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SATIRE I Oeuvre numérisée par Marc Szwajcer
SATURA I / SATIRE I(éd. Jules Lacroix)
DES SATIRES DE PERSE.PROLOGUE.Ce prologue, où Perse fait la satire des mauvais poètes de son temps, est écrit en vers ïambiques scazons, c’est-à-dire boiteux. Le dernier vers pourtant est un iambique régulier, majestueux et plein de nombre : chose bizarre, et qui embarrasse fort les éditeurs. Peut-être, par ce dernier vers, Perse a-t-il voulu passer plus harmonieusement aux vers hexamètres de la première satire, qui probablement n’était point séparée autrefois du prologue. V. 2. Nec in bicipiti somniasse, etc. — Ennius, suivant le vieux scoliaste, prétendait, dans ses Annales, que l’âme d’Homère avait passé en lui; et sa preuve était qu’il l’avait rêvé sur le Parnasse. V. 4. Pallidamque Pirenen. — Pirène, fontaine située près de Corinthe, et consacrée aux Muses. Il y a deux manières d’expliquer cette épithète pallidam: les uns regardent ce mot comme une allusion à l’étude, parce qu’elle fait pâlir; les autres y trouvent l’origine de la nymphe Pirène, qui, à force de pleurer son fils Cenchrias, que Diane avait tué par mégarde, fut changée en fontaine. V. 6. Hederæ sequaces. — Les couronnes de lierre ou de laurier sont les attributs de Bacchus et d’Apollon, l’un et l’autre protecteurs des poètes. V. 9. Corvos quis olim, etc. — Plusieurs commentateurs considèrent ce vers comme apocryphe. On doit dire qu’il ne se trouve pas dans les plus anciens manuscrits. En admettant ce vers comme de Perse, il faut y voir une allusion à l’anecdote du chevalier romain qui avait dressé des corbeaux à dire, l’un, Ave, Cæsar, victor imperator; et l’autre, Ave, Antoni, victor imperator, afin de pouvoir saluer le vainqueur, quelle que fût l’issue de la bataille d’Actium. SATIRE I.V. 1. O curas hominum! etc. — Casaubon remarque que cette satire commence comme l’Ecclésiaste: Vanitas vanitatum , et omnia vanitas. V. 4. Næ mihi Polydamas, etc. — Allusion satirique à Néron et à ses courtisans. Néron s’était ridiculement passionné pour la nation troyenne et pour la cour de Priam. Perse désigne ici l’empereur sous le nom de Polydamas, personnage de l’Iliade. Même vers. Labeonem. — Accius ou Attius Labéon, pitoyable traducteur d’Homère. On doit croire que Néron estimait fort cette traduction plate et ridicule. V. 10. Nucibus facimus, etc. — Chez les Romains, les noix servaient à différents jeux de l’enfance. V. 17. Sede leges celsa, etc. — Ces lectures publiques jouaient un grand rôle dans la vie des Romains. Après la séance, l’auteur faisait copier son manuscrit par les libraires, qui vendaient ces copies au public. V. 20. Ingentes trepidare Titos. — Le prénom de Titus était un des plus honorables. — Perse entend par Titos les grands de Rome. V. 29. Dictata fuisse, etc. — Ce vers est dirigé contre Néron, qui avait ordonné, par un édit, que ses vers fussent dictés aux jeunes gens dans les écoles. V. 34. Phyllidas, Hypsipylas, etc.—Phyllis, reine de Thrace, se croyant trahie par Démophon, fils de Thésée, se pendit de désespoir. — Hypsipyle, fille de Thoas, roi de Lemnos, fut abandonnée par Jason. La deuxième et la sixième héroïde d’Ovide sont intitulées Phyllis, Hypsipyle. V. 42 et 43. Cedro digna locutus. — Les anciens enfermaient dans le cèdre ou enduisaient d’huile de cèdre les ouvrages qu’ils voulaient conserver. Le cyprès avait la même propriété que le bois de cèdre. Horace a dit, Art poétique, vers 332: ....................................Speramus carmina fingi Posse lemenda cedro, et levi servanda cupressu. Les mauvais ouvrages allaient, comme aujourd’hui, envelopper le beurre et les harengs. V. 51. Ebria veratro, etc. — Ce Labéon, pour exalter sa verve, s’enivrait d’ellébore. V. 58. O Jane, etc. — On sait que Janus était représenté avec deux visages. Les trois genres de moquerie exprimés dans ces vers étaient fort usités chez les Romains. On figurait le bec de cigogne avec l’index et le pouce rapprochés; les oreilles d’âne, en plaçant le pouce contre l’oreille et en remuant la main. V. 65. Scit tendere versum, etc. — Cette métaphore est empruntée des ouvriers qui ferment un œil pour tirer une ligne droite, qu’ils tracent avec de la pierre rouge. V. 70. Nugari solitos græce. — Le grec était la base de l’éducation à Rome, comme chez nous le latin. V. 72. Fumosa Palilia fœno. — Palès, déesse des pâturages. Pour célébrer sa fête, on allumait des feux de paille et de foin. V. 76. Brisei liber Acci. — Cet Accius, qu’il ne faut pas confondre avec Accius Labéon, est surnommé ici le bachique Brisæus, parce qu’il est