Tiberius Gracchus

137

L'affaire de Numance

VELLEIUS PATERCULUS : Velleius Paterculus fut préfet de cavalerie de Tibère. Il écrivit une Histoire romaine allant du retour de Troie au règne de Tibère.

Retour à la table des matières  Index général

 

142 DEBUT DE LA GUERRE CONTRE NUMANCE TIBERIUS GRACCHUS
JUGURTHA
137 DEFAITE DE MANCINUS EN ESPAGNE
INTERVENTION DE TIBERIUS GRACCHUS
MANCINUS 
TIBERIUS GRACCHUS
135 GUERRE SERVILE EN SICILE + sud de l'Italie
133 PRISE DE NUMANCE
TIBERIUS TRIBUN DE LA PLEBE
LEX SEMPRONIA
MORT DE TIBERIUS GRACCHUS
SCIPION NASICA
BLOSSIOS DE CUMES

 

Au début de sa carrière, Tibérius fait campagne en Afrique sous le commandement de Scipion-Emilien, mari de sa sœur. Il s'y distingue par son courage et son sens de la discipline. Il est ensuite nommé questeur et accompagne le consul Caius Mancinus dans l'expédition contre Numance. Le consul, homme de valeur mais piètre général, n'obtient pas les résultats escomptés et essaye de battre en retraite mais se fait piéger par les Numantins. Tibérius Gracchus négocie un traité avec Numance. Il sauve ainsi 20.000 hommes. Rentrés à Rome, le consul et son questeur sont critiqués, le traité est dénoncé. Le consul Mancinus est livré nu aux Numantins. Tibérius n'a son salut que par le peuple et sans doute par l'autorité de Scipion Emilien, son beau-frère.

Immanem deditio Mancini civitatis movit dissensionem. Quippe Ti. Gracchus, Ti. Gracchi clarissimi atque eminentissimi viri filius, P. Africani ex filia nepos, quo quaestore et auctore id foedus ictum erat, nunc graviter ferens aliquid a se factum infirmari, nunc similis vel iudicii vel poenae metuens discrimen, tribunus plebis creatus, vir alioqui vita innocentissimus, ingenio florentissimus, proposito sanctissimus, tantis denique adornatus virtutibus, quantas perfecta et natura et industria mortalis condicio recipit, P. Mucio Scaevola L. Calpurnio consulibus descivit a bonis.

icere foedus : conclure un traité

VELLEIUS PATERCULUS, II, II, 1-2.

  vocabulaire

La reddition de Mancinus provoqua un effroyable désordre à Rome. En effet Tibérius Gracchus, fils du très célèbre et du très remarquable Tibérius Gracchus, petit-fils par sa mère de Scipion l'Africain, sous la questure et à l'instigation duquel ce traité avait été conclu, soit supporta difficilement que ce qu'il avait fait soit annulé, soit eut peur que lui arrive un procès identique ou une peine analogue. Devenu tribun de la plèbe, cet homme qui par ailleurs avait une vie irréprochable, une intelligence brillante, des intentions les plus pures, bref qui possédait des vertus aussi grandes qu'un mortel peut en posséder par nature ou par son travail, se sépara des gens de bien sous le consulat de P. Mucius Scaevola et L. Calpurnius.

VELLEIUS PATERCULUS, II, II, 1-2.

 

 

 

Sur Tiberius

http://www.ualberta.ca/~csmackay/CLASS_366/Ti.Gracchus.1.html (en anglais)

http://www.barca.fsnet.co.uk/numantia-tiberius-gracchus.htm : le texte de Plutarque sur l'affaire de Numance (en Anglais)

