Préambule
[1,1-42]
Dédicace
à Mécène; sujet de chacun des livres [1,1-5]
[1,1] Quel art fait les grasses moissons; sous quel astre, Mécène, il
convient de retourner la terre et de marier aux ormeaux les vignes; quels
soins il faut donner aux boeufs, quelle sollicitude apporter à l'élevage du
troupeau; quelle expérience à celle des abeilles économes, voilà ce que
maintenant je vais chanter.
Invocation aux dieux tutélaires de l'agriculture
[1,5-23]
O vous, pleins de clarté, flambeaux du monde, qui guidez dans le ciel
le cours de l'année; Liber, et toi, alme Cérès, si, grâce à votre don, la
terre a remplacé le gland de Chaonie par l'épi lourd, et versé dans la
coupe de l'Achéloüs le jus des grappes par vous découvertes; [1,10] et
vous, divinités gardiennes des campagnards, Faunes, portez ici vos pas,
Faunes, ainsi que vous, jeunes Dryades: ce sont vos dons que je chante. Et toi
qui, le premier, frappant la terre de ton grand trident, en fis jaillir le
cheval frémissant, ô Neptune; et toi, habitant des bocages, grâce à qui
trois cents taureaux neigeux broutent les gras halliers de Céa; toi-même, délaissant
le paternel bocage et les bois du lycée, Pan, gardeur de brebis, si ton Ménale
t'est cher, assiste-moi, Tégéen, et me favorise; et toi, Minerve, créatrice
de l'olivier; et toi, enfant, qui nous montras l'arceau recourbé; [1,20] et
Silvain, portant un tendre cyprès déraciné; vous tous, dieux et déesses,
qui veillez avec soin sur nos guérets, qui nourrissez les plantes nouvelles nées
sans aucune semence, et qui du haut du ciel faites tomber sur les semailles
une pluie abondante.
Invocation à Auguste qui prendra place dans le ciel
[1,24-42]
Et toi enfin, qui dois un jour prendre place dans les conseils des
dieux à un titre qu'on ignore, veux-tu, César, visiter les villes ou prendre
soin des terres et voir le vaste univers t'accueillir comme l'auteur des
moissons et le maître des saisons, en te ceignant les tempes du myrte
maternel ? Ou bien deviendras-tu le dieu de la mer immense, [1,30] pour
que les marins révèrent ta seule divinité, que Thulé aux confins du monde
soit soumise à tes lois, et que Téthys, au prix de toutes ses ondes, achète
l'honneur de t'avoir pour gendre ? Ou bien, astre nouveau, prendras-tu
place, aux mois lents dans leur course, dans l'intervalle qui s'ouvre entre Érigone
et les Chèles qui la poursuivent ? De lui-même, l'ardent Scorpion pour
toi déjà replie ses bras et te cède dans le ciel plus d'espace qu'il n'en
faut. Quel que soit ton destin [car le Tartare ne saurait t'espérer pour roi,
et ton désir de régner n'irait pas jusque-là, bien que la Grèce admire les
Champs-Élyséens et que Proserpine n'ait cure de répondre aux appels de sa mère),[1,40]
donne-moi une course facile, et favorise mes hardies entreprises, et, sensible
comme moi aux misères des campagnards qui ne savent pas leur route, avance et
accoutume-toi, dès maintenant, à être invoqué par des voeux.
Travaux
des Champs [1,43-203]
Au
retour du printemps, il faut labourer la terre; les quatre labours annuels
[1,43-49]
Au printemps nouveau, quand fond la glace sur les monts chenus et que la glèbe
amollie s'effrite au doux Zéphyr, je veux dès lors voir le taureau commencer
de gémir sous le poids de la charrue, et le soc resplendir dans le sillon
qu'il creuse. La récolte ne comblera les voeux de l'avide laboureur que si
elle a senti deux fois le soleil et deux fois les frimas : alors d'immenses
moissons feront crouler ses greniers.
Chaque terre ayant ses qualités propres, on réglera
d'après la nature du fonds le temps et le nombre des façons à lui donner
[1,50-70]
[1,50] Mais avant de fendre avec le fer une campagne inconnue, qu'on
ait soin d'étudier au préalable les vents, la nature variable du climat, les
traditions de culture et les caractères des lieux, et ce que donne ou refuse
chaque contrée. Ici les moissons viennent mieux; là, les raisins; ailleurs
les fruits des arbres et les herbages verdoient d'eux-mêmes. Ne vois-tu pas
comme le Tmolus nous envoie ses crocus odorants, l'Inde son ivoire, les mols
Sabéens leurs encens, tandis que les Chalybes nus nous donnent le fer, le
Pont son fétide baume de castor, l'Épire les palmes des cavales d'Élis ?
