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  Oeuvre numérisée par Marc Szwajcer 


Les

Apocryphes Éthiopiens

 

X

LA SAGESSE DE SIBYLLE

 

  

 

TRADUITS EN FRANÇAIS

PAR

René BASSET

 

Directeur de l'Ecole supérieure des Lettres d'Alger,

Correspondant de l'Institut,

Membre des Sociétés asiatiques de Paris, Florence et Leipzig,

de la Société de linguistique, etc.

 

 

 

X

LA SAGESSE DE SIBYLLE

 

 

 

PARIS

BIBLIOTHÈQUE DE LA HAUTE SCIENCE

10, RUE SAINT-LAZARE, 10

1900

Tous droits réservés.

 


 

Les

Apocryphes Éthiopiens

 

X

LA SAGESSE DE SIBYLLE

 

I

 

Dans le syncrétisme judéo-païen, tel qu'il se constitua à Alexandrie, les oracles sibyllins tinrent une place considérable et, plus tard, les Chrétiens, en se substituant aux Juifs, invoquèrent en leur faveur les prédictions des prophétesses auxquelles l'antiquité romaine avait ajouté une foi absolue. On admit que Jésus-Christ était l'enfant merveilleux dont la naissance est annoncée par la Sibylle de Cumes dans la quatrième églogue de Virgile, et le témoignage de la Sibylle hébraïque fut invoqué, comme celui de David, pour décrire le jugement dernier.[1]

Varron comptait dix Sibylles : la première, la Sibylle perse, citée par Nicanor, historien d'Alexandre le Grand ; la seconde, la Sibylle libyque, mentionnée par Euripide dans le prologue des Lamies (pièce perdue) ; la troisième, la Sibylle de Delphes dont il est question dans le livre de la divination de Chrysippe ; la quatrième, la Sibylle cimmérienne en Italie que nomment Névius dans son poème sur la guerre punique et Pison dans ses Annales ; la cinquième, la Sibylle d'Erythrée, compatriote d'Apollodore et qui prédit aux Grecs, partant pour Ilion, que cette ville succomberait, et qu'Homère écrirait des mensonges; la sixième, la Sibylle de Samos, dont Eratosthène trouva, dit-il, un oracle dans les anciennes annales des Samiens ; la septième, la Sibylle de Cumes, nommée Amalthée, ou Démophile ou Hérophile; c'est elle qui apporta les neuf livres à Tarquin l'ancien ; la huitième, la Sibylle hellespontique, née à Marpesso; près de Gergithium, dans le pays de Troie, et contemporaine de Cyrus et de Solon, au dire d'Héraclide du Pont ; la neuvième, la Sibylle phrygienne, qui prophétisa à Ancyre ; la dixième, la Sibylle de Tibur nommée Albunéa et adorée comme une divinité sur les bords de l’Anio.[2]

La plus célèbre de toutes est la Sibylle de Cumes[3] qui, d'après les Annales citées par Aulu-Gelle (Nuits attiques, L. I, ch. xix) et Lactance (Institutions divines, L. I, ch. vi) vendit ses livres à Tarquin l'Ancien dans des circonstances extraordinaires. « Elle portait neuf livres qui contenaient, à ce qu'elle disait, des oracles divins, et offrait de les vendre. Le roi lui demanda son prix ; la femme lui en demanda un si élevé et si exorbitant, que le roi se moqua d'elle comme d'une vieille femme privée par l'âge de sa raison. Alors elle plaça devant lui un brasier allumé, brûla trois de ses livres et demanda à Tarquin s'il voulait acheter au même prix les six restants. Le roi rit de plus belle et dit qu'assurément la vieille divaguait. La femme brûla de nouveau trois autres livres, et enfin lui demanda, avec calme, s'il donnerait la même somme des trois derniers. Tarquin redevint plus sérieux et plus attentif ; il comprit qu'il ne fallait pas dédaigner une telle constance et une telle confiance ; il acheta les trois livres restants pour la somme qui avait été demandée pour les autres. Alors cette femme quitta le roi et ne fut plus vue nulle part. Les trois livres, renfermés dans un sanctuaire, furent appelés Sibyllins ».[4]

Cette collection ayant été détruite en l'an 671 de Rome (81 av. J.C.) par l'incendie qui éclata au Capitole, pendant la Guerre Sociale, le Sénat, pour réparer cette perte, fit rechercher partout les oracles Sibyllins : de tous côtés on en apporta tellement que, on quart de siècle avant J.-C., on ne comptait pas moins de deux mille livres d'oracles. Auguste fit faire deux triages, à la suite desquels, les livres réellement authentiques — ou du moins reconnus pour tels — furent placés dans deux coffres d'or, sous le piédestal de la statue d'Apollon Palatin. Il fut désormais interdit d'y ajouter quoi que ce fût. Cette collection se conserva pendant tout l'empire jusqu'au moment où le fanatisme de Stilicon la fit brûler.

Aux dix Sibylles énumérées par Varron, il faut ajouter celles que l'on désigne sous le nom de Sibylle hébraïque et de Sibylle chrétienne.[5] La collection qui nous est parvenue sous ces noms comprend les oracles composés par des Juifs hellénistes d'Alexandrie depuis le milieu du second siècle avant J.-C. et par des Juifs alexandrins ou des chrétiens jusqu'à la fin du iiie siècle de notre ère.[6] Il est probable que des fragments empruntés aux plus anciens livres dont se compose ce recueil, devaient se trouver dans la collection réunie de divers côtés par ordre du Sénat en 75 av. J.-C. L'ordre dans lequel ces oracles ont été recueillis n'est pas l'ordre chronologique, comme l'indiquait déjà Lactance. Mais, par l'étude du contenu, on est généralement d'accord pour reconnaître les plus anciens oracles dans le troisième livre, tandis que les derniers, contenus dans les livres XI-XIV, datent de l'époque d'Odénath.[7]

L'autorité qui s'attachait au nom de Sibylle fut durable en Orient et en Occident, et c'est pour cette raison que nous lui trouvons attribué le présent apocryphe qui nous est parvenu en arabe et en éthiopien, dans le même cadre qu'une recension latine attribuée à la Sibylle de Tibur et qu'une version syriaque connue seulement par un fragment cité dans la traduction arménienne de la Chronique de Michel. Tous ces textes, quelles que soient les différences du contenu, se ressemblent par le cadre et la conclusion : l'annonce des derniers jours du monde, l'arrivée de l'Antichrist[8] et la description des prodiges qui précèdent le jugement dernier. En ce qui concerne cette dernière partie, cette classe de livres Sibyllins se rattache pour nombre de traits à l'apocryphe connu sous le nom d’Apocalypse (ou de vision) de Daniel : leurs rapports seront indiqués plus loin ainsi que ce qu'ils ont de commun avec les divers traités relatifs à l'Antichrist et au jour du jugement. La version éthiopienne, qui est inédite et traduite ici pour la première fois, est d'assez basse époque et dérive d'un original arabe différent des deux recensions que j'ai pu consulter, mais qui se rapproche cependant de celle que je désigne par arabe1. Il en existe deux manuscrits à la Bibliothèque Nationale,[9] sous les nos 146, 18 (ms. du xviiie siècle) et 158, 4 (ms. du xviie siècle). Je me suis servi du premier, auquel il a été ajouté un appendice relatant une seconde fois la venue de l'Antichrist et composé de divers morceaux où l'on reconnaît entre autres des fragments du pseudo-Clément éthiopien.[10] Le texte gheez se trouve deux fois au British Museum,[11] et deux fois dans la collection de feu M. d'Abbadie.[12]

La Bibliothèque Nationale possède trois textes de la version arabe n° 70 (fos 126-147), n° 281 (fos 109-117) et n° 178 (fos 175-181). Je me suis servi des deux premiers qui représentent une version différente, comme on le verra en comparant la traduction que j'en donne dans l'appendice. Le texte, inédit comme l'éthiopien, contient les fautes de grammaire et de copie qu'on est habitué à rencontrer dans les manuscrits chrétiens de ce genre ; le premier, que je désigne par arabe1 est le plus développé ; le second (arabe2) se rapproche moins de l'éthiopien.

Il existe encore, à la Bibliothèque Nationale, une version en carchouni, c'est-à-dire en arabe écrit en caractères syriaques, datant du xvie siècle. D'après une note de M. Zotenberg,[13] elle se rapproche de la version arabe la plus développée, mais ne donne pas l'introduction.

Ici se pose la question de l'origine des versions arabes, et par conséquent de la version éthiopienne. Quoique, à ma connaissance, cet apocryphe ne nous soit pas arrivé en syriaque,[14] on peut admettre avec une grande vraisemblance un original en cette langue. Un chroniqueur syrien, Michel, dit dans un passage de la traduction arménienne de son histoire : « La vision des cent philosophes eut lieu en ce temps là à Rome, où ils virent tous dans une nuit sept soleils que Sibylle, femme sage, expliqua par sept siècles et sept souverains illustres. Le sixième soleil dont les rayons les éclipsaient tous et qui ne se couchait pas comme les autres, elle l'expliqua par le Christ ».[15]

Je reviendrai plus loin sur ce passage, mais il semble évident que Michel fait allusion à un ouvrage syriaque dont il avait eu connaissance, par conséquent antérieur au xiie siècle. Cette opinion se confirme, si l'on assimile à notre apocryphe le livre arménien de la Sibylle mentionné par Mékhithar d'Aïrivank dans sa chronique écrite vers 1297,[16] parmi les Livres secrets des Juifs, entre le Livre d’Hénok et le Testament des douze patriarches ; mais jusqu'à présent cet ouvrage paraît perdu.[17]

Nous pouvons donc admettre que les versions arabe, éthiopienne et carchounie dérivent, quelques-unes avec des additions, d'un texte syriaque remanié sur lequel a été faite une version arménienne. Mais ce n'est pas seulement en Orient que nous trouvons cet apocryphe ; le même cadre servit encore en Occident.

On a vu mentionnée plus haut, parmi les dix Sibylles énumérées par Varron, celle qui est nommée Albunéa. Le même auteur (ap. Lactance, Institutions divines, L. I, ch. vi), rapporte que dans un trou profond de l'Anio, affluent du Tibre, on trouva une statue de cette Sibylle, tenant en main un livre de sorts que le Sénat fit transporter au Capitole. Il nous est parvenu, attribuées à cette Sibylle de Tibur,[18] deux recensions datant du moyen âge ; l'une plus concise, la seconde remaniée avec des matériaux de provenance byzantine. La première nous a été conservée parmi les œuvres douteuses de Bède le vénérable[19] et, avec quelques différences, dans le Panthéon de Godefroy de Viterbe, enfin dans un manuscrit de Düsseldorf;[20] M. Sackur en a donné une édition critique d'après de nouveaux manuscrits;[21] la seconde existe dans un manuscrit de Berne.[22]

 

II

 

Les textes arabes et éthiopiens sont précédés d'une sorte d'introduction qui manque dans la version carchounie et dans la Sibylle de Tibur où elle est remplacée par l'énumération des dix Sibylles. Cette introduction a trait à l'émigration des Juifs dans la Terre Sainte, à leur révolte envers Dieu, à leur défaite par Titus et à leur dispersion. La version arabe1 place cet événement au mois d'août 620, la version éthiopienne en 1020 de l'ère d'Alexandre ; la version syriaque, au temps des Juges, à ce qu'il semble, car elle le mentionne après l'assassinat de Sisara par Jahel. La version arabe2 ne donne pas de date : la Sibylle de Tibur se rapporte au temps de l'empereur troyen (Romulus, dans une variante). A ce moment a lieu la vision de cent philosophes qui voient tous la même nuit neuf soleils d'aspects différents version syriaque, sept soleils;[23] on remarquera la différence de ces chiffres, provenant d'une conception différente des âges du monde.

Pour expliquer cette vision, on a recours à Sibylle : ce choix n'a rien qui doive surprendre, étant donnée l'autorité prophétique qui s'attache, comme nous l'avons vu, à ce nom. Mais tandis que la recension occidentale voit en elle, par un souvenir confus de Cassandra la prophétesse, une Sibylle fille de Priam, appelée en grec Tiburtina et en latin Albunéa (dans le texte du pseudo-Beda, elle est même nommée Cassandra), les versions arabe1 et éthiopienne lui donnent le nom de Sibylle, fille d'Hercule, chef des philosophes d'Ephèse.[24] Le nom d'Hercule paraît provenir d'une confusion avec Héraclite.[25] Les mêmes versions lui attribuent une sœur nommée Sëmâl (éthiopien), Chamal (arabe1 et arabe2); elle-même est âgée de 137 ans (éthiopien) ou 180 ans (arabe1 et arabe2); elle enseigne depuis 102 ans et 40 mois (éthiopien), et Dieu prolonge sa vie jusqu'à ce qu'elle atteigne 292 ans et 4 mois (arabe1), 294 ans et 3 mois (arabe2). Tous ces détails manquent dans la Sibylle de Tibur, où il n'est question que de ses longs voyages. Comme les sages sont incapables d'expliquer leur songe, ils s'adressent au roi qui fait chercher la Sibylle (arabe1, éthiopien, Sibylle de Tibur) ; suivant une autre recension, ce sont eux-mêmes qui envoient vers elle (arabe1, éthiopien).

Elle leur donne rendez-vous au Cirque et à l'Hippodrome (arabe2), au Cirque seulement (arabe1), sur le mont Aventin (Sibylle de Tibur) : le texte éthiopien ne désigne pas d'endroit. Ils racontent leur songe : neuf soleils leur ont apparu, d'aspects divers, mais menaçants, sauf les deux premiers. Leur description est très abrégée dans la Sibylle de Tibur ; elle l'est moins dans la version arabe2; dans l'éthiopien et la version arabe1, elle est plus détaillée ; dans ces trois derniers, l'interprétation est plus en rapport avec l'aspect des soleils. Chacun correspond à un âge, mais tandis que dans les recensions orientales qui viennent d'être mentionnées et en syriaque, l'apparition du Christ est placée au sixième, dans la Sibylle de Tibur, elle est reportée au quatrième. Le remaniement porte donc sur les périodes antérieures. La Sibylle commence alors l'interprétation de l'aspect de chaque soleil : il est à remarquer que, sauf en ce qui concerne le 9e, celle qui est donnée par la Sibylle de Tibur est beaucoup plus sommaire que dans les versions orientales.

Dans le premier, les hommes seront humbles, zélés pour le bien (éthiopien, arabe1, arabe2, Sibylle de Tibur) ; ils aimeront à creuser des tombes (arabe1, arabe2, éthiopien), prendront part aux convois funèbres (arabe2), sachant que quand ils mourront, quelqu'un les enterrera (éthiopien); en tout temps, ils penseront à la mort (arabe1), les diverses mentions de la mort manquent dans la Sibylle de Tibur. Au second âge, les hommes ne différeront pas de l'âge précédent (Sibylle de Tibur, version arabe2); tout en étant compatissants, ils vaudront moins que ceux de la première période (arabe1, éthiopien). Cette appréciation est plus en rapport avec la croyance à la diminution progressive du bien, telle qu'on la trouve dans la théorie des quatre âges du monde : or, argent, airain et fer.

L'explication du troisième soleil diffère dans les deux groupes, tandis que la Sibylle de Tibur annonce des combats dans Rome, les versions orientales ne mentionnent que les progrès du mal et la multiplication des péchés, quoiqu'il doive encore exister quelque bonne foi sur la terre.

Le quatrième âge, d'après les versions orientales, n'est que l'aggravation des précédents, mais c'est ici que la Sibylle de Tibur place l'apparition du Christ.

Le cinquième âge sera marqué par le meurtre, suivant les versions orientales ; la Sibylle de Tibur ne fait mention que de la mission apostolique confiée par Jésus à deux pêcheurs de Galilée.

Au sixième âge a lieu l'apparition du Christ, placée au quatrième par la Sibylle de Tibur. Le récit de sa naissance, de sa mort, et la description des récompenses accordées aux fidèles sont à peu près identiques dans les versions orientales. L'explication se termine par une citation empruntée au prophète des nations, suivant l'éthiopien où elle est très altérée ; à Daniel (arabe1), à David (arabe2). La Sibylle de Tibur consacre une phrase relative à une guerre qui paraît être celle qui est mentionnée dans l’Apocalypse (xi, 2).