Ce qu'on trouve dans les fragments de Dion Cassius

Les Romains reçurent à leur arrivée les ambassadeurs de Numance hors des murs pour que leur accueil ne puisse pas sembler impliquer l’acceptation d’une trêve. Cependant ils envoyèrent malgré tout des cadeaux en guise d’amitié car ils ne souhaitaient pas les priver de l’espoir de conclure un accord. Les amis de Mancinus montraient la nécessité qu'il avait eu de conclure un accord et le nombre de vies épargnées. Ils déclaraient qu'ils tenaient encore toutes leurs anciennes possessions en Espagne. Ils demandaient à leurs compatriotes de regarder cette affaire non pas à la lumière de leur sauvegarde présente mais de tenir compte du danger couru alors par les soldats et de ne pas considérer ce qui aurait dû être fait mais ce qui avait été possible. Les habitants de Numance de leur côté avaient beaucoup à redire de leur bonne entente passée envers les Romains et beaucoup à redire également sur l'injustice qui en avait découlé cad d’avoir été forcés à faire la guerre. Ils avaient à redire aussi sur le parjure de Pompeius.En échange ils demandaient un traitement clément pour Mancinus et les autres. Mais le Romans rompirent la trêve et décidèrent aussi de livrer Mancinus aux habitants de Numance

Dion Cassius, XXIII, 79.

Contexte historique :

La conquête de l'Espagne par les Romains ne fut pas de tout repos.

En 197, ils créèrent deux provinces : l'Espagne citérieure (pays de l'Ebre) et l'Espagne ultérieure (Andalousie). Les contacts avec les Celtibères furent très durs. C'est le père des Gracques qui mit fin au conflit en 179.
Beaucoup d'Italiens s'installèrent vers cette époque dans la partie minière. Ils fondèrent Gracchuris en 178, Carteia en 171 et Corduba en 152.
Les mines furent affermées et les publicains s'enrichirent. Les Espagnols se plaignirent au Sénat qui envoya des commissions d'enquête (commissions judiciaires exceptionnelles qui annoncent les quaestiones perpetuae.
De 154 à 133, les guerres furent continuelles. D'abord en Lusitanie avec le berger Viriathe (147-139) et contre les Celtibères. Les Espagnols eurent leur "Alesia" : la ville de Numance. Elle fut assiégée en 137 et ne fut détruite qu'en 133. Les défenseurs périrent au lieu de se rendre.

Ce qu'en dit Plutarque

IV. Tibérius, immédiatement sorti de l’enfance, eut une telle réputation qu'il fut admis dans le collège des augures en considération davantage de sa vertu que de sa haute naissance. On peut s'en rendre compte par Appius Claudius, ancien consul, ancien censeur et qui à cette époque était à la tête du sénat romain. C’était un homme supérieur et de grand mérite. Lors d’un repas public des augures, il s’adressa à Tibérius avec grande bonté et lui offrit sa fille en mariage. Tibérius accepta avec plaisir et l’accord fut ainsi conclu. En rentrant chez lui, à peine arrivé à la porte, Appius appela son épouse et cria du dehors à haute voix : "Antistia, j’ai trouvé un mari pour fille Claudia." Celle -ci, abasourdie, répondit "Pourquoi cette hâte, que signifie cette rapidité? Même si tu lui avais pris Tiberius Gracchus pour son mari.!" Je n’ignore pas que certains appliquent cette histoire à Tibérius, le père des Gracques et à Scipion l’Africain; mais la plupart la rapportent comme moi. De plus Polybe écrit qu’après la mort de Scipion l’Africain, la famille proche préféra, pour Cornélie, Tibérius à tous les autres prétendants et la lui donna en mariage. En effet son père ne l’avait promise à personne.
Le jeune Tibérius, en conséquence, servit en Afrique sous Scipion Emilien, qui avait épousé sa soeur. Il vivait sous la même tente que celui-ci. Il apprit vite à estimer l'esprit noble de son commandant, qui, par beaucoup d’exploits, était bien fait pour inspirer des sentiments d'émulation et pour désirer prouver son propre mérite dans l'action. En peu de temps il excella parmi tous les jeunes hommes de l'armée par son obéissance et son courage : il fut le premier à monter les murailles ennemies.

