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DION CASSIUS

HISTOIRE ROMAINE

livre XLI

 

-49

MUTINERIE DES SOLDATS DE LE NEUVIÈME LÉGION DE CÉSAR  

 

 


Révolte militaire à Plaisance: discours de César

47 Et pendant les mêmes jours, Antoine vaincu par Octavius, qui commandait au service de Pompée contre Dolabella, tandis qu'une autre armée de César se mutinait du côté de Plaisance - les soldats reprochant violemment à leurs chefs de faire traîner la campagne et de ne pas leur donner les cinq mines que César leur avait promis en prime quand il se trouvait encore à Brindes. À cet nouvelle, César se précipita aussitôt de Marseille à Plaisance, alla trouver les soldats encore en pleine mutinerie et leur tint ce discours : « La vitesse avec laquelle je traite chaque affaire vous est bien connue ; mais la guerre traîne, non de notre chef, mais à cause de nos ennemis, qui se dérobe devant nous. Et vous, qui, en Gaule, avez tiré bien des profits de mon commandement, et qui m'avez prêté serment pour la durée totale de cette guerre, et non pour une partie de celle-ci, vous nous abandonnez au milieu des opérations, vous vous rebellez contre vos chefs et vous prétendez donner des ordres à ceux dont vous devez les recevoir. Après donc vous avoir rappelé ce qu'a été ma libéralité à votre égard jusqu'à présent, je vais recourir à l'usage ancestral et, dans la neuvième légion puisque c'est elle, surtout, qui a pris l'initiative de la mutinerie, je vais tirer au sort un homme sur dix à exécuter. » Une lamentation générale éclata alors dans la légion tout entière, dont les chefs tombèrent à ses pieds pour le supplier, et César, ne mollissant que difficilement et peu à peu, en arriva cependant à concéder que seulement cent vingt hommes, les meneurs présumés, seraient désignés et que douze d'entre eux, tirés au sort, seraient exécutés. Or il s'avéra que l'un de ces douze hommes n'était même pas là quand la mutinerie avait commencé : et César fit tuer à sa place le centurion qui l'avait dénoncé.

(Appien, Guerres civiles, livre II)

LXIX. Sa fermeté devant ses troupes séditieuses

(1) Pendant les dix années de la guerre des Gaules, il ne s'éleva aucune sédition dans l'armée de César. Il y en eut quelques-unes pendant la guerre civile; mais il les apaisa sur-le-champ, et par sa fermeté bien plus que par son indulgence; (2) car il ne céda jamais aux mutins, et leur tint toujours tête. Près de Plaisance, il licencia ignominieusement toute la neuvième légion, quoique Pompée fût encore sous les armes, et ce ne fut qu'avec beaucoup de peine, ce ne fut qu'après les plus nombreuses et les plus pressantes supplications, qu'après le châtiment des coupables, qu'il consentit à la rétablir.

(Suétone, Vie de César)

 

Révolte dans l'armée de César.

Cependant César revenait vainqueur des plaines de l'Ibérie et portait ses aigles triomphantes en de nouveaux climats ; lorsqu'au milieu de ses prospérités il vit le moment où les dieux en allaient rompre à jamais le cours. Ce chef, que la guerre n'avait pu dompter, fut prêt à perdre, au milieu de son camp, le fruit de toits ses attentats. Le soldat, longtemps fidèle, mais rassasié de sang, avait résolu de l'abandonner, soit que le silence des trompettes eût donné aux esprits le temps de se calmer et que l'épée refroidie dans le fourreau se refusât aux horreurs de la guerre, soit que l'avarice des troupes demandant un plus haut salaire leur eût fait répudier et le chef et sa cause et mettre à prix leurs glaives déjà souillés de sang.
Jamais César mieux que dans cette crise n'avait éprouvé combien peu solide et peu stable était le faîte des grandeur, d'où il voyait à ses pieds le monde, et quels faibles appuis étayaient son pouvoir. Semblable à un corps mutilé dont on a retranché les membres et réduit presque à son épée, lui qui venait de voir marcher tant de peuples sous ses drapeaux, il apprit que les glaives une fois tirés, appartenaient aux soldats et non pas au chef. Ce n'est pas un murmure timide ni un ressentiment caché au fond des coeurs : cette crainte qui réprime les mouvement séditieux d'une populace irritée, et qui la fait trembler devant ceux qui devant elle auraient tremblé ; la crainte de se trouver seul révolté contre le tyran n'arrête pas ici les mutins ; toute l'armée avec la même audace a secoué le frein de l'obéissance ; et quand le crime est celui du grand nombre, il est sûr de l'impunité.

Plaintes et menaces des soldats.

Les soldats se répandirent en menaces. "Laisse-nous, César, dirent-ils, laisse-nous enfin nous soustraire à cette rage impie. Tu ne cherches par mer et par terre que des mains pour nous égorger. Tu nous abandonnes comme une vile proie au premier ennemi qui se présente. La Gaule t'a enlevé une partie de nos légions; une autre partie a succombé aux durs travaux de la guerre d'Espagne ; une autre est couchée dans l'Hespérie : dans tous les pays du monde nous te faisons vaincre en périssant. Que nous revient-il d'avoir arrosé de notre sang les campagnes du Nord et fait couler le Rhône et le Rhin sous tes lois ? Pour récompense de tant de guerres, tu nous donnes la guerre civile ! Quand nous t'avons livré notre patrie, après en avoir chassé le sénat, de quel temple nous as-tu permis le pillage ? Il n'est point de forfaits que nous n'ayons commis : nos armes, nos mains sont criminelles ; notre pauvreté seule nous déclare innocents. Où tendent tes armes ? et quand diras-tu c'est assez, si pour toi c'est trop peu de Rome ? Vois cos cheveux blanchis ; vois nos mains épuisées, nos bras amaigris ; le peu de vie qui nous reste se consume dans les combats. Permets à des vieillards d'aller mourir en paix. Que te demandons-nous enfin ? De ne pas tomber expirants sur le revers d'une tranchée ; de chercher une main qui nous ferme les yeux ; d'expirer sur le sein d'une épouse, arrosés de ses larmes et sûrs d'avoir chacun notre bûcher. Laisse la maladie terminer notre vieillesse ; qu'il y ait sous César une autre mort que celle que donne le fer. Sous quels appas crois-tu nous cacher les forfaits auxquels tu nous destines ? Et de tous les crimes de la guerre civile, ne savons-nous pas quel est celui qui serait payé le plus cher ? Tu nous as vus dans les combats ; tu sais de quoi nous sommes capables. Faut-il encore t'apprendre qu'il n'est rien de sacré pour nous ? pas un lien, pas un devoir qui nous retienne ? Sur le Rhin, César fut notre chef ; il est ici notre complice. Le crime rend égaux tous ceux qu'il souille. Et à quoi bon nous sacrifier pour un ingrat qui méconnaît la valeur et le zèle ? Tout ce que nous faisons, il l'attribue au destin. Qu'il sache que c'est nous qui sommes pour lui le destin. Tu as beau te flatter, César, que tous les dieux te seront soumis, la révolte de tes soldats irrités te dicte la paix."
Après ce discours, ils commencent à se répandre dans la camp, et profèrent des cris de mort contre César. Justes dieux, faites qu'ils persistent ! puisqu'il n'y a plus dans les coeurs ni piété ni bonne foi, et que la perte des moeurs est notre unique ressource ; faites que la révolte termine la guerre civile.

