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table des matières de l'œuvre DE SEXTUS EMPIRICUS

SEXTUS EMPIRICUS

CONTRE LES MATHÉMATICIENS

 

LIVRE VI

CONTRE LES MUSICIENS

 

Oeuvre numérisée par Marc Szwajcer

texte grec

 

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SEXTUS EMPIRICUS

CONTRE LES MUSICIENS

AVERTISSEMENT

Un seul des ouvrages de Sextus Empiricus a traduit en français, les Hypotyposes pyrhoniennes.[1] Pourquoi ses Contradictions (ἀντιρρήσεις) n’ont-elles tenté aucun traducteur, ni en France, ni à l’étranger? Il est facile d’en trouver la raison. Comme on peut le reconnaître d’après le livre VI, consacré à la musique, les notions intéressantes, au point de vue spécial de la matière traitée, sont trop souvent perdues au milieu d’argumentations subtiles et fastidieuses dont on a peine à les dégager. Toutefois, nous n’avons pu nous résoudre à donner une partie seulement de ce livre VI. D’abord, toute traduction incomplète d’un texte ancien peut laisser au lecteur le regret de n’avoir pas sous les yeux la série continue des raisonnements déduits par l’auteur. De plus, il nous a paru bon de faire connaître, à titre de spécimen, la méthode de composition et les procédés de dialectique de Sextus. Ce sera peut-être lui rendre un mauvais service: Il n’importe : on pourra, croyons-nous, relever dans ce fatras plus d’une observation vraiment philosophique, plus d’un aperçu ingénieux

Sextus Empiricus, d’après les supputations fort admissibles de M. Brochard,[2] serait le contemporain de Galien qui mourut vers l’an 200. « Il est certain, écrit le savant professeur, qu’il était Grec, mais nous ne pouvons savoir ni où il est né, ni où il a enseigné. Divers passages de ses écrits nous indiquent qu’il n’était ni d’Athènes, ni d’Alexandrie. On peut conjecturer qu’il a passé au moins quelque temps à Rome. Tout ce que nous savons de certain, c’est qu’il fut le chef de l’école sceptique et qu’il enseigna au même endroit où son maître (le médecin Hérodote de Tarse) avait enseigné. »

Nous ne pouvons mieux faire que de citer encore M. Brochard en ce qui concerne les écrits de notre auteur. « Nous possédons trois ouvrages de Sextus : les Πυρρώνειοι ὑποτυπώσεις qui sont un résumé et comme un bréviaire du scepticisme, et, réunis à une époque récente sous le titre de Πρὸς μαθηματικούς, deux ouvrages dirigés l’un contre les sciences en général, l’autre contre les philosophes dogmatiques. Ils forment onze livres, mais vraisemblablement il n en avait que dix à l’origine: les deux livres Πρὸς γεωμέτρας et Πρὸς ἀριθμητικούς, dont l’un est fort court, n’avaient pas encore été séparés. Dans le Πρὸς μαθηματικούς, Sextus passe en revue toutes les sciences connues de son temps,... et s’efforce de démontrer que toutes leurs affirmations ne reposent sur rien, qu’on peut leur opposer sur chaque point des affirmations contraires et d’égale valeur. Les grammairiens, les rhéteurs, les géomètres, les arithméticiens, les astronomes, les musiciens sont successivement pris à partie dans les six livres dont se compose l’ouvrage. C’est aux philosophes qu’est consacrée la troisième oeuvre de Sextus. Des cinq livres dont elle est formée, la réfutation de logiciens occupe les deux premiers; celle des physiciens les deux suivants; le dernier est dirigé contre les systèmes de morale. On est en droit d’affirmer que les ouvrages de Sextus ont été composés dans l’ordre suivant 1° les Hypotyposes; 2° le livre contre les philosophes; 3° le livre contre les savants.[3] »

Il faut lire tout le chapitre dont nous extrayons ces lignes et qui expose avec la plus saine critique le caractère littéraire et philosophique de Sextus. Toutefois, comme l’éminent auteur des Sceptiques grecs a passé rapidement sur la partie scientifique de l’ouvrage Contre les Mathématiciens,[4] nous devons nous y arrêter quelques instants, au moins en ce qui touche la doctrine musicale. Sextus ne s’en tient pas exclusivement à une argumentation négative. Avant de réfuter les points principaux de la théorie qu’il va essayer de détruire, il apporte dans le débat tout ce qu’elle contient de positif, il rappelle avec impartialité, et même avec une sorte de complaisance, ce qu’on a dit et ce qu’on peut dire en faveur de la musique, et c’est surtout par ce côté que nous intéresse le livre VI du Πρὸς μαθηματικούς. D’autre part, ses autorités et ses sources appartiennent à l’école d’Aristoxène, qui, on le sait, raisonnait sur l’art musical en posant pour principe primordial de sa doctrine le jugement de l’oreille, tandis que les pythagoriciens rapportaient les lois musicales à la division mathématique du monocorde. Enfin, plusieurs éléments de la réfutation qu’il oppose aux musiciens se retrouvent particulièrement dans les fragments qui nous restent de la philosophie épicurienne.

