Anonyme

ANONYME

 

HISTOIRE DE DERBEND,

 

 

Œuvre numérisée par Marc Szwajcer

 

 

 

Extrait du Journal Asiatique, 1829

 


 

ANONYME

DERBEND-NAMEH,

Histoire de DERBEND,[1]

EXTRAITS

 

 

par M. Klaproth.[2]

Au temps où l'islamisme se répandit dans le voisinage de Derbend, et où Gheraï, khan de Crimée, conquit le pays entre la Kouma et la Mer Caspienne ainsi qu'Endery, il donna ordre à un habitant de cette ville, nommé Mohammed Awabi Ak-thâchi, de faire en langue turque pure un extrait des meilleurs historiens arabes et persans qui traitent de l'histoire du Daghestan. Les circonstances étaient très peu favorables et empêchèrent pendant longtemps Mohammed de composer son ouvrage ; toutefois il l'acheva ; en voici le contenu :

I

Les historiens qui se sont occupés des temps anciens, racontent que le célèbre Kobâd, roi de Perse, qui régna de 491 à 531 de J. C. et fut père de Nouschirvan, qui occupa le trône de 531 à 579, soutint une guerre longue et sanglante avec le khâkân des Turcs et des Khaszari (les Khazars). Ce khâkân avait une armée de quarante mille hommes ; il étendait sa domination sur Miskâth, Naukrat[3] (Viatka) et Ourous (les Russes). Le roi Kobâd, lassé d'une guerre pénible et désastreuse qui n'était décisive pour aucun des deux partis et qui les affaiblissait tous deux sans résultat, se décida à suivre le sage conseil de son ministre, et, de même que son adversaire, il déposa les armes pour faire la paix. Afin de rendre leur amitié plus solide, le khâkân envoya un ambassadeur au roi Kobâd, et lui offrit sa fille pour épouse ; celui-ci l'accepta. Le mariage terminé et la paix conclue, Kobâd envoya également une ambassade au khâkân, et lui fit dire : « Nous voulons élever un mur sur la limite de ton territoire et du mien, afin que ni toi ni moi nous ne puissions, dans notre colère, nous faire du tort et nous attirer mutuellement la guerre. »

Lorsque l'on fut convenu respectivement de cet objet, Kobâd fit aussitôt des préparatifs pour la construction du mur. Toutefois, comme on ne savait pas dans quel endroit on poserait la première pierre, l'ange Djebraïl (Gabriel) indiqua le lieu où jadis Iskander Dzulkarnaïn avait bâti un mur semblable : en conséquence, Kobâd fit poser le sien sur les anciens fondements qui existaient encore ; mais comme ils étaient couverts par le sable de la mer, qui empêchait de les voir, il fallut d'abord les déterrer. Il employa tous ses efforts à ce travail, et au rétablissement d'un mur au sud : quand il fut terminé, il en commença un autre, depuis la mer jusqu'à la limite extrême du Thabaserân qui était éloignée de 90 aghatch[4] de Derbend ; il y plaça des portes de fer dans les endroits où c'était nécessaire et praticable, et finit le tout dans l'espace de sept ans. Par là, non seulement Derbend mais aussi tout son royaume furent à l'abri des invasions des Khaszari, puisque cent hommes à chaque porte pouvaient-arrêter cent mille ennemis : et ainsi le Chirvân et l'Azerbaïdjan jouirent d'une tranquillité durable.

Kobâd, ayant ainsi protégé par des fortifications les limites de son royaume, renvoya au khâkân sa fille, avec laquelle il n'avait couché qu'une nuit, ne voulant pas qu'un fils qui naîtrait d'elle montât sur le trône de Perse. Le khâkân fut obligé de dévorer cet affront fait à sa fille et à lui-même ; le mur le mettait hors d'état de se venger. Kobâd, après avoir confié la garde de ce rempart à ses guerriers les plus braves, retourna dans l'Azerbaïdjan et l'Irak : le khâkân regagna également ses états ; ils comprenaient le Decht Kiptchak (les steppes entre le Don, le Volga et la Mer Caspienne), Samender, nommé aujourd'hui Tarkhou, Balkh, qui est le bourg d'Endery, (le Vieux Endery[5]), la seigneurie d'Ihrân, qui s'appelle maintenant Gulbâkh (c'est le territoire entre le Koï-sou et Derbend), et Djoulâd (dans la petite Kabardah sur le Terek[6]), ou Tâtâri-chehr, c'est-à-dire, la ville des Tatars (Tatartoup[7]), qui a reçu ce nom, parce qu'après sa destruction, tous ses habitants allèrent vivre sous la domination du khan de Crimée, et ensuite y revinrent avec beaucoup de Tatars. Indépendamment de ces seigneuries, le khâkân en possédait plusieurs autres, et son premier général demeurait dans l'Ihrân, sur la rivière qui se nomme aujourd'hui Agrakhân, mais par corruption, car son vrai nom est Aghir khâneh (c'est le bras moyen du Koï-sou). Les mines de cuivre du khâkân étaient sur la frontière de l'Ihrân, et les mines d'argent au-dessus de Tarkhou : leur produit servait à solder toute l'armée qui gardait ces cantons.