César se présente hardiment aux séditieux

Quel chef n'eût pas été effrayé d'une semblable rébellion ? Mais César, qui se fait une joie de suivre sa destinée à travers des précipices, et d'exercer sa fortune à vaincre les plus grands périls, César se présente, et sans attendre que l'emportement des soldats s'apaise, il se hâte de les surprendre dans l'excès de leur fureur. Si son armée lui eût demandé le pillage des villes, des temples, du Capitole même ; si elle eût voulu qu'on lui livrât les mères et les femmes des sénateurs, César y eût consenti : tout ce qui est violent et cruel lui convient ; c'est le droit, c'est le prix de la guerre. Il ne craint de trouver dans les âmes que la raison et l'équité. Quoi ! César, tu n'as point de honte de chérir une guerre que tes soldats détestent ! Ils seront plutôt que toi rassasiés de sang ! Le droit de l'épée leur est odieux ; et toi seul, par toutes les voies, tu suis tes violents projets ! Commence à te lasser du crime ; consens à te voir désarmé. Qu'espères-tu, cruel ? A quoi veux-tu forcer ces soldats qui te résistent ? C'est la guerre civile qui t'échappe.
César parut appuyé sur le retranchement, avec un visage intrépide ; et inaccessible à la crainte, il mérita de l'inspirer. Il parle, et adresse aux soldats ces mots dictés par la colère.

Son discours.

"Celui qu'absent vous menaciez de l'œil et de la main, soldats, il est présent : le voici sans défense, et le sein découvert, il s'expose à vos coups. Si vous voulez finir la guerre, frappez ; c'est ici qu'en fuyant il faut laisser vos épées. Une sédition qui n'ose rien de grand, n'annonce que des lâches, qui sont las de marcher sous un chef invincible, et ne demandent qu'à s'enfuir. Retirez-vous, et me laissez accomplir sans vous mes destins. Bientôt ces armes trouveront des mains dignes de les porter. A peine vous aurai-je chassés, que la fortune va m'offrir autant de soldats qu'il vaquera de glaives. Pompée trouve dans sa fuite des peuples nombreux empressés à le suivre ; et à moi la victoire ne me donnerait pas une foule d'hommes obscurs, pour recueillir les fruits d'une guerre dont le succès est décidé ! On les verra, sans avoir reçu de blessures, chargés des dépouilles qui devaient être le prix de vos travaux, suivre mes chars couverts de lauriers. Et vous, vieillards blanchis sous mes enseignes, et dont la guerre a épuisé le sang, confondus avec la populace de Rome, vous serez, comme elle, spectateurs oisifs de mon entrée triomphante. Vous flattez-vous, par votre fuite, de retarder le cours de mes succès ? Si tous les fleuves menaçaient l'Océan de lui dérober le tribut de leurs eaux, l'Océan ne serait pas plus diminué qu'il n'est aujourd'hui gonflé par eux. Croyez-vous avoir donné quelque poids à ma fortune ? Non, non, les dieux ne s'abaissent pas jusqu'à s'occuper de votre salut ou de votre perte. Le monde est subordonné au destin des grands, et le genre humain ne vit que pour un petit nombre d'hommes. Les mêmes soldats qui sous moi ont fait tremper le couchant et le nord, seraient en fuite sous Pompée. Labiénus était un héros dans mes armées, à présent c'est un vil transfuge qui parcourt la terre et les mers avec le chef qu'il m'a préféré. Et ne croyez pas que je vous sache gré d'être moins parjures que lui, en ne portant les armes ni pour ni contre moi. Celui qui abandonne mes drapeaux, qu'il suive ou non les drapeaux de Pompée, ne sera jamais un des miens. Ah ! je reconnais la protection des dieux, ils ne veulent pas m'exposer à de nouveaux combats avant d'avoir changé d'armée. Et de quel poids ils me soulagent en me donnant lieu de désarmer, et de renvoyer sans aucun salaire, des hommes qui devaient tout attendre de moi, et que la dépouille du monde aurait à peine récompensés ! C'est pour moi désormais que je ferai la guerre. Sortez de mon camp, quirites ; laissez porter mes drapeaux à des hommes. Je ne retiens que le petit nombre des auteurs de la trahison, et je les retiens, non pour me servir, mais pour subir la peine de leur crime. A genoux, perfides, dit-il à ceux-ci ; prosternez-vous, et tendez la tête au fer vengeur. Et vous, jeune milice qu'on n'a point corrompue, et qui dès à présent faites la force de mes armes, regardez le supplice des traîtres apprenez à frapper, apprenez à mourir."

Les chefs de la révolte sont punis, et l'armée rentre dans le devoir.

Toute l'armée immobile tremble à sa voix menaçante. Cette multitude craint un homme, qu'il dépend d'elle de rendre son égal. Il semble qu'il commande aux épées, et que le fer dans la main des soldats lui obéisse en dépit d'eux. Un moment il craignit que les troupes ne s'opposassent au châtiment qu'il ordonnait ; mais leur soumission passa son espérance. Il ne demandait que leurs glaives, ils lui présentèrent leur sein. César n'avait garde de vouloir perdre des hommes endurcis au crime il n'en fit mourir qu'un petit nombre. Leur sang fut le sceau de la paix : et la révolte fut apaisée.

