RETOUR À L’ENTRÉE DU SITE ALLER à LA TABLE DES MATIÈRES DE FRONTON

FRONTON

 

LETTRES

LETTRES DE M. C. FRONTO

A M. CAESAR,

ET DE M. CAESAR A M. C. FRONTO

LIVRE PREMIER

 

Oeuvre numérisée et mise en page par Thierry Vebr

 

 

M. CORNELII FRONTONIS

EPISTULAE

AD M. CAESAREM

ET INVICEM

LETTRES DE M. C. FRONTO

A M. CAESAR,

ET DE M. CAESAR A M. C. FRONTO

LIVRE PREMIER
 

EPISTOLA I

M. Caesar Frontoni magistro suo salutem.

Accipe nunc tu (perpaucu)la contra somnum ad tua pro somno. Quamquam, puto, praevaricor, qui adsidue diei ac noctis somno adsum, neque eum desero, neque (ille me) deserat ; adeo sumus familiares ! Sed cupio hac sua accusatione offensus, paulisper a me abscedat, et lucubratiunculae aliquam tandem facultatem tribuat. Igitur ἐπιχειρήματα (ποικί)λα ; et quidem illo primo utar epichiremate. Quod si tu dicas faciliorem me materiam mihi ad(sumps)isse accusandi somni, quam te, qui laudaveris somnum; quis enim, inquis, non facile somnum accusaverit? igit(ur cuj)us facilis accusatio (est, indeque) difficilis laudatio, ejus non utilis usurpatio. Sed hoc transeo. Nunc quando aput Baias agimus in hoc diuturno Ulixi labyrintho, ab Ulixe me paucula, quae ad hanc rem attinent sumam. Non enim ille profecto εἰκοστῷ demum ἔτει venisset εἰς πατρίδα γαῖαν, neque in isto lacu tam diu oberrasset, neque alia omnia, Ὀδυσσείαν faciunt perpessus esset, nisi

Γλυκὺς ὕπνος ἐπήλυθε κεκμηῶτα.

Quamquam

Τῇ δ' ἤδη δεκάτῃ ἀνεφαίνετο πατρὶς ἄρουρα.

Sed quid somnus fecit?

Βουλὴ δὲ κακὴ νείκησεν ἑταίρων·
Ἀσκὸν μὲν λῦσαν, ἄνεμοι δ᾽ ἐκ πάντες ὄρουσαν,
Τοὺς δ᾽ αἶψ᾽ ἁρπάξασα φέρεν πόντονδε θύελλα
Κλαίοντας, γαίης ἄπο πατρίδος.

Quid rursum apud insulam Trinacriam?

Οἱ δ᾽ ἄρα μοι γλυκὺν ὕπνον ἐπὶ βλεφάροισιν ἔχευαν.
Εὐρύλοχος δ᾽ ἑτάροισι κακῆς ἐξήρχετο βουλῆς.

Postea ubi

Ἠελίοιο βόας καὶ ἴφια μῆλα
Ἔσφαξαν καὶ ἔδειραν
Καὶ μῆρ᾽ ἐκάη καὶ σπλάγχν᾿ ἐπάσαντο·

Quid tum expergitus Ulixes?

Οἰμώξας δὲ θεοῖσι μετ᾽ ἀθανάτοισι ἐγώνουν.
Ἦ με μάλ᾽ εἰς ἄτην κοιμήσατε νηλέι ὕπνῳ.

Somnus autem Ulixen ne patriam quidem suam diu agnosceret sivit, cujus

Καὶ καπνὸν ἀποθρῴσκοντα νοῆσαι
Ἧς γαίης θανέειν εἰμείρετο.

 Nunc a Laertio ad Atridam transeo. Nam illud πασεύνῃ, quod eum decepit, cujus causa tot legiones funduntur, fugantur, ex somno et ex somnio profecto oritur. Quid quom ὁ ποιητὴς Agamemnonem laudat, quid ait?

νθ᾽ οὐκ ἂν βρίζοντα ἴδοις Ἀγαμέμνονα δῖον.

Quid quom reprehendit?

Οὐ χρὴ παννύχιον εὕδειν βουληφόρον ἄνδρα.

Quos quidem versus orator egregius mire quondam evertit. Transeo nunc ad Q. Ennium nostrum, quem tu ais ex somno et somnio initium sibi fecisse. Sed profecto nisi ex somno suscitatus esset, numquam somnium suum narrasset. Hinc ad Hesiodum pastorem, quem dormientem poetam ais factum. At enim ego memini olim apud magistrum me legere:

Ποιμένι μῆλα νέμοντι παρ᾿ ἴχνιον ὀξέος ἵππου
Ἡσιόδῳ Μουσέων ἑσμὸς ὅτ᾿ ἠντίασεν.

Τὸ ‘ὅτ᾿ ἠντίασεν vides quale sit, scilicet ambulanti obviam venisse Musas. Quid autem tu de eo existimas, quem qui pulcherrime laudat, quid ait?

Νήδυμος ἥδιστος θανάτῳ ἄγχιστα ἐοικώς.

Haec satius tui amore potius quam mei fiducia luserim. Nunc bene accusato somno dormitum eo, nam vespera haec detexui. Orione mihi somnus gratiam referat.

LETTRE I

M. CAESAR A FRONTO SON MAITRE, SALUT

Reçois aujourd'hui, contre le sommeil, cette courte réponse à ton éloge du sommeil. Toutefois, j'y pense, pour moi c'est peut-être prévariquer ; pour moi, qui fais une cour si assidue au sommeil de la nuit et du jour, et qui ne l'abandonne pas plus qu'il ne m'abandonne lui-même ; tant nous sommes bien ensemble ! Mais je désire qu'offensé de cette accusation contre lui, il s'éloigne un peu de moi, qu'il me permette du moins une courte veillée. J'ai bien des arguments, et voici le premier : tu vas me dire qu'en accusant le sommeil j'ai pris un sujet plus facile que toi qui fais son apologie ; mais parce que dans un sujet l'accusation est facile et l'apologie difficile, s'en suivra-t-il qu'on ne doive pas l'aborder ? Mais je laisse cela. Maintenant que nous sommes à Baies, dans cet éternel labyrinthe d'Ulyssès, j'emprunterai à Ulyssès quelques mots qui reviennent au fond de mon sujet. Car sans doute il aurait revu, avant la vingtième année, la terre de la patrie ; il n'aurait pas erré si longtemps dans ce lac, il n'aurait pas essuyé toutes ces traverses qui font une Odyssée, si

Le sommeil mollement n'eût vaincu ses fatigues.

Et pourtant :

A la dixième aurore apparut la patrie.

Mais que fit le sommeil ?

Hélas ! des compagnons les avis triomphèrent !
De l'outre aux flancs brisés tous les vents s'échappèrent.
Eux, ils fuyaient, battus par l'orage et les flots,
Pleurant, et loin d'Ithaque.

Et ensuite, qu'arrive-t-il dans l'île de Trinacria ?

Les dieux sur ma paupière épanchent le sommeil :
D'Eurylochus alors le funeste conseil
Vint de mes compagnons égarer la faiblesse.

Puis, après que

Et des bœufs du soleil et des grasses brebis
Ils eurent arraché les dépouilles sanglantes,
Rôti les chairs, mangé les entrailles brûlantes,

Que fit Ulyssès éveillé ?

Et je pleurai : C'est vous, m'écriai-je, grands dieux !
Qui d'un cruel sommeil avez chargé mes yeux ;
Vos funestes présents me coûtent bien des larmes.

Or le sommeil ne permit pas qu'Ulyssès reconnût de longtemps, même sa patrie, et pût

Voir de son vieux foyer s'échapper la fumée …
Il voudrait retrouver ses champs pour y mourir.

Du fils de Laërtius je passe au fils d'Atridès. Car cet emportement qui l'égare, qui pousse à leur ruine et à la fuite tant de légions, d'où vient-il ? du sommeil et d'un rêve. Quand le poète loue Agamemnon, que dit-il ?

