Apollonius de Rhodes

APOLLONIUS DE RHODES

ARGONAUTIQUES.

CHANT PREMIER. SCOLIES

Traduction française : H. De LA VILLE De MIRMONT

chant1 (768-fin) -CHANT II

Autre traduction

 

 

 

 

ARGONAUTIQUES

 

CHANT I

SCOLIES
 

 

 

chant 1

NOTES

CHANT PREMIER

Vers 1. — On n'a pas a rappeler ici la légende de la Toison d'or et les motifs du voyage des Argonautes. Voir, à ce propos, les détails donnés par M. Decharme sur l'expédition des Argonautes (Mythologie de la Grèce antique, 2e édition, Paris, 1886, pages 606-614),  et le chapitre consacré aux Argonautiques par M. Couat, dans son livre sur la Poésie alexandrine (Paris, 1882, livre III, chapitre Ier, pp. 294-326).

V. 3. Sur l'ordre du roi Pélias. — Pélias est fils de Crétheus et neveu d'Athamas. — Athamas et Crétheus étaient fils d'Aiolos, roi des Minyens d'Orchomène, en Béotie. Athamas, qui régnait à Orchomène, fut père de Phrixos et d'Hellé, qu'il eut de la déesse Néphélé; sa seconde femme, Ino, dénaturant la réponse de l'oracle, qu'on avait consulté sur les moyens de faire cesser une peste qui dévastait le pays d'Orchomène, prétendit qu'il fallait immoler Phrixos à Zeus. Ce qui aurait eu lieu si Phrixos et Hellé ne s'étaient échappés sur le bélier à la toison d'or, doué de la parole, présent d'Hermès à Néphélé. Pendant le voyage, Hellé tomba dans la mer, qui prit son nom, et Phrixos arriva en Colchide, chez le roi Aiétès, fils d'Hélios et de Perse, frère de Circé et de Pasiphaé. Phrixos fit présent de la toison d'or au roi Aiétès, qui lui donna en mariage sa fille Chalciopé. Phrixos resta en Colchide. — Crétheus fonda la ville d'Iolcos, sur la côte méridionale de la Thessalie; après lui, son fils Aison occupa le trône, qui lui fut bientôt perfidement enlevé par son frère Pélias. Jason est le fils d'Aison et le neveu de Pélias.

V. 3. Les roches Cyanées. — (Cf. Strabon, édit. Didot, p. 265, 1. 35). Ce sont deux petites îles à l'entrée du détroit du Pont-Euxin; l'une située du côté de l'Europe, l'autre de celui de l'Asie, distantes l'une de l'autre de vingt stades environ. On les appelle aussi Symplégades; elles rendent difficile la navigation dans le détroit (cf. Hérodote, IV, 85 ; Pline l'Ancien, IV, 92 (02); Pomponius Mêla, II, 7; — Ovide, dans plusieurs passages, et, en particulier, Met., XV, v. 337, où il rappelle que ces rochers, mouvants avant le passage du navire Argo, devinrent ensuite stables). — Le mot κυάνεαι indique la couleur bleu foncé de ces  roches. — Le mot συμπληγάδες rappelle qu'elles s'entrechoquaient.

V. 4. Argo. — « Apollonios dit que le nom d'Argo vient d'Argos, qui construisit le navire; Phérécyde, d'Argos, fils de Phrixos [tradition adoptée par Apollodore, Bibl., I, 9, 16 (03)]. On dit qu'Argo fut le premier navire. D'autres prétendent que Danaos, poursuivi par Aigyptos, construisit, le premier, un navire qui, de son nom, s'appela Danaïs.» (Scol.) (04). Argo peut aussi venir d' Ἀργός, rapide (Decharme, Mythol., p. 610). — D'après Pindare (Pyth., IV, v. 184), c'est sous l'inspiration d'Héra, protectrice de Jason (cf. Hom., Od., XII, v. 72, et tout le poème d'Apollonios), que le navire est construit. — « Le navire Argo, muni de bancs nombreux de rameurs (εὔζυγον Ἀργώ). » Le sens du mot εὔζυγος est déterminé par le Scol. qui lui donne pour synonyme εὐκάθεδρος, qui a de bons ou de nombreux sièges.

V. 5. Car voici l'oracle.. . (Τοίην γάρ). — Dûbner conjecture θείην « un oracle divin ».

V. 8. Suivant cet oracle véridique... (ἐτεήν). — Les manuscrits ont τεήν (ton oracle), mot qui n'a pas de sens ici, puisque le poète raconte les faits et ne s'adresse pas à Pélias : d'ailleurs, tuum oraculum pourrait-il signifier oraculum quod tibi latum et datum est? Cuper, qui fait cette remarque (Observ., Lib. III, cap. VII), propose σεήν (suum soraculum), ou mieux θέην pour θείην. Brunck approuve et adopte cette dernière conjecture; Ruhnken écrit τοίην. qui se trouve dans la marge de certains mss.; cette leçon est adoptée par Wellauer, Beck, Lehrs, etc. Merkel cite une conjecture de Kœchly, αὐτήν, et écrit lui-même ἐτεήν, mot qui donne un sens satisfaisant.

V. 9. L'Anauros. — L'Anauros est un torrent de Thessalie qui se jette dans le golfe de Pagases. C'est près de son embouchure que Démétrios Poliorcète construisit une ville qu'il appela, de son nom, Démétrias (cf. Strabon, 375,3). Lucain cite l'Anauros dans la description géographique qu'il fait de la Thessalie, au moment où César et Pompée vont s'y rencontrer (Pharsale, VI, v. 333-38o). Il dit de l'Anauros (v. 369) :

Quique nec humenes nebulas, nec rore madentem
Aéra, nec tenues ventes suspirat Anauros.

C'est une allusion à l'étymologie possible du mot Ἄναυρος (ἀ privatif, αὔρα, brise), sans brise, qui n'exhale aucun souffle. L'editio minor de Merkel porte ἐναύρου, ce qui signifierait « un torrent ».

V. 13. Au père Poséidon. — Peut-être faudrait-il traduire: «à son père Poséidon »; j'ai dit (note au v. 3) que Pélias était fils de Crétheus : mais, d'après une autre tradition, Tyro, fille de Salmoneus, après avoir eu de Poséidon Nélée et Pélias, épousa Crétheus et lui donna Aison, Phérès et Amythaon (Scol. Odyss., XII, v. 70). Rien dans les Argonautiques ne prouve qu'Apollonios se soit conformé à cette tradition. Au contraire, il est question, au v. 263, de la funeste vieillesse qui rend Aison incapable de tout mouvement, et il n'est jamais parlé, dans les Argonautiques, de la vieillesse de Pélias, qui semble le frère cadet d'Aison, et qui ne doit donc pas être né de Poséidon avant le mariage de Tyro avec Crétheus.

V. 14. Héra Pélasgienne. — Héra, adorée dans les Πελασκικὰ ( Strabon, 374, 29), dans la Pélasgiotide, région de la Thessalie.

V. 18. Les anciens aèdes chantent... (ἐπικλείουσιν). — Les mss. et les édit. antérieures à celle de Brunck ont ἔτι κλείουσιν, leçon absurde, dit ce dernier, qui corrige en ἐπικλείουσιν, correction généralement adoptée. Cf. Wellauer : Veram lectionem reposuit Brunck., quem recte secuti sunt omnes. Merkel, qui conservait l'ancienne leçon dans son editio minor, adopte la correction de Brunck dans l'editio maior, et dit en note : Brunckii correctio evitari vix posse videtur.

V. 23. Orphée. — Ce héros est trop connu pour qu'il soit besoin d'en parler; je me borne à traduire la note du Scoliaste : « Hérodore dit qu'il y a deux Orphée, dont l'un suivit l'expédition des Argonautes. Phérécyde, dans son livre VI, dit que c'est Philammon, et non pas Orphée, qui navigua avec eux. Orphée, suivant Asclépiade, était fils d'Apollon et de Calliopé; suivant quelques autres, d'Oiagros et de Polymnia. On se demande pourquoi Orphée, qui était faible de corps, navigua avec les héros. C'est qu'en sa qualité de devin, Chiron prédit qu'ils pourraient passer sans danger devant les Sirènes, si Orphée était avec eux. » — Philammon était un célèbre chanteur de Thrace, qui aurait institué les chœurs de danse à Delphes. Cf. Scol. au v. 432 du Ch. XIX de l'Odyssée.

V. 26. Les hauteurs de Pimplêa. — Pimpléa, bourg de Macédoine, près de la ville de Dion, au pied de l'Olympe, patrie d'Orphée (Strabon, 276, 46). Ce bourg fut consacré aux Muses; ce dont les poètes latins, ceux surtout de la décadence (cf. Stace, Silv., I, iv, v. 25 ; Ausone, Epist., XIV, v. 9; Sidoine, X, v. 17, etc...), abusent, pour faire de perpétuelles allusions aux Muses, déesses de la source, de la montagne ou de la ville de Pimpléa. Le Scoliaste constatait déjà cette divergence d'opinions sur ce que pouvait être Pimpléa: «Lieu de Piérie; les uns croient que c'est une montagne de Thrace, les autres une source et un bourg de Piérie. »

V. 29. Zôné. — « Région montagneuse et ville du même nom, au dire de Nicandre. » (Scol.) — Ville citée par Pline (IV, 43) et par Pomponius Mêla (II, 2), qui rappelle la légende rapportée par Apollonios : « Serrium, et quo canentem Orphea secuta narrantur etiam nemora, Zone. »

V. 30. Sont venus, s'avançant à sa suite. — Le texte dit : s'avancent à sa suite. Les scolies du ms. de Paris, dans l'explication qu'elles donnent de ce vers, mettent le verbe à l'imparfait. Merkel admet le présent qu'il explique ainsi : « στιχόωσι recto habet et significat 'ordine stant' Arat. 371, Nicand. Ther. 442, ut nemini eriam cl. Lobeckiuns monere. » Wellauer,dès 1828, rejetait à la fois l'imparfait des scol. du ms. de Paris, et l'explication du présent que Merkel devait conserver : « Ceterum στιχόωσι  non est, ut solet h. l. verti, stant ex ordine, quod ne poltst quidem significare, sed, ut ubique ordine incedunt, quod poetica licentia de stante arborum serie dixit Apollonius. » Je crois que Wellauer a raison : ne voulant pas détruire l'image d'Apollonios, mais ne pouvant, en français, conserver toute l'audace que lui donne l'emploi du présent, j'ai dû me résigner à employer un passé dans la traduction, comme le faisaient les scolies de Paris dans l'explication de ce vers.

V. 31. Les hauteurs du Piéros. — « Piéria, mont de Thrace où vivait Orphée. » (Scol.) Du mont Piéros vient l'épithète bien connue des Muses, Piérides. D'après le Scol., Hérodore dit, comme Apollonios, que Chiron conseilla à Jason de s'adjoindre Orphée.

V. 34. La Piérie Bistonienne. — La Piérie, région de Macédoine qui va jusqu'au fleuve Axios (Strabon, 275, 29). Les Bistoniens étaient des Thraces qui habitaient au sud du mont Rhodope (Strabon, 281, 5i); Bistonien est une épithète fréquente d'Orphée.

V. 35. Astérion. — Ce héros est mentionné par Valérius Flaccus (05) (1, v. 355 sqq.):

 ... celer Astérion quem matre cadentem
Piresius gemino lavit pater amne Cometes,
Segnior Apidani vires ubi sentit Enipeus.

V. 36, 38. L'Apidanos..., l'Enipeus. — «Ce sont, tous les deux, des fleuves de Thessalie.» (Scol.) L'Apidanos, après avoir reçu l'Énipeus, se jette dans le Pénée (Strabon, 371, 5; 306, 24). Lucain (VI, v. 373) en parle dans la description de la Thessalie, à laquelle il a été fait allusion à propos de l'Anauros (cf. note au v. 9) :

... it gurgite rapto
Apidanos, nunquamque celer, nisi minus, Enipeus.

Cf. Ovide, Met., I, v. 579 :

... irrequietus Enipeus
Apidanusque senex...

V. 37. Peirésies. — «. Nom de ville. » (Scol.) — Phylléios. — « Montagne de Macédoine.» (Scol.)

V. 40. Larissa. — Le Scoliaste remarque que trois villes portent ce nom de Larissa, et fait observer que le poète parle ici de Larissa, ville de Thessalie, que fonda Acrisios, et qui, au dire d'Hellanicos, reçut son nom de Larissa, fille de Pélasgos. Strabon distingue, en Thessalie, Larissa Pélasgique ou Crémaste, à vingt stades du golfe Maliaque (373, 38), Larissa, voisine du Pénée (376, 30), et enfin Larissa, près du mont Ossa (378, 20). Comme le Scoliaste nomme Λάρισσα Γυρτώνης celle dont Apollonios fait venir l'Eilatide Polyphémos, et que la ville de Gyrtone est voisine de l'Ossa, il est permis de supposer qu'il s'agit ici de Larissa qui est près du mont Ossa.

Polyphémos. — « Apollonios dit que Polyphémos est fils d'Élatos; Socrate, au contraire, et Euphorion, disent qu'il est fils de Poséidon. » (Scol.) — On connaît la guerre des Centaures et des Lapithes (voir Decharme, Mythol., p. 591 et suiv.). — Le Lapithe Élalos, père de Polyphémos, n'est pas le même que celui dont le Scoliaste parle au v. 102 : « Phérécyde, au 1. IX, dit qu'Élatos, fils d'Icarios, épouse Érymédé, fille de Oamasiclos; de lui naît Tainaros, de qui se nomment la ville, le golfe et le cap de Tainaron. » — Au v. 1241, le Scoliaste ajoute que Polyphémos avait pour femme Laonomé, sœur d'Héraclès et fille d'Amphitryon et d'Alcmène.

V. 46. Phylacé. — Il y a plusieurs villes de ce nom, par exemple, aux confins de l'Argolide et de la Laconie (Pausanias, VIII, 64); chez les Molosses, en Épire (Tite-Live, XLV, 26, etc.). Il s'agit ici de Phylacé en Phthiotide (Strabon, 371, 5i), ainsi nommée par Phylacos, père d'Iphiclos, qui la fonda. « Ni Homère, ni Hésiode, ni Phérécyde ne disent qu'Iphiclos alla avec les Argonautes. Mais Phérécyde est d'accord avec Apollonios pour dire que Jason était fils d'Alcimédé. Hérodore lui donne pour mère Polyphémé, fille d'Autolycos. [Apollodore, I, 9, 16, dit que Jason était fils d'Aison, fils de Crétheus et de Polymédé, fille d'Autolycos.] Andron, dans l'Abrégé des généalogies communes, dit qu'il était fils d'Aison et de Théognété, fille de Laodicos. Hésiode dit qu'Iphiclos courait sur les épis de blé [cf. Hésiode-Didot, fragment CLXIIJ; Démarate, qu'il courait à la surface de la mer. C'est le fils de Phylacos et de Clyméné, fille de Minyas. » (Scol.) — Burmann, dans son Catalogue des Argonautes, donne, sur l'origine d'Iphiclos, des indications différentes dues à d'autres auteurs, et remarque qu'il ne faut pas le confondre, comme on l'a fait souvent, avec un autre Iphiclos, fils de Thestios, Argonaute, lui aussi, qu'Apollonios mentionne au v. 201.

V. 49. Phères. — « Phères se nomme ainsi de Phérès, fils de Crétheus et père d'Admète; le mont Chalcodonion domine Phères. » (Scol.) — Phères est une ville de la Pélasgiotide, voisine de Pagases (Strabon, 374, 28; 432, 8). — On connaît le roi de Phères, Admète, chez qui Apollon fut esclave, et qui eut pour femme Alceste, l'héroïne de la tragédie d'Euripide. Comme Iphiclos, c'est une raison de parenté qui le poussait à venir rejoindre Jason. On a vu (note au v. 3) que Jason, fils d'Aison, est petit-fils de Crétheus; Crétheus, père de Phérès, est aussi grand-père d'Admète. Les deux héros, fils de deux frères, sont donc cousins germains du côté paternel.

 V. 51. Alopé. — Il y a plusieurs villes de ce nom dans les Locrides. Celle-ci serait, d'après le Scoliaste, en Thessalie ou en Magnésie. Strabon (371, 33) dit qu'on se demande si Alopé ne serait pas en Locride, pays jusqu'où s'étendait le royaume d'Achille, plutôt qu'en Thessalie (cf. aussi 366, 42 et 369, 50, où il cite l'lliade, II, v. 682). Mais il semble que l'Alopé, dont il est ici question, doit être une ville entre le golfe Maliaque et la montagne, en Phthiotide (Strabon, 366, 42).

V. 64. L'Amphrysos. — Fleuve de Thessalie (Strabon, 371, 49; 374, 10), auprès duquel Apollon, le pastor ab Amphryso de Virgile (Georg., III, v. 2), fit paître les troupeaux d' Admète.

Aitlialidès. — Le Scoliaste remarque que, malgré sa forme de patronymique, c'est un nom propre. — Apollonius met en premier dans sa liste les parents et alliés de Jason : la mère d'Aithalidès, Eupoléméia, est, en effet, la fille de Myrmidon et de Peisidicé, sœur de Crétheus (cf. Apollodore, I, 7, 3). Quant à Érytos et Echion, le Scoliaste n'en dit rien; c'est par une double erreur que le Dictionnaire latin de Freund-Theil, au mot Antianira, dit que la mère d'Échion et d'Eurytus était fille de Méuclas; Apollonios la dit fille de Ménétos.

V. 67. Gyrtone. — Ville de la Pélasgiotide, près du Pénée' (cf. Strabon, 377, 3g, etc.). Le Scoliaste dit que, suivant certains auteurs, ce n'est pas Coronos, mais son père, Caineus, qui accompagna les Argonautes. — On sait que Caineus, fils d'Élatos, naquit fille et devint garçon, grâce à Poséidon. Ses aventures, sa lutte contre les Centaures, sa transformation en oiseau sont racontées par Ovide (Met., VIII, v. 303 sqq. ; XII, v. 189 sqq., v. 507 sqq.). D'après Virgile (Aen., VI, v. 448), il redevint fille aux enfers.

V. 59. Vivant encore... -- Wellauer explique bien comment Caineus descendit vivant encore dans la demeure des morts : « Caeneum quamquam etiamtum viventem per Centaures periisse tradunt poetae, quo exprimitur id, quod deinde pluribiis enarratur, Caeneum a Centauris non interfectum esse, sed vivum periisse. »

V. 65. Mopsos. — « C'est le fils de la nymphe Chloris et d'Ampycos, fils lui-même de Titaron. » (Scol.) D'où l'épithète que lui donne Lycophron, v. 881 : Τιταιρώνεος;. Le surnom de Titarésien semble venir, non de Titaron, mais du fleuve thessalien, le Titarésos, voisin de l'Olympe et affluent du Pénée. Strabon (379, 1 1) remarque qu'il ne se fait pas de mélange entre l'eau limpide du Pénée et l'eau chargée du Titarésos. Cf. Lucain (Vf, v. 375) :

Solus, in alterius nomen cum venerit undae
Defendit Titarceus aquas, lapsusque superne
Gurgite Penei pro siccis utitur arvis.

On connaît les vers de Musset, dans la Nuit de mai :

El le front chevelu du Pélion changeant,
Et le bleu Titarèse .....

V. 67. Eurydamas. — Le Scoliaste n'en dit rien; Valérius Flaccus ne le cite pas dans son catalogue. Burmann avoue qu'il n'a pas trouvé grand'chose sur son compte. Hygin (Fabul., 14), qui semble, pour le reste, s'inspirer du passage d'Apollonios, le dit fils d'Iros, ce qui le ferait frère d'Eurytion dont le poète va parler. Ctiménos, qu'Apollonios donne pour père à Eurydamas, est absolument inconnu.

Le lac Xynias. — « Lac de Thessalie; certains nomment ainsi la ville dont est voisin le lac Bobéias. Le poète a nommé ce lac Xynias, à cause de la ville qui en est voisine. Ctiméné, ville de Thessalie; le poète appelle Dolopie la Thessalie, car les Dolopes sont un peuple de Thessalie. » (Scol.) Mais la Dolopie, voisine de l'Épire et de l'Étolie, est bien loin de la Magnésie où se trouve le lac Bobéias (aujourd'hui lac de Karla, d'après C. Müller, éditeur du Strabon-Didot). Cela n'a pas empêché Vossius d'essayer de restituer ainsi un des vers les plus illisibles du poème LXIV de Catulle (v. 288 des anciennes éditions, 287 de l'édit. L. Müler) :

Xyniasi et linquens Doris celebranda choreis
Boebiados...

et le Dictionnaire latin de Freund et Theil de traduire le mot Xyniades  par « nymphes du lac Bobéis, près de Xynia ». — Strabon ne parle pas de Xynia, lac ou ville, pas plus que de Ctiméné.

V. 69. Opous. — « Opous est une ville de la Locride fondée par Opous, fils d'Éléios. » (Scol. ) C'est la métropole des Locriens Opontiens (Strabon, 357, 8).

V. 71. Érybotés. — « Hérodore, dans ses Argonautiques, l'appelle Eurybatès, et dit qu'il était fils de Téléon. Actor eut pour fils Ménoitios, père de Patrocle, et Iros, père d'Eurytion. » (Scol.) Erybotés n'est guère connu : son père Téléon n'est pas le Téléon père de Boutés (cf. le Scol. au v. 95). — Eurytion ne doit pas être confondu avec Érytos (v. 52). — Oileus, roi de Locride, eut, de sa femme Ériopis, Ajax qu'on distingue, par l'addition du nom de son père, d'Ajax, fils de Télamon (//., XIII, v. 697; XV, v. 336). Il eut, de sa concubine Rhéné, Médon (Il, II, v.727).

V. 76. — Les interprètes ne sont pas d'accord sur la manœuvre habile d'Oileus dont parle Apollonios : est-ce quand l'ennemi fuit, ou quand ses amis commencent à lâcher pied qu'Oileus attaque les ennemis par derrière  ? Il semble qu'il y a peu d'habileté à attaquer par derrière un ennemi qui fuit. Il y en a bien plus à faire diversion sur les derrières d'un adversaire, au moment où il se croit vainqueur. Burmann (dans son Catalogue, au mot Oileus) explique à peu près comme je le fais : « Dotes eius praecipuas fuisse dolo hostes aggredi a tergo, si inclinata esset acies, canit Apollonius; quod posset intelligi non de acie hostium, sed de sua, in qua pugnabat Oileus, quae cum fugeret, ipse, quasi in tergo manus haberet, insequentes hostes poterat impetere. »

V. 77. Canthos. — « Canthos est aussi cité par Cléon. Il est le fils de Canéthos, qui a donné son nom à une montagne d'Eubée [que Strabon, 384, 9, mentionne, en effet, comme voisine de Chalcis]. Celui-ci était fils d'Abas, à cause duquel les Eubéens se nomment Abantes (origine du nom des Abantes citée par Strabon, 382, 25].» (Scol.)

V. 82. Il n'est pas pour les hommes... — Ce vers obscur a été diversement interprété. Le Scoliaste dit : « Il n'y a pas de malheur si grand qu'il ne puisse arriver à l'homme. » — Shaw traduit : « Adeo non licet hominibus se a maximo malo (morte scilicet) eripere. » Beck : « Sic a nemine longe remotum est malum, quin illud subeant. » Lehrs : « Nam non hominibus malum longe remotum est quin incidant. » Wellauer explique : « Nullum est malum hominibus a deo in longinquo situm, quin in illud incidere possint. » Dübner n'explique rien; il se borne à constater judicieusement : « Tale epipphonema praecipue Alexandrinorum est et Romanorum eos imitantium.»

V. 85. Entre son lever et son coucher. — « Il veut dire : aussi loin du pays des Colchiens que les endroits où le soleil se couche sont loin de ceux où il se lève. Car la Libye est au couchant, et la Colchide au levant. » (Scol.)

V. 86. Clytios et Iphitos. — De ces deux fils d'Antiopé, l'un, Clytios, est omis dans le Catalogue de Valérius Flaccus. Ils avaient pour sœur lolé, qu'Héraclès enleva; le Scoliaste de Sophocle (Trachin., v. 355) dit qu'Héraclès furieux arracha à Iphitos son arc et le précipita du haut d'une tour. Le père de ces deux Argonautes, Eurytos, ne doit pas être confondu avec l'Argonaute Érytos, cité au v. 52. D'après une tradition, ce roi, célèbre par son adresse à l'arc, avait promis sa fille lolé à celui qui l'emporterait sur lui dans l'art de lancer les flèches. Vaincu par Héraclès, il lui refusa la récompense promise et fut tué par lui, ainsi que ses fils. La tradition citée par Apollonios, au sujet des rapports d'Eurytos avec Apollon, se trouve déjà indiquée dans l'Odyssée (VIII, v. 224-228).

Oichaliè, — II s'agit de la ville d'Eubée, dit le Scoliaste. Le passage d'Apollonios montre bien qu'il est question de l'Oichalié qu'Homère (Il., II, v. 730) appelait la ville d'Eurytos. Mais Strabon (376, 32) fait remarquer que cette ville d'Eurytos est placée soit en Thessalie, soit eu Eubée, soit en Arcadie.

V. 93. Sans le vouloir (ἀφραδίῃ). — Soit par imprudence, soit par suite d'un mauvais dessein (κακοθβουλίᾳ), dit le Scoliaste. Ce dernier sens, qui n'est pas donné dans les dictionnaires et qui ne semble pas venir légitimement de à privatif, φράζομαι, aura été imaginé par le Scoliaste pour concilier ce que dit Apollonios avec la tradition commune, d'après laquelle Télamon et Pelée, jaloux de leur frère Phocos, qui l'emportait sur eux dans les concours gymniques, voulurent se débarrasser de lui : au milieu d'un jeu, l'un des deux complices, Télamon (suivant Apollodore, III, 12, 6), ou Pelée (suivant Diodore de Sicile, IV, 72; Pausanias, II, 29, 9; X, 3o, 4), lança le disque à la tête de Phocos qui mourut sur le coup. — On trouvera pour Télamon d'autres renseignements au v. 1289. — Quant à Pelée, la légende de son mariage avec Thétis est trop connue pour qu'on y revienne ici. Il y a cependant un détail à noter : au moment où le navire Argo gagne la haute mer, Apollonios montre le Centaure qui tend le petit Achille à son père (v. 558\ Or, la tradition ordinaire, celle même que suit Catulle dans l'Épithalame, donne le mariage de Pelée comme postérieur à l'expédition des Argonautes; Valérius Flaccus (I, v. 255) a suivi son modèle grec :

lamque aderat sumtno decurrens vertice Chiron,
Clamantemque patri procul ostentabat Achillen.

Aiginé. — L'île d'Égine, située dans le golfe Saronique entre l'Attique et l'Argolide. Cf. Strabon, 102, 40; 372, 27.

L'île Attique. — C'est-à-dire Salamine, remarque le Scoliaste.

La Phthie. — Strabon fait observer (370, 26 sqq.) qu'Homère (Il., II, v. 683 ; IX, v. 3g5 et 498) distingue Φθία et Ἑλλάς. Mais il se demande si, dans l'Iliade, Phthie est une ville ou un pays. Chez les poètes romains, c'est une ville, par exemple, dans Virgile (Aen., I, v. 284) :

Cum domus Assaraci Phthiam clarasque Mycenas
Servitio premet ac victis dominabitur Argis.

Il semble qu'ici Apollonios désigne la Phthiotide, c'est-à-dire la Thessalie méridionale.

V. 95. De Cécropie. — De l'Attique, dit le Scoliaste, ainsi nommée du roi Cécrops. C'est aussi le nom d'une des douze villes d'Attique fondées par Cécrops et réunies ensuite par Thésée (Strabon, 341, 28). Catulle (LXIV, v. 79) en fait un synonyme d'Athènes.

« Ce Téléon, père de Boutés, est un autre que le Téléon, père d'Érybotès, dont il a été déjà parlé [v. 71]. Quant à Alcon, Proxène le dit fils d'Érechtée; il dit aussi qu'il s'enfuit d'Attique en Eubée avec sa fille Chalciopé, et que, malgré les réclamations de son père, les habitants de Chalcis ne le livrèrent pas. » (Scol.) — A propos d'Alcon, on peut relever cette conjecture, assurément inattendue, de Burmann : dans son catalogue des Argonautes, le commentateur cite le vers connu de Virgile (Ecl., V,v. 11):

Aut Alconis habes laudes, aut iurgia Codri.

Il y voit matière à supposer qu'Alcon avait accompli quelque action admirable, digne d'être mise en parallèle avec le dévouement du roi Codros. —IlII y a beaucoup de Boutés dans la légende grecque, entre autres, celui dont parle Ovide (Met., VII, v. 500), un Troyen et un écuyer d'Anchise cités par Virgile (Aen., XI, v. 690; IX, v. 647), et surtout le fameux descendant d'Amycos (Aen., V, v. 372):

Victorem Buten immani corpore qui se
Bebrycia venioes Amyci de gente ferebat.

D'après une tradition citée par Servius(cf. le v. 915 du IVe chant des Argonautiques), c'est Boutés, fils de Téléon, qui eut d'Aphrodite cet Êryx dont il est question dans ce même Ve chant de l'Enéide (v. 24). — Phaléros aurait, d'après Pausanias (II, i), donné son nom au port de Phalères à Athènes.