(Lucain, la Pharsale, livre 5)

26. Καὶ στρατιωτῶν τινων ἐν Πλακεντίᾳ στασιασάντων καὶ μηκέτ' ἀκολουθῆσαί οἱ ἐθελόντων, πρόφασιν μὲν, ὡς τεταλαιπωρημένων, τὸ δ' ἀληθὲς, ὅτι μήτε τὴν χώραν διαρπάζειν, μήτε τἆλλα ὅσα ἐπεθύμουν, ποιεῖν αὐτοῖς ἐπέτρεπε ( καὶ γὰρ ἤλπιζον οὐδενὸς ὅτου οὖν οὐ τεύξεσθαι παρ' αὐτοῦ, ἅτε καὶ ἐν χρείᾳ τοσαύτῃ σφῶν ὄντος)· οὐχ ὑπεῖξεν, ἀλλὰ συγκαλέσας, καὶ ἐκείνους, καὶ τοὺς ἄλλους, τῆς τε παρ' αὐτῶν ἀσφαλείας ἕνεκα, καὶ ἵνα τῶν τε λεγομένων ἀκούσαντες, καὶ τοὺς κολαζομένους ἰδόντες, μηδὲν ἔξω τῶν καθηκόντων ἐθελήσωσι πρᾶξαι, ἔλεξε τάδε.
27. « Ἐγώ, ὦ ἄνδρες στρατιῶται, βούλομαι μὲν φιλεῖσθαι ὑφ' ὑμῶν, οὐ μέντοι καὶ συνεξαμαρτάνειν ἂν ὑμῖν διὰ τοῦθ' ἑλοίμην. Ἀγαπῶ τε γὰρ ὑμᾶς, καὶ ἐθέλοιμ' ἄν, ὡς πατὴρ παῖδας, καὶ σώζεσθαι καὶ εὐθενεῖν καὶ εὐδοξεῖν. Μὴ γάρ τοι νομίσητε φιλοῦντος ἔργον εἶναι, τὸ συγχωρεῖν τισιν ἃ μὴ προσήκει πράττειν, ἐξ ὧν καὶ κινδύνους καὶ ἀδοξίας ἀνάγκη πᾶσα αὐτοῖς συμβαίνειν· ἀλλὰ τό τε τὰ ἀμείνω αὐτοὺς διδάσκειν, καὶ τὸ τῶν χειρόνων ἀπείργειν, καὶ νουθετοῦντα καὶ σωφρονίζοντα. Γνώσεσθε δὲ ὅτι τἀληθῆ λέγω, ἂν μήτε πρὸς τὸ αὐτίκα ἡδὺ τὸ συμφέρον κρίνητε μᾶλλον ἢ πρὸς τὸ ἀεὶ ὠφέλιμον· μήτε τὸ τὰς ἐπιθυμίας ἐκπιμπλάναι γενναῖον μᾶλλον ἢ τὸ κρατεῖν αὐτῶν, νομίσητε εἶναι. Αἰσχρὸν μὲν γὰρ, παραχρῆμά τι ἡσθέντας, ὕστερον μεταγνῶναι· δεινὸν δὲ, τὸ τῶν πολεμίων κρατοῦντας ἡδονῶν τινων ἡττᾶσθαι.
28. « Πρὸς οὖν τί ταῦτα λέγω; ὅτι τὰ ἐπιτήδεια ἀφθόνως ἔχοντες ( λέξω γὰρ μετὰ παρρησίας, μηδὲν ὑποστειλάμενος· τήν τε γὰρ μισθοφορὰν ἐντελῆ καὶ κατὰ καιρὸν λαμβάνετε, καὶ τῆς τροφῆς ἀεὶ καὶ πανταχοῦ πολλῆς ἐμπίμπλασθε), καὶ μήτε πόνον τινὰ ἄδοξον, μήτε κίνδυνον ἀνωφελῆ ὑπομένοντες, καὶ προσέτι τῆς μὲν ἀνδραγαθίας πολλὰ καὶ μεγάλα γέρα καρπούμενοι, τῶν δ' ἁμαρτημάτων σμικρὸν ἢ οὐδὲν ἐπιτιμώμενοι, οὐκ ἀξιοῦτε τούτοις ἀρκεῖσθαι. Λέγω δὲ ταῦτα οὐ πρὸς πάντας ὑμᾶς ( οὐδὲ γὰρ τοιοῦτοί ἐστε), ἀλλὰ πρὸς ἐκείνους μόνους, οἵτινες τῇ ἑαυτῶν πλεονεξίᾳ καὶ τοὺς ἄλλους διαβάλλουσιν. Ὑμεῖς μὲν γὰρ οἱ πολλοὶ καὶ πάνυ ἀκριβῶς καὶ καλῶς τοῖς τε παραγγέλμασι τοῖς ἐμοῖς πείθεσθε, καὶ τοῖς ἤθεσι τοῖς πατρίοις ἐμμένετε. Καὶ διὰ τοῦτο καὶ χώραν τοσαύτην καὶ πλοῦτον καὶ δόξαν ἐκτήσασθε. Ὀλίγοι δὲ δή τινες πολλὴν αἰσχύνην καὶ ἀδοξίαν ἅπασιν ἡμῖν προστρίβονται. Καίτοι ἔγωγε πρότερον σαφῶς ἐπιστάμενος τοιούτους αὐτοὺς ὄντας (οὐδὲν γάρ μοι τῶν ὑμετέρων ἀμελές ἐστιν), οὐ προσεποιούμην εἰδέναι, νομίζων σφᾶς ἀμείνους, ἐκ τοῦ λαθεῖν ἂν δοκεῖν ἁμαρτόντας τινὰ, γενήσεσθαι, τοῦ μὴ πλεονάσαντάς ποτε καὶ ἐφ' οἷς συνεγνώσθησαν κολασθῆναι· ἐπεὶ μέντοι αὐτοί τε ὡς καὶ ἐξόν σφισι πάνθ' ὅσα βούλονται πράττειν ( ὅτι μὴ κατὰ πρώτας εὐθὺς ἐδικαιώθησαν) ὑπερθρασύνονται, καὶ τοὺς ἄλλους τοὺς μηδὲν πλημμελοῦντας προσστασιάζειν ἐπιχειροῦσιν· ἀναγκαῖόν ἐστί μοι θεραπείαν τέ τινα καὶ ἐπιστροφὴν αὐτῶν ποιήσασθαι.