Alors vous eussiez vu le chef de ces héros
D'un indigne sommeil refuser le repos.

Que dit-il pour le blâmer ?

Le sage ne doit pas dormir la nuit entière.

Et ce sont ces vers dont un orateur fameux a détruit la vérité ! Je passe maintenant à notre Q. Ennius, qui commença, dit-on, sa gloire poétique par le sommeil et par un rêve ; mais s'il ne s'était arraché au sommeil, il n'aurait jamais raconté son rêve. De là au pasteur Hésiode, qui, selon toi, devint poète en dormant ; mais je me souviens d'avoir lu autrefois chez mon maître :

Près des bords où jadis de jaillissantes eaux
Sous les pieds bondissants du coursier s'élancèrent,
Le pasteur Hésiode amenait ses troupeaux ;
Au-devant du pasteur les Muses s'avancèrent.

Cet au-devant du pasteur, quel heureux mot pour moi ! Le poète se promène donc, puisque les Muses viennent au -devant de lui. Que penses-tu encore de ce sommeil, dont on veut faire le plus bel éloge en disant :

Calme et profond sommeil, image de la mort.

En voilà assez de ces jeux inspirés par amour pour toi, plutôt que par confiance en ma cause. Maintenant, après avoir accusé décemment le sommeil, je vais dormir ; car c'est le soir que je t'écris ; je demande que le sommeil ne m'ait pas trop de reconnaissance.
 

EPISTOLA II.

M. Caesari domino suo Fronto.

Domum reverso mihi epistula reddita est, quam tu videlicet Romam mihi scripseras, et erat lata Romam; deinde hodie relata, et paulo ante mihi est reddita : in qua pauca, quae ego pro somno dixeram, tu multis et elegantibus argumentis refutasti ita scite, ita subtiliter et apte, ut si vigilia tibi hoc acuminis et leporis adfert, ego prorsus vigilare te mallem. Sed enim vespera scripsisse te ais, cum paulo post dormiturus esses :igitur adpropinquans et imminens tibi somnus tam elegantem hanc epistulam fecit. Namque, ut crocus, ita somnus, priusquam prope adsit, longe praeolet longeque delectat. Ut a principio igitur epistulae tuae incipiam, elegantissime praevaricari te ais, quod  verbum adeo proprium est, ut eo sublato aliud subdi ejusdem usus et ponderis non possit. Illud vero dictum elegans Baiaie, Lucrinus, et Avernus, et alia omnia quae Ὀδυσσείαν faciunt. Enimvero omnia istaec inter Graecos versus latina ita scite alternata sunt et a te et interposita, ut est ille in pyrrhica versicolorum discursus ; quom amicti cocco alii, alii luteo et ostro et purpura, alii aliique coherentes concursant. Jam a Laertio ad Atridam eleganter transisti. Ecce autem circa Q. Ennium aliam malitiosam pelfam dedisti, cum ais : nisi ex somno exsuscitatus esset, numquam somnium suum narrasset. (Quaerat) Marcus meus Caesar, si pote aliquid argutius. Praestrigiae nullae tam versutae, nulla, ut ait Laevius, decipula tam insidiosa. Qui(d si) ego id postulo, ne expergiscare? quin postul(o ut) tu dormias. Aliud scurrarum proverbium: en cum quo in tenebris mices. Sed sum ne ego beatus, qui haec intellego et perspicio et insuper ab dom(ino) meo Caesare magister appellor? Quo pacto ego magister ? qui unum hoc, quod te docere cupio, ut dormias, non impetro. Perge, ut libet : dummodo dii te mihi, sive prodormias sive pervigiles...(prot)egant. Vale meum gaudium, vale.

LETTRE II

A MARCUS CAESAR SON SEIGNEUR, FRONTO

A mon retour à la maison, on m'a remis une lettre que tu m'avais adressée à Rome, et qu'on avait portée à Rome ; rapportée ici aujourd'hui, elle m'a été renvoyée peu après : c'est celle où tu as réfuté le peu que j'avais dit en faveur du sommeil. Cette foule d'ingénieux arguments révèle tant de savoir, de finesse et d'à-propos, que si c'est la veille qui t'apporte cette vivacité spirituelle et cette grâce, j'aime mieux en vérité que tu veilles toujours. Mais tu dis que tu as écrit le soir, lorsque tu étais au moment de dormir. Ainsi, c'est l'approche du sommeil, c'est l'influence de son arrivée qui t'a inspiré une si jolie lettre. En effet, de même que le safran, le sommeil, avant d'arriver, fait sentir de loin son parfum et son charme ! Maintenant, pour commencer par où tu commences toi-même, tu dis très élégamment que tu prévariques ; ce mot est tellement le mot propre, que, si on l'ôte, il est impossible de le remplacer par un autre aussi convenable et aussi expressif. Or, ce mot si bien choisi amène Baies, le Lucrinus, l'Avernus, et tout ce qui fait une Odyssée, et tout cela dans des vers grecs et du latin, alternés et entremêlés avec tant d'art, qu'on dirait ce jeu nuancé de couleurs contraires qui se déploie dans la pyrrhique, lorsque les danseurs, vêtus les uns d'écarlate, les autres de jaune, ou de blanc ou de pourpre, courent et s'enlacent pêle-mêle les uns avec les autres. Déjà, par une transition piquante, tu as passé du fils de Laertius au fils d'Atridès. Mais voici que tu lances un trait malin à Ennius, en disant que s'il ne s'était pas arraché au sommeil, il n'aurait jamais raconté son rêve. Que mon Marcus Caesar cherche, s'il se peut, quelque chose de plus fin ; point de tournure plus captieuse ; point, comme dit Lévius, de plus trompeuse souricière. Aussi, moi, qui demande que tu ne te réveilles pas, je demande encore plus fort que tu dormes. - Mais voici un proverbe bouffon ; c'est un homme avec qui on peut jouer dans les ténèbres Eh ! ne suis-je pas heureux, moi qui pénètre et comprends tout cela ? et qui de plus suis appelé du nom paternel de maître ! Comment, maître ! quand la seule chose que je désire t'apprendre, qui est de dormir, je ne puis l'obtenir de toi. Au reste, continue de faire comme il te plaira, pourvu que les dieux, soit que tu dormes, soit que tu veilles, te conservent pour moi. Adieu, ma joie, adieu.
 

EPISTOLA III.

(M. CAESARI DOMONO SUO, FRONTO)

... Atticis propinque thymum serpyllumque Hymmetium ruminantibus viris... vel graves ex orationibus veterum sententias arriperetis, vel dulces ex poematis, vel ex historia splendidas, vel comes ex comaediis, vel urbanas ex togatis vel ex Atellanis lepidas et facetas... Mittam igitur tibi quantum pote librum hunc descriptum. Vale, Caesar, et ride et omnem vitam laetare et parentibus optimis et eximio ingenio tuo fruere.

LETTRE III

(A M. СAESAR SON SEIGNEUR, FRONTO)

*** A ces sages de l'Attique méditant auprès du thym et du serpolet de l'Hymette. Vous emprunteriez de graves pensées aux discours des anciens, du charme aux poètes, de la magnificence à l'histoire, de l'enjouement à la comédie, de l'élégance au drame romain, de vives et ingénieuses saillies aux Atellanes. *** Je t'enverrai, si je le peux, le livre copié. Adieu, Caesar, sois content, heureux toute ta vie, et jouis de tes excellents parents et de ton si beau génie
 

EPISTOLA IV.