Rien ne prouve que Sextus ait possédé une connaissance approfondie de la musique. Il est probable qu’une lecture attentive des musicographes lui a suffi pour écrire son livre Πρὸς μουσικούς; mais il s’y trouve telle proposition dont aucun des ouvrages techniques parvenus jusqu’à nous ne porte la trace. Ce fait seul justifierait déjà l’admission de ce livre dans une collection musicographique.

 

EDITIONS ET TRADUCTIONS.

Σέξτουμπιρικοῦ τὰ σωζόμενα. Sexti Empirici opera quae exstant. Magno ingenii acumine scripti pyrrhoniarum hypotyposeon libri III. Quibus in tres philosophiae partes acerrime inquiritur, Henrico Stephano interprete. Adversus Mathematicos, hoc est qui disciplinas profitentur, libri X. Gentiano Herveto Aurelio interprete. Graece nunc primum editi. Adjungere visum est Pyrrhonis Eliensis philosophi vitam, nec non Claudii Galeni Pergameni de optimo docendi genere librum quo adversus academicos pyrrhoniosque disputat. Ms. nostri varias lectiones et conjecturas aliquot margini insertas operi praefiximus. Indicibus item necessariis opus locupletavimus. Genevae, sumptibus Petri et Jacobi Chouët, 1621, in folio. — D’autres exemplaires portent, toujours avec la date de 1621, soit Parisiis, in officina Abr. Pacard, soit Aurelianae, ou encore Coloniae Allobrogum.

La traduction latine de G. Hervet parut d’abord à Paris chez Martin Lejeune. 1569, in folio, et à Anvers, la même année, chez Christophe Plantin.

Sexti Empirici opera graece et latine. Pyrrhoniarum institutionum libri III, cum H. Stephani versione et notis. Contra mathematicos sive disciplinarum professores libri VI. Contra philosophos libri V, cum versione Gentiani Herveti. Graeca ex rnss. codicibus castigavit, versiones emendavit supplevitque et toti operi notas addidit 70. Albenius Fabricius, Lipsiensis, etc. Lipsiae, J. Fr. Gleditsch, 1718, in folio.

Cette excellente édition a été réimprimée, avec des corrections de détail, sous le même titre. Lipsiae, Kühn, 1840, 2 vol. in-8.

Fabricius put consulter trois nouveaux manuscrits, un Savilianus, un Cizensis et un manuscrit de Breslau.

Sextus Empiricus. Ex recensione Imm. Bekkeri. Berolini, Reimer, 1842, in-8°. Texte seul avec les variantes recueillies par Fabricius, augmentées de celles du manuscrit de Koenigsberg coté 16 B 12. Bekker déclare en outre avoir consulté les manuscrits de Munich, de Venise et de Florence.


 

SEXTUS EMPIRICUS

CONTRE LES MATHÉMATICIENS

LIVRE VI. — CONTRE LES MUSICIENS

1. Le mot musique a trois significations. En premier lieu, c’est la science qui traite des mélodies, des sons, des rythmopées et d’autres choses semblables. C’est dans ce sens que nous disons qu’Aristoxène, fils de Spinthare,[5] est un musicien. En second lieu, on désigne par ce mot la pratique instrumentale;[6] c’est ainsi que nous appelons musiciens ceux qui jouent de la flûte et des instruments à cordes pincées, et musiciennes les joueuses de cithare.[7]

2. Ces diverses acceptions, sont d’un emploi courant et propre, tandis que parfois nous appliquons par abus ce mot même à des productions heureuses d’un autre genre.[8] C’est ainsi que nous parlons d’une oeuvre d’art « harmonieuse », lors même qu’elle appartient à la peinture, et, du peintre auteur d’un tableau réussi, qu’il a été inspiré par les Muses.

3. La musique étant considérée sous tant d’aspects, on se propose maintenant d’en entreprendre la réfutation, qui du reste n’aura trait qu’à la musique considérée dans la première acception; car celle-ci (ce dit-on) semble avoir été constituée de la manière la plus parfaite comparativement aux autres sortes de musique.

