Oeuvre numérisée par Marc Szwajcer
JOURNAL ASIATIQUE, FÉVRIER-MARS 1867.
NOTICE SUR
PAR M. R. BOUCHER.
Dans son savant ouvrage sur l'histoire des Arabes avant l'islamisme, M. Caussin de Perceval nous a fait connaître un grand nombre de poètes illustres et de héros fameux qui acquirent une seconde renommée longtemps après leur mort, lorsque les Arabes du temps des Khalifes, jaloux de conserver ce qui avait fait leur gloire dans l'antiquité, rassemblèrent les anciennes traditions de l'Arabie et composèrent ces précieuses encyclopédies appelées Kitab el Aghani, Kitab el Ikd, Hamasa, « livre des chansons, livre du collier, livre de la vaillance, etc. » qui sont à peu près les seuls dépôts dans lesquels nous puissions trouver quelques renseignements sur l'histoire ancienne de ce peuple.
Ces documents ne sont pas aussi étendus qu'on le désirerait, en raison des siècles dont ils ont enregistré les faits et de l'étendue des pays dans lesquels vivaient les tribus arabes; cependant il y a encore un bon nombre d'hommes illustres de cette antiquité qui nous sont inconnus.
Le poète Orwa ben el Ward, qui est aussi connu sous le nom d'Orwa es-Saalik ou le bandit, semble être l'un des plus intéressants d'entre ces héros.
Orwa-ben el Ward, de la tribu d'Abs, vivait quelques années avant Mahomet; il sut, malgré sa pauvreté, acquérir un certain renom à son époque par son talent poétique, sa bravoure chevaleresque et sa libéralité, mais surtout par une particularité qui permettrait de le comparera notre poète Villon, s'il ne se fût distingué de lui par les qualités précédentes.
En effet, objet de répulsion dans sa tribu par suite de la haine que s'était attirée son père qui avait été la cause de la fameuse guerre de Dahis[2] entre les tribus d'Abs et de Fézara, ne pouvant, à cause de cette aversion et de sa pauvreté, aspirer à exercer une influence parmi les siens, il servait de chef à tous les pillards qui n'avaient besoin, pour exercer leurs exploits, que de la direction et de l'aide qu'il leur donnait. C'est cette circonstance qui le fit surnommer Orwa es Sadlik , c'est-à-dire l'Orwa des bandits ou l'anse des bandits.[3]
Selon une autre tradition, il aurait reçu ce surnom à cause des vers suivants dont il est l'auteur et dans lesquels il décrit ses émules, glorifiant les uns et humiliant les autres.[4]
Que Dieu confonde un misérable qui, lorsque la nuit étend son voile, va ramasser[5] les débris des os et cherche à se concilier l'amitié de toute maison où il y a une bêle à égorger.
Il croirait avoir obtenu la richesse s'il lui était donné de recevoir chaque nuit l'hospitalité d'un ami riche en troupeaux.
Il s'endort dès l'entrée de la nuit; lorsqu'il se réveille le lendemain, il est encore plein de sommeil et secoue la poussière qui est attachée à ses côtés.[6]
Il sert d'aide aux femmes de la tribu, et au soir il est brisé par ce travail, semblable à un chameau épuisé de fatigue.
Mais qu'il est noble, l'homme misérable dont la face éclatante ressemble[7] à la lueur d'une flamme qui brille au loin, à laquelle chacun vient prendre un tison !
Il verse sans crainte le sang de ses ennemis pendant que, tranquilles dans leurs demeures, une partie d'entre eux le maudissent comme le joueur maudit la flèche qui a perdu au jeu, au moment où il la voit sortir.
Ils ont beau s'éloigner, ils ne sont point en sûreté contre ses attaques, et épient de tous les côtés comme la famille d'un voyageur qui guette sa venue.
S'il rencontre la mort, c'est une mort glorieuse; s'il acquiert la richesse, il s'en est rendu digne.
Dans la notice que l'auteur du Kitab el Aghani a consacrée à ce poète, il n'est fait mention d'aucun des événements historiques de son époque ; le compilateur s'est contenté de rapporter les anecdotes suivantes à propos desquelles il a cité quelques vers d'Orwa.
Dans une de ses excursions contre les Mozaina, Orwa s'était emparé d'une jeune fille nommée Salma, qui appartenait à la tribu de Kinana, et pendant qu'il la ramenait avec lui, il chantait :
Interroge mes ennemis, demande-leur en quels lieux ils ont dressé leurs tentes, demande-leur l’histoire de Aouf dans les temps passés.[8]
De retour dans sa tribu, il affranchit cette femme et vécut avec elle environ dix ans pendant lesquels il eut d'elle plusieurs enfants. Un jour, sous prétexte de voir sa famille, elle le pria de l'emmener avec lui lorsqu'il ferait le pèlerinage de la Mecque. Orwa ne conçut aucun soupçon, pensant que cette femme l'aimait extrêmement; ils partirent donc ensemble. A leur retour, ils passèrent à Médine où Orwa avait des relations avec la tribu juive des Beni-Nadhir, qui lui prêtaient de l'argent et lui achetaient le butin qu'il faisait dans ses excursions. Il descendit donc chez eux; mais il se trouvait que la famille de Salma était aussi en rapport avec cette tribu. Elle fit prévenir ses parents, qui un jour emmenèrent Orwa et burent avec lui jusqu'à ce qu'il eût perdu la raison; ils lui dirent alors que sa femme était de leur famille, qu'ils étaient peinés de voir captive une femme aussi noble, qu'ils le priaient d'accepter une rançon pour elle, ajoutant que du reste il n'aurait qu'à la demander en mariage après qu'il la leur aurait rendue, et qu'ils s'empresseraient de la lui accorder. Orwa, ivre et comptant d'ailleurs sur l'affection de sa femme, ajouta qu'il consentait volontiers à cette condition ; que même il désirait qu'ils consultassent Salma, qui serait ainsi maîtresse de s'en aller avec lui ou de rester dans sa famille. Puis il ajouta : Laissez-moi me divertir cette nuit, à demain les affaires. Le lendemain donc ils revinrent amenant des témoins, de sorte qu'Orwa ne put se récuser. Quant à Salma, elle s'approcha alors d'Orwa, fit l'éloge de sa générosité et de sa bravoure, en ajoutant que le seul motif pour lequel elle le quittait était la peine qu'elle ressentait dans son orgueil lorsqu'elle s'entendait donner le nom de servante par une femme de la tribu d'Orwa.
C'est au sujet de cette aventure qu'Orwa composa son poème qui commence ainsi :
Tandis que mes compagnons et moi nous étions au fond de la vallée de Amq, j'ai passé la nuit dans l'insomnie à contempler un nuage dont les éclairs brillaient au-dessus du Téhama.[9]
Il versait ses ondes sur la demeure de Salma. Où est la demeure de Salma? (Elle est loin d'ici!) Hélas! elle est voisine de el Sarir.[10]
Elle habite la terre des Beni-Ali, et ma tribu est campée entre Immara[11] et Kir.[12]
Je me rappelle la demeure qu'habitait Oumm[13] Wahb (mère de Wahb) dans la vallée de Nakir,[14] et ma dernière, entrevue avec elle lorsque nous nous reposâmes chez les Beni-Nadhir.