M. Caesar M. Frontoni magistro suo.

Quid ego ista mea fortuna satis dixerim, vel quomodo istam necessitatem meam durissimam condigne incusavero, quae me istic ita animo anxio tantaque sollicitudine praepedito alligatum attinet ; neque me sinit ad meum Frontonem, ad meam pulcherrimam animam, confestim percurrere, praesertim in hujusmodi ejus valetudine, prope accedere, manus tenere, ipsum denique illum pedem, quantum sine incommodo fieri posset, adtrectare sensim, in balneo fovere, ingredienti manum subicere? Et tu me amicum vocas, qui non abruptis domibus cursu maximo pervolo? Ego vero magis sum claudus cum ista mea verecundia, immo pigritia. (O) me ! quid dicam? metuo quicquam dicere, quod tu audire nolis : nam tu quidem me omni modo conisus es jocularibus istis tuis ac lepidissimis verbis a cura amovere atque te omnia ista aequo animo perpeti posse ostendere. At ego ubi animus meus sit, nescio; nisi hoc scio, illo nescio quo ad te profectum eum esse. Cura, miserere, omni temperantia, abstinentia omnem istam tibi pro tua virtute tolerandam, mihi vero asperrimam nequissimamque, valetudinem depellere. Et si ad aquas proficisceris, et quando ; et nunc ut commode agas ; cito, oro, perscribe mihi, et mentem meam in pectus meum repone. Ego interim vel tales tuas litteras mecum gestabo. Vale, mi Fronto jucundissime ; quamquam ita me dispositius dicere oportet ; nam tu quidem semper aves. O qui ubique estis, di boni, valeat, oro, meus Fronto jucundissimus atque carissimus mihi : valeat semper integro, inlibato, incolumi corpore : valeat, et mecum esse possit. Homo suavissime, vale.

LETTRE IV

M. CAESAR EMPEREUR, A FRONTO, SON MAITRE

Que dirai-je qui suffise à rendre ma situation, ou comment accuserai-je convenablement cette nécessité trop dure qui me tient enchaîné ici, quand j'ai l'esprit si agité, si obsédé d'inquiétude ; qui ne me permet pas de courir à l'instant à mon cher Fronto, à ma très belle âme, surtout dans une maladie de cette sorte ; de m'approcher de lui, de prendre ses mains, et enfin ce pied lui-même, autant qu'il se pourrait, sans l'incommoder ; de le toucher et le retoucher ; de le soigner dans le bain ; de le soutenir sur ma main dans sa marche ? Et tu m'appelles ton ami, lorsque je ne renverse pas les maisons pour voler vers toi de toute ma force ! En vérité, je suis le plus boiteux, moi, avec ma réserve, avec ma paresse. Moi ! Que dirai-je ? Je crains de dire quelque chose que tu ne veuilles pas entendre ; car il est certain que tu as fait tout ce que tu as pu, par tes expressions plaisantes et enjouées, pour m'ôter d'inquiétude, et me faire croire que tu supportes tout cela le plus patiemment du monde. Moi, cependant, où est mon esprit ? je ne sais ; ou plutôt je sais qu'il est parti pour le je ne sais quel lieu où tu es. Par pitié, tâche, à force de régime et d'abstinence, de chasser tout ce mal que ton courage peut supporter, mais qui est pour moi la plus cruelle, la plus déchirante épreuve. Et si tu partiras pour les eaux, et quand ; et comment tu te trouves à présent, vite, je t'en prie, écris-moi tout cela, et remets-moi du calme dans l'âme. Moi, cependant, quelle qu'elle soit, je porterai ta lettre avec moi. Adieu, mon très aimable Fronto ; mais c'est plutôt aux dieux que je dois ici m'adresser ; et cela même est selon ton désir. O vous, qui êtes partout, dieux bons, rendez la santé à mon Fronto, l'homme le plus aimable et le plus cher à mon cœur ! rendez-lui une santé pleine, entière, inaltérable ; rendez-lui la santé, et qu'il puisse être avec moi ! Homme très saint, adieu.
 

EPISTOLA V.

Caesari suo Fronto.

Tu, Caesar, Frontonem istum tuum sine fine amas, vix ut tibi homini facundissimo verba sufficiant ad expromendum amorem tuum et benevolentiam declarandam. Quid, oro te, fortunatius, quid me uno beatius esse potest ?  ad quem tu tam fraglantes litteras mittis. Quin etiam, quod est amatorum proprium, currere a me vis et volare. Solet mea domina parens tua interdum loci dicere, se mihi, quod a te tanto opere diligar, invidere. Quid si ista litteras tuas legerit quibus tu deos etiam pro salute mea votis advocas et precaris? O me beatum, ort...commendatum! Putas ne ullus dolor penetrare sciat corpus aut animum meum ? prae tanto gaudio prosiluerim. Babe nec doleo jam quicquam. Babae, Caesar, vigeo, valeo, exulto, quo vis veniam, quo vis curram. Crede istud mihi, tanta me laetitia perfusum, ut rescribere tibi ilico non potuerim : sed eas quidem litteras, quas ad priorem epistulam tuam jam rescripseram, dimisi ad te; sequentem autem tabellarium retinui, quo ex gaudio resipiscerem. Ecce nox praeteriit, dies hic prope exactus est.  Nescio quid aut quemadmodum rescribam tibi. Quid enim ego possum jucundius, quid blandius, quid amantius. Scribisti mihi... Et gaudeo quod ingratum me, et referundae gratiae imparem facias, quoniam ut res est, ita me diligis, ut ego te magis amare vix possim. Igitur ut argumentum aliquod prolixiori epistulae reperiam, quod, oro te, ob meritum sic me amas? quid iste Fronto tantum boni fecit, ut eum tantopere tu diligas? Caput suum pro te aut parentibus tuis devovit? Succidaneum se pro vestris periculis subdidit? provinciam aliquam fideliter administravit? exercitum duxit? Nihil eorum : ne cotidianis quidem istis officiis circa te praeter ceteros fungitur : et immo...vel istis infrequens. Nam neque domum vestram diluculo ventitat, neque cotidie salutat, neque ubique comitatur, nec semper exspectat. Vide igitur, ut siquis interroget cur Frontonem ames, habeas in promptu, quod facile respondeas. At ego nihil quidem malo quam amoris erga me tui nullam extare rationem. Nec omnino mihi amor videtur qui ratione oritur, et justis certisque de causis copulatur : amorem ego illum intellego fortuitum et liberum, et nullis causis servientem ; inpetu potius quam ratione conceptum ; qui non officiis, uti lignis, sed sponte ortus vaporibus caleat. Baiarum ego calidos specus malo quam istas fornaculas balnearum, in quibus ignis cum sumptu atque fumo accenditur, brevique restinguitur. At illi ingenui vapores puri perpetuique sunt, grati pariter et gratuiti. Ad eundem prorsus modum amicitiae istae officiis calentes fumum interdum et lacrimas habent ; et, ubi primum cessaveris extinguntur : amor autem fortuitus, et jugis est et jucundus. Quid quod neque adolescit proinde neque conrobatur amicitia meritis parta, ut ille amor subitus ac repentinus? ut non aeque adolescunt in pomariis hortulisque arbusculae manu cultae rigitaeque, ut illa in montibus aesculus et abies et alnus et cedrus et piceae, quae sponte natae, sine ratione et sine ordine sitae, nullis cultorum laboribus neque officiis, sed ventis atque imbribus educantur. Tuus igitur iste amor incultus et sine ratione exortus, spero cum cedris porro adolescit et aesculis : qui, si officiorum ratione coleretur, non ultra myrtos laurusque procresceret, quibus satis odoris, parum roboris. Et omnino quantum Fortuna rationi, tantum amor fortuitus officioso amori antistat. Quis autem ignorat rationem humani consilii vocabulum esse, Fortunam autem deam dearumque praecipuam ? templa, fana, delubra passim Fortunae dicata ; rationi nec simulacrum nec aram usquam consecratam? Non fallor igitur quin malim amorem erga me tuum Fortuna potius quam ratione genitum. Neque vero umquam ratio Fortunam aequiperat, neque majestate, neque usu, neque dignitate. Nam neque aggeres manu ac ratione constructos montibus conparabis, neque aquae ductuus amnibus, neque receptacula fontibus. Tum ratio consiliorum prudentia appellatur, vatum impetus divinatio nuncupatur. Nec quisquam prudentissimae feminae consiliis potius accederet, quam vaticinationibus Sibyllae. Quae omnia quorsum tendunt? ut ego recte malim impetu et forte potius quam ratione ac merito meo diligi. Quamobrem, etiamsi qua justa ratio est amoris erga me tui, quaeso, Caesar, sedulo demus operam, ut ignoretur et lateat ; sine homines ambigant, disserant, disputent, conjectent, requirant, ut Nili caput, ita nostri amoris originem.