Les monarques qui, après la paix conclue entre Kobâd et le khâkân, occupèrent le trône de Perse, fortifièrent toujours de plus en plus Derbend et le mur ; et Nouschirvan construisit sur cette frontière, de même que dans l'ouest, sur celle de la Grèce, plusieurs villes. Derbend avait été bâti par Iskander Dzulkarnaïn ; et avant Kobâd, la partie méridionale de cette ville avait été débarrassée du sable par Iezdedjerd, fils de Bahram Gour (440 à 457) ; mais Nouschirvan l'acheva, et la fortifia entièrement à peu près quatre-vingts ans avant la fuite du prophète (542 de J. C.). D'autres historiens racontent que Kobâd et Nouschirvan, après avoir fini les travaux de Derbend, envoyèrent de Perse plusieurs colonies dans ce canton, et y bâtirent beaucoup de villes et de châteaux forts, dont le principal était Elpen ou Kilmikhem. Ils élevèrent trois cent soixante tours sur le mur qui s'étendait de Derbend à la porte d'Allân (Bab-i-Allân) Mais la forteresse d'Elpen existait depuis longtemps ; elle avait été bâtie par Isfendiar fils de Gouchtâsb, fils de Lohrâsb. Lorsque Nouschirvan demeurait à la porte d'Allân, il fonda, avec la permission de son père, les villes suivantes : Chabrân,[8] Kurkureh,[9] et, un aghalch plus loin, Gourbar,[10] dans la province de Mouchkour,[11] et Kirâl,[12] qu'il peupla d'habitants des autres provinces.[13] Au nord de ces quatre villes, il en bâtit une cinquième, nommée Cheher-i-Sal[14] (ville de Sal), et enfin, à trois aghatch de Derbend, une fortification qui avait 92 aghatch de longueur ; et sur les deux territoires, à une distance de huit heures de marche, une ville de laquelle on allait dans l'Ihrân, qui fut la capitale de la province de Gulbâkh, et la résidence du commandant des troupes du khâkân, qui y séjournait constamment. Le khâkân fonda, à 20 aghatch de Derbend, Samender, qui est Tarkhou; il éleva aussi le fort d'Indji (ou Intché).[15] Le but de Nouchirvân le Juste était de mettre en sûreté Derbend contre les Khaszari infidèles. Pour être lui-même parfaitement tranquille, il nomma gouverneur de cette place un homme de sa tribu. Les historiens rapportent que, depuis les remparts d'Elpen[16] jusque dans l'Ihrân, il se trouve sept climats. Avant Nouschirvan, ces places étaient au pouvoir du chah Isfendiar,[17] qui confia le commandement de tous ces lieux à des hommes attachés à son service A cette époque il résidait dans l’Ihrân ou Gulbâkh et il avait transporté du Khorasan les habitants des villes. Il jugea également à propos de donner à l’Ihrân tchaï, rivière qui vient de l’intérieur du Gulbâkh, le nom d’Akhâr-ul-h’ol comme chacun sait. Le fort de Nârin-kalah était du côté du Kiptchak et avait un commandant Aujourd’hui il est connu sous le nom de Koïoun kend et le Gulbâkh sous celui d’Endery, c est à dire canton d’Endery. Ces villes furent embellies et agrandies par Nouschirvan le Juste. Il y avait aussi là un peuple nommé les Toumân qui s’étendait de l’Ihrân à Houmrieh ; il leur donna un gouverneur qui fut ensuite nommé le Toumân-châh et qui devint très fameux Plus loin se trouvent le pays des Kaïtâk, la partie supérieure du pays des Kaïtâk et le pays des Orfèvres (Zerkerân), qui sont connus sous le nom de Koubitchi. Au-delà du Koubitchi, on rencontre le pays de Thabaserân, qui est l'avant-poste des guerriers de Derbend. Comme on avait transporté dans le climat (pays) des Lezghi des habitants d'Ispahan, leur gouverneur fut appelé Hidjrân-chah (prince des exilés). Dans un autre canton, on voit le château de Thabaserân, qui est en plaine. Le peuple nommé Lezghi, qui habite les monts Koumuk, y a été amené du Ghilân : il a reçu la dénomination de Keilân et son gouverneur celle de Keilânchâh. Un autre canton est celui AeMiskath ; il est plus agréable que le Thabaserân et le Kaïtâk.[18] Ses habitants sont venus de Chintz. Leur gouverneur fut nommé H'ou-châh. Les cantons les plus beaux, qui sont peu nombreux dans ces climats, reçurent de Nouchirvân le Juste des gouverneurs pris dans sa famille. En tout il renouvela, depuis Derbend, cent soixante villes qui, à la vérité, existaient déjà, mais étaient très déchues. Ces villes désertes furent repeuplées par Nouschirvan : il y envoya des habitants tirés de la Perse, parce que son intention était qu'ils pussent défendre et garder Derbend, pour empêcher les infidèles Khaszari de venir dans cette contrée et de ravager l'Azerbaïdjan et l'Irak. C'est là le motif qui a valu à cette ville le nom de Derbend (porte fermée), parce qu'elle protégeait l'Ihrân dans ce temps-là.

Lorsque le prophète, que la bénédiction soit sur lui, eut paru, et que la religion de l'islam se fut consolidée, le gouvernement de la Perse était tombé en décadence ; les infidèles Khaszari et le peuple grec l'attaquaient souvent. Mais Dieu accorda son secours et le succès à la foi, à l'islam, au prophète, que la bénédiction divine tombe sur lui, et à ses sectateurs ; des armées furent envoyées dans tous les pays du monde, et elles firent de grandes conquêtes. Le prophète avait, selon la tradition, prononcé cet axiome : « Derbend a de nombreux avantages. » Voilà pourquoi il s'engagea une lutte qui avait pour objet de priver les infidèles du bonheur de posséder Derbend ; car tant qu'il restait entre leurs mains, l'Azerbaïdjan n'était pas à l'abri de leurs invasions.

II

Les historiens racontent qu'Ibrahim, fils de Ghaïats, le saint Selman, et Rabiât-ul-Bâhly, pour qui Dieu soit miséricordieux, arrivèrent dans ce beau pays quarante-un ans après la fuite du prophète, et, avec 4.000 braves guerriers, marchèrent sur Derbend. Le khâkân Tchin (khâkân de Tchin) s'avança contre eux, à la tête de 300.000 hommes, pour combattre Selman ; mais ayant entendu parler de la valeur des armées des musulmans, il n'osa pas se mesurer avec eux. Il était ainsi arrivé jusque sur les rives du Dervâk-tchaï.[19] Il voulut prendre la fuite, mais ses vizirs lui dirent : « O empereur ! cela n'est pas convenable pour l'état, et c'est une honte pour une si grande armée. Il vaut mieux mourir avec gloire que de vivre dans l'inquiétude. » Le khâkân de Tchin leur répondit : « O vizirs ! les sabres et les flèches sont impuissants contre cette troupe, et il n'est pas possible de la tuer : voilà pourquoi personne ne peut leur résister. » Ils conquerront encore beaucoup d'autres pays. Maintenant ils sont venus pour s'emparer des nôtres. Si cela n'était pas ainsi, des Arabes ne seraient pas arrivés dans cette contrée. Notre armée n'est pas en état de combattre contre eux. »

