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Démosthène, contre Midias.

 

Démosthène chorège, giflé par Midias.

 

 

 


Démosthène avait été nommé chorège par sa tribu : la chorégie était une espèce de fonction publique sacrée. Le citoyen qui en était revêtu, s'engageait à former, à ses dépens, une troupe de musiciens ou de danseurs pour célébrer les fêtes de Bacchus. Il y avait une grande émulation entre les chorèges des différentes tribus. Celui dont la troupe avait été jugée la mieux formée et la mieux décorée, obtenait une couronne. Midias, homme puissant et riche, mais audacieux et insolent, ennemi de Démosthène, l'avait traversé pendant toute sa chorégie; par ses cabales auprès des juges nommés pour décider entre les chorèges, il avait réussi à le frustrer de la couronne à laquelle il prétendait. Il ne s'en était pas tenu là; il l'avait frappé en plein théâtre, il lui avait donné un soufflet dans l'exercice même de sa charge, en présence des Athéniens et des autres Grecs que la fête avait rassemblés.

[13] Ἐπειδὴ γὰρ οὐ καθεστηκότος χορηγοῦ τῇ Πανδιονίδι φυλῇ, τρίτον ἔτος τουτί, παρούσης δὲ τῆς ἐκκλησίας ἐν ᾗ τὸν ἄρχοντ' ἐπικληροῦν ὁ νόμος τοῖς χοροῖς τοὺς αὐλητὰς κελεύει, λόγων καὶ λοιδορίας γιγνομένης, καὶ κατηγοροῦντος τοῦ μὲν ἄρχοντος τῶν ἐπιμελητῶν τῆς φυλῆς, τῶν δ' ἐπιμελητῶν τοῦ ἄρχοντος, παρελθὼν ὑπεσχόμην ἐγὼ χορηγήσειν ἐθελοντής, καὶ κληρουμένων πρῶτος αἱρεῖσθαι τὸν αὐλητὴν ἔλαχον, [14] ὑμεῖς μέν, ὦ ἄνδρες Ἀθηναῖοι, πάντες ἀμφότερ' ὡς οἷόν τε μάλιστ' ἀπεδέξασθε, τήν τ' ἐπαγγελίαν τὴν ἐμὴν καὶ τὸ συμβὰν ἀπὸ τῆς τύχης, καὶ θόρυβον καὶ κρότον τοιοῦτον ὡς ἂν ἐπαινοῦντές τε καὶ συνησθέντες ἐποιήσατε, Μειδίας δ' οὑτοσὶ μόνος τῶν πάντων, ὡς ἔοικεν, ἠχθέσθη, καὶ παρηκολούθησε παρ' ὅλην τὴν λῃτουργίαν ἐπηρεάζων μοι συνεχῶς καὶ μικρὰ καὶ μείζω. [15] Ὅσα μὲν οὖν τοὺς χορευτὰς ἐναντιούμενος ἡμῖν ἀφεθῆναι τῆς στρατείας ἠνώχλησεν, ἢ προβαλλόμενος καὶ κελεύων ἑαυτὸν εἰς Διονύσια χειροτονεῖν ἐπιμελητήν, ἢ τἄλλα πάνθ' ὅσα τοιαῦτα, ἐάσω· οὐ γὰρ ἀγνοῶ τοῦθ' ὅτι τῷ μὲν ἐπηρεαζομένῳ τότ' ἐμοὶ καὶ ὑβριζομένῳ τὴν αὐτὴν ὀργὴν ἕκαστον τούτων ἥνπερ ἄλλ' ὁτιοῦν τῶν δεινοτάτων παρίστη, ὑμῖν δὲ τοῖς ἄλλοις, ἔξω τοῦ πράγματος οὖσιν, οὐκ ἂν ἴσως ἄξια ταῦτα καθ' αὕτ' ἀγῶνος φανείη· ἀλλ' ἃ πάντες ὁμοίως ἀγανακτήσετε, ταῦτ' ἐρῶ. [16] Ἔστι δ' ὑπερβολὴ τῶν μετὰ ταῦτα, ἃ μέλλω λέγειν, καὶ οὐδ' ἂν ἐπεχείρησ' ἔγωγε κατηγορεῖν αὐτοῦ νῦν, εἰ μὴ καὶ τότ' ἐν τῷ δήμῳ παραχρῆμ' ἐξήλεγξα.