Sed jam hora decima tangit, et tabellarius tuus mussat. Finis igitur sit epistulae. Valeo revera multo, quam opinaba, commodius. De aquis nihildum cogito. Te dominum meum, decus morum, solacium (maximum)multum amo ; dices: num amplius quam ego te? Non sum tam ingratus ut hoc au(deam) dicere. Vale, Caesar, cum tuis parentibus, et ingenium tuum excole.

LETTRE V

A SON СAESAR, FRONTO

Quoi ! Caesar, tu aimes ton Fronto si infiniment, que même, malgré ta fécondité, tu trouves à peine assez de termes pour m'exprimer ton amour, et me marquer ta bienveillance ! Que peut-il y avoir, je te le demande, de plus fortuné, de plus heureux que moi, à qui tu adresses une lettre si brûlante ? tu fais plus, et, ce qui est le propre des amants, tu veux courir et voler à moi ! Ta mère, ma souveraine, a coutume de me dire en plaisantant, que l'excès de ton amour pour moi la rend jalouse : que serait-ce si elle avait lu cette lettre, où dans ton zèle pour ma santé tu invoques mon pied et l'appelles par tes vœux ! O heureux homme que je suis ! *** Penses-tu qu'il y ait douleur qui sache pénétrer mon corps ou mon âme ? je sauterais de joie, tant cette joie est grande ! non, je ne souffre plus nulle part ; non, Caesar ; j'ai de la force, de la vigueur, je bondis ; j'irai où tu voudras, je courrai où tu voudras. Crois ce que je vais te dire ; j'ai été inondé de tant de joie, que je n'ai pu te récrire sur-le-champ ; mais je t'ai envoyé la lettre que je t'avais écrite en réponse à ta première lettre, et j'ai retenu le messager pour le jour suivant, afin de me reposer de ma joie. Voici la nuit déjà passée ; ce jour est près de finir, et je ne sais ni quoi ni comment t'écrire. Que puis-je en effet de plus doux, de plus flatteur, de plus tendre que ce que tu m'as écrit ? Je me réjouis que tu me rendes ingrat et incapable de te faire un remercîment, parce qu'en vérité tu m'aimes de manière que je puis à peine t'aimer davantage. Ainsi donc, afin de trouver matière à cette trop longue lettre : pour quel mérite, je t'en prie, m'aimes-tu ainsi ? quel bien si grand t'a fait ce Fronto pour que tu le chérisses si tendrement ? a-t-il dévoué sa tête pour toi et pour tes parents ? s'est-il, dans vos dangers, mis à votre place ? a-t-il fidèlement administré quelque province ? commandé une armée ? rien de tout cela : il ne fait pas même plus que les autres dans les devoirs qu'on te rend tous les jours ; bien plus il est moins exact. En effet il n'accourt pas dès le point du jour à. votre maison ; il ne te salue pas chaque jour, il ne te fait pas cortège partout, il n'a pas les yeux sans cesse sur toi. Arrange-toi donc pour que, si on te demande pourquoi tu aimes Fronto, tu aies à l'instant même une réponse toute prête. Quant à moi, j'aime bien mieux qu'il n'y ait aucune raison de ton amour pour moi ; car, à mon avis, un amour qui naît de la raison, et dont le lien est formé par des causes légitimes et certaines, n'est pas l'amour : j'entends par amour celui qui, fortuit et libre, ne reconnaît aucune cause, est inspiré par l'enthousiasme plutôt que par la raison, et s'enflamme, non comme le feu du foyer, par des soins, mais comme un feu né spontanément des vapeurs de l'air. J'aime mieux les grottes chaudes de Baies que ces petits fourneaux de bains où le feu ne s'allume qu'avec dépense et fumée, et s'éteint en peu de temps ; au lieu que ces vapeurs naturelles sont toujours pures et de durée, tout à la fois agréables et gratuites. Il en est de même de ces amitiés dont la chaleur s'entretient par des devoirs ; elles ont de la fumée et des larmes, et, dès que les soins viennent à cesser, elles s'éloignent ; mais l'amour fortuit est durable et plein de délices. Ne voit-on pas aussi qu'une amitié obtenue par des services est loin de croître et de se fortifier, comme l'amour soudain et inopiné ? C'est ainsi que ces arbustes qu'on façonnee la main, et qu'on arrose dans les jardins et les vergers, ne grandissent jamais comme, au sommet des montagnes, le hêtre, le chêne, l'aulne, le cèdre et les pins, qui, nés d'eux-mêmes, placés sans dessein et sans ordre, ne reçoivent ni soins, ni culture, et sont nourris par les vents et les pluies des orages. Je me flatte donc que ton amour pour moi, inculte et né sans raison, grandit avec les cèdres et les hêtres, tandis que, s'il était cultivé par des égards et des devoirs, il ne s'élèverait pas au-dessus des myrtes et des lauriers, qui ont assez de parfum, mais peu de force. D'ailleurs ajoute qu'autant la Fortune l'emporte sur la raison, autant cet amour fortuit, sur l'amour officieux. Or, qui ne sait que la raison n'est que le nom de la sagesse humaine, et que la Fortune est une déesse, et la première des déesses ? Partout des temples, des chapelles, des sanctuaires dédiés a la Fortune, et nulle part une statue, un autel consacré à la raison. Je ne me trompe donc pas, quand j'aime mieux que ton amour pour moi soit né de la Fortune plutôt que de la raison. Jamais non plus la raison n'égale la Fortune, ni en majesté, ni en utilité, ni en dignité. Car on ne comparera pas ces tertres élevés par la main et la raison de l'homme à des montagnes, ni des aqueducs à des fleuves, ni des citernes à des fontaines. En outre la raison qui conseille s'appelle prudence, et l'enthousiasme des poètes, divination. Et cependant, il n'y a personne qui n'ajoute plutôt foi aux oracles des sibylles qu'aux conseils de la plus prudente des femmes. Mais où tout cela tend-il ? à prouver que j'aime mieux qu'on me chérisse par enthousiasme et par hasard que par raison ou pour un mérite quelconque. C'est pourquoi, lors même qu'il y aurait quelque raison légitime de ton amour pour moi, je t'en conjure, Caesar, veillons de tous nos soins à ce qu'elle demeure ignorée, inconnue ; laisse les hommes soupçonner, disserter, disputer, conjecturer, rechercher, comme la source du Nil, l'origine de notre amour. Mais déjà la dixième heure approche ; ton courrier murmure, et je finis ma lettre. Je me trouve beaucoup mieux que je ne pensais. Je ne songe plus à prendre les eaux pour le moment.Toi, mon seigneur, ma gloire, ma consolation, je t'aime extrêmement ; tu vas dire : est-ce que tu m'aimes plus que je ne t'aime ? Je ne suis pas assez ingrat pour oser dire cela. Porte-toi bien, Caesar, toi et tes parents, et cultive avec soin ton génie.
 

EPISTOLA VI.

Have, mi magister optime.