Un maudit infidèle entendit ces paroles ; il prit son arc et ses flèches, et s'avança pour montrer son courage. Il s'approcha ainsi de l'armée des musulmans et se cacha dans l'eau, au milieu des roseaux : un musulman, obligé de faire ses ablutions, alla sans défiance jusqu'aux roseaux, se dépouilla de ses vêtements, et sauta dans l'eau. L'infidèle lui tira de loin une flèche et le tua, lui coupa la tète et l'apporta au khâkân, en lui disant : « O khâkân de Tchin ! cette tête est celle d'un homme de cette armée d'Arabes dont on raconte que nulle arme n'est efficace contre eux ; regarde, cette tête est celle de l'un d'eux. » Le khâkân, entendant ces mots, et voyant la tète, prit courage, fit lever son armée, et avec ses 300.000 hommes attaqua les 4.000 musulmans. Ceux-ci poussèrent leur cri de guerre, Allah akbar ! (Dieu est grand !), et animés par la foi, frappèrent fortement. Ils tuèrent beaucoup d'infidèles et les envoyèrent en enfer ; mais la nuit étant venue, ils se retirèrent du champ de bataille et firent la prière.

Les infidèles aussi s'étaient retirés ; le combat se renouvela chacun des jours suivants : les Arabes firent des prodiges de valeur et battirent complètement les Khaszari. Le dernier jour, quarante musulmans signalèrent surtout leur valeur ; seuls, ils exterminèrent 50.000 ennemis et moururent sur le champ de bataille, de la mort des martyrs. Ces quarante braves sont enterrés à Bah-ul-ebvab ou Derbend, au lieu nommé Kirkhlar, ou les quarante. Après cette grande défaite, le khâkân s'enfuit jusqu'au fort de Iettin-Djinâber, qui est situé sur une montagne au-delà du cours du H'oumri-tchaï,[20] et que l'on aperçoit de la mer. Maintenant, ce fort est nommé Kaïah kend.[21] De là, il fit reconnaître les musulmans, qui, après la bataille, s'étaient retirés dans leur camp ; il chercha à couvrir Derbend, et, avec le reste de son armée, se replia sur le fort d'Indji, qui était situé au-dessous de Tarkhou, sur le bord de la mer ; ensuite il rétrograda encore et entra dans l'Ihrân.

Une grande disette survint dans Indji ; beaucoup d'hommes moururent : elle ne cessa que lorsque les habitons, par le conseil des moines et des astrologues, eurent cherché sur le champ de bataille les corps des quarante martyrs, de Selman et de Rahiatul-Bahly, et les eurent enterrés avec toutes les cérémonies prescrites par le Coran. Plusieurs de ces infidèles embrassèrent l'islamisme, firent des fondations pieuses, et construisirent des aqueducs ; les environs d'Indji étaient très bien cultivés, et cette ville était importante.

III

Il se passa ensuite un temps assez considérable jusqu'au khalife Vélid, fils d'Abd-oul-mélik. Celui-ci, réfléchissant sur les paroles du prophète, « Bab-ul-ebvab (ou Derbend) a de nombreux avantages » , il ordonna, l'an64 de l'hégire[22] (684 de J. C.), à son frère Mouslem d'aller en Syrie, d'y équiper 40.000 hommes des plus braves, toutefois sans que personne pût soupçonner où il voulait les conduire. Mouslem ayant accompli sa mission, le khalife appela Asad fils de Sefir, qui était alors gouverneur de Médine l'éclatante, et l'envoya à son frère Mouslem, avec l'avis secret de marcher avec ses 40.000 hommes sur Bab-ul-ebvab (Derbend), et de prendre cette ville. Mouslem força des forteresses et des villes, pénétra jusque dans le Chirvân, dont il se rendit également maître, et arriva sur les rives du Roubas.[23] Trois mille infidèles étaient renfermés dans Derbend ; Mouslem fit le siège de cette ville : il combattit longtemps avant de l'emporter. Il était sur le point de renoncer à son entreprise, lorsqu'un transfuge sorti de la ville vint le trouver, et lui offrit de l'y conduire, s'il lui accordait une part du butin. Mouslem convoqua les chefs des guerriers, et leur demanda lequel d'entre eux voulait hasarder cette tentative ; tous gardèrent le silence, excepté Abd-oul-aziz Bahly, fils de H'atem, fils de Bahly : il accepta, en mettant pour condition que tout le butin appartiendrait à sa tribu et à lui. Mouslem y consentit ; et Abd-oul-aziz Bahly, prenant avec lui 600 hommes des siens, se présenta devant Derbend. Le traître les conduisit sur les bords du Dervâk (Darbâkh), à une porte qui fermait un souterrain menant dans la ville. Abd-oul-aziz Bahly y entra avec ses hommes, et, dans la nuit, pénétra dans la ville. Les infidèles se défendirent avec beaucoup de courage, parce qu'ils combattaient pour leurs femmes et pour leurs enfants ; mais Mouslem ayant en même temps fait une attaque, enfoncé les portes, et s'étant précipité dans la place, ils succombèrent et la ville tomba au pouvoir des musulmans. Suivant quelques récits, ceux-ci en furent chassés ; mais cela n'est pas fondé. Du reste, les Khaszari faisaient tous les ans des irruptions dans l'Irak et l'Azerbaïdjan, qu'ils livraient au meurtre et au pillage, parce que le Chirvân et le Gandjah n'étaient pas alors assez fortifiés pour leur résister. Les Khaszari envoyèrent une seconde armée contre Mouslem ; mais elle fut repoussée : il mit dans Derbend une garnison de braves guerriers, puis retourna en Syrie.

Sous le règne du khalife Soliman, fils d'Abd-oulmélik, successeur de Vélid, les Arabes furent contraints d'évacuer Derbend et ne purent s'y maintenir contre les infidèles, qui emportèrent cette ville et envahirent l'Arménie et l'Azerbaïdjan. Abd-oul-alla Bahly, qui était alors gouverneur de l'Arménie, soutint de fréquents combats contre eux.