29. Οὔτε γὰρ ἄλλο τι σύστημα ἀνθρώπων συμμεῖναι καὶ σωθῆναι δύναται, ἂν μὴ τὸ κακουργοῦν σωφρονίζηται. Τὸ γάρ τοι νοσῆσαν ἂν μὴ τὴν προσήκουσαν ἴασιν λάβῃ, συγκάμνειν καὶ τὸ λοιπὸν πᾶσιν ὥσπερ ἐν τοῖς σώμασι, ποιεῖ· ἐν δὲ δὴ ταῖς στρατιαῖς ἥκιστα· διότι αὐτοί τε ἰσχὺν ἔχοντες, τολμηρότεροι γίγνονται, καὶ τοὺς ἀγαθοὺς προσδιαφθείρουσιν, ἀθυμοτέρους ποιοῦντες, ὡς οὐδὲν ὄφελος ἐκ τοῦ δικαιοπραγεῖν ἕξοντας. Παρ' οἷς γὰρ ἂν τὸ θρασυνόμενον πλεονεκτῇ, παρὰ τούτοις ἀνάγκη τὸ ἐπιεικὲς ἐλαττοῦσθαι· καὶ ἐν οἷς ἂν ἀδικία ἀτιμώρητος ᾖ, καὶ τὸ σωφρονοῦν ἀγέραστον γίγνεται. Τί μὲν γὰρ ἂν ὑμεῖς ἀγαθὸν ποιεῖν ἐθελήσετε, εἰ μηδὲν οὗτοι κακὸν δρῶσιν· πῶς δ' ἂν εἰκότως τιμᾶσθαι φήσετε, ἂν μὴ τὴν δικαίαν οὗτοι τιμωρίαν ὑπόσχωσιν; ἢ ἀγνοεῖτε τοῦθ', ὅτι ἂν τὸ μὲν τῶν φόβων τῆς δίκης ἐλευθερωθῇ, τὸ δὲ τῆς ἐλπίδος τῶν ἄθλων στερηθῇ, ἀγαθὸν μὲν οὐδὲν, κακὰ δὲ μυρία ἀπεργάζεται; ὥστ' εἴπερ ἀρετὴν ὄντως ἀσκεῖτε, μισήσατε μὲν τούτους ὡς πολεμίους. Οὐ γάρ που φύσει τινὶ τὸ φίλιον ἀπὸ τοῦ ἐχθροῦ διακέκριται, ἀλλὰ τοῖς τε τρόποις καὶ ταῖς πράξεσι διορίζετα·, ὧν ἀγαθῶν μὲν ὄντων, πᾶν καὶ τὸ ἀλλότριον οἰκειοῦται· πονηρῶν δὲ, πᾶν καὶ τὸ συγγενὲς ἀλλοτριοῦται.
30. « Ἀπολογήσασθε δὲ ὑπὲρ ὑμῶν αὐτῶν. Ἀνάγκη γὰρ καὶ ἡμᾶς δι' αὐτοὺς πάντας κακῶς ἀκούειν, καὶ εἰ μηδὲν ἀδικοῦμεν. Πᾶς γάρ τις πυνθανόμενος τό τε πλῆθος ἡμῶν καὶ τὴν ὁρμήν, ἐς πάντας ἡμᾶς καὶ τὰ τοῖς ὀλίγοις πλημμελούμενα ἀναφέρει. Καὶ οὕτω τῶν πλεονεξιῶν οὐ συμμετέχοντες αὐτοῖς, τῶν ἐγκλημάτων τὸ ἴσον φερόμεθα. Τίς γὰρ ἂν οὐκ ἀγανακτήσειεν, ἀκούων ὄνομα μὲν ἡμᾶς Ῥωμαίων ἔχοντας, ἔργα δὲ Κελτῶν δρῶντας; τίς δ' ὁρῶν οὐκ ἂν ὀδύραιτο τὴν Ἰταλίαν ὁμοίως τῇ Βρεττανίᾳ πορθουμένην; πῶς δ' οὐ δεινὸν τὰ μὲν τῶν Γαλατῶν τῶν καταπολεμηθέντων μηκέθ' ἡμᾶς λυπεῖν, τὰ δὲ ἐντὸς τῶν Ἄλπεων, ὥς τινας Ἠπειρώτας, ἢ Καρχηδονίους, ἢ Κίμβρους πορθεῖν; πῶς δ' οὐκ αἰσχρὸν, σεμνύνεσθαι μὲν ἡμᾶς, καὶ λέγειν, ὅτι ἡμεῖς πρῶτοι Ῥωμαίων καὶ τὸν Ῥῆνον διέβημεν, καὶ τὸν ὠκεανὸν ἐπλεύσαμεν, τὴν δὲ οἰκείαν, ἀπαθῆ κακῶν ἀπὸ τῶν πολεμίων οὖσαν, διαρπάσαι; καὶ ἀντὶ μὲν ἐπαίνου μέμψιν, ἀντὶ δὲ τιμῆς ἀτιμίαν, ἀντὶ δὲ κερδῶν ζημίας, ἀντὶ δὲ ἄθλων τιμωρίας λαβεῖν;
31. « Μὴ γάρ τοι νομίσητε μήθ', ὅτι στρατεύεσθε, κρείττους παρὰ τοῦτο τῶν οἴκοι πολιτῶν εἶναι. Ῥωμαῖοι γάρ ἐστε ἀμφότεροι· καὶ ὁμοίως ὑμῖν καὶ ἐκεῖνοι καὶ ἐστρατεύσαντο καὶ στρατεύσονται· μήθ', ὅτι ὅπλα ἔχετε, ἐξεῖναι ὑμῖν κακουργεῖν. Οἵ τε γὰρ νόμοι κυριώτεροι ὑμῶν εἰσιν· καὶ πάντως ποτὲ καὶ ταῦτα καταθήσεσθε. Μὴ μέντοι μηδὲ τῷ πλήθει θαρσεῖτε. Πολὺ γὰρ πλείους ὑμῶν οἱ ἀδικούμενοι, ἄν γε καὶ συστραφῶσιν, εἰσί. Συστραφήσονται δέ, ἂν τοιαῦτα ποιῆτε. Μηδ' ὅτι τοὺς βαρβάρους ἐνικήσατε, καὶ τούτων καταφρονεῖτε, ὧν οὐδὲν οὔτε κατὰ γένος, οὔτε κατὰ παιδείαν, οὐκ ἐκ τῆς τροφῆς, οὐκ ἐκ τῶν ἐπιτηδευμάτων, διαφέρετε· ἀλλ' ὥσπερ που καὶ προσῆκον καὶ συμφέρον ἐστὶν ὑμῖν, μήτε βιάζεσθέ τινα αὐτῶν, μήτ' ἀδικεῖτε· ἀλλὰ τά τε ἐπιτήδεια παρ' ἑκουσίων σφῶν λαμβάνετε, καὶ τὰ γέρα παρ' ἑκόντων προσ δέχεσθε.