[1,60] Telles sont les lois et les conditions éternelles que la nature a, dès
le début, imposées à des lieux déterminés, lorsqu'aux premiers temps du
monde Deucalion jeta sur le globe vide les pierres d'où les hommes naquirent,
dure engeance. Courage donc! si le sol est de terre glaise, que dès les
premiers mois de l'année de forts taureaux le retournent et que l'été
poudreux cuise les mottes exposées aux rayons du soleil; mais si le sol est
peu fécond, il suffira d'y tracer, juste au retour de l'Arcture, un mince
sillon : là, pour que les herbes ne fassent tort aux grasses récoltes;
[1,70] ici, pour que le peu d'eau qui l'humecte abandonne un sable stérile.
Les méthodes de culture : la jachère; les assolements;
la fumure; l'incinération des éteules sur place; le hersage et les labours
qui se recoupent [1,71-99]
Tes blés une fois coupés, tu laisseras la campagne se reposer pendant un an
et, oisive, se durcir à l'abandon; ou bien, l'année suivante, tu sèmeras,
au changement de saison, l'épeautre doré là où tu auras précédemment récolté
un abondant légume à la cosse tremblante, les menus grains de la vesce ou
les tiges frêles et la forêt bruissante du triste lupin. Car une récolte de
lin brûle la campagne, une récolte d'avoine la brûle, et les pavots la brûlent
imprégnés du sommeil Léthéen. Mais pourtant, grâce à l'alternance, le
travail fourni par la terre est facile; [1,80] seulement n'aie point honte de
saturer d'un gras fumier le sol aride, ni de jeter une cendre immonde par les
champs épuisés. C'est ainsi qu'en changeant de productions les guérets se
reposent, et que la terre qui n'est point labourée ne laisse pas d'être généreuse.
Souvent aussi il a été bon d'incendier des champs stériles et de brûler le
chaume léger à la flamme pétillante : soit que les terres en retirent des
forces secrètes et des sucs nourriciers; soit que tout leur virus soit cuit
par le feu et qu'elles suent une humidité inutile; soit que la chaleur dilate
des passages en plus grand nombre et des pores invisibles, [1,90] par où le
suc arrive aux plantes nouvelles; soit qu'elle durcisse le sol et en resserre
les veines béantes, de façon à empêcher les effets des pluies fines, de
l'ardeur d'un soleil dévorant ou des brûlures dues au froid pénétrant de
Borée.
De plus, celui qui brise avec le hoyau les mottes inertes et qui fait passer
sur elles les herses d'osier, fait du bien aux guérets, et ce n'est pas pour
rien que du haut de l'Olympe la blonde Cérès le regarde. Il en va de même
de celui qui, en tournant la charrue obliquement, rompt en sens inverse des
mottes qu'il a soulevées en creusant le sillon, qui tourmente la terre sans répit
et commande aux guérets.
Après les semailles, conditions et travaux favorables aux céréales
[1,100-117]
[1,100] Priez pour avoir des solstices humides et des hivers sereins, ô
laboureurs; de la poussière en hiver est signe d'épeautre très abondant, de
récolte abondante; c'est ainsi que sans culture la Mysie montre tant de
jactance et que le Gargare lui-même admire ses propres moissons.
Que dirai-je de celui, qui, dès les semailles faites, engage la lutte avec le
guéret, brise les mottes qui hérissent le sol, puis fait passer sur ses
semailles une eau courante et de dociles canaux ? Et, quand le champ brûlé
voit les plantes mourir de chaleur, voici que du sommet sourcilleux d'une
traverse déclive il fait jaillir l'onde; celle-ci, en tombant sur un lit de
cailloux lisses, fait entendre un murmure rauque, [1,110] et rafraîchit de
ses cascades les guérets altérés. Que dirai-je encore de celui qui, pour
empêcher que le chaume ne succombe sous le poids des épis, fait paître le
luxe de ses moissons quand elles ne sont encore qu'herbe tendre, dès qu'elles
atteignent la hauteur des sillons; ou de celui qui déverse dans le sable
avide l'eau stagnante amassée sur ses terres, surtout si pendant les mois
douteux le fleuve grossi déborde et couvre tout au loin de son épais limon,
en laissant des lagunes profondes d'où s'exhale une tiède vapeur ?
Mais à ce travail font obstacle les ennemis du
laboureur; car Jupiter a imposé aux mortels la loi du progrès laborieux; d'où
la nécessité de lutter contre la rouille, les plantes parasites, les oiseaux
et l'ombre [1,118-159]
Et cependant, en dépit de tout ce mal que les hommes et les boeufs se sont
donné pour retourner la terre, ils ont encore à craindre l'oie vorace,
[1,120] les grues du Strymon, l'endive aux fibres amères et les méfaits de
l'ombre. Le Père des dieux lui-même a voulu rendre la culture des champs
difficile, et c'est lui qui le premier a fait un art de remuer la terre, en
aiguisant par les soucis les coeurs des mortels et en ne souffrant pas que son
empire s'engourdît dans une triste indolence.