Les versions orientales ont altéré l'explication, du septième soleil en confondant divers personnages. Ainsi la Sibylle de Tibur dit simplement que, dans cette période, apparaîtront deux rois qui feront de grandes persécutions dans la terre des Juifs. Elle désigne par là Vespasien et Titus. Les versions arabes parlent d'un roi de Byzance et d'une femme de Constantinople, la version éthiopienne, d'Aspasianos (Vespasien), roi de Rome, et d'Hélène, mère de Constantin, qui viendront à Jérusalem et feront périr beaucoup de gens à cause du Crucifié. En même temps, de nombreuses conversions auront lieu. Ce qui suit n'existe pas dans la Sibylle de Tibur : Un roi, anonyme dans la version arabe2 et l'éthiopien, mais que la version arabe1 nomme Diqladianos (Dioclétien) fera périr les Chrétiens et brûlera les églises ; la version arabe2 mentionne seule (inexactitude historique) le châtiment que lui fera subir celui qui a été suspendu sur la croix. Viendra ensuite un roi pire que celui-là (Julien?) qui détruira de nombreuses églises. Ici s'arrête la version arabe2. L'éthiopien et la version arabe1 mentionnent la multiplication des Chrétiens, puis arrivent sans transition à Mohammed. Un homme appelé Mamadious (arabe1), Mafqad (éthiopien), sortira de Théman.[26] Il régnera quatre ans (arabe1), ou un certain nombre d'années (éthiopien), et après il y en aura dix (arabe1), ou un (éthiopien) comme lui. Le livre de la Sibylle se rencontre ici avec la version judéo-persane de l’Apocalypse de Daniel qui mentionne avec plus de détails l'apparition de l'homme de Théman.[27]

Le huitième âge est décrit par la Sibylle de Tibur en termes très vagues : Rome sera déserte, et les femmes n'oseront plus enfanter. Dans les versions orientales, au contraire, nous trouvons beaucoup plus de détails ; mais ces allusions qui paraissent historiques et faciles à expliquer, sont au contraire très peu précises, sinon altérées. Naturellement, on ne s'attend pas à voir se dérouler régulièrement la suite des événements ; mais encore, on a l'impression d'un original écourté et mutilé, où n'a été conservé qu'un très petit nombre de faits saillants, mais défigurés. Cette période s'annonce par un tremblement de terre, dans les trois versions ; par la mortalité dans le pays des Jébuséens (arabe1), par la terreur dans le pays d'El-Baser (éthiopien). L'effroi régnera dans Byzance (arabe1, arabe2, éthiopien : Berét'ya, fausse lecture d'un texte arabe pour Bizant'ia) ; le chemin entre cette ville et le pays des Francs est interrompu (arabe1, arabe2, éthiopien), puis les Romains font une embuscade et tuent beaucoup de monde. La Syrie est ravagée (arabe1). La version éthiopienne ne mentionne qu'un grand carnage sur les chemins. Peut-être s'agit-il de l'expédition infructueuse de Maslamah sur Constantinople (716-717 de J.-C.) ou de la défaite éprouvée par les Arabes commandés par Malik ben Sebib et 'Abd Allah el Bat'-t'aL devant Synoda : sur 50.000 Musulmans, 5.000 seulement échappèrent : le reste fut tué ou pris (734-735 J.-C.).[28] Il est difficile de déterminer quelle est la ville qui sera ruinée en Orient (arabe et éthiopien), ou dont les murs s'écrouleront vers l'Orient (arabe2) : peut-être cette vague explication se rapporte-t-elle aux guerres qui marquèrent la fin de la dynastie omayade. Mais ce qui suit est plus précis et plus reconnaissable : il s'agit d'un roi qui règne 23 ans accomplis, mais sans achever la vingt-quatrième (arabe1 et éthiopien. Le chiffre de 27 donné par la version arabe est sans doute une erreur) : c'est Haroun er Rachid qui régna de 786 à 809 : il est également mentionné dans la version judéo-persane de l’Apocalypse de Daniel,[29] ce dernier toutefois rapporte les guerres de Haroun contre les Byzantins, tandis que les trois versions orientales ne parlent que de la paix et de la tranquillité dont on jouira chez les Francs (arabe1), chez les Romains (éthiopien), ou d'une façon indéterminée (arabe2). Ce roi recevra des présents du pays des Francs (arabe1), de toutes les îles de la mer (éthiopien) ; il est fait allusion aux ambassades échangées entre Haroun er Rachid et Charlemagne.[30] De son temps, la Syrie sera prospère, mais elle sera ravagée après sa mort (arabe1, éthiopien). Il laissera deux fils : le nom de l'un sera celui de l'homme qui est venu de Thé-man (arabe1, arabe2 et éthiopien) ; ce sont les deux fils aînés de Haroun : Mohammed El Amin et El Mans'our. La version judéo-persane de l'Apocalypse De Daniel est plus complète et mentionne trois fils : le troisième est El Mo'tas'im.[31] Ce qui suit est différent dans les trois versions : l'éthiopien dit que ce roi (Haroun) établira un de ses deux fils — celui qui n'est pas appelé Mohammed — comme gouverneur de la Syrie ; la version arabe1 rapporte que cette province éprouvera des ravages de la part de celui qui porte le même nom que l'homme de Théman. Or, rien, dans l'histoire des guerres civiles entre El Amin et El Mansour, guerres qui se terminèrent par l'assassinat du premier, ne s'applique à la Syrie. Il faut supposer, sinon une lacune, du moins un saut d'une assez longue période, car la version arabe1, à la place de ce qui vient d'être rapporté, annonce que les rois viendront contre les gens du royaume, et s'accorde avec la version arabe2 pour dire que les rivages et les églises seront ravagées. Vient ensuite la description d'un bouleversement par lequel les conditions sociales seront interverties et où les esclaves prendront la place de leurs maîtres : un passage semble faire allusion à la domination de la garde turke, ou encore aux dynasties fondées par d'anciens esclaves, comme en Egypte celles des Toulounides et des Ikhchidites, dont la domination s'étendit jusqu'en Syrie : ceux qui ne connaissent ni leurs pères, ni leurs mères seront sultans : le texte de la version arabe est plus développé. Le mal gagnera le clergé, et les trois versions sont d'accord pour signaler sa corruption, sa dureté et son orgueil, et aussi son humiliation et son châtiment, de même que la destruction des églises et la mort des gens. Les versions arabe1 et éthiopienne y ajoutent la rupture des liens de famille et une nouvelle insurrection d'esclaves contre leurs maîtres, ce qui n'est peut-être qu'une répétition des prédictions précédentes ; sinon cela pourrait désigner l'établissement des Fatimides qui bientôt débordèrent d'Egypte en Syrie.[32] Si l'on admet, ce qui est vraisemblable, des lacunes dans l'ordre chronologique des prédictions, on peut supposer que la mention du ravage de Jérusalem, où il ne restera personne, désigne la prise de cette ville par les croisés de Godefroy de Bouillon, dont il est clairement question dans la version judéo-persane de l’Apocalypse de Daniel.[33] Les prières des prêtres, des moines et des veuves seront vaines devant le Seigneur et la génération sera pire que la précédente. La version arabe1 mentionne le ravage de ce qui est entre les deux fleuves (la Mésopotamie?), allusion aux guerres dont l'Irâq' arabi fut le théâtre (?). Le ravage de la moitié de l'Egypte, le Nil rempli de sang et le naufrage d'une flotte rappellent sans doute les expéditions des croisés dans ce pays, surtout celle qui commença en 1317, au cours de laquelle ils prirent Damiette (1319); ils éprouvèrent ensuite, sur les bords du Nil, des désastres qui les obligèrent à rendre cette ville et à évacuer le pays. La mention de ces événements se retrouve dans la version copte de l’Apocalypse de Daniel (Quatorzième vision de Daniel).[34] C'est ici que s'arrête la liste des événements historiques prédits par la Sibylle : c'est donc à cette époque qu'on peut placer la rédaction du texte syriaque, dont les versions arabes et éthiopiennes que nous possédons ne sont que des remaniements. Cette date devrait être rapprochée d'une trentaine d'années, si, au lieu des guerres de 1219, on voyait dans les prédictions relatives à l'Egypte, le récit de la malheureuse croisade de Saint-Louis (1247-1250).

Avec le neuvième âge, nous entrons dans le messianisme et nous retrouvons dans nos textes les traits communs aux diverses descriptions de l'Antichrist et de la fin du monde. Dans la Sibylle de Tibur, cependant, l'annonce des derniers temps est précédée d'une longue prophétie historique dont on trouvera les identifications dans les notes de la traduction. Tout d'abord, apparaîtra de l'Orient (éthiopien), de l'Occident (arabe1) un roi qui relèvera tout ce qui a été détruit sur terre (éthiopien), ou dans le pays des Grecs (arabe1). La félicité arrivera à un tel degré que les vivants plaindront les morts au lieu de les envier, comme dans l'âge précédent. Ce roi me paraît être, malgré des différences de détail dans le récit de sa mission, celui qui est annoncé dans la Sibylle de Tibur sous le nom de Constans, et dans lequel M. Sackur voit une résurrection du très obscur Constant, fils de Constantin, tué dans les Pyrénées en 350, en fuyant l'usurpation de Magnence.[35] Ce roi, qui doit dominer pendant 112 ans, et, à la fin de sa carrière, convertir de force les Juifs, est aussi peu historique, malgré son nom, que le Théodore annoncé comme une régénération par le Fekkaré Iyasous.

La prospérité de ce règne répond à celle dont le monde jouira sous celui de Jésus : elle durera quarante ans, d'après certains auteurs, au bout desquels apparaîtra l'Antichrist. Dans les versions arabe et éthiopienne, dans le Pseudo-Méthodius, la version judéo-persane de l’Apocalypse de Daniel, et la version copte du même livre, l'apparition de l'Antichrist n'aura lieu qu'après l'invasion de Gog et Magog; elle la devance dans la version arabe1 et la Sibylle de Tibur. Gog et Magog ne sont pas mentionnés dans la lettre d'Adso de Montiérender et dans les versions arménienne et grecque de l’Apocalypse de Daniel.

Les traits qui caractérisent Gog et Magog appartiennent à la fois à la légende et à l'histoire : on a appliqué en effet ce nom à des invasions de populations diverses (scythiques, gothiques, hunniques, tatares) venues du Nord jusqu'en Palestine, ou du moins menaçant l'Asie occidentale et l'Europe. La légende d'Alexandre, ou plutôt sa partie orientale, fournit des traits à cette description.[36] Chez les chrétiens, comme chez les musulmans, Derbend, dans le Caucase, fut regardé comme un barrage de fer établi par le héros macédonien pour fermer aux êtres, demi-monstres et demi-hommes, qui pullulent dans le Nord, l'entrée du monde civilisé. Cette barrière, qu'ils rongent sans relâche, tombera à la fin du temps et la terre sera inondée par les hordes de Gog; et de Magog, simplement mentionnées dans les versions orientales de la Sibylle et dont les ravages annonceront ceux de l'Antichrist.

Celui-ci étant la contrepartie du Christ, ou plus exactement un faux Christ[37] doit pouvoir, par des apparences trompeuses, séduire et tromper les hommes pour les conduire à leur perte. Ainsi la version arabe1 et la version judéo-persane de l'Apocalypse de Daniel le font naître d'une vierge qui l'élève jusqu'à 30 ans (arabe1, cf. la durée de la vie cachée du Christ) ; elle est de la tribu de Dan (arabe1, arabe2, Sibylle de Tibur) ce qui tient à la fâcheuse renommée de cette tribu.[38] La version arabe1 lui donne pour lieu de naissance H'arrân (?) dans la tribu de Dan ; le pseudo-Méthodius le fait naître à Corozaïn, nourrir à Bethsaïda et régner à Capharnaüm, en souvenir de la malédiction de Jésus contre ces trois villes.[39] Son apparition aura lieu dans les montagnes de Galilée (arabe1 Djelil, devenu Halal en éthiopien). La version arabe2 dit que la femme l'enfantera dans la montagne des montagnes.

Son portrait est placé par la version arabe1 aussitôt après sa naissance, il est rejeté au milieu de ses aventures par les versions arabe et éthiopienne ; il manque dans la Sibylle de Tibur. Les trois premiers textes sont d'accord sauf quelques variantes : sa chevelure, donnée comme rare par l'éthiopien et le Midrach Wayocha, est abondante (arabe1), ses yeux sont brillants de lumière (arabe1); il a un signe dans l'œil droit (arabe1) : son œil droit est très brillant, suivant le texte éthiopien qui s'accorde ici avec un passage d'une version grecque d'Esdras.[40] Le bruit de ses miracles attirera vers lui une foule de gens (arabe1, arabe2, éthiopien, Sibylle de Tibur) ; tous les textes s'accordent pour mentionner ceux qu'il fera dans le soleil, la lune et les étoiles ; les légendes musulmanes, de même que le pseudo-Clément éthiopien, spécifient qu'il fera lever le soleil au couchant après une nuit qui aura duré le triple de la nuit ordinaire.[41] Il n'y a de désaccord que pour un miracle : la version éthiopienne, le IIIe livre de la Sibylle (v. 66), le pseudo-Hippolyte, le commentaire d'André sur l’Apocalypse, l’Elucidarium d'Honoré d'Autun lui attribuent le pouvoir de ressusciter les morts. Au contraire, sa magie s'arrête là et c'est cette impuissance qui le fera reconnaître pour un faux prophète suivant la version arabe1, la version arabe2, d'accord avec l'Apocalypse de Zéphanias, S. Ephrem, dans son Discours sur la fin du monde, l’Apocalypse du pseudo-Jean, les Questions à Antiochus.[42] Ici la version arabe1 et l'éthiopien placent un épisode que la version arabe1 rejette après le voyage de l'Antichrist à Jérusalem et qui manque dans les autres ouvrages qui traitent de ce sujet : il s'agit de la veuve qui viendra réclamer justice auprès de lui : après l'avoir repoussée, il lui donnera satisfaction afin d'éviter ses réclamations persistantes.

L'Antichrist viendra à Jérusalem et plantera sa tente devant Si on (arabe1, arabe2, éthiopien) ; il prétendra être Dieu : ce trait est commun à tous les récits, depuis Irénée jusqu'à la Sibylle de Tibur.[43] Alors deux[44] hommes (arabe1 et arabe2), sortis d'un endroit inconnu, viendront le démentir: Il les fera tuer. Ces deux hommes ne sont pas nommés dans les versions orientales, mais la Sibylle de Tibur, le De Ratione Temporum de Béda le vénérable[45] et la lettre d'Adso donnent leurs noms : Ce sont Elie et Hénok. Leur mode d'intervention diffère suivant les récits : D'après saint Ephrem, dans le Discours sur la fin du monde (ch. xi), Elie et Hénok lui demanderont de prouver sa divinité en ressuscitant des morts, ce qui lui sera impossible, comme on l'a vu. Dans la version judéo-persane de l’Apocalypse de Daniel, ce seront tous les Juifs fidèles qui le mettront en mesure de prouver sa divinité par ce miracle.[46]

La venue d'Elie et d'Hénok semble déjà indiquée dans l'Apocalypse de Jean[47] qui mentionne les deux témoins envoyés par Dieu : ceux-ci, après avoir prophétisé 1260 jours, seront vaincus et tués par la Bête sortant de l'abîme. Quant au choix de ces deux personnages, il est aisé de l'expliquer. On sait que, d'après la tradition, tous deux furent enlevés au ciel (Genèse, v, 24; Rois iv, ch. ii, 11-12): c'est ce qu'indiquent nos textes quand ils disent qu'Hénok et Elie viennent d'un endroit dont personne, si ce n'est Dieu, ne connaît le nom.[48] Leur arrivée est expliquée par la raison suivante. Tout homme doit mourir, et ceux-là même qui ont échappé pour un temps à cette loi doivent y satisfaire avant la fin du monde.[49] C'est en vertu de cette croyance que, chez les Musulmans, Jésus qui n'est pour eux qu'un homme, à qui Dieu au moment de son exécution a substitué Judas, doit mourir à la fin des temps.

La mort d'Elie et d'Hénok amènera l'intervention du Christ devant qui l'imposteur fondra comme de la cire (arabe1, éthiopien), ou comme du plomb, suivant les traditions musulmanes : c'est le développement d'une phrase de saint Paul (IIe Epître aux Thessaloniciens, ii, 8) empruntée elle-même à Isaïe (xi, 4), c'est également par le souffle de son esprit que, d'après le Midrach Wayocha, le Messie fera périr l'Antichrist. Dans la version arabe2, comme dans l'Apocalypse copte de Daniel, il est dit simplement qu'il le tuera. — Suivant la Sibylle de Tibur, Beda (De temporum ratione, ch. lxix) et une interprétation rapportée par Adso, c'est l'archange Michel qui fera périr l'Antichrist sur le mont des Oliviers, et le dernier ajoute que ce sera dans sa tente et sur son trône, à l'endroit même ou le Christ est monté aux cieux.[50]

A ce moment commencent les signes précurseurs immédiats du dernier jour : le feu descendra du ciel et consumera la terre jusqu'à une profondeur de 40 (arabe1, et arabe2), ou de 7 coudées (éthiopien), de 72 coudées dans l’Apocalypse de Zephanias et l'Apocalypse grecque de Daniel,[51] de 80 dans la Vision d'Esdras. Dans le discours de saint Ephrem. Sur la fin du monde, ce feu la ravagera pendant 40 jours. Les autres textes, le Livre III des Oracles Sibyllins, les Institutions divines de Lactance (L. VII et 19), l'Ascension d'Isaïe (iv, 18), la Septième vision de Daniel en arménien, le pseudo-Clément syriaque, ne font mention que du feu sans préciser, soit la durée, soit l'étendue des ravages.[52] Cette conception paraît avoir pour origine un passage de Daniel (viii, 11) et peut-être faut-il y voir la fumée qui annonce le jour du jugement dans le Qorân (xliv, 9) et les traditions musulmanes.

Le ciel se repliera comme du papier (arabe1, arabe2, éthiopien) : cette image qu'on rencontre dans le discours d'Ephrem sur l'Antichrist, dans le pseudo-Hippolyte, dans le troisième livre des Oracles sibyllins,[53] dans la Septième vision de Daniel en arménien,[54] est empruntée à Isaïe (xxxiv, 4). Elle a passé dans le Qorân (xxxix, 67) : Les cieux seront pliés comme un rouleau dans sa main droite.

Le soleil et la lune disparaîtront ; les étoiles tomberont (arabe1 et éthiopien) : alors Dieu viendra procéder au jugement dernier.

On trouvera à la suite du livre éthiopien de la Sibylle les deux versions arabes dont j'ai parlé plus haut. Il m'a paru utile d'y joindre une traduction de la Sibylle de Tibur, d'après l'édition critique donnée par M. Sackur, et les chapitres consacrés à la fin du monde et aux signes qui l'annoncent dans la Perle des merveilles d'Ibn et Ouardi : on pourra ainsi comparer les traditions apocryphes chrétiennes aux traditions musulmanes et se rendre compte de l'influence que les premières ont exercée sur les secondes.