Τὴν γὰρ ἐσθῆτα τὴν ἱεράν ἱερὰν γὰρ ἔγωγε νομίζω πᾶσαν ὅσην ἄν τις εἵνεκα τῆς ἑορτῆς παρασκευάσηται, τέως ἂν χρησθῇ καὶ τοὺς στεφάνους τοὺς χρυσοῦς, οὓς ἐποιησάμην ἐγὼ κόσμον τῷ χορῷ, ἐπεβούλευσεν, ὦ ἄνδρες Ἀθηναῖοι, διαφθεῖραί μοι νύκτωρ ἐλθὼν ἐπὶ τὴν οἰκίαν τὴν τοῦ χρυσοχόου. Καὶ διέφθειρεν, οὐ μέντοι πᾶσάν γε· οὐ γὰρ ἐδυνήθη. Καίτοι τοῦτό γ' οὐδεὶς πώποτ' οὐδένα φησὶν ἀκηκοέναι τολμήσαντ' οὐδὲ ποιήσαντ' ἐν τῇ πόλει. [17] Οὐκ ἀπέχρησε δ' αὐτῷ τοῦτο, ἀλλὰ καὶ τὸν διδάσκαλον, ὦ ἄνδρες Ἀθηναῖοι, διέφθειρέ μου τοῦ χοροῦ· καὶ εἰ μὴ Τηλεφάνης ὁ αὐλητὴς ἀνδρῶν βέλτιστος περὶ ἐμὲ τότ' ἐγένετο, καὶ τὸ πρᾶγμ' αἰσθόμενος τὸν ἄνθρωπον ἀπελάσας αὐτὸς συγκροτεῖν καὶ διδάσκειν ᾤετο δεῖν τὸν χορόν, οὐδ' ἂν ἠγωνισάμεθ', ὦ ἄνδρες Ἀθηναῖοι, ἀλλ' ἀδίδακτος ἂν εἰσῆλθεν ὁ χορὸς καὶ πράγματ' αἴσχιστ' ἂν ἐπάθομεν. Καὶ οὐδ' ἐνταῦθ' ἔστη τῆς ὕβρεως, ἀλλὰ τοσοῦτον αὐτῷ περιῆν ὥστε τὸν ἐστεφανωμένον ἄρχοντα διέφθειρεν, τοὺς χορηγοὺς συνῆγεν ἐπ' ἐμέ, βοῶν, ἀπειλῶν, ὀμνύουσι παρεστηκὼς τοῖς κριταῖς, τὰ παρασκήνια φράττων, προσηλῶν, ἰδιώτης ὢν τὰ δημόσια, κακὰ καὶ πράγματ' ἀμύθητά μοι παρέχων διετέλεσεν. [18] Καὶ τούτων, ὅσα γ' ἐν τῷ δήμῳ γέγον' ἢ πρὸς τοῖς κριταῖς ἐν τῷ θεάτρῳ, ὑμεῖς ἐστέ μοι μάρτυρες πάντες, ἄνδρες δικασταί. Καίτοι τῶν λόγων τούτους χρὴ δικαιοτάτους ἡγεῖσθαι, οὓς ἂν οἱ καθήμενοι τῷ λέγοντι μαρτυρῶσιν ἀληθεῖς εἶναι. Προδιαφθείρας τοίνυν τοὺς κριτὰς τῷ ἀγῶνι τῶν ἀνδρῶν, δύο ταῦθ' ὡσπερεὶ κεφάλαι' ἐφ' ἅπασι τοῖς ἑαυτῷ νενεανιευμένοις ἐπέθηκεν, ἐμοῦ μὲν ὕβρισεν τὸ σῶμα, τῇ φυλῇ δὲ κρατούσῃ τὸν ἀγῶν' αἰτιώτατος τοῦ μὴ νικῆσαι κατέστη.