V. 101. Mais Thésée...— L'amitié de Thésée et de Peirithoos et leurs expéditions faites de concert sont célèbres. Il semble que Thésée n'avait pas besoin d'être retenu aux enfers pour ne pas pouvoir prendre part à l'expédition des Argonautes, qui, d'après Apollonios lui-même, est bien postérieure à ses exploits. En effet, Jason (Argon., III, v. 997) racontera à Médée, comme un fait antique, les amours de Thésée avec Ariane; et, qui plus est, Jason est aimé d'Hypsipylé, fille de Thoas (Argon., I, v. 609 sqq.). Or, Thoas est le fils d'Ariane et de Dionysos qui, comme on sait, succéda à Thésée dans le cœur de la fille de Minos et de Pasiphaé. — D'autre part, Apollodore (I, 9, 16) et Hygin font de Thésée un Argonaute; suivant cette tradition, Stace (Theb., V, v. 43 1) le montre venant rejoindre les héros et fait dire à Chiron (Achill., I, v. i56) qu'il l'a vu aux côtés d'Héraclès sur le navire Argo. Plutarque ne dit rien de semblable.

V. 102. La terre Tainarienne. — On plaçait près du cap Tainaros, en Laconie, une des portes des enfers; d'où, chez les poètes latins, la synonymie de Taenarius et d'infernus (Virg., Georg., IV, v. 467 Ovide, Met., X, v. 13, etc.). Claudien va jusqu'à dire Taenarius currus pour le char de Pluton (Rapt. Proserp., I, v. 2).

V. 105. Sipha. — «Siphai est une ville de Béotie; et le dème Siphacn est un dème des Thespiens. » (Scol.) Thespies est une ville de Béotie, près de l'Hélicon. (Cf. Strabon, 351, 36.)

V. 108. Il était habile... — D'après le Scoliaste, le sens est : habile à diriger le navire, le jour, d'après le soleil; la nuit, d'après quelqu'un des astres. Shaw traduit ex sole et stella; Beck et Lehrs, ex sole et sidere. Je traduis par la Grande-Ourse, suivant une observation de Brunck qui se fonde sur un vers d'Aratos disant que les hommes Achéens guident la marche de leur vaisseau sur la Grande-Ourse. Ce .serait là ce quelqu'un des astres dont parle le Scoliaste.

Apollonius donne à Tiphys toutes les connaissances requises d'un bon κυβερνήτης. Dans l'Odyssée (V , v. 271 et suiv.), Ulysse se bornait à diriger habilement son embarcation en se guidant sur l'observation des étoiles. A l'époque classique, on demandait davantage au pilote : « C'est sur les connaissances techniques de cet officier qu'insiste Aristote (
Rhét., II, 21), lorsqu'il fait ressortir l'anomalie qu'il y aurait à tirer au sort parmi les gens du bord celui qui doit diriger le navire, au lieu de choisir le plus capable. Platon cite quelques-unes décès connaissances en disant : Pour mériter réellement de commander un vaisseau, il faut savoir tenir compte de l'année, des saisons, du ciel, des astres, des vents et de tout ce qui intéresse la science du timonier. (Rép., 6, p. 488.) C'était en effet une science qui portait un nom spécial; on l'appelait ἡ κυβερνητική, et on lui attribuait une grande importance... Et Maxime de Tyr (Dissert., xxxt), pour résumer les principales connaissances qu'elle renferme, nous apprend qu'elle consiste surtout à faire la route, à tenir compte de l'état du ciel et à connaître les ports. » (Cartault, La Trière Athénienne, p. 228, Paris, 1881.)

V. 111-114. — Je mets ces vers entre crochets comme le font Wellauer et Lehrs. Wellaucr explique ainsi les doutes qu'il a, sinon sur l'authenticité de ces vers, du moins sur leur opportunité à cette place : « Mirum in hoc et tribus qui sequuntur versibus neminem praeter Beckium offendisse, [Beck dit : Quatuor versus videntur huc e priore editione venisse] quum eos quam ineptissime hoc loco legi quivis intelligere facile possit. Facilius tuleris, si supra ante v. 20 legerentur, quamquam et illi loco, ut nunc legitur, parum apti forent. Vero igitur simillimum est, in priore recensione poetam de navi aedificata paulo fusius locutum esse, et ex illa enarratione hos quatuor versus superesse, qui deinde, propter pronomen αὐτή, quod ad praecedens Minervae nomen referri débet, huic loco assuti sunt. Hic vero eos abesse debere vel scholia docent quae eos ne verbo quidem tangunt. Propterea non dubitavi uncis eos includere. » Les scolies ne passent pas absolument ces vers sous silence, puisque H. Keil donne une note, d'ailleurs additionnelle, du Scoliaste concernant le vers 112. Mais, que les vers 111-114 appartiennent à la première édition, ou qu'ils proviennent d'une interpolation, ils ne sont évidemment pas à leur place ici; ils semblent, comme Wellauer le remarque, amenés par le nom d'Athéné, cité incidemment à propos de Tiphys. D'ailleurs, s'il a déjà été dit (v. 19-20) que le navire a été construit par Argos sur les conseils d'Athéné, Argos lui-même aura plus loin (v. 226) sa place dans le Catalogue des héros.

V. 115. Phlias. — Ce héros n'est pas mentionné dans Apollodore; d'après Burmann, il serait le fils d'Ariane et, par suite, oncle d'Hypsipylé, fille de Thoas, lequel est, comme Phlias, fils de Dionysos et d'Ariane. « Araithyrea, ville du Péloponnèse, maintenant nommée Phlious, de Phlious, fils de Dionysos et de Chthonophylé, située près des frontières de Sicyone. Dionysos s'appelle, lui aussi, Phlious, parce que le vin coule en abondance [φιλεῖν, ὅ ἐστι εὐθηεῖν].» Pausanias (II, 12) attribue la fondation de cette ville à Phlias, fils de Dionysios et d'Araithyréa. Apollonios cite, sans doute, Phlias, parce qu'il voit en lui le fondateur de Phlionte (ou Phlious). Araithyréa est cilée dans le Catalogue des navires (Il., II, v. 671) parmi les villes d'Agamemnon (cf. Strabon, 328, 24). — Dübner fait observer que Phlias était riche ob vini cultum. — L'Asopos, fleuve de Sicyonie, prend sa source au mont Carnéatès, passe devant Sicyone et se jette dans le golfe de Corinthe (Strabon, 328, 29). Il ne faut pas le confondre avec les fleuves du même nom qui coulent dans l'île de Paros (Strabon, 328, 34), et dans la Phthiotide (Strabon, 326, 7), et surtout avec l'Asopos, fleuve de Béotie, qui, personnifié, est père d'Aiginc, la mère d'Aiacos. Le Scoliasle fait cette confusion : « L'Asopos, dit-il, fleuve thébain, qui a ses sources à Araithyréa. Il fut foudroyé par Zeus, ravisseur de sa fille, qu'il poursuivait, selon ce que dit Callimaque. » (Cf. Hymne à Délos, v. 77.) Ibycos affirmait bien, au dire de Strabon (225, 46), que l'Asopos, qui coule à Sicyone, venait de Phrygie!

V. 118. D'Argos. — Il s'agit du pays et non de la ville, dit le Scoliaste. — Il semblerait que Talaos, Aréios et Léodocos ont tous trois Péro pour mère, mais que, seuls, les deux premiers sont fils de Bias. Apollodore (I, 9, 13) dit que Talaos est fils de Bias et de Péro, et énumère les enfants qu'il eut de Lysimâché, mais il ne parle pas des frères de Talaos. Ces trois héros sont d'ailleurs peu connus; ils étaient parents assez proches de Jason : en effet, Aiolos, comme on l'a déjà dit (note au v. 3), eut pour fils Crétheus et Athamas; Crétheus, Aison et Amythaon; Aison, Jason; Amythaon, Bias et Mélampous. Jason est donc cousin germain de Bias, père des héros. Properce (II, iii, v. 51; édit. Müller II, iv, v. 7) fait allusion à l'aventure de Mélampous, racontée au long par Apollodore (I, 9, 11 sqq.).

Nélée, père de Nestor, avait pour fille Péro, que, par haine pour Iphiclos, il avait jure de ne donner qu'au héros capable de voler les bœufs de cet Iphiclos (d'après Apollodore, I, 9, 12, cet Iphiclos, qui aurait eu son étable à Phylacé, serait le même qu'Iphiclos de Phylacé, parent de Jason et Argonaute, cité par Apollonios, v. 43). Bias aimait Péro : pour être agréable à son frère, le devin Mélampous entreprit ce vol. Surpris par Iphiclos, il fut enfermé dans retable. Mais Iphiclos était stérile; le devin lui enseigna le moyen d'avoir des enfants; par reconnaissance, Iphiclos lui rendit la liberté et lui donna sus bœufs. Nélée accorda alors à Bias sa fille Péro (cf. Odyssée, XI, v. 286 sqq. ; Pausanias, IV, 36).

V. 122. — Le travail d'Héraclès, auquel Apollonios fait ici allusion, est bien connu (cf. Decharme, Mythol., p. 520). Aristote (Politique, III, 13) dit qu'il ne voulut pas accepter Jason pour chef et qu'il se retira de l'expédition. Apollonius suit la tradition commune. Hylas est bien connu : Cui non dictus Hylas? La suite du poème raconte d'ailleurs son origine et ion enlèvement par les Nymphes.

V. 125. Argos Lyrcéienne. — Le Scoliaste, qui lit Λυγκήιον (leçon du Guelferbytanus et du Laurentianus), dit que ce nom d'Argos Lyncéienne vient de Lyncée, roi d'Argos (qu'il ne faut pas confondre avec l'Argonaute cité au v. 151, ni avec le fils d'Aigyptos que sa femme Hypermnestra, seule des Danaïdes, sauva de la mort; cf. Apollodore, II, i , 5). Si on lit Λυρκήιον, il admet que l'origine de cette épithète est une montagne argienne où l'Inachos a sa source. L'Inachos, qui passe à Argos, sort en effet du Lyrcios, montagne qui sert de frontière entre l'Argolide et l'Arcadie (cf. Strabon, 318, 25; 323, 41).

Brunck soutient la leçon des mss. avec plus de vivacité que de bonnes raisons : « Sic codices omnes, bene. Argos Lyncetum dicitur a Lynceo Danai genero, qui post socerum ibi regnavit. Notus quidem ille satis et abunde... Ridiculum esset celebrmt urbem, regionis caput ab ignobili oppidulo cognominari. Si quis vero Lyncei filius fuit Lyrcius, cujus rei fldes penes Hesychium esto, quem vide in Λυκρίου δῆμον, ab eo Argi denominari non potuerunt, quum ibi ille nunquamr egnaverit. Successores habuit Lynceus nepotes ex Abante filio Acrisium et Proetum. » L'ignobile oppidulum, auquel Brunck fait allusion, est, sans doute, le bourg de Lyrccion en Argolide (Strabon, 364, 21); mais ce n'est pas de cette ville, c'est, on l'a déjà vu, du mont Lyrcios que vient le surnom d'Argos. Dübner l'affirme et le prouve à l'aide d'une citation de Valérius Flaccus : « Omnino legendum Λυρκήιον ob montem ibi situm; sic apud Valerium Flaccum, IV, v. 355, Lyrceia tellus.»

V. 127. Lampéia. ..Erymanthos. — Le Lampéia est un mont d'Arcadie (Strabon, 293, 37), où prend sa source l'Érymanthos qui se jette dans l'Alphée (Strabon, 295, 12; 306, 5o). L'Erymanthos est aussi le nom d'un massif montagneux d'Arcadie dont le Lampéia ne serait qu'une partie, et où Héraclès tua le sanglier (Apollodore, II, 5, 4).

V. 130. Sans l'ordre. — Je traduis suivant l'interprétation de Dübner, injussu.

V. 134. — « Nauplios, fils de Poséidon et d'Amyraoné, fille de Danaos. Celui-ci descend de l'ancien Nauplios. Le poète parle du Proitos, ennemi de Bellérophon, et mari d'Antéia [plus connue sous le nom de Sthéncbée]. » (Scol.) Le texte d'Apollonios ne permet pas de douter qu'il ne s'agisse ici d\i jeune Nauplios, fils de Clytonéos, comme dit le poète en termes précis. Burmann, qui consacre à Nauplios une longue notice, veut que l'Argonaute soit le Nauplios, fils de Poséidon et d'Amymoné. Properce parle en deux endroits (IV, i, v. 1 15, édit. Müller V, i, v. 115; III, viii, v. 39, édit. Müller, IV, vi, v. 39) d'un Nauplios, fils de Poséidon, roi d'Eubée et père du fameux Palamède (Apollodore, II, i, 5, 13; III, 2, 2), que les manœuvres déloyales d'Ulysse firent tuer devant Troie. Pour se venger de cette trahison, Nauplios attira par de faux signaux, sur le roc de Capharéa, les Achéens qui retournaient dans leur patrie, et causa ainsi leur naufrage. Le père de Palamède ne semble pas être le même que le père de Proitos, mais un homonyme. Apollonios ne fait aucune allusion à Palamède : Nauplios né de Poséidon et d'Amymoné a pour fils Proitos; Proitos a pour fils Lernos; Lernos, Naubolos; Naubolos, Clytonéos; et Clytonéos est le père de Nauplios l'Argonaute. Le Nauplios, père de Palamède, était roi d'Eubée; le Nauplios, père de Proitos, passe pour le fondateur de Nauplia, port de l'Argolide (Strabon, 315, 46; 316, 48): il devait donc régner en Argolide et non en Eubée. C'est d'Argos, en effet, que vient le jeune Nauplios.

V. 139. — « Chamailéon dit que les anciens donnaient à Thestor le nom d'Idmon à cause de sa science [ἴδμων de οἶδα]. D'autres disent aussi que Thestor navigua avec les Argonautes; Déilochos dit qu'Amphiaraos les suivit. Mais Idmon, à ce que raconte Phérécyde, était fils d'Astéria, fille de Coronos, et d'Apollon; et Thestor, d'Idmon et de Laothoé; et Calchas, de Thestor. Idmon fut tué chez les Mariandyniens par un sanglier. Hérodore le dit fils d'Abas. » (Scol.) Si Idmon était fils d'Abas, il était parent de Jason, puisque Abas était fils de Mélampous dont il a déjà été parlé. Apollonios (II, v. 815-850) raconte cette mort d'Idmon chez les Mariandyniens, peuple de Bithynie.

V. 141. Craignant que le peuple ne traitât avec mépris sa bonne renommée. — Wellauer explique : « Ne populus ipsi propter gloriam deficientem indignaretur. »

V. 146. L'Étolienne Léda. — « Il l'appelle naturellement Étolienne, puisque Thestios était Étolien. [On sait que Léda avait pour père Thestios, fils d'Ares, cf. Àpollodore, III, 10, 5.] Il la désigne par le nom de son pays, comme on désignerait un Syracusain par le nom de Sicilien, ou un Romain par le nom d'Italien. Ibycos la nomme Pleuronia [petite-fille de Pleurôn qui donna son nom à une ville d'Étolie, voisine de Calydon. cf. Strabon, 395,4]; Hellanicos la nomme Calydonia [descendante de Calydon, roi d'Étolie, ou née à Calydon, ville fondée par ce roi?]. Elle était fille de Thestios, roi d'Étolie, fils d'Ares et de Démodicé. On dit que sa mère était Déidaméia. » (Scol.)  Le Scoliastc rapporte aussi d'autres traditions sur l'origine de Léda : mais celle-là est la plus communément admise. Castor et Pollux sont trop connus pour qu'il faille ici en parler davantage. Apollonios donne à entendre qu'ils sont fils de Zeus. Dans l'Odyssée (XI, v. 298-305), ils sont fils de Tyndare. Dans Pindare, Léda, unie la même nuit à Zeus et à Tyndare, a Pollux du dieu et, de son mari, Castor (Néméennes, X, v. 80). Plus tard les deux frères, surnommés les Dioscures,sont regardés tous deux comme fils de Zeus (Théocrite, XXII, T. i), comme ils l'étaient déjà, d'ailleurs, dans l'Hymne homérique qui leur est consacré.

V. 152. Aréné. — « Ville du Péloponnèse près de Pylos. » (Scol.) Le Catalogue des vaisseaux la cite en même temps que Pylos (Il., II, V. 591). Strabon (297, 53) hésite sur sa position. — Pylos est la patrie de Nestor, bien connue, grâce à Homère. — Aphareus (le Dictionnaire latin de Freund et Theil parle de ses filles Lynée et Idas?), fils de Périérès, était frère de Leucippos et, suivant certaines traditions, de Tyndare, d'Icarios, d'Hippocoon, tous héros de Messénie et de Laconie. Hippocoon fut tué par Héraclès; Icarios eut pour fille Pénélope; Tyndare fut l'époux de Léda; Leucippos eut deux filles qui furent enlevées par Castor et Pollux , et Aphareus eut ces deux fils, Idas et Lyncée, qui « composent une paire fraternelle qui a peut-être la même origine que celle de Castor et Pollux» (Decharme, Mythol., p. 653). Mais une longue inimitié devait régner entre ces deux couples de héros et avoir un dénouement fatal pour les deux fils d'Aphareus. Lyncée fut tué par Pollux, et Idas, consumé par la foudre de Zeus, pour avoir tué Castor (Apollodore, III, II, 1). Le rôle de Lyncée est assez efiacé dans les Argonautiques ; quant au « violent Idas », son caractère tranche sur la politesse commune des autres héros. Apollonios le montre toujours colère et insolent. — « La mère de ces deux héros, dit le Scoliaste, est, d'après Phérécyde, Arène, qui donna son nom à la ville; d'après Pisandre, Polydora; d'après Théocrite, Laocoosa. Les deux frères furent rivaux des Dioscures. » Apollodore (III, 10, 3) leur donne, comme Phérécyde, pour mère Arène, fille d'Oibalos. — Wellauer insiste sur le commencement du v. 151 : οἵ τ' Ἀφαρητιάδαι. « Οἱ δ' ex conjectura dedit Beck., quia in hac heroum enumeratione semper δὲ transitui inservit, nunquam τε. Sed in omnium librorum consensu nihil hic mutandum est, quum poeta hos Apharetiadas arctius cum praecedentibus Dioscuris jungere voluisse videatur, par fratrum cum pari. Simile quid innuere videtur Schol., cujus haec sunt verba : οὗτοι δὲ συνήκμασαν τοῖς Τυνδαρίδαις. »

V. 136. — Poséidon, père de Nélée, suivant le Scoliaste, était par suite le grand-père de Pcriclyménos. D'après la IVe Pythique de Pindare, M. Decharme voit dans Périclyménos un fils de Poséidon (Mythol., p. 609). Apollodore (I, 9, 9) cite, entre autres fils de Nélée et de Chloris, Nestor et Periclyménos : celui-ci avait, dit-il, reçu de Poséidon le pouvoir de se transformer. Il cite, il est vrai, un autre Périclyménos, fils de Poséidon (III, 6, 8). Un fragment d'Hésiode (édit. Didot, n° XXX), cité par le Scoliaste, dit que, grâce à Poséidon, Périclyménos pouvait se changer en aigle, en fourmi, en abeille, en serpent, mais que la volonté d'Athéné le fit s'abuser sur le pouvoir de ces transformations. Il fut en effet vaincu par Héraclès, quoiqu'il eût pris dans la lutte la forme d'un lion, puis celles d'un serpent et d'une abeille (Apollodore, I, 9, 9, et II, 7, 3). Cette lutte est racontée par Ovide (Met., XII, v. 556, sqq.).

V. 158. Du divin Nélée.Quia filius est Neptuni, dit Dübner.

V. 162. L'héritage. — « L'héritage veut dire le royaume d'Aphéidas. Car on dit qu'Aléos est le fils d'Aphéidas, fils lui-même d'Arcas... Il y a deux Cépheus, l'un fils d'Alcos, dont parle Apollonios, l'autre dont Hcllanicos fait mention dans son livre sur l'Arcadie. Ancaios et Lpochos étaient fils d'Antinoé et de Lycourgos, héros honoré chez les Arcadiens, au dire d'Aristoménès». (Scol.) Apollodore, qui ne nomme pas Amphidamas, dans son Catalogue des Argonautes, énumère toute la postérité d'Arcas, le héros de l'Arcadie. Arcas eut pour fils Élatos et Aphéidas; Aphéidas, Aléos et Sthénobéia, ou Sthénébée, nommée aussi Antéia (voir la note au v. 134). Aléos eut pour fils Cépheus et Lycourgos, et pour fille Auge, qui fut violée par Héraclès et enfanta Télephos (III, 9, 1). On voit qu'Apollodore ne cite pas Amphidamas parmi les fils d'Aléos. C'est parmi les fils de Lycourgos qu'il le place; il donne, en effet, pour fils à Lycourgos Ancaios, qui, après l'expédition des Argonautes, devait être tué par le sanglier de Calydon, Épochos, Amphidamas et lasos, père de la fameuse Atalante (III, 9, 2). Ce Lycourgos n'a aucun rapport avec le roi des Édoniens, ennemi et victime de Dionysos. — Tégée, ville d'Arcadie (Strabon, 310, 45). — Du Ménale. « Mainalos, montagne et ville d'Arcadie, dont le nom vient de Mainalos, Arcadien, fils de Lycaon. » (Scol.) Le massif montagneux du Ménale va de Mégalopolis à Tégée; il est souvent célébré par les poètes latins, en particulier comme berceau de la poésie pastorale en Arcadie (cf. Virgile, Ecl. VIII, v. 21, etc.). Strabon (333, 40) mentionne aussi en Arcadie la ville homonyme.

V. 170. Au fond du grenier. — « καλίῃ, horreum ligneum, a quo calones » (Dübner). Le Scoliaste indique qu'il s'agit d'une construction en bois.

V. 172. Augéiès. — « Il était réellement fils d'Hélios et soi-disant de Phorbas. » (Scol.) C'est l'Augias des Latins, bien connu par ses étables et ses démêlés avec Héraclès.

V. 176. Astérios. — Cet Argonaute se distingue d'Astérion dont il a déjà été parlé. Hygin et d'autres auteurs confondent les deux héros. Apollodore, qui n'en dit rien, donne le nom d'Astéries (I, 9, 16) au fils de Comètes, Astérion, cité au vers 35. Il cite sous le nom d'Astérion le roi de Crète qui épousa Europe (III, 1, 2). Amphion, fils d'Hypérasios, se distingue du fameux Amphion, fils de Zeus et d'Antiopé, évidemment plus ancien, puisque Amphion et Zéthos sont représentés sur le manteau de Jason (Argon., I, v. 736). Quant à Hypérasios, le Scoliaste se borne à dire que c'était un roi d'Achaïe, fondateur de la ville d'Hypérasia, mentionnée par Homère (Il., II, v. 573). — Pellès semble inconnu : quant à la ville fondée par lui, voici ce qu'en dit le Scoliaste : « Pellène, ville d'Achaïe, s'écrit avec un e; Pallène, ville d'Arcadie, avec un a; l'Achaïe est une partie de a Thessalie où se trouvait Pellène. » Pellène est une ville d'Achaïe, capitale du plus oriental des douze petits États d'Achaïe, aux environs de Sicyone, distante de la mer de 60 stades, dans une position forte (Strabon, 324, 14; 331, 17). Quant à l'Achaïe, on sait que c'est une région du Péloponnèse. Le Scoliaste fait une confusion avec l'Achaïe Phthiotide, petite contrée de la Thessalie, sur le golfe Maliaque, d'où étaient d'ailleurs originaires les Achaïens du Péloponnèse (Strabon, 329, 34). C'est d'après O. Schneider que Merkel écrit, dans son édit. maior, Αἰγιαλοῖο, avec une majuscule : ce qui signifie non plus du rivage, mais de l'Aigialos, ancien nom de l'Achaïe (Strabon, 331, 39; 329, 3; cf. lliad., II, v. 576).

V. 179. Tainaros. — « Cap de Laconie dont le nom vient deTainaros, fils de Poséidon. » (Scol.) Cf. la note du vers 102. — Pour Euphémos, voir la IVe Pythique de Pindare. Sa mère Europe, qu'il ne faut pas confondre avec la Phénicienne, sœur de Cadmos, qui fut enlevée par Zeus, changé en taureau, est la fille du géant Tityos, bien connu pour sa tentative sur Léto, et sa punition aux enfers où deux vautours lui rongent le foie. Voir, pour Tityos, la note au v. 761.

V. 186. La ville de l'illustre Milétos. — « Cette ville s'appelait autrefois Pityussa; son nom lui vient de Milétos, fils d'Euxantios, fils de Minos [et de Dexithès, Apollodore, III, i, 2]. On dit aussi que Milétos était fils d'Apollon et d'Aréia, fille de Cléochos. [C'est la tradition adoptée par Apollodore, III, i, 2.] On dit que la ville s'appela d'abord Pityussa ou Astéria, ensuite Anactorion et enfin Milétos. » (Scol.) C'est la ville bien connue de Milet, en Carie. — Parthénia, demeure d'Héra Imbrasienne. Le Scoliaste voit dans ces mots une désignation de Samos, l'Imbrasos étant un fleuve de Samos nommé Parthénien, parce qu'Héra, vierge encore (περθένον οὖσαν), fut nourrie sur ses bords (voir Strabon, 393, 3; 544, 17). D'après Lucillus de Tarra, cité par le Scoliaste, Samos aurait été nommée Parthénia, à cause de Parthénia, femme du roi Samos. — Il s'agit évidemment ici de l'île de Samos pour laquelle on connaît l'amour d'Héra. Artémis partageait avec elle la désignation d'Imbrasienne (Callimaque, Hymne à Artémis, v. 228). — Erginos, dit le Scoliaste, n'est que le descendant,
mais Ancaios le fils de Poséidon. Ancaios (qu'il ne faut pas confondre avec son homonyme déjà cité, v. 161-171) est le fils de Poséidon et d'Astypalaia, fille de Phoinix; et Erginos, le fils de Clyménos, fils de Presbon, et de Bouzygé, fille de Lycos. — Apollodore ne cite pas cet Ancaios et fait d'Erginos un fils de Poséidon (I, 9, 16). Pour Apollodore, Erginos, fils de Clyménos, roi des Minyens, est un autre héros qui fut tué par Héraclès (II, 4, 11).

V. 190. Calydon. — C'est une ancienne ville d'Étolie, bien connue par le sanglier qu'Artémis suscita dans la forêt voisine et qui fut tué par Méléagros. — Méléagros, fils d'Oineus, est aussi très connu (Decharme, Mythol., pp. 586-589). Apollonios en fait un tout jeune homme au moment de l'expédition (cf. aussi Argonautiques, ch. III, v. 518). — Laocoon, cité aussi par Hygin, n'est pas autrement connu : Apollodore et Valérius Flaccus ne parlent pas de lui. — Iphiclos, fils de Thestios et frère d'Althaia, mère de Méléagros (qu'il ne faut pas confondre avec Iphiclos, frère d'Alcimédé, mère de Jason, cf. v. 46), est cité par Valérius Flaccus (I, v. 370) et par Apollodore (I, 9, 16).

V. 202. Palaimonios. — Ce héros est un des plus inconnus parmi les Argonautes; il ne fait que figurer dans le catalogue d'Apollonios et ne joue aucun rôle dans le poème. Valérius Flaccus ne le cite pas. Apollodore, qui le mentionne dans son catalogue (I, 9, 16), dit qu'il était fils d'Héphaistos ou d'Aitolos, et le nomme Palaimon. Son père putatif, Lernos d'Olénos, est inconnu; ce n'est pas le même que le père de Naubolos (cf. v. 1 35). — Il y a deux villes du nom d'Olénos : l'une en Achaïe (Strabon, 331, 24), l'autre en Étolie, citée dans le Catalogue des navires (II., II, v. 639). C'est sans doute de celle-là que venait Palaimonios, puisqu'il est cité immédiatement après d'autres héros, venant aussi d'Étolie.

V. 207. — « Les Phocéens [Phocidiens, suivant la dénomination moderne] s'appelaient ainsi de Phocos, fils d'Aiacos. » (Scol.) C'est ce Phocos qui fut tué par ses frères Télamon et Pelée (cf. v. 90-94). — Pytho est l'ancien nom de Delphes; nom qui vient soit du serpent Python, soit de ce que l'on y apprenait les oracles (πυνθάνεσθαι). Iphitos, mentionné par tous les catalogues d'Argonautes et qu'il ne faut pas confondre avec son homonyme (v. 86), est le fils de Naubolos, inconnu qu'Apollonios a soin, par l'adjonction du nom de son père Ornytos, de distinguer de l'autre Naubolos qui avait pour père Lernos (v. 135).

V. 211. — Pour le mythe de Zélés et Calais, voir Decharme, Mythol. p. 563 sqq. Les fils de Borée jouent un rôle important dans le poème d'Apollonios. — Cécropie. Voir la note au vers 95. — L'Ilissos, cours d'eau de l'Attique bien connu. — Le rocher de Sarpédon, cap de Thrace (Strabon, 283, 16), entre le golfe Mêlas et le fleuve Erginos (qui n'a aucun rapport avec l'Argonaute cité au vers 187), fleuve qui coule à l'ouest de Byzance et se jette dans la Propontide (Strabon, 282, 52). Le Scoliaste dit que le cap Sarpédon a pris son nom d'un roi de Thrace, frère de Poltys, et il fait remarquer qu'il y a sur la côte de Cilicie un autre cap Sarpédon (cf. Strabon, 572, 5).

 V. 219. Des ailes noires (ἐρεμνάς). — D'après le Guelf. et le Laur, Merkel admettait dans son edit. minor ἐρυμνάς (fortes), mot qui n'a pas ici un sens satisfaisant; ἐρεμνάς fait image; c'est d'ailleurs la leçon que le Scoliaste explique.

