Caius Gracchus

123

Pire que son frère

VELLEIUS PATERCULUS : Velleius Paterculus fut préfet de cavalerie de Tibère. Il écrivit une Histoire romaine allant du retour de Troie au règne de Tibère.

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Déjà les Periochae parlaient pour Caius de perniciosas leges à propos des lois proposées par celui-ci, plus d'un siècle plus tard, Velleius Paterculus n'est pas tendre pour Caius.

Decem deinde interpositis annis, qui Tib. Gracchum, idem Gaium, fratrem eius, occupavit furor, tam virtutibus eius omnibus, quam huic errori similem, ingenio etiam, eloquentiaque longe praestantiorem. Qui, cum summa quiete animi civitatis princeps esse posset, vel vindicandae fraternae mortis gratia, vel praemuniendae regalis potentiae, eiusdem exempli tribunatum ingressus, longe maiora et acriora repetens, dabat civitatem omnibus Italicis, extendebat eam paene usque Alpes, dividebat agros, vetabat quemquam civem plus quingentis iugeribus habere (quod aliquando lege Licinia cautum erat), nova constituebat portoria, novis coloniis replebat provincias, iudicia a senatu transferebat ad equites, frumentum plebi dare instituebat, nihil immotum, nihil tranquillum, nihil quietum, nihil denique in eodem statu relinquebat. Quin alterum etiam continuavit tribunatum.

VELLEIUS PATERCULUS, Histoire romaine, II,VI.

  vocabulaire

Dix ans s'étaient passées. La même fureur qui s'était emparée de Tibérius Gracchus s'empara de son frère. Il lui ressemblait autant par toutes ses qualités que par ses défauts. Mais il lui était de loin supérieur par son intelligence et son éloquence. Lui qui pouvait être le premier de la cité dans un grand repos de l'âme, soit pour venger la mort de son frère, soit pour se préparer un pouvoir royal, à son exemple il entra comme tribun, demandant des réformes beaucoup plus grandes et plus violentes. Il donnait le droit de cité à tous les Italiens, il l'étendait presque jusqu'aux Alpes, il partageait les terres, il interdisait à chaque citoyen de posséder plus de cinq cents arpents (ce qui avait été acquis jadis par la loi Licinia), il décidait de nouveaux péages portuaires, il remplissait de nouvelles colonies les provinces, il faisait passer du sénat aux chevaliers le pouvoir judiciaire, il décidait de distribuer du blé à la plèbe. Il ne laissait rien de calme, aucune tranquillité, aucun repos, finalement rien ne restait à sa place. Bien plus encore il voulut devenir une seconde fois tribun.

VELLEIUS PATERCULUS, Histoire romaine, II,VI.

 

 

 

