrangères à cet écrivain.
Nous allons donner, comme nous l'avons annoncé, l'indication du contenu des diverses parties dont se compose l'ouvrage de Mirkhond, et des manuscrits que nous possédons de ce même ouvrage, après quoi on trouvera la traduction de l'Histoire des Ismaéliens de Perse, qui est le principal objet de notre travail. Le texte de ce morceau historique et de quelques autres passages cités dans cette Notice, viendra ensuite ; et le tout sera terminé par la préface de Mirkhond, accompagnée de la traduction et des notes de M. de Sacy. Parmi les notes jointes à notre traduction de l'Histoire des Ismaéliens, quelques-unes sont aussi de M. de Sacy : elles seront distinguées par les lettres S. de S.
J'ai rédigé cette table d'après les manuscrits apportés dernièrement de Vienne, et qui renferment, en deux gros volumes, les six premières parties du Rouzat-alsafa. Quant à la septième partie et à l’Appendix qui forme comme la huitième, j'ai indiqué leur contenu d'après le manuscrit de Le Gentil et celui de Bruix. Je n'ai fait entrer dans cette table que les principales divisions ; car on sent qu'une nomenclature de tous les chapitres, aurait été beaucoup trop longue pour trouver place ici...
PREMIÈRE PARTIE.
Préface. (elle se trouvera à la suite de cette Notice).
Introduction.
Elle traite des avantages de l'histoire.
Histoire des premières créatures, d'Adam, de Noé et de sa postérité, des prophètes Houdet Salèh, de Dhou'lkarnaïn acbar (le grand), d'Abraham et de sa postérité &c., de Moïse et d'Aaron &c., de David, et des prophètes jusqu'à Khaled ben-Sinan Absi, prophète Arabe, dont la fille fut contemporaine de Mahomet.
Histoire des anciens Rois de Perse.
Pischdadiens.
Cayaniens.
Histoire d'Alexandre.
Histoire de quelques hommes célèbres de la Grèce, tels qu'Esculape, Pythagore, Socrate (l'exemple ou le modèle des sages), Platon, Aristote, Hippocrate, Ptolémée, &c.
Nous reviendrons sur ce morceau, dans une autre notice.
Ici se trouve une anecdote qui occupe depuis la page 395 jusqu'à la page 4°5?-
Histoire des Princes connus sous la dénomination de Molouc tawaïf ou Molouc Aschcanian.
Histoire des Rois Sassanides.
Cette histoire a été traduite en Français par M. Silvestre de Sacy ; elle se trouve à la suite des Mémoires sur diverses antiquités de la Perse, que nous avons déjà indiqués.
SECONDE PARTIE.
Histoire de Mahomet.
Khalifat d'Abou-Bekr.
Khalifat d'Omar.
Khalifat d'Othman
Khalifat d'Ali.
TROISIME PARTIE.
Histoire des douze Imams, descendants d'Ali.
Dynastie des khalifes Omeyyades.
Dynastie des khalifes Abbassides.
QUATRIÈME PARTIE.
Histoire des Tahérides.
Histoire des Saffarides . . . .
Histoire des Samanides.
Histoire des Ghaznévides.
Histoire des Bouïdes.
Histoire des khalifes Paternités.
Histoire des Ismaéliens (elle se trouvera à la suite de cette Notice).
Histoire des Seldjoukides.
Histoire des Seldjoukides du Kirman et d'Anatolie.
Histoire des Khorazmiens.
Histoire des Modhaffériens.
Histoire de quelques branches d'Atabeks.
Histoire des princes du Goristan.
Histoire de quelques mamlouks du Goristan, qui se rendirent indépendants.
Histoire des rois de Khaledj.
Histoire des rois musulmans de Nimrouz.
Histoire des rois Kurts.
CINQUIÈME PARTIE.
Introduction à l'histoire de Djenghiz-khan, dans laquelle Mirkhond trace celle de quelques princes Tartares et Mogols, depuis Japhet, fils de Noé, jusqu'à ce conquérant Mogol.
Histoire de Djenghiz-khan.
Histoire de ses enfants, savoir :
Baïdou; Djagataï; Oktaï; Gayouk-khan, Mangou-kaan; Couïla-kaan ;
Ici se trouvent des considérations sur l'Histoire de Bagdad et des khalifes Abbassides, le récit de l'expédition de Holagou, quelques détails sur l'observatoire de Méraga et l'histoire de Houlagou ; Abaca-khan; Ahmed-khan; Argoun-khan; Kandjatou; Baïdou; Gazan ; Oldjaïtou; Abou-saïd Béhadur-khan.
Histoire des princes de la maison de Djenghiz-khan qui succédèrent à Abou-saïd.
Puis on trouve des détails sur Oweïs et ses successeurs.
Histoire de la dynastie des Sarbédariens.
SIXIÈME PARTIE.
Histoire de Tamerlan.