Ils me dirent alors: « Que veux-tu? » Me divertir avant tout, répondis-je, me divertir jusqu'au malin,
Avec une femme au doux langage, la salive de sa bouche chasse le sommeil comme le jus des raisins écrasés.[15]
Quant à Salma, elle resta chez les Beni-Nadhir et fut au nombre des femmes faites prisonnières par Mahomet sur les débris de cette tribu, lors de la prise de Khaïbar.
Cette[16] aventure n’ôta pas à Orwa la confiance qu'il avait en l'affection des femmes qu'il enlevait dans ses excursions. Un jour, à la tête de ses compagnons, il s'empara près de Mawan d'un troupeau de cent chameaux, tua le pasteur et enleva sa femme ; il partagea Je butin d'une manière égale entre sa bande, ne se réservant, outre sa part personnelle, que la femme du pasteur qu'il venait de tuer. Ses compagnons ne consentirent à la lui laisser qu'à la condition qu'il abandonnerait sa part du butin ; d'abord, plein de fureur, il voulut se jeter sur eux et les combattre ; mais il se retint à la pensée que ces gens s'étaient confiés à lui ; il se contenta d'exhaler sa colère dans une Kassideh dont voici le commencement :
Allons! les habitants des chaumières,[17] je ne les trouve point différents des autres hommes lorsqu'ils sont devenus riches en troupeaux, maîtres de gras pâturages.
C'était moi qui étais chargé de les protéger à Mawan[18] lorsque nous marchions çà et là.[19]
Alors mes compagnons sentaient l'odeur d'une chamelle noire comme le goudron, portant une selle solidement fixée.[20]
Ses flancs sont usés par le contact du bât,[21] sa bosse est élevée, elle est décharnée, tantôt elle est enchaînée, tantôt elle sert de monture.
J'étais, pour mes compagnons, semblable à une mère qui verse ses larmes au souvenir de son fils, elle se donnerait pour le racheter, et voudrait prendre sur elle le fardeau qui l'accable.
Mais au moment où elle espérait tirer quelque service de lui et jouir de sa jeunesse, une autre femme est venue aux yeux peints d'antimoine et l’a emporté sur elle.
Pour elle, elle passe la nuit appuyée sur ses coudes, éplorée, gémissante.
Elle n'a que deux partis à prendre, qui ne sont gai ni l'un, ni l'autre : s'abandonner à sa douleur ou bien supporter avec patience.[22]
La nuit qu'elle passe ainsi est semblable à cette nuit d'horreur[23] qui ne sortira jamais de ma mémoire, pendant laquelle Karmal[24] me fit atteindre l'objet de mes désirs.
Cette femme, nommée Léila, fille de Chawa, était de la tribu de Amer ben Sassâa; après être restée longtemps chez lui, elle lui demanda, comme Salma, la permission d'aller voir sa famille, qui se montra encore moins accommodante que les Behi Nadhir; car ils menacèrent Orwa de le tuer s'il ne se hâtait de retourner chez lui sans sa femme. C'est à cette occasion qu'Orwa composa les vers suivants :
Tu soupires désireux de recouvrer Léila (gardée) au cœur de son pays, toi qui avais été son maître dans les déserts.[25]
Comment espères-tu la revoir maintenant que de tels obstacles te séparent d'elle, maintenant qu'elle s'est éloignée d'une tribu odieuse à ses jeux, située au milieu d'affreux déserts?[26]
Peut-être viendra un jour où tu le repentiras de ce que tu m'as imposé au jour de Ghadwar.[27]
C'est cette aventure qui inspira Orwa dans sa réponse à Amir ben El Thofaïl de la tribu des Béni Amir. Ces guerriers avaient enlevé une femme de la tribu d'Abs, nommée Asma; les Absites les poursuivirent et reprirent Asma le lendemain même.
Comme Amir ben El Thofaïl[28] s'était vanté de ce mince succès, Orwa lui répondit :
Si vous avez tenu Asma en votre pouvoir pendant une heure, la prise de Léila encore vierge n'est-elle pas un plus grand succès?
Pendant longtemps je me suis paré[29] de sa beauté et de sa jeunesse comme d'un vêtement, et je ne l'ai rendue à Chawa que lorsque sa tête commençait à blanchir.
De combien de belles ne me suis-je pas ainsi emparé[30] de force, tandis que leurs larmes coulaient avec abondance, le jour où malgré leur désespoir je les entraînais violemment !
Pendant une année de disette, un certain nombre d'Absites vinrent trouver Orwa pour le prier de les commander dans une expédition. Oumm Hassan, la femme du poète,[31] concevant cette fois quelques craintes à son sujet, voulut l'empêcher de partir. Orwa se mit néanmoins à la tête de ceux qui avaient imploré son secours, et, malgré les conseils de Malek qui voulait aussi le détourner, il s'empara d'un grand troupeau de chameaux : celte excursion lui inspira plusieurs pièces de vers dont le Kitab el Aghani rapporte des fragments; le premier est une réponse aux objections de sa femme Oumm-Hassan.[32]
Lorsque Oumm Hassan me blâmait, elle cherchait à m'inspirer la crainte de mes ennemis ; qui donc les craint plus que moi?
Elle me disait : « Mon ami, si tu restais ici, combien tu me réjouirais! » et qui donc plus que moi désire une vie tranquille ?
Mais ce malheur dont tu cherches à m'inspirer la crainte, peut-être celui qui restera au sein de sa famille le rencontrera avant nous.
Si tu dis : « Nous avons obtenu la richesse, » un père de plusieurs enfants, amaigri par !a misère, s'interpose entre elle et nous en se plaignant de sa pauvreté.[33]
Les libéralités obligées par les lois de la générosité seraient impuissantes à remplir le vide causé par la misère, c'était un homme généreux dont l'aisance a été balayée par les coups du sort.
Dans le second fragment, le poète répond aussi aux objections de Oumm-Hassan en déclarant que la mort vaut mieux que l'impuissance causée par l'âge, et provoque ses ennemis à le combattre et à le tuer, par un vers qui rappelle le début de la Kassideh de Chanfara.
Si je me traîne sur un bâton, mes ennemis ne seront-ils pas derrière moi se réjouissant du mal qui m'arrive? ma famille elle-même ne me regardera-t-elle pas comme un objet de dégoût ?
Alors, semblable à un objet jeté au fond de la tente, les enfants viendront tourner autour de moi, tandis que je marcherai en tremblant comme une jeune autruche.
Fils de Lobna, dressez les ventres de vos montures,[34] toute sorte de mort est préférable à la moquerie.[35]
Vous ne comprendrez pas la hauteur de mes vues ni la portée de mon ambition jusqu'au jour où vous verrez les champs plantés de tamarix.[36]
Même si j'avais le cœur glacé par l'âge, me faudrait-il donc me contenir à la vue de la terre de mes ennemis ?
Faudrait-il donc revenir par les deux collines nommées Haras,[37] parce que Malek m'aurait dit: « Puisses-tu périr! » Peut-on blâmer dans ses désirs un homme comme moi ?
Peut-être qu'à force de marches errantes, de longues recherches, à force de serrer sur mes montures les courroies qui retiennent la selle,
Je rencontrerai le maître d'un nombreux troupeau de chameaux protégé par son avarice,
Avant peu de gardiens, peu de vengeurs : alors j'appellerai contre eux tous nos compagnons, cavaliers et piétons.