V. 224. Acastos. — Cet Argonaute qui est cité par Apollodore (I, 9, 16), quoi qu'en dise Burmann, fut le héros d'une légende curieuse mentionnée par le Scoliaste et exposée dans la Mythol. de Decharme (pp. 599-600). Pour ce qui est de son rôle dans les Argonautiques, Apollonios se borne à dire qu'il désirait ardemment faire partie de l'expédition. Démagétos, cité par le Scoliaste, rapporte qu'Acastos ne partit qu'après avoir pris ses précautions : Pélias avait, en effet, ordonné de n'employer à la construction du navire que des chevilles peu solides, afin que le vaisseau se perdit bien vite; Argos fit tout le contraire et Acastos ne s'embarqua que sûr de la solidité d'Argo. V. 226. Argos. — II ne faut pas confondre avec Argos constructeur du navire, ses homonymes, le gardien il'Io, et le fils de Phrixos et de Chalciopé, que les Argonautes recueillirent en route ainsi que ses frères, et qui leur rendirent en Colchide des services importants. D'après Apollodore (I, 9, :6), suivi par Decharme (Mythol., p. 610), c'est le fils de Phrixos, Argos, qui construit le navire. Telle n'est pas la tradition d'Apollonios qui, à plusieurs reprises (Argon., I, v. 112, v. 325, etc.), répète que le constructeur du navire est fils d'Arestor. C'est par suite d'une confusion qu'Ovide appelle le gardien d'Io : « Arestoridae... Argo» (Met., I, v. 624). Cet Argos, qui voyait tout, était fils d'Agénor (Apollod., II, i, 2).

V. 230. Les filles de Minyas. — « Minyas avait beaucoup de filles. Jason est fils d'Alcimédé, fille de Clymené, fille de Minyas. Stésichore le dit fils d'Etéoclyméné, et Phérécyde, d'Alcimédé, fille de Phylacos. De Zeus et d'Isinoé, fille de Danaos, naît Orchomène qui donne son nom à la ville d'Orchomène. D'Orchomène soi-disant, de Poséidon en réalité, et d'Hermippé, fille de Boiotos, naît Minyas qui habita à Orchomène et donna son nom au peuple des Minyens. De Minyas et de Clytodora naissent Presbon, Périclyméné et Etéoclyméné; de Phanosyra, fille de Paion et de Minyas, naissent Orchomène, Diochtondès et Athamas. Démetrios de Scepsis dit que les habitants d'Iolcos se nommaient Minyens. » (Scol.) Strabon (356, 4) rapporte une tradition d'après laquelle ce nom de Minyens donné aux Argonautes viendrait de ce que les Minyens auraient conduit une colonie à lolcos. (Voir Decharme, Mythol., p. 324.)

V. 235. Tout ce dont il faut munir l'intérieur d'un navire. — Lehrs traduit ἐντύνονται par armantur. L'armement proprement dit du navire ne regardait pas les esclaves dont l'office doit se borner à munir l'embarcation des provisions et autres objets nécessaires à la traversée. Homère énumère les outres de vin et d'eau et les vivres dont Calypso garnit le bateau qu'Ulysse s'est construit (Odyss., V, v. 165-267). Scheffer (De Militia navali veterum, Ubsaliae, 1654, pp. 254-255) indique de quelles provisions on munissait, à l'époque classique, les navires en partance.

V. 238. Pagases Magnésiennes. — C'est une viIle de la Thessalie, en Magnésie, sur le golfe Pélasgique ou Pagaséen. Le Scoliaste parle d'un cap du même nom sur la côte de Magnésie, et d'un temple d'Apollon Magaséen. Strabon (374, 35) cite les deux étymologies de ce nom : soit parce que le navire Argo y fut construit (ἀπὸ τῆς ναυπηγίας τῆς Ἀγροῦς), soit à cause des sources qui y abondent (ἀπὸ τῶν πηγῶν). Strabon admet plutôt la seconde étymologie ; le Scoliaste les mentionne toutes deux, la seconde d'après Démétrios de Scepsis. — Cf. Properce (I, xx, v. 17) :

Narnque ferunt olini Pagasae navalibus Argon
Egressam...

V.243. La terre Panachéenne. — Cette expression semble signifier la Grèce tout entière. Le Scoliaste, au contraire, prétend qu'il s'agit de la Thessalie, parce que cette contrée, la première, reçut d'Achaios, fils de Xouthos, le nom d'Achaïe. Achaios, cité par Apollodore (I, 7, 3), dut, à la suite d'un homicide commis par imprudence, se réfugier dans une contrée du Péloponnèse à laquelle il donna son nom (Strabon, 329, 14). Le sens général montre qu'il s'agit ici de toute l'Hellade, puisque de toutes ses parties il est venu des compagnons à Jason.

V. 246. Mais un long voyage est inévitable : rude est la peine pour ceux qui partent. — Les explications du Scoliaste sont fort embrouillées; si on fait retomber la négation οὐ sur ἄπηκτος aussi bien que sur φυκτά, il faut détourner la signification d'ἄπρηκρος pour avoir un sens acceptable. Brunck remarque avec raison qu'il n'y a de justes parmi les explications du Scoliaste que celles-ci : « ἄπρηκτος, δύσπρακτος, δυσεργής, δυσκατόθωτος. » Ceterae Scholiastarum expositiones nauci non sunt; latina interpretatio, ineptissima : Brunck fait sans doute allusion à la traduction de Shaw, le magister oxoniensis, comme il l'appelle, qu'il malmène volontiers. Cette traduction latine est, en effet, peu intelligible : « Sed inevitabile est iter, laborque inefficax abeuntibus. D Brunck donne de tout le passage une paraphrase très claire que Wellauer approuve et reproduit : « Mens loquentium haec est : Aeetem vi cogent, ut sibi vellus tradat, si ad eum pervenerint. Sed illuc perveniendum est. Quantumlibet animi et corporis robore praestent, non effugient quin longissimum iter conficiendum sit, et iter facientibus (ἰοῦσιν) difficillimi perferendi sint labores. »

V. 258. Les accents d'une voix humaine. — On adéjà vu (note au vers3) que le bélier était doué de la parole. Voici, d'après le Scoliaste, à quelle occasion le bélier fit entendre ces accents qui devaient être si funestes a Alcimcdé : « On dit qu'au moment où Hellé était tombée à la mer, alors que Phrixos était indécis de ce qu'il ferait, le bélier, obéissant à la volonté de Zeus, prit la parole pour l'encourager à se réfugier en Scythie [c'est-à-dire en Colchide]. C'est ce qui devait être dans la suite un malheur pour Alcimédé elle-même, puisque son fils y serait envoyé en expédition. C'est dans Hécatée qu'on trouve cette tradition que le bélier prit la parole. Quelques auteurs disent que Phrixos naviguait sur un navire dont la proue portait la représentation d'un bélier. Denys [de Mitylène] dit que Crios, pédagogue de Phrixos, navigua avec lui en Colchide : d'où la fable du bélier sacrifie dans ce pays. » — Voir la note au v. 1144 du Ch. II.

V. 260. Alors qu'ils s'éloignaient (ἐπὶ προμολῇσι)- — «Au départ des héros: du verbe s'en aller en avant (μολεῖν); de là vient qu'on appelle προμολαί; les premiers avancements (le pied) d'une montagne. » (Scol.) — Voir la note au v. 320.

V. 264. Que la forme de son corps. — J'ai dû paraphraser le mot ἐνυπάς que les interprétations latines ne rendent pas. Ce mot, dans l'Iliade (XXIV, v. 163), désigne la manière dont Priam s'enveloppe dans son manteau. Eustathe l'explique ainsi : « Être moulé dans son manteau, de façon que la forme du corps paraisse seule, et qu'à travers ce qui enveloppe on voie seulement la forme, le moule de celui qui est enveloppé. »

V. 269. Telle une jeune fille... — Le Scoliaste trouve la comparaison incohérente, car, dit-il, le poète suppose que c'est Jason qui représente la vieille, et sa mère, la jeune fille. Une autre scolie contredit cette dernière : « On prétend que, dans cette comparaison, il aurait fallu le contraire de ce qu'il y a. Mais nous disons que le rôle de Jason est convenable, sinon à son âge, du moins aux soins dont il entoure sa mère. » — Le poète rend plus touchante la situation de cette mère, aussi abandonnée que la jeune fille, victime d'une marâtre, et qui ne peut même plus compter sur sa nourrice. Jason est tout pour Alcimédé, exposée, ainsi que son mari, à la haine de Pélias contre laquelle Aison infirme est impuissant. Dübner remarque l'art de cette comparaison : « Alexandrini imagines optime exornare soient. »

V. 273. Elle ne peut exhaler autant de sanglots qu'elle le voudrait. — C'est aussi la situation de l'Électre de Sophocle (Électre, v. 285) : « Il ne m'est pas permis de pleurer autant que mon cœur y trouverait plaisir. »

V. 281. C'est toi qui m'aurais ensevelie. — Cette phrase est la reproduction presque textuelle des paroles de la Médée d'Euripide (v. 103 sqq.) à ses enfants.

V. 287. Toi seul à cause de qui j'ai délié ma ceinture. — Le Scoliaste dit que, d'après Ibycos, elle aurait eu une fille, Hippolylé. Il ajoute : « Celles qui accouchent pour la première fois délient leur ceinture et la consacrent à Artémis : d'où, à Athènes, le temple d'Artémis qui délie les ceintures Λυσιζώνη. »

V. 289. Eilcithyia.— C'est la déesse de la maternité, fille de Zeus et d'Héra (cf. Decharme, Mythol.,
p. 290).

V. 292. Elle se lamentait. — Le ScoIiaste cite de ce mot (κιρύνετο) une étymologie au moins bizarre, due, paraît-il, à Apollodore : τὸ κινεῖν τὴν οὐρὰν ἐν τῷ μυκᾶσθαι, parce que les bœufs remuent la queue en mugissant. Cf. Apollodore, fragm. 217 (Fragment, Histor. graec., Didot, vol. I, p. 465).

V. 293. Qui se tenaient auprès d'elle. — Je traduis ainsi, d'après l'explication du Scoliaste (ἐφεστηκυῖα), l'adverbe ἐπισταδόν, que Hoelsiln et Shaw traduisent par sine intermissu et Beck et Lehrs par assidue. Il semble que si les servantes avaient crié sans cesse, cela aurait singulièrement gêné l'entretien de Jason et de sa mère.

V. 295. — Est-il besoin de remarquer combien ces paroles de Jason à sa mère font penser à celles d'Hector à Andromaque (Il., VI, v. 486), et à celles de Priam à Hécube (Il., XXIV, v. 218) ?

 V. 305. Je vais m'y rendre. — C'est-à-dire évidemment : aller au navire. Le Scoliaste veut que ce soit jusqu'en Scythie (c'est-à-dire en Colchide) qu'on accompagne Jason ; ce qui, dans aucun cas, ne pourrait s'admettre des esclaves, qui ne doivent pas monter dans le navire. Ces esclaves (δμῶες) sont évidemment les serviteurs mâles de Jason; je ne sais pourquoi Shaw, Beck et Lehrs, dont le texte porte aussi δμῶες, traduisent ce mot par ancillae.

V. 308. Délos. — Délos est bien connue par la naissance d'Apollon. — Claros, petite ville d'Ionie, près de Colophon, célèbre par le temple et l'oracle d'Apollon. — Delphes Pythienne. Cf. note au vers 207. — La Lycie, dans l'Asie-Mineure, entre la Carie et la Pamphylie; à Patara, sur la côte de Lycie, était un oracle d'Apollon. — Le Xanthos, nom de plusieurs fleuves en Épire, en Troade, en Lycie; il s'agit ici de ce dernier (cf. Horace, Od., IV, vi, v. 26; Virgile, Aen., IV, v. 143, qui imite cette comparaison).

V. 312. Iphias. — Il n'est pas question de cette prêtresse dans Valérius Flaccus, dans le Scoliaste, ni dans Apollodore. Son nom est un nom patronymique dont Ovide a usé (Trist., V, xiv, v. 38) pour désigner Evadné, la femme de Capaneus, qui était fille d'Iphis (Apollod., III, 7, i).

V. 320. Aux abords du navire. — Je traduis ainsi l'expression peu claire ἐπὶ προμαλῆς, que les traducteurs latins rendent par in aditu, Dübner, par le mot allemand zugang (accès, abord, avenue, approche), et que le Scoliaste expliquait par ταῖς προόδοις (action de s'avancer, de paraître en public). Flangini, auteur d'une édition d'Apollonios avec traduction en vers italiens et commentaire (Rome, 2 vol., 1791 et 1794), se fondant sur un passage du Scoliaste (note au vers 260) où il est dit que ce mot  προμολὴ signifie soit l'action de sortir, soit les premières hauteurs qui précèdent les montagnes (τὰς πρώτας προβάσεις τῶν ὀρῶν), croit devoir adopter ici ce dernier sens du mot et traduit : « Ei su un' altura Stea di quel sito. » Cette interprétation me semble inadmissible : Jason arrive, et comme il est le chef de l'expédition, il s'arrête aux abords du navire, attendant que ses compagnons viennent à sa rencontre, ce qu'ils ne manquent pas de faire.

V. 326. Un double manteau magnifique. — Dübner : « Virg., duplex amictus; sive de duplici subtemine, sive de magnitudine. » On donne en effet ces deux sens du mot δίπλαξ (double, sous-entendu manteau) : soit, ce qui semble le plus vraisemblable, un manteau assez ample pour se doubler et envelopper deux fois celui qui en est recouvert; soit un vêtement fait d'une étoffe à double tissu, c'est-à-dire brochée, avec des dessins formant une seconde trame sur celle du fond. — Pélopéia. Le Scoliaste n'en dit rien. Apollodore (I, 9, 10) se borne a la citer parmi les filles de Pélias : « Peisidicé, Pélopéia, Hippothoé, Alcestis » (l'Alceste d'Euripide). Une autre Pélopéia ou Pelopéa, plus connue, est la fille de Thyeste, fils de Péïops, qui fut la mère d'Égisthe.

V. 358. Tirez au sort les rames (ἐρετμά), suivant chaque banc (κατὰ κληῖδας. — « La κληίς est une barre, une traverse, et les bancs de rameurs sont proprement des planches transversales (transtra) du navire. Dans Apollonius de Rhodes, les κληῖδες sont les bancs de rameurs et non les tolets [les tolets sont des chevilles placées sur le plat-bord des deux côtés de l'aviron, pour lui donner un point d'appui].... Les tolets se nomment dans Apollonius οἱ σκαλμοί, (Vars. L'art nautique dans l'antiquité, Paris, 1887, p. 119.) — «Si nous examinons le navire grec primitif, nous voyons que chaque rameur est assis le long du bord sur un banc qui traverse le bâtiment dans toute sa largeur et fait l'office de bau [les baux sont les poutres principales placées en travers des bâtiments pour en lier les deux murailles, pour les maintenir dans l'écartement voulu et pour supporter les bordages des ponts ainsi que leur charge]. Chaque banc porte donc deux rameurs, l'un à tribord, l'autre à bâbord, et ces rameurs, assis l'un derrière l'autre, à distance égale, forment deux files horizontales le long des flancs du navire. Lorsqu'il s'agit d'armer le navire Argo, on tire les bancs au sort, en assignant deux rameurs à chaque banc; le banc du milieu, considéré sans doute comme la place d'honneur, est excepté du sort et réservé à Hëraklès et à Ancée... Tous les bâtiments de guerre grecs de l'époque primitive sont construits selon le système décrit par Apollonius de Rhodes pour le navire Argo. Ils ont deux files horizontales de rameurs, une le long de chaque bord. » (Cartault, ouvr. cité, pp. 126-127.) — Rien ne prouve que ce fût, dans l'antiquité héroïque la coutume de tirer au sort les places sur les bancs des rameurs : ainsi, dans l'Odyssée (II, v. 419), quand les compagnons de Télémaque montent sur le navire, ils vont se placer tout simplement sur les bancs sans tirer leurs places au sort. Mais ici, il est question de rameurs d'élite, tous héros égaux entre eux : les places, bonnes ou mauvaises, doivent donc leur être attribuées par le sort. Le banc du milieu serait réservé, d'après M. Cartault, comme une place d'honneur à Héraclès et à Ancaios : je crois que c'est aussi par mesure de sécurité qu'on place le géant Héraclès au centre du vaisseau; quand il s'y installera il fera enfoncer le navire (cf. v. 533) : placé à un autre endroit, il le ferait peut-être chavirer. Il n'y a aucune ressemblance entre le tirage au sort des Argonautes et l'expression de Virgile, sortiti remos (Aen., III, v. 5io). c Le sens de ce passage n'est pas clair. Selon quelques interprètes, les Troyens désignent par la voie du sort ceux qui doivent tenir les rames. Cf. Properce, III, xx, v. 12 : Nunc agite, o socii, propellite in aequora navem, Remorumque pares ducite sorte vices. Mais il est plus vraisemblable, comme le veut Dübner, qu'il s'agit de partager en deux bandes ceux qui doivent aller à terre et ceux qui doivent passer la nuit sur le navire à côté des rames. » (Note de l'édit. Benoist à ce vers de Virgile.) En tout cas, il ne peut être question de tirer au sort les places sur le navire, puisque dans ce passage de l'Énéide nous voyons les héros débarquer et se préparer à passer la nuit à terre.

V. 304. Et accumulèrent en masse leurs vêtements. — Dubner : « Ut celerius navem in mare ducerent. »

V. 366. Que le flot de la tempête lavait parfois. — Le sens de πάλαι me semble fixé, comme Brunck le montre bien, par l'imitation connue que Virgile a faite de ce vers (Aen., V, v. 126 [Saxum] quod... tunditur olim Fluctibus). Je traduis par l'imparfait ἀποἐκλυσεν, qui est un aoriste d'habitude. Je crois que Shaw (hiberna vero iamdiu abluerat salsugo), Beck et Lehrs (hiberna vero olim abluerat aqua marina) se trompent en traduisant par un plus-que-parfait, et en donnant à πάλαι son sens ordinaire.

V. 308-370. Ils commencèrent, etc... — Il semble assez facile de comprendre cette manœuvre tout à fait primitive, qui montre — à dessein, sans doute, chez un docte Alexandrin — l'enfance de l'art des constructions navales au temps des Argonautes : on entoure le navire d'un câble solide, pour que, sous l'effort de l'eau, les diverses parties de la coque, mal retenues par des chevilles, ne se désagrègent pas. — Shaw trouve le passage inintelligible : « Hic locus, vel nondum est intellectus, vel corruptus, quod potius puto. Nam, non video quomodo funes intrinsecus costricti navis compagines reddant firmiores. » (Mais ce n'est pas à l'intérieur du navire que le câble est disposé; ce sont les cordes qui sont si fortement tendues à l'intérieur du câble formé par leur réunion.) Brunck attendait une meilleure leçon et la découverte des scolies concernant ce passage, lesquelles sont perdues (06). « A meliori libro expectanda hujus loci restitutio, aut a codice qui integriora scholia habeat. Nam desunt quae ad hunc locum annotaverunt veteres critici. » Aucun de ces deux vœux n'a été exaucé : Merkel a le même texte et ne donne aucune scolie nouvelle. Le dernier éditeur cite simplement les critiques qui ont interprété dans le sens de cette ceinture de cordes le vers de Catulle (LXIV, v. 174) : «  Perfidus in Creta religasset navita funem... — à tort, ce me semble, religare funem étant une expression toute faite qui veut dire amarrer — et Etym. Magn. 22, 20, ἄζωστος ναῦς ἐστιν ἡ ἀνυπήλιφος, c.-a.-d., un navire sans ceinture est un navire qui n'est pas enduit, goudronné. — La difficulté de l'intelligence de ce vers vient de ce que les interprètes ont tous voulu que le mot ἔνδοθεν se rapportât à l'intérieur du navire. Brunck le dit expressément: « Codices omnes dant ἔνδοθεν quod quid sibi velit, nondum comminisci potui. Absurdum sane videtur. ἔκτοθεν facili conjectura reponit eruditus Britannus. Sed vereor ut hoc a Poeta sit. Adeo manifestum est funem, quo navis constrictafuit extrinsecus eam cinxisse, ut hoc addidisse pene ineptum fuerit. » Mais ce câble qui entoure le navire à l'extérieur est formé lui-même à l'intérieur de cordes bien tressées : ἔνδοθεν se trouve placé entre εὐστρεφεῖ et ὅπλῷ ne se rapporte pas évidemment au navire. Il est question de l'intérieur de ce câble que des cordes constituent par leur assemblage. Aussi ne semble-t-il pas utile de remplacer ἔνδοθεν par les conjectures que Wellauer et Merkel rapportent (ἐνδύτον, ἔρμπεδον, ἐνδυκές). Cette dernière est proposée par Dübner, avant Merkel : « Corrige ἐνδυκές; (pro Hom. ἐνδυκέως : accurate. » — Cette ceinture de cordes (ὑπόζωμα, tormentum, mitra) s'employait dans l'antiquité en cas de gros temps pour maintenir la charpente du vaisseau (voir Isidore, Orig., XIV, iv, 6; Horace, Od., I, xiv, v. 6; Scheffer, op. cit., p. 151). M. Cartault parle des ὑποζώματα de la trière athénienne, qui, à l'époque classique, étaient « de gros câbles vraisemblablement aplatis et disposés à une certaine distance les uns des autres. On pouvait à volonté les mettre ou les enlever, et ils formaient autour de la trière de fortes ceintures horizontales. » (Ouvr. cité, p. 56.) Il n'y a évidemment aucun rapport entre ces fortes ceintures et le câble que les Argonautes sont obligés de mettre autour de leur navire pour éviter que les parties ne s'en disjoignent pendant la laborieuse opération du lancement. — Dans le chapitre de son livre qu'il consacre à l'étude du naufrage de Saint-Paul, M. Vars s'occupe de ce passage d' Apollonius qu'il traduit ainsi : « Sur les conseils d'Argus, ils cintrèrent fortement le navire, et raidirent à l'intérieur le câble aux torons bien tordus pour maintenir l'assemblage du bordé, et le fortifier contre la violence des lames. Cette description — continue M. Vars — est d'autant plus digne de créance qu'Apollonius avait été souvent témoin, à Alexandrie, du lancement d'un navire. On plaçait le câble d'arrière en avant, autour des deux côtés du navire (ἑκάτερθεν) ; on faisait passer l'extrémité tribord du câble par l'écubier de bâbord (en lui faisant contourner l'avant), et l'extrémité bâbord par l'écubier de tribord. Les deux bouts une fois rentres dans le navire, on les raidissait sur le pont, ἔκδοθεν τεινάμενοι, soit à l'aide de poulies, soit au moyen du cabestan. On ne faisait pas passer les extrémités tribord et bâbord du câble par les écubiers correspondants, car, dans ce cas, tout l'avant au delà des écubiers eût été dépourvu de ceintrage. En outre, la forte tension du câble eût séparé l'étrave du reste de la coque, L'ὑπόζωμα était donc double autour de l'étrave. On a critiqué la leçon ἔνδοθεν, et Boeckh lui-même prétend que la traction des câbles à l'intérieur était impossible. Le procédé mentionné ici est cependant très clair pour tout marin, et ne permet pas d'autre leçon qu'ἔνδοθεν. Qu'Apollonius ait prêté aux Argonautes une manœuvre employée de son temps et inconnue même à Homère, cela va sans dire. » (Ouvr. cité, pp. 215-217.) Cette savante démonstration ne me convainc pas le moins du monde : que le procédé longuement expliqué par M. Vars soit très clair pour tout marin moderne, c'est probable; mais les Argonautes n'auraient guère compris toutes les belles manœuvres que le savant archéologue leur prête. La leçon ἔνδοθεν me semble défendue par des raisons bien différentes. Prétendre enfin qu'Apollonios attribue aux Argonautes une manœuvre absolument inconnue de leur temps, c'est se méprendre singulièrement sur le caractère de ce poète qui a vécu plus au Musée que sur le port et qui connaissait aussi bien les navires primitifs qu'il essayait de restituer, que le lancement des navires de son temps. J'ai cité (note au vers 358) un passage de M. Cartault, qui démontre bien qu'Argo est pour Apollonios le type du navire primitif: il semble superflu de chercher des rapprochements entre cette embarcation archaïque et le navire de Saint-Paul, comme M. Vars essaie de le faire. Cependant, M. Cartault lui-même, qui voit dans Argo le type du navire primitif, se fonde sur ce passage pour admettre dans l'embarcation des Argonautes l'existence des préceintes intérieures qui se trouvent dans la trière athénienne : « L'existence des préceintes intérieures nous est attestée par un passage d'Apollonius de Rhodes (I, 367). Il s'agit de la construction du navire Argo : « Sur les conseils d'Argos, ils commencèrent par lier fortement à l'intérieur les parties du navire par une préceinte qui en épousait la courbure et qui s'étendait des deux côtés afin que les bordages, bien assujettis par des chevilles, résistassent à l'effort des flots. » Je ne peux pas admettre l'interprétation de M. Cartault, plus que celle de M. Vars.

V. 371. Ils creusèrent... un fossé. — On voit dans l'Iliade (II, v. 150 et suiv.) une manœuvre à peu près semblable : au moment de lancer les navires, les Achéens nettoient les fossés (οὐροὺς τ' ἐξεκάθαοριν); ces fossés avaient été creuses pour tirer les vaisseaux à terre et depuis le temps qu'ils ne servaient plus, ils s'étaient remplis de vase, de sable, d'immondices de tout genre qui les avaient comblés et mis hors d'usage ; il fallait donc les nettoyer pour s'en servir de nouveau : telle est l'explication ordinaire. M. Pierron ne l'admet pas : « Οὐροὺς, les sentines. On entend ordinairement par ce mot les fossés ou canaux par où les Grecs lançaient les vaisseaux à la mer. Les Scholies donnent ce sens, mais elles ajoutent, ἦ τὰς ἀντλίας. : interprétation bien plus vraisemblable. Il n'y a pas trace, chez Homère, de l'usage de ces prétendus canaux. C'est à force de bras que l'on tirait les navires de la mer en terre, de la terre en mer. Plus un héros était brave et vigoureux, plus il avait tenu à honneur de tirer loin ses vaisseaux. Achille et Ajax campaient à une grande distance de la mer. Voyez VIII, 225-226, et XI, 8-9. On ne se figure pas aisément des canaux portant l'eau jusqu'à leurs campements. Vider la sentine est donc probablement l'opération dont il s'agit. » Il n'est pas question de canaux portant l'eau jusqu'aux campements; le texte d'Apollonios montre bien qu'il n'y a pas d'eau dans les fossés qui servent à lancer et à tirer les navires, à force de bras. L'aide de ce fossé en pente n'économise pas tellement le travail des hommes qu'Achille et Ajax ne puissent faire montre d'une vigueur prodigieuse en faisant remonter à leurs bâtiments la pente des οὐροί. L'étymologie probable du mot (ὄρω, ὄρνυμι, tirer, pousser) montre qu'il ne s'agit pas d'une sentine, et désigne bien le fossé sur la pente duquel on mettait les navires en mouvement.

V. 375. De l'étrave (στείρης). — « L'étrave portait chez les Grecs le nom de στεῖρα. Les lexicographes la confondent à tort avec la quille, dont elle est en réalité le prolongement, et avec laquelle elle forme un angle qui varie selon le système de la construction. » (Cartault, ouvr. cité, p. 33.) M. Cartault donne de l'étrave la définition suivante empruntée à Jal. C'est  « une pièce de bois forte, recourbée en dedans et plantée à l'extrémité antérieure et dans le plan de la quille qu'elle continue. C'est sur cette pièce, qui souvent, au lieu d'être d'un seul morceau, est composée de plusieurs pièces unies par des écarts pratiqués à leurs bouts, que repose en partie l'édifice de la construction de la proue. » Le mot σρεῖρα (ou, en dialecte ionien, στείρη vient de l'adjectif στεῖρος (ferme, solide), et désigne la partie la plus solide du navire. — Des rouleaux polis. Les φάλαγγες sont des rouleaux ou cylindres de bois que l'on plaçait, pour les mettre en mouvement, sous des objets pesants, tels que la qui quille d'un vaisseau, pour le lancer ou pour le mener à terre. Le mot a passé en latin. Cf. Nonius Marcellus, 163, i3 : « Phalangae dicuntur fustes teretes qui navibus subjiciuntur, quum attrahuntur ad pelagus, vel quum ad litora subducuntur. » V. 379. Autour des chevilles. — Il s'agit des tolets (σκαλμὸςî, scalmus), fortes chevilles en bois auxquelles la rame était attachée au moyen d'une courroie, pour qu'elle se maintînt toujours en place pendant qu'on la maniait. Aujourd'hui on place deux tolets sur le plat-bord et des deux côtés de l'aviron. «Chez les anciens, on se contentait d'un tolet. On maintenait la rame sur le tolet à l'aide d'un anneau en cuir, ὁ τροπός ou τροπωτήρ. » (Vars, ouvr. cité, p. 117. Voir la note au vers 358.) A propos de ce vers précisément, M. Vars ajoute (p. 118) : « Un passage d'Apollonius de Rhodes (I, 379) semble prouver que les anciens avaient également deux tolets, et qu'ils fixaient à bord la partie extérieure de l'aviron à l'aide d'une lanière. »

V. 393. — M. Vars (ouvr. cité, pp. 144-146) développe ainsi le tableau d'Apollonios : « Apollonius de Rhodes nous a décrit le lancement d'un grand navire... On creusait à partir de la mer jusqu'à l'étrave une fosse de la largeur du navire. Au milieu de cette fosse, on pratiquait un profond sillon destiné à la quille. Au fond du sillon on plaçait des rouleaux. On retournait ensuite les rames, la pelle à l'intérieur, en leur donnant une saillie extérieure d'une coudée, et on les fixait fortement sur leurs tolets. Alors l'équipage appuyait les mains et les épaules sur l'extrémité des rames pour pousser l'avant du navire vers le premier rouleau. A un signal du pilote posté sur le navire, l'impulsion de tous les bras se produisait en même temps pour éviter un gaspillage inutile de force. Le navire une fois arrivé sur le premier cylindre; l'effort à exercer était moindre. — La lourde coque accélère de plus en plus sa descente. Les rouleaux grincent et s'échauffent sous la pesante masse, au point de foire jaillir une épaisse fumée. Le navire pénètre alors dans l'eau, et irait loin du bord avant de s'arrêter, s'il n'était retenu par des câbles frappés d'avance sur le navire et haies à terre. Comme le poids du navire emporté aurait pu briser les câbles, on avait soin, avant le lancement, de préparer quelques avirons à bord, pour faire force de rames vers le rivage. Pour le navire Argo, cette précaution n'était pas indispensable; on se contenta de le ramener avec des câbles. Après le lancement, tout était disposé pour le départ. » — Le navire Argo n'était certes pas « un grand navire », comme M. Vars lui-même l'avoue en faisant remarquer que la précaution nécessaire pour les grands bâtiments n'était pas indispensable pour l'embarcation des Argonautes. Ce n'est pas « à partir de la mer jusqu'à l'étrave » que la fosse est creusée, c'est de la proue à la mer (v. 372), et nous voyons que plus ils avançaient, plus ils creusaient profondément au-dessous du niveau de l'étrave (v. 374-375). Il n'est pas question «d'un profond sillon pratique au milieu de cette fosse et destiné à la quille » : j'ai déjà dit que le mot propre qui indique la fosse, οὐρὸς;, n'est pas exprimé (note au vers 371); le mot ὁλκός est employé comme synonyme de οὐρός. Les mots grecs «πήχυων προὐχοντα ne peuvent signifier tune saillie extérieure d'une coudée», mais bien un objet long d'une coudée qui fait saillie : cet objet long d'une coudée (πήχυιος), c'est le manche de la rame (autrement nommé πηχυαλεύς).

