Claudien
PANÉGYRIQUE SUR LE CONSULAT
DE MALLIUS THEODORUS.
PANÉGYRIQUE SUR LE CONSULAT DE MALLIUS THEODORUS. PRÉFACE. Au milieu de cette docte assemblée et de tant d'illustres personnages, oseras-tu, Thalie, faire entendre ta voix? Ne crains-tu pas pour ta renommée! Exagérée par la flatterie, qu'il est difficile de la conserver, et honteux de la perdre! Le séjour prolongé des camps a-t-il augmenté ta hardiesse? et le poète a-t-il aujourd'hui toute l'âme du guerrier? Tu vois ici les colonnes du sénat, les soutiens de Rome, les hommes dont s'enorgueillit la Gaule : la terre entière t'écoute : tes vers voleront dans l'univers; arrête! Mais tu cèdes à ton amour pour le consul. Jupiter, ignorant la grandeur de son empire, voulut, dit-on, mesurer l'étendue de l'univers. Deux aigles, d'un vol égal, partirent à la fois des portes de l'aurore et de celles du couchant : c'est au Parnasse que se joignirent les messagers célestes : le séjour de Python réunit les deux rivaux. Ce n'est pas à des aigles qu'Honorius doit la connaissance de son empire; cette assemblée lui en montre mieux la grandeur. Cette enceinte est, à mes yeux, la mesure do l'univers: j'y vois tout ce que l'univers a d'éclat. Oui, le prix de la vertu est dans la vertu même: seule, sans le secours de la fortune, elle brille au loin, et, modeste au milieu des dignités, elle n'envie pas l'éclat des applaudissements populaires. Sans désir de richesses étrangères, sans besoin d'éloges; mais, forte de ses trésors, inébranlable aux coups de l'adversité, des hautes régions qu'elle habite elle jette sur les grandeurs humaines un regard dédaigneux, Les honneurs, cependant, aiment à suivre ses pas, et à l'entourer malgré ses refus. voilà ce qu'enseigna plus d'une fois le licteur ramenant de la campagne le consul arraché à son humble charrue. Et toi aussi, occupé des mystères de la nature et de l'univers, retiré des emplois, éloigné des pénibles soins du barreau, ô Mafflus, Rome te rappelle à ta dignité première, et remet en tes mains les rênes de l'empire. Rome y joint la trabée : que reste-t-il encore qui puisse ajouter à tes vertus et à l'éclat de ton nom ? Tu occupes ce double faîte : tel tu t'annonçais dès tes premières années : ta vie suivait la route qui mène au consulat; et, jeune encore, tu effaçais les vieillards; dès lors ton esprit était mûr, ton langage plein d'agrément et de poids, et tes discours charmaient les oreilles étonnées. Bientôt ton éloquence victorieuse déborda au barreau : sauveur de l'innocence, tu arrachas au sénat une admiration que, deux fois consul, tu (levais deux fois obtenir. Alors une partie de la Libye applaudit à tes lois, qu'elle approuve aujourd'hui tout entière. Un pouvoir de quelques jours t'a mérité une éternelle reconnaissance, et le bronze, par d'ineffaçables caractères, te proclame le protecteur 1 du peuple. Puis à tes soins furent confiées la Macédoine et Pella, Pella, qu'enrichirent autrefois les trésors de l'Hydaspe captif; et la douceur de ton empire rendit à ce peuple le bonheur qu'il goûta alors que régnait le belliqueux Philippe, ou que fut renversé le trône du noir Parus. Mais la cour ne te prêta pas plus longtemps à la province : elle aima mieux te posséder. Tu viens donner des édits à la terre, et des réponses aux suppliants, l'on éloquence relève les oracles d'Honorius, et jamais la majesté du langage ne répondit mieux à la majesté du prince. Bientôt sont remis en tes mains les revenus publics, les tributs du monde asservi, les richesses que roulent les fleuves, et ce ductile métal que le Besse (13) livide va, par d'industrieuses recherches, dérober aux entrailles de la terre. Tel un nocher habile à manier la rame est chargé de manœuvrer un vaisseau : d'abord il régit la proue tranchante, annonce les orages et la naissance des tempêtes; puis, habitué à triompher du courroux des mers, il se charge alors de diriger le gouvernail et le vaisseau tout entier. Tel, après d'éclatantes preuves de ton expérience, le prince t'appela à gouverner non une partie, mais le corps entier de l'état, et te donna pour guide aux guides mêmes de la terre. A tes ordres obéirent les mers de l'Espagne et de la Germanie; la Bretagne, séparée de notre empire; et, dans leurs lits divers, l'Arar paresseux, le Rhône bruyant, l'Hèbre au sable doré, te