 

LA SAGESSE DE SIBYLLE.

 

Sagesse de la femme nommée Sibylle (Sabéla, Brit. Museum, Sâbilâ) fille d'Hercule (H'ërqâl), chef des sages d'Ephèse (Eféson) et explication du songe qu'eurent cent sages dans la ville de Rome (Romyâ) la même nuit, à la même heure, après la sortie d'Egypte (Gëbs') des enfants [d'Israël].[55]

Après qu'ils eurent voyagé dans le désert pendant des jours fixés et qu'ils furent arrivés dans la terre du royaume des Grecs (Yonânâouyân), des Hébreux (Ebraouyân) et des Gergéséens (Gërchaouyân), il y avait chez eux des prophètes et des docteurs qui leur révélaient les secrets des mystères et les instruisaient dans ce qu'ils demandaient. Lorsque le péché se fut multiplié chez eux, qu'ils se prosternèrent devant les démons, qu'ils égorgèrent leurs fils et leurs filles aux mauvais génies, Dieu leur enleva la royauté, leur retira le don de prophétie et il n'y eut plus d'envoyés [de Dieu]. Alors ils voulurent s'adresser aux magiciens et leur demandèrent de leur montrer ce que les prophètes et les apôtres leur avaient fait voir précédemment. Ils ne purent faire de même. Sur ces entrefaites, Titus (T'it'os) les réduisit en esclavage et les emmena dans la ville de Rome ; le Seigneur les dispersa dans toutes les provinces romaines. Leur départ eut lieu en 1020 de l'ère d'Alexandre (Eskëndros), dans le mois de magabit qui est août (qost'os).

Cent philosophes eurent le même songe dans la même nuit. Le bruit de ce rêve arriva à Alexandre, roi de Rome. Il envoya vers cette femme, fille d'Hercule, chef [des sages] d'Ephèse, laquelle apprenait aux enfants et aux jeunes gens ce qui existe dans tout le monde, en tout temps. Le Seigneur avait fait à cette femme un don considérable pour prophétiser à tous les peuples ce qui se passait dans l'eau, le soleil et la lune, tant sa sagesse était grande. Elle était âgée de 137 ans et avait une sœur nommée Sëmâl à qui elle avait révélé tout ce qui est connu et tout ce qui est visible. Sa sagesse était tellement affermie en tout pays qu'elle s'éleva au-dessus des sages. Dieu la rendit supérieure à tous ses contemporains. Il s'était écoulé 102 ans et 40 (sic) mois depuis qu'elle expliquait tous les songes et toutes les choses extraordinaires de son temps.

Et l'an 67 de Maqdon César (Késar) roi de Rome, cent philosophes eurent le même songe la même nuit et à la même heure. Le matin venu, ils se racontèrent les uns aux autres ce qu'ils avaient vu ; ils ressentirent de l'étonnement et leur âme fut attristée de n'avoir personne pour leur expliquer ce songe. Ils se dirent l'un à l'autre : C'est une chose que Dieu nous a fait apparaître, et ils ajoutèrent : Qu'est-ce que ce rêve, et qu'arrivera-t-il? Les philosophes de Rome envoyèrent vers cette femme appelée Sibylle pour lui demander de venir à Rome leur expliquer ce rêve : Elle partit avec les envoyés.[56]

Quand le bruit de son arrivée parvint aux gens delà ville, ils s'avancèrent, grands et petits, à sa rencontre ; ils l'introduisirent avec joie et allégresse et amenèrent ces philosophes. Ceux-ci lui racontèrent leur songe et elle leur dit : Retirez-vous, jusqu'à demain ; alors réunissez-vous et parlez devant tout le peuple ; nous demanderons au Seigneur, notre maître, de nous faire comprendre le sens de ce rêve. Ils partirent comme elle le leur avait recommandé et le lendemain, ils se rassemblèrent. Elle les bénit et leur dit : Venez, gens de Rome, je vous raconterai les choses extraordinaires que présage ce songe ; parlez, dites ce que vous avez rêvé.

Nous avons vu, dirent-ils, neuf soleils : le premier brillait extrêmement sur tout le monde: le second ressemblait au premier et était comme lui. Le troisième avait un brouillard. Dans le quatrième étaient des ténèbres et au milieu, un couteau. Le cinquième était lumineux; le sixième était mélangé de sang, et au milieu il y avait des couteaux : il était traversé par des images de scorpions ; dans ce soleil était une grande lumière. Le septième apparaissait et s'éteignait : il y avait du sang, des scorpions, du brouillard. Le huitième était.peu lumineux et contenait beaucoup de scorpions et du sang. Le neuvième soleil était traversé par beaucoup de sang ; sa lumière était faible et il y avait des flèches.

Sibylle leur dit : ces neuf soleils que vous avez vus sur le monde entier représentent neuf âges d'homme : celui qui siège au-dessus des hauteurs, qui voit et qui est invisible, vous a montré ce que sera chacun de ces âges : il vous découvre ce qui arrivera à chaque époque.

Dans la première, les hommes seront humbles et amis du bien ; ils s'aimeront les uns les autres sans montrer entre eux d'hostilité ni de troubles. Ils réussiront ; ils construiront et embelliront leurs œuvres et leurs tombeaux de leur vivant ; ils sauront que quand ils seront morts, quelqu'un les enterrera.

Dans le second âge, les gens seront compatissants comme eux; ils leur ressembleront; ils aimeront à faire parmi eux des aumônes abondantes, mais ils seront inférieurs à leurs prédécesseurs.

Dans le troisième, ils montreront l'outrage, l'orgueil et la vanité; ils aimeront ce que Dieu hait ; il y aura encore chez eux un peu de foi, mais le péché se multipliera parmi eux.

Dans le quatrième, les hommes seront méchants : ils aimeront à verser le sang.

Dans le cinquième, ils aimeront à commettre des meurtres et à verser le sang.

Dans le sixième, une lumière [émanée] de la lumière supérieure qui réside au haut des cieux apparaîtra dans le sein sacré d'une vierge et naîtra dans la terre de Juda (Yëhoudâ); cette naissance causera de la joie dans les cieux et sur la terre. Des mages viendront de l'Orient, apportant des dons. Des Juifs s'élèveront contre lui, le crucifieront, perceront de clous ses mains et ses pieds ; ils l'enterreront dans un tombeau ; il ressuscitera le troisième jour ; il sortira du tombeau comme il sera sorti du sein de la Vierge. Et comme celle-ci sera restée vierge après sa naissance, [de même] après qu'il sera sorti du tombeau, on trouvera le sceau intact. Il marchera dans un corps charnel, comme a dit le prophète des nations : Ceux qui n'ont pas cru en lui, même lorsqu'il est allé vers eux, ne l'ont pas accueilli et l'ont traité de menteur. S'ils avaient cru en lui, il leur aurait donné ce que l'œil n'a jamais vu, ce que l'oreille n'a jamais entendu, ce que le cœur humain n'a jamais imaginé;[57] il ne les nommera pas ses enfants et ses frères.

Dans le septième âge, un roi viendra de Byzance (Barât’yâ pour Bizant'yâ) et une femme de Constantinople (Quast’ënt’ënya) ; ils iront dans la ville de Jérusalem (Iyarousâlem) ; ils tueront beaucoup de gens à cause de celui qui a été mis en croix ; ils rassembleront une foule considérable qui adorait les démons et la ramèneront à lui. Ensuite viendra un roi exterminateur qui détruira les églises, qui tourmentera les hommes libres et les adorateurs du crucifié : beaucoup seront couverts de honte ; devant ce roi, un homme fera périr un peuple considérable...[58] et détruira de nombreuses églises. Après eux, ceux qui croient au Seigneur qui a été mis en croix, se multiplieront. Un homme nommé Mafqad viendra du Yémen (Yaman pour — Taman —) et régnera quatre ans. Après lui, il y en aura dix comme lui.

Dans le huitième âge, il y aura beaucoup de pleurs et de troubles ; les terres et les contrées maritimes seront ruinées et désolées. Il y aura ensuite une grande terreur chez les habitants du pays d'El Baser; l'île de la mer sera conquise et pillée ; il y aura dans Byzance (Bérét’yâ pour Bizant’yâ) de la crainte et du trouble ; la route entre Rome et les Francs (Afrèngui) n'existera plus. En ces jours, il y aura du carnage sur ce chemin (?), la Syrie sera ravagée ainsi qu'une grande ville. En Orient, un roi régnera pendant vingt-trois ans : la [vingt] quatrième année ne sera pas accomplie. Il recevra des présents de toutes les îles de la mer: la crainte ne viendra pas à Rome ; de son temps, la Syrie sera dans la joie, mais elle sera ravagée peu après sa mort. Il laissera deux fils : le nom de l'un sera comme celui de l'homme qui est venu du Yémen ; il établira l'un d'entre eux comme gouverneur de la Syrie et du rivage de la mer ; elle sera ruinée et les églises dévastées ; les gens vivront tous dans le mensonge et l'injustice. En ces jours, l'esclave se reposera et le maître travaillera ; la servante sera assise et la maîtresse tournera la meule ; les serviteurs se prendront pour les chefs ; ceux qui ne connaissent ni leurs pères ni leurs mères seront gouverneurs dans toutes les provinces. En ce temps-là, le péché et la fornication se multiplieront; l'injustice s'accroîtra, la justice disparaîtra, les prêtres seront adultères et marcheront dans la voie du péché ; ils aimeront la nourriture et la boisson ; ils n'enseveliront pas les morts et ne se lèveront pas pour la prière; ils se montreront orgueilleux envers le peuple à cause de la parole qui leur aura été donnée ; ils seront couverts de honte et châtiés à cause de leurs actions. Ecoutez leurs paroles et n'agissez pas comme eux. Ils auront perdu la foi et la charité. Ensuite les églises seront ravagées, les gens périront afin que s'accomplisse la parole du prophète Daniel quand il dit : Le désert sera privé des ermites qui y vont ; il n'y aura dans les montagnes personne qui erre çà et là ; le trouble s'accroîtra sur ceux qui vivent dans les villes. Tout cela arrivera dans le huitième âge. Les pères diront à leurs fils : Vous n'êtes pas à nous ; les fils renieront leurs pères ; [les esclaves] s'élèveront contre leurs maîtres; l'ignorant s'emparera du pays et d'une grande ville qui est en Orient ; le carnage y durera trois jours et trois nuits ; il n'y restera qu'un petit nombre d'habitants. Jérusalem sera ravagée ; il n'y aura plus personne à l'endroit où [Jésus] fut crucifié. Tel sera le huitième âge. En ce temps-là les prêtres, les diacres, les moines, les orphelins imploreront le Seigneur et gémiront. Mais à cause de la multitude de leurs péchés, il détournera d'eux sa face ; il n'écoutera pas leurs prières. Le mal se multipliera dans cette période plus que dans la précédente et la suivante. En ce temps, des gens viendront de l'Orient et d'autres de l'Occident; ils se rencontreront en route, s'interrogeront mutuellement et se diront : Où voulez-vous aller? Les uns répondront : Nous allons vers l'Ouest. — N'y allez pas, car il y a là beaucoup de malheurs — Où allez-vous, vous-mêmes? — A l'Est. — N'y allez pas, car il y a là beaucoup de malheurs. En ce temps-, là, les villes qui sont entre les rivières seront ruinées ; la moitié de l'Egypte[59] sera incendiée ; la terre sera couverte de désolation ; beaucoup de vaisseaux seront brisés ; le sang coulera dans le fleuve ; [les vaisseaux] partiront pour ne plus revenir; il y aura un grand chagrin et un grand, deuil, si bien que les vivants diront[60] aux morts : Heureux êtes-vous !

Dans le neuvième âge, un lionceau viendra de l'Orient : il rebâtira tout ce qui a été détruit sur la terre ; l'arche sera reconstruite. De son temps, l'abondance régnera dans le monde. En passant près des morts qui habitent les tombeaux, les vivants leur diront : Vous êtes morts alors que vous étiez dans un temps de tristesse et de douleur; levez-vous et voyez cette grande, joie, cette allégresse, cette abondance où nous vivons. Le règne de cet homme durera 40 ans. On cherchera à qui faire l'aumône, on ne trouvera personne pour la recevoir; les fruits de la terre se multiplieront même sur les arbres du désert ; les anachorètes seront nombreux dans la solitude ; les villes qui avaient été détruites seront rebâties. Quand la 49e année sera accomplie...[61]; les anges descendront des cieux sur la terre, vêtus comme les hommes ; ils marcheront avec eux. Ensuite sortiront Gog (Goug) et Magog (Magoug) ; ils s'empareront de l'univers. Après leur sortie pleine d'erreur, apparaîtra en leurs jours, de quelque part dans une montagne nommée Halal, celui qui prendra une forme et dira : [Je suis] Dieu. Beaucoup de gens le suivront à cause de la multitude de ses miracles et des prodiges qu'il fera dans le soleil, la lune et les étoiles ; il recevra le pouvoir de ressusciter les morts ; sa méchanceté et son impiété augmenteront. Une femme veuve viendra à lui et lui dira : Fais-moi justice de mes ennemis [mais il ne voudra pas] afin que s'accomplisse [la parole de celui qui a été suspendu à] la croix, à savoir : Il y a un juge qui ne craint pas le Seigneur et ne rougit pas devant les hommes. [Il jugera en faveur de la veuve] de peur que cette vieille femme ne le tourmente, ne vienne à lui et ne s'attache à lui continuellement. En ce temps-là la royauté, le sacerdoce et les miracles seront finis. Cet homme aura la tête grande, le cou mince, les cheveux rares, les bras longs, les doigts courts, l'œil droit joyeux. Il ira à Jérusalem, il plantera sa tente sous la montagne de Sion (S'ëyon). Quatre hommes sortiront d'un endroit que nul ne connaît, sinon Dieu. [Ils lui diront : Tu n'es pas Dieu, mais] un imposteur ; il ira à eux, les saisira et les broiera sur l'autel de la montagne de Sion, afin que la parole du prophète David soit accomplie : Ils feront monter des bœufs sur ton autel. Après cela, celui qui a été suspendu au bois de la croix viendra et [l'imposteur] fondra comme de la cire ; tous ceux qui auront cru en lui seront anéantis. La face de la terre sera renouvelée ; le feu descendra du ciel et la terre sera consumée à [une profondeur] de sept [coudées]. Le ciel sera plié comme du papier; le soleil, la lune et les étoiles tomberont. Alors viendra le jour terrible, sans pareil. Le Père se réjouira de son Fils, le Fils de son Père, et l'Esprit Saint avec lui. Si quelqu'un a fait le bien en ce monde, [il se réjouira ; s'il a fait le mal] il n'y aura pas de joie pour lui. Celui qui aura eu la foi sera sauvé.

 [62]Les églises se multiplieront ; on y fera la prière ; l'eucharistie, l'encens et les sacrifices monteront vers le ciel ; il y aura des prêtres impies, paresseux, insensés, orgueilleux, arrogants. En ce temps-là, il y aura des docteurs sans énergie ; tous ceux qu'ils auront jetés dans l'habit religieux ne seront pas sauvés et ne se sauveront pas les uns les autres ; on abolira le Sabbat : on ne croira pas au jour de la Nativité ni au baptême.

Dans la quatre-vingt-quatrième année de la grâce, on aimera la croix et la vie érémitique; toutes les créatures, hommes et femmes, seront joyeuses; chacun reviendra à son premier état ; un homme juste régnera ; il ceindra ses reins de la justice, et l'équité entourera ses flancs.[63] La justice croîtra à son époque. Il régnera quatre années, dans l'an 533 du cycle. Ensuite il aura trente ans.[64] Puis viendra un faux Messie qui dira: Je suis le Christ; il fera des miracles et des prodiges ; il fera lever le soleil à l'Occident et la lune du côté d'Elâm;[65] son œil droit sera mêlé de sang; son pied droit sera court; les ongles de sa main seront tordus; ses pieds ressembleront à des faux[66].... Il régnera trois ans.[67] Des bandes de moines, de diacres, d'évêques, de croyants, beaucoup de troupes de gens, tous ceux qui auront embrassé la vie monastique et revêtu le froc se rassembleront.

[68]Il dit à... Prends tout cela. Il le prit et monta vers les cieux. Ils pleurèrent amèrement et moururent tous et ses rois avec eux.

Michel (Mikâèl) et Gabriel (Gabrëèel) viendront avec leurs troupes,[69] prendront tous ceux-là et les conduiront dans la joie. Alors Oualonion le démon prendra avec lui mille et soixante-seize hommes ; ils arracheront les rochers comme un roseau ; ils dévoreront le feu ; ils boiront le sang des menstrues; un aigle régnera sept ans, résidant à Jérusalem ; il dévorera des enfants comme de la nourriture, mille le matin, et mille le soir.[70] Ensuite Michel soufflera dans une trompe pendant 30 ans ; tous les os se rejoindront et toutes les chairs se rassembleront. La troisième fois que Michel sonnera de la trompe pendant trente ans, les morts se lèveront en un clin d'œil,[71] l'éclat du soleil s'affaiblira ; de même dans les étoiles, les unes auront leur clarté diminuée et resteront dans l'abaissement ; d'autres conserveront leur splendeur. Alors viendra le roi des cieux et de la terre et il rémunérera chacun suivant ses actions. Louange et gloire à lui dans l'éternité ! Amen.