Siquid somni redit post vigilas, de quibus questus es, oro te, scribe mihi : et illud, oro te, primum valetudine operam da : tum securim Tenediam, quam minaris, abde aliquo ac reconde : nec tu consilium causarum agendarum dimiseris, aut tum simul omnia ora taceant. Graece nescio quid ais te conpegisse, quod ut aeque pauca a te scripta placeat tibi. Tu ne es qui me nuper concastigabas quorsum Graece scriberem? Mihi vero nunc potissimum graece scribendum est. Quam ob rem, rogas ? volo periculum facere, an id, quod non didici, facilius obsecundet mihi, quoniam quidem illud quod didici, deserit. Sed, si me amas, misisses mi istud novicium, quod placere ais. Ego vero te vel invitum istic lego; et quidem hac re una vivo et resto. Materiam cruentam misisti mihi : necdum legi Coelianum excerptum, quod misisti : nec legam prius quam sensus ipse venatus fuero. Sed me Caesaris oratio unceis unguibus adtinet. Nunc denique sentio, quantum operis sit ternos vel quinos versus in die ornare, et aliquid diu scribere. Vale, spiritus meus. Ego non ardeam tuo amore, qui mihi huc scripseris? Quid faciam? non possum insistere. At mihi anno priore datum fuit hoc eodem loco eodemque tempore matris desiderio peruri. Id desiderium hoc anno tu mihi accendis. Salutat te domina mea.
 

LETTRE VI

JE TE SALUE, MON TRES BON MAITRE

S'il t'est revenu quelque peu de sommeil après les veilles dont tu te plaignais, écris-le moi, je t'en prie ; mais, avant tout, je t'en prie, soigne ta santé ; ensuite, cache et renferme bien cette hache ténédienne dont tu nous menaces, et ne va pas renoncer au dessein de plaider, ou alors il faut que toutes les bouches se taisent à la fois. Tu dis que tu as rédigé en grec un je ne sais quoi qui te plaît autant que le peu que tu as écrit. Mais n'est-ce pas toi qui, naguère, me grondais si fort de ce que j'écrivais en grec ? Cependant, il faut bien que j'écrive quelquefois en grec. Tu demandes pourquoi ? Je veux essayer si ce que je n'ai pas appris me servira mieux, puisque tout ce que j'ai appris m'abandonne. Cependant, si tu m'aimais, tu m'enverrais cet essai qui te plaît, comme tu dis. En attendant, je te lis ici, même malgré toi ; et cela seul me fait vivre et me suffit. Tu m'as envoyé une cruelle matière ; je n'ai point encore lu cet extrait de Cœlius que tu m'as envoyé, et je ne le lirai pas avant d'en avoir dépisté tous les sens. Mais le discours de Caesar me retient avec des ongles crochus. C'est maintenant que je conçois enfin combien il est difficile d'arranger trois ou quatre vers par jour, et d'écrire longtemps sur un sujet. Adieu, mon souffle. Et je ne t'aimerais pas avec ardeur, toi qui m'as écrit ces choses ! Que ferais-je ? Je ne puis insister. Mais l'année dernière, il me fut donné en ce même lieu, et en ce même temps, de brûler du désir de voir ma mère ; tu allumes en moi cette année le même désir. Ma souveraine te salue.
 

EPISTOLA VII.

Have, mi magister optume.

Ave perge, quantum libet, comminare, et argumentorum globis criminare: numquam tu tamen erasten tuum, me dico depuleris : nec ego minus amare me Frontonem praedicabo, minusque amabo, quo tu tam variis tamque vehementibus sententieis adprobaris minus amantibus magis opitulandum ac largiendum esse. Ego, hercule, te ita amore depereo ; neque deterreor isto tuo dogmate : ac si magis eris alieis non amantibus facilis et promptus, ego tamen non minus te (tuosque) amabo. Ceterum quod ad sensuum densitatem, quod ad inventionis argutiarum, quod ad aemulationis tuae felicitatem adtinet, nolo quicquam dicere, nisi te multo placentis illos sibi et provocantis Atticos antevenisse. Ac tamen nequeo quin dicam ; amo enim, et hoc denique amantibus vere tribuendum esse censeo, quod victoris τῶν ἐρωμένων magis gaude(rent. Vi)cimus igitur, (vici)mus, inquam. Num ... praestabilius... ubique eam sub... tra pae... tram promsi... ei quo... adsis... disputari ultra re magis caveret. Quid de re ista (oro)... mam tulerit, an quo... magister meus de Platone. Illud equidem non temere adjuravero: siquis iste re vera Phaeder fuit, si umquam is a Socrate afuit, non magis Socraten Phaedri desiderio quam me perisse (sines)... duo menses... arsisse...  in ...  amet, nisi confestim tuo amore corripitur. Vale mihi, maxima res sub caelo, gloria mea. Sufficit talem magistrum habuisse. Domina mater te salutat.
 

LETTRE VII
JE TE SALUE, MON TRES BON MAITRE
Va, continue, menace autant que tu voudras, poursuis-moi de tes arguments sans nombre : tu ne pourras, malgré tout, faire reculer ton amant, et c'est de moi que je parle. Je n'en proclamerai pas moins que j'aime Fronto, et je ne l'en aimerai pas moins, quoique tu veuilles prouver, toi, par de si rudes et de si nombreux raisonnements que c'est à ceux qui aiment moins qu'on doit plus de secours et de bienfaits. Pour moi, par Hercule, je t'aime à en dépérir ; ton opinion ne me rebute point : tu peux être plus favorable et mieux disposé pour ceux qui ne t'aiment pas, sans que je t'en aime moins, toi et les tiens. D'ailleurs, pour ce qui est de l'abondance des pensées,de la grâce ingénieuse de l'invention, du bonheur de ton audace, je n'en veux rien dire, sinon que tu as de beaucoup surpassé ces Grecs, si contents d'eux-mêmes et si querelleurs. Cependant je ne puis m'empêcher de le dire : j'aime, et je regarde comme le droit de ceux qui aiment vraiment, de préférer à leurs propres victoires celles de leurs amants. C'est donc nous, oui c'est nous qui avons vaincu. *** Que dira mon maître de Plato ? je ne l'invoque pas à tort ; s'il fut vraiment un Phaeder, si celui-là quitta jamais Socratès, Socratès ne regretta pas plus Phaeder que je ne dépéris de ton absence. *** Adieu, toi qui m'es le plus grand des biens sous le ciel. Il suffit a ma gloire d'avoir eu un tel maître. La souveraine ma mère te salue.
 

AD M. CAESAREM.

ΕΠΙΣΤΟΛΗΣ VIII.

Ὦ φίλε παῖ, τρίτον δή σοι τοῦτο περὶ τῶν αὐτῶν ἐπιστέλλω, τὸ μὲν πρῶτον διὰ Λυσίου τοῦ Κεφάλου, δεύτερον δὲ διὰ Πλάτωνος τοῦ σοφοῦ, τὸ δὲ τρίτον διὰ τοῦδε τοῦ ξένου ἀνδρός, τὴν μὲν φωνὴν ὀλίγου δεῖν βαρβάρου, τὴν δὲ γνώμην, ὡς ἐγῷμαι, οὐ πάνυ ἀξυνέτου. γράφω δὲ νῦν οὐδέν τι τῶν πρότερον γεγραμμένων ἐφαπτόμενος, μηδὲ ἀμελήσῃς τοῦ λόγου ὡς παλιλλογοῦντος. εἰ δέ σοι δόξει τῶν πρότερον διὰ Λυσίου καὶ Πλάτωνος ἐπεσταλμένων πλείω τάδε εἶναι, ἔστω σοι τεκμήριον ὡς εὔλογα ἀξιῶ, ὅτι οὐκ ἀπορῶ λόγων. προσέχοις δ᾽ ἂν ἤδη τὸν νοῦν, εἰ καινά τε ἅμα καὶ δίκαια λέγω.