Avant Jupiter, point de colon qui domptât les guérets; il n'était même pas
permis de borner ou de partager les champs par une bordure : les récoltes étaient
mises en commun, et la terre produisait tout d'elle-même, librement, sans
contrainte. C'est lui qui donna leur pernicieux virus aux noirs serpents,
[1,130] qui commanda aux loups de vivre de rapines, à la mer de se soulever;
qui fit tomber le miel des feuilles, cacha le feu et arrêta les ruisseaux de
vin qui couraient çà et là: son but était, en exerçant le besoin, de créer
peu à peu les différents arts, de faire chercher dans les sillons l'herbe du
blé et jaillir du sein du caillou le feu qu'il recèle. Alors, pour la première
fois, les fleuves sentirent les troncs creusés des aunes; alors le nocher dénombra
et nomma les étoiles : les Pléiades, les Hyades et la claire Arctos, fille
de Lycaon. Alors on imagina de prendre aux lacs les bêtes sauvages, de
tromper les oiseaux avec de la glu [1,140] et d'entourer d'une meute les
profondeurs des bois. L'un fouette déjà de l'épervier le large fleuve, dont
il gagne les eaux hautes; l'autre traîne sur la mer ses chaluts humides.
Alors on connaît le durcissement du fer et la lame de la scie aiguë (car les
premiers hommes fendaient le bois avec des coins); alors vinrent les différents
arts. Tous les obstacles furent vaincus par un travail acharné et par le
besoin pressant en de dures circonstances.
La première, Cérès apprit aux mortels à retourner la terre avec le fer,
lorsque déjà manquaient les glands et les arbouses de la forêt sacrée et
que Dodone refusait toute nourriture. [1,150] Bientôt les blés aussi
connurent la maladie, telles que la nielle pernicieuse, rongeant les chaumes,
et le stérile chardon hérissant les guérets; les moissons meurent sous une
âpre forêt de bardanes et de tribules, et au milieu de brillantes cultures
s'élèvent l'ivraie stérile et les folles avoines. Si avec le hoyau tu ne
fais pas une guerre assidue aux mauvaises herbes, si tu n'épouvantes à grand
bruit les oiseaux, si la serpe en main tu n'élagues l'ombrage qui recouvre
ton champ, si tu n'appelles la pluie par tes voeux, hélas ! tu en seras
réduit à contempler le gros tas d'autrui et à secouer, pour soulager ta
peine, le chêne dans les forêts.
Les armes du paysan; fabrication de la charrue [1,160-175]
[1,160] Il nous faut dire maintenant quelles sont les armes propres aux
rudes campagnards et sans lesquelles les moissons n'auraient pu être semées
ni lever : c'est d'abord le soc et le bois pesant de l'areau recourbé; les
chariots à la marche lente de la mère d'Éleusis; les rouleaux, les traîneaux,
les herses au poids énorme, puis le vil attirail d'osier inventé par Célée,
les claies d'arbousier et le van mystique d'Iacchus. Tels sont les instruments
que tu auras soin de te procurer longtemps d'avance, si tu veux mériter la
gloire d'une campagne divine.
On prend tout de suite dans les forêts un ormeau qu'on ploie de toutes ses
forces pour en faire un age [1,170] et auquel on imprime la forme de l'areau
courbe; on y adapte, du côté de la racine, un timon qui s'étend de huit
pieds en avant, deux orillons et un sep à double revers. On coupe d'avance un
tilleul léger pour le joug et un hêtre altier pour le manche, qui, placé en
arrière, fait tourner le bas du train : on suspend ces bois au-dessus du
foyer et la fumée en éprouve la solidité.
Autres préceptes; établissement de l'aire; présages
procurés par la floraison de l'amandier; choix et traitement des semences
pour éviter qu'elle ne dégénèrent [1,176-203]
Je puis te rappeler une foule de préceptes des anciens, si tu n'y répugnes
pas et ne dédaignes pas de connaître de menus détails.
L'aire avant tout doit être aplanie avec un grand cylindre, retournée avec
la main et durcie avec une craie tenace, [1,180] de peur que les herbes n'y
poussent ou que, vaincue par la poussière, elle ne se fende, et qu'alors des
fléaux de toute sorte ne se jouent de toi : souvent le rat menu a établi ses
demeures et creusé sous terre ses greniers; ou encore les taupes aveugles y
ont creusé leurs tanières; on y surprend en ses trous le crapaud et toutes
les bêtes étranges que la terre produit; un énorme tas d'épeautre est dévasté
par les charançons ou par la fourmi craignant la gêne pour sa vieillesse.
