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MANASSÈS.

 

 

 

Oeuvre numérisée par Marc Szwajcer

MANASSÈS.

Prière de Manassès, roi de Juda, dans le temps qu’il était captif à Babylone.

 

 

PRÉFACE.

 

L’oraison ou la prière de Manassès, ne contient rien en soi que de très saint et de très édifiant; et l’on ne conçoit point d’autre raison qui l’ait fait rejeter par la Synagogue, et ensuite par l’Eglise, du canon des livres saints, sinon qu’on n’a pas trouvé des preuves assez certaines pour assurer qu’elle fût véritablement de ce prince, ou que l’on n’a pas cru que les livres où elle se trouvait méritassent par eux-mêmes, ou par leurs auteurs, d’être mis au même rang que les livres divins. Car, quoiqu’il soit dit, II Paralip. xxxiii, 12, 13, que Manassès fils d’Ezéchias, vingtième roi de Juda, ayant été emmené chargé de chaînes à Babylone la 22e année de son règne, l’an du monde 3327, et qu’étant en prison réduit en une extrême misère, il ait reconnu ses crimes; et que s’adressant au Seigneur, il lui ait fait une prière; enfin quoiqu’il soit dit aux versets 18 et 19 du même chapitre, que cette prière est rapportée dans les livres d’Hosaï et dans les annales des rois d’Israël, ou pour mieux dire de Juda, comme porte le verset 11 du chapitre 21 du IVe livre des Rois; il ne s’ensuit pas que celle qu’on rapporte ici soit la même que celle qui était contenue dans ces livres cités par l’Ecriture. Ceux qui soutiennent la vérité et l’antiquité de cette prière, prétendent que c’est la même, et disent, mais sans preuves, qu’elle a été traduite en grec sur l’hébreu, des discours des Voyants, comme il est dit II Paral. xxxiii, 18, ou d’Hosaï et des annales des rois de Juda, comme ajoute le verset 19, car l’on ne trouve plus ce texte original hébreu, ni cette version grecque faite sur ce prétendu original. Il est vrai que l’auteur des Constitutions apostoliques, qui vivait vers la fin du iiie siècle, ou environ, a donné en grec cette prière, qu’il a insérée tout de suite au verset 13 du chapitre xxxiii des Paralipomènes, qu’il rapporte presque entière; mais il paraît évidemment que c’est une version grecque faite après coup sur le latin par l’auteur même des Constitutions Voy. le livre II des Constitutions (cap. 22, tom. I, Concil., p. 251.) où cette prière est imprimée en grec et en latin. Elle se trouve aussi en quelques exemplaires grecs et latins à la fin du second livre des Paralipomènes, et est citée par quelques Pères latins. (Voy. Fabricius, Biblioth. Graeca, l. iii, v. 29, et Codex V. Test., t. I, p. 1102). La prière de Manassès est, pour ainsi dire un contrat passé entre lui et Dieu... Si elle est ou n’est pas de ce prince, nous ne le savons pas plus que ceux qui l’affirment et que ceux qui le nient. Quel qu’en soit l’auteur, il nous semble qu’elle est telle que Manassès devait le faire, et M. James, dans son Histoire de l’Ancien Testament, (2069) l’a citée comme si ce prince l’eût réellement faite.

(2069) Liv. vi, ch. 2, n. 9, tom. II, p. 27, col. 1.

 

PRIÈRE DE MANASSÈS.

 

1. Seigneur tout-puissant, Dieu de mes pères, Abraham, Isaac et Jacob, et de leur race sainte (2070) !

2. Vous qui avez créé le ciel et la terre; et tout ce qu’ils renferment (2071) !

3. Vous qui par votre parole (2072) avez donné des bornes à la mer, qui avez fermé l’abîme et l’avez scellé de votre nom terrible et adorable (2073) !

4. Vous devant qui toutes les créatures tremblent, et dont elles redoutent la puissance, parce qu’elles ne peuvent soutenir (2074) ni l’éclat de votre gloire (2075), ni la colère dont vous menacez les pécheurs!

5. Seigneur ! la miséricorde que vous nous avez promise est infinie et au-dessus de tout ce que l’on peut concevoir.

6. Car vous êtes le Seigneur, le Très Haut, bon, patient, miséricordieux, et toujours prêt à vous repentir des maux (2076) dont vous nous avez affligés (2077).