IV

L'an 103 de l'hégire (722 de J. C.), Abdoullah, fils de H'hekim, ayant été nommé à ce poste, dépêcha Abou Oubeideh-Djarakh, avec 6.000 hommes, contre les infidèles. Celui-ci arriva dans le Chirvân, où Pâchenak ou Pâchenk, fils du khâkân, marcha à sa rencontre. Abou-Oubeideh campa sur les bords du Roubas ; Pâchenak se tint dans le voisinage de Kaïeh-kend. Abou Oubeideh avait fait appeler les begh des Lezghi : ils feignirent de prendre le parti du chef des Arabes ; celui-ci leur apprit qu'il voulait livrer bataille aux infidèles. Un des begh, nommé Bouvouki Sabas, (ou Bokor sabas), donna avis aux Khaszari des projets et des forces d'Abou Oubeideh ; mais celui-ci, qui en fut instruit, renforça son armée, et fit proclamer que ses troupes eussent à se pourvoir de vivres pour trois jours ; puis il fit fondre beaucoup de grandes torches, qu'il leur distribua. Elles furent allumées, la nuit, après la prière du soir ; et à leur lueur, il marcha, avec ses 6.000 hommes sur Derbend : la porte de Tchoubin fut brisée, et il arriva jusqu'aux eaux du Tchekhoub. Il envoya deux mille hommes contre le Kaïtâk, fit ravager et piller ce pays, et il ordonna de retenir prisonnier le Tchâkandji Aghouki Châghin, et qu'on s'emparât de ses biens, parce que c'était un aussi grand ennemi que le fils du khâkân. Il dépêcha aussi 2.000 hommes à Iersin,[24] Zeil, à Darbâkh,[25] à H'amidi (3),[26] à Dibéki[27] et à Kimikh, et fit livrer tout le Thabaserân au fer et à la flamme. Les troupes ramenèrent beaucoup de prisonniers et de butin.

Les Lezghi, instruits de ces entreprises, en avertirent aussitôt le fils du khâkân ; ils lui firent également dire : « Ebu Oubeideh nous a trompés, et maintenant il a gagné Oussireh à marches forcées. » Il est, par conséquent, nécessaire d'user de beaucoup de prudence. » Là-dessus Pâchenak entra dans la forteresse[28] : Abou Oubeideh se plaça, avec le reste de son armée, à Darbâkh. Pâchenak y vint bientôt à sa rencontre. Le signal du combat fut donné, et Abou Oubeideh exhorta ses troupes à montrer leur bravoure : tout à coup les deux corps détachés vinrent le rejoindre. Le chef de celui qui avait été dans le Kaïtâk amenait 10.000 chevaux et bœufs, et 700 prisonniers du pays qu'il avait ravagé et pillé ; celui qui revenait du Thabaserân, et qui avait dévasté Dibeki, Iersin, Zeil, Darbâkh, H'amidi et Kimakhi,[29] amenait 40.000 chevaux, bœufs et autre bétail, et 2.000 prisonniers. Abou Oubeideh gratifia ses soldats de ce butin, et leur dit de marcher en avant. La bataille dura trois jours : elle se décida en faveur des musulmans. Pâchenak, avec les débris de son armée, fut obligé de fuir à Indji. Il se contenta de prendre quelques vivres du gouverneur de cette place, et se tourna du côté de l’Ihrân. De là il alla à Balkh. Endery ayant été gouverneur de Balkh, c'est de son nom que cette ville a reçu celui d'Endery ; auparavant elle s'appelait Balkh. Le nom primitif du Gulbâkh est Ihrân ; mais ayant eu un gouverneur nommé Gulbâkh, elle a pris son nom.

Les historiens racontent, de plus, que Pâchenak, fils du khâkân, étant arrivé dans l'Ihrân, il annonça à tous les chefs de ses troupes, savoir, à Gulbâkh, gouverneur de l'Ihrân, à Endery, gouverneur de Balkh, à Sourkhâb, gouverneur du fort de Kyzyl-iar, à Tchoumli, gouverneur de Kitchi-Mâdjâr (Petit Madjar), Djoulâd et Cheheri-Tâtâr, qu'ils devaient tous obéir à Gulbâkh, gouverneur de ïlhrân. Il ajouta qu'à l'entrée de l'armée des musulmans dans ces cantons, tous les commandants devaient se rassembler avec leurs troupes dans l'Ihrân, et combattre de concert avec Gulbâkh ; que quiconque désobéirait aux ordres et aux injonctions du gouverneur de l'Ihrân, serait considéré comme un ennemi. Ensuite Pâchenak regagna Soukraghit, sa résidence. Selon le récit de quelques écrivains, Isfendiar, fils de Gouchtâsb, a été anciennement gouverneur de l'Ihrân, et tous ces cantons étaient sous sa domination.

Abou Oubeideh, ayant fait rassembler son armée, lui distribua le butin dans la forteresse de H'yszn, qui est Kaïah-kend ; il y existe encore des débris de fortifications. De là il marcha sur Tarkhou ; mais les généraux de Pâchenak ne voulurent pas combattre contre lui. Ils lui firent leur soumission et conclurent la paix ; ils jurèrent fidélité à l'islamisme, prononcèrent leur profession de foi et devinrent musulmans : alors, réunis aux guerriers de l'islam, ils marchèrent contre Indji.

Cette ville était très grande et très forte : d'un côté elle était baignée par la mer, et de l'autre adossée à une montagne. Déjà bien fortifiée par la nature, elle était entourée de murailles ; elle ne manquait pas non plus de vivres, et elle s'était toujours conduite vaillamment. Abou Oubeideh Djarrakh campa près d'Indji. On combattit durant plusieurs jours ; mais il ne put prendre cette ville. Déjà il songeait à se retirer à cause du manque de vivres, lorsque Sevadou Ibrahim Ghazi, fils d'Abdoullah echchabi, encouragea les Arabes ; et ceux-ci, placés derrière leurs chariots qui leur servaient de remparts, attaquèrent Indji. On réunit deux mille chariots, et les guerriers de l'islam, les ayant fait avancer, s'en servirent pour emporter la ville d'assaut. Le gouverneur d'Indji prit la fuite et se retira dans la forteresse de Narin-kalah. On combattit jusqu'au soir ; et quand la nuit fut venue, plusieurs personnages considérables s'échappèrent, avec leurs serviteurs, dans la forteresse de Kieïvân, qui était située entre Indji et Balkh (l'ancien Endery, sur le Koï-sou). Le lendemain, les Arabes forcèrent aussi Narin-kalah.[30] Les habitants d'Indji furent convertis à l'islam et furent faits musulmans. Ceux qui ne voulurent pas embrasser la foi, furent passés au fil de l'épée. Dans cette occasion, Aghouki Châghin fut fait prisonnier. Cela arriva l'an 114 de l'hégire (732 de J. C.), le dimanche du mois de Ra'bi-ul-evvel. Après cette conquête, les guerriers de l'islam retournèrent dans leur pays.