Observe aussi l'amandier, lorsqu'il se revêtira de fleurs dans les bois et
courbera ses branches odorantes : si les fruits surabondent, le blé suivra de
même, [1,190] et avec les grandes chaleurs il y aura à battre une grande récolte;
mais si un vain luxe de feuilles donne une ombre excessive, l'aire ne broiera
que des chaumes riches en paille.
J'ai vu bien des gens traiter leurs semences en l'arrosant au préalable de
nitre et de marc noir, pour que le grain fût plus gros dans ses cosses
trompeuses et plus prompt à s'amollir même à petit feu. J'ai vu des
semences, choisies à loisir et examinées avec beaucoup de soin, dégénérer
pourtant, si chaque année on n'en triait à la main les plus belles : [1,200]
c'est une loi du destin que tout périclite et aille rétrogradant. Tout de même
que celui qui, à force de rames, pousse sa barque contre le courant, si par
hasard ses bras se relâchent, l'esquif saisi par le courant l'entraîne à la
dérive.
La
météorologie [1,204-463]
Il
faut observer les astres qui indiquent le moment de semer les différentes
graines [1,204-230]
En outre, nous devons observer la constellation de l'Arcture, le temps des
Chevreaux et le Serpent lumineux avec le même soin que les voyageurs qui,
regagnant leur patrie à travers des mers orageuses, affrontent le Pont et les
passes ostréifères d'Abydos.
Quand la Balance aura rendu égales les heures du jour et celles du sommeil,
et partagé le globe par moitié entre la lumière et les ombres, [1,210]
exercez vos taureaux, laboureurs, semez l'orge dans les campagnes jusqu'à l'époque
des pluies de l'intraitable solstice. C'est aussi le moment de mettre en terre
la graine de lin et le pavot de Cérès, et de rester penchés sur vos
charrues aussi longtemps que la terre sèche le permet et que les nuées
demeurent en suspens.
C'est au printemps qu'a lieu la semaille des fèves; c'est alors aussi que
t'accueillent, Médique, les sillons amollis, et qu'on place la culture
annuelle du millet, quand l'éblouissant Taureau aux cornes dorées ouvre
l'année et que, cédant le champ à l'astre adverse, le Chien se couche.
[1,220] Mais si tu travailles le sol pour récolter le froment ou le robuste
épeautre, si tu ne vises que les épis seuls, attends la disparition des
Atlantides Aurorales, attends que l'étoile de Gnosse à l'ardente Couronne se
retire, pour jeter aux sillons les semences qu'ils réclament et confier hâtivement
à une terre rebelle l'espérance de l'année. Beaucoup ont commencé avant le
coucher de Maia, mais la récolte a trompé leur attente en ne leur donnant
que des épis vides.
Si au contraire tu sèmes la vesce et la vile faséole, si tes soins ne dédaignent
pas la lentille de Péluse, le coucher du Bouvier t'enverra des signes non
obscurs : [1,230] commence tes semailles et continue-les jusqu'au milieu des
frimas.
Description des zones célestes et des constellations qui indiquent le temps
propice à chaque travail [1,231-258]
Voilà pourquoi le Soleil d'or, par les douze astres du monde, régit
l'univers divisé en tranches déterminées. Cinq zones embrasent le Ciel :
l'une toujours rougeoyante de l'éclat du soleil et toujours brûlée par son
feu; autour d'elle, à droite et à gauche, s'étendent les deux zones extrêmes,
couvertes de glace bleuâtre et où tombent des pluies noires; entre elles et
la zone médiane, deux autres ont été concédées aux malheureux mortels par
la faveur des dieux, et une route les coupe l'une et l'autre par où tourne
l'ordre oblique des Signes. [1,240] Si la voûte céleste monte vers la
Scythie et les contreforts des Riphées, elle s'abaisse et descend vers les
autans de la Lybie. L'un de ces pôles est toujours au-dessus de nos têtes;
l'autre est sous nos pieds, vis-à-vis du Styx noir et des profondeurs où
vont les Mânes. Ici l'immense Serpentaire monte et glisse en replis sinueux,
passe, à la façon d'un fleuve, autour et au travers des deux Ourses, des
Ourses craignant de se tremper dans la plaine liquide. Là-bas, si l'on en
croit ce qu'on raconte, règne une nuit d'éternel silence, et les ténèbres
y sont épaissies par le voile de la nuit; ou bien l'Aurore, en nous quittant,
y ramène le jour, [1,250] et quand le soleil levant nous fait sentir le
souffle de ses chevaux haletants, là-bas Vesper rougissant allume des feux
tardifs.
De là vient que nous pouvons, même par un ciel douteux, connaître d'avance
les saisons, distinguer le temps de la moisson et le temps des semailles;
quand il convient de fendre avec les rames le marbre perfide des flots, ou de
lancer des flottes armées, ou de déraciner à propos le pin dans les forêts.