Histoire de ses successeurs, depuis Schah-rokh que Mirkhond appelle communément . Khakan-saïd, jusqu'à Abou-saïd Courcan.
Nous ne pouvons indiquer ici qu'imparfaitement le contenu de l'Histoire des successeurs de Tamerlan. Il existe une telle liaison entre tous les événements de leurs règnes, et ces événements sont si multipliés, que pour faire connaître ce que renferme cette sixième partie, il faudrait donner une table générale des chapitres dont elle se compose, ce qui excéderait les bornes de cette Notice. II suffit d'être certain qu'elle ne contient l'histoire d'aucune dynastie étrangère à celle des Timourides.
SEPTIÈME PARTIE,
Elle contient l'histoire de Hoseïn Mirza Behadur-Khan que l'auteur désigne toujours sous le nom de Khakan-mansour, et se termine à sa mort, arrivée le 11 de dhou’lhidjdjeh, 911 de l'hégire. Nous avons prouvé qu'elle n'est point de Mirkhond.
HUITIÈME PARTIE,
La huitième partie ou plutôt l’Appendix du Rouzat-alsafa, qui est intitulé , peut être considéré comme un mélange de géographie et d'histoire. Nous allons en indiquer les principales divisions.
Mirkhond parle d'abord du palais céleste, dans lequel soixante-dix mille anges sont occupés chaque jour au culte de la divinité; de l'arbre nommé lotus, au delà duquel aucune créature ne peut passer; des tablettes où sont écrites les destinées, et de la plume avec laquelle elles ont été tracées; du trône de Dieu, , et de son siège, confondu par quelques docteurs avec le trône, mais distingué par d'autres ; de l'acte par lequel Dieu a étendu la terre sur les eaux, et l'a peuplée de végétaux et d'animaux de toute espèce.
A ce chapitre en succède un autre sur les choses merveilleuses que l'on voit sur la terre habitée. C'est un mélange de fables, et de faits observés réellement en divers pays. Mirkhond y parle d'hommes velus comme des singes, et volant d'arbre en arbre, qui se trouvent en Chine ; des poulets qu'on fait éclore dans le fumier en Egypte; d'une source d'eaux sulfureuses, à peu de distance de Damégan, qui guérit de la gale les malades qui s'y baignent ; d'une fille devenue homme à l'âge de puberté, du temps du sultan Mohammed Oldjaïtou ; d'un homme et d'une femme qui, n'ayant point de mains, faisaient toute sorte d'ouvrages avec les pieds; des sources de naphte, et des terres brûlantes de Bakou, &c. Mirkhond cite souvent l’Adjaïb-almakhloukat.
Le chapitre suivant traite des mers, des lacs et des détroits. Viennent ensuite un chapitre sur l'origine des fleuves et des rivières, avec de courtes descriptions des principaux fleuves ; un autre sur les eaux minérales et les sources remarquables par quelques singularités, comme l'intermittence, la chaleur, les qualités médicinales ou nuisibles à la santé; un troisième sur les puits ou citernes naturelles ; un quatrième sur les îles les plus considérables, et celles qui offrent des particularités dignes de remarque; un cinquième sur les montagnes, et leur utilité dans le système du monde ; un sixième sur les déserts et les plaines inhabitables.
Mirkhond parle ensuite brièvement de la mesure de la terre, et passe à la description de la partie du globe qui est habitée…
Les chapitres suivants, consacrés chacun à l'un des sept climats en particulier, peuvent être considérés comme des sections de celui-là. Dans la section qui traite du second climat se trouvent d'assez longues descriptions de la Mecque et de Médine. Alexandrie, Damas, Chiraz, ont des articles particuliers dans la description du troisième climat. Il en est de même dans celle du quatrième climat pour Tauriz, Ardébil, Sawèh, Kazwin, Kom, Néhawend, Hamadan, Daroudjerd, Ninive, Bagdad. Dans la section où l'auteur décrit le cinquième climat, il s'arrête en particulier sur Samarcande, le château de Roum Brusse, le pays des Grecs, Wan, Boukhara. On trouve dans la description du sixième climat un très long article sur le scheik Abou Nasr Fariabi, surnommé le second docteur, et sur Avicenne ou Abou-Ali ben-Sina ; cet article succèdent des descriptions de Taraz, ville du Turkestan, de Constantinople,[14] Kachgar, Amasia, du pays de Gog et Magog, de Bolgar, et de quelques villes nommées sur le Volga,..... Santiago en Galice. Quelques-uns de ces noms me paraissent corrompus. Il n'est dit qu'un mot du septième climat ; encore cet article manque-t-il tout-à-fait dans l'un des deux manuscrits. La description de quelques pays situés hors des limites des sept climats, termine ces détails géographiques.