*

* *

[72]Fin de la prophétie de Sibylle. Louange au Seigneur maître du monde entier. Amen. Que le Seigneur nous fasse miséricorde à sa prière, éternellement. La Sibylle vit neuf soleils, chaque espace de temps [représenté par un soleil] est de 778 années; le neuvième est de 777. Les cycles de la Sibylle sont 800 ou 700; chacun est de 800 ans. Il y a 49 cycles d'Esdras (Ezrâ), chacun compte 143 ans. Les cycles d'Hénok sont au nombre de 10 et chaque cycle est de 700 ans. Les jours du Seigneur sont sept ; chez nous, il y a 2.548.000 jours.

 


 

APPENDICES

I

VERSION ARABE1

(Ms. de la Bibliothèque Nationale, fds arabe, n. 70.)

 

Ceci est l'interprétation donnée par Sibylle (Sibillâ) la prophétesse fille d'Hercule (Harqal), chef des sages d'Ephèse (Efésis), du songe que virent cent philosophes de la ville de Rome (Roum) la même nuit.

Après la sortie des Juifs, après qu'ils eurent cheminé dans le désert pendant des jours déterminés, lorsqu'ils entrèrent dans la terre qui formait les royaumes des Grecs (El Younâ-niyin), il y avait parmi eux des prophètes et des docteurs, des gens qui leur révélaient les choses secrètes et les renseignaient sur tout ce qu'ils leur demandaient. Quand le péché se fut multiplié chez eux, lorsqu'ils adorèrent les idoles, se prosternèrent devant les démons, leur sacrifièrent leurs fils et leurs filles, Dieu, qu'il soit exalté et glorifié, leur enleva la royauté, leur relira le don de prophétie et cessa de leur envoyer des apôtres. Alors ils commencèrent à s'adresser aux magiciens et aux sorcières, leur demandant de leur montrer ce que les prophètes avaient montré à leurs prédécesseurs, et ils ne purent le faire. A cette époque, Titus (T'it'os) les fit prisonniers, les amena dans la grande ville de Rome et les dispersa dans tout le pays des Francs (El Afrendjah). Leur exode eut lieu en l'an 620 de l'ère d'Alexandre (El Iskender) au mois appelé août (oughocht’os).

Cent philosophes eurent le même songe dans la même nuit. Le bruit du rêve arriva jusqu'à Alexandre, roi de Rome. Il envoya chercher la femme sage, Sibylle, fille d'Hercule, chef des philosophes d'Ephèse ; elle instruisait les enfants et les jeunes gens, leur enseignait ce qui existe dans le monde d'âge en âge. Cette femme avait reçu de Dieu le don de prophétiser aux hommes, d'après ce qui se passait dans les cieux, y compris le soleil, la lune et les étoiles, tant sa science était grande. Elle était âgée de 180 ans. Dieu prolongea sa vie jusqu'à ce qu'elle atteignît l'âge de 292 ans et quatre mois. Elle avait une sœur appelée Chamâl à qui elle découvrit tout ce qu'elle connaissait et tout ce qui lui apparaissait. Sa sagesse était tellement évidente pour la foule qu'elle sembla, par l'étendue de sa science, supérieure au livre des maîtres et des philosophes, que ne surpasse en mérite aucun prophète. Tout songe, toute parole qu'on rapportait, elle les commentait à cette époque. En l'an 63 de l'ère de Maqdoun César (Maqdoun Qaïs'ar), roi de Rome, cent sages eurent un même songe, dans la même nuit et à la même heure. Le lendemain matin, chacun se mita raconter à son compagnon ce qu'il avait vu. Ils en ressentirent un grand étonnement et s'affligèrent beaucoup de ce qu'il n'y avait personne pour leur expliquer ce rêve. Ils se dirent l'un à l'autre : C'est une chose qui nous a été montrée et découverte par Dieu, qu'il soit exalté et glorifié. Ils disaient aussi: Si nous savions ce que c'est, son explication, à quoi il tend! — Ils restèrent préoccupés de ce songe. Alors les sages de Rome envoyèrent auprès de cette Sibylle pour l'interroger et lui demandèrent de venir les trouver pour leur expliquer leur rêve. Elle partit avec les envoyés et quand le bruit de son arrivée fut parvenu aux gens de la ville, ils sortirent grands et petits à leur rencontre et l'introduisirent avec de grands honneurs.

Puis les cent sages se réunirent près d'elle, l'informèrent de ce qui leur était arrivé et lui racontèrent leur songe. Sibylle la prophétesse leur dit : Retirez-vous en paix et demain, réunissez-vous au Cirque, vous parlerez devant le peuple. Ensuite nous invoquerons Dieu très haut, celui qui est le seul Dieu, pour qu'il nous fasse connaître le sens de ce rêve. Le lendemain, ils se réunirent au Cirque ; elle commença par les bénir et leur dit : Venez, habitants de Rome, pour que je vous fasse connaître les choses extraordinaires et la foule d'événements qui arriveront dans le monde. Elle continua : Quel songe avez-vous vu?

Ils lui répondirent : Nous avons vu neuf soleils. Le premier que nous avons aperçu au ciel était d'une lueur éclatante, rayonnant, avec un grand éclat qui remplissait le monde entier d'une lumière brillante. Le second soleil avait une lumière pareille à celle du premier, mais il était un peu plus petit. Dans le troisième, il y avait des brouillards. On voyait au milieu du quatrième des nuages et un couteau. Le cinquième avait une lune qui ne brillait que faiblement. Le sixième était rempli de sang et de couteaux avec des rayons pareils à des scorpions ; au milieu, quelque chose ressemblait à des flèches; il y avait beaucoup de rayons et une grande lumière. Le septième brillait et s'éteignait ; on y voyait comme du sang, et, tout autour, beaucoup de scorpions et de serpents au venin foudroyant. Le huitième avait peu de lumière ; il contenait de nombreux scorpions et du sang en abondance; au milieu il y avait des couteaux et tout autour des flèches. Le neuvième avait autour de lui du sang en abondance; sa lumière était faible ; on y voyait des flèches.

Sibylle la prophétesse leur dit: Les neuf soleils que vous avez vus sur le monde entier représentent neuf âges d'homme qui arriveront. Dieu très glorieux, dont la mention habite les cieux élevés, qui voit et qui est invisible, vous a montré ce que ce sera chacun de ces âges; c'est lui qui vous a découvert ce que chaque âge renfermerait pour celui qui y vivrait.

D'abord, dans le premier qui apparaîtra au monde, les hommes seront humbles, respectables, zélés pour le bien ; ils s'aimeront les uns les autres ; il n'y aura chez eux ni agitation, ni erreur, ni querelle ; ils aimeront à construire et à bâtir et à creuser des tombes ; ils prépareront leurs tombeaux, seront certains de la mort, aimeront à suivre les convois funèbres.

Dans le second âge, les hommes seront compatissants comme eux et ressembleront [à ceux de l'âge précédent] : ils se feront les uns aux autres des aumônes abondantes, mais ils seront un peu inférieurs à leurs prédécesseurs.

Au troisième, apparaîtront la haine, l'orgueil et la vanité ; on aimera ce que Dieu n'aime pas ; mais il y aura encore parmi les hommes quelque bonne foi ; le péché se multipliera parmi eux.

Dans le quatrième âge, il y aura des gens vils qui aimeront la honte et le sang versé.

Ceux du cinquième âge aimeront à commettre des meurtres et à répandre le sang de leurs propres mains. Le mal se multipliera par eux et chez eux.

Au sixième apparaîtra une lumière émanant du Dieu très haut, auguste, qui réside au haut des cieux ; elle habitera le sein d'une vierge qui sera enceinte d'elle, cette vierge la mettra au-monde dans une ville de Juda (Yahoudâ); et, dans l'intérieur du ciel et de la terre, il y aura, une grande joie en l'honneur de ce nouveau-né. Les Mages viendront de l'Orient et lui apporteront des présents. Une troupe de Juifs s'élèvera contre lui, le crucifiera, le tuera, enfoncera, des clous dans ses mains et ses pieds et le couvrira d'affronts. Trois jours après avoir été enseveli, il sortira du tombeau, comme il était sorti du sein de la vierge quand elle l'avait enfanté ; elle était restée vierge et intacte. De même, il sortira du tombeau et les cachets resteront intacts et identiques. Il s'agitera dans un corps, comme a dit Daniel (Dânyâl) le prophète des nations, en s'exprimant ainsi : Ceux qui ne l'ont pas vu ont cru en lui et ceux vers lesquels il est venu ne l'ont pas accueilli, mais lui ont fait de l'opposition. Quant à ceux qui lui auront obéi, qui l'auront accueilli et auront cru en lui[73] il leur donnera ce que l'oreille n'a jamais entendu, ce que le cœur humain n'a jamais imaginé;[74] ils seront appelés ses fils et ses frères.

Dans le septième âge, un roi se lèvera de Byzance (Bizant'yah) et une femme de Constantinople (Qost'ant'inyah) ; je veux dire Vespasien (Asbâsyânous), roi de Rome, et Hélène (Hilânah), mère de Constantin (Qost'ant'in). Ils iront vers la ville de Jérusalem (Ourichalim) et feront périr beaucoup de gens à cause de celui qui a été suspendu au bois [de la croix]. Une foule considérable de ceux qui adorent les démons et les divinités étrangères reviendra à lui. Après cela, il s'élèvera à cette époque un roi infidèle qui fera périr les nobles martyrs : je parle de Dioclétien (Diqlâdyânous) ; ensuite, celui qui a été suspendu au bois [de la croix] le châtier par le feu et par l'épée ; beaucoup de gens se retireront de devant la face de ce roi ; il détruira de nombreuses églises. Puis celui qui a été suspendu à la croix, une foule considérable l'adorera et croira en son nom. Après cela, il sortira un homme de Théman (Taïman,) qu'on appellera Mâmâdious (Mohammed)... nombre d'années 48 et 44....[75] Il régnera un certain nombre d'années déterminées. Après lui viendra un autre comme lui

Dans le huitième âge, il y aura des calamités et des terreurs violentes, suivies d'un autre tremblement de terre et d'une grande mortalité dans le pays des Jébuséens (El Yabousiyin). Les rivages s'écrouleront ; les villes seront ruinées : les remparts et les murailles seront abattus. De grandes cités et une île dans la mer seront pillées, leurs populations emmenées captives. Il y aura dans Byzance une crainte et une terreur considérables; les routes entre les Francs et Rome seront coupées. En ce temps-là les Romains feront une embuscade et tueront d'abord une foule considérable ; alors la Syrie (Souryâ) sera ravagée ainsi qu'une grande ville en Orient. Il s'élèvera sur elle un roi qui régnera vingt-trois ans accomplis ; la vingt-quatrième, il ne la finira pas. Il lui viendra des présents des îles de la mer, de la France, et à cette époque, aucun de ces maux n'existera en France. En ce temps-là et en ces jours, la Syrie sera prospère, mais à sa mort, elle sera ruinée. Il aura pour successeurs deux fils : le nom de l'un sera comme le nom de celui qui est venu de Théman ; alors les rivages seront ravagés ainsi que les églises ; les gens marcheront dans le mensonge et la violence. A cette époque, l'esclave sera assis et le maître travaillera ; la servante sera assise et la maîtresse la servira. Les esclaves serviront les chefs : ceux qui ne connaissent ni leur père ni leur mère seront dans ce monde les gouverneurs et les officiers. En ce temps-là le péché, la fornication et l'impiété se multiplieront ; les transactions seront abolies; la justice sera enlevée, la violence et le mensonge apparaîtront ; les prêtres seront adultères et marcheront dans la voie du péché ; ils aimeront la nourriture et la boisson et détesteront de marcher dans les convois funèbres et de s'acquitter des prières ; ils seront orgueilleux vis-à-vis des gens à cause de la parole qui leur a été donnée. Ils seront jugés à cause de leurs actions. Ecoutez leurs paroles et n'agissez pas comme eux. La foi et la compassion les ont quittés. Après cela, les églises seront détruites, les gens périront; la parole de Daniel sera accomplie : Le désert sera privé des justes qui l'habitent ; il n'y aura personne dans les montagnes qui ne fuie ; quiconque habitera les villes sera dans un grand effroi. Tout cela arrivera dans le huitième âge : les pères diront à leurs fils : Vous n'êtes pas nos fils, les enfants renieront leurs pères ; les esclaves s'élèveront contre leurs maîtres, les tueront et vivront dans le libertinage avec leurs femmes ; ils s'empareront de la ville qui est en Orient et où auront lieu pendant trois jours et trois nuits des massacres par le sabre, si bien qu'il ne restera qu'un petit nombre de ses habitants. Alors Jérusalem sera ruinée ; et il ne restera personne là où naquit celui qui a été suspendu sur la croix. Tout cela arrivera dans le huitième âge. En ce temps-là les prêtres, les chefs des prêtres, les ecclésiastiques, les moines, les veuves, les orphelins et les vierges multiplieront les invocations, les prières et les humiliations devant Dieu, dont le nom soit glorifié. Mais à cause de la multitude de leurs péchés, Dieu détournera d'eux sa face ; il n'écoutera pas leurs prières. Le malheur et le chagrin seront sur cet âge qui sera pire que les précédents et les suivants. En ce temps-là, des gens viendront de l'Orient et d'autres de l'Occident; ils se rencontreront en route et se demanderont mutuellement : Où allez-vous? — Les uns diront : Nous allons en Occident. — Les autres répondront : N'allez pas à l'Ouest, car il y a là de grands malheurs et des calamités. — Puis les seconds demanderont : Et vous, où allez-vous? Les premiers répondront : En Orient. — Alors les autres leur diront : N'y allez pas, car il y a là un malheur considérable et de terribles catastrophes. Tout ce qui est entre les deux fleuves sera ruiné ; la plus grande partie de l'Egypte sera incendiée. Il y aura sur eux une grande affliction, beaucoup de vaisseaux seront brisés ; le sang coulera dans le Nil; les navires partiront pour ne plus revenir ; il y aura un grand deuil et de terribles calamités, tellement que le vivant passant près du mort dira : Que tu es heureux d'être mort avant ces jours !

Dans le neuvième âge, le lionceau sortira de l'Orient et rebâtira ce qui aura été détruit dans le pays des Grecs ; tous les pays prospéreront; le monde jouira, à son époque, de l'abondance, de la sécurité, de la sûreté et de la bénédiction, si bien que le vivant passant près du mort lui dira : Tu es mort et tu n'as vu que des malheurs et des tristesses. Lève-toi, maintenant, et vois la différence entre cette détresse et cette abondance, ces ressources, ces délices, cette sûreté et cette sécurité dont nous jouissons maintenant. La durée de son règne sera de 40 ans, années de sécurité et de bénédiction à tel point que si à cette époque on veut faire l'aumône, on ne trouvera personne pour la recevoir, à cause de l'abondance des biens et de la quantité des récoltes de la terre ; tous les arbres donneront des fruits; la mer prodiguera ses poissons; la terre sera purifiée du péché ; la dévotion continuera dans le désert ; toutes les villes et les cités seront rebâties ; le monde sera rempli de gens bénissant l'apparition des biens purs, s'acquittant du jeûne, de la prière et de l'aumône ; toutes les églises et les maisons seront prospères ; les anges de lumière prendront sur la terre les vêtements de ce monde, marcheront parmi les gens et loueront Dieu très haut. Mais ces jours s'envoleront avec rapidité. A la fin des 40 années du neuvième âge sera enceinte dans le péché[76]...; elle sera de la tribu de Dan, à H'arrân. Elle enfantera un fils qu'elle élèvera jusqu'à ce qu'il atteigne l'âge de 30 ans. Alors il apparaîtra parmi les gens. Sa première apparition aura lieu dans la montagne qu'on appelle Galilée (El Djalil) ; voici son portrait : Un homme à la tête grande, au cou mince, à la chevelure abondante, aux bras longs, aux doigts courts, aux yeux brillants comme s'ils contenaient la lumière du soleil; il aura un point dans l'œil gauche. Il viendra à Jérusalem, plantera ses tentes devant Sion (Sahyoun) et prétendra être Dieu. Beaucoup de gens le suivront à cause de la multitude de ses miracles, car il leur fera voir de nombreux prodiges dans le soleil, dans la lune, dans les étoiles, excepté dans les morts ; en effet, il n'aura pas le pouvoir de les ressusciter. Alors l'injustice et la violence se multiplieront parmi les gens. Une veuve viendra vers lui et lui dira : Fais-moi justice démon adversaire ; mais il ne voudra pas, de façon à ce que s'accomplisse la parole de celui qui a été suspendu sur la croix, en parlant d'un juge d'une ville qui ne craignait pas Dieu et n'avait pas honte des gens : Il jugera en faveur des veuves pour qu'elles n'insistent pas près de lui constamment, qu'elles ne le suivent et le contraignent pas. En ces jours, la prospérité, la royauté, la prêtrise, le bien, la miséricorde seront abolis : Gog (Djoudj) et Magog (Mâdjoudj) sortiront et s'empareront de toute la terre; ils viendront de l'Orient. En ce temps-là, apparaîtra cet homme. A la fin de sa durée, deux hommes sortiront contre lui d'un endroit que personne ne connaît, sinon Dieu ; ils lui diront : Tu n'es pas Dieu, mais tu es un imposteur, tu trompes quiconque vient à toi. Il s'irritera contre eux, les saisira et les égorgera sur l'autel de Sion. Alors s'accomplira sur eux la parole de David : Ils feront monter un veau sur ton autel. A ce moment, celui qui a été suspendu au bois (de la croix) s'irritera ; il descendra, fera fondre l'imposteur comme de la cire devant le feu et il exterminera tous ceux qui sont avec lui. Il renouvellera la face de la terre ; le feu descendra du ciel et la consumera ainsi que tout ce qui est sur elle ; il s'enfoncera jusqu'au-dessous de quarante coudées. Le ciel se plissera comme une feuille de papier, le soleil et la lune disparaîtront, les étoiles tomberont. Alors arriveront l'heure terrible, inévitable et le grave châtiment. Quiconque aura agi justement en ce monde se réjouira : ceux qui auront fait le mal seront éternellement en proie au chagrin et à la douleur. A cette heure, quiconque aura cru à Notre-Seigneur le Messie sera sauvé, lorsque Dieu s'assoira sur son trône de gloire et rétribuera chacun suivant ses œuvres. Les croyants iront avec lui dans la vie de délices éternelles et ceux qui auront été infidèles à son nom seront précipités dans le châtiment sans fin.