I.  Portrait de Caius Gracchus par Mommsen dans son Histoire romaine

http://bcs.fltr.ucl.ac.be/ENC4/02.html

Gaius Gracchus (601-633), plus jeune de neuf ans que son frère, n'avait avec lui que bien peu de ressemblance. Comme Tiberius, il fuyait les joies et les habitudes grossières: comme lui, d'ailleurs, cultivé d'esprit et brave soldat. Il s'était distingué devant Numance, sous les ordres de son beau-frère, et plus tard en Sardaigne. Mais par le talent, le caractère et surtout l'ardeur, il dépassait de beaucoup la taille du premier des Gracques. A la sûreté de sa marche, à la netteté de ses vues, au milieu même des embarras les plus divers et parmi tant d'efforts déployés pour assurer le vote et l'exécution des lois nombreuses dont il se fit plus tard le promoteur, on ne peut méconnaître dans le jeune tribun l'homme d'État de premier ordre. De même, au dévouement entier et fidèle jusqu'à la mort de ses plus proches amis, on jugera quelles facultés aimantes enrichissaient cette noble nature. Durant neuf ans, il avait puisé à l'école de la douleur et des humiliations subies l'énergie de la volonté et de l'action: la flamme de sa haine, comprimée, mais non amoindrie au fond de sa poitrine, allait pouvoir enfin se déchaîner contre le parti coupable à ses yeux des maux de la patrie et du meurtre de son frère. La passion terrible qui s'agitait en lui en avait fait le premier des orateurs que Rome ait jamais entendus: sans cette passion et ses égarements, nous aurions à le compter sans doute parmi les plus grands politiques de son siècle. Que si nous jetons les yeux sur les rares débris de ses plus fameuses harangues, nous y retrouverons la trace d'une puissante et irrésistible parole: nous comprenons encore comment à l'entendre ou seulement à le lire, on se sentait emporté par l'ouragan de son discours. Toutefois, si grand orateur qu'il fût, la colère le dominait souvent, et alors le flot se troublait ou s'aheurtait, au plus fort de son éloquence. Image fidèle de sa carrière politique et de ses souffrances! Chez lui, plus rien de la veine sentimentale de Tiberius, de cette débonnaireté à vue courte et peu claire, recourant aux supplications et aux larmes pour ramener un adversaire politique. Entrant au contraire et sans broncher dans la voie de la révolution, il marche droit à son but et à sa vengeance! "Comme toi," lui écrit sa mère, "j'estime que rien n'est plus beau et plus grand [que la vengeance]: à la condition, toutefois, que la République en sorte saine et sauve! S'il n'en est point ainsi, que nos ennemis vivent et vivent longtemps et partout; qu'ils restent ce qu'ils sont, plutôt que de faire crouler et périr la patrie." Cornélie savait son fils par coeur. Il professait la maxime toute contraire. Il voulait se venger de ce misérable gouvernement, se venger à tout prix, dût Rome sombrer, et lui-même avec Rome! Se sentant voué au même destin précoce que son frère, il ne fit que se hâter davantage, pareil à l'homme mortellement blessé qui se précipite sur l'ennemi. La mère des Gracques pensait plus noblement, qui en doute? Mais la postérité, éprise du fils, de cette nature italienne si profondément passionnée et brûlante, a mieux aimé le plaindre que le blâmer. Elle n'a point eu tort en cela

(Mommsen, Histoire romaine, p.115-116).

II.  Les lois de Caius

http://www.cliohist.net/antique/rome/repub/cours/chap4.html

Lui aussi pense que le tribunat de la plèbe est un moyen politique puissant. En 124 il se fait élire pour l'année 123. Appien précise contre le sénat et de la manière la plus brillante.
L'action de Caius est beaucoup plus large que celle de Tiberius

1) Les mesures décidées

a. Les mesures agraires

Il s'appuie sur la lex Sempronia, dont il a été chargé de l'application. Il la modifie néanmoins sur quelques points, notamment en excluant les récupérations de terres de l'ager publicus appartenant aux sénateurs. C'est un souci de ménagement.
Il décide également de fonder des colonies pour des citoyens romains, deux en Italie (Scolacium-Minervia dans le Bruttium et Tarentum-Neptunia), et une à Carthage en Afrique (lex Rubria). Seulement Scipion Emilien avait déclaré l'espace sacer et maudit. Les gens ont considéré alors la chose comme un sacrilège et une provocation. C'est la première colonie romaine hors d'Italie et l'une des causes de la chute de Caius Gracchus.

b. Les mesures frumentaires

Elles sont regroupées dans la lex Sempronia frumentaria. Elle est votée en faveur des plus déshérités de Rome ; c'est une nouveauté. Chaque citoyen de Rome pauvre reçoit tout les mois cinq modii ; cinq boisseaux (45 L) de blé par mois à prix réduit.
Cette loi a le mérite de remédier au désordre de la production : à Rome on a désormais besoin d'une quantité minimum de blé. Selon Appien, la loi eut un contrecoup immédiat, lors de la seconde élection de Caius au tribunat de la plèbe. Cette illégalité sera une des causes de sa chute : on lui reprochera la tentative d'une dictature tribunicienne.