32. « Πρὸς γὰρ δὴ τοῖς εἰρημένοις, τοῖς τε ἄλλοις, ὅσα ἄν τις μηκύνων περὶ τῶν τοιούτων διεξέλθοι, καὶ ἐκεῖνο δεῖ ὑμᾶς προσλογίζεσθαι, ὅτι νῦν ἡμεῖς ἐνταῦθ' ἥκομεν, ἵνα τῇ τε πατρίδι ἀδικουμένῃ βοηθήσωμεν, καὶ τοὺς κακουργοῦντας αὐτὴν ἀμυνώμεθα. Ἐπεὶ εἴγε ἐν μηδενὶ δεινῷ ἦν, οὔτ' ἂν ἐς τὴν Ἰταλίαν μετὰ τῶν ὅπλων ἤλθομεν ( οὐ γὰρ ἔξεστιν), οὔτ' ἂν τά τε τῶν Κελτῶν καὶ τὰ τῶν Βρεττανῶν ἀτέλεστα κατελίπομεν, δυνηθέντες ἂν καὶ ἐκεῖνα προσκατεργάσασθαι. Οὐκοῦν πῶς μὲν οὐκ ἄτοπον, ἐπὶ τῇ τῶν ἀδικούντων τιμωρίᾳ παρόντας ἡμᾶς, μηδὲν ἧττον ἐκείνων πλεονεκτοῦντας φανῆναι; πῶς δ' οὐ σχέτλιον, πρὸς ἐπικουρίαν τῆς πατρίδος ἀφιγμένους, συμμάχων αὐτὴν ἑτέρων ἀναγκάσαι καθ' ἡμῶν δεηθῆναι; καίτοι ἔγωγε τοσοῦτον περιεῖναι τοῖς δικαιώμασι τοῦ Πομπηίου νομίζω, ὥστε καὶ ἐς δίκην πολλάκις αὐτὸν προκαλέσασθαι· καὶ ἐπειδή γε μὴ ἠθέλησεν εἰρηνικῶς ὑπὸ τοῦ συνειδότος διακριθῆναι, πάντα μὲν τὸν δῆμον πάντας δὲ τοὺς συμμάχους ἐλπίσαι διὰ τοῦτο προσθήσεσθαι· ἀλλὰ νῦν, ἄν γε καὶ τοιαῦτα ποιῶμεν, οὔτ' αὐτὸς ἐπιτήδειόν τι ἕξω προίίσχεσθαι, οὔτε ἐκείνοις ἀνεπιεικὲς ἐγκαλέσαι. Δεῖ δὲ δὴ καὶ τοῦ δικαίου πᾶσαν ἡμᾶς πρόνοιαν ποιεῖσθαι· μετὰ μὲν γὰρ τούτου καὶ ἡ παρὰ τῶν ὅπλων ἰσχὺς εὔελπίς ἐστιν· ἄνευ δ' ἐκείνου βέβαιον οὐδέν, κἂν παραυτίκα τις κατορθώσῃ τι, ἔχει.
33. « Καὶ ὅτι ταῦθ' οὕτω πέφυκε, καὶ ὑμῶν οἱ πλείους ἐπίστανται. Πάντα γοῦν τὰ προσήκοντα ἀπαράκλητοι πράττετε. Ὅθεν που καὶ ἐγὼ συνεκάλεσα ὑμᾶς, ἵνα καὶ μάρτυρας καὶ ἐπόπτας τῶν τε λεγομένων καὶ τῶν πραττομένων ποιήσωμαι. Ἀλλ' ὑμεῖς μὲν οὐ τοιοῦτοί ἐστε, καὶ διὰ ταῦτα καὶ ἐπαινεῖσθε. Ὀλίγοι δὲ δή τινες ὁρᾶτε ὅπως, πρὸς τῷ πολλὰ κεκακουργηκέναι, καὶ μηδεμίαν αὐτῶν δίκην δεδωκέναι, καὶ προσεπαπειλοῦσιν ἡμῖν. Οὐ μέντοι καὶ ἐγὼ οὔτ' ἄλλως καλὸν εἶναι νομίζω, ἄρχοντά τινα τῶν ἀρχομένων ἡττᾶσθαι, οὔτ' ἂν σωτήριόν τι γενέσθαι ποτέ, εἰ τὸ ταχθὲν ὑπηρετεῖν τινι, κρατεῖν αὐτοῦ ἐπιχειρήσειεν. Σκέψασθε δέ, ποῖος μὲν ἂν κόσμος οἰκίας γένοιτο, ἂν οἱ ἐν τῇ ἡλικίᾳ ὄντες τῶν πρεσβυτέρων καταφρονήσωσι· ποῖος δὲ διδασκαλείων, ἂν οἱ φοιτῶντες τῶν παιδευτῶν ἀμελήσωσι· τίς ὑγίεια νοσοῦσιν, ἂν μὴ πάντα τοῖς ἰατροῖς οἱ κάμνοντες πειθαρχῶσι· τίς δὲ ἀσφάλεια ναυτιλλομένοις, ἂν οἱ ναῦται τῶν κυβερνητῶν ἀνηκουστῶσι· φύσει τε γὰρ ἀναγκαίᾳ τινα καὶ σωτηρίᾳ, τὸ μὲν ἄρχειν ἐν τοῖς ἀνθρώποις, τὸ δὲ ἄρχεσθαι τέτακται. Καὶ ἀδύνατόν ἐστιν ἄνευ αὐτῶν καὶ ὁτιοῦν καὶ ἐφ' ὁποσονοῦν διαγενέσθαι. Προσήκει τε τῷ μὲν ἐπιστατοῦντί τινος, ἐκφροντίζειν τε τὰ δέοντα καὶ ἐπιτάττειν· τῷ δὲ ὑποτεταγμένῳ, πειθαρχεῖν τε ἀπροφασίστως, καὶ ἐκπονεῖν τὸ κελευόμενον. Ἐξ οὗ καὶ μάλιστα τό τε ἔμφρον τοῦ ἄφρονος, καὶ τὸ ἐπιστῆμον τοῦ ἀνεπιστήμονος ἐν παντὶ προτετίμηται.