Louange éternelle à Dieu, et sur nous sa bénédiction dans l'éternité des éternités. Amen.[77]

 

II

VERSION ARABE2

(Manuscrit de la Bibliothèque Nationale, fds. arabe, n. 281.)

 

Nous écrivons aussi la prophétie de Sibylle, fille du sage Harqal le roi, quand elle expliqua la vision qu'eurent cent hommes en une nuit, dans l'intérieur de la ville de Rome.

Après que la nation [des Israélites] fut sortie d'Egypte (Mas'r) et qu'elle eut voyagé dans le désert, au temps de Moïse (Mousa), ils entrèrent dans la terre du roi des Grecs, des Jébuséens (Yâbousiyin), et des Hébreux (Abirânyin) ; il y avait parmi eux des prophètes et des docteurs. Ils adorèrent les idoles, se prosternèrent devant les démons ; la royauté et les prophètes leur manquèrent. Alors ils allèrent trouver ceux qu'ils croyaient des sages, dirent aux devins de leur montrer ce que leur montraient les prophètes dans leurs prophéties, mais la force leur fut enlevée par Dieu très haut. Lorsque Titus, roi des Romains, les emmena en captivité, il arriva à la ville de Rome la grande et les dispersa dans le pays des Francs.

Là-dessus, cent hommes eurent un songe la même nuit, au mois d'août de l'ère d'Alexandre : c'étaient des juges et des rois. Le lendemain, chacun raconta à son compagnon ce qu'il avait vu. Leur songe à tous était le même; ils s'en affligèrent beaucoup parce qu'il n'y avait personne dans leur pays pour leur expliquer ce rêve. Ils se dirent les uns aux autres : C'est une chose qui nous a apparu de la part de Dieu et qu'il nous a découverte pour nous apprendre ce qui arrivera jusqu'à la fin des temps, afin que nous en informions la ville de Rome et ses grands. Ils rapportèrent cela à César, roi de Rome. Quand il les entendit et demanda qui pourrait expliquer ce rêve, il ne trouva personne, ce qui l'affligea beaucoup.

Il entendit parler d'une femme sage nommée Sibylle, fille d'Hercule, un des grands de Rome (sic) ; il envoya dans la ville d'Ephèse pour informer ses philosophes de ce songe. Quand ses messagers vinrent la trouver, avec la lettre royale, elle partit avec eux. En apprenant cette nouvelle, le roi réunit tous les habitants de Rome et les informa de l'arrivée de Sibylle ; ils sortirent, grands et petits, à sa rencontre, ressentirent une vive joie et la firent entrer dans la ville avec du respect et de grands honneurs. Quand elle fut arrivée et qu'elle eut salué le roi, il ordonna de la recevoir et de l'honorer. Elle se mit à raconter aux gens ce qui se passait au monde, époque par époque ; elle connaissait ce qu'il y a dans les cieux, la marche du soleil et de la lune et leur donnait des noms.

Tous les gens de l'Occident et les chefs du pays allèrent la trouver. Elle était âgée de 180 ans et avait une sœur appelée Chamalou. Elle faisait aux gens des révélations selon leurs demandes, car sa science lui avait été révélée par le Livre des Maîtres qui l'emporte sur tous en mérite. Dieu prolongea sa vie jusqu'à ce qu'elle atteignit l'âge de 294 ans.

Quand les cent hommes leur eurent appris leur songe, elle leur dit : Habitants de Rome, réunissez-vous au Cirque et à l'Hippodrome. Vous parlerez tous devant le peuple, et nous invoquerons tous le Maître puissant, le Dieu suprême, pour qu'il nous fasse connaître le sens de ce rêve. Quand ils furent partis, comme elle le leur avait ordonné, elle se mit à dire : Venez, gens de Rome, pour que je vous fasse connaître le prodige et que je vous explique ce songe. Ils lui répondirent : Quant au rêve que nous avons eu, nous allons t'en instruire.

Il y avait neuf soleils : le premier était d'une lueur éclatante, plein de rayons ; son éclat remplissait le monde entier d'une lumière brillante. Le second ressemblait au premier, mais il était un peu plus faible. Dans le troisième étaient des brouillards et des ténèbres ; dans le quatrième, il y avait un nuage pareil à du sang; dans le cinquième, une lumière qui ne brillait que faiblement; le sixième était mêlé de cendres et de couteaux aigus; ses rayons étaient remplis de scorpions. Le septième brillait par instants, puis s'éteignait ; il avait une rougeur pareille à du sang et, tout autour, de nombreux scorpions avec peu de lumière. Le huitième était entouré de scorpions, couvert de nuages et était agité. Le neuvième lui ressemblait. Sibylle dit aux gens de Rome : Ces neuf soleils que vous avez vus sur le monde représentent neuf âges à venir. Dieu vous a montré ce qui arriverait dans chacun : celui qui voit et qui n'est pas vu vous a découvert l'avenir.

Dans le premier âge, les hommes seront humbles, zélés mutuellement pour le bien ; ils n'y aura chez eux ni perte, ni ruine; ils aimeront à construire et à bâtir, à creuser des tombes ; en tout temps, ils penseront à la mort.

Le second âge ressemblera au premier; les hommes aimeront à faire l'aumône.

Au troisième âge apparaîtront la colère et la perfidie; ces hommes feront le contraire de la volonté de Dieu; le péché se multipliera parmi eux.

Au quatrième âge, ils seront vils, aimant la honte ; ils verseront le sang et se complairont dans les mauvaises actions.

Dans le cinquième, les hommes aimeront le meurtre ; le monde sera ruiné de leur temps.

Dans le sixième, une lumière descendra du haut des cieux dans le sein d'une vierge pure ; cette Vierge deviendra enceinte et la mettra au monde à Bethléem ; elle sera enfantée dans une grotte ; les cieux et la terre se réjouiront de cette naissance; les Mages viendront de l'Orient vers le nouveau-né lui apportant des présents. Contre lui se lèvera une troupe de Juifs qui le crucifieront et enfonceront des clous dans ses mains et ses pieds. Il mourra, sera enterré, et le troisième jour, il ressuscitera comme il sera sorti du sein de la Vierge qui sera restée telle ; de même quand il sortira du tombeau, celui-ci conservera les sceaux (intacts), comme a dit David le prophète : Ceux qui ne l'auront pas reçu[78] ..., mais ceux qui lui auront obéi et qui auront cru en lui, Dieu leur donnera ce que l'œil n'a jamais vu, ce que l'oreille n'a jamais entendu, ce que le cœur humain n'a jamais imaginé;[79] c'est ce que Dieu donnera à ses amis et à ses fidèles; il les appellera ses fils et ses frères.

Dans le septième âge, un roi se lèvera de Byzance et une femme de Constantinople ; ils viendront à Jérusalem et feront croire beaucoup de gens en celui qui a été mis en croix. Beaucoup adoraient les démons ; ils reviendront à lui. Je vous le dis: Après cela se lèvera un autre qui tuera et détruira les églises de Dieu ; ceux qui croient au Messie, il les fera périr par l'épée ou les brûlera dans le feu. Ensuite apparaîtra un roi pire que celui-là ; il tuera-les chrétiens et les chassera de leurs églises.

Dans le huitième âge, il y aura des terreurs et de violentes calamités. Au commencement de son règne, la terre, les villes et les palais seront ébranlés ; les murs des grandes cités tomberont et seront ruinés. Ensuite, il y aura un tremblement de terre. La mort s'abattra sur le pays des Grecs. Un effroi et une violente crainte domineront dans la terre de Byzance, tellement que la route sera coupée entre le pays des Francs et celui de Rome. A cette époque, les murailles de la ville, du côté de l'Orient, seront ruinées. Sur elle dominera un roi dont le règne sera accompli en 27 ans ; on ne connaîtra pas le mal. Il laissera deux fils; le nom de l'un sera comme celui de l'homme venu de Théman.[80] Après cela, les rois viendront vers les gens du royaume ; les rivages ainsi que les églises seront ravagés ; tous marcheront dans le mensonge et la violence. A cette époque, les fils s'élèveront contre leurs pères ; les fils et les esclaves seront assis ; les hommes libres seront debout et travailleront; de même, les esclaves qui ne connaissent ni leurs pères ni leurs mères seront sultans. En ce temps-là le péché se multipliera ; les prêtres aimeront la nourriture et la boisson, détesteront marcher derrière les convois funèbres et s'acquitter des prières, multiplieront les paroles contre les gens.[81] Ecoutez leurs paroles et n'agissez pas comme eux, car la miséricorde et la foi les auront quittés. Après cela, les églises seront détruites et les gens périront ; quand vous verrez la nation chez laquelle tout cela arrivera soyez certain que ce que Dieu a dit au prophète sera confirmé. Les déserts seront vides des hommes vertueux qui les habitent ; il y n'aura, dans les solitudes et les montagnes, personne qui ne soit effrayé. Ceux qui demeurent dans l'intérieur des villes seront dans une grande détresse. A cette époque, des gens viendront de l'Orient, et d'autres de l'Occident ; ils se rencontreront en route et se demanderont les uns aux autres : D'où es-tu?[82]

Après cela, les villes seront prospères, et, au bout de 40 ans, une femme de la tribu de Dan deviendra enceinte, et cela dans le neuvième âge. Les anges descendront, pareils à des hommes, et marcheront parmi eux. A cette époque sortira le peuple des Madjoudj qui anéantiront toute la terre. En ces jours cette femme enfantera dans la montagne qu'on appelle le Mont des Monts ; son fils prétendra être Dieu ; beaucoup de gens viendront le rejoindre pour voir ses miracles, et il leur fera voir des prodiges dans le soleil, la lune et les étoiles, excepté dans les morts, car il n'aura pas le pouvoir de les ressusciter. Alors les meurtres se multiplieront parmi les hommes Une femme veuve viendra le trouver et lui dira : Fais-moi justice de mon adversaire; mais il lui répondra : Reste là. Alors sera accomplie la parole du crucifié au sujet d'un juge qui sera dans une ville, ne craindra pas Dieu et n'aura pas honte devant les-gens : « Cette femme a imploré son assistance ; il a jugé en sa faveur, alors qu'elle insistait ». A cette époque, les prêtres, les docteurs et les rois seront anéantis. Voici quel sera le portrait de cet homme : le cou mince, les bras longs, les doigts courts ; dans ses yeux, une lumière comme celle du soleil, un signe dans l'œil droit. Il viendra devant Jérusalem ; il établira son camp devant Sion. Alors deux hommes venus d'un endroit inconnu de tous, excepté Dieu — que son nom soit exalté — iront le trouver et lui diront : Tu n'es pas Dieu, mais un faux prophète. Quand il entendra leurs paroles, il sera furieux, il les saisira et les immolera sur l'autel des sacrifices de Sion. La parole de David le prophète s'accomplira: Ils feront monter un veau sur ton autel. A ce moment, à cause de cette idolâtrie, celui qui a été suspendu à la croix s'irritera ; il descendra vers lui et le fera périr ainsi que tous ses sectateurs : un feu descendra du ciel et dévorera toute la terre jusqu’à une profondeur de 40 coudées : le ciel se pliera comme du papier. Alors arrivera l'heure inévitable : ce sera l'achèvement, la fin du monde. Le Dieu juste apparaîtra ; il fera placer ce jour-là les croyants à sa droite, et les méchants, il les mettra à sa gauche. Nous demandons à Notre-Seigneur et à notre Dieu Jésus le Messie de nous placer parmi ceux qui ont travaillé à le satisfaire et ont exécuté ses ordres par l'intervention de Notre-Dame, la mère de lumière, de Monseigneur Pierre (Mâr Bat'ros), l'apôtre saint et puissant, de Monseigneur Georges (Mâr Djirdjis) et de tous les saints.

Gloire et louange à Dieu éternellement, que sa miséricorde soit sur nous. Amen ! Que Dieu pardonne à celui qui a écrit et lu [ce livre] !

III

SIBYLLE DE TIBUR

(Sackur, Sibyllinische Texte und Forschungen, p. 177-187).[83]

On appelle du nom général de Sibylle toutes les femmes qui prophétisent et qui, par la volonté divine, interprètent et annoncent l’avenir aux hommes. Des auteurs très savants nous apprennent qu'il y eut dix Sibylles: la première de Perse ; la seconde, Libyque ; la troisième, de Delphes, qui rendit des oracles avant la guerre de Troie ; la quatrième, Cymera, en Italie ; la cinquième, Herithrea, en Babylonie ; on l'appelle Herithrea du nom de l'île où ses vers furent prononcés ; la sixième, Samium, ainsi nommée de l'île de Samos ; la septième, Amalteia ou Cimera; la huitième, Hellespontium ; la neuvième, Phrygienne ; la dixième, appelée Tiburtina en grec, Abulnea en latin, et dont les vers contiennent beaucoup de choses sur Dieu et le Christ.

Cette Sibylle, fille du roi Priam, naquit d'une mère appelée Hécube, elle fut appelée en grec Tiburtina, en latin Abulnea. En parcourant les diverses parties du globe, elle prêcha en Asie, Macédoine, Erostochie, Agaguldée, Cilicie, Pamphilie, Galatie. Quand elle eut rempli cette partie du monde de ses prédictions elle alla de là en Egypte, Ethiopie, Bagada, Babylonie, Libye, Afrique Pentapole, Mauritanie et Palarinum. Elle prêcha dans toutes ces provinces et, remplie du souffle prophétique, elle prophétisa les biens aux bons, les maux aux méchants. Nous savons, en effet, qu'elle annonça la vérité, et que tout ce qui devait arriver dans les derniers temps fut prédit par elle.

Les principaux de Rome, ayant appris sa renommée, l'annoncèrent aussitôt en présence de l'empereur troyen.[84] Celui-ci lui envoya des députés et la fit conduire avec de grands honneurs à Rome.

Cent personnes du sénat romain eurent en une nuit un seul songe. Ils voyaient dans le ciel comme s'il y avait neuf soleils différents, ayant chacun un aspect divers. Le premier était éclatant et brillait sur toute la terre ; le second était grand, plus brillant, et avait une clarté éthérée ; le troisième soleil était couleur de sang, enflammé, effrayant et assez brillant; le quatrième était rouge de sang et quatre autres rayonnaient de lui à midi ; le cinquième était obscur, ensanglanté et brillant comme dans une foudre sombre ; le sixième était très sombre avec un aiguillon et, au milieu, un glaive terrible ; le huitième était diffus, coloré de sang sur le milieu ; le neuvième était très obscur, n'ayant qu'un rayon de brillant.

Lorsque la Sibylle fut entrée dans Rome, les citoyens qui la virent admirèrent son extrême beauté. Elle avait un visage gracieux, un bel aspect, ses paroles étaient éloquentes et suffisamment remplies de beautés de toute sorte ; son langage était doux pour ses auditeurs. Les hommes qui avaient eu un songe vinrent lui dire : Dame et maîtresse, comme ton corps est très beau, tel que nous n'avons jamais vu le pareil chez aucune femme, nous te prions de découvrir ce qu'annonce pour l'avenir le songe que nous avons tous eu la même nuit. La Sibylle leur répondit : Il n'est pas convenable de révéler le secret de ce rêve dans un endroit rempli d'ordures et contaminé par toute espèce de souillures.[85] Venez, montons sur le mont Aventin ; là je vous annoncerai ce qui arrivera aux citoyens romains. Ils firent ce qu'elle avait dit. Quand elle les interrogea sur leur vision, ils la lui racontèrent. Alors elle reprit :

Les neuf soleils que vous avez vus désignent toutes les générations futures : ce qui est dissemblable en eux se retrouvera de même dans la vie des hommes.

Le premier soleil est la première génération. Les hommes seront simples, sans fraude, amis de la liberté, véridiques, doux, bons, portés à consoler les pauvres et assez sages.

Le second soleil est la seconde génération ; les hommes vivront magnifiquement, se multiplieront beaucoup, adoreront Dieu et vivront sans méchanceté sur la terre.

Le troisième soleil représente la troisième génération, la nation se lèvera contre la nation et il y aura beaucoup de combats dans Rome.