V. 398. Ancaios. qui habitait la ville de Tégée. — Cette désignation est nécessaire pour éviter toute confusion entre cet Ancaios (v. 164) et l'autre Argonaute, son homonyme, qui venait de Samos (v. 188).

V. 401.  Le gouvernail (οἰήια). — Le mot οἴηιον est, dans la langue d'Homère, le synonyme du mot οἴαξ. « Les οἰήια sont les πηδάλια; c'est comme si l'on disait les οἰήσια, car celui qui gouverne a besoin de réflexion (οἰήσεως). Les glossateurs emploient le mot οἴακες »(Scol). Il n'est pas besoin de discuter l'étymologie proposée par le Scoliaste; le mot οἴαξ vient sans doute du verbe οἴω, porter, et signifie la barre du gouvernail : on emploie ce mot au pluriel parce que le navire antique possédait deux gouvernails (voir la note au vers 562); la synonymie entre les deux mots οἰήια et πηδάλια est indiquée par de nombreux passages des lexicographes (voir Cartault, ouvr. cité, p. 102), mais elle n'est pas exacte: les ο)ίακες; sont proprement les barres qui font mouvoir les gouvernails.

V. 407. Deux boeufs. — Le Scoliaste explique que ce nombre de deux est naturellement amené par les deux appellations sous lesquelles on invoque le dieu. Il ajoute que le soin de ces préparatifs revient aux jeunes, puisque Apollon est un dieu toujours jeune. — Ou sait que le type d'Apollon toujours jeune est relativement récent. « Apollon est désormais conçu (depuis l'école de Praxitèle qui a fixé le type) comme un adolescent qui n'est pas encore arrivé à son complet développement, qui n'a rien de la maturité virile, mais dont les formes délicates sont déjà empreintes de vigueur et de force. » (Decharme, Mythologie, p. 130, d'après O. Müller, Handbuch d. Arch. d. Kunst.)

V. 411. La ville Aisoiiide. — «C'est une ville de Magnésie, ainsi nommée du père de Jason, comme le rapportent aussi Pindare et Phérécyde. » (Scol.) — Strabon n'en parle pas. Dübner dit avec raison que cette ville est lolcos.

V. 419. Ortygie. — « Phanodicos en a parlé dans ses Déliaques; et Nicandre, au 1er livre de ses Étoliques, dit que Délos a reçu le nom d'Ortygie, ville d'Étolie. Voici ses paroles : « Les gens partis d'Ortygie Titanienne allèrent, les uns à Éphèse, d'autres dans l'île appelée autrefois Délos, d'autres encore dans une île contiguë à la Sicile; de là vient que tous ces lieux se nomment Ortygie. » C'est ainsi que Délos a pris ce nom, et non pas, comme on l'a imaginé, à cause de la métamorphose d'Astéria, sœur de Létô, mais parce que toutes les Ortygies sont des colonies de l'Ortjgie d'Étolie. » (Scol.) — Cette Astéria, sœur de Létô, est mentionnée par Apollodore (I, 2, 2), qui raconte comment, en fuyant les poursuites de Zeus, elle fut changée en caille (ὄτυξ, caille), se jeta à la mer et donna son nom d'Astéria à l'île de Délos, près de laquelle elle tomba dans les flots (1, 4, 1). — Ovide (Met., VI, v. 108) fait allusion à Astéria, et Callimaque (H. à Délos, v. 37) en parle. — Strabon cite l'île d'Ortygie, voisine de la Sicile et célèbre par la fontaine d'Aréthuse (224, 48), et le bois d'Ortygie, près d'Éphèse, où,, suivant une tradition, Létο aurait enfanté Apollon et Artémis (546, 27). Il remarque aussi (417) 38) qu'Ortygie est l'ancien nom de Délos, et (546, 41) que c'est aussi le nom de la nourrice d'Apollon et d'Artémis. — Il ne parle pas d'Ortygie en Étolie.

V. 421. Comme prix de notre voyage. — Le mot ἐπίβαθρον signifie le prix du passage que le voyageur paie au maître du navire sur lequel il s'embarque (cf. Odyss., XV, v. 449). Il s'agit ici, comme le Scoliaste le remarque, de sacrifices qui sont le prix offert à Apollon de la traversée heureuse demandée pour le navire.

V. 428. Comme une masse ἀθρόος). Dübner : « Uno impetu, ita ut non primum in genua prolaberetur. »

V. 431. L'animal, projeté en avant (περιρρηδής). — Dübner : « Qui prima capitis parte in terrant cadit (cf. Odyss., XXII, v. 84). » D'après le Scoliaste, Antimaque dit que ce mot signifie tomber après avoir tourné sur soi-même; il ajoute qu'ici περιρρηδής indique la chute en avant.

V. 444. Le continent asiatique. — « L'Asie a été ainsi nommée d'Asia, mère de Prométhée et d'Atlas [Asia est fille d'Océanos et femme de Japet; cf. Apollodore, 1, 2, 2] ; ou, suivant d'autres, du limon qui s'y trouve en abondance (ἄσις). » (Scol.) — La mort d'Idmon, tué par un sanglier, est racontée par Apollonios (Argon., II, v. 815, sqq.).

V. 450. Le point où il s'est arrêté. — Le Scoliaste explique que le mot σταθερόν, stationnaire, signifie ici le moment le plus chaud, le plus ardent, car le moment où le soleil passe au milieu du ciel est celui où sa position le fait titre le plus ardent, et celui aussi où il semble immobile. L'Etymol. Magn. (cité par Brunck) rappelle l'expression d'Apollonios et dit aussi qu'elle signifie le milieu du jour, moment où le soleil reste stationnaire.

V. 466. — Cf. Eschyle, Les Sept contre Thèbes, v. 529 : « Il jure par la lance qu'il porte et qu'il juge dans sa confiance plus vénérable qu'un Dieu. »

V. 471. — Cf. Iliade, XV, v. 254: « Prends courage maintenant; tel est le protecteur que le Cronide a envoyé de l'Ida pour se tenir auprès dt toi et pour te défendre.»

V. 475. Idmon... — « Le poète fait naturellement répondre Idmon qui est devin, à Idas, l'ennemi d'Apollon. » (Scol.) Idmon est d'ailleurs fils d'Apollon (cf. v. 139).

V. 482. Ces fils Alolades... — « Homère connaît leur histoire. Ératosthène dit qu'ils étaient fils de la Terre, mais qu'ayant été nourris par la femme d'Aloeus, on imagina qu'ils étaient fils d'Aloeus. Hésiode dit qu'ils étaient soi-disant fils d'Aloeus et d'Iphimédéia, mais en réalité de Poseidon et d'Iphimédéia, et que leur père prétendu fonda Alos en Étolie, ville dont Homère fait mention. » (Scol.) Homère cite Alos dans le Catalogue des vaisseaux (Il., II, v. 682) et les Aloiades, Otos et Éphialtès dans l'Iliade (V, v. 385), où il raconte comment les deux frères chargèrent Arès de liens, et dans l'Odyssée (Xl, v. 305 et suiv.), où il rappelle leur tentative malheureuse pour escalader l'Olympe. — On n'a plus le passage où Hésiode donnait sur les Alolades les renseignements conservés par le Scoliaste. — Cf. Decharme, Mythol., p. 597, et les auteurs qui y sont cités.

V. 487. Indique-moi maintenant. — Merkel admet ἐνίσπες (leçon du Laur.) qui signifie : tu m'indiques. Il me semble que l'impératif (Guelf., edit. vulgo) convient mieux à la vivacité de la phrase, comme Brunck et Wellauer le font remarquer.

V. 496. Il chantait... — « Il veut chanter la confusion primitive des éléments, comment chacun d'eux est sorti de l'état de lutte et s'est organisé. Ce chant est adapté aux événements qui viennent de se passer, car il est convenable de cesser la lutte et de revenir à des dispositions naturelles... Empédocle dit que, dans la confusion primitive de tous les éléments, la Lutte et l'Amitié [la Discorde et l'Amour], qui y furent envoyées, établirent la distinction ordonnée des parties, et que, sans elles, rien ne peut se faire : c'est lui, semble-t-il, que suit Apollonios. Thaïes a supposé que le principe de tout est l'eau; il empruntait cette idée au poète qui a dit : Mais, vous tous, devenez eau et terre [Iliade, VII, v. 99]. Zénon dit que le chaos dont parle Hésiode, c'est l'eau [sur la conception du chaos dans Hésiode, cf. Théogonie, v. 116 sqq.]. Quand elle se solidifia, vint la boue, dont la condensation forma la terre ferme. En troisième lieu, selon Hésiode, naquit Eros, pour que le feu se produisît : car la passion qu'il inspire est comme le feu. Anaxagore dit que le soleil est une masse incandescente d'où toutes choses sont nées. Aussi, Euripide, qui le connaissait, dit-il que le soleil est un lingot d'or. Le même Anaxagore prétend que la lune est une vaste contrée, d'où il pense que le lion de Némée est tombé. » (Scol.)

V. 501. Les montagnes. — « Douris dit que des pierres précipitées par les géants, celles qui tombèrent dans la mer devinrent des fies, et celles qui tombèrent sur la terre, des montagnes. » (Scol.)

V. 503. Ophion et l'Océanide Eurynomé. — Brunck rapproche de ce passage les paroles de Prométhée (Eschyle, Prométhée, v. 956) : « N'ai-je pas déjà vu tomber deux de ces tyrans?. .. », et la note du Scoliaste d'Eschyle : « Il veut dire Ophion et Eurynomé. » Nous avons peu de renseignements sur Ophion (cf. Claudien, R. Proserp., III, v. 348). Quant à l'Océanide Eurynomé, mère des Charités (Hésiode, Théogonie, v. 907), elle fut une des épouses de Zeus, après avoir régné sur les Titans avec Ophion, son époux primitif.

V. 509. L'antre du Dicté. — Le Dicté, montagne dans la partie orientale de l'île de Crète, où Zeus avait été élevé et possédait un temple. (Cf. Strabon, 411, 18; Virgile, Georg., IV, v. 151 :

Dictaeo caeli regem [apes] pavere sub antro.

V. 510. De la foudre (κεραυνῷ), du tonnerre (βροντῇ), et de l'éclair (στεροπῇ)) — Le sens du mot κεραυνός comprend celui des deux autres qui y sont joints ici par Apollonios : κεραυνός est en effet le coup de foudre, c'est-à-dire l'éclair qui est suivi aussitôt du tonnerre. On sait que des trois Cyclopes deux, Brontès et Stéropél (Hésiode, Théog., v. 140), ont des noms qui rappellent les phénomènes de l'éclair et du tonnerre. Le troisième, Argès, est, dit M. Decharme (Mythol., p. 6), « l'éclat blanchâtre des feux électriques »,.

V. 516-517. — Je traduis suivant le texte de Merkel, qui adopte, d'après Ruhnken Διί, au lieu de la leçon des mss., δή et qui remplace la leçon ἐστιτέως (ἐστὶ, τέως vulgo; ἐστὶ, θεοῖς Gerhard) par la conjecture εὐαγέως.

V. 517. Suivant l'usage religieux.— « C'était l'usage parmi les anciens de faire le mélange dans les cratères, quand on allait dormir, de consacrer les langues des victimes à Hermès et de répandre le vin. Et c'est naturel : comme Hermès est par tradition le dieu de la parole, dont l'organe est la langue qui s'arrête quand vient le sommeil, il est tout simple de la sacrifier à Hermès. Homère dit aussi : Ils jetaient les langues dans le feu [Odyssée, III, v. 341]. » (Scol.) Une autre scolie donne une autre origine à cet usage : « Dieuchidas, dans ses Mégariques, raconte qu'Alcathoüs, fils de Pélops, exilé à cause du meurtre de Chrysippos, s'en allait loin de Mégare pour s'établir dans une autre ville. Il rencontre un lion qui dévastait le pays de Mégare et contre lequel le roi avait envoyé bien des gens; il en est vainqueur, lui coupe la langue, la met dans son sac et rentre à Mégare. Et comme ceux qu'on avait envoyés contre la bête prétendaient en être les vainqueurs, il apporta son sac et les convainquit de mensonge. Le roi fit à cause de la mort du lion un sacrifice aux dieux, et plaça en dernier lieu cette langue sur l'autel. Telle est l'origine de cette coutume qui a subsisté chez les Mégariens. Philochoros, dans son livre sur les Sacrifices, dit que la langue est la plus belle partie du corps, celle qui tient le premier rang; et Homère : Allons, coupez les langues, au sens de : Cessez de parler. » (Scol.) L'interprétation du vers d'Homère (Od., III, v. 332, même passage que le vers précédemment cité) est un contresens. Homère dit : « Allons, coupez les langues, faites le mélange du vin, » dans le sens même de ce passage d'Apollonios. — Cet Alcathous, fils de Pélops, est simplement mentionné par Apollodore comme père de Périboia (III, 11, 2) et d'Automédousa (II, 4,11). Ovide (Met., VIII, v. 8) appelle Mégare urbs Alcathoi .

V. 523. D'ajuster les rames. — On comprend qu'il est nécessaire de remettre en place pour pouvoir s'en servir les rames qui ont été retournées au moment du lancement (v. 378-379). D'ailleurs, l'expression ἀρτύνεσθαι ἐρετμά est expliquée par un passage de l'Odyssée (IV, v. 782) où l'on voit des navigateurs, au moment du départ, après avoir tiré le navire en mer, ajuster les rames τροποῖς ἐν δερματίνοισιν, c'est-à-dire en emboîter la poignée dans les anneaux de cuir nommés aujourd'hui les estropes d'aviron. Quant au mot ἐρετμός, employé par Apollonios comme par Homère, M. Cartault (ouvr. cité, p. 154) fait remarquer, en s'appuyant sur Hésychius et sur le Scoliaste d'Apollonios (scolie au v. 1255 du chant II), que c'est une expression poétique pour κώπη, qui signifie proprement poignée, puis poignée de la rame et, enfin, par extension, la rame elle-même.

V. 526. Une poutre divine. — Le Scoliaste rappelle que les chênes de la forêt de Dodone parlaient, et il cite le vers de l'Odyssée (XIV, v. 327) : « Il disait être allé à Dodone, lui-même, pour entendre d'un chêne au feuillage touffu les desseins du dieu Zeus. »

V. 528. Vers les bancs (σέλματα). — Les σέλματα, dit le Scoliaste, sont à la fois les sièges des rameurs et les espaces qui séparent deux rangs de bancs (σελιδώματα). « En général, ajoute-t-il, on donne à toute vaste pièce de bois le nom de selma ou de sélid῀οma, d'où nous disons μ῀εμε les sélides [les pages] des rhapsodies à cause de leurs dimensions étendues. » Le mot σέλμα signifie donc le vaste espace à l'intérieur du navire où sont disposés les bancs de rameurs, et par suite ces bancs eux-mêmes. Les commentateurs assimilent en général les σέλματα aux transtra et traduisent les deux mots par bancs de rameurs. (Voir Scheffer, op. cit., p. 136; Rich, Dictionn. antiq. rom. et grecq., au mot transtrum, etc.) M. Vars (ouvrage cité, p. 61) traduit σέλμα par la coque du navire, terme qui me semble avoir trop d'extension, puisque le mot coque signifie « l'enveloppe des bordages, le corps » (Dictionn. de Littré). Il est ici question seulement de l'endroit où se trouvent les bancs des rameurs.

V. 533. La quille fut inondée par en bas. — Le mot τρόπις (en latin carina, cf. Scheffer, op. cit. p. 45) signifie quille. Il s'agit ici de la seconde quille ἡ δευτέρα τρόπις (cf. Scheffer, p. 47), qui consistait en « poutres munies d'entailles, aujourd'hui carlingue. Ces entailles n'étaient pas assez profondes pour s'appuyer sur la quille. On obtenait ainsi des ouvertures pour le passage de l'eau de l'un à l'autre bord : disposition indispensable pour dégorger un vaisseau trop incliné. » (Vars, ouvr. cit., p. 42.) C'est par ces ouvertures que s'introduit l'eau qui inonde par en bas la quille, le fond du vaisseau. Cette explication confirmerait, s'il en était besoin, la leçon de Merkel ὑπεκλύσθη contre celle de Lehrs, ὑπεκλάσθη, inclinabatur. Le Scoliaste dit d'ailleurs : « Quand il s'assit, la quille s'inonda d'en bas à ses pieds, et s'enfonça dans la mer par le poids du héros. »

V. 537. L'Isménos. — « L'Isménos est un fleuve de Béotie; de là le nom du temple d'Apollon Isménien. » (Scol) — Cf. Strabon, 351, 19.

V. 540. Au son de la cithare d'Orphée. — M. Cartault (ouv. cité, p. 162) fait remarquer qu'Orphée remplit sur le navire Argo la fonction du τριηαύλης, joueur de flûte chargé de faire entendre pendant toute la durée de la nage un air qui excitait les rameurs et leur faisait oublier leur fatigue.

V. 551. Tritonide. — Voir, sur le sens du surnom Tritonide ou Tritogénéia, Decharme, Myth., pp. 75-76. Merkel admet dans son edit. minor la leçon Itonide (Ἰτωνίδος) qui se trouve dans la plupart des ms. et qui a été adoptée par la généralité des éditions. Wellauer dit à propos de la leçon Τριτωνίδος, qu'il n'adopte pas : « Quod valde dubitavi an recipiendum sit, quia reliquis omnibus locis Apollonius eam Tritodinem vocat, cujus omnino magnae sunt in fabulis ad Minyas pertinentibus partes, cf. C. O. Müller., Orchom., pp. 213, 355. Sed Ἰτωνίδος non potuit a librariis proficisci, Τριτωνίδος facile reponere potuerunt, quum id reliquis locis reperissent. Praeterea vulgatam eamdemque librorum plurimorum lectionem tuetur etiam Etymol. M., l. l., et qui ejus vertu exscripserunt, Tzetz. ad Lycophr. 355, Eudoc., p. 322 et Phavorin.. » Le Scoliaste ne connait que la leçon Ἰτωνίδος : le temple d'Athéna ltonienne, dit-il, est à Coronée en Béotie. Mais il ajoute qu'Athéné est nommée ici à cause d'un autre temple qu'elle avait à Itône, en Thessalie. Strabon cite le temple d'itône en Thessalie (376, 26) et celui de Coronée en Béotie (353, 27). A propos de la ville d'Itône, dans la Thessalie Phthiotide, il dit que c'est de ce temple d'Athéné Itonienne que vient le nom du temple de la déesse en Béotie (374, 1 1). Cf. Catulle, LXIV, v. 228 :

Quod tibi si sancti concesserit incola Itoni.

Itône en Thessalie n'étant pas bien loin de Pagases, il serait naturel de supposer qu'en parlant de l'œuvre de la déesse qui a construit Argo, Apollonios lui donne plutôt le nom de déesse d'itône que celui de déesse Tritonide. V. 554. Chiron. — « Suidas, dans ses Thessaliques, dit que Chiron était fils d'ixion. L'auteur de la Gigantamachie dit que Cronos, métamorphosé en cheval, s'unit à l'Océanide Philyra, et c'est pourquoi Chiron, qui naquit d'eux, fut un hippocentaure. La femme de ce dernier était Chariclo. » (Scol.) Apollodore (I, 2,4) le dit fils de Cronos et de Philyra. Chiron, le plus doux et le plus juste des Centaures, est le maître en médecine de tous les héros Thessaliens, de Jason entre autres, comme l'indique le Scoliaste, qui prétend que le nom de Jason vient de ses études médicales (Ἰάσων παρὰ τὴν ἴασιν). Quant à Chariclo, femme du Centaure, Apollodore n'en parle pas: il cite (III, 6, 7) une nymphe Chariclo, mère de Tirésias; mais Ovide (Met., II, v. 636) dit que Chariclo eut du Centaure une fille, Ocyrhoé. On donne aussi comme fils à Chiron et Chariclo le héros Carystos qui fonda et nomma de son nom la ville de Caryste en Eubée (Strabon, 383, 20). V. 558. Achille. — «Apollonios a suivi les poètes posthomériques en disant qu'Achille fut élevé par Chiron. » (Scol.) Homère (Il., XI, v. 830) se borne à dire que la médecine a été enseignée à Achille par Chiron, le plus juste des Centaures. La fable de l'éducation d'Achille par le Centaure n'est pas connue des poèmes homériques. (Cf. Decharme, Myth., p. 597.)

V. 562. Le gouvernail (πηδὰλια). — Le gouvernail primitif est un fort aviron à large pelle (πήδον, qui donna son nom au gouvernail tout entier), fixé extérieurement à l'arrière du navire. « Les anciens ne connaissaient pas notre gouvernail à poste fixe, attaché à l'étambot par des pivots tournant dans des manchons... On gouvernait dans l'antiquité au moyen de rames qui différaient des autres avirons par leur longueur et leur largeur.» (Vars, ouvr. cit., p. 120.) Le pluriel, πηδάλια s'explique naturellement puisque le navire antique avait deux gouvernails (voir la note au v. 401).

V. 563. La poutre transversale. — « C'est ἱστοθήκη [place du mât], où l'on place le mât et où on le couche.  » (Scol.) — « Pour dresser ou abaisser le mât, on pratiquait une ouverture qui traversait les baux et le pont situés à l'arrière du navire. Des madriers (aujourd'hui épontilles) devaient soutenir par dessous les baux ainsi tranchés. Cette sorte de fosse ou de cage pour le mit se nommait ἡ μεσόδμη, ou ἱστοθήκη, et parfois aussi ἡ ἱστοδόκηl. » [Vars, ouvr. cité, p. 63. Le même auteur traduit ailleurs par emplanture (p. 76) le mot  ἱστοδόκη.]

V. 564. Des cordes tendues. — « Les câbles que l'on tend du haut du mât jusqu'à la proue et jusqu'à la poupe.» (Scol.) Cf. Odyss., II, v. 424-427. Ces cordes (πρότονοι) équivalent, d'après M. Vars,aux haubans modernes. Le même auteur accuse d'erreur Boeckh, Pierron, etc., qui disent que les πρότονοι vont du mât à la proue et à la poupe (ouvr. cité, p. 71). Hésychius avait affirmé la même chose : mais M. Vars suppose son texte interpole, et s'appuie, ce qui semble assez piquant, sur « le Scoliaste d'Apollonius de Rhodes remarquable entre tous par la sûreté de son savoir ». Le Scoliaste dit en effet (scolie au vers 567) que les πρότονοι sont les câbles qui vont du mât à la proue. La scolie au vers 564 disait que ce sont les câbles qui vont à la proue et à la poupe. Si ce Scoliaste est remarquable par la sûreté de son savoir, il l'est encore plus par le nombre de ses contradictions; ce n'est pas à lui qu'il faut demander la preuve que les πρότονοι vont du mât à la proue, et les ἐπίτονοι, du mât à la poupe. Hésychius, Boeckh, Pierron, etc., peuvent aussi bien fonder leur opinion sur la scolie au vers 664 que M. Vars appuie la sienne sur la scolie au vers 567. M. Cartault, qui pense que les πρότονοι vont de chaque côté du mât à l'avant du navire, admet que le Scoliaste corrige au vers 667 son erreur du vers 564 : « Le Scoliaste d'Apollonius de Rhodes (I, v. 1204) explique qu'ils [les πρότονοι]- tiennent le mât par en haut, comme les coins introduits dans la carlingue le fixent par en bas. Ailleurs Apollonius de Rhodes (I, v. 564) dit qu'après avoir dressé le grand mât on l'assujettit au moyen d'étais qu'on tend à bâbord et à tribord (ἑκάτερθεν). Il faut noter que le Scoliaste entend le mot autrement et prétend qu'il s'agit de l'avant et de l'arrière; il serait donc ici question à la fois des étais et des galhaubans : mais il se corrige lui-même, deux vers plus loin, quand il ajoute que les πρότονοι sont les cordages qui vont de chaque coté du mât à l'avant du navire.» (Ouvr. cité, p. 209-210.)

V. 565. La partie supérieure. — « L'endroit le plus haut et le plus mince du mât; au-dessus se trouve le  καρχήσιον. Le poète indique que la voile est tirée jusqu'en haut du mât. » (Scol.) « Le sommet du mât ((ἡ ἠλακάτη) avait la forme d'une quenouille comme son nom l'indique [ἠλακάτη) signifie, en effet, quenouille}. L'ἠλακάτη était assez mince pour permettre au carchésium (τὰ παρχήσιον) de l'envelopper comme un manchon. Le carchésium était une sorte de gobelet fait de pièces d'assemblage et portant les poulies destinées au passage de la drisse (cordage qui sert à hisser la vergue). » (Vars, ouvr. cité, p. 64.)

V. 566. Autour des vergues (ἐπ' ἰκριόφιν). — Le mot ἴκριον que je rends par vergue est traduit dans les Dictionnaires d'Alexandre et de Chassang par tillac, pont de vaisseau, et, dans les diverses traductions latines, par tabulata, mot qui signifie tillac. Je suis l'explication du Scoliaste : « L'iἴκριον est une partie du mât. Ératosthène dit dans son Archilectonique : « Dans le mât, il y a le pied, la hune, le parapet de la hune (θωράκιον), la flèche, les vergues et I'ἴκριον. » Et le Scoliaste ajoute que ce mot désigne l'extrémité des vergues. Voici, d'ailleurs, une confirmation de ce sens dans les Scholia grœca ex codice biblioth. impérial. Paris., nunc primum evulgata (édit. Brunck-Schaëfer, Leipzig, i8i3): « L'ἴκριον est, au dire de certains, une partie du mât; il vaut mieux penser que c'est ce que d'ordinaire on appelle vergue. On entend aussi par ἰκρία le plancher du navire [c'est-à-dire, le tillac. ici. » M. Vars, qui traduit ἰκρία par gaillards d'avant et d'arrière (p. 50), se fonde sur la scolie que je viens de citer, pour dire: « L'extrémité du mât (tête) se nommait parfois τὸ ἴρκιον. » (Ouvr. cité, p. 66.)
La scolie au vers 566 n'indique rien de semblable. Scheffcr, qui a bien
lu la scolie, avoue ne pas comprendre clairement le sens du mot : « Sed
quid scholiasti Apollonii faciamus qui quartam adhuc mali partem
ex Eratosthene nominal?... An et in malo ἴκρια habuere? hoc est alia
quaedam ligna, supra carchesium erecta, velut parvas arbores, uthodie
in navibus quandoquc fieri videmus? A~ri potius quaedam cornua in ea
parte dénotant, qualia et in nostris sunt ? » (Op. cit., p. i i ;.> M.(..,i> uuli, après avoir fait remarquer (ouvr. cité, p. 47) que les ἴκρια πρώρας et les ἴκρια  πρύμνης,; correspondent à nos gaillards d'avant et gaillards d'arrière, montre avec raison que le passage d'Eratosthène cite par le Scoliaste ne nous enseigne rien sur la façon dont se succédaient les diverses parties du mât énumérées dans un ordre absolument arbitraire (p. 173). « Quant au mot ἴκριον, il désigne le mât à l'époque primitive. » (P. 175.) Ce sens du mot ἴκριον est attesté par divers passages d'Eustathe, mais je crois que le pluriel employé ici par Apollonios désigne les vergues. — II me semble d'ailleurs qu'une correction bien simple ferait disparaître toute difficulté. Il s'agit évidemment ici des vergues, ou plutôt de la vergue qui était composée de plusieurs pièces. Au lieu de ἐπ' ἴκριόφιν, que l'on écrive, en un seul mot, ἐπικριόφιν. On sait qu'Homère nomme la vergue τὸ ἐπίκριον. — Par des anneaux faits en bois bien poli. — M.Vars (ouvr. cité, p. 1 12) voit dans le mot περόναι, que je traduis par anneaux, un équivalent des cabillots modernes, chevilles arrondies, émoussées, débordant des deux côtés, qui reposent sur le râtelier, sorte de planchette disposée le long de la muraille du vaisseau. Le Scoliaste dit en effet : « Les περόναι sont des πάσσαλοι (chevilles en bois) disposés sur les σανιδώματα (ouvrages en planches, bordages); c'est aux περόναι que l'on attache les câbles de la voile. » Mais M. Cartault dit justement à propos des cordages (κάλωες), dont il est ici question que ces cordages sont les cargues. « Les cargues étaient comprises sous le nom générique de κάλοι ou κρίνοι. Ce sont, nous dit le Scol. d'Apollonius de Rhodes (I, 566), les cordages qui servent à carguer la voile, et ils passent à travers les cosses. » (Ouvr. cité, p. 195.) M. Cartault traduit par cosses le mot κρίνοι; il dit ailleurs (p. 213): « Quant aux κρίνοι par lesquels passaient les cordages... il est difficile de ne pas y voir les cosses. Eustathe nous apprend qu'on les faisait en fer, mais qu'on se servait aussi pour les fabriquer d'autres matières analogues. » La cosse est aujourd'hui un « anneau de fer cannelé dans sa circonférence extérieure, et qui présente ainsi un canal circulaire propre à recevoir et à maintenir un cordage » (Dictionnaire de marine, de Bonnefoux et Pâris). Les περόναι sont ici synonymes des κρίνοι qu'Apollonios suppose avoir été en bois au temps des Argonautes. Dans toute la manœuvre que le poète décrit, les Argonautes parent les cibles et les vergues pour que tout, dans le navire, soit en situation de pouvoir être utilisé suivant que le vent continuera à être fort ou qu'il s'apaisera.