34. « Οὕτω δὴ οὖν τούτων ἐχόντων, οὐκ ἄν ποτε οὔτε συγχωρήσαιμί τι τούτοις τοῖς θορυβήσασιν, ἀναγκασθεὶς, οὔτ' ἂν ἐπιτρέψαιμι, βιασθείς. Ἢ τί μὲν ἀπό τε τοῦ Αἰνείου καὶ ἀπὸ τοῦ Ἰούλου γέγονα; τί δὲ ἐστρατήγησα; τί ὑπάτευσα; ἐπὶ τί δὲ ὑμᾶς, τοὺς μὲν οἴκοθεν ἐξήγαγον τοὺς δ' ὕστερον προσκατέλεξα; ἐπὶ τί τοσοῦτον ἤδη χρόνον τὴν ἐξουσίαν τὴν ἀνθύπατον ἔχω λαβών, ἄν γε δουλεύσω τινὶ ὑμῶν, καὶ νικηθῶ τινος ὑμῶν ἐνταῦθα ἐν τῇ Ἰταλίᾳ, πρὸς τὴν Ῥώμην, δι' οὗ καὶ Γαλάτας ἐχειρώσασθε, καὶ Βρεττανῶν ἐκρατήσατε; τί δείσας, καὶ τί φοβηθείς; μή μέ τις ὑμῶν ἀποκτείνῃ; ἀλλ' εἰ μὲν πάντες ταῦτ' ἐφρονεῖτε, ἑκὼν ἂν ἀποθανεῖν εἱλόμην, ἢ τό τε ἀξίωμα τῆς ἡγεμονίας καταλῦσαι, καὶ τὸ φρόνημα τὸ τῇ προστατείᾳ προσῆκον ἀπολέσαι. Πολὺ γάρ που πλείω πόλει κινδυνεύεται, τοῦ ἕνα ἄνδρα ἀδίκως ἀποθανεῖν, ἂν ἐθισθῶσιν οἱ στρατιῶται τοῖς τε στρατηγοῖς σφων προστάττειν τινὰ, καὶ τὰ δίκαια τὰ τῶν νόμων ἐν ταῖς χερσὶ ποιεῖσθαι.
35. « Ἀλλὰ τοῦτο μὲν οὐδὲ ἐπηπείληκέ τις αὐτῶν ( καὶ γὰρ ἂν καὶ παραχρῆμα εὖ οἶδ' ὅτι πρὸς ὑμῶν τῶν ἄλλων ἀπέσφακτο)· τὴν δὲ δὴ στρατείαν ὡς κεκμηκότες ἐξίστανται, καὶ τὰ ὅπλα ὡς καὶ πεπονημένοι κατατίθενται· καὶ πάντως, ἄν γε μὴ παρ' ἑκόντος μου τούτου τύχωσι, καὶ τὴν τάξιν ἐκλείψουσι, καὶ πρὸς τὸν Πομπήιον μεταστήσονται· ἅπερ που καὶ παραδηλοῦσί τινες. Καὶ τίς μὲν οὐκ ἂν ἐθελήσειε τοιούτων ἀνθρώπων στερηθῆναι; τίς δ' οὐκ ἂν εὔξαιτο τοιούτους ἐκείνῳ στρατιώτας ὑπάρξαι, οἵτινες μήτε τοῖς διδομένοις ἀρκοῦνται μήτε τοῖς προσταττομένοις πείθονται· ἀλλ' ἐν ἡλικίᾳ γῆρας, καὶ ἐν ἰσχύι ἀσθένειαν προβαλλόμενοι, δεσπόζειν τε τῶν ἀρχόντων, καὶ τυραννεῖν τῶν ἡγουμένων σφῶν ἀξιοῦσιν; ἐγὼ γὰρ μυριάκις ἂν καὶ πρὸς τὸν Πομπήιον ὁπωσδήποτε καταλλαγῆναι, καὶ ἄλλο ὁτιοῦν παθεῖν ἑλοίμην, ἤ τι ἀνάξιον τοῦ τε πατρίου φρονήματος καὶ τῆς ἐμαυτοῦ προαιρέσεως πρᾶξαι. Ἢ ἀγνοεῖτε ὅτι οὔτε δυναστείας οὔτε πλεονεξίας ἐπιθυμῶ; οὐδέ μοι πρόκειται πάντως τι καὶ ἐκ παντὸς τρόπου καταπρᾶξαι, ὥστε τι ἐπὶ τούτῳ καὶ ψεύσασθαι, καὶ θωπεῦσαι καὶ κολακεῦσαί τινας; παύσασθε μὲν δὴ διὰ ταῦτα τῆς στρατείας, ὦ, τί ἂν ὑμᾶς ὀνομάσαιμι; οὐ μέντοι ὡς καὶ αὐτοὶ καὶ βούλεσθε καὶ φατέ, ἀλλ' ὡς τῷ κοινῷ καὶ ἐμοὶ συμφέρει. » Ταῦτ' εἰπὼν, ἐκλήρωσεν αὐτοὺς ἐπὶ θανάτῳ· καὶ τοὺς μὲν θρασυτάτους ( οὗτοι γὰρ ἐκ παρασκευῆς ἔλαχον) ἐδικαίωσε, τοὺς δ' ἄλλους, ὡς οὐδέν σφων δεόμενος, διῆκε· καὶ ἐκεῖνοι μὲν, μετα νοήσαντες ἐφ' οἷς ἔπραξαν, ἀναστρατεύεσθαι ἔμελλον.