V

L'année suivante (733 de J. C), Abou Mouslem, fils d'Abd-oul-mélik, vint à Derbend. Son frère[31] Hachem avait réuni 24.000 guerriers d'élite de Damas et de l'Aldjezireh (la Mésopotamie), et contraint, par le tranchant de l'épée, le Daghestan à embrasser l'islamisme. Il leva aussi des impôts sur chaque province, et en paya la solde des troupes cantonnées dans Derbend. On dit que Nouschirvan avait construit là une demeure nommée Mihrendj. Abou Mouslem la fit détruire, et, avec les pierres, il rétablit les anciens murs de Derbend, qui se détérioraient. Il y établit un arsenal, y fit bâtir le kid ou la digue du port,[32] et prolongea les murs de cette digue jusqu'à 105 aunes en mer. Il répara également les villes et les forteresses détruites, et fonda un solide magasin pour les grains, qui, dans les temps de disette, servit à fournir des vivres aux habitants de la place. Il divisa Derbend en dix-sept quartiers, et il érigea pour chaque peuple une mosquée qui en reçut le nom. Celle des Khaszar fut appelée Khaszari ; celle des tribus de la Palestine Filisthini ; celle des gens de Damas Damachk ;celle des hommes d'Emesse H'emsi ; celle des habitants de la Mésopotamie Djezireh ; de Césarée Keissari ; de Mossoul Moussouli. Il érigea, de plus, une grande mosquée du vendredi, où la prière de ce jour-là était récitée. Dans plusieurs lieux, il établit des réservoirs, et perça les murs de Derbend de six portes, qui sont : Bab-ul-Mouhâdjer la porte des fugitifs ; Bab-ul-djihâd porte de la guerre ; Bab-ul-Hems Babul-saghîr, la petite porte ; Bab-ul-mektoûm fa porte cachée ou gardée, et Babul-alkâmeh. H y avait en outre la petite porte nommée Babi-kutchuk, et ouverte du côté de la mer : les musulmans s'en servaient lorsqu'ils voulaient expédier secrètement quelque part des hommes et du bétail. Ce fut ainsi qu'Abou-Mouslem répara les fortifications des environs de Derbend, rebâtit la ville, et la peupla.

Bientôt après, il rassembla son armée et marcha contre Koumuk. Il y eut plusieurs batailles livrées. Il récompensa par des richesses et des terres ceux qui embrassèrent l'islamisme. Ceux qui refusèrent de se convertir furent taillés en pièces, et leurs enfants réduits en esclavage. H érigea dans la ville de Koumuk, qui était la résidence du prince, une mosquée cathédrale, et de plus en établit dans chaque quartier une particulière. Comme Chahbâleh, fils d'Abdoullah, fils d'Abd-ul-Moutlib, fils d’Abis, était un grand général, il le nomma gouverneur du pays de Koumuk, et le lui confia.

Abou Mouslem marcha ensuite en personne contre le pays de Kaïtâk, et en combattit les habitants, tua le gouverneur et conquit cette contrée. Ceux qui se firent musulmans furent épargnés ; les autres furent envoyés en enfer. Il y avait dans son armée un homme brave, bien fait et de belle taille, nommé H'amseh Abou Mouslem le nomma gouverneur de Kaïtâk ; puis il s'avança contre le Thabaserân. Là aussi il convertit les habitants par la force, et y plaça Mohammed Ma’asoum comme gouverneur. En même temps, il ordonna que le peuple du Thabaserân devînt l'avant-poste de Derbend. Il institua deux cadis, destinés à enseigner aux habitants du Thabaserân les sciences et les principes de la foi, et invita Mohammed Ma'asoum à délibérer avec ces cadis dans les affaires importantes.[33]

On dit que le Thabaserân a été peuplé de colonies de diverses nations, de l'Irak, de l'Azerbaïdjan, de l'Arabie, de H'ams, de Damas, du Djézireh, de Mossoul et de la Palestine. Tous les gouverneurs dans le Daghestan et dans tout le pays depuis les frontières du Gurdjistân jusqu'à la plaine du Dacht Kiptchak, étaient subordonnés à Châhbâleh, fils d'Abd-oullah. Il avait sa solde assignée sur les terres et sur l'impôt personnel. Les habitants de Koubitchi étaient aussi assujettis à un impôt personnel considérable, qui devait être remis tous les ans au gouverneur de Derbend. Un impôt personnel était également assis sur les meilleurs cantons, tels que H'oumry,[34] Kourah,[35] Koureh,[36] Routouleh,[37] Zakhoureh[38] et Koumuk.[39] Les postes de Tsourh'i, Dorki et Tarkhou, jusque dans l'Ihrân, et de là jusque dans le Gurdjistân, à l'exception de Karak,[40] Hidaït[41] et Kessour, relevaient tous de Châhbâleh,[42] de sorte qu'il commandait à tout le royaume du Daghestan. Abou Mouslem lui avait également attribué l'impôt personnel de ces cantons pour son usage, ainsi que les revenus des péages ; de manière pourtant qu'il devait les remettre tous les ans au gouverneur de Derbend, qui, avec cela, payait les garnisons. Ces arrangements terminés, Abou Mouslem revint à Damas.[43]

V bis

L’an 118 de l'hégire (736 de J. C), le khalife Hecham, fils d'Abd-oul-mélik, nomma Asad, fils de Iafir-es-Selman, gouverneur de Derbend. Celui-ci emmena avec lui 4.000 braves guerriers d'Arabie. Quelques autres troupes des tribus de Solim, Chefifeh, Sakhleh, Baïkleh et Karar, le suivirent. Il porta au gouverneur en exercice cet ordre du khalife : « Tu remettras à Asad, fils de Iafir, Bab-ul-ebvâb » (Derbend) ; tu le feras entrer par la porte de la guerre, ou bab-ul-djihâd, comme la principale. Tu nommeras les personnages les plus considérables administrateurs, et tu n'exigeras des habitants de Derbend ni impôt personnel, ni dime, ni redevance de festin, ni de message, ni de droit de chasse ; mais, en revanche, la défense de la ville leur est confiée, et ils y sont obligés. » Le nouveau gouverneur réforma les abus qui s'étaient introduits dans l'administration, et ordonna surtout de n'admettre aucun infidèle dans la forteresse sous le prétexte du commerce.