V. 568. Le cap Titée. — « Ce cap est en Thessalie ou en Magnésie, suivant certains, en Thesprotie. » (Scol.) La Thesprotie est une contrée de l'Épire. Strabon ne mentionne pas le cap Tisée, mais Valérius Flaccus (II, v. 7) le cite :

Templaque Tisaeae mergunt obliqua Dianae.

V. 572. La terre d'Iolcos. — lolcos est une ville de Thessalie, à vingt stades de Pagases, patrie de Jason ; toute la côte voisine se nomme côte d'Iolcos (Straboo, 356, 4; 375, 5).

V. 573. Les petits au milieu des monstres énormes. — Dübner fait remarquer que, grâce au pouvoir des chants d'Orphée, tous ces animaux se réunissent en bonne intelligence, uniquement occupés d'entendre l'aède : Majores cum minoribus mixti (nec iis insidiantes).

V. 580. Dans la brume. — Le mot ἡέριος signifie aérien, enveloppé de brouillards, obscur, matinal. Le Scoliaste dit que cette épithète vient de ce que la terre de la Thessalie est noire et qu'elle s'applique pour le même motif au sol d'Égypte. Ou bien ce mot veut dire matinal, venant de ἦρι qui signifie le matin. — Il me semble que l'on traduirait mieux : « Bientôt a disparu dans les brouillards... » C'est d'ailleurs l'opinion de Dübner qui, après avoir combattu les sens proposés par le Scoliaste, ajoute : Sed multo melius esse puto, sic explicare : nubilus, ob discessum ab hac terra. » — A propos des Pélasges, le Scoliaste dit : « Il s'agit des Thessaliens, dont le nom vient soit de Pélasgos, fîls d'Inachos, soit des Pélasges, peuple barbare qui habita la Thessalie et le pays d'Argos, soit de Pélasgos, fils de Poséidon et de Larissa. Staphylos de Naucratis dit que Pélasgos, de race argienne, émigra dans la Thessalie qui, à cause de lui, fut nommée Pélasgie. » Les Pélasges, regardés comme les plus anciens habitants de la Grèce, habitaient principalement l'Épire et la Thessalie; expulsés, ils durent se retirer soit en Asie-Mineure, soit en Étrurie. Apollonios fait ici montre d'érudition archéologique, en donnant à la Thessalie le nom de ses plus anciens habitants.

V. 581. Les rocs détachés du Pélion (ἐρίπνας;). — Le Scoliaste dit que l'on donne ce nom aux caps parce que le vent y souffle beaucoup (παρὰ τὸ ἄγαν πνέεσθαι). Mais ἐρίπνη semble venir du verbe ἐρείπω qui, à l'aoriste second, a le sens de s'abattre. — Ces rocs du Pélion rendaient difficile la navigation le long de la côte (Strabon, 380, 47).

V. 682. Sépias. — C'est la pointe la plus orientale de toute la Magnésie (Strabon, 279, 33). Le Scoliaste dit que le nom de ce cap lui vient de ce que c'est là que Thétis, poursuivie par Pelée, se changea en sèche (σηπία).

V. 583. Sciathos. — C'est une île de la mer Égée en face du cap Sépias (Strabon, 375, 17).

V. 584. Peirésies. — Cf. v. 37. — Magnésa. Ville de Magnésie qui porte le même nom que la contrée et que le Scoliaste distingue de son homonyme d'Asie.

V. 585. Le tombeau de DoIops. — Dolops était fils d'Hermès. Valérius Flaccus (II, v. 10) traduit : Vidisse putant Dolopeia busta, que le Thésaurus de Quicherat et le Dictionnaire de Kreund et Theil traduisent mal en expliquant Dolopeia, « qui a rapport aux Dolopes », peuple de Thessalie, qui n'a que faire ici. Le vers 587 d'Apollonios montre bien que les héros rendent un culte à Dolops qui, dit le Scoliaste, mourut à Magncsa; Cléon, d'après le Scol., parle, au premier livre de ses Argonautiques, du tombeau qui fut élevé sur la grève à ce héros.

V. 591. Le lieu de départ du navire Argo. — Je traduis textuellement le nom grec Ἀφέται Ἀργοῦς. Strabon (374, 38) indique l'origine de ce nom de lieu : Ἀφέται, ὡς ἂν ἀφετήριόν τι τῶν Ἀργοναυτῶν, passage qui est ainsi rendu dans la traduction Tardieu (Paris, 1873, tome II» p. 289) : « .... un lieu appelé Aphètes, comme qui dirait l'Aphétérion ou embarcadère des Argonautes. »

V. 592. Méliboia.— Ville maritime de Thessalie, au pied de l'Ossa, lieu de naissance de Philoctète (Strabon, 375, 15).

V. 593. Dont ils évitèrent. — Je traduis suivant la correction de Meinecke (Vindic. Strabon., p. 183) ἐκπερόωτες ( = traverser, passer au loin) adoptée par Merkel dans son edit. maior. Les mss. terminent les vers 593 et 694 par le même mot εἰσορόωντες, ce qui semble une répétition inadmissible. On a essayé plusieurs conjectures. Voici, à ce propos, les remarques judicieuses de Wellauer : « Quod versus hic et sequens in idem vocabulum εἰσορόωντες exeunt, id omnino ferri nequit, quamquam enim II, 574 s., uterque versus in αὖθις; [corrigé par Merkel, d'après Kœchly], et II, 1108 s., in αὕτως [corrigé aussi par Merkel] exit, ea et breviora sunt vocabula et minoris momenti, hanc autem ejusmodi repetitionem tolerasse Apollonium nemo putaverit. Quare Brunck. ad Theocr. XX, 26, prius εἰσορόωντες in ἐκνεύσαντες; mutandum judicavit, quo in simile re utitur Orph., Arg. 460, idque deinde in textum recepit, et eamdem emendationem iterum laudibus extulit. Ad Aristoph.  Eccles. 614. Sed ea est admodum temeraria mutatio neque probabilior Jacobsii conjectura apud Weichert., de versibus Virgilii et Valerii injuria suspectis, p. 88 δυνήμενον, ὀρρωδοῦντες. Praeterea totus versus ita est comparatus, ut sine ullo sensus detrimento abesse posuit; denique ἀκτήν et αἰγαλὸν, vocabula idem significantia, quis conjuncta ferat? Itaque rectius vidisse videntur Matthiae Obas. p. 26, et Beckius qui versum spurium judicant. Omnino dubitari non potest, quin ex priore recensione irrepserit in qua sequens versus ita. Comparatus erat ut non in εἰσορόωντες desineret, quae est et Gerhardi p. 29 s. sententia. Fortasse tum ἄκρην τ' αἰγιαλὸν τε lectum est. His causis commotus versum uncis inclusi. Lehrs met, comme Wellauer, le vers 593 entre crochets. La plupart des éditions modernes adoptent la conjecture de Branck; ἐκνεύσαντες (s'étant détournés), qui a à peu près le même sens que le mot ἐκπερόωντες, mais qui s'éloigne bien davantage de la lettre des mss. La conjecture de Meineke me semble très admissible si on l'adopte, le vers 593, loin de faire double emploi avec le vers 592, le renforce et en explique le sens.

V. 594. Homolé. — « C'est une montagne de Thessalie ou une ville de Thrace.» (Scol.) C'est, d'après Strabon (380, 28), une ville de Magnésie près du mont Ossa. Virgile (Aen., VII, v. 675, Descendunt centauri Homolen Othrymque nivalem) fait de l'Homolé une montagne, voisine de l'Othrys, qui est en Thessalie (Strabon, 374, 4). On voit donc, quoi qu'il en soit, que les Argonautes suivent la côte de Magnésie.

V. 596. L'embouchure du fleuve Amyros. — « C'est un fleuve de Thessalie, voisin de Méliboia, ainsi nommé d'Amyros, fils de Poséidon ; il y a aussi une ville de ce nom. » (Scol.) Apollonios cite encore l'Amyros (IV, v. 617). Strabon (380, 11) ne dit rien du fleuve et cite une ville de Thessalie, Amyros, près du lac Boebeis. Cf. Valérius Flaccus (II, v. 11):

Intrantemque Amyron curvas quaesita per oras.
Aequora.

V. 597. Eurymènes. — Il n'est question de cette ville ni dans le Scoliaste, ni dans Strabon, ni dans Pausanias. Hécatée (fragm. III, Fragm. Histor. Graec., Didot, vol. I) la cite comme une ville de Thessalie. Il en est fait mention dans Tite-Live (XXXIX, 25) et dans Valérius Flaccus (II, v. 13).

V. 699. Pallênées. — « Palléné est le nom d'une montagne de Thrace et d'une ville d'où était Protée. Canastrée est le promontoire de Palléné. » (Scol.) Strabon (278, 35 et suiv.) dit que Palléné est une presqu'île située en face de celle de Magnésie et terminée par le cap Canastrée. Cette presqu'île serait l'ancienne Phlégra, autrefois célèbre par le séjour des géants. Cf. Pausanias (I, 25 ; VIII, 29). — Les Argonautes, après avoir suivi la côte de Magnésie du cap Sépias au mont Ossa, traversent le golfe Therméen, longent la cote méridionale de la presqu'île de Palléné jusqu'au cap Canastrée; de là, ils passent en vue du mont Athos pour aborder dans l'île de Lemnos qui en est voisine.

V. 601. Le mont Athos. — « L'Athos est la plus haute montagne de Thrace. Le poète veut dire qu'en même temps que le jour, leur apparut l'Athos, qui est de Lemnos à une distance égale à celle qu'un navire voguant depuis l'aurore jusqu'à midi pourrait parcourir; et cependant il couvre d'ombre Lemnos si éloignée de lui, car son sommet intercepte le soleil et il couvre l'île d'ombre jusqu'à Myriné. » (Scol.) Les anciens se faisaient une idée extraordinaire de la hauteur de l'Athos. Strabon (279, 43 et suiv.) dit que les habitants du sommet voient le soleil se lever trois heures plus tôt que ceux de la côte. Pline rapporte la même tradition qu'Apollonios : «... Myrinam, in cuius forum solstitio Athos eiaculatur umbram. » (N. H., IV, 73.)

V. 602. Myriné. — « Myriné est une ville située à l'extrémité de Lemnos qui en possède deux, Héphaistia et Myriné, cette dernière ainsi nommée de Myriné, femme de Thoas et fille de Crétheus. » (Scol.) Strabon ne parle pas de ces deux villes. On a vu (note précédente) que Pline cite Myriné, qui est aussi mentionnée par Ptolémée, Stéphane de Byzance, etc. Les mêmes auteurs citent aussi Héphaistia. Il est déjà question de ces villes dans Hécatée (fragm. 102, 103, 104, Fragm. Histor. Graec., Didot, vol. I), qui dit que Lemnos possède deux villes, Héphaistia et Myriné, et dans Denys de Chalcis (fragm. 2, Fragm. Histor. Graec., Didot, vol. IV), qui rapporte aussi, au IIIe livre de ses Fondations des villes, que Lemnos avait deux villes nommées Héphaistia et Myriné. Le nom d'Héphaistia est dû, sans doute, au dieu Héphaistos, protecteur de Lemnos. Quant à Myriné, on n'a pas de renseignements sur son compte, et il est peu probable que son père Crétheus soit le même que Crétheus, père de Pélias.

V. 603. Un vaisseau de transport bien équipé. — Si Apollonios prend dans son sens propre, ce qui est probable, le mot ὁλκός, il fait allusion à un genre de bâtiments dont la marche était peu rapide. Les ὁλκάδες, comme leur nom l'indique (ἕλκω, tirer, remorquer) étaient primitivement remorquées par d'autres navires. Cf. Scheffer (op. cit., p. 237) : « Dicebantur autem ὁλκάδες a trahendo, quia funibus nonnunquam consueverunt religari ad naves militares. » Quand ces navires n'étaient pas remorqués, lourdement construits, pesamment chargés, et disposés pour n'aller qu'à la voile, ils devaient avoir une allure fort lente. D'après Pline (N. H., IV, 73), la distance entre le mont Athos et Lemnos est de 87,000 pas; le pas romain vaut 5 pieds, d'après Pline lui-même (N. H., II, 85 : Stadium centum viginti quinque nostros efficit passus, hoc est pedes sexcentos viginti quinque). Le pied romain = 0,296m.; le pas = 0,296 X 5 = 1,48m; 87,000 pas = 1,48m x 87,000 = 128,760 mètres. Il paraît invraisemblable qu'un navire de charge puisse parcourir plus de 128 kilomètres entre le matin et midi. Mais les mesures de Pline sont évidemment fort inexactes : il n'y a que 70 kilomètres entre le mont Athos et Lemnos. M. Cartault (ouvr, cité, p. 251) dit à propos de ce vers d'Apollonios : « La vitesse qu'ils [les anciens] obtenaient pour leurs navires à voiles n'était pas de beaucoup inférieure à celle que réalise notre marine, ce qui prouve une fois de plus que les anciens avaient poussé fort loin la pratique de l'art naval. Apollonius de Rhodes, en parlant de l'Athos, dit qu'il est éloigné de Lemnos de la distance qu'une holcade bonne marcheuse parcourrait du matin au milieu du jour. Malheureusement, le poète ne nous indique pas l'heure du départ. Si nous plaçons le matin à six heures, comme il y a de l'Athos à Lemnos environ 70 kilomètres en ligne droite, nous obtiendrons une vitesse d'un peu plus de 11 kilomètres et demi ou d'environ 6 nœuds et demi par heure. » Cette vitesse semble exagérée pour un navire de charge : le bâtiment qui portait saint Paul de Sidon à Césarée ne faisait que 3 nœuds à l'heure (Vars, ouvr. cité, p. 181). Je crois qu'il faut fixer le départ de cette holcade à l'aurore d'un jour d'été, soit vers quatre heures du matin; la distance de 70 kilomètres parcourue en 8 heures donne 8,750 mètres à l'heure, c'est-à-dire plus de 4 nœuds et demi, ce qui me semble encore beaucoup pour une holcade, quelque bien équipée qu'elle soit.

V. 608. Et c'est en ramant... — « Ils [les Athéniens] naviguaient donc à la voile et ne considéraient les rames que comme un secours auxiliaire qu'on employait lorsque le vent faiblissait ou devenait contraire. On s'en servait également pour gagner ou pour quitter le mouillage ou pour franchir un passage difficile dans des cas spéciaux et pour un trajet de peu de durée. C'est ainsi que nous sont représentés les marins du navire Argo; ils utilisent les voiles tant que le vent leur est propice, puis ils mettent à la rame et se dirigent vers la terre. » (Cartault, ouvr. cité, p. 123.)

Lemnos, séjour des Sintiens. — Strabon (282, 17; 471, 3) dit que les premiers habitants de Lemnos furent des Sintiens, peuple de Thrace; ils recueillirent Héphaistos précipité du ciel (Iliad.l I, v. 593-594). Le Scoliaste donne sur Lemnos, séjour des Sintiens, les renseignements suivants : « Sintéis est une épithète de Lemnos, car elle eut pour premiers habitants les Tyrrhéniens, les plus méchants des hommes (σιντηίς signifie de brigand]); Homère dit: Il alla à Lemnos vers les Sintiens au parler sauvage (Odyss., VIII, v. 294.) Hellanicos dit que les Lemniens furent nommés Sintiens parce que, les premiers, ils firent des armes de guerre pour piller [σίνεσθαι] leurs voisins et leur faire du mal. ) — Strabon dit qu'il est resté à Lemnos beaucoup de traces du passage des Argonautes (38, 25), il parle d'un certain Eunéos, fils de Jason, qui régna à Lemnos (37, 42). II est question dans l'Iliade (VII, v. 468 et suiv.; XXIII, v. 747) de cet Eunéos, fils de Jason et d'Hypsipylé : c'est à la naissance future de ce fils qu'Apollonios fera allusion (v. 905 et suiv.).

V. 609. Dans cette île... — Le Scoliaste paraphrase le récit d'Apollonios. Mais il explique comment Aphrodite se vengea des Lemniennes : elle les affligea d'une puanteur insupportable; ce détail nécessaire, qui est une circonstance atténuante pour les maris, est négligé par la réserve du poète alexandrin. Mais Apollodore (I, 9, 17) ne manque pas d'y faire allusion. Le Scoliaste cite une autre tradition, due à l'historien Myrsilos : « Alors que d'autres disent que les Lemniennes étaient devenues puantes par une vengeance d'Aphrodite, Myrsilos, dans le livre I de ses Lesbiques, raconte les faits d'une manière différente. Médée, dit-il, alors qu'elle côtoyait Lemnos, jeta, par jalousie, dans l'île, une substance magique qui affligea les femmes d'une mauvaise odeur. Aussi, maintenant encore, il y a, chaque année, un jour où, à cause de leur puanteur, les femmes écartent leurs maris et leurs fils. » D'après Myrsilos, comme d'après Pindare (IVe Pythique), c'est au retour de la Colchide que les Argonautes s'arrêtent à Lemnos.

V. 620. Seule entre toutes. — « C'est d'abord parce qu'il était son père qu'Hypsipylé sauva Thoas, comme elle le devait; ensuite, à cause de son âge et parce qu'il n'était ni le conseiller ni le complice du libertinage des Lemniens. » (Scol.)

V. 623. Oinoié. — « Cette histoire est prise de Théolytos. Sicinos est une île, au Sud de l'Eubée, qui s'appelait autrefois Oinoié, parce qu'elle était plantée de vignes [οἶνοσ, vin]. Xénagoras fait mention de ce changement de nom, en disant qu'il eut lieu à cause de Sicinos, fils de Thoas et de la nymphe Oinoié. Que Thoas fut sauvé des eaux en cet endroit, Cléon de Curium le raconte, ainsi qu'Asclépiade de Myrléa, qui montre qu'Apollonios a tout emprunté à Cléon. » (Scol.) Sicinos est une petite île, située dans la partie de la mer Égée qu'on appelle d'ordinaire mer de Crète (Strabon, 416, 15). Pline l'Ancien (N. H., IV, 70) constate ce changement du nom de l'île.

V. 636. Les Thyades. — C'est de là, dit le Scoliaste, que Sémélé est appelée Thyoné; l'étymologie de ce mot serait θύειν eu» (offrir un sacrifice, immoler) ou ἐνθεαζομένη, à cause des transports divins de la Thyade. Apollodore (III, 5, 2) rappelle que c'est sous ce nom de Thyoné que Dionysos amena sa mère au ciel, et M. Decharme (Mythol., p. 460) remarque la ressemblance de prononciation entre Θυώνη, la Ménade divine, Sémélé, et Διώνη, qui est quelquefois attribuée comme mère à Διόνυσιος, peut-être aussi par suite d'une similitude de mots. — Les Bacchantes d'Euripide montrent, entre autres exemples, comment les Thyades méritent cette épithète de « mangeuses de chair crue ».

V. 645. Aithalidès. — Voir la note qui le concerne au vers 84. — Le Scoliaste explique ce que veulent dire ces mots : l'oubli n'a pu pénétrer dans son âme. « C'est, dit-il, que les morts passent pour oublier ce qui leur est arrivé pendant leur vie. Quant à lui, quoique mort, il n'oublia pas, et, possesseur d'une nouvelle âme, par la métempsycose, comme parlent les philosophes, suivant la volonté d'Hermès, il savait toujours qui il était. Phérécyde dit qu'il avait reçu d'Hermès ce privilège que son âme fût tantôt dans la demeure d'Adès, tantôt sur la terre. Les Pythagoriciens disent que, doué d'une âme impérissable, il revécut en la personne d'Euphorbos, fils de Panthos, au temps de la guerre de Troie, puis en la personne de Pyrrhos de Crète, puis d'un homme d'Élide dont le nom n'est pas connu, et enfin de Pythagore lui-même. Pythagore disait que son âme, avant de lui appartenir, avait été celle d'Aitlhalidès, puis d'Euphorbos le Troyen, ensuite d'un fils d'Hermès et d'une courtisane de Samos, et enfin la sienne. » — Ces renseignements sont à peu près les seuls que nous ayons sur Aithalidès, dont il n'est parlé ni par Apollodore et les autres mythographes, ni par les poètes latins, excepté Valérius Flaccus, qui le cite parmi les Argonautes (I, v. 437.)— Diogène Laërce (VIII, 4) rappelle que Pythagore prétendait avoir été autrefois Aithalidès, fils d'Hermès. Le Pythagore d'Ovide se souvient seulement d'avoir été Euphorbes (Met., XV, v. 161):

Ipse ego nom memini, Troiani tempore belli,
Panthoides Euphorbus eram...

Aulu-Gelle (IV, xi, 14, edit. Hertz, Teubner) cite Aithalidès parmi les incarnations de Pythagore, mais dans un autre ordre que le Scoliaste : « Pythagoram vero ipsum (sicuti) celebre est, Euphorbum primo fuisse dictasse. Ita haec. Remotiora sunt his quae Clearchus et Dicaearchus memoriae tradiderunt, fuisse eum postea Pyr[rhum Py]ranthium, deinde Aethaliden, deinde feminam pulcra facie meretricem, cui nomen fuerat Alco. »

V. 652. Ils ne détachèrent pas les amarres (πείσματα). — « Lorsqu'ils [les marins grecs] ne retiraient pas à terre leur navire, ils l'amarraient au rivage au moyen de cibles qui portent, dans les inscriptions navales, le nom de σχοινία ἐπίγυα, et chez les lexicographes, ceux de σχοινία ἐπίγυα, ἀπόγυα, de γύαια, de πείσματα ou de πρυμνήσια. Pollux nous apprend que ce dernier terme était poétique; en tout cas, le mot nous indique que ces amarres partaient généralement de l'arrière. C'est en effet par l'arrière que devaient de préférence accoster les navires, qui, à cause de leur éperon, avaient à l'avant un tirant d'eau plus fort qu'à l'arrière, et qui ne pouvaient guère aborder par le travers à cause des avirons qui garnissaient leurs flancs. » (Cartault, ouvr. cité, p. 87.)

Le vent Borée. — « Le sens est : et cependant Borée soufflait, dont le souffle était utile à la navigation des Argonautes. » (Scol.) Shaw interprète contre le sens du Scoliaste : « Ob flatum Aquilonis. » De plus, il reproduit une note de Wesseling (Observat., p. 130), qui dit que Borée était contraire aux Argonautes : « Mihi perspectum est nihil veri his inesse. Non enim ventus Aquilo secundus est tendentibus in Pontum, sed adversum tenet. Debuisset enarrator in memoriam redigere Lemniorum responsum, quo irridentes Miltiadi olim dixisse perhibentur, tum se in Atheniensium potestatem venturos, cum ille domo navibus proficiscens Lemnum, vento Aquilone, venisset. Hoc ergo Apollonius indicat Minyas non solvisse illo mane ex insula Lemno quod Aquilo, qui ipsis in Pontum porrecturis adversus erat, flaret.» Cette anecdote que Cornélius Nepos raconte (Alcibiade, I) n'a rien à faire ici : Athènes étant au Sud de Lemnos, le Borée, dont le souffle vient du Nord, ne peut conduire d'Athènes à Lemnos. Quant aux Argonautes, qui, après avoir longé l'Athos, ont abordé au Nord de Lemnos, il semble que, pour arriver à l'Hellespont, ils auraient besoin d'un vent soufflant de l'Ouest, car la partie septentrionale de l'île de Lemnos se trouve, comme l'ouverture de l'Hellespont, au 40e degré de latitude. Mais les Argonautes auront besoin d'un vent du Midi pour arriver à l'Hellespont où ils ne se rendent pas directement. On verra en effet (v. 910 et suiv.) qu'au départ de Lemnos ils se rendent à Samothrace, et reviennent de là à l'Hellespont en côtoyant la Chersonèse. Voilà pourquoi, chose qui semble étrange au premier abord, ils ont besoin d'un vent du Midi pour aller de Lemnos à l'Hellespont.

V. 668. Polyxo. — Apollodore (II, i, 5) parle d'une Naïade de ce nom, femme de Danaos, et (III, 10, i) d'une autre Polyxo, femme de Nycteus et mère d'Antiopé. On en cite une autre, Rhodienne, femme de Tlépolémos, chez qui Hélène se serait réfugiée après la mort de Ménélas (cf. Decharme, Mythol., p. 663). Polyxo est aussi le nom d'une des Hyades (Hygin, Poet. Astr., II, 21). Mais nous n'avons dans le Scoliaste, ou dans les mythographes, aucun renseignement sur la nourrice d'Hypsipylé. Valérius Flaccus, qui parle d'elle, avoue cette ignorance à son sujet (II, v. 316) :

Vates Phoebo dilecta Polyxo
Non patriam non certa genus...

Hypsipylé, dans le discours que lui prête Stace, dit que c'est Polyxo qui a conseillé aux femmes de Lemnos de tuer leurs maris (Theb., V, v. 90, sqq.).

V. 672. Couverte comme d'un duvet de cheveux blancs. — Je traduis suivant le texte de Mcrkel, qui adopte la conjecture de Frank Passow, ἐπιχνοαούσῃ, déjà adoptée par Wellauer, au lieu de la leçon des mss. ἐπιχνοάουσαι, leçon d'après laquelle ce seraient les jeunes filles qui auraient les cheveux blancs. Lehrs traduit en ce sens : « Albis obtectae capillis. » Le Scoliaste remarque que les cheveux des jeunes filles étaient comme un duvet, mais il ne dit rien de leur couleur. Shaw pense que ce sont des cheveux qui paraissent blancs, tant ils sont blonds, et traduit : « Flavis pubescentes crinibus. » Shaw suit d'ailleurs l'opinion d'Hoelzlin, combattue par Brunck, qui fait remarquer qu'il n'y a aucun exemple de ce sens de blonds attribué à λεθκῇσιν, et qui veut corriger en ξαντῇσιν, se fondant sur ce que les servantes de Médée (Arg., Ch. IV, v. 1303) ont ξανθὰς ἐθείρας; Wellauer cite d'autres corrections du mot πλεκτῇσιν (Weston), λευρῇσιν (Gerhard); mais il adopte comme définitive la correction de Passow, qui porte sur le mot ἐπιχοάουσαι, qua omnis loci difficultas ita tollitur, ut eam in textum recipiendam esse judicaverim. La conjecture de Passow ajoute un trait à la description de cette vieille, sur qui le poète attire l'attention, sans s'inquiéter de ses suivantes. Dübner ne parle pas de cette correction; il trouve trop hardie celle de Brunck, mais il avoue ne pas bien comprendre le sens de la leçon qu'il conserve : « Habentes primam lanuginem; sed cur cani? Sine dubio de pubescentium puellarum crinibus in temporibus crescentibus. »

V. 689. Les Kères ont craint de me faire mourir. — Dübner croit que cette crainte des Kères leur est inspirée par l'horrible décrépitude de Polyxo : « Id est me horrentem ob formam, scilicet decrepitam ; cf. Plaut. Fastidium orci, id est quem orcus ipse fastidit. » Mais si les Kères craignent de faire mourir Polyxo à cause de sa décrépitude qui leur inspire du dégoût, comment la vieille femme peut-elle dire (v. 691) qu'elle mourra l'année suivante, alors que sa décrépitude, aggravée avec le temps, sera encore plus dégoûtante pour les déesses de la mort? Le Scoliaste dit bien : « Les Kères ont peur de venir vers moi maintenant; cependant, je mourrai, c'est-à-dire je mourrai de vieillesse. » Mais je crois qu'Apollonios veut dire que si les Kères ont, jusqu'à présent, évité de faire mourir Polyxo, soit à cause du respect qu'elle leur inspire, soit dans la crainte de dépeupler Lemnos, le temps viendra bientôt où, malgré ces considérations, la vieille femme devra disparaître.