Pour nous, lorsque nous mettons pied à terre auprès d'un abreuvoir situé dans un vaste désert, nous envoyons un espion, qui, semblable à un tronc d'arbre, ne puisse inspirer le soupçon,
Dont le regard perçant semble fouiller de tous côtés ta plaine immense, tandis que nos chamelles sont agenouillées el que notre marmite bout.
Orwa s'acquit par ses razzias et son talent une telle réputation parmi les Arabes que le Kitab el Aghani nous représente le khalife el Mansour racontant plusieurs traits de ce guerrier à des descendants de la tribu d'Abs. Voici un des récits d'El Mansour.
Dans une de ses expéditions, Orwa ben el Ward s'approcha seul à environ deux milles d'un campement de la tribu de Hozéil. Comme il avait faim, il tua un lièvre, fit du feu ; puis, après avoir mangé, il enterra dans le sable les débris de son feu à une profondeur de trois coudées. Il était déjà nuit et les étoiles avaient commencé leur course vagabonde.
Orwa monta alors sur un monticule de sable pour observer le campement. A peine était-il descendu qu'il vit arriver une bande de cavaliers, qui avaient l'air de craindre une surprise nocturne ; l'un d'eux se détache du groupe et vient planter sa lance juste à l'endroit où Orwa avait enterré son feu. C'est ici que j'ai vu ce feu, dit-il ; à l'instant un des guerriers descend de cheval, creuse le sable à la profondeur d'une coudée et ne trouve rien. Alors les cavaliers se moquèrent du premier, lui reprochant de les avoir dérangés en vain; tu n'as rien vu, disaient-ils, tu as voulu te vanter, c'est ta gloriole de finesse qui t'a poussé à agir ainsi, et il n'y a dans tout cela rien d'étonnant si ce n'est notre complaisance qui nous fait t'écouter. Ils forcèrent ainsi le cavalier à avouer son erreur et retournèrent vers leurs demeures. Orwa les suivit, et se cacha, pour guetter une occasion favorable, sous le lambeau traînant d'une tente dans laquelle il n'y avait qu'une femme; il vit alors venir un esclave nègre qui rapportait une outre pleine de lait où la femme le fit boire. Son mari se trouvait précisément être celui qui avait conduit les cavaliers au feu d'Orwa ; lorsqu'il entra, elle le traita comme avaient fait précédemment les guerriers; puis elle lui présenta l'outre. Cet homme s'écria : Quelqu'un a déjà bu dans cette outre, parle maître de la Caaba ! Alors la femme s'emporta, disant que son mari l'insultait; elle appela ses parents, qui forcèrent pour la seconde fois de cette nuit cet homme à se dédire. Enfin il s'endormi). Orwa, jugeant le moment favorable, s'approcha du cheval, qui se mit à ruer et à hennir; le maître du cheval se lève aussitôt; mais Orwa s'était déjà caché. Trois fois il recommença sans pouvoir réussir, et trois fois le maître de la tente se leva sans rien voir et reçut les insultes de sa femme. Enfin Orwa parvint à monter sur le cheval et à s'enfuir au galop. Dès qu'il eut dépassé les tentes, il s'arrêta, et, après s'être nommé au cavalier qui le poursuivait, il lui raconta ce qu'il avait vu pendant la nuit. Alors l'homme se mil à rire et lui dit comment en effet il était doué d'une grande perspicacité qu'il tenait de la tribu de Hozéil et comment sa mollesse lui venait de sa mère, qui était de la tribu de Khozaa, dans laquelle il se trouvait actuellement. Orwa voulut alors lui rendre son cheval; mais le guerrier de Hozéil ne voulut pas se montrer moins généreux que le pillard Absite, et quitta Orwa en lui disant selon la formule des Arabes : Puisse ce cheval être béni à ton service !
El Mansour n'est pas le seul grand personnage qui ait eu Orwa ben el Ward en estime. Merwan ben Abd el Malek déclarait qu'il regrettait de ne pas le compter au nombre de ses ancêtres à cause de sa générosité, qui surpassait celle de Hatem Thai, el qu'il a chantée dans ces vers :
Pour moi, lorsque j'aborde les mets qui me sont préparés, j'aime à me trouver en nombreuse compagnie; toi tu aimes à te trouver seul.
Est-ce que tu te moqueras de moi, si, étant gras, tu vois sur mon visage la pâleur occasionnée par l'exercice des devoirs de l'hospitalité ? En effet, ces devoirs sont une chose fatigante.
Pour moi, je partagerais mon corps pour nourrir mes hôtes, et je me contente de boire une eau pure.[38]
Cependant le petit-fils d'Abou-Thaleb, Abd Allah ben Djafar, avait recommandé au précepteur de son fils de ne pas lui apprendre la pièce suivante d'Orwa, craignant que l'amour de la richesse qui y est exalté ne l'encourageât à sortir de son pays.
Laisse-moi courir vers la richesse ; j'ai vu que le pire des hommes est le pauvre.[39]
C'est le plus vil, celui dont ils font le moins de cas, quand même il serait plein de noblesse et de belles qualités.
Son parent s'éloigne de lui, sa femme le méprise, l'enfant le repousse par ses cris.
Si tu voyais l'homme riche et superbe ! peu s'en faut que son cœur ne s'envole (d'orgueil).
Sa faute est minime, dépassât-elle toute borne; mais le maître (Dieu) est miséricordieux pour la richesse.
Enfin le satirique Djarwal, plus connu sous le nom d'El-Houthaya, comparait Ibn el Ward aux deux héros illustres Rébi ben Ziad surnommé le parfait et Antara.[40]
NOTICE SUR
Le vrai nom de ce poète est Hourthan ben el-Hareth de la puissante tribu d'Adouan ; il était un peu plus ancien que Ibn el Ward et descendait de Modhar par Kays ben Ilan; il fut surnommé Zou 'l-Asba parce qu'un de ses doigts s'était desséché par suite d'une morsure de vipère. Il se distingua par ses exploits et ses poésies pendant les longues discordes qui détruisirent la suprématie que la tribu d'Adouan exerçait sur plusieurs hordes arabes.
Cette autorité de la tribu d'Adouan tenait à plusieurs causes : d'abord sa grande puissance, puisque d'après Asmaï on avait compté une fois parmi les siens soixante et dix mille jeunes gens, en ne prenant que ceux qui étaient incirconcis.[42]
Il faut joindre à cette prospérité l'éclat qu'avait jeté sur cette tribu la sagesse d'Amir fils de Zharib, qui avait été reconnu pour juge suprême par tous les Arabes de la descendance de Kays.[43] Lorsqu'il fut devenu vieux, un de ses fils lui reprocha un manque de justice dans une dérision; alors Amir le pria de lui indiquer, par un signal convenu entre eux, les erreurs qu'il pourrait faire à l'avenir lorsqu'il serait pris pour arbitre.
En conséquence, lorsqu'il rendait ses jugements et qu'il se trompait, son fils, du fond de la tente, frappait sur une écuelle avec un bâton, et ce bruit lui indiquait sa faute. C'est là l'origine de cette locution dont se servaient les Arabes pour le désigner: « celui pour lequel le bâton était frappé. » C'est aussi à Amir que le poète Moute-lammis, l'ami de Tharafa, a fait allusion dans le vers suivant :
Avant ce jour le bâton n'avait jamais été frappé pour l’homme intelligent; l'homme n'a été averti que pour qu'il pût se reconnaître.