Ἔοικας, ὦ παῖ, πρὸ τοῦ λόγου πάντως βούλεσθαι μαθεῖν, τί δή ποτέ γε μὴ ἐρῶν ἐγὼ μετὰ τοσαύτης σπουδῆς γλίχομαι τυχεῖν ὧνπερ οἱ ἐρῶντες. Τοῦτο δέ σοι φράσω πρῶτον ὅπως γε ἔχει. Οὐ μὰ Δία πέφυκεν ὁρᾶν ὀξύτερον οὑτοσὶ ὁ πάνυ ἐραστὴς ἐμοῦ τοῦ μὴ ἐρῶντος, ἀλλ᾽ ἔγωγε τοῦ σοῦ κάλλους αἴσθομαι οὐδενὸς ἧττον τῶν ἄλλων· δυναίμην δ᾽ ἂν εἰπεῖν, ὅτι τούτου καὶ πολὺ ἀκριβέστερον. Ὅπερ δὲ ἐπὶ τῶν πυρεττόντων καὶ τῶν εὖ μάλα ἐν παλαίστρᾳ γυμνασαμένων ὁρῶμεν, οὐκ ἐξ ὁμοίας αἰτίας ταὐτὸν συνβαίνειν· διψῶσιν μὲν γὰρ ὁ μὲν ὑπὸ νόσου, ὁ δὲ ὑπὸ γυμνασιῶν· τοιάνδε τινὰ κἀμοὶ ...  ... λειτον τε ἅμα καὶ ὄλισθον.  Ἀλλ᾽ οὐκ ἔμοιγε ἐπ᾽ ὀλέθρῳ πρόσει, οὐδὲ ἐπὶ βλάβῃ τινὶ ὁμιλήσεις, ἀλλ᾽ ἐπὶ παντὶ ἀγαθῷ. Καὶ ὠφελοῦνται γὰρ καὶ διασώζονται οἱ καλοὶ ὑπὸ τῶν μὴ ἐρώντων μᾶλλον, ὥσπερ τὰ φυτὰ ὑπὸ τῶν ὑδάτων. Οὐ γὰρ ἐρῶσιν οὔτε πηγαὶ οὔτε ποταμοὶ τῶν φυτῶν, ἀλλὰ παριόντες οὕτω δὴ καὶ παραρρέοντες, ἀνθεῖν αὐτὰ καὶ θάλλειν παρεσκεύασαν. Χρήματα δὴ τὰ μὲν ὑπ᾽ ἐμοῦ διδόμενα δικαίως ἂν καλοίης δῶρα, τὰ δὲ ὑπ᾽ ἐκείνου λύτρα. Μάντεων δὲ παῖδές φασιν καὶ τοῖς θεοῖς ἡδίους εἶναι τῶν θυσιῶν τὰς χαριστηρίους ἢ τὰς μειλιχίους· ὧν τὰς μὲν οἱ εὐτυχοῦντες ἐπὶ φυλακῇ τε καὶ κτήσει τῶν ἀγαθῶν, τὰς δὲ οἱ κακῶς πράττοντες ἐπὶ ἀποτροπῆ τῶν δεινῶν θύουσιν. Τάδε μὲν περὶ τῶν συνφερόντων καὶ τῶν σοί τε κἀκείνῳ ὠφελίμων εἰρήσθω.

Εἰ δὲ τοῦτο δίκαιός ἐστιν τυχεῖν τῆς παρὰ σοῦ βοηθείας... ερείσω σὺ τοῦτο... αὐτῷ πονηρῷ δ’ ἐτεκτήνω καὶ ἐμηχανήσω τὰς θεττα... μεν... ων... ἐρᾷς δὲ πα... εἶπε... τοτα κον... (ἀ)ναίτιος... τινὸς διὰ τὴν... αὐτῷ κατα... κο... κο... πλὴν εἰ μή τι ὀφθεὶς ἠδίκηκας.

 Μὴ ἀγνόει δὲ καὶ ἀδικηθεὶς αὐτὸς καὶ ὑβριζόμενος οὐ μετρίαν ἤδη ταύτην ὕβριν, τὸ ἅπαντας εἰδέναι τε καὶ φανερῶς οὕτως διαλέγεσθαι, ὅτι σου εἴη ὅδε ἐραστής· φθάνεις δὲ καὶ πρίν τι τῶν τοιῶνδε πρᾶξαι, τοὔνομα τῆς πράξεως ὑπομένων. Καλοῦσί γ᾽ οὖν σε οἱ πλεῖστοι τῶν πολιτῶν τὸν τοῦδε ἐρώμενον· ἐγὼ δέ σοι διαφυλάξω τοὔνομα καθαρὸν καὶ ἀνύβριστον. Καλὸς γὰρ, οὐχὶ ὁ ἐρώμενος τό γε κατ᾽ ἐμὲ ὀνομασθήσει. Εἰ δὲ δὴ τούτῳ ὡς δικαίῳ τινὶ χρήσεται, ὅτι μᾶλλον ἐπιθυμεῖ, ἴστω, ὅτι οὐκ ἐπιθυμεῖ μᾶλλον ἀλλὰ ἰταμώτερον. Τὰς δὲ μυίας καὶ τὰς ἐμπίδας μάλιστα ἀποσοβοῦμεν καὶ ἀπωθούμεθα, ὅτι ἀναιδέστατα καὶ ἰταμώτατα ἐπιπέτονται. τοῦτο μὲν οὖν καὶ θηρία ἐπίσταται φεύγειν μάλιστα πάντων τοὺς κυνηγέτας, καὶ τὰ πτηνὰ τοὺς θηρευτάς. Καὶ πάντα δὴ τὰ ζῷα τούτους μάλιστα ἐκτρέπεται τοὺς μάλιστα ἐνεδρεύοντας καὶ διώκοντας.

Εἰ δέ τις οἴεται ἐνδοξότερον καὶ ἐντιμότερον εἶναι τὸ κάλλος διὰ τοὺς ἐραστάς, τοῦ παντὸς διαμαρτάνει. Κινδυνεύετε μὲν γὰρ οἱ καλοὶ περὶ τοῦ κάλλους τῆς ἐς τοὺς ἀκούοντας πίστεως διὰ τοὺς ἐρῶντας· δι᾽ ἡμᾶς δὲ τοὺς ἄλλους βεβαιοτέραν τὴν δόξαν κέκτησθε. Εἰ γοῦν τις τῶν μηδέπω σε ἑωρακότων πυνθάνοιτο, ὁποῖός τις εἶ τὴν ὄψιν· ἐμοὶ μὲν ἂν πιστεύσαι ἐπαινοῦντι, μαθὼν, ὅτι οὐκ ἐρῶ· τῷ δὲ ἀπιστήσαι, ὡς οὐκ ἀληθῶς ἀλλ᾽ ἐρωτικῶς ἐπαινοῦντι. Ὅσοις μὲν οὖν λώβη τις σώματος καὶ αἶσχος καὶ ἀμορφία πρόσεστιν, εὔξαιντο ἂν εἰκότως ἐραστὰς αὑτοῖς γενέσθαι. Οὐ γὰρ ἂν ὑπ᾽ ἄλλων θεραπεύοιντο ἢ τῶν κατ᾽ ἐρωτικὴν λύτταν καὶ ἀνάγκην προσιόντων. Σὺ δ᾽ ἐν τῷ τοιῷδε κάλλει οὐκ ἔσθ᾽ ὅτι καρπώσει πλέον ὑπ᾽ ἔρωτος. Οὐδὲν γὰρ ἧττον δέονταί σου οἱ μὴ ἐρῶντες. Ἀχρεῖοι δὲ ἦ οἱ ἐρασταὶ τοῖς ὄντως καλοῖς οὐδὲν ἧττον ἢ τοῖς δικαίως ἐπαινουμένοις οἱ κόλακες. Ἀρετῇ δὲ καὶ δόξα καὶ τιμὴ καὶ κέρδος. κόσμος θαλάττῃ μὲν ναῦται καὶ κυβερνῆται καὶ τριήραρχοι καὶ ἔμποροι καὶ οἱ ἄλλως πλέοντες· οὐ μὰ Δία δελφῖνες, οἷς ἀδύνατον τὸ ζῆν ὅτι μὴ ἐν θαλάττῃ, καλοῖς δὲ ἡμεῖς οἱ τηνάλλως ἐπαινοῦντες καὶ ἀσπαζόμενοι, οὐχὶ ἐρασταί, οἷς ἀβίωτον ἂν εἴη στερομένοις τῶν παιδικῶν. Εὕροις δ᾽ ἂν σκοπῶν πλείστης ἀδοξίας αἰτίους μὲν ὄντας τοὺς ἐραστάς· ἀδοξίαν δὲ φεύγειν ἅπαντας μὲν χρὴ τοὺς εὐφρονοῦντας, μάλιστα δὲ τοὺς νέους, οἷς ἐπὶ μακρότερον ἐνκείσεται τὸ κακὸν ἐν ἀρχῇ μακροῦ βίου προσπεσόν.