V. 702. Iphinoé. — Cette Lemnienne n'est pas autrement connue que par ce passage. — Dans Valérius Flaccus, Iphinoé est également envoyée en ambassade auprès des Argonautes (II, v. 326, portatque preces ad litora Graiis Iphinoé). Le poète latin a montré auparavant la Renommée qui, sur l'ordre de Vénus, excite au meurtre de leurs maris plusieurs femmes de Lemnos, entre autres Iphinoé (II, v. 162).

V. 721. Tritonide. — Voir la note au vers 551. Le Scoliaste lit et explique Ἰτωνίδος, comme au vers 551.

V. 722. Un manteau double, couleur de pourpre. — Voir la note au vers 316. Il ne s'agit pas ici, comme dans ce vers, d'un de ces vêtements très amples qui se mettent doubles, mais d'un manteau de luxe dont l'étoffe est à double tissu, c'est-à-dire brochée : en effet, les dessins variés forment une seconde trame dans la première.

V. 723. Les premiers étais (δρυόχους). L'étymologie de ce mot (δρῦς, ἔχω, qui contient des pièces de chêne) ne peut en déterminer le sens exact. Le Scoliaste, qui se contredit dans ses explications, ne nous est d'aucun secours : « On appelle ainsi les pièces de bois sur lesquelles on établit la quille. Homère a dit : Il dressait en ordre comme des δρύοχοι toutes [les haches qui étaient] au nombre de douze. Les δρύοχοι sont donc les entrailles [ἐγκοίλια, mot qu'on traduit par le terme technique de côtes ou varangues] du navire. » D'après le Scoliaste, les δρύοχοι correspondent donc aux colombiers; puis il se contredit en les assimilant aux varangues. Les colombiers sont des appuis latéraux qui soutiennent par leurs têtes la carène du vaisseau en construction; les varangues sont des pièces de bois qui font partie du navire même et non du ber que l'on établit autour du navire en construction. Le sens de la phrase d'Apollonios est que la déesse a fait cadeau du manteau à Jason au moment où l'on commençait à s'occuper d'Argo : comme il faut établir le ber avant de songer au navire même, il est logique que le mot δρύοχοι se rapporte au ber plutôt qu'au navire. M. Cartault donne des raisons excellentes qui prouvent qu'il s'agit bien en effet des colombiers : « Nous retrouvons les colombiers dans les δρύοχοι. En effet, les δρύοχοι sont, pour Suidas et Zonaras, des étais dont on se servait pendant la construction du bâtiment. Le grand Étymologique y voit des pièces de bois verticales, des supports qui soutiennent la quille du vaisseau qu'on édifie. Eustathe entend par là des étais disposés enfile, et sur lesquels repose la quille du bâtiment en construction, afin qu'elle ait une forme régulière. Il ajoute qu'ils maintiennent la carène des deux côtés et l'entourent de soutiens continus. Platon, dans le Timée, donne du mot δρύοχοι une explication courte, mais parfaitement nette. Ce sont des appuis qui servent pendant la construction du bâtiment. Hésychius, qui emploie la forme δρύακες, les définit d'une façon plus vague : pièces de bois qui soutiennent la quille du navire. De même, le Scoliaste d'Apollonius de Rhodes : pièces de bois sur lesquelles on établit la quille. Plus loin, il confond à tort les δρύοχοι avec les côtes du bâtiment. Malgré cela, toutes ces explications sont suffisamment claires et concordantes pour qu'il faille admettre sans hésitation l'identification des δρύοχοι avec nos colombiers. » (Ouvr. cité, p. 27-18.) M. Vars (ouvr. cité, p. 39-40), qui se fonde précisément sur le vers d'Homère cité par le Scoliaste d'Apollonios (Odyss., XIX, v. 573), où il est dit qu'Ulysse dispose à la suite ses douze haches comme autant de δρύοχοι, prétend que les δρύοχοι sont des couples, « pièces de construction à deux branches qui s'élèvent symétriquement de chaque côté de la quille jusqu'à hauteur du bat-bord ». (Dictionnaire de marine de Bonnefoux.) « A la question suivante : quelles parties dans un navire peuvent ressembler le plus à des haches placées sur une ligne, des marins répondraient à l'unanimité : ce sont les couples. » M. Vars impose aux marins qu'il met en scène la réponse qu'il veut avoir en posant la question d'une manière favorable a son système. Il ne faut pas demander : quelles parties dans un navire; mais : quelles parties, soit dans un navire, soit dans le ber qui sert à la construction de ce navire. Le vers de Catulle (LXIV, v. 10), évidemment inspiré de ce passage d'Apollonios, ne peut en rien nous éclairer sur le sens du mot δρύοχοι. Le poète latin rappelle que Minerve elle-même (diva ipsa) a présidé à la construction du navire Argo :

Pinea coniungens inflexae texta carinae.

L'édition Lemaire explique bien : « Inserens et adaptans curvae carinae trabes et alia quibus naves instruuntur. » Le mot texere est le terme propre qui signifie disposer la contexture d'un navire, le construire. Le jeu de mots de Properce (III, VII; IV, M, édit Müller, v. 19) :

Ite, ratea curvas et leti texite causas

nous l'indique ainsi que le vers de l'Énéide (XI, v. 326) :

Bis denas Italo texamus robore naves...

et les divers passages d'Ovide (Met. XI, v. 624; XIV, v. 531; Fast I, v. 506) où se trouve l'expression pinea texta carinae. Il n'y a aucun rapport entre ces pinea texta et les δρύοχοι.

V. 724. Des traverses (ζυγά)- — C'est dans son sens primitif qu'Apol lonios emploie le mot ζυγά. « Il y avait pour désigner les baux [poutres-principales placées en travers des bâtiments pour en lier les deux murailles] un terme qui remontait aux premiers âges de la marine grecque, celui de ζυγὰ. Dans les navires primitifs et non pontés, les couples étaient, à leur extrémité supérieure, réunis par des poutres qui servaient en même temps à asseoir les rameurs... La double fonction des ζυγὰ est nettement indiquée par Eustathe : Ils servent à la fois à joindre les flancs du bâtiment et à fournir une place aux rameurs. Il s'exprime d'une façon aussi précise ailleurs : On appelle ζυγά ces longues poutres qui rattachent l'un à l'autre les flancs du navire et les maintiennent comme un joug,  » (Cartault, ouvr. cité, p. 41.) M. Cartault explique comment, plus tard, le mot  ζυγὸν étant resté dans la langue maritime, mais les deux objets qu'il désignait étant devenus très différents, il en est résulté une confusion qui n'a pas peu contribué à fausser les restitutions de la trière (p. 42). Mais ici il n'y a pas de confusion possible : Apollonius, qui est un archéologue, emploie le mot dans son sens homérique (cf. Odyss., IX, v. 99; XIII, v. 21).

V. 729. Étaient tissés (ἐπέπαστο). — Merkel admet dans son edit. maior le mot ἐπέπαστο « Ruhnkenii est coniectura, non fortasse certissima », alors qu'il conservait dans l'edit. minor ἐκέκαστο, leçon des mss., commentée par le Scoliaste et adoptée par la plupart des éditions, Wellauer, qui admettait déjà la correction de Ruhnken, la jugeait fort bonne à cause de deux passages de l'Iliade où le mot proposé par Ruhnken se trouve en effet dans des phrases tout à fait semblables à celle d'Apollonios : « Certa est emendatio, propter locos Homericos [Iliad., III, v. 115; XXII, v. 440]. »

V. 730. Les Cyclopes. — Hésiode (Théog., v. 141) dit aussi que les durs Cyclopes Brontès, Stéropès, Argès, ont donné à Zeus la foudre et ont forgé son tonnerre. (Voir aussi Argon., Ch. I, v. 510.)

V. 735. Antiopé. — Il y a deux Antiopé, l'une fille de Nycteus, l'autre d'Asopos; c'est de celle-ci qu'il est fait mention. D'elle et de Zeus naquirent Amphion et Zéthos, qui bâtirent Thèbes, comme dit Homère : Les premiers, ils établirent les fondements de Thèbes aux Sept Portes [Odyss., XI, v. 263]. Phérécyde en donne le motif: c'est parce qu'ils prenaient leurs précautions contre les Phlégyens, ennemis de Cadmos alors régnant. » (Scol.) D'après Apollodore (III, 10, 1), c'est l'Antiopé, fille de Nycteus et de Polyxo, qui aurait été la mère de Zéthos et d'Amphion. Apollonios parle (Arg., Ch. IV, v. 1090) de la fille de Nycteus, Antiopé. Voir la note à ce vers. — Il y a encore une Antiopé, fille de Thespios, de laquelle Héraclès eut Alopios (Apollod., II, 7, 8). — Une autre Antiopé, au dire du Scoliaste, fut mère des Argonautes Clytios et Iphitos. (Voir la note au vers 86.) Le père de l'Antiopé, mère d'Amphion et de Zéthos, était, suivant Apollonios, le fleuve Asopos (cf. Decharme, Mythol., p. 573). Amphion est bien connu comme fondateur de Thèbes (Apollod., III, 5, 5). Cf. Horace, Art poétique, v. 394, sqq. « Arménidas raconte dans son livre I que les pierres suivaient d'elles-mêmes la lyre d'Amphion; il dit aussi que cette lyre lui fut donnée par les Muses; c'est ce que rapporte Phérécyde dans son livre X. Suivant Dioscoride, la lyre était un présent d'Apollon. » (Scol.) Amphion épousa Niobé, dont on sait l'histoire, et Zéthos, Thébé ou Aédon (le rossignol), image de l'éclat du printemps.

V. 743. Le bouclier commode à manier (θοὸν σάκος). — Dûbner traduit bien par habile le mot θοόν qui signifie rapide et quelquefois aigu. Le sens d'aigu, terminé en pointe, ne peut évidemment pas convenir au σάκος, le grand bouclier ovale de l'époque archaïque.

V. 748. Les Téléboens. — Les Téléboens, ou Taphiens, étaient un peuple d'Acarnanie, célèbre par ses brigandages (Strabon, 394, 26). Le Scoliaste rappelle cette lutte d'Électryon, père d'AIcmène, et de ses fils, contre les brigands qui venaient lui voler ses bœufs. Il dit que Taphos est une des Échinades, petit groupe d'îles de la mer Ionienne, à l'embouchure de l'Achéloos, le long de la côte d'Acarnanie. Leur double nom vient de Téléboos et de Taphios; ou, suivant Apollodore (II, 4, 5), de ce que Taphios alla loin de sa patrie (τηλοῦ τῆς πατρίδος ἔβη) ou enfin, suivant le Scoliaste, de ce qu'ils amenaient au loin les bœufs volés (τῆλε... τὰς βοῦς). On sait que, dans l'Amphitryon de Plaute, les Téléboens sont en guerre avec les Thébains : « Nam cum Telebois bellumst Thebano poplo.» (Prolog., v. 101.)

V. 762. Le combat de deux chars. — La lutte d'Oinomaos et de Pélops est trop connue pour qu'il soit nécessaire d'y insister. (Voir Decharme, Mythol., p. 647, sqq.) V. 760. Par son voile (Iliad., XXII, v. 406; Odyss., V, v. 232; X, v. 545), est l'enveloppe (καλύπτω, envelopper), le voile dont les femmes s'enveloppaient le visage quand elles sortaient. Ce voile, placé sur le haut de la tête et entourant le visage de manière à le cacher, excepté la partie supérieure du nez et les yeux (Eschyle, Agamemnon, v. 1178; Euripide, Iphigénie en Tauride, v. 372), retombait sur les épaules et descendait jusqu'au milieu du corps.

V. 761. Tityos. — On sait que ce géant Tityos, qui avait tenté de violer Létô, est puni aux enfers de sa concupiscence par deux vautours qui lui rongent le foie (cf. Odyss., XI, v. 676; Lucrèce, III, v. 984; Aen., VI, v. 595, etc.). Voir Decharme, Myth., p. 137 et 429. Quant à sa double naissance, voici les diverses explications données dans les scolies : « Élaré fut la mère de Tityos [c'était une fille d'Orchomène, Apollodore, 1, 4, 1]. Après la mort de sa mère, il fut, dit-on, nourri par la terre, comme Homère le raconte : Et je vis Tityos, fils de la terre illustre [Od., XI, v. 676]. — Phérécyde dit qu'uni à Élaré, fille d'Orchomène, Zeus, par crainte de la jalousie d'Héra, la renferma sous la terre [cf. même récit dans Apollodore, I, 4, 1], d'où sortit Tityos, nommé à cause de cela fils de la terre. — Autre tradition : Élaré, mère de Tityos, enceinte des œuvres de Zeus, ne put mettre l'enfant au monde à cause de ses grandes dimensions, et mourut. Mais que Tityos ait été mis au monde une seconde fois par la terre, cette histoire ne semble mériter foi ni croyance. Nous pouvons dire que les poètes donnent le nom de fils de la terre aux êtres dont le corps est monstrueusement grand. C'est ainsi que Callimaque a dit que les animaux monstrueux naissent de la terre. Homère constate la grande taille de Tityos en disant que étendu, il couvrait neuf arpents [Od., XI, v. 577]. Notre avis est que, lorsqu'il fut mis au monde par Élaré, les faibles dimensions de son corps firent penser qu'il était son fils; mais quand, en grandissant, il devint monstrueux, on imagina qu'il avait été enfanté et nourri par la terre. »

V. 763. — Le Scoliaste se demande quel sens il faut attribuer aux sujets brodés sur le manteau. Il pense que le poète a voulu simplement représenter, par les dessins de la chlamyde, l'ordre de l'univers et les actes de l'humanité. « D'abord, par le tonnerre et les Cyclopes, il fait une allusion allégorique à quelque dieu et à la nature divine, et c'est pourquoi il dit qu'ils sont courbés sur un ouvrage éternel; ensuite, au moyen de la lyre d'Amphion, il indique la fondation des villes; puis tous les événements qui arrivent dans les villes, les amours et les guerres; c'est ce que signifie, dans son idée, Aphrodite, porteuse d'armes. La violence et les combats sont représentés par l'histoire des Taphiens; les jeux et les mariages, par la course en char de Pélops; l'impiété et le châtiment qui vient des dieux, par Tityos; les embûches, les trajets sur mer et le salut final par l'histoire de Phrixos : en un mot, à peu près tout ce qui arrive dans les villes est poétiquement décrit sur la chlamyde. » Dübner trouve ces tableaux tort bien faits, mais il leur reproche de ne se rapporter en rien à Jason : Optime Apollonius ἐποίησεν, hac una in re vituperandus quod pleraeque, quas recenset, picturae ad lasonem proprie non pertinent.

V. 766. De sages paroles (πυκινὴν βάξιν. --  « Φρὴν πυκινή est mens in se congesta ap. Claud. de Rapt. Pros., hoc loco sapiens. (Dübner.) On trouve dans l'Iliade (XIV, v. 294) πυκινὰς φρένας. Claudien (de Rapt. Pros., I, v. 4) a bien mens congesta; mais cette expression ne me semble pas répondre exactement à φρὴν πυκινή. L'adjectif πυκνός ou πυκινός signifie compact, serré et, par suite, intense, sage.

V. 769. Sa lance qui frappait au loin (ἔγχος ἐκηβόλον). — La lance était à deux fins; elle se jetait comme un javelot ou elle servait à percer de près un ennemi.

Atalante. — « Atalante, fille d'lasos qu'épousa Milanion ; c'est une autre Atalante, Argienne et fille de Schoineus, qu'épousa Hippomédon.» (Scol.) La fille d'Iasos et celte de Schoineus semblent généralement confondues; d'après Apollodore (III, 9, 2), Hésiode et quelques autres auteurs disent que la fameuse Atalante, la chasseresse du sanglier de Calydon, était fille de Schoineus et non d'Iasos; Euripide lui donne pour père Mainalos, fils d'Arcas, héros éponyme du mont Ménale. Vaincue à la course, grâce au stratagème des pommes d'or par Milanion, ou, suivant Euripide, par Hippoménès, elle épousa son vainqueur. (Voir, pour la légende d'Atalante, Decharme, Mythol., p. 587.) — Dans leurs catalogues, Apollodore (I, 9, 16) et Diodore de Sicile (IV, 41) mettent au nombre des Argonautes Atalante, fille de Schoineus. — « Quant à ce fait, que les Argonautes eurent commerce avec les femmes de Leranos, Hérodore en parle dans ses Argonautiques. Eschyle, dans son Hypsipylé, raconte que les femmes de Lemnos vinrent en armes attaquer les Argonautes que la tempête avait fait échouer à la côte, et les repoussèrent jusqu'au moment où elles leur eurent fait promettre par serment qu'une fois débarqués, ils auraient commerce avec elles [cf. Aeschyli Fragmenta, Hypsipylé, p. 105 de l'Eschyle grec-latin, Didot]. Sophocle, dans ses Lemniennes, dit aussi que les Argonautes durent engager un combat sérieux [cf. Sophoclis Fragmenta, Lemniae, p. 321 du Sophocle grec-latin, Didot]. » (Scol.)

V. 775. Dans une demeure (καλύβῃσιν). — Le mot καλύβη, qui correspond au tugurium latin, désigne proprement une chaumière de paysan, faite de branchages, de claies et d'autres matériaux aussi simples. Dübner pense avec raison que le poète désigne ici par ce mot le παρθενών ou appartement des jeunes filles.

V. 788. Iphinoé. — Dübner fait observer qu'Iphinoé joue ici le rôle du κήρυξ homérique. C'est la maîtresse des cérémonies du palais d'Hypsipylé. — Le Scoliaste dit qu'on lisait dans l'édition primitive des Argonautiques : «Alors Iphinoé s'empressa de le conduire à travers le vestibule [πρόδομος; voir sur le πρόδομος la note au vers 789] construit avec art et le fit asseoir sur un beau siège [δίφραξ]. » Au sens propre, le δίπραξ est un siège pour deux personnes.

V. 789. Une belle salle (παστάδος). — Le Scoliaste lit comme les mss. ἀναστάδος; ; ce dernier mot viendrait de πάσασθαι (se nourrir), et signifierait par suite salle à manger. L'auteur de la correction παστάδος, d'après Brunck, Jean Rutgers; d'ailleurs, l'Etymol. M. cite le mot παστάς comme se trouvant dans Apollonios, et ajoute que, d'après quelques auteurs, c'est un synonyme du terme πρόδομος, souvent employé dans Homère: le πρόδομος homérique, l'avant-maison, a, semble-t-il, un sens assez étendu: « Πρόθυρα et πρόδομος, ex Vossii sententia, omnino ad eas aedificii partes referenda sunt, quae intrantibus ex adverso sunt, et generali notione vel spatium ante foret aedificii vacuum, vel aedium partem aliquam désignant. » (Terpstra, Antiquitas Homerica, Lugd. Batav., 1831, p. 194.) — « Sur un siège (κλισμῷ) » Le κλισμός (κλίνω) est spécialement un siège où l'on s'appuie.

V. 800. Les étables (ἐπαύλους). — «Les étables ou, par abus, les demeures des Thraces. » (Scol.) Le mot ἔπαυλος signifie évidemment étable dans le seul passage où Homère l'emploie (Odyss., XXIII, v. 358). Le Scoliaste a été choqué que le poète ne désigne en fait d'endroits pillés que les étables, et en fait de butin que les jeunes filles, que les Lemniens ne devaient pas enlever dans les étables. Mais ce n'est pas une raison d'étendre le sens du mot ἔπαυλος;. D'ailleurs, le Scoliaste cite un vers de la première édition, où il est dit que les Lemniens emmenaient de Thrace des brebis et des bœufs : Apollonios n'a pas fait attention qu'en supprimant ce vers il rendait difficile à expliquer le sens du mot ἔπαυλος.

V. 83 1. La mer Égée. — « La mer Aigée [Égée] a été ainsi nommée de l'île Aigai. Homère dit : Ceux qui te portent des présents à Hélice et à Aigai [lliad., VIII, v. 203]. Elle est consacrée à Poséidon, et l'on rapporte, dit Nicocrate, que personne ne peut y passer la nuit à cause des apparitions du dieu. D'autres disent que la mer a été ainsi nommée à cause de Poséidon; car, suivant Phérécyde, le dieu est appelé Aigaios. Nicocrate dit que le nom de la mer vient d'Aigeus [Egée], qui s'y précipita du haut de l'Acropole; mais c'est à tort, car l'Acropole est loin du rivage de la mer. » (Scol.} On admet généralement qu'Aigai et Hélice sont deux villes de la côte du Péloponnèse qu'un tremblement de terre détruisit, au ive siècle av. J.-C. (Cf. Strabon, 331, 42 et suiv.) Strabon distingue cette Aigai d'une ville homonyme, située en Eubée, qui, dit-il (331, 47), est citée par Homère (lliad., XIII, v. 21) et qui a donne sans doute son nom à la mer Égée. Strabon et Pausanias ne citent aucune île Aigai. Mais Nicocrate (Scol. ad lliad., XIII, v. 21) distingue l'Aigai, ville d'Eubée, d'Aigai, ile de la mer Égée, où les navigateurs craignaient d'aborder, car tous ceux qui s'y étaient arrêtés disparaissaient dans la nuit. Virgile parle de Neptunus Aegeus (Aen., III, v. 74), mais c'est sans doute comme dieu de la mer Égée que Poséidon a pris ce surnom. — L'étymologie du nom de la mer Égée venant du roi Égée est aussi assez répandue.

V. 845. Sur des chariots (ἁμάξαις;). — L'ἅμαξα est le chariot de transport, par opposition au char de combat (ἅρμα).

V. 85 1. Par égard pour Héphaistos. — « Car Lemnos est consacrée à Héphaistos. » (Scol.) Tradition bien connue : d'après Homère (II., I, v. 593), c'est à Lemnos que fut recueilli Héphaistos, précipité par Zeus de l'Olympe.

V. 855. Excepté Héraclès. — « Le poète parle ainsi à cause de l'économie de son ouvrage. Car, alors que tous sont vaincus par les plaisirs, il [Héraclès] les excite à la lutte; c'est aussi à cause de la nature sage du héros. » (Scol.) Shaw remarque qu'Apollonios fait toujours Héraclès semblable à lui-même, et qu'il suit le précepte d'Horace, longtemps, il est vrai, avant qu'il soit formulé :

Honoratum si forte reponis Achillem,
Impiger, iracundus, inexorabilis, acer

V. 859. Le fils illustre d'Héra. —  « Le poète suit Hésiode qui dit [Théog., v. 927] que Héphaistos est le fils de la seule Héra. Homère le dit fils de Zeus et d'Héra. » (Scol.)

V. 874. — Ce discours est une imitation évidente de l'Iliade (II, v. 236 sqq.).

V. 880. Qui leur sert de ruches (σιμβληίδος) « On appelle ruches (σίμβλοι) les objets creux où les abeilles construisent leurs cellules. Σιμβληὶς πέτρα est donc ici une roche, où, dans les montagnes, on élève les abeilles, roche disposée comme un σίμβλος. » (Scol.).  C'est un rocher creux, comme Homère le spécifie dans le passage de l'Iliade (II, v. 88), d'où celui-ci est imité : πέτρης ἐκ γλαφυρῆς.

V. 882. Telles, ces femmes... — Le Scoliaste trouve à redire à l'exactitude de cette comparaison : « Cette comparaison n'est pas juste et ne s'accorde pas dans tous ses termes. Que l'on compare les femmes aux abeilles, les héros aux fleurs, la ville aux roches creuses, soit. Mais pour le reste, comment cela ne serait-il pas incohérent, alors que la prairie est joyeuse, et la ville triste, et que les femmes sont en larmes? Voici encore un détail auquel rien ne répond : Dans leur vol d'une fleur à l'autre, elles expriment les sucs les plus doux. Car elles ne tâchent pas de ravir à chaque héros ce qu'il y a de meilleur en lui : cela s'accordait mieux à leur première union, à leur premier commerce. » En imitant cette comparaison, Virgile a compris ce qu'elle avait de défectueux, puisqu'il l'a appliquée à l'empressement des travailleurs et non à la désolation de femmes abandonnées (Aen., I, v. 430). Shaw, appuyé sur l'autorité de Sanctamandus, prétend que le Scoliaste et Hoelzlin n'ont pas compris cette comparaison : « Quid enim ineptius quam quae ab Hoelzlino dicuntur : Heroes sunt flores, ac discessu gaudent; apes, seu Lemniae mulieres, dolent. Quomodo enim flores discessu gaudere possunt? An apes, dum flores sugunt, dolent? Nihil taie in ipso Apollonio. Rupes alveata est urbs, ex qua mulieres se effundunt in campas, sicut apes ex rupe. » (Sanct.)

V. 908. Loin du roi Pélias (ἄνδιχα τοῖο ἄνακτος). — Le traducteur latin de l'édit. Didot croit que ce roi est Jason lui-même : ut sine me rege suis defendantur incolae in aedibus. D'ailleurs, le mot πορσύνωνται ne peut guère se traduire par defendantur. Au lieu d'ἐφέστιοι, leçon des mss. que Merkel conserve, Brunck veut écrire ἐφέστιον, accusatif qui se trouve dans des passages à peu près semblables d'Euripide (Médée, v. 714), de Sophocle (Trachin., v. 262), etc.; il trouve sa correction définitive : «Sic certissime emendo... Sensus est : ut seorsum a Pelia pater meus et mater in suis aedibus commorantem eum alant. » Le besoin de cette correction ne se fait pas sentir; si nous gardons ἐφέστιοι, nous pouvons admettre l'interprétation de Brunck en changeant seulement commorantem en commorantes, ce qui ne modifie pas le sens de la phrase. En tout cas, la traduction française : ils se s'élèveront à leur foyer, correspond aussi bien à ἐγέστιον, lui étant à leur foyer, qu'à  ἐφέστιοι, eux-mêmes se tenant à leur propre foyer.

V. 913. De la roche marine (ἁλιμυρέος). — « C'est-à-dire d'une roche baignée tout autour par la mer. On appelle fleuves ἁλιμυρήεντες ceux qui se jettent dans la mer. » (Scol.) C'est dans ce dernier sens et joint au mot fleuve qu'Homère emploie l'adjectif ἁλιμυρής (Iliad., XXI, v. 190; Odyss., V, v. 460). M. Couat fait observer (ouvr. cité, p. 104) que
l'autre sens, celui d'Apollonios, est employé de préférence par les poètes alexandrins. On le trouve, en effet, deux fois encore, dans les Argonautiques (Ch. II, v. 554; Ch. IV, v. 646), dans un fragment de Phanoclès, dans Oppien (Ηalieut., Ch. II, v. 258), où l'expression est la même qu'ici : πέτρης ἁλιμυρέος. — C'est autour d'une roche que le câble avait été enroulé. « A l'époque homérique, dit M. Cartault (ouvr. cité, p. 88), les marins avaient coutume de passer leurs amarres dans un trou de rocher ou dans de grosses pierres percées. » Apollonios ne parle pas ici d'un trou de rocher, mais simplement d'une roche autour de laquelle l'amarre aura été enroulée, ce qui semble le procédé le plus primitif et le plus facile à pratiquer. Les Argonautes font à la rame le trajet de Lemnos à Samothrace. « C'est également à la rame qu'ils [les Argonautes] s'éloignent de la terre pour aller chercher la brise au large. Quelquefois, quand le vent fait défaut, ils font un certain trajet à la rame.» (Cartault, ouvr. cité, p. 123. Voir la note au vers 608.)

V. 916. L'île de l''Atlantide Électra. — « Il désigne Samothrace, où habitait Électra, fille d'Atlas, laquelle était nommée Stratégis par les indigènes. Hellanicos dit qu'elle s'appelait Électryoné. Elle eut trois enfants : Dardanos, qui alla s'établir à Troie; les habitants, dit-on, l'appelaient Polyarchès; — puis, Éétion, que l'on nomme lasion, et qui fut, dit-on, foudroyé pour avoir outragé une statue de Déméter; — en troisième lieu, Harmonia, que Cadmos épousa. C'est en souvenir de la mère de sa femme, dit Hellanicos au 1er livre de ses Troïques, et Idoménée dit comme lui, que Cadmos nomma Électrides les portes de Thèbes. » (Scol.) — Apollodore cite Electra au nombre des filles d'Atlas et de l'Océanide Pléioné (III, 10, 1). Il parle, comme le Scoliaste, de ses deux fils (III, 10, 1). Mais, pour Harmonia, femme de Cadmos, il la dit fille d'Arès et d'Aphrodite (III, 4, 2). Éphore (fragrn. 12, Histor. Graec. Fragm., Didot, vol. I) dit, comme Hellanicos, qu'Électra est la mère d'Harmonia. Voir Decharme, Mythologie, p. 672. Voir pour l'amazone Harmonia la note au vers 990 du Chant II, et, pour la femme de Cadmos, la note au vers 617 du Chant IV. — Samothrace est une île de la mer Égée, près de la côte de Thrace et de l'embouchure de l'Hèbre. Valérius Flaccus (II, v. 431) dit de cette île:

Electria tellus,
Threiciis arcana sacris.

Strabon rappelle, à propos de Samothrace, les mêmes traditions que le Scoliaste sur lasion et Dardanos (283, t et suiv.). Il parle aussi des dieux mystérieux de Samothrace.