V. Après cette expédition, il fut nommé questeur et le sort le désigna pour la guerre contre Numance, sous la commandement du consul Caius Mancinus, homme sans mauvais caractère, mais le plus malheureux de tous les généraux romains. Or au milieu de ces grands malheurs et des échecs, non seulement l’intelligence et le courage de Tibérius, mais aussi, ce qui était encore plus admirable, le grand respect et l'honneur qu'il montra pour son général, furent vraiment remarquables, alors que le général lui-même, par la suite de ses déboires, avait oublié sa propre dignité et son propre grade. Battu dans diverses batailles, il essaya de s’éloigner durant la nuit et d’abandonner son camp. Les habitants de Numance s’en aperçurent et immédiatement ils s’emparèrent du camp, poursuivirent la partie des troupes en fuite et tuèrent ceux qui étaient à l'arrière. Ils cernèrent l'armée entière et l’acculèrent dans un endroit difficile, d'où il ne pouvait y avoir aucune possibilité d'évasion. Mancinus, désespérant de traverser par la force, envoya une ambassade pour demander une trêve et un traité de paix. Les Numantins refusèrent de donner leur confiance à personne d’autre qu’à Tibérius et exigèrent qu’on l’envoie. C'était non seulement à cause du caractère propre du jeune homme, parce que il avait une grande réputation parmi les soldats, mais également en souvenir de son père Tibérius, qui, lors d’une campagne contre les Espagnols, avait soumis un grand nombre d’eux, accordé la paix aux Numantins, et obligé les Romains à l’appliquer ponctuellement et loyalement. Donc Tibérius fut envoyé chez les ennemis et les persuada d'accepter plusieurs conditions alors que lui-même en acceptait d’autres. En conséquent, il est évident qu'il sauva vingt milles citoyens romains, sans compter les esclaves et les valets de camp.

Cependant, les Numantins s’emparèrent de tout ce qu’ils trouvèrent et qu’ils pillèrent dans le campement. Entre autres choses il y avait les registres de comptabilité de Tibérius contenant les toutes les transactions durant son activité de questeur : il voulait absolument les récupérer. Et donc, quand l'armée se mit en route, il revint à Numance accompagné seulement de trois ou quatre de ses amis. Il des fit reconnaître des officiers du Numance et les supplia de lui rendre ses livres de peur que ses ennemis ne puissent lui reprocher de ne pas pouvoir donner un explicatif de l’argent qu’on lui avait confié.
Les Numantins saisirent avec joie cette occasion de l'obliger et l’invitèrent à rentrer dans la ville. Alors qu’il hésitait ils sortirent de la ville, le prirent par la main et le prièrent de ne plus les considérer comme des ennemis mais de les traiter en amis et de se fier à eux. Tibérius décida d’accepter tout désireux qu'il était de retrouver ses livres et il avait peur de les désobliger en montrant une quelconque méfiance. Dès qu'il fut entré dans la ville ils lui offrirent d’abord de la nourriture et le supplièrent de s’asseoir et de manger quelque chose en leur compagnie. Ensuite ils lui rendirent ses livres et lui donnèrent la liberté de prendre ce qu'il voulait dans le reste du butin. Il n’accepta rien sauf l’encens qu'il employait dans ses sacrifices publics. Il leur dit adieu avec une expression de bonté et il partit.

Quand il rentra à Rome la transaction fut entièrement censurée et considérée comme une démarche indigne et scandaleuse pour des Romains. Mais ses amis et relations parmi les soldats qui faisaient nombre parmi le peuple vinrent soutenir Tibérius. Ils prétendaient que Tibérius avait sauvé beaucoup de citoyens et imputaient au général toutes les pertes qui s'étaient produites. Ceux qui se plaignaient de ce qui s’était passé, poussés à imiter l'exemple de leurs ancêtres qui avaient dépouillé et remis aux Samnites non seulement les généraux qui avaient consenti à leur libération mais aussi tous les questeurs et les tribuns qui étaient de quelque façon impliqués en étendant sur leurs têtes la culpabilité de parjure et la rupture de l’accord. Mais dans cette affaire le peuple montra une bonté et une affection extraordinaires pour Tibérius et vota que le consul devrait être mis à nu, enchaîné et livré ainsi aux Numantins. On épargna Tibérius et tous les autres officiers. Il est probable, aussi, que Scipion, qui à ce moment-là était le plus grand et le plus puissant homme parmi le Romains, contribua à le sauver. Mais il fut également critiqué de ne pas avoir aussi protégé Mancinus et de ne pas s’être donné la peine de ratifier les conditions de paix qui avaient été signées par son parent et ami Tibérius. Mais on peut penser que le désaccord entre eux était principalement dû à l’ambition de Tibérius et aux amis et philosophes qui le conseillaient mais ce désaccord n’alla jamais hors des. Je crois que Tibérius aurait jamais eu ses malheurs si Scipion avait été présent lors de ses mesures. Mais il était parti combattre à Numance quand Tibérius proposa ses mesures.

