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LETTRES DE M. C. FRONTO A SES AMIS
LIVRE DEUXIÈME
LETTRE I
A VOLUMNIUS QUADRATUS
Je garderai le secret comme tu le veux. Je lirai volontiers, et je
corrigerai, selon ma coutume, autant que mes mains, qui sont très
malades, pourront me le permettre. Suis, selon ton désir, le cours
de tes études ; et s'il t'arrive d'avoir du temps de reste,
emploie-le à exercer ton esprit.
LETTRE II
A VOLUMNIUS QUADRATUS
Notre Castricius m'a rendu ton mémoire hier à ma sortie du bain, et
je l'ai remis à ce matin pour prendre ma réponse. J'ai été, toute la
nuit, si tourmenté par la toux et l'insomnie que j'ai dormi
forcément jusqu'à la cinquième heure. Voilà pourquoi j'ai retenu
notre Castricius. Tu auras les livres de Cicerón corrigés et mis en
ordre. Ceux que j'ai annotés, lu les liras toi-même. Je t'écrirai
bientôt pourquoi je ne veux pas qu'ils courent le monde.
LETTRE III
A VOLUMNIUS QUADRATUS
Je lirai avec plaisir, mon fils, le discours que tu m'as envoyé.
S'il y a quelque correction à faire, je la ferai, mais par la main
d'un copiste ; car je souffre de la main droite de cruelles
douleurs. Je me suis cependant fait porter au cirque avec ces
douleurs. Me voilà saisi encore une fois de la passion des jeux du
cirque ***
LETTRE IV
A CORNÉLIUS REPENTINUS FR. PR., SALUT
Tu as agi avec ta bonté continuelle et ordinaire, frère Contuccius ;
tu as si bien protégé Fabianus, jurisconsulte renommé, assidu au
forum et mon ami particulier, que tu lui as conservé sa
considération tout entière. Je prie les dieux immortels de
t'accorder une récompense égale à ce service ***
LETTRE V
A ARRIUS ANTONINUS
*** Il m'a été recommandé par des savants avec qui je suis très lié,
et dont la volonté a sur moi un pouvoir égal à leur mérite. Si donc
tu m'aimes, accorde à Volumnius tout honneur et toute facilité pour
gagner ton amitié. Car des hommes bien chers m'ont concilié son
affection. Veuille donc le recevoir avec cette bienveillante amitié
qu'Achille, sous sa tente, demandait au fils de Menoetius lorsqu'il
lui disait : Verse plus abondamment ***
LETTRE VI
A ARRIUS ANTONINUS
Je te salue, monseigneur et très cher fils. De même que j'écoute
volontiers et avec joie ceux qui parlent avec les plus grands éloges
de tes dits et faits dans l'administration de la province ; de même,
si quelqu'un laisse échapper quelque murmure ou quelque critique,
j'écoute beaucoup plus scrupuleusement, et je cherche à savoir sur
chaque point comment tu as procédé et jugé, car je tiens à ta
considération et à ta réputation autant qu'à la mienne.
Si Volumnius Sérénus de Concordia a été exact dans tout le détail
qu'il m'a fait, s'il n'a rien retranché, rien ajouté, il peut être
sûr et compter que je lui servirai, auprès de toi, de patron ou de
solliciteur ; et si je te parais avoir excédé la mesure d'une
lettre, cela viendra de ce que l'affaire a demandé qu'il fût joint à
la lettre une espèce de plaidoyer. Je présenterai toute l'affaire
comme Volumnius me l'a exposée, et je demanderai en même temps, sur
chaque fait, s'il est vrai.
La loi des Concordiens dispose-t-elle que nul ne pourra être fait
greffier s'il n'a pu régulièrement être fait aussi décurion ?
Ceux à qui on a déféré le greffe à Concordia ont-ils été ou sont-ils
en droit d'être décurions ?
Volumnius a-t-il été fait greffier et décurion par un décret de
l'Ordre ? A-t-il payé pour le décurionat plusieurs pensions jusqu'à
la quatrième ?
A-t-il joui pendant quarante-cinq ans des honoraires des décurions
et de leurs prérogatives aux repas publics ? dans la curie, aux
spectacles, a-t-il dîné, a-t-il siégé, a-t-il opiné comme décurion ?