Ce juge portait le titre de (Hakam, juge, arbitre). Amir n'est pas le seul Arabe qui en ait reçu le titre : la tribu de Rébia avait conféré cette autorité à Abdallah ben Amr ben Hareth, et les habitants du Yémen à Rébia ben Moukhachin surnommé Zou l'Aouad, parce qu'il fut le premier prince qui s'assit sur un trône pour rendre la justice.
Le commentaire de Tébrisi sur le Hamasa donne le nom d'un autre Hakam de la tribu de Rébia : Daghfal. L'existence de plusieurs grands juges dans une tribu, et le fait qu'il en existait dans trois tribus différentes, donnent à penser que la dignité de Hakam était une des bases de l'antique société arabe.[44]
Les Adouanites ajoutaient encore aux deux causes d'influence que nous venons de signaler le prestige religieux que leur avait donné le privilège de conférer l'Idjaza aux pèlerins lorsqu'ils quittaient la Mecque.
C'était une cérémonie qui avait lieu à la fin des fêtes du pèlerinage, et dans laquelle celui qui donnait l'Idjaza s'avançait au-devant de la foule rassemblée à Mina, et après lui avoir adressé un discours, il faisait une prière pour la prospérité des pèlerins, et il accordait aux assistants la permission de retourner dans leurs tribus.
Après avoir eu tant d'éclat, la tribu d'Adouan déchut de ses honneurs par suite de guerres intestines dont voici la cause.
La branche des Adouanites qui descendait de Nadji ben Yechkor ben Adouan fit une incursion contre celle qui tirait son origine de Yechkor par Saad, fils de Zharib, père de Ouf. Comme les Béni Ouf se tenaient sur leurs gardes, les Béni Nadji ne purent les surprendre; il en résulta un combat dans lequel ces derniers tuèrent huit hommes au nombre desquels était Omair ben Malek, chef des Oufites; ceux-ci ne tuèrent qu'un seul guerrier à leurs agresseurs, Sinan ben Djaber, chef des Béni Wathila,[45] qui s'était uni aux Béni Nadji dans l'espoir de faire quelque butin. Les Oufites consentirent à recevoir le prix du sang; mais Marir ben Djabir ne voulut point recevoir de rançon pour son frère, qu'il résolut au contraire de venger. En conséquence tous ses parents, ses clients firent scission, et Carib, fils de Khaled de la tribu de Abs fils de Nadji, se réunit à eux.
Zou 'l-Asba fut alors envoyé vers les Béni Nadji; il leur fit observer que les Oufites avaient perdu huit hommes et néanmoins avaient accepté le prix du sang, et que la justice voulait qu'eux, qui n'avaient perdu qu'un seul guerrier, ne se montrassent pas plus exigeants que leurs frères; mais les Béni Nadji demeurèrent inflexibles.
C'est à ces événements qu'a fait allusion Zou 'l-Asba dans les vers suivants :
Hélas! cruauté exterminatrice du sort et des temps! telles sont les vicissitudes de la fortune.
Quoi ! après les meurtres des Béni Nadji el les attaques contre les Oufites, les yeux ne rencontreront point ceux qui sont morts!
Lorsque je dis quelques paroles de paix pour rétablir la concorde entre eux, Marir me répond : « Je ne veux point de paix ! »
Marir, plus vil qu'un chameau auquel on a coupé la bosse, Marir qui se traîne vers ses ennemis, courbé, agenouillé !
Si les Adouanites, fils de Sad, se dispersent, ils ont longtemps agi en maîtres ici!
C'est dans les guerres qui suivirent que Zou 'l-Asba acquit sa renommée de poète guerrier; aussi employa-t-il son talent surtout à déplorer la ruine de sa tribu, el c'est le genre clans lequel il excellait, car la plupart des fragments que le Kitab el Aghani a conservés de ce poète sont dans le genre élégiaque. Le morceau qui suit et qu'il a composé sur la chute dés Adouanites est un des plus estimés de ce poète; il se fait remarquer par une grande largeur de pensées, qui rappelle souvent le style des prophètes hébreux
Tout ce qui entoure l'homme est néant, par suite des vicissitudes des événements, semblables à une corde que tantôt l'on tord et tantôt l'on détord.
Lorsqu'il entreprend une affaire, il pense l'achever, mais il 'no peut la terminer.[46]
Il se dit : aujourd'hui, je ferai ceci; mais il ne possède même plus ce qui a passé.
(N'agis pas ainsi,) termine l'affaire d'aujourd'hui, ne t'occupe pas de ce qui s'est écoulé.
Lorsque l'homme apparaît à la vie, il est enveloppé d'un voile, bientôt la nuit l'environnera de nouveau.
Pendant qu'il jouit du bonheur d'une vie douce et aisée.
Le malheur vient fondre sur lui au moment où il se trouve sur un pas glissant.
Les soutiens de la tribu d'Adouan étaient semblables aux serpents (qui rampent) sur la terre.
Ils ont voulu s'élever à l'envi les uns des autres, ils ont rencontré le néant.
Que d'événements ont été causés par une simple inflexion de voix!
Parmi eux étaient de nobles seigneurs qui savaient remplir leurs engagements au delà de leur promesse.
Parmi eux était un juge suprême, il décidait, et ses ordres n'étaient point violés.
C'étaient eux qui donnaient la permission du retour aux pèlerins, tant pour les pèlerinages obligatoires que pour ceux de dévotion.[47]
Ils sont les pères d'Amir, ce haut et puissant chef.
Ils ont préparé pour Thakîf[48] une demeure glorieuse et élevée.
C'étaient, je ne te mens point, des gens puissants toujours prêts à combattre.
Depuis leur naissance, ils avaient crû dans le sein d'une noblesse sans mélange.
A eux appartenaient les sommets des hantes montagnes, leurs flancs[49] et les vallées les plus profondes.
A eux les lieux qu'envahit le sol stérile; à eux les plaines couvertes de hamdh.[50]
A eux les jardins de palmiers, les collines de sable et tous les lieux agréables.
A eux ces abreuvoirs pleins d'eaux, intarissables.
Ceux qui se proposaient un voyage à travers un pays sans accès et comme ténébreux,
Après s'être réunis en grand nombre, partaient sous la conduite d'un guide accueilli des Adouanites.
Ceux qui voulaient lutter contre eux dans les combats ne trouvaient que la déception et la honte.
Mais ils ont fini par rencontrer l'inimitié et la haine.
Car il n'est pas donné à l'homme de distribuer la gloire ni de s'en emparer lui-même.
Zou 'l-Asba comptait au nombre de ses ennemis un cousin qui se jeta, par animadversion contre lui, dans le parti de Marir ben Djaber, et auquel il fit allusion dans plusieurs pièces de vers.
J'ai un cousin dont les pièges sont toujours tendus contre moi.
J'ai vu les frères me regarder en fermant à moitié les yeux pour marquer leur mépris,
A cause de la haine qu'ils ressentent contre moi, et tu ne me verras jamais rien faire qui puisse leur nuire.
(Quoi !) il a appuyé les dents de la scie sur le plus noble des visages !
Si tu étais une source, tu ne donnerais[51] point une eau douce capable d'apaiser la soif.
Loin de mes lèvres l'eau salée,[52] son âcreté ébrèche la coupe (qui la contient).