PLUTARQUE, Vies parallèles, Vies de Tibérius et Caius Gracchus, IV - VII

 

a, prép. : + Abl. : à partir de, après un verbe passif = par
adorno, as, are : orner, embellir
Africanus, a, um : africain
alioqui, adv. : par ailleurs
aliquis, a, id : quelqu'un, quelque chose
atque, conj. : et, et aussi
auctor, oris, m. : l'auteur, l'instigateur
bonus, a, um : bon (bonus, i : l'homme de bien - bona, orum : les biens)
Calpurnius, i, m. : Calpurnius
civitas, atis, f. : la cité, l'état
clarus, a, um : célèbre
condicio, onis, f. : la condition
consul, is, m. : le consul
creo, as, are : 1. créer, engendrer, produire 2. nommer un magistrat
deditio, onis, f. : la reddition, la soumission
denique, adv. : enfin
descisco, is, ere, scivui (ii), scitum : se détacher de, renoncer à
discrimen, inis, n. : la différence, la distinction, la ligne de démarcation, la position critique
dissensio, ionis, f. : la divergence, le désaccord, la dissension
eminens, entis : qui s'élève, saillant, proéminent
et, conj. : et. adv. aussi
ex, prép. : + Abl. : hors de, de
facio, is, ere, feci, factum : faire
fero, fers, ferre, tuli, latum : porter, supporter, rapporter
filia, ae, f. : la fille
filius, ii, m. : le fils
florentissimus, a, um : superlatif de florens, entis : fleurissant, florissant, heureux
foedus, deris, n. : le traité
Gracchus, i, m. : Gracchus
graviter, inv. : lourdement, gravement
ico, is, ere, ici, ictum : frapper
id, NOM-ACC N. SING. de is, ea, is : il, elle, le, la, ....
immanis, e : monstrueux, énorme
industria, ae, f. : l'application, l'activité, l'assiduité ; de, ex - : volontairement
infirmo, as, are : affaiblir
ingenium, ii, n. : l'esprit, l'intelligence
innocentissimus, a, um : superlatif de innocens, entis : inoffensif, innocent
iudicium, ii, n. : le jugement, la décision
L, abrév. : Lucius
Mancinus, i, m. : Caius Mancinus (consul)
metuo, is, ere, ui, utum : craindre
mortalis, e : mortel
moveo, es, ere, movi, motum : déplacer, émouvoir
Mucius, i, m. : Mucius
natura, ae, f. : la nature
nepos, otis, m. : le petit fils ; péj. : le dissipateur, le dépensier
nunc, adv. : maintenant
P, abréviation de Publius
perfectus, a, um : achevé, parfait
plebs, plebis, f. : la plèbe
poena, ae, f. : le châtiment (dare poenas : subir un châtiment)
propositum, i, n. : l'intention, le sujet traité, le projet
quaestor, oris, m. : le questeur
quantus, a, um, pr. excl et interr : quel (en parlant de grandeur)
quippe, inv. : car, assurément
quo, 1. Abl. M. ou N. du pronom relatif. 2. Abl. M. ou N. du pronom ou de l'adjectif interrogatif. 3. Faux relatif = et eo. 4. Après si, nisi, ne, num = aliquo. 5. Adv. =où ? (avec changement de lieu) 6. suivi d'un comparatif = d'autant 7. conj. : pour que par là
recipio, is, ere, cepi, ceptum : 1. retirer, ramener 2. reprendre 3. recevoir, accepter, admettre 4. se charger de
sanctissimus, a, um : superlatif de sanctus, a, um : sacré, inviolable, saint
Scaevola, ae, m. : Scaevola
se, pron. réfl. : se, soi
similis, e : semblable
sum, es, esse, fui : être
tantus, a, um : si grand ; -... ut : si grand... que
Ti, abréviation de Tiberius
tribunus, i, m. : le tribun ; tribunus pl. : le tribun de la plèbe
vel, adv. : ou, ou bien, même, notamment (vel... vel... : soit... soit...)
vir, viri, m. : l'homme, le mari
virtus, utis, f. : le courage, l'honnêteté
vita, ae, f. : la vie
texte
texte
texte
texte