7. Vous avez promis de recevoir les pécheurs à la pénitence (2078), et de les sauver dans votre infinie miséricorde.

8. Vous donc, Seigneur! Dieu des justes? ce n’est ni à Abraham, ni à Isaac, ni à Jacob, que vous avez ordonné de faire pénitence, ils ne vous ont point offensé.

9. Mais à moi qui suis pécheur, puisque le nombre de mes crimes égale celui des sables de la mer.

10. Seigneur! mes iniquités se sont multipliées (2079), elles se sont accrues, et je ne suis pas digne de porter mes regards vers le ciel (2080).

11. Je suis tellement courbé sous la pesanteur de mes chaînes (2081) qu’il m’est impossible de lever la tête et il n’y a plus en moi de respiration.

12. Parce que j’ai excité votre courroux et que j’ai fait le mal en votre présence

13. (2082) J’ai été rebelle à votre volonté et je n’ai point gardé vos commandements:

14. J’ai introduit de honteuses abominations (2083) dans Israël, et mes crimes se sont multipliés.

15. Mais à présent je fléchis les genoux dans l’amertume de mon cœur (2084) et j’implore votre bonté.

16. J’ai péché, Seigneur, et je reconnais mes iniquités. C’est pourquoi, Seigneur, je vous conjure par les prières les plus vives de me les remettre et de ne point me perdre en les punissant.

17. Ne me réservez pas à des supplices éternels et ne me reléguez point dans les profondeurs de la terre car vous êtes le Dieu des pécheurs pénitents.

18. Vous ferez éclater sur mol toute votre bonté, en me sauvant par votre miséricorde infinie, tout indigne que j’en suis.

19. Et je vous louerai tous les jours de ma vie, puisque toutes les puissances du ciel, font retentir vos louanges, et que la gloire vous appartient dans tous les siècles des siècles. Ainsi-soit-il (2085).

 

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(2070) Litt. Juste, hébraïsme pour saints.

(2071) Litt.: Tout leur ornement.

(2072) Litt.: Par la parole de votre commandement.

(2073) Litt. : Glorieux.

(2074) La vue de votre puissance. D’autres versions latines portent Et est intolerabilis.

(2075) Autr.: Le poids de votre gloire.

(2076) Litt.: De la malice des hommes. Une autre version porte: in afflictionibus. C’est-à dire qu’il est fâché du mal que font les hommes; autrement, qu’il s’afflige que les péchés des hommes l’obligent à les punir.

(2077) Joël, ii, 1.

(2078) Litt.: La pénitence et le pardon. Une autre version porte : remissionem poenitentiœ.

(2079) Les principaux crimes dont Manassès s’accuse ici, en général, sont rapportés IV Reg. xxi, 2, et seq. et II Paral. xxxiii, 1.

(2080) Litt.: La hauteur du ciel; pour dire, élever mes yeux vers vous.

(2081) Litt.: D’une pesante chaîne de fer; mais une autre version porte : Multis vinculis ferreis. Il fait allusion aux chaînes dont alors il était chargé, aux chaînes spirituelles de ses péchés qui le tiennent courbé et penché vers les choses de la terre.

(2082) Ce passage qui compose le verset 13 tout entier, ne se trouve point en d’autres versions.

(2083) Ces abominations sont d’avoir introduit l’idole du grand Bois dans le temple du Seigneur, et d’avoir fait dresser des autels à tous les astres dans les deux parvis du temple du Seigneur. (IV Reg. xxi, 5, 7.)

(2084) Litt. : Le genou de mon cœur, c’est-à-dire je fléchis les genoux devant vous du plus profond de mon cœur; autrement, de toute la sincérité de mon cœur.

(2085) Il est dit, II Paral. xxxiii, 15, que Dieu exauça sa prière et le ramena à Jérusalem dans son royaume, et que ce prince ôta les dieux étranger et idoles de la maison du Seigneur, qu’il détruisit les autels construits par son ordre sur la montagne de la maison du Seigneur et à Jérusalem, et fit jeter tout hors de la ville, etc.; qu’il s’endormit avec ses pères, et fut enseveli dans sa maison. Les saints Pères ont tous regardé ce prince comme le modèle d’une parfaite pénitence il est cité aussi par Taraise, patriarche de Constantinople, entre les actes du deuxième concile de Nicée en 787. (Tom. VII Conc., p. 642.)