Loin de moi ce qui sort de ses mains, elles ne laissent couler que des malheurs.
Le Kitab el Aghani donne encore une autre pièce de vers dirigée par Zou 'l-Asba contre son parent ; elle commence, comme presque toutes les pièces de vers arabes, soit par une scène imaginée, soit par l'exposition d'un fait réel au sujet duquel nous n'avons pas de renseignements, entre le poète et une femme qu'il nomme Reia, mère d'Haroun; puis il aborde la satire en ces termes, s'adressant tantôt à son cousin, tantôt à tous ses ennemis :
J'ai un cousin qui me déteste et que je hais à cause de son caractère, qui m'est tout contraire.
Il nous méprise parce que nous avons été contraints de fuir,[53] il me juge au-dessous de lui, et moi je le regarde comme mon inférieur.
Entre en lutte avec moi,[54] tu verras que tu ne me surpasses en rien par ton mérite personnel; tu n'es pas mon juge pour chercher ainsi à me rabaisser.
Jamais tu n'as donné de pain à ma famille dans une année de disette, jamais tu ne m'as remplacé pendant la famine.
Pour moi, si les hasards du sort me causent quelque tort, il n'y a rien là qui m'émeuve.
Tu ne verras en moi d'autre défaut que le manque de patience; pour le reste, Dieu est là.
Sans les liens d'une parenté que tu ne respectes pas et qui le lie à moi, et sans la crainte (des lois) de Dieu, même envers un cousin qui m'est hostile,
Je renoncerais à tous rapports avec toi,[55] tu serais libre sans aucun recours (contre ma décision); ne te vois-je pas (faire tous tes efforts pour) me repousser?
Certes, celui qui tient les biens de ce monde d'une main parcimonieuse ou qui les répand avec générosité, s'il me remplace auprès de toi, (certes, celui-là) me suffira aussi.
Dieu vous connaît, Dieu me connaît aussi, il vous suffit, il me suffit aussi.
Que m'importe que vous me soyez unis par la parenté? je ne vous aime point si vous ne m'aimez pas.
Si vous buviez tout mon sang, il ne pourrait vous désaltérer; votre sang tout entier n'apaiserait pas ma soif.
Bien que (l'amitié de) tous les hommes soit en mes entrailles, mon cousin se réfugierait derrière un mur pour me lancer ses traits.[56]
Amr, si tu ne cesses de m'insulter, je te frapperai à un tel point que la chouette dira : Donnez-moi à boire.[57]
Tout homme retourne à son caractère naturel, même après qu'il a revêtu pendant longtemps un caractère d'emprunt.
Pour moi, jamais ma porte n'est fermée pour un ami, jamais mes bienfaits n'ont été reprochés.
Jamais ma langue ne se déchaîne contre un proche; (pourtant) ma bouche n'est point de celles dont on n'ait rien à craindre.[58]
Jamais la violence n'émane de moi, si ce n'est lorsque j'y suis contraint, et je ne témoigne point ma bienveillance à celui qui ne la mérite pas.
O vous (mes ennemis) qui êtes plus de cent (acharnés contre moi), réunissez-vous de tous les côtés pour me tendre vos pièges.
Si vous connaissez la route, marchez (suivez-la); si vous vous égarez, venez à moi (que je vous redresse).
Si la bordure d'un vêtement est aussi fine que le tissu lui-même, lui reproche-t-on sa beauté ou sa finesse ?[59]
Souvent j'ai terrassé mon ennemi d'une large blessure au bas de la nuque,[60] au jour où les coups du sort fondaient sur moi.
Qu'ai-je fait pour que vous me traitiez de craintif, est-ce parce que je ne vous aime point alors que vous ne m'aimez pas non plus?
(Autrefois) je vous donnais tout ce que je possédais, je vous donnais une affection établie sur une base inébranlable enfouie dans le plus secret de mon cœur.
Souvent, du milieu d'une tribu dont le tumulte était semblable à celui des vagues mugissantes, j'ai provoqué qui voudrait échanger son gage contre le mien (pour lutter avec moi[61]).
J'ai fait retomber leurs mensonges sur la tête de ceux qui les ont proférés; ils sont devenus semblables à une tour (le repaire) des serpents.[62]
Amr ! que n'as-tu été de mon parti! tu m'aurais trouvé doux, bon et généreux. C'est ainsi que je récompense celui qui me fait du bien.
Zou 'l-Asba atteignit un âge très avancé, et ses gendres (il en avait quatre), craignant qu'il ne tombât en enfance, essayèrent de l'empêcher de dissiper son avoir; c'est alors que pour se défendre il composa ces vers :
Le jour s'est réuni à la nuit pour me faire périr, le sort est impitoyable et toujours jeune.
Il n'y a rien d'étonnant à ce qui m'arrive. Que tes cheveux blanchissent ou que tu deviennes chauve, tu es un objet de répulsion.
Lorsque l'éclat de la jeunesse brillait sur mon visage, tu aurais pensé que cet éclat était celui d'une eau pure comme celle de la pluie.
Les jeunes filles de la tribu me lançaient des regards furtifs ; elle est venue celte cruelle extrémité (et) elles se sont éloignées.
O mes amis, vous me blâmez[63] sans relâche; tout ce que je veux faire, vous ne me le permettez pas.
Ne me liez point ainsi d’une manière tyrannique; pour moi, jamais je n'ai insulté un ami, jamais je ne lui ai attribué un défaut.
(Vous ne pourrez le dire) à moins que vous ne mentiez; mais cela ne dépend pas de moi si vous êtes faux et menteurs.[64]
Pour moi, je crie à haute voix : Salut, ô mes amis, écoutez-moi.[65]
Demandez à ma voisine et à ses parents[66] si jamais j'ai été du nombre de ceux qui jettent des soupçons contre les autres ou qui les calomnient.
Si jamais elles m'ont demandé quelque chose que je ne leur aie pas accordé Ma compagne n'a aucun malheur à redouter de moi.
Loin d'aimer la débauche, je la déleste; le libertin, après s être repesé (pendant le jour), sort la nuit après un léger sommeil (pris pour tromper).
Jamais je n'ai désiré me rendre chez une jeune femme pendant le sommeil ou l'absence de son mari.
Telle a été ma conduite pendant de longues années qui se sont écoulées sur moi; le temps passe sur l'homme comme un éclair.
Si vous prétendez que j'ai vieilli, sachez qu'on ne m'a jamais considéré comme un fardeau ni comme un être stupide ou imbécile.
Si tu me vois armé de la petite[67] lance d'Abou Sad, autrefois j'ai porté les armes de différentes espèces.
Je possédais dans la perfection l'art de me servir de l'épée, de la lance et du carquois.
Je savais faire voler des nuages de poussière de dessous les pas d'un jeune cheval au poil brillant,
Qui repoussait violemment celui qui voulait l'entraver jusqu'au moment où le troupeau lâché[68] s'agite comme une mer et se disperse.
Alors il se met à la tête des plus nobles coursiers qu'il devance à la course, agitant une crinière épaisse, et relevant son poitrail semblable à la proue d'un navire.
Puis il se plonge dans la mort pour protéger les femmes (qui fuient) portées par les chameaux, et fait parvenir son maître au butin.
Pourquoi donc me calomnier ainsi ?
Zou 'l-Asba a fait aussi sur sa vieillesse et sur la ruine de sa tribu une pièce de vers adressée à une de ses filles appelée Omama.