4. On peut employer (ici) un double[9] mode de réfutation, comme on l’a fait pour la grammaire. Les uns, plus particulièrement dogmatiques, s’efforcent d’enseigner que la musique, n’est pas un sujet d’étude nécessaire pour le bonheur, mais qu’elle est plutôt nuisible, et ils en donnent pour raison que les propos tenus par les musiciens prêtent au blâme et que leurs principaux raisonnements ne tiennent pas debout.

5. D’autres, traitant la question d’une façon plutôt dubitative, s’abstiennent de toute réfutation de cette nature, mais croient, en faisant écrouler les hypothèses fondamentales des musiciens, réduire à néant la musique tout entière.

6. Quant à nous, pour ne pas paraître mutiler la doctrine, nous caractériserons sommairement l’une et l’autre opinion, ainsi que l’un et l’autre fait (avancé comme argument); évitant, sur les points secondaires, de nous lancer en de longues digressions, mais ne voulant pas, d’autre part, sur les points nécessaires, exposer insuffisamment les questions pressantes, mais tendant autant que possible à tenir le juste milieu et la mesure dans notre enseignement.

7. Nous donnerons la première place aux arguments qui ont cours dans le monde en faveur de la musique. Si l’on admet, dit-on, que la philosophie, assagit la vie humaine et réprime les passions de l’âme, à plus forte raison admettrons-nous que la musique exerce sur nous un pouvoir sans violence, et, avec un charme persuasif, obtient les mêmes résultats que la philosophie.[10]

8. Ainsi Pythagore ayant vu des jeunes gens qui faisaient mille extravagances sous l’action de l’ivresse, au point qu’ils ressemblaient à des fous, conseilla au joueur de flûte qui les accompagnait de leur jouer l’air spondiaque. Celui-ci suivit son conseil et les jeunes gens changèrent aussitôt d’altitude : ils redevinrent aussi calmes que s’ils n’avaient jamais cessé de jouir de leur raison.[11]

9. Les Spartiates, qui eurent l’hégémonie de la Grèce et dont la valeur était proverbiale, faisaient toujours la guerre musique en tête: Les hommes qui se conformaient aux préceptes de. Solon marchaient au combat au son de la flûte et de la lyre, soumettant à un rythme convenable tous les mouvements militaires.[12]

10. La musique, de même qu’elle rend la raison aux insensés et donne du courage aux lâches, apaise aussi bien les gens enflammés de colère. C’est ainsi que nous voyons, chez le poète, Achille courroucé, que les députés envoyés près de lui surprennent:

Charmant son coeur avec une phorminx harmonieuse,

belle, ouvragée, montée sur un joug d’argent,

qu’il avait prise dans le butin après avoir détruit la ville d’Héétion;

c’est ainsi qu’il calmait sa colère[13]

sachant bien que l’exercice de la musique pouvait le mieux dominer sa disposition.

11. Les autres héros, lorsqu’ils allaient en expédition et s’embarquaient pour accomplir une longue traversée, étaient dans l’usage de laisser chez eux des musiciens comme étant les plus fidèles gardiens et les meilleurs gouverneurs de leurs femmes. Ainsi Clytemnestre avait auprès d’elle un aède auquel Agamemnon fit de nombreuses recommandations au sujet de sa conduite.[14]

12. Mais Egisthe, rusé scélérat,[15]

emmena cet aède dans une île déserte

et l’y abandonna, en proie et en pâture aux oiseaux;[16]

puis, une fois Clytemnestre privée ainsi de son gardien, il la séduisit et l’exhorta à s’emparer du pouvoir d’Agamemnon.

13. Les philosophes d’une grande autorité, tels que Platon, disent que le sage est semblable au musicien, ayant une âme bien accordée.[17] Aussi Socrate, quoique fort avant dans sa vieillesse, n’avait-il pas honte d’aller prendre des leçons auprès de Lampon,[18] le cithariste; et comme on l’en critiquait, il répondit qu’il valait mieux apprendre tard que d’être blâmé pour n’avoir jamais appris.

14. Il ne faut pourtant pas, dit-on encore, dénigrer la musique d’autrefois (en la jugeant) d’après celle d’aujourd’hui qui est brisée et énervée.[19] Les Athéniens aussi, grandement soucieux de la tempérance et ayant compris la dignité de la (belle) musique,[20] la transmettaient à leurs descendants comme le sujet d’étude le plus nécessaire.

15. Le poète de la comédie ancienne l’atteste dans ces vers

Je dirai la vie qu’autrefois j’ai procurée aux mortels.[21]

D’abord il ne fallait pas qu’on entendît un enfant souffler mot;

ensuite l’on devait marcher en bon ordre dans les rues pour se rendre chez le cithariste.