Ce n'est pas en vain non plus que nous observons le coucher et le lever des
astres et les diverses saisons qui se partagent également l'année.
Occupations pour les jours de pluie et les jours de fête [1,259-275]
Si d'aventure une pluie froide retient le cultivateur chez lui, [1,260] il
peut faire à loisir bien des ouvrages qu'il lui faudrait plus tard hâter par
un ciel serein : le laboureur martèle le dur tranchant du soc émoussé; il
creuse des nacelles dans un arbre, ou marque son bétail, ou numérote ses tas
de blé. D'autres aiguisent des pieux et des échalas fourchus et préparent,
pour la vigne flexible, des liens d'Amérie. Il faut tantôt tresser une molle
corbeille avec la baguette des ronces, tantôt griller les grains au feu, tantôt
les broyer avec une pierre. Oui, même aux jours de fête, il est des travaux
auxquels les lois divines et humaines permettent de se livrer; [1,270] jamais
la religion n'a défendu de détourner le cours des ruisseaux, de border la
moisson d'une haie, de tendre des pièges aux oiseaux, d'incendier les
broussailles et de plonger dans une onde salutaire un troupeau de moutons bêlants.
Souvent le conducteur d'un ânon qui s'attarde charge les flancs de l'animal
d'huile ou de fruits grossiers, et rapporte, à son retour de la ville, une
pierre incuse ou une masse de poix noire.
La lune a marqué dans le mois les jours favorables ou défavorables
[1,276-286]
La Lune elle-même a mis dans son cours les jours favorables à tels ou
tels travaux. Évite le cinquième : c'est lui qui a vu naître le pâle Orcus
et les Euménides; c'est alors que dans un abominable enfantement la Terre créa
Cée et Japet, et le farouche Typhée [1,280] et les frères qui avaient juré
de forcer le ciel. Trois fois ils s'efforcèrent de mettre Ossa sur Pélion,
et de rouler sur Ossa l'Olympe feuillu; trois fois le Père, de sa foudre,
jeta bas les monts entassés. Le septième jour est après la dixième le plus
favorable pour planter la vigne, dresser les taureaux qu'on a pris, et mettre
de nouvelles lices à la chaîne; le neuvième est propice à la fuite,
contraire aux larcins.
Travaux à exécuter de nuit, à l'aurore, à la veillée,
en plein été, en hiver [1,287-310]
Beaucoup de travaux nous sont rendus plus faciles par la fraîcheur de la nuit
ou lorsque l'Étoile du matin, au lever du
soleil, humecte les terres de rosée. La nuit,
les chaumes légers sont plus faciles à faucher,
les prairies desséchées se fauchent mieux; [1,290] la nuit, l'humidité qui
assouplit les plantes ne fait jamais défaut. Tel veille aussi le
soir aux feux d'une lumière d'hiver, et, un fer pointu à la main,
taille des torches en forme d'épis; cependant, charmant par ses chansons
l'ennui d'un long labeur, sa compagne fait courir un peigne crissant sur les
toiles, ou cuire la douce liqueur du moût aux flammes de Vulcain, et écume
avec des feuilles l'onde du chaudron qui bout.
Mais c'est en pleine chaleur qu'on coupe la rubiconde Cérès et c'est en
pleine chaleur que l'aire broie les moissons mûries. Mets-toi nu pour
labourer, mets-toi nu pour semer : l'hiver, le cultivateur se repose. [1,300]
Pendant les froids, les laboureurs jouissent d'ordinaire du fruit de leurs
travaux, en donnant tour à tour de gais festins entre eux. L'hiver aux bons génies
les régale et chasse leurs soucis : ainsi quand les carènes chargées ont
enfin touché le port, les matelots joyeux mettent sur les poupes des
couronnes. Mais pourtant c'est aussi le moment, alors, de cueillir les glands
du chêne, et les baies du laurier, et l'olive, et la myrtille sanglante;
c'est le moment de tendre des pièges aux grues, des rets aux cerfs, de
poursuivre les lièvres aux longues oreilles; le moment d'abattre les daims en
faisant tournoyer les lanières d'étoupe de la fronde chère aux Baléares,
[1,310] tandis qu'une neige épaisse couvre la terre et que les fleuves
charrient des glaçons.