Omama a pleuré en me voyant (forcé de) marcher sur un bâton, elle s'est rappelé le temps où j'étais du nombre des jeunes guerriers.[69]
Déjà auparavant Dieu avait dressé ses pièges contre Irem et cette tribu d'Adouan.[70]
Après une puissance suprême, après (tant de) mérites et de vertus, les vicissitudes du temps ont exécuté leur rotation autour d'eux.
Ils se sont séparés, leurs débris se sont dispersés, ils se sont répandus en tous lieux par petites bandes.
Leur pays est devenu improductif, les seins de leurs femmes sont devenus stériles, la fortune et ses coups les ont bouleversés.
Elle les a jetés dans les déserts tous jusqu'au dernier, comme des troncs de palmiers renversés dans une vallée.
Ne t'étonne point, Omama, au sujet de ces événements ; c'est la fortune et le destin qui nous ont accablés.
Sa fille Omama à laquelle il adressait ces vers était elle-même une femme poêle, et nous avons une pièce de quelques vers quelle a composés sur la destruction des Adouanites.
Quelle foule de jeunes guerriers à la figure brillante de jeunesse, semblables à la lune éblouissante !
Quand leurs chevaux passaient, le bruit de leurs sabots ressemblait à la pluie qui se précipite avec vacarme d'un nuage gonflé.
C'étaient des rois, des seigneurs à l'apogée de l'illustration; longtemps leur gloire a surpassé celle des plus fiers.
Ils se sont passé entre eux une coupe; malheur à ceux qui ont bu, ils ont péri.
Ils se sont réfugiés dans les déserts, et celui qui descendrait dans le pays qu'ils habitaient ne trouverait plus que des traces effacées déjà disparues.
Enfin, pour terminer, nous citerons une pièce de vers adressée par Zou'l-Asba à son fils Osaïd (Lionceau), dans laquelle le poète, en recommandant à son fils la libéralité et la vaillance, et en lui indiquant la conduite à tenir dans les événements de la vie, nous offre le modèle d'un chevalier arabe antéislamique :
Osaïd, si tu acquiers la richesse, sers-toi de tes biens noblement.
Rends-toi le frère des hommes généreux toutes les fois que tu pourras former avec eux des liens de confraternité.
Bois à leur coupe, fût-elle pleine d'un poison mortel.[71]
Méprise les hommes vils, ne sois pas pour eux semblable à un chameau docile.
Si tu te rends frère des hommes généreux, tu trouveras en eux un accueil agréable.
Abandonne celui qui promet à sa tribu de faire couler ses dons comme un torrent et qui ne les verse pas.[72]
O mon fils, les trésors ne versent point de larmes lorsque l’avare qui les possédait vient à mourir.
Osaïd, si tu as résolu de voyager de pays en pays,
N’oublie jamais, quelque grande que soit la distance, ce que tu dois au frère de ton frère ou au pauvre.
Que ton âme te serve comme un généreux coursier lorsque tu te proposes d’agir, que ce soit une chose dure ou facile.
Comble de présents les hommes généreux, répands tes libéralités sur ceux dont tu désires acquérir l’amitié.
Evite la négligence dans les affaires mais laisse-toi aller à leur courant.
Ouvre une main (généreuse) comme un nuage plein de rosée, répands tes dons en étendant tes bras au loin.
Donne tout ce que tu possèdes, constitue-toi ainsi une noblesse solidement établie.
Lorsque tu as résolu une affaire, entreprends-la avec une volonté ferme qui prévienne tout nouveau souci.
Accueille ton hôte, abandonne lui tout ce que contient la tente jusqu’au moment où il te quittera.[73]
Elève ta tente sur les collines pour (que) les[74] voyageurs (puissent la voir de loin), évite les torrents des vallées.
Au jour où les chameaux agitent leur queue et la font retentir sur leurs flancs,[75]
Brise (tout devant toi) comme un lion intrépide qui teint l'abreuvoir du sang de la proie qu'il déchire.
Précipite-toi dans la bataille lorsque les héros les plus intrépides refuseraient de charger.
Et lorsqu'on t'appelle pour (soulever) une difficulté, prends son fardeau tout entier sur toi.
[1] La physionomie originale d'Orwa, sa vie animée et poétique avaient fixé mon attention, et j'avais puisé dans le Kitab el Aghani et dans le Hamasa plusieurs documents que j'avais réunis dans l'article suivant. — Ce n'est que lorsque mon travail a été terminé que j'ai appris que M. Nöldeke avait publié deux ouvrages sur l'ancienne poésie arabe, l'un d'eux: Beiträge zur Kenntniss der Poesie der alten Araber (Hanovre, 1864); l'autre : Die Gedichte des Urwa ibn Alward (Gœttingue, 1863); cette dernière publication renferme le Divan d'Orwa recueilli par Ibn Sikkit, le chapitre du Kitab el Aghani qui traite de la vie de ce poète et une étude critique sur les poésies de ce recueil, dans laquelle M. Nöldeke s'est surtout attaché à établir la concordance des poèmes avec la tradition. Malgré mon vif regret d'avoir, à mon insu, exploré un sujet traité par un savant aussi distingué que M. Nöldeke, il m'a semblé, après avoir comparé mon travail avec le sien, qu'il y avait quelques légères différences. En outre j'ai trouvé dans le Kitab el Ikd un petit morceau qui a échappé au compilateur d'après lequel M. Nöldeke a publié le Divan d'Orwa; ce sont ces diverses considérations qui m'ont décidé à soumettre mon travail au jugement des lecteurs du Journal asiatique.
[2] Ce détail est donné par le Kitab el Aghani, qui, du reste, n'ajoute aucune autre explication. C’est un nouveau témoignage qui confirme la première des deux versions sur l'origine de la guerre de Dahis qui sont données par M. Fresnel (seconde lettre sur l'histoire des Arabes). Il raconte que ce fut El Ward qui engagea la course entre le cheval de Kays et celui de Hodhaifa sans en avoir reçu mission de Kays, qui voulut d'abord se dédire.
[3] De même que l'on dit d'un savant qu'il est l'anse des savants, pour dire qu'il est le plus distingué d'entre eux et leur appui.
[4] Le Kitab el Aghani ne donne ici que trois vers, qui sont le 1er, le 2e et le 5e.
[5] Le Hamasa porte ici ; mais, comme l'auteur lui-même le remarque, cette lecture n'est pas très bonne, la leçon semble meilleure. Quant au mot , c'est le pluriel de qui signifie cartilage, extrémité d'un os; le a été ajouté pour la mesure.
[6] Le Divan donne « affamé ». Il me semble que la leçon fournie par le Hamasa est plus en accord avec le sens du vers et du suivant.
[7] Le Hamasa, porte ici la leçon suivante : .
Avec cette leçon le sens est suspendu pendant trois vers, ce qui est rare.
[8] Ce Aouf est le frère de Hodhayfa tué par Cays au commencement de la guerre de Dahis. Orwa le cite dans ce vers pour s'enorgueillir des hauts faits de la tribu d'Abs. Le Divan porte au lieu de . Le manuscrit du Kitab el Aghani ne donne que le groupe . Au second hémistiche le Divan donne fils , au lieu de « histoires ».