26. Quelques soldats de César se révoltèrent à Plaisance et refusèrent de le suivre, sous prétexte qu'ils étaient brisés par les fatigues ; mais, en réalité, parce qu'il ne leur permettait pas de piller ni de satisfaire tous leurs désirs. Ils se flattaient qu'il n'y avait rien qu'ils ne pussent obtenir de lui, parce qu'il avait le plus grand besoin de leurs services ; mais César ne céda pas. Il rassembla les mutins et réunit en même temps autour de lui le reste de ses soldats, pour qu'ils veillassent à sa sûreté et afin de les maintenir dans le devoir par les reproches qu'ils entendraient adresser aux rebelles et par les punitions qui seraient infligées en leur présence.
27. « Soldats, leur dit-il, je tiens à être aimé de vous ; mais je ne saurais partager vos fautes pour avoir votre affection. Je vous chéris et je souhaite, comme un père pour ses enfants, que vous échappiez à tous les dangers et que vous arriviez à la prospérité et à la gloire. Mais n'allez pas croire que celui qui aime doive permettre à ceux qu'il aime de commettre des fautes qui appellent inévitablement sur eux les dangers et la honte. Il doit, au contraire, les former au bien et les détourner du mal par ses conseils et par les châtiments.
Vous reconnaîtrez la vérité de mes paroles, si vous ne regardez pas comme utile ce qui profite dans le moment plutôt que ce qui procure des avantages permanents ; si vous ne mettez pas votre honneur à satisfaire vos passions plutôt qu'à les maîtriser ; car il est honteux de rechercher des plaisirs que suit le remords, et déshonorant d'être subjugué par la volupté, après avoir vaincu les ennemis sur le champ de bataille.
28. « Pourquoi vous tiens-je ce langage ? parce qu'ayant abondamment tout ce qui est nécessaire (je veux vous parler avec une entière franchise et sans rien dissimuler), recevant votre solde intégralement et à jour fixe, trouvant des provisions abondantes toujours et partout, ne supportant ni fatigue sans gloire ni danger sans profit, toujours libéralement récompensés de votre valeur et à peine légèrement repris pour vos fautes ; rien de tout cela ne peut vous contenter. Ces reproches ne s'adressent pas à vous tous (vous n'êtes pas tous les mêmes) : ils ne tombent que sur ceux dont la cupidité déshonore les autres ; car la plupart d'entre vous exécutent mes ordres avec la plus louable docilité et se montrent fidèles aux moeurs de nos ancêtres ; et c'est par là que vous avez acquis tant de terres, tant de richesses et tant de gloire. Mais il y a dans vos rangs un petit nombre d'hommes qui attirent sur nous tous la honte et l'infamie. Je savais déjà ce qu'ils sont ; car rien de ce qui vous intéresse ne m'échappe ; mais je faisais semblant de l'ignorer dans l'espoir qu'ils se corrigeraient, s'ils croyaient que je ne connaissais pas leurs torts, et qu'ils craindraient, en commettant de nouvelles fautes, d'être punis même de celles qui leur avaient été pardonnées. Mais puisque leur audace n'a point de bornes, comme s'ils avaient le droit de tout oser, parce qu'ils n'ont pas été châtiés sur-le-champ ; puisqu'ils cherchent à pousser à la révolte ceux qui sont irréprochables, je suis forcé d'appliquer un remède au final et de sévir contre les coupables.
29. « Aucune association ne peut se former ni se maintenir parmi les hommes, si les méchants ne sont pas contenus. Alors, comme il arrive dans le corps, la partie malade corrompt tout le reste, si elle n'est pas guérie. Il en est de même dans les armées : les rebelles, sentant qu'ils ont quelque force, deviennent plus audacieux. Ils communiquent leur mauvais esprit aux bons et paralysent leur zèle, en faisant croire qu'ils ne recueilleront aucun fruit de leur fidélité au devoir. Et en effet, là où l'audace l'emporte, la raison a forcément le dessous ; là où l'injustice est impunie, la vertu reste sans récompense. Comment serez-vous portés à bien faire, si les méchants ne sont pas punis ? Comment croirez-vous avoir obtenu les distinctions auxquelles vous avez droit, s'ils ne subissent pas une punition méritée ! Ignorez-vous que si les hommes sont affranchis de la crainte du châtiment et privés de l'espérance des récompenses, il ne se fait rien de bien et que le mal alors surgit de toutes parts ? Si donc vous êtes réellement attachés à la vertu, détestez les rebelles comme des ennemis. Ce n'est point la nature, ce sont les moeurs et les actions qui établissent une ligne de démarcation entre l'ami et l'ennemi : sont-elles bonnes, elles attirent l'affection même de ceux qui nous sont étrangers ; sont-elles mauvaises, elles aliènent même nos parents.
30. « Plaidez vous-mêmes votre cause ; car leurs fautes nous compromettent tous, quoique nous n'ayons rien à nous reprocher. Quiconque entend parler de notre grand nombre et de notre avidité, fait tomber sur nous tous les torts de quelques-uns ; et c'est ainsi que, sans prendre part à leurs excès, nous sommes en butte aux mêmes accusations. Qui pourrait ne pas s'indigner que des hommes qui portent le nom de Romains agissent comme des Celtes ? Qui pourrait ne pas s'affliger, en voyant l'Italie dévastée comme la Bretagne ? N'est-ce pas une indignité que nous ne fassions aucun mal aux Gaulois subjugués par la guerre, et que nous ravagions, comme le feraient des Épirotes, des Carthaginois ou des Cimbres, les contrées situées en deçà des Alpes ? N'est-il pas honteux que nous répétions avec orgueil que les premiers d'entre les Romains nous avons traversé le Rhin et navigué sur l'océan, et que nous pillions notre pays natal laissé intact par les ennemis ; emportant ainsi le blâme au lieu des éloges, la honte au lieu des honneurs, les pertes au lieu du profit, les châtiments au lieu des récompenses. ?
31. « Et ne vous croyez pas supérieurs à ceux de vos concitoyens qui sont dans leurs foyers, parce que vous êtes sous les drapeaux : les uns et les autres vous êtes Romains. Comme vous, ils ont fait la guerre et ils la feront. Ne croyez pas avoir le droit de faire du mal aux autres, parce que vous avez des armes ; car les lois sont plus puissantes que vous, et vous aussi, à coup sûr, vous mettrez bas les armes un jour. Ne vous fiez pas non plus à votre grand nombre ceux qui souffrent de vos excès seraient plus nombreux que vous, s'ils se coalisaient ; et ils se coaliseront, si vous ne changez pas de conduite. Si vous avez vaincu les barbares, ce n'est pas une raison pour mépriser des hommes sur lesquels vous n'avez l'avantage ni par la naissance, ni par les lumières, ni par l'éducation, ni par vos goûts. Ah ! plutôt, le devoir et votre intérêt vous le commandent, n'employez la violence contre personne, ne maltraitez personne : ne demandez qu'à la bonne volonté d'autrui ce qui vous est nécessaire et n'ambitionnez d'autres récompenses que celles qui vous sont offertes spontanément.