Un chapitre particulier est consacré aux choses remarquables, et aux merveilles du Khatai et contient la relation de l'ambassade envoyée, en l'an 822 de l'hégire, par Schah-rokh, à la Chine, relation dont une traduction se trouve dans la collection des voyages de Melchisédech Thévenot. Thévenot dit, dans la préface qu'il a mise à la tête de cette relation, qu'il en avait entre ses mains l'original Persan, mais sans faire connaître l'auteur de la traduction. Ce morceau curieux n'a pas eu moins de célébrité chez les Orientaux que parmi nous ; plusieurs auteurs l'ont inséré dans leurs ouvrages. Abd-ar-rezzac fut, suivant toutes les apparences, le premier qui le publia dans le Matla-elsaadeïn, ou Histoire des successeurs de Tamerlan, C'est de cet ouvrage que Mirkhond l'a pris. Khondémir, à son tour, l'a extrait du Rouzat-alsafa. Cette relation a été traduite du persan en turc, d'après le Habib-alséir. Vers l'an 900 de l'hégire, sous le règne du sultan Sélim Ier, quelques marchands qui avaient négocié dans le Khatai, rédigèrent, sous le titre de Kanoun-namèhi tchin wekhata un ouvrage où ils consignèrent tout ce qu'ils avoient appris ou vu. Ils y firent entrer la relation des ambassadeurs de Schah-rokh. Le Kanoun-nameh, écrit d'abord en persan, fut aussitôt traduit en turc. C'est dans cet ouvrage que Hézarfen et Hadji-Khalfa ont puisé tout ce qu'ils ont dit du Khatai, le premier dans son Histoire d'Asie, traduite en Français par Pétis de la Croix, mais inédite, et le second dans le Djihan-numa.
Après cette longue relation, vient une description de la ville de Bichanagar ou Bisnagar, dont le prince porte le titre de raja, et dont les brahmanes sont renommés pour leur science. C'est de cette ville, dit Mirkhond, qu'a été apporté le livre de Calila et Dimna. De ce chapitre dépend la description d'une fête que célèbrent les païens de Bisnagar.
Le chapitre suivant renferme la description du Maghreb et des merveilles de ce pays.
A cela succède l'histoire de la ville de Hérat. Ce chapitre se termine par le récit de l'entreprise formée par un fédaï Ismaélien, contre le célèbre docteur Fakhr-eddin Razi. Cette aventure avait déjà été racontée par Mirkhond, dans l'Histoire de la dynastie des Ismaéliens de Perse, que nous donnerons à la suite de cette Notice. L’Appendix finit par un éloge de l'émir Ali-schir, que nous avons rapporté plus haut.
[1] Mai 1497.
[2] 22 juin 1498.
[3] A ce que M. de Sacy dit dans cette Notice, sur l'émir Ali-schir, il faut joindre ce qu'on lit relativement au même personnage, dans les extraits de l'Histoire des poètes Persans de Doulet-schah, (t. IV, p. 246 de ce recueil), et de celle de Sam Mirza (id., p. 290 et suiv.)
[4] J'ignore quel est le poids indiqué par ce mot, et je ne me rappelle point avoir lu dans aucun voyageur, comme le nom d'un poids usité en Perse. Le sere est un poids en usage en quelques parties de l'Inde. M. Anquetil dit qu'on l'évalue à quatorze onces (Zend-av. tom. I, part. I, p. DXIX); mais il ne peut pas être question ici de ce poids. Je trouve le même mot employé par Khondémir, dans le récit de la maladie et de la mort de l'émir Ali-schir. Il dit que l'on saigna cet émir, et qu'on lui tira, sans aucun succès, trois sirs de sang. S. de S.
[5] A la lettre je pris l'habit de pèlerin de la visite du seuil, nid de la fortune.
[6] C'est-à-dire, qui convertissent en or tout ce sur quoi ils tombent.
[7] Mot à mot, en pauvreté, c'est-à-dire, dans les vertus qui conviennent à un fakir. Ce que j'ai mis en italique, forme un vers dans l'original.
[8] Ou Andjil, car la manière dont on doit lire ce moi n'est pas certaine.
[9] C'était-là que l'émir Ali-schir avait assigné un logement à Mirkhond.
[10] A la lettre, verte.
[11] On pourrait aussi traduire le jardin delà bienveillance : car c'est le sens du mot qui est devenu le nom propre de l'ange, concierge du paradis. C'est de cet ange que parie Chardin, lorsqu'il dit:
« Les bienheureux, après avoir bu de « l'eau de l'étang de vie, prennent le chemin du paradis ; un ange, nommé Rusvan, qui en a les clefs, leur ouvre. » (Voyage de Chardin, édit.de 1811, t. VI, p. 254.) Il faut rectifier, d'après ceci, la note qu'on lit sur le mot Rusvan, dans l'endroit cité. S. de S.
[12] doctrine de l'unité, signifie la religion musulmane, et connaissance, la doctrine spirituelle et mystique, une sorte de spiritualisme.
[13] A la lettre, vous serez rassemblés.
[14] Mirkhond dit un mot de la conquête de cette ville par Mahomet II.