[9] Le mot signifie avoir le sommeil tourmenté par suite du chagrin ou d'une préoccupation. C’est ainsi que Milha el Djarmi a dit:
J'ai passé une longue nuit dans l'insomnie, à contempler un nuage plein d'éclairs, semblable à une montagne de rochers entassés, qui volait avec rapidité de pays en pays.
Le commentaire du Divan dit que Amq est une localité pris de Médine. Le Merasid el Itthila donne aussi ce nom à un endroit près de Médine, sur le territoire des Mozaïna; cette localité n'est point indiquée dans le lexique géographique de Zamakhchari.
[10] Le Divan désigne sous ce nom une localité du territoire des Kinana. Cette indication est confirmée par le Merasid et le Kamous.
[11] Suivant le Merasid et le lexique de Zamakhchari, c'est une localité entre Bassora et la Mecque, à une marche de la limite du territoire des Beni-Temim.
[12] montagne chez les Beni-Ghatafan (Merasid).
[13] Surnom de Salma, de Wahb, son fils et celui d'Orwa.
[14] Le Divan porte ; je n'ai trouvé nulle part trace de cette localité. Quant à Nakir, selon le Merasid, c'est une localité entre Hedjer et Basson; il n'est pas probable que ce soit cette localité qu'Orwa ait voulu désigner.
[15] Le Divan porte un peu après.
[16] M. Nöldeke n'admet pas cette tradition et veut qu'elle se confonde avec la première, cependant la différence des noms et des tribus de ces femmes m'a porté à interpréter de la sorte le témoignage du Kitab el Aghani.
[17] Orwa, dit le Kitab el Aghani, lorsqu'il s'était retiré avec ses compagnons, leur avait construit de ces chaumières nommées et qu'habitent les Arabes trop pauvres pour posséder une tente.
[18] Mawan, selon le vocabulaire de Zamakhchari et le Meratid, est une aiguade entre El Nakra et El Rabadha, qui se trouve elle-même à 67° 30' long, et 24° 10' lat. selon Aboulféda (édit. de M. Reinaud, p. 115 de la traduction). Il existe encore, suivant le Merasid, une localité de ce nom située dans les hauteurs du Yemama.
[19] Le Divan porte .
[20] Avant de s'emparer de ce troupeau, ils avaient cherché longtemps sans rien trouver; au bout de quelques jours, ils virent une chamelle qui venait s'abreuver et voulurent la tuer ; Orwa les en empêcha. C'est à cet épisode qu'il est fait allusion dans ce vers. Il y a encore dans ce vers un jeu de mots qui porte sur le mot qui signifie une chamelle ou une marmite. M. Nöldeke traduit par « rencontrer au soir. » Je crois que, malgré le commentaire du Divan qui veut que la comparaison de la marmite et de la selle s'adresse à la marmite sur les pierres qui la supportent, il est plus juste de comparer la selle de la chamelle au couvercle du vase, car les mots et ne peuvent s'appliquer qu'à la marmite et au couvercle.
[21] Les poètes arabes n'oublient jamais ce détail dans la description de leurs chameaux. On se rappelle à ce sujet le vers de Tharafa :
Les traces des courroies sur ses flancs ressemblent à des chemins creusés sur la pierre polie d'une éminence rocheuse. — Au lieu de , le Divan donne la leçon , qui s'applique plutôt au cou du cheval, et se dit du côté du chameau.
[22] peut s'employer pour désigner le chagrin causé par le simple éloignement d'une personne.
[23] M. Nöldeke fait de un nom de lien : signifie aussi une nuit blanche, une nuit d'horreur, et se dit également de la dernière nuit d'un mois.
[24] Cheval d'Orwa.
[25] Dans le Divan on lit . M. Nöldeke considère le mot comme nom de lieu.
[26] Cette tribu est le rassemblement dont Orwa était le chef. — On lit dans le Divan au lieu de et au lieu de . Cette dernière leçon me parait mieux concorder avec le sens pris dans la signification de désert. Il y a aussi une localité qui porte le nom de (Teima), qui était le siège principal de la tribu de Thaï (Aboulféda, édit. de M. Reinaud, p. 117 de la traduction).
[27] Selon le Merasid, il y a deux localités nommées Ghadwar ; l'une sur le territoire des Thaï, l'autre entre Médine et le territoire des Khoiaa. On peut aussi admettre que est le verbe indiqué dans le Kamous, avec le sens de , ce qui donnerait alors « au jour où la fortune s'est irritée contre moi ».
[28] Amir ben El Thofaïl était un guerrier poète sur la vie duquel on peut consulter l’Histoire des Arabes avant l'islamisme. Le Hamasa cite quelques vers de lui.
[29] On lit dans le Divan .
[30] Le Divan donne et . On peut aussi traduire: « c'est ainsi que je prends les belles le jour où, etc. » — M. Nöldeke lit comme nom de lieu. Je l'ai considéré comme désignant les efforts de ces femmes au moment où Orwa les entraîne.
[31] Cette femme est désignée dans le roman d'Antar comme étant la sœur d'Orwa (traduction Devic).
[32] Dans cette pièce Orwa dit à Oumm Hassan que lui aussi craint la mort el ne courrait pas ainsi les aventures, si ce n'était dans le but de pouvoir soutenir les pauvres qui lui demandent assistance comptant sur sa libéralité; mais qu'au reste la mort arrive en tout temps.
[33] Selon le commentaire du Hamasa, le mot est le pluriel de comme est le pluriel de .
[34] Lorsque les Arabes chargent les chameaux, ils leur plient une des jambes de devant et passent à cette jambe un anneau de corde appelé . Ainsi entravée, la bête est forcée de se tenir agenouillée reposant sur son ventre: pour partir on enlève l'anneau, ce qui permet à l'animal de se dresser. C'est de là que vient cette expression que l'on rencontre quelquefois, notamment dans la Kassideh de Chanfara qui porte : .
Une variante indiquée par M. Nöldeke dans son ouvrage sur l’ancienne poésie arabe donne pour ce vers de Chanfara. , fils de Lobna, comme dans le vers d'Orwa. D'un autre côté, le commentaire du Hamasa sur le vers d'Orwa cite cette parole de Mahomet : Satan a une fille nommée Lobaina (diminutif de Lobna). Le ton de provocation des deux passages de Chanfara et d'Orwa indique que cette expression fils de Lobna signifie fils de Satan maudits.
[35] Le Hamasa porte « pire, » qui évidemment n'a pas de sens ici.
[36] Le Hamasa porte, et l'explique par territoire de Médine. En admettant la leçon avec le Kitab el Aghani, on obtient un sens qui est plus en harmonie avec le texte : signifierait ici les cimetières.
Le commentaire du Hamasa admet aussi celte dernière leçon et désigne sous ces mots une partie du territoire de la tribu qu'Orwa se proposait de piller.
[37] Montagnes jumelles situées sur le territoire de la tribu de Fézara.
[38] Ce vers rappelle celui de Moténabbi qui se trouve dans une belle pièce de vers à la louange d'Abou Chodja Fatik que l'on peut lire dans l’Anthologie de Grangeret de Lagrange : .
Si ses hôtes lui demandent de la viande, il leur fournirait sa propre chair coupée en gros morceaux découpés aux jointures.
[39] Ces vers me sont fournis par le Kitab el-Ikd dans le chapitre El Yakouta. Le Kitab el-Aghani, qui ne contient que le premier vers de cette pièce, donne pour variante au lieu de .