Le quatrième soleil est la quatrième génération: les hommes repousseront la vérité. En ce temps-là sortira de la race des Hébreux une femme appelée Marie, ayant un époux du nom de Joseph. D'elle, sans commerce avec un homme, naîtra, par le Saint-Esprit, le Fils de Dieu, du nom de Jésus : elle restera vierge après comme avant l'enfantement. Celui qui naîtra d'elle sera vrai Dieu et vrai homme, comme tous les prophètes l'ont annoncé, et il remplira la loi des Hébreux. Il y ajoutera en même temps ses propres préceptes et son signe durera dans les siècles des siècles. A sa naissance, les armées des anges se tiendront à droite et à gauche en disant : Gloire à Dieu sur les hauteurs, et, sur terre, paix aux hommes de bonne volonté.[86] Sur lui viendra une voix disant : c'est mon Fils bien-aimé, écoutez-le.[87]

Il y avait là des prêtres des Hébreux qui, en entendant ces paroles, dirent à la Sibylle : Ce sont des mots terribles, que cette reine[88] se taise. La Sibylle leur répondit : Juifs, il faut que cela arrive, comme il est dit ; mais vous ne croirez pas en lui. — Nous ne croirons pas, dirent-ils, car Dieu a donné à nos pères sa parole et son alliance ; retirerait-il sa main de nous? — Elle reprit : Le Dieu du ciel, comme cela est écrit, engendrera pour lui un Fils qui sera semblable à son Père. Ensuite, comme l'enfant croîtra en âge, les rois et les princes de la terre se dresseront contre lui. En ces jours, César Auguste aura un nom célèbre et soumettra toute la terre. Puis les prêtres des Hébreux se réuniront contre Jésus parce qu'il aura fait beaucoup de miracles et le saisiront. Ils donneront, de leurs mains criminelles, des soufflets à Dieu et lanceront à son visage sacré des crachats empoisonnés. Il tendra avec simplicité son dos sacré à leurs coups et recevra leurs soufflets sans rien dire. Pour nourriture, ils lui donneront du fiel ; pour calmer sa soif, du vinaigre.[89] Ils le suspendront à un bois et le tueront, mais cela ne leur servira de rien, car le troisième jour, il ressuscitera et se montrera à ses disciples. A leurs yeux, il montera au ciel et son règne n'aura pas de fin.

Elle dit aux princes des Romains : Le cinquième soleil est la cinquième génération, Jésus se choisira deux pêcheurs de Galilée, leur enseignera une doctrine particulière et leur dira : Allez et enseignez à toutes les nations et en 72 langues la doctrine que vous avez reçue de moi.

Le sixième soleil est la sixième génération pendant laquelle on combattra contre cette cité pendant trois ans et six mois.[90]

Le septième soleil est la septième génération ; deux rois se lèveront et feront beaucoup de persécutions dans la terre des Hébreux à cause de Dieu.[91]

Le huitième soleil est la huitième génération : Rome sera abandonnée et les femmes enceintes crieront dans leur souffrance en disant : Penses-tu que nous devions enfanter?

Le neuvième soleil est la neuvième génération ; alors les princes des Romains se lèveront pour la perte de beaucoup de gens. A cette époque, deux rois viendront de Syrie; leurs armées seront innombrables comme les grains de sable de la mer; ils s'empareront des cités et des pays des Romains jusqu'à Chalcédoine et il y aura alors une grande effusion de sang. Au souvenir de tout cela, la cité et la nation tremblent en elles-mêmes, et l'Orient est ravagé (?) Après cela, deux rois sortiront d'Egypte, combattront quatre rois, les tueront avec toute leur armée et régneront trois ans et six mois.[92]

Ensuite, s'élèvera un autre roi du nom de C [Constantin], fort dans le combat ; il régnera 30 ans, bâtira un temple à Dieu, accomplira la loi et pratiquera la justice sur la terre à cause de Dieu. Après cela, s'élèvera un autre roi qui régnera pendant peu de temps ; on l’attaquera et on le tuera. Après lui il y aura un roi du nom de B ; de B viendra le roi Audon ; de Audon sortira A; de A viendra A ; de cet A naîtra A ; cet autre A sera très belliqueux et guerrier ; de lui naîtra un roi nommé R; de R viendra L qui aura un pouvoir sur 19 rois.[93] Après eux s'élèvera de France un roi salique nommé K [Charlemagne] ; il sera grand, très pieux, puissant, miséricordieux et rendra justice aux pauvres. La grâce de la vertu sera telle en lui que, lorsqu'il passera sur une route, les arbres inclineront leurs cimes devant lui.[94] L'eau n'arrêtera pas sa marche: dans l'empire romain, aucun ne lui aura ressemble avant lui, ni ne lut ressemblera après lui. Ensuite viendra un roi et ensuite régnera B. Après lui s'avanceront vingt-deux B; de B sortira A qui sera très belliqueux et fort dans le combat ; il poursuivra beaucoup par eau et par terre. Il ne sera pas livré aux mains des ennemis et mourra exilé hors de son royaume ; son âme sera dans la main de Dieu. Alors s'élèvera un autre roi du nom de V, d'un côté Salien, de l'autre Lombard; il aura sur terre le pouvoir contre les combattants et contre les ennemis. En ces jours s'avancera un roi du nom de O [Otton I] ; il sera très-puissant, fort et bon ; il rendra la justice aux pauvres et jugera équitablement. De lui sortira un autre O (Otton II) très puissant.[95] Sous lui, il y aura des combats entre les chrétiens et les païens. Le sang des Grecs sera répandu ; son cœur sera dans la main de Dieu ; il régnera sept ans. De cette femme naîtra un roi du nom de O (Otton III) ; il sera sanguinaire, criminel, sans foi ni vérité ; par lui il y aura beaucoup de mal, beaucoup de sang répandu. Sous sa domination, les églises seront détruites. Dans une autre région, il y aura de grands maux et des combats. Alors la nation se lèvera contre la nation. En Cappadoce et en Pamphilie;[96] on fera des captifs à cette époque, parce qu'il ne sera pas entré par l'ouverture dans l'étable des brebis (?) Ce roi régnera quatre ans. Après lui se lèvera un roi du nom de A (Arduin, marquis d'Ivrée) ; à son époque, il y aura beaucoup de combats entre les Sarrasins et les Grecs. Il y aura beaucoup de combats et de bataille entre les païens : ils envahiront la Syrie et conquerront la Pentapole.[97] Ce roi (Arduin) sera de la race des Lombards. Alors se lèvera un roi Salien du nom de E [Henri II le saint] qui combattra les Lombards ; il y aura des combats et des batailles, le roi salien sera fort et puissant; son règne durera peu. Alors apparaîtront les Sarrasins et les tyrans ; ils prendront Tarente et Barro (Bari?) pilleront beaucoup de villes. Quand ils voudront venir à Rome, il n'y aura rien qui puisse résister, sinon le Dieu des Dieux, le Seigneur des Seigneurs. Alors les Arméniens ruineront la Perse, tellement que les villes saccagées par eux ne seront pas rétablies. Les Perses accourront, placeront des fossés vers l'Orient, attaqueront les Romains et obtiendront la paix pour quelque temps.[98] Un roi guerrier des Grecs entrera à Hiéropolis et détruira les temples des idoles.[99] Les sauterelles et les bruchies viendront et détruiront tous les arbres et les fruits en Cappadoce et en Cilicie ; elles seront tourmentées par la faim, puis il n'y en aura plus. Un autre roi salien, homme courageux et guerrier, apparaîtra ; contre lui s'indigneront beaucoup de voisins et de parents.[100] En ces jours le frère livrera le frère ; le père, le fils à la mort ; le frère s'unira avec la sœur; il y aura de nombreux crimes commis par les hommes sur la terre ; les vieillards coucheront avec les vierges et les mauvais prêtres avec des jeunes filles trompées. Il y aura des évêques des sectes malfaisantes et le sang coulera sur la terre. Ils souilleront les temples des saints ; le peuple commettra des fornications immondes et le crime de Sodome, tellement que les gens auront honte de se voir. Les hommes seront rapaces, injurieux, ennemis de la justice ; ils aimeront la fausseté ; les juges romains seront changés. Si aujourd'hui ils sont admis à juger, un autre jour ils seront changés pour de l'argent, et ils ne jugeront pas justement mais faussement. En ces jours, les hommes seront rapaces, cupides, parjures; ils aimeront les dons de la fausseté : la loi et la vérité seront détruites; il y aura des tremblements de terre dans divers endroits; les cités des îles seront englouties;[101] il y aura des épizooties et la mortalité sévira ; la terre sera désolée par les ennemis et la vanité des dieux ne pourra les consoler. Après cela apparaîtra un roi du nom de B; sous lui auront lieu des guerres et il régnera deux ans. Ensuite s'élèvera un roi du nom de A ; il gardera quelque temps la royauté, viendra à Rome et la prendra : son âme ne sera pas humiliée dans la main de ses ennemis pendant les jours de sa vie ; il sera bon et grand, rendra justice aux pauvres et vivra longtemps. Après lui apparaîtra un autre roi du nom de B, de ce B viendront douze B ; il sera de race lombarde et régnera jusqu'à 100 ans. Ensuite s'élèvera un Salien de France du nom de B. Alors aura lieu le commencement des douleurs telles qu'il n'y en aura pas eu depuis le commencement du monde. En ces jours, il y aura de nombreux combats, des tribulations, du sang versé, des tremblements de terre dans les villes, les cités et les régions ; beaucoup de pays seront conquis. Il n'y aura personne pour résister aux ennemis, car alors le Seigneur sera irrité contre la terre.

Rome aura à souffrir de la persécution et du glaive; elle sera saisie dans la main du roi lui-même;[102] les hommes seront cupides, tyranniques, ennemis des pauvres, oppresseurs des innocents, protecteurs des coupables. Ils seront injustes, très méchants ; il n'y aura personne sur la terre qui leur résiste ou les expulse à cause de leur méchanceté et de leur cupidité.

Alors s'élèvera un roi des Grecs du nom de Constant; il sera à la fois roi des Romains et des Grecs. Il sera grand de stature, beau d'aspect, magnifique de visage et bien proportionné dans tous ses membres. Son règne durera 112 ans. De son temps, il y aura beaucoup de richesses ; la terre donnera ses fruits en abondance, tellement qu'un boisseau de froment se vendra un denier; une mesure de vin, un denier; une mesure d'huile, un denier. Le roi lui-même aura devant les yeux un écrit portant : Le roi des Romains revendiquera pour lui le royaume entier des chrétiens. Il dévastera toutes les villes et toutes les cités des païens; il détruira tous les temples des idoles ; il appellera tous les païens au baptême et la croix de Jésus-Christ sera dressée dans tous les temples. Alors l'Egypte devancera l'Ethiopie pour offrir des présents à Dieu.[103] Celui qui n'adorera pas la croix de Jésus-Christ sera puni par le glaive et quand les 120 ans seront accomplis, les Juifs seront convertis au Seigneur dont le sépulcre sera glorieux pour tous. En ces jours, Juda sera sauvé et Israël habitera en sécurité.

A cette époque sortira de la tribu de Dan le prince d'iniquité appelé Antichrist. Il sera le fil de la perdition, la tête de l'orgueil, le maître de l'erreur, la plénitude de méchanceté; il bouleversera le globe, fera des prodiges par des imitations mensongères. Il trompera beaucoup de gens par sa magie, tellement qu'il semblera faire descendre le feu du ciel. Les années deviendront courtes comme les mois, les mois comme une semaine, la semaine comme les jours, les jours comme les heures et les heures comme un point.[104] Alors sortiront du nord les nations diverses qu'Alexandre, roi indien, y avait enfermées, c'est-à-dire Gog et Magog. Il y a là 22 royaumes ; leur nombre est comme celui des grains de sable de la mer.[105] Quand le roi des Romains l'apprendra, il réunira son armée pour leur faire la guerre, les écrasera jusqu'à leur destruction complète et viendra à Jérusalem ; là, ôtant le diadème de sa tête et tout vêtement royal, il abandonnera le royaume des Chrétiens à Dieu le Père et à Jésus-Christ son fils. Lorsque l'empire romain cessera, alors l'Antichrist se révélera ouvertement et siégera dans la maison de Dieu à Jérusalem. Sous son règne sortiront deux hommes très illustres, Elie et Hénok, pour annoncer l'arrivée du Seigneur; l'Antichrist les tuera et trois jours après, ils seront ressuscités par le Seigneur. Alors il y aura une grande persécution, telle qu'il n'y en aura pas eu auparavant et qu'il n'y en aura pas dans la suite. Le Seigneur abrégera ces jours à cause de ses élus; par la vertu du Seigneur, l'archange Michel tuera l'Antichrist sur le mont des Oliviers.

Quand la Sibylle eut prédit ces événements futurs et beaucoup d'autres aux Romains, quand elle eut annoncé les signes sous lesquels le Seigneur viendrait juger, elle commença à prophétiser en ces termes.[106]

Ensuite le Seigneur jugera selon l'œuvre de chacun; les impies iront dans la géhenne du feu éternel ; les justes recevront la récompense de la vie éternelle. Il y aura un nouveau ciel et une nouvelle terre ; l'un et l'autre dureront perpétuellement; il n'y aura plus de mer. Le Seigneur régnera parmi les saints et les saints régneront avec lui dans les siècles des siècles, Amen.

IV

IBN EL OUARDI, LA PERLE DES MERVEILLES

(Kharidat el'Adjaïb). Le Caire, 1312 hég., in-8° p. 144.

Descente de Jésus (Isa) sur qui soit le salut. Les Musulmans ne sont pas en désaccord sur l'arrivée de Jésus, fils de Marie, à la fin des temps, car il est dit dans les paroles du Très-Haut : « Car il sera l'indice de l'approche de l'heure, n'en doutez pas ».[107] Cela désigne la descente de Jésus. Dans les traditions, on trouve que le Prophète a dit : Jésus descendra parmi vous ; il sera mon khalife sur vous ; quiconque le verra, devra lui adresser mon salut, car il tuera le porc, brisera la croix, fera le pèlerinage [de la Mekke] avec 70.000 personnes, parmi lesquelles les gens de la caverne (les sept Dormants), car ils feront le pèlerinage; il épousera une femme d'Azd ; la haine, l'inimitié et l'envie disparaîtront ; la terre reviendra à la splendeur et à la bénédiction comme au temps d'Adam, au point qu'on cessera d'arroser et que personne ne s'en occupera plus. Les moutons paîtront avec les loups, les enfants joueront avec les serpents sans que ceux-ci leur fassent du mal. Dieu enverra à cette époque la justice sur la terre, tellement qu'un rat ne rongera pas de sac, qu'on offrira des richesses à l'homme sans qu'il en accepte et qu'une grenade rassasiera tous les habitants d'une maison. On dit aussi : Quand Jésus descendra, il aura dans sa main un large fer de flèche avec lequel il tuera l'Antichrist (Ed Dedjdjâl). D'autres disent : Quand l'Antichrist le verra, il fondra comme du plomb. Les Musulmans extermineront ses partisans : le rocher et l'arbre diront : Il y a un Juif derrière moi, excepté le nerprun. Les uns prétendent que Jésus restera quarante ans; d'autres, trente-trois ans et qu'il fera la prière à la suite du Mahdi. Puis sortiront Gog et Magog (Yâdjoudj et Mâdfoudj).

De l'Antichrist. — Fâtimah, fille de Qaïs, fait le récit suivant:[108] Le Prophète sortit un jour vers midi et nous adressa la parole : Je ne vous ai pas réunis pour du plaisir ou de la crainte,[109] mais à cause d'un récit que m'a fait Témim ed Dâri, récit qui m'avait enlevé toute joie.[110] Des personnes de ma tribu, dit-il, s'embarquèrent sur mer; un vent violent les atteignit et les jeta dans une île. Là ils trouvèrent une bête, un animal et lui demandèrent : Qui es-tu? Je suis El Djassâssah.[111] — Donne-nous des renseignements. — Si vous en voulez, allez à ce couvent : il y a là un homme qui désire vous voir. — Nous y allâmes, racontent-ils, et nous le mîmes au courant. Il nous dit : Que fait le lac de (Tibériade T'abaryah). — Il verse de l'eau des deux côtés. — Que font les palmiers d’Amman et de Bisân? —Les gens cueillent leurs fruits. —Que fait la source de Zoghar?[112] — Les gens y boivent. — Quand elle sera desséchée, je serai délivré de mes liens et je foulerai aux pieds toute aiguade, excepté la Mekke et Médine.

On raconte que le Prophète dit dans un sermon : Il n'y aura pas, depuis Adam jusqu'au jour de la résurrection, un trouble plus grand que celui causé par l'Antichrist. Il dit aussi : Il n'y a pas de prophète qui n'ait mis son peuple en garde contre le trouble de l'Antichrist et ne l'ait décrit. Il m'a été révélé des choses qui ne l'ont été à personne, c'est-à-dire qu'il sera borgne de telle et telle façon. S'il apparaît quand je serai parmi vous, je vous protégerai, et s'il n'apparaît qu'après moi, Dieu me remplacera près de vous. Il ne doit pas y avoir de doute pour vous : sachez que votre Seigneur n'est pas borgne.

Les Juifs appellent l'Antichrist Maouât'ih'-Kaouâil et prétendent qu'il sera de la race de David, qu'il régnera sur la terre, la rendra aux Juifs et que tous les gens embrasseront le judaïsme.

Histoire de Jésus (suite). Au sujet de cette phrase du Très-Haut : Il n'y aura personne parmi les gens du livre qui ne croie en lui avant sa mort,[113] quelques commentateurs disent que cela arrivera à l'apparition de Jésus. Dieu — qu'il soit exalté et glorifié, — a dit aussi : Ils ne l'ont pas tué et ne l'ont pas crucifié, mais on lui a substitué quelqu'un qui lui ressemblait.[114] Il a dit aussi : Dieu l'a élevé à lui.[115] Les interprètes ne sont pas d'accord là-dessus, mais les plus nombreux et les plus dignes de confiance prétendent que c'est Jésus en personne qui descendra en ce monde. Une fraction prétend que la descente de Jésus désigne l'apparition d'un homme qui lui ressemble en mérite et en noblesse, comme on dit d'un homme de bien : C'est un ange; et d'un méchant : C'est un démon ; par comparaison, sans vouloir désigner par là les êtres eux-mêmes. D'autres prétendent que son âme descendra dans un homme appelé Jésus.