VI

L'an 120 de l'hégire (738 de J. C.),[44] Mervan, fils de Mohammed, établit des aqueducs à Derbend, et continua la guerre avec beaucoup d'ardeur. Il imposa la capitation dans tous les environs, pour pouvoir payer les troupes qui s'y trouvaient. Les habitants de Koumok et de Toumân livrèrent cent esclaves des deux sexes et vingt mesures de grain nouveau ; ceux de Koubitchi donnèrent cinquante esclaves ; les Kaïtâk 500 esclaves et vingt mesures de grain ; les habitants de Kourah, Karakh (2),[45] Akhti (3)[46] et Miskindjeh (4),[47] furent obligés de délivrer vingt mesures (5)[48] de grain et quarante mesures de dirhems en argent comptant. Ceux-ci furent aussi désignés pour rétablir les murs de Derbend. Les habitants du Thabaserân reçurent l'ordre de nettoyer les rues de Derbend. Le gouverneur du Chirvân livra douze batman de grain (6).[49] Les troupes de Derbend reçurent toutes ces contributions, et depuis ce temps elles ont continué de même. L'agrandissement de ce grand boulevart (Derbend) subsistera dans tous les temps, et il sera éternellement fameux.

VII

La familles des Omeyades ayant perdu le khalifat, et celle des Abbassides étant parvenue au pouvoir, de nouvelles constructions furent ajoutées à Derbend, et l'on fit souvent la guerre aux Khaszari, qui s'étaient permis plusieurs incursions, notamment l'an 146 de l'hégire (763 de J. C.). Mais ils furent repousses par Iezid, fils d'Asad, le précédent gouverneur. Lorsque ensuite il partit pour Barda’a, Aghet Selmi le remplaça. Mais le khalife Abou Djaafar Mansour appela à lui Iezid, et l'interrogea sur le moyen de prévenir les incursions des Khaszari. Iezid proposa de construire, depuis Derbend jusque sur leur frontière, des forteresses, et de, les coloniser. Le khalife approuva ce plan ; et il envoya de Damas, du Djézireh et de Mossoul, 7.000 individus, d'autres cantons 40, 000, du Khorasan 30.000, et de la Syrie 12.000. Il donna la conduite de ces peuplades à Ibrahim, fils d'Avouffeh, et à Hachem, fils de Chouobbeh el Selmi. Ceux-ci arrivèrent au boulevart d'Elpen, qui porte aujourd'hui le nom de Barou Tchali.[50] Les deux chefs dirent à chaque homme de leur troupe d'attacher à son cheval six briques, et de construire avec cela des demeures. Ils allèrent ensuite à Roukaleh, où Iezid se joignit à eux, et les envoya contre l'ennemi, auquel Hachem enleva les places de Rouhab et de Kasab. Iezid fit après cela bâtir, par les hommes arrivés, trois villes fortifiées, qui ont conservé leur nom jusqu'à présent ; savoir : Dougherni,[51] Sifnân, et la troisième dans la vallée (Derré) où Hachem avait campé. C'était de cette vallée que les infidèles partaient constamment pour faire des irruptions dans l'Irak et dans l'Azerbaïdjan. On avait ensuite bâti Methauïeh et le fort de Kimakhi. Ibrahim et Iezid transportèrent dans cette vallée 3, 000 familles du Thabaserân et de Methauïeh. Yézid nomma son propre frère gouverneur du Thabaserân. Il bâtit ensuite les villes de Hamidi, Dzill-ul-soughra (petit Dzill), et Dzill-ul-kubra[52] (grand Dzill), qui furent achevées en six mois. Il plaça les gens de H'ems à H'amidi, et ceux de Damas à Dervâk, qui était une ville grande et importante ; ceux d'Ardoun à Iersi [53] et ceux de Mousoul dans la ville de Derpouch. Il donna l'ordre à toutes ces villes et à ces forteresses d'établir des postes dans les vallées et le long des grandes routes. Il fonda également Iezid, qu'il peupla avec son monde, de même que la grande ville de Sermekiah. Il bâtit encore Makathri et Mah'reh-keny. Il plaça des soldats dans tous ces lieux. Dans ce temps, Derbend était très florissant, parce lés infidèles n'osaient y venir, et la célébrité de cette ville était répandue dans l'univers. Les impôts étaient levés d'après la première organisation : les injustices et les oppressions y étaient inconnues. Les contributions de Kourakh, Koureh, Akhti, Kouba, et de la forteresse de Han, n'avaient d'abord été que de quarante mesures de dirhems ; elles furent encore perçues d'après leur première assiette.

VIII

L'an 160 de l'hégire (777 de J. C.), Mahadi Mohammed, nouveau khalife de Bagdad, fit élever un grand bâtiment à Derbend, afin d'y renfermer le grain qui y arriverait, et de le distribuer ensuite aux pauvres et aux nécessiteux. Cette ville resta florissante pendant longtemps, parce que ses gouverneurs étaient des hommes justes et intègres : cela dura jusqu'au temps de Djioun, fils de Nodjem, fils de Hachent, qui commit beaucoup d'injustices et n'obéit pas au khalife. Il agit au contraire selon son bon plaisir, et par là il causa la décadence de Derbend. A cette époque, plusieurs habitants de cette ville furent séparés les uns des autres, et dispersés dans le Chirvân et à Berda'a. Ce gouverneur se montra très cruel envers Ouzbek ; et il fut prouvé par témoins qu'il avait agi d'accord avec les Khaszari : c'est pourquoi le khalife le destitua, le fit conduire enchaîné à Berda'a, et nomma Rabiat-ul-Bahly à sa place.