soumirent leurs eaux. Que le Rhin, sur la rive barbare, envia souvent à la rive opposée le bonheur de couler sous tes lois ! Aux soins d'un seul homme est commis tout ce que le soleil dore à son coucher, ce que le jour éclaire de ses derniers rayons. Avec quelle promptitude tu as fourni la carrière des honneurs! Un seul période de ta vie a suffi pour la mesurer ; et le destin a accumulé sur les années de ta jeunesse toutes ses faveurs. Rendu enfin au repos, et parvenu au faîte de la gloire, tu trouves pour elle un port tranquille dans la vie privée. Alors ton génie va reprendre ses travaux, et, toujours actif, ne laissera perdre aucun de tes moments : dérobés au barreau, ils sont consacrés à l'étude, et tu donnes tour à tour tes soins à l'état, et tes loisirs aux Muses. Occupé de relire les mystérieux écrits des vieillards d'Athènes, tu examines les découvertes que chacun mit au jour, et les sectes nombreuses qu'enfanta chaque système : ici, on li reconnaît dans l'air le principe des choses ; là, on croit le trouver dans les eaux; plus loin, on produit tout à l'aide de la flamme. L'un, près de s'élancer dans les gouffres de l'Etna, étend ou restreint à son gré la divinité, et rapproche, par les liens de l'affinité, ce qu'a séparé la discorde. L'autre rejette le témoignage des sens, et croit la vérité étrangère à l'homme. Celui-ci donne pour soutien au globe toujours chancelant de la terre, le mouvement circulaire du ciel, et, d'une pierre agitée dans les airs, fait jaillir la lumière. Celui-là, indigné que le ciel seul couvre sa tète, s'élance, plein d'audace, à travers l'immensité du vide, et, dans son esprit resserré, enfante, ennemi des limites, des mondes innombrables; d'autres veulent que les atomes se heurtent dans l'espace par un choc fortuit; d'autres encore, admet tant une providence, exilent le hasard de l'univers. Tu répands les fleurs du langage romain sur les dogmes obscurs de la Grèce, accoutumé à introduire des personnages dont les questions et les réponses cachent et découvrent tour à tour la vérité. Les préceptes émanés de l'école de Socrate, les leçons que firent répéter au portique les disciples de Cléanthe, les découvertes de Chrysippe enseveli dans sa retraite, les systèmes qu'enseignèrent le rieur Démocrite et le silencieux Pythagore; que dis-je? toute l'antiquité se renferme dans ton cœur, pour en sortir, accrue de forces nouvelles. Les anciens reparaissent embellis, et, pour un maître plus célèbre, l'académie dédaigne Athènes et passe chez les Latins, pour étudier et connaître la source du bonheur, les règles du bien, les bornes de l'honnête, et les parties d'elle-même que la vertu oppose aux vices pour les dompter; comment elle réprime l'injustice, combat par la raison les vaines terreurs, et met un frein aux passions. Tu lui enseignes les éléments de la nature, les causes de la fluidité de la matière, la puissance qui donne la vie aux astres, leur imprime des mouvements harmoniques, et met en jeu les ressorts de mette vaste machine : pourquoi, rebelles à la loi du ciel, les planètes fournissent leur carrière du couchant à l'aurore; si le même moteur leur trace cette marche opposée, ou si deux intelligences président à ces révolutions ; si les couleurs sont inhérentes aux objets, ou le reflet trompeur de la lumière; comment la lune produit le flux et le reflux; quel vent fait gronder le tonnerre; où se forment ces amas de nuages pluvieux; quelle cause durcit la grêle, glace la neige, sillonne les airs de longues traînées de flammes, précipite la foudre sur la terre, ou fixe à la voûte éthérée la sinistre chevelure de la comète. Déjà l'ancre avait enchaîné ton vaisseau à la terre : déjà tu reposais dans le port : un loisir fécond avait pour toi des charmes; tes ouvrages volaient, dès leur naissance, à l'immortalité. Du haut des cieux, Astrée voit ton inaction et les lois privées de leur fidèle appui. Soudain, couvrant d'un voile son front pudique, elle abandonne les portes de l'automne, ces espaces où le zodiaque s'incline vers l'Auster, ou le Scorpion répare les pertes de la nuit : partout où la porte son vol, la paix renaît parmi les oiseaux, les monstres dépouillent en frémissant leur fureur, et la terre tressaille au retour de cette déesse disparue avec le siècle d'or. Astrée pénètre en secret dans