Lever du soleil à l'Occident. A propos de cette parole du Très-Haut : « Le jour où un des signes de ton Seigneur viendra vers eux, la foi ne servira plus à l'âme qui n'aura pas cru auparavant, ou qui, avec sa foi, n'aura pas fait le bien »,[116] quelques commentateurs disent qu'il s'agit du lever du soleil au couchant. Nous tenons d'Abou Horaïrah : A l'apparition de trois choses, la foi ne servira plus à l'âme ; le lever du soleil au couchant, la venue de la Bête et celle de l'Anti-christ. En décrivant ce premier événement, on dit : La nuit au matin de laquelle le soleil se lèvera à l'Occident durera autant que trois nuits. On dit aussi : L'homme récitera sa portion (du Qoràn) puis s'endormira ; il se réveillera et trouvera les étoiles immobiles et la nuit telle qu'elle était. Les gens se dirent les uns aux autres : Avez-vous jamais vu une nuit pareille? Ensuite le soleil, pareil à un drapeau noir, se lèvera à l'Occident[117] et s'avancera jusqu'au milieu du ciel, puis il rétrogradera et suivra la même route. Alors la porte du repentir sera fermée jusqu'au jour de la résurrection. On rapporte d'après Ali : Après cela, le soleil se lèvera encore à l'Orient pendant 120 ans, mais ces années seront plus courtes ; l'année sera comme un mois, le mois comme une semaine, la semaine comme un jour et le jour comme une heure. La plupart des compagnons du Prophète guettaient le lever du soleil à l'Occident, entre autres Hodzaïfah ben El Yamân, Belâl et Aïchah.

Apparition de la Bête. Le Très-Haut a dit : Lorsque la sentence tombera sur eux, nous ferons sortir de terre contre eux une Bête qui leur parlera.[118] La plupart des savants disent qu'elle sera couverte de poils, de plumes et de duvet ; elle sera de toutes les couleurs ; elle aura quatre jambes, une tête de taureau, des oreilles d'éléphant, des cornes de bœuf, un cou d'autruche, une poitrine de lion, des jambes de chameau ; elle portera la verge de Moïse et l'anneau de Salomon ; elle enlèvera les noms ; personne ne sera plus désigné par son nom ; en le touchant de son bâton, elle rendra brillant le visage du croyant et il sera blanc ; elle marquera de son sceau le nez de l'infidèle qui deviendra noir, et on dira : O croyant ! O infidèle.[119] On rapporte que Abd Allah, fils d’Omar, a dit : C'est la Bête dont a parlé Témim ed Dâri. Suivant El Hasan, Moïse demanda à Dieu de lui faire voir la Bête. Elle sortit pendant trois jours sans qu'on vit son extrémité. Mon Dieu, dit Moïse, ramène cet objet précieux à sa place; nous n'en avons pas besoin. On dit qu'elle sortira à Adjnadin, à la suite du pèlerinage, marchant le jour et s'arrêtant la nuit; chacun, debout ou assis, la verra; elle voudra entrer dans la mosquée, où se seront réfugiés les hypocrites, et elle leur dira : Voyez-vous cette mosquée qui vous sauve de moi? Que n'est-ce arrivé hier!

Mention de la fumée. Dieu très-haut a dit : Observe le jour où les cieux amèneront une fumée visible.[120] On rapporte qu'El Hasan a dit : Il viendra une fumée qui remplira tout l'espace entre le ciel et la terre, tellement qu'on ne distinguera plus l'Orient de l'Occident; elle saisira les infidèles et sortira par leurs oreilles; elle sera comme un rhume sur le croyant. Puis Dieu la dissipera au bout de trois jours, et cela aux approches de l'heure [suprême]. La plupart des commentateurs s'accordent à y reconnaître la famine qui atteignit les hommes au temps du Prophète.

Mention de Gog et de Magog. Dieu très-haut a dit : Quand l'arrêt du Seigneur sera arrivé, il le mettra en pièces,[121] c'est-à-dire le barrage. Dieu sait ce qu'on raconte dans les livres sur la description de Gog et de Magog. Tout le monde s'accorde à dire qu'ils habitent entre l'Orient et le Nord. On rapporte que Mekh'oul a dit : La partie habitée de la terre mesure cent ans (de marche), sur lesquels 80 appartiennent à Gog et à Magog, 10 aux nègres et 10 au reste des nations. Gog et Magog sont deux peuples comprenant chacun 400.000 nations différentes les unes des autres. D'après Ez Zohri, ils forment trois nations : Mansak, Taouil et Tadris ; l'une d'elle égale les cèdres pour la hauteur ; dans la seconde, la largeur de chacun est égale à sa hauteur ; dans la troisième, l'homme étend une de ses oreilles comme un tapis et s'enveloppe dans l'autre.[122] On dit aussi que la taille de chacun est d'un empan et plus, que leur apparition aura lieu après que Jésus aura tué l'Antichrist ; le moment arrivé, Dieu mettra en pièces le rempart, comme il l'a mentionné dans son livre ; alors Gog et Magog sortiront et se répandront sur toute la terre. On rapporte que le commencement de leur avant-garde atteindra la Syrie, que l'arrière-garde sera encore à Bactres (Balkh) ; que leur avant-garde arrivera au lac et boira l'eau, que le centre viendra ensuite et léchera ce qui restera d'humidité et que les derniers diront en arrivant : Il y avait ici de l'eau. Leur séjour sur la terre sera de sept ans. Ensuite, ils diront : Nous en avons fini avec les gens de la terre ; allons, secouons les habitants du ciel ; et ils tireront contre les cieux des flèches que Dieu leur renverra ensanglantées;[123] ils se diront alors : Nous en avons fini avec les gens du ciel ; mais le Seigneur leur enverra des vers dans leurs cous, et au matin ils seront tous morts. Dieu fera pleuvoir les cieux sur eux et leurs corps seront balayés dans la mer. Suivant le récit de Ka'ab, ils rongent, chaque jour, le rempart avec leurs pointes de fer; puis ils reviennent le lendemain, mais le barrage redevient tel qu'il était, jusqu'à ce qu'arrive le temps fixé ; Dieu l'abandonnera à la langue de l'un d'entre eux et alors ils sortiront. On raconte qu'ils lèchent le rempart. On dit qu'il y a chez eux une troupe de gens dont chacun a quatre yeux, deux sur la tête et deux sur la poitrine ; d'autres qui n'ont qu'un pied sur lequel ils sautent ; d'autres qui sont couverts de poils comme des bêtes; parmi eux, il y a une tribu qui ne mange que de la chair humaine et qui ne boit que du sang; aucun ne meurt qu'il n'apparaisse à ses reins mille yeux qui regardent. Il est écrit dans la Torah (la Bible) : Gog et Magog apparaîtront au temps du Messie et diront : Les Israélites possèdent des richesses et des objets nombreux; ils marcheront contre Jérusalem, en pilleront la moitié, mais l'autre moitié échappera. Dieu poussera contre eux un grand cri et ils mourront jusqu'au dernier. Alors les Israélites trouveront dans leur matériel de guerre de quoi se passer de bois pendant sept ans. Tels sont leurs récits dans le livre de Zacharie (Zakâryâ) sur qui soit le salut.[124] On dit qu'après la destruction de Gog et de Magog, les gens passeront vingt ans, faisant le pèlerinage et visitant les lieux saints.

 


 

[1] L'église catholique répète encore dans une prose de l'office des morts :

Dies irae, dies illa

Solvet saeclum in favilla,

Teste David cum Sibylla.

[2] Le pseudo-Hésychios de Milet, dans les fragments conserves par Eudoxia et par Suidas, compte également dix Sibylles (cf. éd, Flach, Teubner, 1880, in-18. ch. lviii, 48).

[3] D'après Virgile (Eglogue iv, v, 4-7).

Ultima Cumaei jam venit carminis aetas.

Magnus ab integro saeclorum nascitur ordo ;

Jam redit et Virgo, redeunt Saturnia regna,

Jam nova progenies cœlo demittitur alto.

et Varron cité par Lactance. Institutiones divinae, l. I. ch. vi Toutefois un mythographe anonyme retrouvé par A. Mai, prétend que Varron remplaçait la Sibylle de Cumes par celle d'Erythrée. Il est à observer toutefois que l'auteur du De Mirabilibus, attribué à Aristote, mentionnant à Cumes une Sibylle qui rendait des oracles dans une demeure souterraine, dit que c'est la Sibylle érythréenne. que quelques habitants de l'Italie nomment cuméenne et d'autres mélacrène. La Sibylle d'Erythrée était d'ailleurs, au dire de Lactance (op. laud.) une des plus célèbres et des plus illustres.

[4] Cf. sur cette collection Hoffmann, Die tarquinischen Sibyllenbücher, Rheinischer Museum fur klassische Philologie, neue Folge, t. 1, 189, p. 110 et suiv.

[5] Je laisse de côté la Sibylle Scandinave, la Voluspa de l'ancien Edda. Elle n'a qu'un lointain rapport avec le sujet qui est traité ici, quoique son inspiration soit incontestablement d'origine chrétienne, ce qu'on ne peut méconnaître, même sans adopter la théorie de Meyer (Voluspa, Berlin, 1889) qui en fait une œuvre dépendante de l’Elucidarium d'Honorius d'Autun. Cf. Bergmann, Poèmes islandais, Paris, 1838, in-8, Voluspa, p. 149-239 : E. Duméril, Histoire de la poésie Scandinave, Paris, 1839, in-8°, Le chant de la Sibylle, p. 86-113 : Bousset, Der Antichrist, Göttingen, 1895, in-8, p. 71-73.

[6] Le texte des oracles a été publié entre autres par Alexandre Oracula Sibyllina, 2 v. en 3 parties in-8°, Paris, 1841-1854; 2e éd., paris, 1869, in-8, et par Rzach, Vienne, 1891, in-8°.

[7] Cf. sur les questions relatives aux oracles de la Sibylle, outre les ouvrages cités et lés excursus d'Alexandre; Migne, Dictionnaire des Apocryphes, Paris, 1856-58, 3 vol. in-4, t. II, col. 931-936 : Ewald, Ueber Enstehung, Inhalt und Werth der sibyllinischen Bücher, Göttingen, 1858, in-4; Badt, Ueber das viertes Buches der Sibyllinischen Orakel et la critique qu'a faite de ces deux ouvrages Gutschmidt, Kleine Schriften, t. II, Leipzig, 1890, in-8 ; Delaunay. Moines et Sibylles, Paris, 1874, in-12, deuxième partie ; Dechent, Ueber das erste, zweite und elfte Buch der sibyllinischen Weissagungen, Frankfurt a. M. 1883 in-8; Fehr, Studia in oracula Sibyllina, Upsala, 1893, in-8, Sackur, Sibyllinische Texte und Forschungen, Halle a. S., 1898, in-8, p. 117-116.

[8] Il m'a paru préférable d'employer l'expression Antichrist qui signifie le personnage opposé au Christ, au lieu d'Antéchrist qui signifie celui qui viendra avant le Christ. Cf. Macler. Les apocalypses apocryphes de Daniel, Paris, 1895, in-8, p. 101.

[9] Cf. Zotenberg, Catalogue des manuscrits éthiopiens de la Bibliothèque Nationale, Paris, 1877, in-4, p. 148-358.

[10] Il a été l'objet d'une notice de Dillmann, Gœttinger Gelehrte Nachrichten, 1898, que j'ai citée d'après Bousset, Der Antichrist (Cf. p. 45-47).

[11] Dillmann, Catalogus codicum aethiopicorum Musei Britannici, Londres, 1847, in fol. n° v, 5°, Wright, Catalogue of the Ethiopie manuscripts, Londres, 1877, in-4, n° 390, 11. Celui-ci paraît identique au ms. 146 de Paris.

[12] Catalogue des manuscrits éthiopiens appartenant à Antoine d'Abbadie, Paris, 1859, in-4, n° 134, 7° où l'ouvrage est cité avec cette indication inexacte « Sagesse de la femme nommée Sabila, fille de Harqal, chef des sages de Efésos et explicateur des songes à ceux qui ont vu cent sages dans Rome » au lieu de « explication du songe que virent cent sages de Rome », et 193, 2°.

[13] Catalogue des manuscrits du fonds syriaque et sabéen de la Bibliothèque Nationale, Paris, 1874, in-4, p. 39-30.

[14] Dans une note du Catalogue des manuscrits éthiopiens, p. 348, M. Zotenberg renvoie à Assemanni, Biblioth. apostolicae Vaticanae codicum manusc. catalogus, t. II, p. 353 ; Payne-Smith, Catal. cod. syr., col. 451. Il m'a été impossible de consulter ces deux ouvrages et de vérifier s'il s'agit d'une version syriaque ou simplement d'une version carchounie. Je dois observer qu'il n'est fait mention d'aucun texte de ce genre dans les histoires très complètes de la littérature syriaque de M. Wright (A short history of syriac Literature, Londres, 1894, pet. in-8°) et de M. R. Duval (La littérature syriaque, Paris, 1899, in-12).

[15] Cité par Sackur, Sibyllinische Texte und Forschungen, p. 143, d'après la traduction de Langlois. Ce passage a été reproduit en abrégé par l'historien arménien Vartan (Sackur, loc. laud.) Une édition de la chronique syriaque de Michel par M. Chabot est annoncée mais n'a pas encore paru.

[16] Histoire chronologique, trad. Brosset, S. Pétersbourg, 1869, in-4, p. 22.

[17] Cf. Carrière, Une version arménienne d'Asséneth, Nouveaux mélanges orientaux publiés par l'Ecole des Langues Orientales, Paris, 1886, grand in-8, p. 483. L'assimilation de cet apocryphe à celui de Lamech, proposée par Zahn (Armenische Verzeichnisse kanonischer und apokrypher Bücher dans ses Forschungen für Geschichte des neutestamentlichen Kanons, t. V. Erlangen, 1893, in-8, p. 117) ne me paraît pas suffisamment établie pour reporter l'action du livre arménien de Sibylle au temps de Noé.

[18] Cf. sur la Sibylle de Tibur, Sackur, Sibyllinische Texte und Forschungen, p. 125-137 ; il y mentionne d'autres recensions moins importantes que celles dont il est question ici ; Bousset, Der Antichrist, p. 37-28; Zezschwitz, Vom römischen Kaisertum zur deutschen Nation, Leipzig, 1877, in-8 et le compte rendu de Gutschmid, Kleine Schriften, t. V.

[19] Cf. Venerabilis Bedae, Opera, t. I, éd. Migne (t. XC de la Patrologie latine), Paris, 1863, grand in-8, col. 1181-1186, Sibyllinorum verborum interpretatio).

[20] Publié par Gers, Forschungen zur deutschen Geschichte t. XIX, p. 373-396.

[21] Sibyllinische Texte und Forschungen, p. 177-187.

[22] Elle a été publiée par Usinger, Forschungen zur deutschen Geschichte, t. X.

[23] D'après Sackur, ce chiffre serait une preuve de l'origine chaldéenne : les sept siècles et les souverains illustres représentant les sept âges et les sept divinités des planètes (Sibyllinische Texte, p. 144-145). Toutefois les versions arabes et éthiopienne, et non pas seulement la Sibylle de Tibur, mentionnent neuf soleils : ce n'est donc pas dans des raisons tirées du paganisme gréco-latin qu'il faut chercher la cause de cette différence. Chez les anciens, du reste, le nombre des âges sibyllins était de dix (cf. Sackur, op. laud., p. 150-155).

[24] Le passage est altéré dans arabe2. Quant à Ephèse, je ne pais y voir autre chose qu'une méprise pour Erythrée, moins célèbre en Orient. L'origine de Sibylle n'est pas indiquée en syriaque.

[25] C'est par suite de cette confusion qu'Hercule est cité quelquefois comme philosophe. Cf. Ech. Chahrastani, Kitâb el Milel Bombay, 1315 hég. a v. in-8, t. II, p. 13; id. trad. Haarbrücker, Religionspartheien und Philosophenschu!en, Halle, 1851, 1 vol. in-8, t. II, p. 37.

[26] Taïmân (arabe) altéré en Yaman (éthiopien) par suite d'une fausse lecture de l'original arabe.

[27] Cf. J. Darmesteter, L'Apocalypse persane de Daniel, Mélanges Renier, Paris, 1887, in-8, texte, p. 409 et suiv.; traduction, p. 418,

[28] Cf. Weil, Geschichte der Chalifen, Mannheim, 1848, 3 vol. in-8, t. I, p. 638,639 et les sources citées ; le pseudo-Denys de Tell-Mahré, Chronique, éd. et trad. Chabot, Paris, 1895, in-8, p. 28 du texte, 25 de la traduction.

[29] J. Darmesteter, L'Apocalypse persane de Daniel, p. 411, 415, 416, 418, 419.

[30] Cf. Eginhard, Vie de Charlemagne, chap. xvi.

[31] J. Darmesteter, L'Apocalypse persane de Daniel, p. 411, 416, 419

[32] Il faut remarquer cependant que ces deux versions placent en Orient la ville qui sera prise par ces mêmes esclaves révoltés, et ou le massacre durera trois jours et trois nuits.

[33] Cf. J. Darmesteter, l’Apocalypse persane de Daniel, p. 413, 416, 4é0. Toutefois, on ne doit pas oublier que ce dernier apocryphe étant rédigé par des Juifs qui n'avaient pas à se louer des Croisés, ils ont représenté la conquête de la Palestine comme une catastrophe.

[34] Cf. Macler, Les apocalypses apocryphes de Daniel, p. 52, 53.

[35] Sibyllinische Texte, p. 163. Bousset (Der Antichrist, p. 30) ne paraît pas disposé à admettre sans difficulté l'identification de ce personnage avec Constant II proposée par Gutschmidt. Dans le livre éthiopien du pseudo-Clément, analysé par Dillmann, ce fils de lion (c'est aussi l'expression dont se sert le texte éthiopien du Livre de Sibylle), suscité par Dieu, est assimilé par le traducteur à Constantin Copronyme qui doit triompher de l'Islam (Bousset, Der Antichrist, p. 45, 47).