Ὥσπερ οὖν ἱερῶν καὶ θυσίας, οὕτω καὶ τοῦ βίου τοὺς ἀρχομένους εὐλογίας, μάλιστα πρ(έπει ἐπιμελεῖσθαι)..... τοῖς τῶν... εἰς ἐσχάτην ἀδοξίαν α... τούτους δὴ τοὺς χρηστοὺς ἐραστὰς ἐξὸν εἰ... πέντε καὶ.. α νεικ... νον χρῆμα ἐρασταῖς... του... γὰρ οἱ ἐρῶντες διὰ τῶν τοιῶνδε φορημάτων οὐκ ἐκείνους τιμῶσιν, ἀλλ᾽ αὐτοὶ ἀλαζονεύονταί τε καὶ ἐπιδείκνυνται, καὶ ὡς εἰπεῖν ἐξορχοῦνται τὸν ἔρωτα.

Συγγράφει δέ, ὥς φασιν, ὁ σὸς ἐραστὴς ἐρωτικά τινα περὶ σοῦ συγγράμματα, ὡς τούτῳ δὴ μάλιστά σε δελεάσων καὶ προσαξόμενος καὶ αἱρήσων· τὰ δ᾽ ἔστιν αἴσχη καὶ ὀνείδη καὶ βοή τις ἀκόλαστος ὑπὸ οἴστρου προπεμπομένη, ὁποῖαι θηρῶν ἢ βοσκημάτων ὑπὸ ἔρωτος βρυχωμένων ἢ χρεμετιζόντων ἢ μυκωμένων ἢ ὠρυομένων. Τούτοις ἔοικεν τὰ τῶν ἐρώντων ᾄσματα. Εἰ γοῦν ἐπιτρέψαις αὑτὸν τῷ ἐραστῇ χρῆσθαι ὅπου καὶ ὁπότε βούλοιτο, οὔτ᾽ ἂν καιρὸν περιμείνας ἐπιτήδειον οὔτε τόπον οὔτε σχολὴν οὔτε ἐρημίαν, ἀλλὰ θηρίου δίκην ὑπὸ λύττης εὐθὺς ἵοιτο ἂν καὶ βαίνειν προθυμοῖτο μηδὲν αἰδούμενος.

Τοῦτο ἔτι προσθεὶς καταπαύσω τὸν λόγον· ὅτι πάντα θεῶν δῶρα καὶ ἔργα, ὅσα ἐς ἀνθρώπων χρείαν τε καὶ τέρψιν καὶ ὠφέλειαν, ἀφύκτατα μὲν αὐτῶν πάνυ καὶ πάντῃ ἤθει, γῆν φημι καὶ οὐρανὸν καὶ ἥλιον καὶ θάλατταν, ὑμνεῖν μὲν καὶ θαυμάζειν πεφύκαμεν, ἐρᾶν δὲ οὔ. Καλῶν δέ τινων φαυλοτέρων καὶ ἀτιμοτέρας μοίρας τετυχηκότων, τούτων ἤδη φθόνος καὶ ἔρως καὶ ζῆλος καὶ ἵμερος ἅπτεται. Καὶ οἱ μέν τινες κέρδους ἐρῶσιν, οἱ δὲ ὄψων αὖ, οἱ δὲ οἴνου. Ἐν δὴ τῷ τοιῷδε ἀριθμῷ καὶ μερίδι καθίσταται τὸ κάλλος ὑπὸ τῶν ἐρώντων ὁμοῖον κέρδει καὶ ὄψῳ καὶ μέλιτι· ὑπὸ δὲ ἡμῶν τῶν θαυμαζόντων μέν, μὴ ἐρώντων δέ, ὅμοιον ἡλίῳ καὶ οὐρανῷ καὶ γῇ καὶ θαλάττῃ· τὰ γὰρ τοιαῦτα παντὸς ἔρωτος κρείττω καὶ ὑπέρτερα.

Ἕν τί σοι φράσω πρὸς τούτοις, ὃ καὶ σὺ πρὸς τοὺς ἄλλους λέγων παῖδας πιθανὸς εἶναι δόξεις. εἰκὸς δέ σε ἢ παρὰ μητρὸς ἢ τῶν ἀναθρεψαμένων μὴ ἀνήκοον εἶναι, ὅτι τῶν ἀνθῶν ἐστίν τι, ὃ δὴ τοῦ ἡλίου ἐρᾷ καὶ πάσχει τὰ τῶν ἐρώντων, ἀνατέλλοντος ἐπαιρόμενον καὶ πορευομένου περιτρεπόμενον, δύνοντος δὲ καταστρεφόμενον · ἀλλ᾽ οὐδέν γε πλέον ἀπολαύει, οὐδὲ εὐμενεστέρου πειρᾶται διὰ τὸν ἔρωτα τοῦ ἡλίου. ἀτιμότατον γοῦν ἐστιν φυτῶν καὶ ἀνθῶν οὔτε εἰς ἑορταζόντων θαλίας οὔτ᾽ εἰς στεφάνους θεῶν ἢ ἀνθρώπων παραλαμβόμενον.

 Ἔοικας, ὦ παῖ, τὸ ἄνθος τοῦτο ἰδεῖν ἐθέλειν· ἀλλ᾽ ἔγωγέ σοι ἐπιδείξω, εἰ ἔξω τείχους πρὸς τὸν Ἰλισὸν ἅμα ἄμφω βαδίσαιμεν.

EPISTOLA VIII.

Caге puer, tertiam banc ejusdem argument! ad te epistolam do. Nam primo scrips! per Lysiam Cephali, iterum per Platonem sapicntem, tertio denique tibi nunc scribo per bunc perεgrinum hominem, sermone quidem paene barbarum, sententia tamen, ut puto, non plane insipientem. Scribo autem nihil ex ante perscriptis attingens. Ñeque tu prefecto mea dicta negliges, quasi crambem recoxerim. Quod si hжc epístola prolixior iis, quas antea per Lysiam et PIatonem misi, videbitur; hoc tibi argumento erit, ut jure censeo, verba mihi non deesse. Nunc igitur, utrum nova et œqua dicam, quœso animum adverte.

Jam, ut puto, illud in primis scire voles, o puer, cur nam ego qui minime sum amasius, tanto studio eadem, quae amasii, consequi appetam? Hoc igitur primum, quomodo se habeat, edisscram. Non mehercule hic, qui plane te deperit, acutius videt quam ego, qui amore non sum correptus : sed pulchritudinem tuam non minus ego sensu percipio, quam ceteri; immo perfectius, jure addam, amatore tuo. Sicuti autem tum iis qui febri œstuant, tum iis qui sese in palaestra exercuerunt, non eadem de causa idem accidere videmus; sitiunt enim illi quidem a morbo, hi ab exercitio; parem et mihi........  simul et lapsum. Neque vero ad me cum tua pernicie aut cum nliquo detrimento accedes, sed cum omni utilitate mecum versaberis. Nam et juvari potius servarique pulchri solent a non amantibus, ut plantae ab  aquis. Neque enim amant seu scatebrœ seu fluvii plantas, sed prope cursu labentes rigantesque, florere eas ac virescere faciunt. Jam et opes a me collatas, jure dona appellaveris, ab illo autem tributas, pretium. Atqui vates aiunt, diis quoque jucundiora esse sacrificia quœ grati animi, quam quae placamenti causa ofleruntur. Nam ilia quidem homines beati ob bonorum tutelam et conservationem, haec miseri ob malorum propulsationem exhibent. Hactenus de iis, quae tibi illique expediunt, dictum esto.