32. « Outre ce que je viens de dire et ce qu'on pourrait ajouter, si l'on voulait s'étendre sur ce sujet, vous devez considérer que nous sommes venus ici pour secourir la patrie attaquée et pour la venger contre ceux'qui lui font du mal. Si elle n'était pas en danger, nous ne serions pas entrés en Italie, les armes à la main (car les lois le défendent) ; nous n'aurions pas laissé inachevée notre expédition contre les Celtes et contre les Bretons, alors que nous aurions pu la mener à bonne fin. N'est-il pas absurde que nous, qui sommes venus pour punir les méfaits des autres, nous ne nous montrions pas moins d'ardeur qu'eux pour nous emparer du bien d'autrui ? N'est-il pas déplorable que nous, qui sommes accourus pour secourir la patrie, nous la forcions à chercher d'autres défenseurs contre nous ? Ma cause me paraît plus juste que celle de Pompée, et je l'ai souvent invité à la soumettre à des juges : sa conscience a reculé devant une solution pacifique ; mais mon bon droit me conciliera, je l'espère, tout le peuple romain et tous ses alliés. Mais si nous imitons nos adversaires, je n'aurai plus rien à alléguer en notre faveur, ni aucun reproche à leur adresser. Or, nous devons tenir le plus grand compte de la justice : appuyée sur elle, la puissance des armes peut tout espérer ; sans elles au contraire, rien n'est solide, alors même qu'on a tout d'abord obtenu quelques succès.
33. « La nature a voulu qu'il en soit ainsi : la plupart d'entre vous le savent, et c'est pour cela que vous remplissez tous vos devoirs, sans contrainte. C'est pour cela aussi que je vous ai réunis : j'ai voulu vous mettre à même d'entendre ce que je dis et de voir ce que je fais. Vous n'avez rien de commun avec les rebelles, et je vous en félicite ; mais vous voyez comment un petit nombre d'hommes, peu contents de n'avoir pas été punis, quoique souvent coupables, osent nous menacer. Je ne saurais approuver que l'homme revêtu de l'autorité soit dominé par ceux qui sont placés sous ses ordres, ni croire qu'il soit possible de faire le bien si ceux qui doivent obéir veulent commander. Demandez-vous quel serait l'état d'une maison où les jeunes gens mépriseraient les vieillards ; l'état des écoles, si les disciples ne respectaient pas les maîtres ; comment des malades pourraient recouvrer la santé, s'ils n'obéissaient pas aux médecins ; quelle sécurité pourraient avoir ceux qui naviguent, si les matelots n'écoutaient pas les pilotes. La nature a établi deux lois nécessaires au salut des hommes : les uns doivent commander, les autres obéir. Sans ces lois, il n'est rien qui puisse durer même un instant. Le devoir de celui qui gouverne est donc de trouver ce qu'il faut et de le prescrire ; le devoir de celui qui obéit est de se soumettre sans vaine excuse et d'exécuter ce qui lui est ordonné. C'est là surtout ce qui fait toujours mettre la sagesse au-dessus de l'imprudence et les lumières au-dessus de l'ignorance.
34. « Puisqu'il en est ainsi, jamais la contrainte ne me fera rien accorder à des soldats révoltés ; jamais la violence ne me fera fléchir. A quoi bon être issu d'Énée et d'Iule ? A quoi bon avoir géré la préture et le consulat ? A quoi bon avoir emmené loin de vos foyers plusieurs d'entre vous et avoir enrôlé plus tard les autres par de nouvelles levées ? A quoi bon être investi déjà depuis si longtemps de la puissance proconsulaire, si je dois être esclave de quelqu'un d'entre vous ; si je cède ici, en Italie, non loin de Rome ; moi qui vous ai conduits à la conquête de la Gaule et à la victoire contre les Bretons ? Quelle crainte, quelle appréhension pourrait m'y réduire ? Serait-ce la peur d'être tué par quelqu'un d'entre vous ? Mais si vous avez tous résolu ma perte, j'aime mieux mourir que de détruire la majesté du commandement et d'abjurer les sentiments que demande la dignité dont je suis revêtu. La mort d'un homme tué injustement a des conséquences moins dangereuses pour un État que l'habitude contractée par les soldats de commander à leurs chefs et de prendre en main l'autorité des lois.
35. « Parmi les rebelles aucun ne m'a menacé de la mort : à l'instant même vous l'auriez tous égorgé, je le sais ; mais ils refusent de continuer la guerre, sous prétexte qu'ils sont épuisés de fatigue, et ils mettent bas les armes, sous prétexte qu'ils n'ont plus la force de les porter. Si je ne les congédie pas volontairement, ils déserteront leur poste pour passer sous les drapeaux de Pompée : quelques-uns du moins laissent voir cette intention. Mais qui ne voudrait pas être délivré de tels hommes ? Qui ne souhaiterait pas à Pompée des soldats mécontents de ce qu'on leur donne, indociles aux ordres qu'ils reçoivent, se disant vieux à la force de l'âge, faibles quand ils sont pleins de vigueur, se croyant faits pour commander à leurs chefs et leur imposer le joug ? Quant à moi, j'aimerais mieux mille fois me réconcilier avec Pompée, n'importe à quelles conditions, et me soumettre à tout, plutôt que de rien faire qui soit indigne de mes principes et de la grandeur d'âme de mes ancêtres. Ignorez-vous que je n'aspire ni à la domination ni à l'opulence, que je ne poursuis pas un but à tout prix ; fallût-il même recourir au mensonge, aux caresses, à la flatterie pour l'atteindre ? Abandonnez donc mes drapeaux, vous que je ne sais comment appeler : ce ne sera pourtant pas comme vous le voulez et comme vous l'annoncez ; mais comme il est utile pour la République et pour moi. » Après ce discours, César tira au sort le nom de ceux qui devaient être punis de mort et il infligea cette peine aux plus mutins ; car il avait tout arrangé pour qu'ils fussent désignés par le sort. Quant aux autres, il les congédia sous prétexte qu'il n'avait pas besoin d'eux ; mais ils témoignèrent du repentir et servirent plus tard sous ses ordres.