L'an 173 de l'hégire (789 de J. C.), le khalife Haroun-al-Rachid envoya Khazimeh[54] avec beaucoup de troupes à Derbend, et lui ordonna de réparer les places voisines qui tombaient en ruine. A son arrivée, Khazimeh fit arrêter tous les partisans de Djioun, et les envoya enchaînés au khalife : quelques-uns furent punis du supplice, d'autres mis en liberté. Enfin Haroun-al-Rachid se mit lui-même en marche avec son armée pour Derbend, rebâtit cette ville, la repeupla, y conduisit des aqueducs, fit planter des vignobles et des jardins, établit des moulins, et ordonna que tout ce qui serait récolté dans les vignes et dans les champs serait employé à réparer les aqueducs endommagés. Il fit distribuer aux pauvres l'excédant de ses revenus et de la capitation ; il exempta aussi les habitants de la ville de la redevance pour les moulins. Il fonda dans tous les quartiers des greniers et des mosquées. Haroun-al-Rachid resta sept ans à Derbend. Lorsqu'il eut résolu de retournera Bagdad, il convoqua tous les habitants, et leur donna une preuve de son affection, en nommant pour gouverneur de leur ville, en l'an 180 de l'hégire (796 de J. C), Haffah, fils d'Omar, et en les autorisant à le déposer, s'il les opprimait sans nécessité. Du côté de la ville qui fait face aux Khaszari, à la porte Babul-djihâd, il y a un petit château construit en pierres, qui renferme, dit-on, les tombeaux des enfants du khalife Haroun-al-Rachid.[55]

 

 


 

[1] Derbent est la ville la plus ancienne de Russie. Les premières colonies y apparurent à l'âge du bronze, à la fin du IVe millénaire av. J.-C., c'est-à-dire il y a 5.000 ans. La première mention des Portes Caspiennes — le nom le plus ancien de Derbent — est cité au VIe siècle av. J.-C., rapporté par le célèbre géographe de la Grèce antique Hécatée de Milet (VIe siècle av. J.-C.). Elle est appelée au Moyen Age, Bab al-Abwâb (la porte des portes) par les Arabes. La ville était une citadelle, qui possédait deux murailles parallèles formant une barrière de la mer à la montagne. Ces fortifications ont été construites par les Sassanides au Ve siècle, puis contrôlée successivement par les Perses, les Arabes, l'Empire mongol et les Timourides. Elle était ainsi très importante car elle constituait le principal point de passage pour aller du nord au sud de la mer Caspienne à pied. Elle est occupée par la Russie à partir XIXe siècle.

[2] L'original de cet ouvrage est écrit en turc. Le manuscrit qui m'a servi à faire cet extrait, appartient à la bibliothèque royale de Berlin. M. Steven a donné à la bibliothèque royale de Paris un autre ouvrage écrit également en turc, et qui porte le même nom; cependant il diffère essentiellement de celui de Berlin, et l'on y reconnaît une rédaction tout-à-fait différente. (Wikipédia)

[3] Il faut bien se garder de confondre Naukrat avec la ville et république russe de Novgorod. Les Tatares on Turcs de Kazan , ainsi que les Tcheremisses, nomment encore aujourd'hui Naukrat ou Naugrad ta ville de Viatka. Les premiers appellent la rivière de Viatka Naugradidel, et les seconds lui donnent le nom de Naugradvitch. Dans les langues respectives des deux peuples , t'del et vitch signifient rivière »

[4] L’aghatch du Daghestan est de 22 et demi au degré. Les Russes estiment l’aghatch à 5 verst, ce qui est un peu trop. (Nota : il s’agit dorénavant pour la distance du mot « verste », ancienne mesure de longueur utilisée en Russie, valant 1.066,8 mètres..)

[5] Il ne faut pas confondre l'Endery de nos jours avec l'ancien Endery. Le premier est situé sur la droite de l’Ak-tach on Kazma (ou Kazba), et l'autre à 5 ou 6 lieues de là, au sud-est, sur la droite du Koï-sou et an dessus de Tcharikaï. On peut consulter, pour la position de ces deux places, la Carte de la Géorgie qui accompagne l’édition française de mon Voyage au Mont Caucase.

[6] Voy. mon Voyage au Caucase, t. II, p. 161 et suiv.

[7] Ibid. tom. II, p. 153.

[8] Chabrân est un endroit fortifié à quelque distance de la gauche du Chabrân-tchaï ; il est le chef-lieu d'un district du même nom.

[9] Le manuscrit de Paris a Kurkur.

[10] Le même manuscrit dit Gouzbaz.

[11] Le district de Mouchkour ou Muskour comprend le littoral de la Mer Caspienne, entre les fleuves Kousar-tchaï et Akh-tchaï. Il est traversé par le Deli-tchaï, qui se jette, au-dessus de Nizabâd ou Nizava, dans la mer. Le man. de Paris écrit Mouskour.

[12] Kirâl est le canton appelé actuellement Kourakh, situé au sud du Thabaserân. Il est traversé par la partie supérieure du Kourakh-tchaï et par ses affluents. Le manuscrit de Paris donne Kichrân.

[13] Le manuscrit de Paris dit : « Ces villes furent très peuplées. »

[14] Le manuscrit de Paris écrit ce nom Sa'al. Reineggs parie de cette ville, qu'il appelle Saul : il ajoute qu'elle porte actuellement le nom de Kara-kaïdek (Kara-Kaïtâk) ; niais il n'y a pas de ville appelée ainsi. Le district de Kara-Kaïtâk est situé entre le Thabaserân et Koubitchi, sur un affluent supérieur de l’Oulou-tchaï, qui, après s'être divisé en plusieurs bras, reçoit le nom de Bouam.

[15] Reineggs dit qu'Indji ou Intché se trouvait dans le lieu même où Pierre le Grand a fait bâtir le bourg fortifie' de Soulak, entre le second et le troisième bras du Koï-sou, à peu de distance au-dessus de leur embouchure dans la mer. II faut pourtant remarquer que la rivière appelée actuellement Intché coule au sud de Boïnaki et de la frontière du Chamkhal, dans le territoire de l’Oustmeï des Kaïtâk. Selon le récit des Turcomans qui habitent le pays, on voit encore aujourd'hui les ruines de la grande ville d’Indji près de l'embouchure de cette rivière et sur les bords de la Mer Caspienne.