la capitale de la Ligurie (14), et, d'un pied qu'elle pose à peine, se glisse dans l'innocent asile de son élève. Il traçait alors sur la poussière le cours réglé des astres, découverte que surprit par de savants calculs la superstitieuse Memphis; il étudiait les forces qui meuvent les cieux; les écarts réguliers des planètes; comment se peuvent supputer les éclipses naturelles de l'astre des jours; quelle est la ligne fatale qui obscurcit la lune, et, dans l'absence du soleil, la laisse pâle et sans lumière dans les cieux. A peine de loin, Mallius a-t-il aperçu l'auguste vierge, et reconnu, à ses traits brillants, une déesse, que, les yeux respectueusement attachés sur son front chéri, il efface, en s'avançant vers elle, les figures qu'il a imprimées sur le sable. Astrée lui parle ainsi la première : « O toi, qui me présentes, dans une précieuse réunion, les traces de l'antique équité et les mœurs d'un âge plus heureux, Mallius, assez longtemps tu t'es livré à l'étude ; assez longtemps les Muses t'ont ravi à mon culte : Thémis depuis longtemps te réclame : viens reprendre nos travaux, et joindre à ta gloire passée une gloire nouvelle. Qui jamais mit un terme aux services qu'exige l'humanité? La sagesse ici ne connaît pas de bornes. D'autres sans doute ont pu obtenir cet honneur; mais le mérite y donne seul de nouveaux droits; un second suffrage est l'éloge de la première conduite ; et la vertu rappelle celui que plaça la fortune. Te semble-t-il plus glorieux et plus utile de pâlir sur les mystères de la nature? Platon, ton idole, a-t-il plus illustré sa patrie par ses leçons, que le héros qui, docile à l'oracle (15), submergea la flotte de Xerxès, sauva l'Athénien sur des vaisseaux, et déroba la ville aux torches du Mède? Lycurgue a pu inspirer le courage aux vierges de Sparte, triompher par des lois sévères de leur timidité, ôter à ses concitoyens leur confiance dans leurs remparts, et rendre Lacédémone, ouverte de toutes parts, plus redoutable à ses ennemis ; mais les avis de Pythagore et ses années de silence ne purent arracher Tarente aux excès d'un luxe funeste. Sous un prince illustre, qui oserait se soustraire à d'honorables fatigues? Quel siècle offrira jamais aux talents un plus brillant espoir? et quel homme assez insensé pour refuser de s'unir à Stilicon? Vit-on jamais son égal au conseil, dans les camps? Brutus aujourd'hui aimerait à vivre sous un roi, Fabricius céderait aux plaisirs de la cour, les Catons eux-mêmes envieraient l'esclavage. Vois-tu la Clémence, ma sœur, émousser les glaives homicides ; la Piété reparaître, pressant deux frères amis dans ses bras; la Perfidie gémir sur les débris de ses armes; les serpents expirer arrachés de la tète des Furies, et couvrir leurs chaînes d'un impuissant venin? La Paix et la Bonne Foi se livrent à l'allégresse : toutes, nous avons quitté le ciel, et parcourons les tranquilles cités. C'est parmi nous, ô Mallius ! qu'il te faut revenir. Mafflus interrompt ce discours en ces mots : « Ainsi après un long séjour, ô déesse! tu m'arraches à la campagne, et me rappelles, sous tes drapeaux, chargé de la rouille d'une longue inaction ! Ai-je eu, tant d'années, d'autre soin que de dompter avec la charrue le sol indocile, de connaître la nature des lieux, les rochers propres aux forêts, les champs favorables à l'olive, les plaines chères à Cérès et les coteaux aimés de Bacchus? Guerrier émérite, j'entendrai donc encore les redoutables clairons ! j'affronterai, pilote sans vigueur, des mers que j'ai abandonnées ! et je remettrai à la merci de la fortune le prix de mes longs travaux, ma renommée qui repose dans le calme du port! Je suis loin d'ignorer que l'expérience peut vaincre la nature : mais un art négligé est souvent un art oublié. Le coursier méconnaît le bras d'un maître affaibli; l'arc n'obéit plus à la main qui l'a laissé longtemps détendu. Mais il serait injuste le ref qu'éprouverait la Justice : c'est toi, ô déesse qui, la première, arrachas les humains aux antres des forêts, et à une vie indigne de leur nature; c'est à toi que nous devons d'avoir connu des lois, et dépouillé le naturel des monstres. Le mortel, dont le cœur pur a goûté tes leçons, s'élancera sans effroi dans les flammes, fendra les mers orageuses, vaincra sans armes d'épais bataillons : pour