l’auteur d’une tragédie intitulée les Bacchantes. V. 77. Sunt quos Pacuvius, etc. — Pacuvius, neveu d’Ennius. Il avait composé une tragédie d’Antiope, pour laquelle Cicéron ne professait pas le même dédain que Perse. Quant à Martial, il a dit, en parlant de Pacuvius: Accius et quidquid Pacuviusque vomunt. V. 83. Nilne pudet, etc. — Perse, qui vient d’attaquer les mauvais poètes, dirige maintenant ses traits contre l’ineptie et la vanité des orateurs et des avocats. V. 85. Pedio, etc. — Il importe peu de savoir au juste quel était ce Pédius. On lit dans Tacite, Annal., XIV, 18, que Pédius Blæsus fut accusé de concussion par les habitants de Cyrène, et chassé du sénat sous le règne de Néron. Perse a-t-il voulu désigner ce Pédius? Voilà ce qu’on aurait peine à décider. V. 87. An, Romule, ceves? — Cevere signifie proprement remuer la queue comme un chien qui flatte. V. 89. Fracta te in trabe pictum. — Ce vers est une imitation de l’Art poétique d’Horace, vers 20: ...................Quid hoc si fractis euatat exspes Nasibus ære dato qui pingitur? Nous avons vu, dans plusieurs passages de Juvénal, que les naufragés allaient portant sur l’épaule le tableau de leur désastre, afin d’émouvoir la pitié du public. V. 91. Piorabit, etc.— Autre réminiscence d’Horace, qui dit, l’Art poét., vers 102: .......................... Si vis me flere, dolendum est Primum ipsi tibi. V. 93. Berecynthius Attin.— Ce vers et les deux suivants, ainsi que les quatre vers cités plus loin, sont généralement attribués à Néron. D’après un passage de Dion Cassius, on peut croire que cet empereur composa, et même chanta publiquement, un petit poème intitulé Attis ou les Bacchantes. V. 96. Arma virum. — C’est le début de l’Énéide. V. 99. Torva Mimalloneis , etc. — Ces quatre vers sont de Néron. Ils faisaient partie de quelque pièce sur la mort de Penthée. Bacchus, irrité contre Penthée, roi de Thèbes, qui avait méprisé son culte, troubla la raison d’Ægiale, mère de ce prince. Celle-ci, dans sa fureur, le poursuivit avec les femmes thébaines, et lui coupa la tête, le prenant pour un veau. — Mænas. Les Ménades étaient appelées Mimallones, du mot Mimas, nom d’une montagne de l’Asie Mineure. — Evion, surnom de Bacchus. V. 105. Attin. — Atys, l’amant de Cybèle, que cette déesse fit mettre en pièces par les Ménades. V. 109. Sonat hic de nare canina Littera... — Mot à mot, là résonne la lettre canine (l’r dont les chiens expriment le son lorsqu’ils grondent). Peut-être cette expression n’est-elle qu’une métaphore hardie, pour dire qu’on sera mal reçu et repoussé par des blasphèmes. Néanmoins, il paraît plus naturel de rapporter ce grondement colère aux chiens qui gardent le seuil des grands, ou plutôt au portier (janitor) qui veillait enchaîné à sa porte, comme un véritable chien, et qui avait ordre de renvoyer telle ou telle personne avec des injures. V. 112. Veto quisquam faxit oletum. — Tout ce passage de Perse s’applique évidemment aux œuvres de Néron lui-même. V. 113. Pinge duos angues, etc. — Chez les Romains, on peignait des serpents sur les murailles des temples, pour avertir que le lieu était sacré, et le préserver des immondices et des ordures. V. 115. Te, Lupe, te, Muli. — Mutius et Lupus étaient deux personnages très puissants, que le poète Lucile n’a pas craint d’attaquer dans ses satires. V. 119. Nec cum scrobe?—Allusion au barbier du roi Midas. Ce barbier, ayant découvert que son maître avait des oreilles d’âne, et n’osant confier ce secret à personne, fit un trou dans la terre, et lui conta tout bas l’aventure du roi Midas. Mais les roseaux, agités par le vent, répètent la confidence du barbier, et font savoir partout que le roi Midas a des oreilles d’âne. V. 121. Auriculas asini Mida rex habet. — Presque tous les manuscrits portent quis non, au lieu de Mida rex. Cornutus, le maître et l’ami de Perse, lui avait conseillé cette prudente correction. L’ombrageux et cruel empereur aurait-il pu ne point se reconnaître dans ce roi Midas? V. 123. Cratino, etc. — Cratinus, Eupolis et Aristophane, les trois représentants de la vieille comédie. V. 130. Areli ædilis. — Ville de Toscane. L’édilité était la plus humble des magistratures. Y. 131. Secto in pulvere metas. — Les mathématiciens traçaient leurs calculs sur le sable. V. 133. Si cynico barbam, etc. — La courtisane Laïs se faisait un amusement d’arracher la barbe à Diogène. C’était le dernier des affronts. V. 134. His mane edictum. — Perse veut dire que de pareilles gens ne sont bons qu’à consacrer le matin aux affaires d’intérêt, et le soir à la débauche.
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