c. Mesures juridiques

Caius crée des tribunaux où les sénateurs sont à égalité avec les chevaliers. Ils sont 600 en tout, et c'est parmi ceux-ci que l'on choisit les juges. Caius casse ainsi le monopole judiciaire du Sénat.
La conséquence est le rapprochement entre les tribuns de la plèbe et les chevaliers. Et Caius va favoriser les chevaliers par des faveurs qui leur sont accordées, dont notamment la lex de Asia qui livre aux chevaliers et publicains l'exploitation de la nouvelle province d'Asie. Aussi la lex theatralis qui réserve aux chevaliers des places à part dans les monuments de spectacles.

2) L'échec de Caius Sempronius Gracchus

Jusqu'en 122, Caius réussit à se protéger, mais il va trop loin quand il veut donner la citoyenneté romaine aux latins et le ius latinum à tous les italiens. A terme, c'est l'accord de la citoyenneté romaine à toute l'Italie. Caius rencontre finalement l'hostilité du Sénat, mais aussi de ses amis et des chevaliers : ceux-ci qui étaient religieusement contre la fondation de Carthage.
C'est pourquoi il ne fut pas élu tribun de la plèbe une troisième fois. En 121, un décret fut voté pour mettre fin à la colonisation de Carthage. Caius résistant, le sénat prend un Senatus Consulte qui demande de tout faire pour empêcher qu'il arrivât malheur à la République. C'est un Senatus Consultum Ultimum. Sénateurs, consuls et chevaliers massacrèrent Caius Gracchus, Fulvius Flaccus et 3 000 de ses partisans.

 

 