lui une douce rosée amortira les chaleurs de l'Éthiopie: par-delà la Scythie même, le zéphyr printanier accompagnera ses pas. A ces mots, des mains de la déesse, il reçoit quatre rênes attachées au char que lui confie la Justice. L'une guide l'Eridan, le Tibre, et l'Italie qu'embellissent mille cités : l'autre gouverne Carthage et la Libye : celle-là se prolonge jusqu'aux bords Illyriens : celle-ci dirige la Corse, la Sardaigne, la Sicile et ses trois promontoires, et les contrées qui sont battues des eaux de la Toscane, ou mugissent frappées des flots Ioniens. Mais l'embarras et le poids de tant d'affaires n'ébranlent pas ta fermeté. Tel que l'Olympe dont la cime élevée domine les vents et les tempêtes, sans que jamais aucun nuage altère son éternelle sérénité, entend à ses pieds la chute des pluies, le choc des nues, le fracas du tonnerre : tel inébranlable, libre et semblable à toi-même, tu endures tant de fatigues; et, malgré les fureurs de la haine et les séductions de la faveur, ton équité ne sait pas fléchir. Dirai-je ton mépris pour les richesses? peindrai-je ton âme insensible à l'intérêt? C'est là pour d'autres peut-être un titre de gloire : pour toi l'absence du crime n'est pas un éloge. Un calme céleste conserve à ta voix son inaltérable égalité : le calme règne toujours dans tes yeux. Jamais la fureur n'allume tes regards, jamais un sang enflammé n'emplit tes veines, jamais un nuage n'altère la sérénité de ton visage. Que dis-je? pour frapper le coupable, tu bannis la colère, et sans violence tu punis le crime; tu n'effraies personne du grincement de tes dents, et ne demandes pas avec aigreur les fouets cruels. Un monstre seul jouit des supplices : ce n'est pas la loi, c'est lui-même qu'il semble venger : quand le fiel brûle ses entrailles, pressé d'un nouvel aiguillon, d'un transport nouveau, il prodigue les tortures, sans savoir pourquoi. Mais il est l'égal des dieux celui qui, étranger à la colère, écoute la raison, mûrit ses jugements et punit avec calme. Que d'autres, un glaive sanglant à la main, aiment à répandre la terreur par la cruauté, et grossir leurs trésors de la dépouille des proscrits. Le Nil coule en silence et, plus utile que les autres fleuves, nul bruit ne révèle sa puissance. Plus impétueux, mais tranquille, le Danube renferme clans un vaste lit ses flots silencieux : la même tranquillité accompagne à la mer les eaux immenses du Gange, tandis que les torrents mugissent avec fureur, menacent les ponts ébranlés, et, dans leur course écumeuse, entraînent les forêts. Le calme sied à la grandeur : la modération réussit où la violence échoue, et une douce fermeté obtient plus sûrement l'obéissance. Sourd aux vœux qu'a dictés l'injustice, tu t'empresses de souscrire à ceux qu'adresse l'équité : compagne ordinaire des honneurs, l'arrogance n'osa jamais porter la plus légère atteinte à ton âme : ton front est celui d'un sujet. S'enorgueillir de ses dignités, c'est n'en être pas digne : mais en toi brille une gravité qu'une sévère pudeur accompagne, que tempère une fierté modeste. Quelle sédition, quelle fureur populaire ne calme ta présence? Quels barbares étrangers à nos usages ne seraient saisis de respect pour un pareil médiateur? Quel mortel, sensible à la magie d'un langage enchanteur, n'abandonnerait pas les accords d'Orphée pour les accords de ta lyre? Les vers où tu peins la naissance du monde et l'âme répandue dans l'univers te montrent à nos yeux; et tes mœurs ressemblent à tes écrits. Honorius, appréciateur de tes services, n'en diffère pas la récompense ; cette toge des consuls qui unit le sénat à la cour, et rapproche le patricien du monarque, que lui-même il a déjà portée quatre fois, l'année touche à peine à son terme, qu'il te la défère encore; et, pour t'y placer, il descend de la chaise curule. Que les talents reprennent l'essor, que notre âge soit fertile en génies; la carrière est ouverte, une faveur certaine attend le mérite, et l'industrie jouit de ses travaux. Sortez de la poussière, arts trop longtemps étouffés par la brigue : tandis que Stilicon et son gendre veillent sur l'univers, l'envie est sans empire. lei, la chaise curule est sans tache, et des noms infâmes ne souillent pas les fastes ; ici le consulat est le prix des héros, les sénateurs seuls y prétendent, et jamais