Les méfaits causés par les orages violents imposent la
vigilance et l'observation des astres [1,311-337]
Que dirai-je des tempêtes et des constellations de l'automne, et, quand déjà
le jour est plus court et l'été plus doux, des soins que les gens doivent
prendre, ou quand se déchaîne le printemps porteur de pluies, qu'une moisson
d'épis déjà hérisse la plaine, et que les grains laiteux du blé se
gonflent sur leur tige verte ? Souvent, quand le cultivateur introduisait
le moissonneur dans les guérets dorés et coupait déjà les orges à la tige
frêle, j'ai vu moi-même tous les vents se livrer des combats si terribles
qu'ils déracinaient [1,320] et faisaient voler au loin dans les airs la
lourde moisson, et l'ouragan emporter alors dans un noir tourbillon le chaume
léger et les feuilles volantes. Souvent aussi une immense traînée d'eaux
s'avance dans le ciel et un cortège de nuées venu de la haute mer recèle
l'affreuse tempête aux sombres pluies; le haut éther fond, et noie dans un déluge
énorme les riches semailles et les travaux des boeufs; les fossés se
remplissent, le lit des fleuves s'enfle en mugissant, et la plaine liquide
bouillonne en ses abîmes soulevés. Le Père lui-même, au sein de la nuit
des nuées, lance ses foudres d'une dextre flamboyante; [1,330] sous la
secousse la terre immense tremble, les bêtes se sont enfuies, et une
consternation effroyable a abattu les coeurs des mortels. Lui, de son trait
enflammé, renverse l'Athos ou le Rhodope ou les sommets Cérauniens; les
autans redoublent, la pluie tombe drue; tantôt les bois, tantôt les rivages
retentissent sous les coups de l'ouragan énorme.
Par crainte de ces maux, observe les mois du ciel et les astres, l'endroit où
se retire la froide étoile de Saturne, et les cercles du ciel où erre le feu
de Cyllène.
Avant tout, il faut honorer les dieux et en particulier Cérès [1,338-350]
Avant tout, honore les dieux, et offre à la grande Cérès un sacrifice
annuel en accomplissant les rites sur de gras herbages, [1,340] quand le déclin
de l'extrême hiver fait déjà place au printemps serein. Alors les agneaux
sont gras, et les vins très moelleux; alors le sommeil est doux et les ombres
sont épaisses sur les montagnes. Qu'avec toi toute la jeunesse champêtre
adore Cérès, mêle en son honneur des rayons de miel à du lait et au doux
Bacchus; que la victime propitiatoire fasse trois fois le tour des moissons
nouvelles; que tout le choeur et tes compagnons l'accompagnent avec allégresse
et appellent par leurs cris Cérès dans ta demeure; et que personne enfin ne
porte la faucille sur les épis mûrs avant d'avoir en l'honneur de Cérès,
les tempes ceintes d'une couronne de chêne, [1,350] célébré les danses
sans art et chanté les cantiques.
En outre Jupiter a fixé les signes qui permettent de prévoir le temps
[1,351-355]
Et pour que nous puissions connaître à des signes certains les chaleurs, et
les pluies, et les vents précurseurs du froid, le Père lui-même a déterminé
ce qu'annonceraient les phases de la lune, quel signe marquerait la chute des
autans, quels indices souvent répétés engageraient les cultivateurs à
tenir leurs troupeaux plus près des étables.
Pronostics de mauvais temps fournis par les éléments, le tonnerre, les
oiseaux, la flamme de la lampe [1,356-392]
Tout d'abord, quand les vents se lèvent, les eaux de la mer commencent, agitées,
à s'enfler, et un bruit sec à se faire entendre sur le sommet des monts; ou
bien les rivages commencent à retentir au loin sous les vagues qui se
heurtent et le murmure des bois ne cesse de grandir. [1,360] Déjà l'onde n'épargne
qu'à regret les carènes courtes c'est alors que les plongeons s'envolent à
tire-d'aile du milieu de la plaine liquide et frappent les rivages de leurs
cris, c'est alors que les foulques marines se jouent sur la côte, et que le héron
quitte ses marais familiers pour survoler la hauteur d'un nuage. Souvent
aussi, quand le vent menace, tu verras des étoiles, précipitées du ciel,
glisser et, derrière elles, dans l'ombre de la nuit, laisser de longues traînées
de flammes blanchissantes; souvent tu verras voltiger la paille légère et
les feuilles qui tombent, ou des plumes flotter en se jouant à la surface de
l'eau.
[1,370] Mais quand la foudre éclate du côté du farouche Borée, et quand
tonne la demeure d'Eurus et de Zéphyr, toutes les campagnes baignent à
pleins fossés, et tout marin en mer cargue ses voiles humides. Jamais pluie
n'a surpris les gens à l'improviste : en la voyant surgir dans le fond des
vallées, les grues ont fui dans les airs; ou la génisse, les yeux levés
vers le ciel, a humé les brises de ses larges naseaux; ou l'hirondelle, avec
des cris aigus, a voltigé autour des lacs; et les grenouilles, dans leur
vase, ont chanté leur antique complainte. Assez souvent aussi la fourmi,
foulant un chemin étroit, [1,380] a tiré ses oeufs de ses demeures
profondes; un énorme arc-en-ciel a bu l'eau; et, revenant de la pâture en
une longue colonne, une dense armée de corbeaux a fait claquer ses ailes. On
voit aussi les divers oiseaux de mer, et ceux qui, hôtes des étangs d'eau
douce, fouillent çà et là les prés asiatiques du Caystre, répandre à
l'envi sur leurs épaules les eaux de pluie abondantes, et tantôt présenter
leur tête aux flots, tantôt s'élancer dans les ondes, brûlant d'une envie
folle de s'y plonger toujours. Alors la corneille importune appelle la pluie
à pleine voix et toute seule se promène sur le sable sec. [1,390] Les jeunes
filles elles-mêmes, en tournant la nuit leurs fuseaux, ne sont pas sans connaître
l'approche de l'orage, quand elles voient l'huile scintiller dans la lampe
d'argile et la mèche charbonneuse se couvrir de noirs champignons.