 

[13] Depuis trois ans, il n'y avait pas eu de chorège dans la tribu Pandionide ; on tenait l'assemblée dans laquelle la loi ordonne à l'archonte de tirer au sort le musicien qui doit donner le ton aux choeurs; on se faisait mutuellement des  reproches ; l'archonte s'en prenait aux administrateurs de la tribu, ceux-ci s'en prenaient à l'archonte : je m'offris de moi-même pour être chorège. Le sort me procura l'avantage de choisir, avant mes rivaux, l'homme le plus essentiel du choeur. [14] Applaudissant tous au zèle avec lequel je m'étais offert, et à la fortune qui l'avait favorisé, vous témoignâtes, à l'envi, votre contentement par les démonstrations les plus éclatantes. Midias seul en fut offensé, comme sa conduite l'annonce. Il n'a cessé, en effet, de me molester durant le cours de ma chorégie, de me vexer de toutes les manières. [15] Je ne dirai pas tous les mouvements qu'il s'est donnés, dans la vue de me nuire, pour empêcher que les acteurs de ma troupe ne fussent exempts du service, ou pour se faire nommer administrateur des fêtes de Bacchus; je ne parlerai pas de ces persécutions, et de mille autres pareilles. Si chacune de ces injures, a pu m'affecter autant que les plus graves, moi qui alors étais persécuté et insulté; vous, pour qui elles étaient étrangères, vous ne les jugez peut-être pas de nature à former une accusation. Mais ce que je vais dire, vous indignera tous autant que moi-même : [16] ce que vous allez entendre, est au-dessus de toute expression; et je n'entreprendrais pas aujourd'hui d'en accuser Midias, si je ne l'eusse convaincu sur-le-champ, devant le peuple.

Il a voulu, Athéniens, déchirer ma robe sacrée : car une robe qu'on prépare pour une fête, est sacrée, tant qu'elle est destinée à cet usage ; il a voulu briser les couronnes d'or que j'avais commandées pour décorer ma troupe. Forçant, de nuit, la maison de l'orfèvre, il a exécuté son dessein en partie, et il aurait été plus loin, si on ne l'eût arrêté. Qui jamais dans une ville se porta à de tels excès ? [17] Ce n'est pas tout, il a corrompu le maître de ma troupe ; et si Téléphane, mon principal acteur ne se fût montré fidèle, et que, s'apercevant de la manœuvre, il n'eût chassé le traître, il ne se fût chargé lui-même d'exercer la troupe, elle serait entrée, Athéniens, sans avoir été instruite ; et moi, chorège, hors d'état de disputer le prix, j'aurais essuyé le plus cruel affront. Peu satisfait de ces injures, il a été jusqu'à corrompre l'archonte, un des chefs de la fête; il a animé contre moi mes rivaux; il a crié, menacé, obsédé des juges liés par la religion du serment, fermé et cloué la porte du théâtre; enfin, n'étant que particulier, il n'a cessé de me nuire par des coups d'autorité, par des attentats inouïs. [18] Vous qui devez prononcer dans cette cause, vous m'êtes tous témoins de ce qui s'est passé sur le théâtre ou devant le peuple. Mais quels discours méritent plus créance que ceux à la vérité desquels les juges eux-mêmes peuvent rendre témoignage? Après avoir corrompu les juges des acteurs de danse et de musique, il a couronné tous ses beaux exploits par me frapper outrageusement, et par enlever le prix de la victoire à ma tribu qui avait l'avantage.