S'il y a eu lieu à des députations publiques, Volumnius a-t-il été
souvent député ?
Et toutes les fois que Volumnius a été député, a-t-il été indemnisé
de ses frais de voyage par décret public ?
Est-il fait mention dans les registres publics que Volumnius se soit
chargé gratuitement de quelque mission pour les subsistances ?
Si tous les articles ci-dessus ont été ainsi décrétés, ainsi
rétribués, ainsi gérés, comment peux-tu douter qu'après
quarante-cinq ans celui-là ne soit décurion qui a été greffier, qui
a payé pour le décurionat, qui a joui des privilèges du décurionat
et en a rempli les fonctions ? et que veux-tu, mon fils, que veux-tu
qui te soit prouvé plus pleinement que cela ? ***
Que serait-ce si je disais que nos empereurs l'ont décidé ainsi dans
la cause d'Isidorus Lysias ? *** S'il a déposé les fonds, exercé les
fonctions. *** Volumnius a été dénoncé comme s'il eût envahi la
curie, parce que, comme relégué, il n'avait pas le droit d'y entrer
; qu'avant son exil, il n'avait pas consigné la somme entière pour
le décurionat, ni rien payé ensuite. Sur tous les points qui
auraient dû être débattus dans une suite d'audiences, Lollius
Urbicus, après avoir vu la cause, n'a rien statué contre
Volumnius... *** Il est marqué d'une éternelle ignominie. Autre est
la honte de l'ignominie imprimée à un homme seul, et la honte de
l'ignominie imprimée à une maison pleine d'enfants et de
petits-enfants ;
la tache de cette infamie se répand sur plusieurs qu'elle souille et
déshonore tous à la fois. De même que dans un combat autre est la
perte d'un cavalier tué, autre celle d'une trirème brisée *** Les
lois prononcent des peines contre celui qui coupera un arbre
heureux. Qu'est-ce qui fait l'heur d'un arbre ? des branches
fécondes, productives, et chargées de baies et de fruits. Personne
ne qualifiera du nom d'heureux une canne et un roseau, quelque
élevée que soit leur tige. Est-il plus juste d'honorer et de
protéger des arbres pour des baies et des fruits que des hommes pour
des enfants et des petits-enfants ?.*** Un escadron de chevaliers
romains, une portion de la curie, sont déshonorés dans un seul
homme. Rarement la foudre du ciel a frappé à la fois autant de têtes
que tes condamnations. *** Celui qui a mieux aimé être honnête homme
que le paraître a rarement eu la fortune favorable *** Il est bien
vrai que celui qui néglige la réputation de vertu néglige aussi la
vertu elle-même ; et celui-là ne fait pas de grands efforts pour
acquérir des talents qui s'embarrasse peu qu'on sache s'il les a ou
s'il ne les a pas acquis *** S'il peut donner le divorce, et être
privé de ses enfants, c'est ce dont je doute ; car, par cela même
que ce qui est long peut devenir plus long, ce qui est élevé plus
élevé, ce qui est nombreux plus nombreux, je vois que ces mots et
autres semblables admettent des augmentatifs, mais que rien de ce
qui est plein ne peut devenir plus plein. En effet, si un vase est
plein, tu tenteras vainement de le remplir davantage, à moins de
répandre *** Considère en toi-même si dans cette cause le temps de
développer les moyens te manque *** Dès qu'il a été créé, il a dû en
prendre les distinctions ; il les a prises de plusieurs manières.