Pronostics de beau temps fournis par les astres, les oiseaux [1,393-423]
A des signes non moins certains, tu pourras, pendant la pluie, prévoir et
reconnaître le retour du soleil et des beaux jours. Car alors l'éclat des étoiles
ne semble point pâli ni la Lune à son lever emprunter sa lumière aux rayons
de son frère; on ne voit pas non plus de minces flocons de laine être emportés
à travers le ciel; les alcyons chers à Thétis ne déploient pas leurs
plumes sur le rivage aux rayons d'un tiède soleil, [1,400] et les porcs
immondes ne songent plus à mettre en pièces avec leurs groins et à éparpiller
des bottes de foin. Mais les brouillards descendent toujours plus bas et s'étendent
sur la plaine; et, observant du haut d'une terrasse le coucher du soleil, le
hibou, vainement, exécute son chant tardif. Très haut, dans l'air
translucide, apparaît Nisus, et Scylla est punie pour le cheveu de pourpre;
de quelque côté qu'elle s'enfuie, en fendant l'éther léger de ses ailes,
voici qu'ennemi acharné, Nisus à grand fracas la poursuit dans les airs;
partout où Nisus s'élance dans les airs, elle s'enfuit en fendant rapidement
l'éther léger de ses ailes. [1,410] Alors les corbeaux, le gosier serré, répètent
trois et quatre fois des notes claires, et souvent, au haut de leurs couches,
en proie à je ne sais quels transports d'une douceur insolite, ils mènent
grand fracas entre eux dans le feuillage; heureux sans doute, quand les pluies
sont passées, de revoir leur petite progéniture et leurs doux nids. Non pas
que je croie que la divinité leur ait départi une intelligence ni le destin
une prévoyance supérieure à la nôtre; mais quand la température et la
mobile humidité du ciel ont pris un nouveau cours, quand Jupiter mouillé par
les autans tantôt condense ce qui était tout à l'heure léger, tantôt relâche
ce qui était dense, [1,420] les dispositions des âmes se trouvent transformées,
et les coeurs éprouvent alors des émotions tout autres que quand le vent
poussait les nuées : de là le concert des oiseaux dans les champs, la joie
des bêtes et les cris de triomphe que poussent les corbeaux.
Pronostics lunaires [1,424-437]
Si tu observes le soleil dévorant et les phases successives de la lune,
jamais le temps du lendemain ne te trompera, ni jamais tu ne te laisseras
prendre aux pièges d'une nuit sereine. Quand la lune rassemble d'abord ses
feux renaissants, si sa corne obscurcie embrasse un air noir, c'est une
immense pluie qui va se préparer pour les laboureurs et pour la mer; [1,430]
mais si elle revêt son front d'une rougeur virginale, il y aura du vent : le
vent fait toujours rougir l'or de Phébé. Si à son quatrième lever (car
c'est là le plus sûr présage), elle est pure et parcourt le ciel sans que
ses cornes soient émoussées, ce jour tout entier et ceux qui en naîtront
jusqu'à la fin du mois se passeront sans vent ni pluies, et les marins sauvés
acquitteront sur le rivage les voeux faits à Glaucus, à Panopée et à
l'Inoen Mélicerte.
Pronostics solaires [1,438-462]
Le soleil aussi, et à son lever, et lorsqu'il se cachera dans les
ondes, donnera des pronostics : le soleil s'accompagne d'infaillibles
pronostics, [1,440] qu'il les offre le matin ou à l'heure où se lèvent les
astres. Quand son disque naissant sera semé de taches et caché dans une nuée
qui en dérobe la moitié, attends-toi à des pluies : car de la haute mer
menace le Notus, funeste aux arbres, aux semailles et au bétail. Ou bien,
lorsqu'au point du jour parmi d'épais brouillards, ses rayons divergents se
brisent, ou que l'Aurore sortira toute pâle de la couche crocéenne de
Tithon, hélas ! le pampre alors aura du mal à défendre les douces
grappes contre la grêle épaisse qui saute en crépitante averse sur les
toits !