Quod si œquum est auxilium abs te consequi. . . . . . . fulciam. ... tu hoc ipsi malo. . struam et moliar ... amas .... dixit ... (innocens) ... cujusdam...  propter ... ipsi...  nisi forte manifeste injurius fuisti.

Ne illud quidem ignorare te velim, tibi scilicet non modicam injuriam et noxam inferri, quum omnes homines sciant palamque dicant, hunc esse tui amatorem : atque in antecessum, et priusquam hujusmodi quid peragas, famam facti sustineas. Dicunt te igitur plerique cives hujus amasium : ego autem purum tibi nec injuriosum nomen servo. Nam, quod ad me adtinet, pulcher non amasius vocaberis. Quod si tuus amator hoc quasi jure utetur, quod te nimirum vehementius concupiscat; scias eum non tam vehementius concupiscere, quam protervius. Jamvero muscas et culices vel ideo maxime arcemus ac dispellimus, quod impudentissime ac importunissime advolant. Quare et ferœ noverunt fugere omnium maxime venatores, et aviculœ aucupes.. Et cuncta plane animalia eos maxime vitant, quos insidiosissimos et persequentissimos sciunt.

Quod siquis putat pulchritudinem ah amatoribus illustriorem reddi atque honoratiorem, vehementer is errat. Nam vos profecto, o formosi, in periculum venitis, ne pulchritudinis vestrœ fides nulla sit, propter ipsos scilicet amatores : propter nos autem, qui ah amore alieni sumus, firmiorem opinionem obtinetis. Siquis igitur, qui numquam in conspectum venerit, roget quali forma sit aliquis prœditus, mihi quidem laudanti credet, quum sciat me non amare ; amasio autem nullam íidem adjunget tamquam non vere sed amatorie exaltanti. Quotquot igitur vitio aliquo corporis et turpitudine ac deformitate laborant, ii merito cupiant amatores habere. Neque enim ab aliis colentur, prœterquam ab iis qui ob eroticam vesaniam et necessitatem accedunt. Tibi vero tanta pulchritudine praedito nullum utilitatis augmentum ab amatore potest accidere. Ñeque enim, qui non amant, te expetent minus. Vere autem pulchris non minus inutiles sunt amatores, quant adsentatores iis qui virtutis, famœ, gloriœque ergo justa laude digni sunt. Mari quidem lucro et decori sunt nautœ et gubernatores et triremium prœfecti et mercatores et qui alio quovis pacto navigant; non vero delphini, quibus extra mare vivere non licet. Ita prorsus pulchritudini nos, qui gratis laudamus et admiramur, ornamento sumus, non autem amasii, quibus si veneria subtrahantur, vita nulla est. Quod si mentem adverteris, deprehendes, plurimi dedecoris causam esse amatores. Jamvero infamiam vitari ab ominibus oportet qui sapiunt : maxime autem ab adolescentibus, quibus diutius hœrebit hoc malum in exordio longœ vitœ contractum. Ut igitur in cœrimoniis et sacrificiis sic etiam eos, qui vitam accipiunt, a laudibus exordiri oportet ... in extremam infamiam hos quidem prœclaros amatores quum liceat ... quinque et ... res amatoribus... nempe amasii hoc vestium ornatu non illos honorant, sed ipsi se jactant et ostentant, atque, ut ita dicam, amorem saltant.

Aiunt etiam, amatorem tuum quœdam erotica de te scribere. His quippe se potissimum sperat te deleniturum, sibique arctissime devincturum. Verum enimvero hœ sunt turpitudines et ignominiae et clamor quidam impudicus a libidine missus, quales voces ferarum sunt aut cicurum cum ex amore rugiunt aut hinniunt aut mugiunt aut fremunt. His pares sunt amantium cantiones. An igitur te amasio permittes ut vulgo et ubilibet tecum consuescat ? ne expectato quidem tempore idoneo neque loco neque otio neque solitudine; sed ferae ritu, insane et sine ulla reverentia, statim  ac ille te ad te accedet tuaque consuetudine uti cupiverit?

Uno adhuc addito, sermonem concludam. Cuncta deorum dona, quotquot ad hominum usum et delectationem et utilitatem omnino necessaria sunt, terram nempe et cœlum et solem et mare mirari ac celebrare solemus, minime vero adamare. At in pulchris quibusdam rebus, et quœ deteriorem naturam sortitœ sunt, invidiae et amoris et zeli et cupiditatis nomina usurpantur. Atque alii quidem lucrum amant, alii rursus obsonia, alii  vinum. Porro in hoc numero et statione pulchritudo ab amantibus collocatur, ut sit videlicet lucro et obsonio et molli similis. A nobis autem admiratoribus quidem sed non amatoribus eadem par soli et cœlo et terrœ judicatur : quœ nobiliora et celsiora prefecto sunt quam ut queant amari.

Unum tibi prœter hœc narrabo, quod et tu si coram ceteris pueris referes, blanda et probabilia narrare vi

manque la fin (page 80)

 

EPISTOLA IX.

M. Aurelius Caesar sal(utem) d(icit) Frontoni mag(istro) suo.

Ne ego impudens, qui umquam, quicquam meorum scriptorum tanto ingenio, tanto judicio legendum committo! Patri, domino meo, locum ex oratione tua, quem me eligere voluerat, ὑπεκρινάμην commode. Plane illa suum auctorem sibi dari flagitabant, denique mihi vix succlamatum est ... τοῦ ποιητοῦ. Sed quod tu merito omnibus praeoptas, non diu differam: Ita adfectus est auditione eorum dominus meus, ut paene moleste ferret, quod alio modo ad negotium... quam eo, quo tu orationem habiturus.  Ita verams sensuum facultatem, elocutionis variam virtutem, inventionis argutam novitatem, orationis doctam dispositionem vehementer miratus est....opes. Quaeris, quid me maxime... In his rebus et causis quid ni rivalis judicibus... causarum. De funere (man)damus ; sciat familia, quemadmodum lugeat: aliter plangit servus manumissus, aliter cliens laude vocatus, aliter amicus legat honoratus. Quid incertas et suspensas exequias agis? Omnium animalium statim post mortem hereditas cernatur.. atra... veste... pinnae olo... homines facere duas... post.  defertur praedonis... post plangitur. Puto, totum descripsi. Quid ergo facerem quod totum ac mire totum amarem hominem bonum? Vale, disertissime, doctissime, mihi carissime, dulcissime, magister optatissime, amice desiderantissime.

Horatius cum Polione mihi emortuus est. Id Herodes non aequo fert animo. Volo, ut illi aliquid, quod ad hanc rem adtineat, paucorum verborum scribas. Semper vale.

LETTRE IX

Manque le début (page 81)


*** Tant la vraie puissance des pensées, la vertu variée de l'expression, une certaine nouveauté dans l'invention et la disposition savante du discours, avaient appelé son admiration. *** Voilà ce que nous avons à te mander sur les funérailles ; que la famille sache d'abord comment elle pleurera. Autre est le deuil d'un affranchi ; autre celui d'un client appelé à la tutelle ; autres les larmes d'un ami honoré d'un legs. Pourquoi ces incertitudes et ces retards dans les funérailles ? A la mort d'une personne, c'est la coutume de faire crétion de l'hérédité… vêtements... richesses… deux parts… *** J'ai tout décrit, j'imagine. Que feraient-ils donc pour un homme que j'admirais tant, que j'aimais tant, un homme de bien ? Adieu, très éloquent, très savant, très cher, très doux, très désiré maître, ami très regretté.
Horatius m'est mort avec Pollio. Hérodès en est inconsolable. Je veux que tu lui écrives là-dessus quelques mots. Porte-toi toujours bien.