V. 917. Ces arrêts des dieux. — « Il parle des cérémonies d'initiation célébrées à Samothrace; l'initié échappe aux tempêtes de la mer. On dit qu'Ulysse, initié à Samothrace, se mit un bandeau autour de la tête, au lieu d'user de la ceinture. Car les initiés s'entourent le ventre d'une ceinture de pourpre. On dit qu'Agamemnon, se faisant initier, au milieu de tous les troubles où il se trouvait devant Troie, mit fin au désordre des Hellènes quand il eut pris la bande de pourpre. C'est au culte des Cabires qu'on s'initie à Samothrace, comme le dit Mnaséas. Ils sont quatre et se nomment Axiéros, qui est Déméter, Axiokersa qui est Perséphoné, Axiokersos qui est Adès. Un quatrième qui leur est adjoint, Cismilos, est Hermès, à ce que raconte Dionysodore. Athênicon dit que Dardanos et lasion sont fils de Zeus et d'Électra. Les Cabires semblent avoir été ainsi nommés des Cabires, monts de Phrygie d'où leur culte a été apporté. [D'après Stésimbrote, cité par Strabon (405, 42), leur nom vient du mont Cabiros en Bérécynthie.] On dit aussi que les Cabires n'étaient d'abord que deux : le plus ancien était Zeus, et le plus jeune Dionysos. Samothrace s'appelait d'abord Leucosia, comme le dit Aristote dans la Constitution de Samothrace. Plus tard, de Saos, fils d'Hermès et de Rhéné, elle se nomma Samos, avec intercalation de la lettre m. [Homère donne à Samothrace le nom de Samos; cf. Strabon, 392, 41; 283, 1.] Les Thraces l'ayant habitée, l'île prit le nom de Samothrace. » (Scol.) M. Decharme (Mythol., p. 266-273) complète les renseignements du Scoliaste au moyen des témoignages d'Hérodote, de Pindare, etc. L'assurance où se trouvaient les initiés aux mystères de Samothrace de voir leurs vœux écoutés favorablement, est confirmée par une allusion d'Aristophane (La Paix, v. 277 et scolies à ce vers).

V. 922. A la rame. — Voir la note au vers 913. — Du golfe Mêlas. — Le golfe Mêlas borne au Nord-Ouest la Chersonèse de Thrace. Le Scoliaste dit que ce golfe, cité par Homère (Iliad., XXIV, v. 79), fut ainsi nommé soit du fleuve Mêlas qui s'y déverse [c'est l'opinion de Strabon (283, 23) qui s'appuie sur Hérodote et Eudoxe], soit de Mêlas, fils de Phrixos, qui y tomba. — Mêlas est mentionné par Apollodore (I, 9, i), qui ne dit rien de cette chute. D'ailleurs, comme Mêlas est bien vivant au temps de l'expédition des Argonautes (cf. Argon., Ch. II, v. 1156), Apollonios ne peut admettre qu'il ait donné, en s'y noyant, son nom au golfe Mêlas.

V. 924. Au nord (καθύπερθε). — Le mot καθύπερθε signifie en haut; comme terme géographique, au nord. L'île d'Imbros est un peu au Nord -Ouest des Argonautes quand ils arrivent à la pointe de la Chersonèse.

V. 927. Les difficiles courants de la fille d'Athamas. —« C'est-à-dire dans l'Hellespont, ainsi nommé d'Hellé, fille d'Athamas. » (Scol.) Voir la note au vers 3.

V. 929. Le rivage Rhœtéien. — « De Rhœteia, fille da Proteus. » (Scol.) Le cap Rhoetêien est sur l'Hellespont; c'est là que se trouvait le tombeau d'Ajax (Strabon, 309, 36).

V. 930. La terre Idaienne. — La Phrygie, ainsi nommée à cause du mont Ida, voisin de Troie.

V. 931. Dardanie... Abydos. — Dardanie est une ville de la Dardanie sur l'Hellespont, à l'embouchure du Rhodios (Strabon, 509, 18, l'appelle Δάρδανος, à soixante-dix stades d'Abydos, ville bien connue par sa position en face de Sestos en Chersonèse, par l'amour de Léandre et d'Héro, et par le pont de Xerxès.

V. 932. Percoté... Abarnis... Pityéia. — « Abarnis est une ville du pays de Lampsaque. Voici pourquoi elle fut nommée ainsi : Prise d'amour pour Dionysos, Aphrodite eut commerce avec lui; à son départ pour l'Inde, elle eut commerce avec Adonis. Quand Dionysos revint, elle fit une couronne, alla à sa rencontre et le couronna ; mais elle avait honte de l'accompagner, à cause de sa précédente union. S'étant retirée à Lampsaque, elle voulait y mettre au monde l'enfant dont elle était enceinte. Mais Héra, jalouse, lui toucha le ventre de sa main magicienne, et lui fit enfanter un être informe [dont le membre viril avait une indécente longueur] et qui fut appelé Priape. Aphrodite le renia : à cause de cela, la ville fut appelée Aparnis [ἀπαρνήσασθαι, avoir renié]. Plus tard, par le déplacement d'une lettre, elle s'appela Abarnis. » (Scol.) Strabon ne parle pas d'Abarnis ou Aparnis; Valérius Flaccus n'en dit rien non plus, quoiqu'il mentionne Percoté et Pityéia (II, v. 622) :

Iam iuga Percotes, Pariumque infame fragosis
Exsuperant Pityamque vadis.

Hécatée de Milet parle d'Abarnos, promontoire de Lampsaque (Fragm. Histor. Graec., Didot, vol. I, p. 260, fragm. 93 d'Éphore). — Pour la légende de Priape, voir Decharme (Mythol., p. 482-483). — « Percoté est une ville de la Troade dont parle Homère [Iliad., II, v. 835; XV, v. 548]. » (Scol.) Voir aussi Strabon (501, 18 et 25; 505, 15)l — « Pityéia : c'est l'ancien nom de Lampsaque, aussi nommée Pitya [ou Pityussa, d'après Strabon, 504, i3]. Certains disent que ce nom vient de ce que Phrixos y déposa un trésor. Car les Thraces appellent un trésor pityé. Homère fait mention de celte ville [Il.,II, v.829]. » (Scol.)

V. 934. Après que le navire eut couru tantôt d'un côté, tantôt de l'autre (διάνδιχα) — Le mot διάνδιχα (διά, ἀνά, δίχα), v. 19-21) : signifie en deux parties, de deux cotés). Dübner interprète : « Vento utrinque flante, non remis. » Je ne crois pas cette interprétation exacte, et il me semble que le sens de διάνδιχα est indiqué par un passage de Catulle (IV,
V. I9-2I)

... laeva sive dextera
Vocaret aura sive utrumque lupiter
Simul secundus incidisset in pedem.

« Soit que le vent appelât le navire à droite ou à gauche, soit qu'il frappât les deux écoutes à la fois. » Le vent souffle tantôt de droite, tantôt de gauche, et change ainsi la direction du navire Argo.

V. 936. Une presqu'île (νήσος). — Apollonios donne le nom d'île à la presqu'île de Cyzique parce que, dit le Scoliaste, elle n'était pas d'abord rattachée au continent. La ville de Cyzique est située sur une langue de terre qui relie la côte de la Dolioniε à la péninsule qui s'avance danσ la Propontide.

V. 940. L'Aisépos. — Ce fleuve vient du mont Ida et se jette dans la Propontide, au Sud-Ouest de la presqu'île de Cyzique; il formait la limite de la Mysie et de la Troade (Strabon, 483, 26; 484, 4, etc.).

V. 941. La montagne des Ours. — Cette montagne (Ἄρκτων ὄρος) domine la ville; au-dessus d'elle est un autre mont, le Dindymos, où, dit Strabon (493, 1), les Argonautes élevèrent un temple à la mère Dindymène des dieux. Apollonios en parlera d'ailleurs (v. 985), et, à ce vers, le Scoliaste explique que ce mont, consacré à Rhéa, est, au dire de Philostéphane, ainsi nommé à cause de deux mamelons jumeaux (δίδυμοι) qui s'y élèvent. Il y avait beaucoup d'ours dans le pays, puisque, d'après Pline (H. N., V, 142), la presqu'île s'appelait, à cause d'eux, Arctonnesus (Ἄρτων νῆσος). Le mont des Ours a reçu nom au sens propre, parce que, dit-on, les nourrices de Zeus qui y séjournèrent furent changées en ourses; ou bien, parce que, rempli d'animaux sauvages, il prit le nom de l'un d'eux, l'ours; ou bien, à cause de la hauteur de la montagne qui semblait voisine des constellations des Ourses. » (Scol.)

V. 943. Enfants de Gaia. — « Hérodore en fait mention dans ses Argonautiques, et dit qu'ils combattirent contre Héraclès. Donc, ces fils de la terre habitaient Cyzique, et les Dolions dans l'isthme. » (Scol.)

V. 947. Des hommes Dolions. — Strabon (483, 13) confirme que les Dolions habitaient auprès de Cyzique.

V. 949. Cyzicos. — « Le père de Cyzicos était Aineus, fils d'Apollon et de Stilbé... Aineus, Thcssalien d'origine, s'établit au bord de l'Hellespont; il épousa Ainété, fille d'Eusoros, roi des Thraces, et engendra Cyzicos, qui donna son nom à la ville. Le fils d'Eusoros, Acamas, est cité dans Homère [Iliad., II, v. 844]. » (Scol.) Cyzicos n'est guère connu que par cet épisode des Argonautiques. Apollodore fait mention de lui (I, 9, 18). Valérius Flaccus raconte aussi dans son poème les événements qui le concernent.

V. 964. Le port Calos. — Ce port, d'après le Scoliaste, s'appelle Panormos. Le poète distingue donc deux ports : Calos, où le vent amène les Argonautes, et un autre, voisin de la ville, Chytos, où ils conduisirent le navire Argo, sur le conseil des habitants; Chytos, fortifié par des digues, était fait de main d'homme; Calos était un port naturel. — Merkel, dans son editio maior, est le premier à écrire Καλὸς λιμήν avec une majuscule, ce qui fait de l'épithète un nom propre. Καλὸς λιμήν signifie le Beau port.


V. 955. La pierre de fond,qui était petite (εὐναίης ὀλίγον λίθον). — « Ayant délié, parce qu'elle était rongée par la mer, la pierre qui leur tenait lieu d'εὐναία et d'ancre (ἄγκυρα), ils en prirent une autre. » (Scol.) Hoelzlin pense qu'il s'agit d'une ancre de pierre : « Pro ancora lapidem : e Scholiis. Alius mihi sensus. Non ille pro ancora erat lapis, sed ancora est igitur περίφρασις et ancora intelligenda lapidea » Apollonios ne parle pas d'une ancre semblable aux ancres de fer, mais faite en pierre : il donne comme ancre aux Argonautes la pierre dont la marine antique se servait à l'époque la plus reculée. Tel est le sens du mot εὐνή, qui se trouve souvent dans Homère, et que M. Vars traduit par pierre de fond ou pierre-amarre (ouvr. cité, p. 130). « Les ancres n'étaient pas connues aux époques primitives de la marine grecque. On y suppléait en jetant au fond de l'eau de grosses pierres, des sacs pleins de cailloux ou de sable, des masses métalliques pesantes liées à des câbles; ce sont là les engins qu'Homère appelle εὐναί et qu'Eustathe confond à tort avec les ancres proprement dites.» (Cartault, ouvr. cité, p. 90.) Apollonios dit que la pierre qui compose lεὔνή étant trop faible, les Argonautes en choisissent une autre capable de plus de résistance.

V. 957. Artacié. — «C'est une source près de Cyzique dont font mention Alcée et Callimaque. » (Scol.) Strabon ne parle pas de la fontaine Artacié : il mentionne le mont Artacé, dans la fontaine Artacié : il mentionne le mont Artacé, dans la presqu'île de Cyzique (493, 39), une ville du même nom au même lieu (498, 45), et une île Artacé, près de Cyzique, en face de la montagne homonyme (493, 39). Homère (Odyss., X, v. 108) cite, dans le pays des Lestrygons, une source Artacié à laquelle Tibulle (ou, d'après l'édition Müller, IV, I, v. 59, un auctor incertus) fait allusion :

Incultos adiit Laestrygonas, Antiphatenque
Nobilis Artacie gelida quos irrigat unda.

V. 959. Nélée. — « Les Ioniens, qui avaient émigré d'Attique avec Nélée, fils de Codros, et qui étaient allés s'établir en Carie et en Phrygie, dociles à l'oracle d'Apollon, consacrèrent cette pierre à Athéné. » (Scol.) Ce Nélée fonda Érythra, d'après Hellanicos (Fragm. Histor. Graec., Didot, vol. I, p. 53).

V. 961. Tous les Dolions. — D'après le Scoliaste, on voit que l'épisode des Argonautes chez Cyzicos avait été raconté par Déilochos.

V. 963. Pour fixer dans le port de la ville les amarres du navire. — Dans ce port, il ne sera plus nécessaire d'amarrer le navire au moyen de la pierre de fond, comme dans le « port Calos » où les héros ont déjà abordé. Le port où les Dolions invitent les Argonautes à fixer les amarres de leur navire est fait de main d'hommes; il est sans doute muni de ces pierres percées, dont parle Homère (τρητοὶ λίθοι), et qui étaient destinées à recevoir les amarres. « Dans les ports véritables, habités par une population civilisée, vouée par métier à la navigation, on avait recours à l'art pour offrir un accostage facile aux vaisseaux. On y trouvait des digues et des jetées, cela n'est pas douteux; Homère en attribue aux Phéaciens.» (Vars, ouvr. cité, p. i52-i53.) Le nom même de Chytos (fortifié par des digues, par des jetées) prouve que le port des Dolions n'avait rien à envier à celui des Phaiaciens.

V. 966. Apollon qui préside aux débarquements. — « Déilochos dit que l'autel n'était pas dédié à Apollon qui préside aux débarquements, mais à Apollon Jasonien ; Socrate, dans son ouvrage sur les Dénominations, dit qu'il était dédié à Apollon de Cyzique. » (Scol.) Voir, pour Ἀπόλλων, Ἰασόνιος, L. Preller, Grieciesche Mythologie, dritte Auflage, Berlin, 1872, erster Band, note I de la page 208.

V. 976. Mérops. — « Cleité était la fille Mérops, Percosien de naissance, devin. Déilochos et Éphore racontent que Cyzicos l'épousa. » (Scol.) Une autre fille de Mérops, Arisbé, épousa Priant et en eut un fils, Aisacos, à qui son grand-père enseigna l'art d'interpréter les songes (Apollodore, III, 12, 5).

V. 987. Le port de Chytos... la route de Jason. — «Un port de l'île de Cyzique portait le nom de Chytos. Les Pélasges, dit Déilochos, essayèrent de le combler par haine contre les Thessaliens par qui ils avaient été repoussés. Apollonius dit poétiquement que c'est par les fils de Gaia qu'il fut comblé. » (Scol.) Le Scoliaste ne dit rien de la route de Jason; les géographes anciens ne parlent ni du port ni de la route. Merkel a heureusement corrigé en Χυτὸν λιμένα le texte des mss. et de la vulgate, χυτοῦ λιμένος, ce qui signifierait, comme traduit Lehrs : Navem fossi portas priore propulerunt e statione. Le poète veut dire, au contraire (voir la note au vers 966), que les Argonautes amenèrent leur navire du premier mouillage au port de Chytos.

V. 997. Un des travaux réservés à Héraclès. — Cette lutte avec les géants n'est pas au nombre des douze travaux consacrés par les mythographes (cf. Apollodore, II, 5; Decharme, Mythol., p. 517 et suiv.). Apollodore n'en parle pas davantage dans les travaux supplémentaires (πάρεργα) d'Héraclès ni dans le récit qu'il fait de l'expédition des Argonautes. Les vieillards thébains qui, dans l'Héraclès furieux d'Euripide, chantent les louanges du héros, n'en disent rien; pas plus que Valérius Flaccus, dans les derniers vers de son Chant II, consacré à la réception des Argonautes chez Cyzicos. Le Scoliaste rapporte qu'au dire de Polygnoste, auteur d'un ouvrage sur Cyzique, Héraclès eut affaire à des brigands; il rappelle aussi que Callimaque (Hymne à Artémis, v. 107) fait allusion à la lutte d'Héraclès et des géants.

V. 1003. Ainsi, lorsque... — La comparaison est toute fait exacte et convenable; le poète assimile les géants à des troncs d'arbres a cause de la disposition de leurs corps et de leur habitude de vivre dans les montagnes; il compare les héros à des bûcherons. Quant au vers, « afin que ces arbres, une fois humectés par les flots, se laissent pénétrer par les coins solides, » il s'explique par la proximité du rivage, et aussi parce que les charpentiers agissent ainsi pour s'éviter un travail trop considérable quand ils enfoncent les coins : de même les héros les avaient renversés pour que, désormais, l'ascension de la montagne fût sans dangers. » (Scol.)

V. 1005. A la voile. — Le grec a le pluriel λαίφεσσι. Mais on sait que le navire Argo n'avait qu'une seule voile, et M. Vars (ouvr. cité, p. 79) explique que le pluriel employé, même quand il est question d'une seule voile, vient de ce que, sur la largeur insuffisante des grandes voiles, on devait coudre plusieurs bandes ou laizes.

V. 1019. Pierre sacrée. — « C'est un euphémisme; car, par euphémisme, nous appelons beaux, sacrés, les plus grands des maux, comme les Érinyes, qu'on surnomme les Euménides; comme la maladie pestilentielle, appelée sacrée, dont Callimaque dit : C'est par un mensonge que nous l'appelons sacrée. » (Scol.)

V. 1024. L'armée Pélasgienne des Macriens. — «On les appelle aussi Macrônes, car ce sont des colons de l'île d'Eubée qui se nommait d'abord Macris. Les Macrônes étaient voisins des Dotions. Certains disent que les Macriens, qui étaient toujours en guerre avec les habitants de Cyzique, étaient un peuple des Bécheires. Ils étaient très exercés dans les travaux de la guerre, comme le racontent Philostéphane et Nymphodore qui ont écrit sur leur vie. Denys de Chalcis dit qu'on les a nommés Macrônes parce qu'ils étaient colons de l'île d'Eubée. D'autres disent qu'on les a nommés Macrônes parce qu'il y avait parmi eux beaucoup de macrocéphales... Il dit l'armée Pélasgienne des Macriens, car ce sont des colons des Eubéens, et l'île d'Eubée est voisine du Péloponnèse qui se nommait autrefois Pélasgis. » (Scol.) On sait que l'Eubée se nommait autrefois Macris (Strabon, 382, 6, cf. Argon., Ch. IV, note au vers 640). Nous ne connaissons pas les Macriens et nous ne pouvons affirmer s'ils viennent de l'île d'Eubée. Le Scoliaste les confond avec les Macrônes, peuple du Pont-Euxin, voisin de Trapézonte (Strabon, 470, 10), dont il sera question au Chant II (notes au vers 393 et 1242). ApoIIonios distingue nettement par les noms qu'il leur donne les deux peuplades des Macriens et des Macrônes. Scylax (Peripl., § 85, Geogr. Graec. Minor., Didot, vol. I, p. 63) donne aux Macrônes le nom de Macrocéphales. Voir les notes de l'édit. Didot à ce passage de Scylax.

V. 1037. A l'abri de tout malheur fâcheux. — Deilochos fait le récit du combat. Mais au sujet de la mort de Cyzicos et de l'ensemble du combat, il n'y a pas d'accord entre les historiens. Éphore dit que les Dolions, étant Pélasges et animés de dispositions hostiles contre les habitants de la Thessalie et de la Magnésie, parce que ceux-ci les avaient expulsés de leur pays, les attaquèrent. C'est dans son livre IXe qu'il écrit cela. ApoIIonios a suivi Oéilochos. Mais Callisthène, dans le livre Ier de son Périple, dit que c'est avec des intentions ennemies que les habitants de Cyzique attaquèrent de nuit les Argonautes. » (Scol.)

V. 1040. Téléclès,Mégabrontès... — « ApoIIonios a imaginé ces noms et ne les a pas pris dans l'histoire. C'est ce que dit lLucillus de Tarra. Quant à Cyzicos, les uns disent qu'il fut tué par les Dioscures, les autres par Jason. » (Scol.) — La plupart de ces noms ont d'ailleurs un sens : Téléclès = τῆλε, κλέος;, gloire au loin; — Mégabrontès = μεγάλη βροντή, grand tonnerre; — Sphodris = σφοδρός, impétueux; — Géphyros = γέφθρα, pont, etc.

V. 1059. Ils firent trois fois le tour du tombeau. — Cf. Iliade, XXIII, v. i3 et suiv.

V. 1061. La plaine herbeuse. — Le Scoliaste dit que Déilochos fait mention de cette plaine (il écrit Λειμώνιον avec une majuscule, comme s'il s'agissait non de l'épithète herbeux, mais d'un nom propre : la plaine Leimonienne) et du tombeau de Cyzicos.

V. 1063. Cleité. — « ApoIIonios dit que Cyzicos était nouvellement marié et sans enfants; Euphorion, dans Apollodore, qu'il était sur le point de se marier non à Cleité, fille de Mérops, mais à Larissa, fille de Piasos, laquelle ne souffrit aucun mal, mais fut emmenée par son père. Néanthès, dans ses Mythiques, est d'accord avec ApoIIonios. Oéilochos dit de Cleité qu'elle mourut de chagrin. ApoIIonios raconte que Cyzicos mourut sans enfants; Néanthès qu'il avait un fils nommé comme lui. » (Scol.)

V. 1068. Une source appelée Cleité. — Néanthès et Déilochos, au dire du Scoliaste, confirment l'existence à Cyzique de cette source dont les anciens géographes ne disent rien.

V. 1076. Les Ioniens. — « Il les appelle Ioniens parce qu'ils étaient venus de Milet en colonie : Nélée conduisit à Milet une colonie; et de Milet, longtemps après, on émigra à Cyzique. C'est pourquoi il donne aux Milésiens le nom d'Ioniens. » (Scol.) Pour Nélée, voir la note du vers 959.

V. 1082 La dernière partie de la nuit. — « Ils prenaient la dernière portion de sommeil sur la terre de Dolonie, car ils devaient ensuite se mettre en mer. » (Scol.) L'explication du Scoliaste ne semble pas exacte : il n'est pas dit qu'ils dussent s'embarquer, puisque rien encore ne prouve que la tempe te qui les arrête va cesser. Πύματον λάχος, c'est la dernière veille pendant laquelle Acastos et Mopsos sont de garde. Shaw, qui admet la leçon du cod. Laur., λέχος, traduit : in extremo lecto. Brunck remarque que cette expression se retrouve encore dans Apollonios (Ch. ΙΙΙ, v. 1340) et dans Moschos (Idylle II, v. 2); c'est, dit-il, la troisième veille de la nuit que l'on divise en trois parties à l'époque héroïque, et non en quatre. Dübner explique inexactement : per totam noctem.

V. 1086. La divinité qui l'envoyait. — Héra, selon Pindare, dans ses Péans, dit le Scoliaste.

V. 1089. En haut de la poupe (ἀφλάστοιο). — «  Apollonios, dans son , explique ἄφλαστον par ἀκροστόλιον. C'est une erreur, puisque l'ἀκροστόλιον est l'extrémité du στόλος. Or, on appelle στόλος la pièce de bois qui part de la πτυχή et qui traverse jusqu'à la proue. L'ἀκροστόλιον est donc l'ἄφταστον qui se trouve à la proue. Le poète l'entend aussi de la poupe quand il dit : Hector qui avait saisi le navire par la poupe ne le lâchait pas, tenant l'ἄφλαστον dans ses mains [lliad., XV, v. 7161.Par suite de la parenté du φ avec le θ, l'ἄφλαστον se dit ἄθλαστον par antiphrase, car il est fragile [εὔθλαστον]. L'ἄφλαστον est donc une poutre du côté de la poupe. » (Scol.) Il est impossible de se reconnaître dans cette juxtaposition de remarques incohérentes et contradictoires. M. Cartault (ouvr. cité, p. 82) propose bien une heureuse correction qui fait disparaître le non-sens de la phrase concernant le στόλος : « Or, on appelle στόλος la pièce de bois qui part de la πτυχή et qui partage l'avant en deux. » Mais il faudrait bien d'autres corrections pour mettre d'accord les diverses parties de la scolie. Toutefois, en se fondant sur des témoignages plus nets que ceux du Scoliaste d'Apollonios, M. Cartault a pu définir d'une manière précise le sens de ces divers mots techniques : « Nous pouvons conclure, dit-il, que les Grecs avaient deux mots distincts pour désigner les extrémités, souvent assez différentes de l'avant et de l'arrière de leurs navires. Ces termes techniques étaient ἄφλασσα pour l'arrière, ἀκροστόλια pour l'avant... Le στόλος, large à sa base et pointu à son extrémité, qu'on appelait l'ἀκροστόλιον, prenait naissance à la hauteur de la πτυχή, large bordage, qui portait le nom du navire. » (Cartault, ouvr. cité, p. 82-83.) Le mot ἄφλαστον est devenu en latin aplustre (Festus croyait qu'il fallait dire amplustra, « quia erant amplius quam essent necessaria usu »). Le mot aplustre, que le Thesaurus de Quicherat traduit par « ornements de navire qu'on suspendait au mât », ne se trouve pas à l'époque d'Auguste. Cicéron (dans ses poèmes) et Lucrèce, plus tard Lucain, Silius Italicus, Juvénal l'emploient.

V. 1110. Le port thrace. — Dübner explique bien : Idem portus, sed ostium ejus e regione Thraciae situm. Flangini paraphrase de même : al porto, che volto E' ver la Tracia. L'explication du Scoliaste ne me semble pas juste. « Il l'appelle le port thrace, parce que Cyzique se trouve aux confins de la Phrygie; or, la Bithynie touche à la Phrygie, et les habitants de la partie orientale de la Bithynie sont des Thraces. Ou bien ce nom vient de ce que les Thraces ont peuplé Cyzique. »

V. 1112. Les roches Macriades.— «Les Macrônes sont un peuple du Pont. » (Scol.) — Le Scoliaste les confond encore avec les Macriens (voir la note au vers 1024).

V. 1114. L'embouchure du Bosphore. — « Le Bosphore, passage étroit de la Propontide, ainsi nommé de ce qu'il fut traversé à la nage par une génisse, Io. » (Scol.) Il s'agit ici du Bosphore de Thrace, primitivement nommé le Bosphore de Mysie (Strabon, 484, 48).

V. 1115.. D'autre part. — « Il ne veut pas dire sur l'autre continent; car la Mysie et l'Aisépos sont en Asie; il veut dire dans l'autre pays, la Troade, où coule l'Aisépos, qui la sépare de la Mysie. » (Scol.) Sur l'Aisépos, voir la note du vers 940.

V. 1116. La ville et la plaine Népéienne d'Adrestéia. — C'est une contrée de la Mysie qui touche au Nord à l'Hellespont, et à l'Ouest à la Propontide (Strabon, 503, 11, sqq.). — « Cette plaine est voisine de Cyzique : Callimaque en fait mention dans l'Hécalé. Denys de Milet dit que c'est une plaine de Mysie; car le roi de Mysie, Olympos, épousa la fille de lasos, nommée Népéia, et s'établit dans cette plaine, qui s'appelle maintenant plaine de Népéia. Apollodore dit que cette plaine est en Phrygie. Callimaque, dans ses Commentaires, dit que c'est Némésis qui a occupe cette plaine. Il y a aussi une ville nommée Adrestéia du nom de son fondateur. Apollonios fait mention et de la ville et de la plaine. Homère cite la ville [Iliad., II, v. 828]. » (Scol.) La ville d'Adrastcia ou Adrestéia est ainsi nommée de son fondateur. Callisthène, d'après Strabon (503, 14), dit qu'Adrastéia prit son nom du roi Adrastos qui, le premier, éleva un temple à Némésis. C'était un petit roi de Mysie, fils de Mérops et frère d'Amphios, roi de Troade. — Dans cette légende du temple de Némésis élevé à Adrestéia, on trouve une preuve de la confusion ordinaire entre Némésis, déesse grecque, et Adrastée, divinité asiatique, originaire de Phrygie, qui s'associe à Némésis et n'est souvent qu'une de ses épithètes. (Voir Decharme, Mythol., p. 305.)

V. 1119. Un simulacre sacré. — Le mot que je traduis par simulacre (βρέτας, τὸ βροτῷ ἐοικός), un brétas, ce qui ressemble à un mortel, dit le Scoliaste) indique un antique ξοάνον, comme le Scoliaste lui-même le fait remarquer. « Euphorion dit à propos de cela que le xoanon de la mère des dieux est taillé dans un cep de vigne, parce que la vigne est, elle aussi, consacrée à Rhéa. » Pour les xoana, types primitifs de la statuaire archaïque, voir Collignon, Mythologie figurée de la Grèce, p. 14 et suiv.

V. 1122. Qui sont enracinés. — Au lieu du mot ἐρρίζωνται, leçon des mss. de Merkel, Brunck préfère ἐρρίζωντο, leçon d'un ms. de Paris : « Ἐρρίζωνται tueri quis possit, intelligendo poetam de his arboribus loqui, tamquam sua aetate adhuc vigentibus. » Ou, plus simplement, le poète se met à la place de ses héros, pour qui les chênes étaient les plus hauts de tous ceux enracinés dans la terre, au moment où le sacrifice se célébrait.

V. 1124. Couronnés de feuilles de chéne. — « C'est naturel ; car,suivant Apollodore, dans son livre 1II sur les dieux, le chene était consacré à Rhéa. » (Scol.)