[16] Ce fort se trouvait à la place où est actuellement la ville de Barchly.

[17] Dans le manuscrit de Paris, on lit : « Dans la ville d’Ihrân les ouvriers d’Isfendiar placèrent un trône d or. C’est pour cette raison qu’Ihrân reçut le nom de Saheb-i-serir « le possesseur du trône » mais les Arabes le nomment Khâtem ol-djebâl le sceau ou la fin des montagnes Dans Ihrân est le grand fleuve qui vient de l’extrémité de la Géorgie. Ses eaux coulent rapidement. Au détour de ce fleuve est placée la ville nommée Balkh. Endery…. fut célèbre comme gouverneur de Balkh On établit un préfet du côté de Koumuk et dans le fort de Narinkala’h on fit habiter des gens du Khorasan. »

[18] Je ne puis déterminer la position de ce canton ou de cette ville. Reineggs prétend que c'était le campement d'hiver du khâkân des Khaszari, et il l'identifie avec Hadji-tarkhan, ou Astrakhan. Je ne vois pourtant pas comment le Derbend-namèh aurait pu dire que le climat de cette ville était plus agréable que celui du Thabaserân et du Kaïtâk.

[19] Le Dervâk-tchaï, aujourd'hui Darbakh, vient des montagnes du Thabaserân, forme la frontière septentrionale de ce pays, et tombe dans la Mer Caspienne à 21 verst au nord de Derbend.

[20] Le H'oumri-tchaï s'appelle à présent H'amry-ozen ; il prend son origine dans tes hautes montagnes qui séparent les Kaszi-Koumnk du Koubitchi, coule au nord-est, et se jette dans la mer environ à 46 verst au nord de Derbend.

[21] Il est à peu près à 8 verst de la mer, a gauche de la rivière, à 40 verst de Derbend.

[22] C’est ainsi qu'on lit dans le texte ; cependant, comme le calife Vélid ne parvint au trône que dans la 86e année de l'hégire, il faudrait vraisemblablement lire en l’an 94 de l'hégire (718 de J. C).

[23] Au sud de Derbend.

[24] Aujourd'hui Ersi dans le Thabaserân, à la droite du Darbâkh.

[25] Lieu situé à 20 verst à l'ouest de Derbend, dans les montagnes.

[26] A l'est et à peu de distance de Derbend.

[27] Tout-à-fait dans le haut des montagnes dans le Kara-Kaïtak et sur les frontières du Thabaserân à la droite du Darbâkh.

[28] Il paraît qu'il s'agit ici de la forteresse d’Indji ou Intché.

[29] Nommé plus haut Kimikh.

[30] Cette place doit avoir aussi été située dans le voisinage d'Indji.

[31] On lit sur la marge : « L'un des fils d'Abd-ul-melik était Vélid, le second Mousslem et le troisième Hachem.

[32] Le chérif Edrisi s'exprime ainsi : Bab-ul-ebvab {Derbend) est une grande ville sur la nier des Khazar, avec un port commode pour les navires : de chaque côté de l’entrée, deux constructions semblables à des murs s'avancent en mer; l'un peut être fermé avec une chaîne, afin d'empêcher que personne ne puisse entrer ou sortir sans la permission du garde de la mer. Ces deux murs sont en pierres jointes ensemble par du plomb qu'on a coulé dans leur intérieur.

[33] Les dignités de ma'asoum et de cadis sont devenues héréditaires dans le Thabaserân ; et ce pays est encore divisé entre ceux qui les possèdent.

[34] Aujourd'hui Oulou (grand) Hamri, dans les montagnes à l'ouest de Barchly, sur un ruisseau affluent de droite de l’Hamru-osen.

[35] Dans les montagnes, sur le Koura-tchaï, affluent de droite du Gourieni.

[36] Ou Khourekh, situé plus haut sur le même ruisseau.

[37] Dans les plus hautes montagnes, sur la Samoura.

[38] Ou Zaghour, un peu à l'ouest de Routhouleh.

[39] Ce sont les Kazi-Koumuk.

[40] Le district de Karak, dans le pays des Lezghi, sur le bras du Koï-sou du même nom.

[41] Hidat également chez les Lezghi, entre Khoundzakh et le Moukrat.

[42] C'est de ce nom qu'est dérive-celui de Chamkhâl ou Chemkhâl qu'on donne encore aujourd'hui aux princes qui règnent à Tarkhou. Le Chamkhâl est à présent soumis aux Russes. Ses prédécesseurs recevaient des rois de Perse le titre de Veli du Daghestan, et un grand sceau d’or avec l'investiture de cette dignité.

[43] Reineggs (I, 80) prétend qu'Abou Moslem entreprit une expédition contre la ville d’Oar (ou Avar), dans laquelle il périt avec la plus grande partie de ses troupes. L'exemplaire du Derbend-namèh de la bibliothèque de Berlin ne contient pas ce fait.

[44] Il doit y avoir ici erreur dans le texte ; car Mervan, fils de Mohammed, ne parvint au khalifat qu'en l’an 197 de {'hégire et régna jusqu'en 132.

[45] Nommé plus haut Karak.

[46] District du pays des Lezghi, à la droite du Samoura, au sud de Routouleh.

[47] Au nord d’Akhti, sur le Samoura.

[48] Il manque ici probablement le mot ming, mille.

[49] Ce serait très peu ; le batman du Daghestan ne contient, dans quelques cantons, que 16 livres russes ; dans d'autres, jusqu'à 18. Peut-être le mot ming (mille) a-t-il été oublié.

[50] C'est-à-dire, le boulevart de Tchali. Ce nom se prononce actuellement, par contraction, Barchli ; c'est une ville dans les montagnes entre l’H'amry ozen et le grand Bouam.

[51] Aujourd'hui Dougréli, sur le Grand Manas, dans les montagnes.

[52] Dzill-ul-Kubra est peut-être Kabir, sur la rive droite du Koura-tchaï, et Dzill-ul-soughra est peut-être Zaïghour, sur la droite du Samoura, un peu avant sa séparation en plusieurs bras.

[53] Nommé plus haut Iersini, dans les montagnes sur le Darbâkh.

[54] Il était fils de Djazimeh.

[55] La fin du Derbend-namèh manque dans le man. de Berlin.