[1,450] Mais plus encore, c'est quand, parvenu au terme de sa carrière, le
soleil va quitter l'Olympe, qu'il est utile de faire attention : car nous
voyons souvent diverses couleurs errer sur sa face : le bleu sombre annonce la
pluie; la couleur feu, les Eurus; mais si des taches commencent à se mêler
à ce feu rougeoyant, tu verras alors toute la nature agitée d'un coup par le
vent et les nuées pluvieuses. Il n'est personne, par une telle nuit, qui se déciderait
à gagner le large ni à détacher le câble de la terre. Mais si, lorsqu'il
nous ramène ou nous retire le jour, son disque brille radieux, la frayeur que
t'inspireront les nuages sera vaine, [1,460] et tu verras les forêts s'agiter
sous un clair Aquilon. Enfin quel temps amènera le tardif Vesper, d'où le
vent pousse les nuages sereins, à quoi songe l'humide Auster : voilà ce que
le soleil t'indiquera.
Finale
[1,463-514]
C'est
le soleil qui annonça la guerre civile et tous les maux qui ont suivi la mort
de César [1,463-497]
Le soleil ! qui oserait le traiter d'imposteur ? Lui, qui
nous avertit souvent que d'obscurs tumultes nous menacent et que couvent
sourdement la trahison et les guerres ! Lui qui eut pitié de Rome à la
mort de César, quand il couvrit sa tête brillante d'une sombre rouille, et
qu'un siècle impie redouta une nuit éternelle. En ce temps-là d'ailleurs la
terre aussi, et les plaines de la mer, [1,470] et les chiennes maléficieuses
et les oiseaux sinistres fournissaient des présages. Que de fois nous avons
vu l'Etna, brisant ses fournaises, inonder en bouillonnant les champs des
Cyclopes, et rouler des globes de flammes et des rocs liquéfiés ! La
Germanie entendit un bruit d'armes dans toute l'étendue du ciel; les Alpes
tremblèrent de mouvements insolites. Une voix aussi fut entendue partout dans
le silence des bois sacrés, une voix énorme; et des fantômes d'une étrange
pâleur apparurent à l'entrée de la nuit; et des bêtes parlèrent,
indicible prodige ! Les fleuves s'arrêtent et les terres s'entrouvrent,
[1,480] et dans les temples l'ivoire affligé pleure et l'airain sue. Le roi
des fleuves, l'Éridan, entraîne et fait tourner les forêts dans un fol
tourbillon, et roule à travers toutes les plaines les grands troupeaux avec
leurs étables ! Et dans le même temps des fibres menaçantes ne cessèrent
d'apparaître dans les entrailles sinistres, ni le sang ne cessa de couler
dans les puits, ni les hautes villes de retentir pendant la nuit des
hurlements des loups. Jamais la foudre ne tomba plus souvent par un ciel
serein, ni ne brûlèrent si souvent de farouches comètes. [1,490] Ainsi
Philippes a-t-il vu pour la seconde fois les armées romaines l'affronter avec
les mêmes armes, et les dieux d'en haut ne s'indignèrent pas de voir l'Émathie
et les larges plaines de l'Hémus s'engraisser deux fois de notre sang. Sans
doute aussi un temps viendra-t-il que, dans ces contrées, le laboureur, en
remuant la terre avec l'airain courbé, trouvera des javelots rongés d'une
rouille lépreuse ou, de ses herses pesantes, qu'il heurtera des casques
vides, et s'étonnera de voir dans les sépulcres entr'ouverts des ossements
énormes.
Prière aux dieux de la patrie, pour que le jeune prince
puisse ramener la paix dans le monde et la prospérité dans les campagnes délaissées
[1,498-514]
Dieux de nos pères, dieux Indigètes, et toi Romulus, et toi Vesta notre mère,
qui veilles sur le Tibre toscan et sur le Palatin de Rome, [1,500] n'empêchez
pas au moins ce jeune héros de relever les ruines de ce siècle. Assez, et
depuis trop longtemps, notre sang a lavé les parjures de la Troie de Laomédon.
Depuis longtemps, César, le palais céleste nous envie ta présence, et se
plaint de te voir sensible aux triomphes décernés par les hommes. Ici-bas en
effet le juste et l'injuste sont renversés, tant il y a de guerres par le
monde, tant le crime revêt d'aspects divers. La charrue ne reçoit plus
l'honneur dont elle est digne; les guérets sont en friche, privés des
laboureurs entraînés dans les camps; et les faux recourbées servent à
forger une épée rigide. D'un côté l'Euphrate, de l'autre la Germanie
fomentent la guerre; [1,510] des villes voisines, rompant les traités qui les
lient, prennent les armes; Mars impie sévit dans tout l'univers. Tels, quand
ils se sont une fois élancés des barrières, les quadriges se donnent du
champ; en vain le cocher tire sur les rênes; il est emporté par ses chevaux
et le char n'obéit plus aux brides.