V. 1125. La mère du Dindymos. — « Cybèle est essentiellement la déesse montagneuse, comme on l'appelait, celle qui trône sur les hauts sommets et dans les solitudes impénétrables des forêts. » (Decharme, Mythol., p. 365.)

V. 1126. Titias et Cyllénos. — « Il dit que ceux-ci sont les premiers des Dactyles Idaiens, les assesseurs de la mère des dieux. Il suit Maiandros d'après qui les Milésiens, quand ils vont faire un sacrifice à Rhéa, commencent par sacrifier à Titias et à Cyllénos : ce sont, parmi les Dactyles Idaiens, les conducteurs des destins et les assesseurs de la mère des dieux. Callistrate, dans son livre IIe de l'histoire d'Héraclée, dit de Titias : « C'est un héros indigène que les uns disent fils de Zeus, et les autres l'aîné des enfants de Mariandynos, fils de Cimmérios; grâce à lui, la nation s'est augmentée et fait encore des progrès en bonheur. » Promathidas, dans son ouvrage sur Héraclée, dit qui était ce Titias; Théophane le dit aussi. Il a été divinisé par les Mariandyniens. Qu'une Nymphe ait enfanté les Dactyles Idaiens en saisissant dans ses mains la terre Oiaxienne..., et que c'est parce qu'elle les a mis au monde entre ses propres mains qu'ils ont été nommés Dactyles, Apollonios l'a emprunté à Stésimbrote. Sophocle, dans son drame satyrique, les Kôphoi, les appelle Phrygiens. » (Scol.) La lacune de la fin de la citation de Stésimbrote en rend l'intelligence difficile. C. Muller (Fragm. Histor. Graec., Didot, vol. II, p. 56) explique ainsi : Haec ad eam narrationem spectant, ex qua Dactyli e iactu pulveris Nympharum digitis sparsi nati nominatique dicuntur. Callistrate confond le Dactyle Titias avec un homonyme, fils ou descendant de Mariandynos. Il sera question (Argon., Ch. II, v. 783) d'un Mariandynien nommé Titias, qui a lutté au pugilat avec Héraclès.

V. 1129. Les Dactyles Idaiens. — « On dit qu'ils étaient six et cinq, ceux de droite mâles, ceux de gauche femelles. Phérécyde dit que ceux de droite sont vingt, et ceux de gauche trente-deux. On dit qu'ils étaient enchanteurs, habiles dans la connaissance des poisons, et qu'ils furent les premiers à travailler le fer et les autres métaux. Ils étaient nommés Idaiens de leur mère Ida. Ceux de gauche, dit Phérécyde, étaient les enchanteurs; ceux de droite détruisaient les enchantements. Hellanicos dit qu'ils furent nommés Dactyles Idaiens, parce que, s'étant rencontrés avec Rhéa dans les cavernes de l'Ida, ils accueillirent bien la déesse et lui touchèrent les doigts. Mnaséas, dans le livre I de son ouvrage sur l'Asie, dit qu'ils s'appelaient Dactyles Idaiens de leur père Dactylos et de leur mère Ida. Voici comment s'exprime l'auteur de la Phoronide : Là, ces enchanteurs Phrygiens de l'Ida, hommes montagnards, avaient leurs demeures. C'étaient Celmis, le grand Damnaméneus et le puissant Acmon, serviteurs aux mains habiles d'Adrestéia, déesse des montagnes; eux qui les premiers ont découvert dans les vallons, entre les monts, l'art d'Héphaistos aux nombreuses pensées, le fer bleuâtre, eux qui l'ont mis sur le feu et qui ont montré des œuvres remarquables. » (Scol.) La Phoronide était un poème consacré à Phoroneus, personnage adoré en Argolide comme un génie du feu (Pausanias, II, 19, 5). — Pour les Dactyles, voir Pausanias (V, 7, 6), Diodore de Sicile (V, 64), Pline (N. H., VII, 197) et surtout Strabon.

V. 1131. — La terre Oiaxienne. — La terre de Crète est ainsi nommée du fleuve crétois, l'Oaxe, mentionné par Virgile (Ecl. I,. v. 65):

Pars Scythiam et rapidum Cretae veniemus Oaxen.

A propos de ce vers, Servius cite ce passage de la traduction des Argonautiques, par Varron de l'Atax :

Quos magno Anchiale partus adducta dolore,
Et geminis capiens tellurem Oaxida palmis.

Xénion (Histor. Graec. Fragm., Didot, vol. IV, fragm. 10) cite une ville de Crète nommée Oaxos. — « C'est l'habitude des femmes, dans les douleurs de l'enfantement, de saisir les objets à leur portée, en y cherchant un allégement à leurs souffrances. C'est ainsi que Létô tenait le palmier de Délos. » (Scol.)

V. 1135. Tournoyaient. — Merkel admet la leçon de l'Etymol. M., εἱλίσσοντοc, leçon qui semblait déjà la seule bonne à Ruhnken, au lieu du mot ὠρχήσατο qui se lit dans tous les mss.

V. 1141. Accessible aux prières (ἀνταίη). — Le Scoliaste voit dans ce mot une épithète ordinaire de Rhéa, parce que la déesse vint à la rencontre des Telchines (ἐνατία); d'autres, dit-il, admettent que ἀνταίη est un synonyme de εὐλιτάνευτος (facile à apaiser par des prières) et de εὐάντητος (que l'on rencontre avec plaisir). Le Scoliaste confond les Telchines avec les Dactyles; Hellanicos (voir la note au vers 1129) a parlé de la rencontre des Dactyles avec Rhéa. Un hymne orphique est adressé à la Μήτηρ Ἀνταίη.

V. 1156. Les rameurs. — Voir la note aux vers 913 et 922.

V. 1165. Le fleuve Rhyndacos. — C'est un fleuve de Mysie (Strabon, 492, 39). — La Phrygie, dont il est ici question, est cette partie de la Phrygie qui côtoie la mer et se nomme Phrygie sur l'Hellespont; elle s'étend sur la Propontide jusqu'au fleuve Rhyndacos, et est séparée par la Mysie de la Phrygie proprement dite, qui est située à l'intérieur des terres et se divise en grande et en petite Phrygie.

Aigaion. — On diffère d'opinion sur l'identité de ce personnage. Une scolie dit que c'était un héros mysien ; mais les autres reconnaissent en lui ce géant de la mer que Thétis (Iliad., I, v. 404) appelle au secours de Zeus en lutte avec Héra, et qui est nommé Briareus par les dieux et Aigaion par les hommes. Le Scoliaste dit que sa légende a été traitée par Δémétrios de Cnide. Il ajoute : « Conon, dans son Héracléide, dit qu'Aigaiôn, vaincu par Poséidon, fut jeté à la mer à l'endroit appelé par Apollonios le tombeau d'Aigaiôn; il le nomme aussi Briareus... Hésiode le dit fils d'Ouranos et de Gaia. Il dit que Briareus, Aigaion et Gyès sont le même personnage. Eumélos, dans sa Titanomachie, dit qu'il était fils de Gaia et de Pontos; il habitait la mer et fut allié des Titans. Ion, dans son Dithyrambe, dit qu'il était fils de Thalassé et que Thétis le fit venir de la mer pour secourir Zeus; d'autres disent que c'était un monstre marin. Voici quel est le mythe d'Aigaiôn : s'étant enfui de l'Eubée, il vint en Phrygie où il mourut. C'était un géant. Tel est le récit de Lucillus de Tarra. « (Scol.) Les scolies rapportent encore une tradition suivant laquelle le nom de la mer Égée viendrait de celui de ce géant. Voir, pour les origines
du nom de la mer Égée, la note au vers 831.

V. 1168. Héraclès brisa sa rame au milieu. — « Quelquefois, sous l'action du rameur d'une part et sous l'effort du flot de l'autre, l'aviron se brisait par le milieu. C'est précisément d'un accident pareil qu'Héra klès est victime dans les Argonautiques. » (Cartault, ouvr. cité, p. 161.)

V. 1177. La terre Cianide. — C'est le territoire d'une ville de la Bithynie, sur la côte, auprès du mont Arganthonéios et de l'embouchure d'un fleuve, appelé Cios, comme la ville. Strabon rappelle que la disparition d'Hylas eut lieu en cet endroit (481, 48}. —  « La terre Cianide est une périphrase pour Cios. C'est une ville de Mysie, ainsi nommée de Cios, chef d'une colonie de Milésiens, comme le raconte Aristote dans sa Constitution de Cios. Cios fut occupée d'abord par les Mysiens, puis par les Cariens, en troisième lieu par les Milésiens. Il y a un fleuve du même nom qui baigne la Mysie; Scylax de Caryanda en fait mention [Peripl., § 93]. » (Scol.) D'après Strabon (482, 52), Cios, fils d'Olympos, était un compagnon d'Héraclès; c'est à son retour de Colchide qu'il fonda la ville qu'il nomma de son nom, et qui, plus tard, fut appelée Pruses. D'autre part, Glaucos annonce aux héros (Argon., Ch. I, v. 1347i) que Polyphémos doit fonder une ville illustre chez les Mysiens, à l'embouchure du fleuve Cios. Cette ville, qui portera le nom du fleuve qui la baigne (Argon., Ch. I, v. 1347), sera Cios. l.e Scoliaste dit en effet (note au vers 1470 du Chant IV) :  « Polyphémos, laissé en Mysie, fonda la ville de Cios, ainsi nommée du fleuve qui la baigne. Il mourut en combattant contre les Chalybes, au dire de Nymphodore. Charax dit, au livre I de ses Chroniques, qu'il a fondé Cios. » Pour Apollonios, Polyphémos est le fondateur de Cios. La terre Cianide, au moment où les Argonautes y arrivent, tire son nom du fleuve Cios et non pas de la ville qui n'existe pas encore.

V. 1184. D'autres faisaient tourner... — Le sens de ce vers est éclairci par le Scoliaste :  « Ils faisaient tourner, ils frottaient les uns contre les autres les morceaux de bois et en faisaient jaillir le feu. Le poète appelle πυρήια ces morceaux de bois, frottés les uns contre les autres pour faire naître le feu; l'un de ces morceaux est étendu à plat, on l'appelle στορεύς [mot que le Dictionnaire grec d'Alexandre interprète ainsi : morceau de bois dans lequel on en tourne un autre pour qu'il prenne feu]; l'autre a quelque rapport avec une tarière, c'est lui qu'on fait tourner dans le στορεύς. »

V. 1196. De sa massue consolidée d'un cercle d'airain. — « Pisandre dit que la massue d'Héraclès est en airain.» (Scol.) On sait combien l'Héracleide de Pisandre a contribué à constituer la légende d'Héraclès (voir E. des Essarts, Du Type d'Hercule dans la littérature grecque, Paris, 1871, p. 35 et suiv.). D'après Strabon (587, 14), c'est Pisandre, ou quelque autre auteur d'Héracléide, qui aurait le premier attribué à Héraclès la massue et la peau de lion. « C'est un poète rhodien du viie siècle, Pisandre de Camiros, qui, dans son Hérakléide, retrace, le premier, l'énergique figure d'Héraklès, telle qu'elle est connue par les monuments de l'art grec archaïque, et donne pour attributs au héros la massue et la peau de lion.» (Collignon, Mythologie figurée de la Grèce, p. 332.)

V. 1204. Avec ses coins eux-mêmes. — « Les coins qui, places autour de l'ἱστοδόκη assurent le mât. La comparaison est, en tout, convenable et solide; car il assimile au mât le sapin, à cause de sa belle venue et de son élévation en ligne droite : il se dresse comme un mât . L'attaque véhémente du héros se compare à la tempête, sa force est comparable au vent véhément; avec ses coins eux-mêmes, à cause des mottes de terre qui entourent la racine du sapin. Car ces mottes entourent l'arbre comme les coins entourent le mât, que les cordes par leur tension retenaient comme des πρότονοι. » (Scol.) M. Cartault (ouvr. cité, p. 209) corrige la dernière phrase, et lit : οἱ δὲ πρότονοι τόνων δίκην... Il ajoute : «Les πρότονοι étaient destinés à maintenir le mât par devant. Le Scoliaste d'Apollonius de Rhodes explique qu'ils tiennent le mât par en haut, comme les coins introduits dans la carlingue le fixent par en bas. » Cf. p. 174 : « Tandis que le corps du mât est arrondi, le pied est taillé rectangulairement pour s'adapter à la carlingue, et comme l'adhérence entre le mât et la carlingue ne serait pas suffisante pour rendre la construction inébranlable, on la renforce par des coins qu'on introduit violemment dans l'espace resté libre. » Voir pour l'ἱστοδόκη et les πρότονοι les notes aux vers 563 et 664. Quant aux σφῆνες ou coins, dont il n'est pas question dans le navire homérique, M. Vars donne à leur sujet (ouvr. cite, p. 63) les renseignements suivants: « De chaque côté [du mât], et presque à le toucher, on fixait des montants sur le pont. Entre les montants et le mât on enfonçait des coins (on coinçait le mât). Montants et coins se nommaient σφῆνες. L'ouverture ménagée dans le pont (aujourd'hui étambrai) pour le passage du mât s'appelait ἡ ἱστοδόκη. »

V. 1207. — Voici cette fameuse légende d'Hylas, racontée par beaucoup d'auteurs dont les écrits, aujourd'hui perdus, sont cités par le Scoliaste, popularisée par Apollonios et Théocrite (Idyll., XIII), si rebattue à Rome, au temps de Virgile : « Cui non dictas Hylas puer? » Properce (I, xx) traite à son tour l'histoire d'Hylas et l'imitateur d'Apollonios, Valérius Flaccus, ne peut se dispenser d'y revenir (III, v. 545, sqq.), en même temps que Juvénal (I, v. 164) y fait allusion :

Aut multum quaesitus Hylas, urnamque secutus.

L'histoire d'Hylas a passé aussi en France où, entre autres, Parny (la Journée champêtre, dans l'édition Lemaire de Properce) et André Chénier (Églogue XI, p. 59, Ier vol., édit. Lemerre, avec notes de Gabriel de Chénier) la racontent, le premier d'après Properce, le second d'après les Grecs directement imités. L'enlèvement d'Hylas par les Nymphes est le symbole du charme irrésistible et de l'attraction exercée par les eaux profondes sur celui qui, après les avoir longtemps contemplées, finit par s'y précipiter. Mais Hylas n'est pas seulement un enfant victime du charme fatal des eaux : les fêtes asiatiques, célébrées en son honneur, montrent que, comme Adonis et Hyacinthe, il est l'image de la fraîche végétation du printemps, si vite flétrie. (Voir Decharme, Mythol., p. 354.)

Le Scoliaste donne sur Hylas de nombreux renseignements qui montrent combien d'auteurs grecs s'en étaient occupés : dit qu'Hylas était fils de Théiodumas, Hellanicos de Théioménès. Anticléidès, dans ses Déliaques, a raconté non qu'Hylas était tombé dans une fontaine, mais que ce fut Hyllos, et qu'on ne le retrouva plus. Il y eut beaucoup de gens aimés par Héraclès : Hylas, Philoctète, Diomos, Périthoas et Phrix, qui donna son nom à une ville de Libye. Socrate, dans son livre à Eidothcos, dit qu'Hylas était aimé de Polyphémos et non d'Héraclès. Onasos, dans le livre I de ses Amazoniques, donne a cette histoire une apparence plus vraisemblable, en disant qu'il ne fut pas ravi par les Nymphes, mais qu'ayant été entraîne dans la source il mourut ainsi. » Le Scoliaste raconte plus loin (note au vers 1212) dans quelles circonstances Héraclès tua Théiodamas : « Le héros se trouvait chez les Dryopes avec son fils Hyllos, qui mourait de faim; son pédagogue Lichas l'avait abandonné. Héraclès demanda à Théiodamas un peu de nourriture qui lui fut refusée. Héraclès, saisi de colère, lui arracha un de ses bœufs, l'immola et s'en régala. Mais Théiodamas rentra dans sa ville et fit une expédition contre Héraclès; il le réduisit, dit-on, à une telle extrémité qu'Héraclès arma sa femme Déianeira qui, dans ces combats, fut blessée au sein. Cependant, il fut vainqueur et tua Théiodamas dont il prit auprès de lui le fils Hylas. Quant au peuple, à cause de ses habitudes de brigandage, il le fit émigrer tout entier auprès de la ville thessalienne de Trachine, voisine du mont Œta, près des frontières de Phocide. C'était pour que, mêlés à beaucoup d'autres hommes, ils perdissent leurs mœurs de brigands [cf. Strabon, 321, 9; 372, 46]. Callimaque fait mention de ces faits. Phérécyde, dans son livre IIe dit que le fleuve Pénée, uni à Polydora, fille de Danaos, eut d'elle Dryops de qui ont tiré leur nom les Dryopes qui habitent auprès du fleuve Sperchios. » Dans sa note au vers 1218, le Scoliaste cite une autre tradition : «  Les Dryopes sont un peuple injuste, voisin du Parnasse, qu'Héraclès vainquit et transporta dans le Péloponnèse. Ils se nommaient ainsi de Dryops, fils d'Apollon, et de Dia, fille de Lycaon. »

V. 1216. Victime de la fatalité. —Je traduis suivant la correction de Merkel qui a changé en ἄτῃ la leçon ordinaire ἀνίῃ (souffrance) qui blessait le sens de la phrase et la prosodie, et que Dübner essayait d'expliquer ainsi : Est tristis, aeger, ut fere omnes arantes finguntur.

V. 1222. Les Sources. — Le Scoliaste ne dit rien de ces Sources; il remarque seulement que le nom commun devient ici un nom propre. Dans la pièce qu'il consacre à Hylas (I, xx, v. 33), Properce transcrit sans le traduire en latin le mot Πηγαί qui devient Pegae.

V. 1236. Aussitôt, la Nymphe... — « Théocrite, dans celle de ses Bucoliques qui est intitulée Hylas, dit qu'il fut ravi par toutes les Nymphes. Onasos, dans le livre Ier de ses Amazoniques, dit qu'Hylas tomba et s'enfonça. Nicandre, dans le livre IIe des Heteroioumena (Métamorphoses), dit qu'il fut ravi par toutes les Nymphes; Apollonios, par une seule. » (Scol.)

V. 1240. Polyphémos Eilatide. — « On écrit aussi Eilaside, car, suivant certains auteurs, Polyphémos est fils d'Élasos; suivant certains autres, de Poseidon. Polyphémos eut pour femme Laonomé, soeur d'Héraclès, et fille d'Amphitryon et d'Alcmène. » (Scol.) Voir la note au vers 40. – Je ne trouve aucun auteur qui dise Polyphémos fils d'Elasos. On ne connaît guère, d'ailleurs, qu'un seul Élasos, Troyen obscur, tué par Patrocle (Ilad., XVI, v. 696).

V. 1248. Tel l'Eilatide... — « La comparaison est en tout juste et exacte. Le poète assimile Hylas aux moutons bêlants, à cause de sa jeunesse et de la délicatesse de son corps. Il compare Polyphémos à une bite féroce qui a entendu et qui se hâte, à cause de la force naturelle du héros. La faim le rend ardent : lui aussi, il se précipite avec ardeur vers l'enfant. Ces mots : Il ne s'est pas emparé des troupeaux, sont justifiés par l'événement. Car la Nymphe s'est emparée de l'enfant avant l'arrivée de Polyphémos et le secours qu'il aurait porté. » (Scol.)

V. 1265. Par un taon (μύωπι). « Le myops est une sorte de mouche qui paraît au printemps; cet insecte s'établit sur le blanc de l'oeil des boeufs qu'il affole par ses morsures, d'où le nom d'oistros qu'on lui a donné [οἶστρος de οἴσω, futur de φέρω ; idée de transport]. Sostrate, dans le livre IV de son ouvrage sur les animaux, distingue le myops de l'oistros : car le myops naît du bois, et l'oistros des animalcules qui nagent dans les fleuves.» (Scot.) Virgile, qui emploie le mot oestrus (Georg., III, v. 148), dit que c'est le second terme que les Grecs ont employé pour désigner cet insecte. Cf. l'explication de Nigidius Figulus : Asilus apud Graecos μύωψ vocabatur, postea magnitudine incommodi οἶστρον appellarunt. Le terme méme d'asilus dont Virgile se sert devint assez vite suranné et fut remplacé par celui de tabanus, d'où le français taon. Servius (ad Georg., I, v. 148) croit que le mot οἶστρος ; est une onomatopée : Oestrum Graii vertere vocantes; vertere ex soni similitudine, onomatopeiam fecere. Voir la note de l'édition Benoist à ce vers des Géorgiques.

V. 1270. Ainsi Héraclès. — « La comparaison est exacte en tout. Le poète assimile Héraclès au taureau qui souffre, à cause de l'impétuosité du héros. Le taon qui s'attache à lui, c'est son angoisse à rechercher Hylas; il en souffre comme d'un taon. Il abandonne les prairies et les marais : c'est le navire et la réunion de ses compagnons. Il ne pense plus aux bergers ni aux troupeaux : car il oublie Jason, chef de l'expédition, et les autres héros. Tantôt il va sans repos : c'est que tantôt il court jusqu'à être fatigué, tantôt il s'arrête. Il pousse un mugissement : c'est que lui aussi criait parfois en appelant Hylas. » (Scol.)

V. 1276. Ayant tiré à eux sur le navire les pierres de fond. — « Ayant retiré les ancres et dégagé le navire du mouillage. Éphore est ridicule, lui qui croit qu'Anacharsis le premier a inventé l'ancre à deux bras. Les Argonautes sont plus anciens qu'Anacharsis. » (Scol.) Il a déjà été dit (note au vers 955) que l'érudit Apollonios ne donne à ses Argonautes que l'antique εὐνή ou pierre de fond. Nous ne savons pas si c'est Anacharsis qui a inventé l'ancre à deux bras. En tous cas, la raillerie que le Scoliaste dirige contre Éphore tombe à faux. Voici comment M. Vars (ouvr. cité, p. 147) explique la manoeuvre des Argonautes : « Le vers suivant d'Apollonius de Rhodes (Ι, 1227 [sic pour 1277]), ils levèrent la pierre-amarre en halant les câbles sur l'arrière, peut s'expliquer de la manière suivante : à l'époque où les cabestans étaient inconnus, on soulevait l'ancre ou la pierre de fond en halant le câble de l'avant à l'arrière. Par suite de la traction exercée par l'équipage, le navire arrivait d'abord au-dessus de la place occupée par l'ancre. Il était alors à pic. A ce moment, le bras de l'ancre lâchait prise, dérapait.

V. 1279. Le cap Posidéios. — C'est un cap de la Bithynie méridionale, aujourd'hui le Bos-Burun, selon Mannert.

V. 1289. Télamon, saisi de colère. — «Car il était l'ami intime d'Héraclès; il combattit avec lui dans beaucoup d'expéditions, navigua avec lui contre Ilion, guerroya avec lui contre les Amazones et tua Alcyoneus, comme le raconte Pindare [Nem., IV, v. 27; Isthm., V, v. 33; cf. Decharme, Mythol., p. 528]. Le poète bucolique dit simplement qu'ils étaient amis, eux qui partageaient toujours en compagnons la même table [Théocrite, XIII, v. 38], Apollonios affirme donc qu'Héraclès, s'étant avancé dans les terres à la recherche d'Hylas, fut abandonné aux environs de Cios. Denys de Mitylène dit que le héros navigua avec les guerriers jusqu'au pays des Colchiens et aida Jason dans toutes les conjonctures concernant Médée. Démarate dit la même chose; Hérodore dit, au contraire, que lui et quelques autres ne suivirent pas l'expédition jusqu'au bout. Hésiode, dans les Noces de Céyx, dit qu'Héraclès, débarque en Magnésie pour chercher de l'eau, fut abandonné à l'endroit appelé Aphetai, à cause de sa séparation (ἄγεσις) d'avec les héros effectuée en ce lieu [voir, v. 591, le même mot, Ἀφέται, Ἀργοῦς]. Antimaque, dans son poème de Lydé, dit qu'Héraclès fut mis à terre, parce que le navire Argo était surchargé par le poids du héros. Poséidippos, l'épigrammatiste, et Phérécyde ont suivi Hésiode. Éphore, dans son livre V, dit qu'il fut laissé, de son plein gré, auprès d'Omphale, reine de Lydie [cf. Apollodore, I, 9, 19]. Suivant une tradition qui lui est particulière, Anticléidès, au livre IIe des Déliaques, dit qu'Hyllos, fils d'Héraclès, étant descendu à terre pour rechercher de l'eau, ne revint plus [voir la note au vers 1207]. » (Scol.)

V. 1300. Les fils du Thrace Borée. — «Héraclès les tua plus tard, les ayant rencontrés dans l'île de Ténos, voisine de Délos. Ainésidamos, dans ses Teniaques, dit qu'ils avaient tendu des embûches à leur hôte Héraclès et voulu le tuer. » (Scol.)

V. 1304. Aux funérailles de Pélias. — « Apollonios dit qu'Héraclès tua les Boréades, parce qu'ils avaient empêché le navire de revenir en Mysie. Sémos dit que ce fut parce que Héraclès avait été vaincu à la course par les Boréades; Stésimbrote, à cause des différends qu'ils curent avec Héraclès, au sujet des présents donnés par Jason aux héros. Nicandre de Colophon, au livre I" de ses Oitaiques [l'Oitaia, petit pays de Thessalie, cf. Strabon, 372, 44], dit que Borée fut la cause de leur mort, après les avoir avertis: car il avait arrêté par des tempêtes Héraclès qui retournait à Cos.» (Scol.) Voir Apollodore, III, 15, 2. La victoire d'Héraclès, héros solaire, sur les fils du vent du Nord a évidemment un sens symbolique.

V. 1309. Et ces choses... — « Ce vers est de Callimaque. » (Scol.)

V. 1310. Glaucos. — «  Glaucos, fils de Polybos, d'Anthédon, ville de Béotie, pêcheur de profession, un jour qu'il avait pris un grand nombre de poissons, fatigué au milieu de la route, déposa le panier qui les contenait. L'un d'eux, ayant mangé une plante qui donne l'immortalité, revint à la vie. Glaucos aussi, en ayant pris et mangé, devint dieu. Plus tard, parvenu à une extrême vieillesse, et la supportant mal, il se jeta à la mer et fut honoré comme un dieu marin. C'est de lui, dit-on, que vient le nom du poisson glaucos. » (Scol.) — Strabon (347, 53) cite une autre tradition, d'après laquelle Glaucos fut transformé en cétacé. Dans Ovide (Metam., XIII, v. 904, sqq.), Glaucos raconte comment il est devenu dieu de la mer après avoir mangé de l'herbe magique, à l'imitation des poissons qu'il avait pris. Ausone (Mosell., v. 276, sqq.) reprend et résume le récit d'Ovide. Voir Decharme, Mythol., p. 316.

V. 1314. Les flancs du navire. — « On appelle ainsi (ὁλκαῖον) la partie du navire que l'on tire, pour le descendre à la mer.» (Scol.) M. Vars pense que ce mot correspond à l'êtambot, « pièce de construction de même largeur que la quille, qui s'élève selon le plan diamétral du navire sur l'extrémité arrière de celle-ci. .. C'est sur l'étambot que s'édifient l'arcasse et la poupe. » (Dictionn. de Bonnefoux et Paris.) Cf. Vars, ouvr. cité, p. 39: « Aucun terme ne désigne l'étambot dans les grammairiens; mais dans Apollonius de Rhodes il apparaît sous le nom de ὁλκαῖον ou ὁλκεῖον. L'explication de la scolie ne peut s'appliquer qu'à l'étambot. » Dans Apollonios, je ne trouve nulle part la forme ὁλκεῖον. on lit (Ch. IV, v. 1609) ὁλκήιον, et le Scoliaste explique ainsi le sens de ce mot : « C'est une pièce de bois, dans les parties inférieures du bâtiment et dans le prolongement de la quille; c'est par cette pièce qu'on tire le navire à la mer; et c'est elle qu'on fixe la première à terre quand on le ramène. »

V. 1323. Les Chalybes. — C'est un peuple de Scythie (Strabon, 470, 30). Voir les notes aux vers 373 et 1001 du Chant II. Le Scoliaste dit que Polyphémos mourut en combattant contre eux. C'est la ville de Cios, à l'embouchure du Cios (voir la note au vers 1 177) que Polyphémos devait fonder.

V. 1356. Trachine. — C'est une ville de Thessalie (Strabon, 367, 42), au pied du mont Œta.

V. 1361. Ils y abordèrent à la rame.— Voir la note au vers 608.

 

(02) Je cite l'Histoire Naturelle de Pline d'après l'édition de L. Janus (Leipzig, 2e édit., 1870 et années suiv.).

(03) Je cite Apollodore d'après l'édition de R. Hercher, Berlin, 1874.

(04) Je cite toujours les Scholia in Apollonii Argonautica ex recensione Henrrici Keilii, qui se trouvent à la suite de l'edition maior de Merkel, Leipzig, 1854. — (Maigrè l'étymologie, j'écris suivant l'usage français, scoliaste. Voir le Dictionnaire de Littré.)

(05) Je cite Valérius Flaccus d'après l'édition de Thilo, Halle, 1863. — Pour Astérion et pour tous les Argonautes, voir Burmann, Calalogus Argonautarum et Argonauticis (Valerii Flacci) et aliis scriptoribus collecus, à la fin du tome II du Valerius Flaccus de l'édition Lemaire.

(06) Le Scoliaste nous fait défaut entre les vers 32, et 401 (hors une observation insignifiante, et d'ailleurs additionnelle, ayant trait au vers 354.)