[40] Consulter sur ces deux héros l'Histoire des Arabes avant l’Islamisme.
[41] On trouvera ici des mœurs toutes différentes de celles qu'on vient de voir et des vertus qui n'étaient guère habituelles aux nomades de la vieille Arabie. Au lieu d'être un homme de carnage comme Orwa et la plupart de ses compatriotes, Zou 'l-Asba est un sage qui se fait aimer des siens, excepté quelques factieux, dont les intrigues et la haine de parti pris ne peuvent le faire sortir de sa longanimité habituelle, sans cependant affaiblir les vertus guerrières si haut prisées chez les Arabes.
[42] D'après une autre leçon, qui est aussi attribuée à Asmaï, il faudrait réduire ce nombre a celui encore considérable de quarante mille.
[43] Voyez Histoire des Arabes, II, p. 261.
[44] Peut-être pourrait-on les comparer avec les juges hébreux.
[45] Wathila était frère de Zharib.
[46] Cette forme se retrouve dans le Coran dans la phrase suivante : « L'homme se révolte lorsqu'il se voit devenu riche. » (sourate xcvi, versets 6 et 7).
[47] Ce vers semble prouver que le pèlerinage de la Mecque était une pratique obligatoire de la religion des Arabes longtemps avant Mahomet, et qu'il était aussi, dès celte époque, dans leur usage de faire vœu d'un pèlerinage.
[48] Gendre d'Amir fils de Zharib. (Voyez Hist. des Arabes, II, 260.)
[49] Le mot qui termine ce vers ne rime point avec le reste de la Kassideh, c'est un exemple à ajouter à celui que M. Caussin de Perceval a tiré de Nabegha Dhobyani pour prouver qu'à la fin des vers on ne prononçait point les inflexions grammaticales (Hist. des Arabes, II, p. 510).
[50] Plantes du genre rumex (Forskal, Flora aegyptiano-arabica) qui forment un pâturage recherché par les chameaux.
[51] Un poète, probablement de l'époque des Khalifes abbassides sous le règne desquels les littérateurs recherchèrent les comparaisons sans fin et les surcharges de mauvais goût, a imité ce vers dans les deux suivants:
Si tu étais de l'eau, tu ne serais point une eau douce; si tu étais une lame, tu ne serais pas un sabre affilé.
Si tu étais un cheval, tu ne serais pas un noble coursier; si tu étais de la chair, tu serais de la chair de chien.
[52] Le texte porte au second hémistiche: qui ne donne point de sens, et de plus le dernier pied est incomplet.
[53] Cette expression est analogue à celle-ci qui est expliquée dans le Hamasa, p. 159. Ce vers indique que le parti de Zou 'l-Asba avait été vaincu par celui de Marir ben Djabir.
[54] Ces mots sont exprimés dans le texte arabe par le mot qui signifie « marcher vers quelqu'un, se disputer avec quelqu'un. »
[55] On peut supposer dans ce vers une ellipse comme cela arrive fréquemment chez les poètes arabes, et lire comme dans le texte, ou bien admettre une faute dans le texte, et lire (Ai. On pourrait peut-être aussi mieux lire ce vers de la façon suivante:
et dans le vers précédent remplacer par .
[56] Jérémie, Lamentations, iii, 12-13. Il a tendu son arc et m'a mis en butte à ses flèches, il a lancé dans mes reins toutes les flèches de son carquois.
[57] Ce vers fait allusion à cette croyance que l'âme s'envolait après la mort, sous forme d'une chouette, et restait au pied du tombeau de celui qui avait été tué, en criant sans cesse : Donnez-moi à boire. (Voir Masoudi, Prairies d'or, t. III, p. 300.)
[58] Je pense que c'est ici qu'il faut ajouter ce vers du Kitab el Ikd (Yakouta) :
« Je ne demande à personne ce qu'il a dans l'esprit, le jugement que je porte sur chacun en moi-même me suffit. »
[59] Il y a ici jeu de mots entre le mot, servant à désigner la finesse d'un habit, et le même mot placé plus haut avec le sens de bienveillance.
[60] Le mot désigne une blessure placée à l'endroit nommé , ou première vertèbre.
[61] Isaïe, ch. xvii, 12 : « Malheur à cette multitude de peuples qui ressemble au bruit d'une grande mer, malheur à ces voix tumultueuses qui retentissent comme le bruit des vagues et des flots! »
[62] Isaïe, ch. xiv, 23, en parlant de Babylone, dit : « Je la rendrai la demeure des hérissons. »
[63] Le duel est souvent employé pour le pluriel chez les poètes arabes, Imr Oul Kays en fait un usage fréquent. (Voy. Divan d'Imr Oul Kays, publié par M. de Slane.)
[64] Job, vi, 25, 26 : « Pourquoi avez vous attaqué des paroles de vérité, puisque nul d'entre vous ne peut me répondre? — Vous ne cherchez dans vos discours qu'à exprimer le blâme, et vous ne faites que parler en l'air.»
[65] Le mot est pour , de même que l'on dit pour .
[66] Le mot signifie, dans le sens rigoureux, belle fille.
[67] Abou Sad est le nom d'un fils de Zou 'l-Asba, et la petite lance d'Abou Sad était une sorte de canne avec laquelle il jouait lorsqu'il était enfant.
[68] Les troupeaux sont enfermés là nuit dans des enclos d'où on les fait sortir le matin; ils se dispersent alors pour chercher leur nourriture.
[69] Le est une abréviation nécessitée par la mesure de la préposition .
[70] Le fameux paradis d'Irem, créé par Cheddad au milieu d'un désert. Lorsqu'il fut terminé, Cheddad se mit en marche avec les siens pour y fixer leurs demeures.
Lorsqu'il en fut arrivé à la distance d'un jour et d'une nuit, Dieu, irrité de son orgueil, le fit périr, lui et son peuple, par suite de la frayeur causée par un cri terrible poussé par l'ange Gabriel.
[71] Le mot a le même sens que le mot , qui est ainsi expliqué dans le Hamasa. C'est un poison auquel on a mêlé une substance qui augmente encore son énergie.
[72] Les Arabes, pour parvenir à la dignité de chef de tribu, cherchaient à se gagner les suffrages par des générosités. Ici le poète recommande à son fils de ne pas se faire le partisan d’ambitieux avares qui promettraient ce qu’ils n’auraient pas l’intention de donner.
[73] Un pauvre poète arabe a exprimé une idée analogue dans ces deux vers :
« Mon troupeau est à la disposition de mon hôte, fut-il rassasié ; ma demeure est un asile pour celui qui s’est déjà reposé. »
« J’offre tout ce qui est dans ma tente, ne restât-il que du pain et du vinaigre. »
[74] Les Arabes généreux allumaient des feux sur les collines pendant la nuit pour indiquer aux voyageurs la présence en ces lieux d'bommes hospitaliers. Mais le premier hémistiche de ce vers est encore susceptible d'un autre sens : «Plante la tente de tes hôtes sur les collines élevées. » En effet, on voit dans la Vie d'Imr Oul Kays, que le haut des collines était une place d'honneur. (Divan d'Imr Oul Kays, par M. de Slane, p. 18 du texte arabe.)
[75] C'est-à-dire, au jour de la bataille.
Le mot signifie les étalons de pure race que l'on ne fait jamais travailler.