a, prép. : + Abl. : à partir de, après un verbe passif = par
acrior, oris : comparatif de acer, acris, acre : vif, aigu
ad, prép. : + Acc. : vers, à, près de
ager, agri, m. : la terre, le territoire, le champ
aliquando, adv. : un jour, une fois
Alpes, ium, f. :les Alpes
alter, era, erum : l'autre (de deux)
animus, i, m. : le coeur, la sympathie, le courage, l'esprit
annus, i, m. : l'année
caveo, es, ere, cavi, cautum : faire attention, veiller à ce que (cautus, a, um : sûr, en sécurité, défiant, circonspect)
civis, is, m. : le citoyen
civitas, atis, f. : la cité, l'état
colonia, ae, f. : la ferme, la colonie
constituo, is, ere, tui, tutum :1. placer devant, dresser 2. fixer 3. établir, décider
continuo, as, are : faire suivre immédiatement, faire succéder sans interruption
cum, inv. :1. Préposition + abl. = avec 2. conjonction + ind. = quand, lorsque, comme, ainsi que 3. conjonction + subj. : alors que
decem, adj. num. : dix
deinde, adv. : ensuite
denique, adv. : enfin
divido, is, ere, visi, visum : diviser
do, das, dare, dedi, datum : donner
eam, 1. Acc. fem. sig. de IS-EA-ID = la (pronom), ce, cette 2. 1ère pers. sing. du Subj. Présent de IRE : aller
eius, Gén. Sing. de IS-EA-ID : ce, cette, son, sa, de lui, d'elle
eloquentia, ae, f. : l'éloquence
eques, itis, m. : le chevalier, le cavalier
error, oris, m. : l'erreur, la tromperie
et, conj. : et. adv. aussi
etiam, adv. : encore, en plus, aussi, même, bien plus
exemplum, i, n. : l'exemple
extendo, is, ere, tendi, tensum (tum) : étendre, étirer, allonger, élargir
frater, tris, m. : le frère
fraternus, a, um : de frère, fraternel
frumentum, i, n. : le blé
furor, oris, m. : la fureur, la folie furieuse
Gaius, i, m. : Gaius, Caius
Gracchus, i, m. : Gracchus
gratia, ae, f. : la grâce, la reconnaissance (gratias agere = remercier), gratia + Gén : en vue de
habeo, es, ere, bui, bitum : avoir (en sa possession), tenir (se habere : se trouver, être), considérer comme
hic, haec, hoc : adj. : ce, cette, ces, pronom : celui-ci, celle-ci
hic, adv. : ici
idem, eadem, idem : le (la) même
immotus, a, um : sans mouvement, immobile
in, prép. : (acc. ou abl.) dans, sur, contre
ingenium, ii, n. : les qualités innées, le caractère, le talent, l'esprit, l'intelligence
ingredior, eris, i, gressus sum : entrer
instituo, is, ere, tui, tutum : organiser, entreprendre
interpono, is, ere, posui, positum : placer entre, opposer
Italicus, a, um : italien
iudicium, ii, n. : le jugement, la décision
iugera, um, n. : l'arpent, le jugère
lex, legis, f. : la loi, la (les) condition(s) d'un traité
Licinius, a, um : de Licinius
longe, inv. : longuement, au loin
maior, oris : comparatif de magnus. plus grand. maiores, um : les ancêtres)
mors, mortis, f. : la mort
nihil, indéfini : rien
novus, a, um : nouveau
occupo, as, are : se saisir de, envahir, remplir, devancer, couper (la parole)
omnis, e : tout
paene, adv. : presque
plebs, plebis, f. : la plèbe
plus, adv. : plus, davantage
portorium, i, n. : le péage
possum, potes, posse, potui : pouvoir
potentia, ae, f. : la puissance
praemunio, is, ire, ivi, itum : fortifier d'avance
praestantior, oris : comparatif de praestans, antis : supérieur, remarquable
princeps, ipis, n. m. et adj. : premier, chef, empereur
provincia, ae, f. : la province
quam, 1. accusatif féminin du pronom relatif = que 2. accusatif féminin sing de l'interrogatif = quel? qui? 3. après si, nisi, ne, num = aliquam 4. faux relatif = et eam 5. introduit le second terme de la comparaison = que 6. adv. = combien
qui, 1. N.M. S., N. M. PL. du pronom relatif = qui 2. faux relatif = et is - et ei 3. NMS ou N.M.PL. de l'interrogatif = qui? quel? 4. après si, nisi, ne, num = aliqui 6. en quoi
quies, etis, f. : la tranquillité, le repos
quietus, a, um : paisible, calme, sans ambition
quin, inv. : pourquoi ne... pas ?, bien plus, construction des verbe de doute négatifs (non dubito quin)
quingenti, ae, a : cinq cents
quisquam, quaequam, quidquam ou quic- : quelque, quelqu'un, quelque chose
quod, 1. pronom relatif nom. ou acc. neutre singulier : qui, que 2. faux relatif = et id 3. conjonction : parce que, le fait que 4. après si, nisi, ne, num = aliquod = quelque chose 5. pronom interrogatif nom. ou acc. neutre sing. = quel?
regalis, e : royal, de roi, digne d'un roi
relinquo, is, ere, reliqui, relictum : laisser, abandonner
repeto, is, ere, ivi/ii, titum : chercher de nouveau, chercher à récupérer
repleo, es, ere, evi, etum : remplir
senatus, us, m. : le sénat
similis, e : semblable
status, us, m. : l'attitude, la position, la forme de gouvernement, le bon état
sum, es, esse, fui : être
summus, a, um : superlatif de magnus. très grand, extrême
tam, adv. : si, autant
Tib, abrév. : Tiberius
tranquillus, a, um : calme, tranquille
transfero, fers, ferre, tuli, latum : transporter, transférer, transcrire
tribunatus, us, le tribunat
usque, prép. : usque ad, jusqu'à
vel, adv. : ou, ou bien, même, notamment (vel... vel... : soit... soit...)
veto, as, are, ui, itum : interdire
vindico, as, are : revendiquer, réclamer
virtus, utis, f. : le courage, l'honnêteté
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