il ne condamnera Rome à rougir. Messagère de bonheur, la Renommée au vol rapide avait déjà rempli les bocages d'Aonie du nom du nouveau consul : à ce nom, l'Hélicon applaudit, l'Hippocrène roula des flots plus abondants, et des fleurs émaillèrent ses bords poétiques. Le front couronné de guirlandes, Uranie, dont les leçons avaient souvent conduit le compas de Mafflus quand il traçait le cours des astres, anime ainsi ses compagnes :: Quoi ! mes sœurs, nous serions étrangères à la joie de ce jour désiré ! et nous ne visitons pas le palais du nouveau consul, palais chéri que nous préférions à l'Hélicon ! Allons porter et la chaise curule et les faisceaux, offrir au peuple des spectacles qui l'étonnent et remplir les théâtres de son nom fameux. Va, Erato, dans l'humide séjour, demander au monarque des ondes quatre coursiers, dont la rapidité ravirait la palme aux efforts d'Arion (16) : qu'il embellisse le cirque, celui qui fait retentir de ses superbes hennissements les rives du Bétis, celui qui boit l'onde précieuse du Tage, et baigne sa crinière dans ses flots dorés : qu'à ta prière, ô Calliope! Alcide amène dans la palestre ces nombreux athlètes que Palémon (17) couronna dans ses jeux, dont le dieu du tonnerre avoua les succès dans l'1!ide : toi, Clio, vole vers les sommets touffus du Taygète et du Ménale, aux pieds de la fille de Latone : que, sensible à nos prières, Diane contribue aussi à la pompe de l'amphithéâtre; qu'elle choisisse les mortels audacieux destinés à serrer adroitement le cou des monstres, et à leur présenter l'épieu avec une force inébranlable : qu'elle arrache de leurs repaires les hôtes sauvages des forêts, et les chargeant de fers, suspende un instant son arc altéré de sang. Que les ours rugissent entassés dans l'arène, et que la fille des Lycaon, la farouche Hélice, admire leur énorme masse : que des lions tels que la déesse de Phrygie en voudrait enchaîner à son char, et que le bras d'Hercule aimerait à terrasser, tombent percés de coups, aux yeux du peuple pâlissant. Nous verrons s'élancer au-devant des traits le léopard impétueux comme la foudre, fruit du mélange adultère qui unit au tigre la reine des bois, image de son père par sa robe tachetée, de sa mère par sa force ; que les monstres nourris dans les champs de Gétulie, ensevelis sous les neiges des Alpes, redoutés des forêts de la Gaule, étendus sur la poussière, l'inondent de torrents de sang, et que les spectacles dépeuplent les montagnes. A ces jeux succéderont des plaisirs plus doux : on entendra le bouffon qui excite les rires par ses saillies joyeuses, celui qui fait parler et ses yeux et ses mains; celui- ci animera la flûte de son souffle, celui-là le luth avec son archet ; l'un fera retentir la scène sous l'humble brodequin ; l'autre s'avancera grandi par le cothurne majestueux; on entendra les sons éclatants et pareils à la foudre que l'impulsion légère des doigts qui le parcourent tire de l'airain creusé en mille tuyaux, et les concerts harmonieux qu'enfante l'onde agitée par un levier pesant (18). Des hommes élancés, comme les oiseaux, dans les airs, formeront un édifice de leurs corps l'un sur l'autre rapidement exhaussés; et, suspendu sur le faîte de cette pyramide, un enfant exécutera, malgré le lien qui attache ses pieds et ses jambes, des danses aériennes. On verra un plancher mobile descendre sur ses appuis abaissés; des flammes circulaires voltiger sur les contours élevés du théâtre, errer innocemment en globes divers, d'une solive à l'autre, se jouer avec rapidité sur les poutres qu'embellit le pinceau, et, telles qu'un vaste incendie, envelopper les tours sans péril et les quitter sans retard. Des vaisseaux, sur une mer soudainement formée, livreront des combats, et les eaux écumeront, frappées en cadence par les rameurs. Orateur et consul, que Mallius, à ce double titre, vole de bouche en bouche à l'immortalité, et vive à la fois dans ses écrits et dans nos fastes ; puisse son fils recevoir et transmettre à ses enfants l'exemple de l'auteur de ses jours, et les faisceaux trouver toujours dans sa maison un héritier! puisse la trabée orner à jamais sa famille, la hache des Latins passer des pères aux neveux, l'ordre de la destinée n'être pas troublé, et la postérité compter parles consuls les descendants de 'Mallius ! |