[36] Cf. les sources indiquées dans les notes de mes Contes populaires berbères. Paris, 1887, in-18, note 64, p. 171, 174.

[37] Cf. les passages reproduits par Bousset, Der Antichrist, p. 88, 93; on peut y ajouter que le point de départ est probablement Matthieu, xiv, 4, 5.

[38] Cf. Genèse, xlvii, 17, « Que Dan soit une couleuvre sur la route, une céraste dans le sentier, mordant les sabots du cheval pour faire tourner le cavalier » Cf. aussi Jérémie, viii, 16, et les passages des écrivains ecclésiastiques dans Bousset, Der Antichrist, p. 112, 115.

[39] Cf. Luc, x, 13 15 : Malheur à toi, Corozaïn ! Malheur à toi, Bethsaïda... Et toi, Capharnaüm, élevée jusqu'au ciel...

[40] Tischendorf, Apocalypses apocryphœ, Leipzig, 1866, in-8, p. 20. Cf. aussi Bousset, Der Antichrist, p. 101-102.

[41] Cf. les divers miracles que lui attribuent les auteurs qui traitent de l'Antichrist, ap. Bousset, Der Antichrist, p. 115, 120.

[42] Cf. les textes dans Bousset, loc. laud., auxquels il faut ajouter la version judéo-persane de l’Apocalypse de Daniel (ap. Macler, p. 30), le Livre de l'Abeille de Salomon de Basra, éd. Budge, Oxford, 1886 in-4, p. 130.

[43] Cf. les textes dans Bousset, Der Antichrist, p. 104-106.

[44] Le chiffre de quatre donné par la version éthiopienne est probablement une faute du traducteur ou du copiste.

[45] Opera, Ed. Migne, t. I, col. 574.

[46] Macler, Les Apocalypses apocryphes de Daniel, p. 28.

[47] Ch. xi, vers. 3-7. — Cf. aussi Beda, De temporum ratione, ch. lxix (t. I, col. 574).

[48] Dans plusieurs auteurs : le Commentaire sur l’Apocalypse, d'André et d'Aréthas, saint Ambroise, Théophylacte, Euthymius, le pseudo-Hippolyte, Siméon Métaphraste (Cf. Bousset, Der Antichrist, p. 137), Jean est donné pour compagnon à Elie et à Hénok, sans doute parce qu'on lui attribue la composition de l'Apocalypse, mais il est aisé de voir que c'est une addition postérieure.

[49] Cf. un passage de l’Evangile de Nicodème, ap. Tischendorf, Evangelia apocrypha, Leipzig, 1874, in-8°, p. 404 : Cowper, The Apocryphal Gospels, Londres, 1897, pet. in-8°, p. 309-310; Macler, Les Apocalypses apocryphes de Daniel, p. 110-112 ; Bousset, Der Antichrist, p. 136-139.

[50] Cf. Bousset, Der Antichrist, p. 148-154. Sur le rôle de Michel dans les légendes juives et chrétiennes, cf. Lucken, Michael, eine Darstellung uni Vergleichung der jüdischen und der morgenländisch-christlichen Tradition vom Erzengel Michael, Göttingen, 1898, in-8°.

[51] C. Klostermann, Analecta zur Septuaginta, Leipzig, 1895, in-8°, p. 120.

[52] Cf. Bousset, Der Antichrist, p. 159-163, et le troisième fascicule de mes Apocryphes éthiopiens. Ascension d'Isaïe, p. 24.

[53] Cf. Bousset, Der Antichrist, p. 160.

[54] Kalemkiar, Die siebente Vision Daniels, Vienne, 1892, in-8°, p. 42; Macler, Les Apocalypses apocryphes de Daniel, p. 87.

[55] Les crochets indiquent les passages qu'il a fallu suppléer pour compléter le texte. Celui-ci porte par erreur: « Après la sortie des enfants d'Egypte ».

[56] On voit que nous avons ici deux récits juxtaposés du songe et de l'ambassade à Sibylle. Le même fait se retrouve dans arabe1.

[57] L'origine de cette expression se trouve dans Isaïe, lxiv, 4 : elle est plus développée dans saint Paul. I. Epitre aux Corinthiens, II, 9 ; on la retrouve dans la version latine de l'Ascension d'Isaïe, xi, 34. Cf. le troisième fascicule de mes Apocryphes éthiopiens, p. 54. Elle a passé en arabe et on la rencontre dans un hadith du Prophète rapporté par Abou Horaïrah (Cf. Ah'med es Sahl el Balkhi, Le livre de la création et de l'histoire, éd. et trad. Huart, t. I, Paris, 1899, in-8°, p. 190 du texte, 178 de la traduction).

[58] Passage corrompu. Le texte éthiopien porte « il mourra ». 

[59] Le texte porte : Mëchrâq, qui doit être corrigé en Mësr.

[60] Le passage est altéré dans le texte éthiopien qui porte : « On dira aux vivants et aux morts : Heureux êtes-vous! »

[61] Passage altéré.

[62] Comme il a été dit plus haut, ce qui suit est une récession diverse de la description du ixe âge, ajoutée par le ms. 146 de la Bibliothèque Nationale.

[63] Isaïe, xi, 5.

[64] Passage altéré.

[65] Passage emprunté au pseudo-Clément éthiopien.

[66] Passage altéré.

[67] Cette durée du régime de l'Antichrist est donnée d'une façon plus précise dans l'Ascension d'Isaïe, iv, 13.

[68] Le paragraphe qui suit est évidemment une interpolation ; du reste le passage est altéré.

[69] Dans la version judéo-persane de l'Apocalypse de Daniel, ce sont ces mêmes archanges qui viennent délivrer les Juifs de l'Antichrist.

[70] Le texte éthiopien répète par erreur : Il régnera sept ans. Ces traits semblent se rapporter à Gog et à Magog, dont la domination sur la terre, suivant la tradition musulmane, durera sept ans.

[71] Passage emprunté au pseudo-Clément éthiopien. Dans l’Othot Messias et le pseudo-Chrysostome, c'est également Michel qui sonne de la trompe. Dans l'Apocalypse du pseudo-Jean, ce sont Michel et Gabriel ; dans la version judéo-persane de l'Apocalypse de Daniel, c'est Elie. Cf. Bousset, Der Antichrist, p. 167.

[72] La chronologie qui suit termine le livre de Sibylle dans un manuscrit du British Museum (Cf. Dillmann, Catalogus codicum aethiopicorum Musei Britannici, p. 4).

[73] Cf. les paroles d'une antienne de l'Eglise catholique qui fait partie de l'office de Pâques.

Beati qui non viderunt

Et firmiter crediderunt

Vitam beatam habebunt

[74] Isaïe, lxiv, 4 ; saint Paul, Ire Epître aux Corinthiens, ii, 9.

[75] Passage altéré.

[76] Passage altéré.

[77] La copie est datée de 1069, par le diacre, Abd Allah, dont le nom et le titre sont écrits en syriaque.

[78] Lacune.

[79] Isaïe, lxiv, 4 ; saint Paul Ire Epître aux Corinthiens, ii, 9.

[80] La version ajoute ici une phrase qui devait faire partie de la description de l'âge précédent : « Et ensuite, celui qui a été suspendu au bois de la croix, ceux qui l'adoreront formeront un peuple nombreux. Cet homme de Théman régnera un certain nombre d'années. »

[81] Le texte paraît altéré comme on le voit par la comparaison avec la version arabe1.

[82] Le texte est incomplet.

[83] Les passages en italiques sont, conformément à l'opinion de M. Sackur, des interpolations et des additions.

[84] Variante Trajan, cf. Sackur, Sibyllinische Texte, p. 172-173.

[85] Il s'agit du Capitole considéré comme souillé par la présence des temples païens, tandis que les premières églises furent construites sur le mont Aventin. Cf. Sackur, Sibyllinische Texte, p. 173.

[86] Luc ii, 14.

[87] Luc, ix, 35 ; IIe : Epître de Pierre, i, 17 ; cf. aussi Matthieu, iii, 17.

[88] Ce titre de reine appliqué à la Sibylle ne se trouve qu'ici. Peut-être on peut y voir une allusion à la reine de Saba qui fut regardée au moyen âge comme une Sibylle, ou comme le préfère M. Sackur (Sibyllinische Texte, p. 174-175) une confusion avec Juno Regia, à laquelle était assimilée Hérophila, la Sibylle d'Erythrée.

[89] Le passage en italiques est une version de fragments de vers grecs sibyllins qui sont cités par Lactance, Institutions divines, L. IV, ch. viii. La version latine est reproduite presque intégralement d'après Hraban Maur (De universo, L. XV, ch. iii) ; aussi M. Sackur y voit, avec beaucoup de vraisemblance, une addition du dernier rédacteur. (Sibyllinische Texte, p. 75).

[90] Peut-être est-ce une allusion aux trois ans et six mois (quarante deux mois) de guerre dont il est question dans l'Apocalypse, xi, 2. Cf. les remarques de Renan à ce sujet (L'Antichrist, Paris, 1873, in-8, p. 401-402). Cf. aussi Daniel, ix, 27; xi, 11.

[91] Allusion aux guerres de Judée sous Vespasien et Titus.

[92] Ce récit confus se rapporte aux troubles qui suivirent le partage de l'empire par Dioclétien (Cf. Sackur, Sibyllinische Texte, p. 156-157)

[93] Dans la version copte de l'Apocalypse de Daniel, il est question aussi des dix-neuf cornes de la quatrième Bête, représentant autant de rois issus d'Ismaël. Mais l'opinion de M. Macler (Les Apocalypses apocryphes de Daniel, p. 42, note 2), d'après la quelle ces dix-neuf cornes désigneraient les quatorze khalifes fatimides et les cinq émirs ikhchidites n'est pas admissible : pourquoi la dynastie des T'oulounides qui précéda celle des Ikhchidites et fut plus célèbre qu'elle, serait-elle supprimée? Il semblerait plus vraisemblable d'y voir Mohammed, puis les quatre premiers Khalifes et les quatorze Omeyades (en y comprenant Ibrahim) : ce pendant les événements annoncés se rapportent exclusivement à l'Egypte jusqu'aux croisades. Je crois qu'il n'y a pas lieu d'attacher une valeur précise au chiffre 19, d'autant plus qu'on trouve un de ces rois qui règne 147 ans.

[94] Cf. sur ce prodige, dont Mohammed est aussi le héros, le commentaire de ma traduction de la Bordah du Cheikh el Bousiri, Paris, 1894, in-18, p. 73-74.

[95] Comme le fait remarquer M. Sackur (Sibyllinische Texte, p. 157) ce qui précède est une interpolation relative aux souverains allemands, au milieu de laquelle on retrouve des fragments de l'ancienne prophétie.

[96] Cette allusion à des faits historiques que nous pouvons à peine soupçonner est une des plus obscures. Cf. Sackur, Sibyllinische Texte, p. 160-161.

[97] Probablement une allusion à l'invasion des Perses au temps de Dioclétien. Cf. Sackur, Sybillinische Texte, p. 160.

[98] Allusion aux guerres du temps de Tiridate : l'historien arménien Agathangelos mentionne un fossé creusé par le roi de Perse à Odjz, mais après une victoire sur les Romains et la fuite de Tiridate. Cf. Sackur, Sibyllinische Texte, p. 158-159.

[99] Il s'agit de Constance I qui, faisant campagne contre les Perses, arriva à la fin de 360 à Hiéropolis. Cf. Sackur, Sibyllinische Texte, p. 158.

[100] M. Sackur croit qu'il s'agit de Julien, mais que le tableau des excès commis se rapporte au règne de l'arien Constance II. A cette époque, il y eut des tremblements de terre mentionnés par des historiens. Cf. Sibyllinische Texte, p. 161-162.

[101] Il s'agit sans doute des tremblements de terre dont souffrirent sous Constance les îles de Délos, de Rhodes, de Chypre et de Crète. Cf. Sackur, Sibyllinische Texte, p. 161.

[102] Allusion à l'insurrection de Népotianus à Rome en 350 (?) d'après Sackur, Sibyllinische Texte, p. 162.

[103] M. Sackur qui adopte une autre lecture (Tum namque preveniet Egiptus et Etiopia manus ejus dare Dei) y voit une allusion à la conversion de l'Ethiopie au christianisme au IVe siècle. Cf. Sibyllinische Forschungen, p. 170-172.

[104] Cette diminution du temps est déjà mentionnée dans Lactance, Institutions divines, vii, 16 ; l’Apocalypse de Zéphanias, 128; l’Apocalypse du pseudo-Jean, 8 Cf. Bousset. Der Antichrist, p. 143-144 ; il faut y joindre le texte arabe traduit plus loin.

[105] Apocalypse, xx, 7.

[106] M. Sackur a rejeté de son édition la pièce de vers qui suit, et qui, composée primitivement en grec, fut traduite en latin antérieurement à saint Augustin. Cf. Sibyllinische Texte, p. 154.

[107] Qorân, Sourate, xliii, v, 61.

[108] Le même récit est donné, mais moins complet, dans Massoudi. Les Prairies d'or, édit. et trad. Barbier de Meynard, t. iv, Paris, 1865, in-8°, p. 37. Il ajoute toutefois ce détail que l'être consulté par les compagnons de Témim ed Dâri était attaché à une colonne de fer par des liens de fer.

[109] Jeu de mots entre ragkbah, et rahbah, crainte.

[110] C'est par Termim ed Dâri, chrétien d'origine, que les traditions relatives à l'Antichrist ont passé dans l'islam. Cf. mon travail sur les Aventures merveilleuses de Tcmim ed Dâri, Rom 1891, in-8°.

[111] Mot à mot, l'Espionne, la Bête de l'Apocalypse.

[112] Zoghar est le nom d'une fille de Loth et aussi d'une source en Syrie dont la disparition sera un des signes de la venue de l'Antichrist.

[113] Qorân, iv, 137.

[114] Qorân, IV, 156.

[115] Qoran, 17, 156.

[116] Qorân, VI, 159.

[117] Cf. Es Soyout'i, Anis et Djalis, Constantinople, 1311 hég. in 8, p. 110. Pareil miracle est réclamé par Abraham à Nemrod qui prétend être Dieu (Qorân, ii, 260).

[118] Qorân, xxvii, 84.

[119] Cf. Apocalypse, xiii, 16-17, et les rapprochements cités par Bousset, Der Antichrist, p. 132-134.

[120] ) Qorân, xliv, 9.

[121] ) Qorân, xviii, 98.

[122] Cf. les Enotocœtes de Mégasthènes, reconnaissables à leurs-longues oreilles qui leur pendent jusqu'aux pieds et les enveloppent quand ils dorment. Strabon, Geographica, l. XV, ch. vi, § 57.

[123] Ce trait des flèches lancées contre le ciel et retombant teintes de sang existe dans les légendes judéo-arabes, mais c'est Nemrod qui en est le héros (Cf. Tabari, Chronique, trad. Zotenberg, Paris, 4 v. in-8, t. I, p. 148, 150), ou les constructeurs de la Tour de Babel (Le livre du Juste, ap. Israël Lévi, Revue des Etudes juives, 1881, t. III, p. 359, note : cf. aussi Migne, Dictionnaire des Apocryphes, 3 v. grand in-8. Paris, 1853, t, II, col. 1107). Chez les Mandéens du Bas-Euphrate, Nemrod est remplacé par Cheddâd, (Siouffi, Etudes sur la religion des Soubbas ou Sabéens, Paris, 1880, in-8, p. 149). On le rencontre en Chine, mais accompagné d'une explication matérielle : l'empereur Wouï décoche des flèches contre le ciel et comme il a caché en l'air, à l'insu du peuple, des vessies pleines de sang, ses flèches retombent ensanglantées (Darmesteter, La Flèche de Nemrod, Journal asiatique, février, mars, avril 1885, p. 220-224). Cette légende a passé jusque dans le moyen âge français et la scène a lieu à Lagny où un libertin adonné au jeu est puni du sacrilège qu'il a commis de la même manière (Etienne de Bourbon, Anecdotes historiques, Paris, 1887, in-8, p. 341). Le roi de Perse Kai-Kaous, vola, comme Nemrod, contre le ciel pour le combattre avec l'arc et les flèches (Ferdowsi, Chah-Nameh, éd. Vüllers, i, 411). On trouve dans l'antiquité des exemples de ce genre, mais le détail de la flèche retombant ensanglantée n'existe plus : les Thraces, suivant Hérode (L. IV, 94) tirent des flèches contre le tonnerre (L'explication de Bergmann, Les Gètes, Strasbourg, 1859, in-8, p. 160, est inadmissible); Darius, fils d'Hystaspe, décoche un trait contre le ciel à la nouvelle de l'incendie de Sardes par les Ioniens (Hérodote, L. IV, ch. 105); l'héron, fils de Sésostris, en fait autant contre le Nil et devient aveugle (Hérodote, L. II ch. 3 ; Diodore de Sicile, i, 59) ; les rois cafres se vengent de la même manière (Joâo dos Santos, Histoire de l'Ethiopie orientale, trad. Charpy, Paris, 1688, in-12, ch. iv, p. 157). Cf. Mélusine, t. I, col. 501 ; t. III, col. 263, 313, 526 ; t. IV, col. 34.

[124] Les chapitres xii, xiii, xiv de Zacharie mentionnent les ravages et les malheurs de Jérusalem, mais aucun des détails donnés ne s'accordent avec ceux-ci.