Après les avoir prises, il a dû payer la somme, il l'a fait en
quatre paiements *** Tout ce qui aura été ajouté abondera
inutilement ; car lorsque ce qui doit suffire pour la conviction ne
suffit pas pour le juge, plus de fin à l'incertitude. Comme la
marche a sa mesure et son terme pour ceux qui ont pris la voie
droite, ainsi il est plus facile à ceux qui se sont égarés de faire
du chemin que d'arriver *** Avoir néanmoins dans une cause, je ne
dirai pas bonne, car suppose-la douteuse, exclu de la curie l'homme
le plus doux, le plus indulgent, le plus instruit, le plus pieux, et
dans un âge si avancé, dans un âge où l'on est exempt de toute
charge *** Tu infliges une grande tache à un vieillard qui a au-delà
de soixante-dix ans. A quelle époque, je t'en prie, sera-t-elle
effacée ? Combien peu de vie en effet lui reste-t-il pour se laver
de cette infamie, et recouvrer son ancienne dignité *** Ce que tu
appelles un intérim, combien de temps l'espérera-t-il ? S'il ne doit
l'espérer que le temps qu'il doit vivre, il a bien peu de temps à
l'espérer. Qui est-ce qui remet au lendemain la moisson d'un blé qui
se dessèche ? qui est-ce qui diffère la vendange d'un raisin mûr, et
qui perd son jus ? qui est-ce qui prolonge le temps pour les fruits
mûrs ou pour les fleurs qui se fanent, ou pour des torches qui
brûlent ? Je voudrais que de même que tu remets ce vieillard, le
temps le remît aussi. *** De longues carrières de vie ont été
données à l'adolescence et à la jeunesse, comme il est permis aux
jours et aux nuits d'être longs en certains temps : la vieillesse
est un crépuscule qui ne peut être long. Tout ce qui se fait pour un
vieillard, se fait comme par intérim. *** Resserré un quinquennium
en un triennium *** Avec douceur, Proculus, homme indulgent et
facile dans tout le reste, mais un peu trop dur dans ses sentences
*** Des hommes du caractère le moins sérieux ont été cependant
rigoureux en jugeant, comme s'ils eussent voulu, par une affectation
de dureté, suppléer la sévérité qui leur manquait. ***
LETTRE VII
A ARRIUS ANTONINUS
Je me félicite de ce que la plupart *** sont dans l'opinion que tu
ne me considères pas autrement que comme un père. C'est ce qui fait
qu'il m'arrive une foule de gens qui recherchent tes bonnes grâces.
Moi, je ne les accueille pas inconsidérément et sans choix ; mais
j'accorde mon suffrage à ceux qui le réclament dans de bonnes vues :
quand, au contraire, je ne distingue pas bien clairement si c'est
dans de telles vues qu'on les réclame... parce que Baburiana se
recommande auprès de moi d'hommes qui me sont chers, et auxquels je
désire infiniment plaire *** Je me suis chargé de te recommander le
désir de Baburiana, et je te le recommande avec toute l'instance
possible *** Je dirai en peu de mots : non seulement Baburiana a
acquiescé de bonne grâce, mais encore avec promptitude et presque
*** Elle demande donc ce qu'il te sera peu coûteux d'accorder, et
agréable à Baburiana d'avoir obtenu. ***
LETTRE VIII
A ARRIUS ANTONINUS
***
LETTRE IX
AUX TRIUMVIRS ET AUX DECURIONS
***
LETTRE X
AUX TRIUMVIRS ET AUX DECURIONS
J'aime bien mieux voir augmenter la défense de ma patrie que mon
crédit ; c'est pourquoi je vous conseille de créer des patrons, et
d'adresser tous les décrets à ce sujet à ceux qui occupent
aujourd'hui le premier rang au forum. Vous aurez d'abord à titre de
municipe, si les dieux secondent mes intentions, Aufidius Victorinus
; car je lui ai accordé ma fille en mariage, et je ne pouvais mieux
faire, pour assurer, à moi une postérité, et à ma fille le bonheur
de toute sa vie, que de choisir pour gendre un homme d'une telle
sagesse et d'une aussi grande éloquence. Vous aurez aussi pour
patron, par droit de municipe, Servilius Silanus, homme très bon et
très éloquent, le pays étant voisin et ami de la cité d'Hippone.
Vous ferez bien aussi de vous donner pour patron Postumius Festus,
renommé par ses mœurs et par son éloquence, et qui d'ailleurs est de
notre province et d'une ville peu éloignée. De ces patrons qui ne
sont pas gens de peu d'importance. *** Que notre colonie est fondée
sur l'appui des gens de barreau et des jeunes *** Que nous ayons un
homme populaire et un homme consulaire pour l'administration
publique. Moi aussi, à ce que j'espère, tant que j'ai été dans la
vigueur de l'âge, je n'ai point passé obscurément par les charges
civiles. Il y a encore dans le sénat plusieurs Cirtéens très
distingués. Le dernier honneur est le plus grand, trois de vos
citoyens ***
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