Par conséquent, si la musique rend maintenant l’esprit efféminé par une mélodie hachée et des rythmes langoureux, c’est un reproche qui n’atteint en rien la musique virile d’autrefois.

16. S’il est vrai que la poésie est utile dans la vie et que la musique sert à embellir la poésie en lui prêtant sa mélodie et son accompagnement, il s’ensuivra que la musique est une chose utile. Au surplus, les poètes sont appelés compositeurs de musique; les vers d’Homère étaient chantés jadis au son de la lyre.[22]

17. Il en était de même, chez les tragiques, des monodies et des stasirna,[23] qui observent un certain rapport naturel, comme, par exemple les vers suivants qui renferment une certaine doctrine naturelle :

Très grande est la Terre et divin l’éther.

L’un est le père des hommes et des dieux.

L’autre, quand elle a reçu les pluies

distillées par l’Auster, enfante les mortels;

elle produit aussi leur nourriture et les troupeaux de bêtes

aussi l’a-t-on crue non sans raison la mère de toutes choses.[24]

18. En général, non seulement on entend de la musique là où règne la joie, mais encore elle accompagne les hymnes, elle a sa place dans les banquets et dans les sacrifices offerts aux dieux. Elle suscite l’émulation du bien; elle console les affligés. C’est ainsi que l’on fait entendre le son des flûtes aux gens qui sont dans le deuil, afin d’alléger leur peine.[25]

19. Tels sont les arguments énoncés en faveur de la musique. Voici maintenant ceux qu’on y oppose. D’abord il n’est pas accordé d’emblée que les airs soient, par nature, les uns des excitants, les autres des calmants de l’âme; car c’est notre opinion qui les rend tels. Le bruit du tonnerre, comme le disent les épicuriens, n’annonce pas l’apparition d’un dieu, mais ne prend cette signification que .dans la pensée des ignorants et des gens, superstitieux.

20. Et, en effet, un bruit semblable se produit lorsqu’on frotte certains corps l’un contre l’autre, par exemple lorsqu’on fait tourner une meule, ou lorsqu’on se frappe dans les mains avec ensemble. De même aussi, parmi les airs musicaux, il n’est pas vrai qu’ils soient, par leur nature, tels ou tels, mais nous les jugeons ainsi de par une opinion gratuite. Ainsi l’air qui excitera des chevaux ne produira nullement le même effet, au théâtre, sur les spectateurs; et encore les chevaux ne sont-ils peut-être pas excités, mais plutôt effarouchés.

21. De plus, lors même que les airs musicaux auraient cette efficacité, ce ne serait pas une raison pour proclamer l’utilité de la musique. En effet, ce n’est pas parce qu’elle possède un pouvoir moralisateur qu’elle rend le calme à l’esprit, mais parce qu’elle exerce une action dérivative. Aussi, dès que ces sortes de mélodies ont cessé, l’esprit retombe de nouveau dans son premier cours d’idées, ce qui prouve qu’il na pas été guéri par elles.

22. Ainsi donc, tout comme le sommeil ou le vin ne dissipent pas le chagrin, mais le suspendent en produisant une torpeur, une détente et l’oubli, de même le chant de telle ou telle nature ne calme pas l’âme remplie de douleur ou l’esprit agité par la colère, mais tout au plus leur procure-t-il une diversion.

23. Quant à Pythagore, il était absurde, d’abord de vouloir mal à propos ramener des gens ivres à la raison plutôt que de les éviter; ensuite, en employant ce procédé, il confessait que les aulètes ont plus d’influence que les philosophes pour corriger les moeurs.

24. Si les Spartiates faisaient la guerre au son de la flûte et de la lyre, cela vient à l’appui de ce qu’on a dit plus haut[26] mais ne prouve aucunement l’utilité morale de la musique. De même que ceux qui portent des fardeaux ou manient la rame, ou font des travaux pénibles, poussent des cris[27] pour détourner leur pensée de la fatigue à laquelle les contraint leur besogne, de même, à la guerre, ceux qui employaient les flûtes et les trompettes, ne le faisaient pas parce que la musique excite l’esprit et fait naître des résolutions viriles, mais ils tâchaient de se distraire ainsi du combat et du trouble de la mêlée. De même quelques peuples barbares jouent de la trompe avec des conques ou font la guerre en battant du tambour, mais rien de tout cela n’excite leur courage.

25. Il faut en dire autant d’Achille en courroux : de nature amoureuse et intempérante, il n’est pas surprenant qu’il ait eu le goût de la musique.

26. Oui, certes, on a vu les héros placer des aèdes auprès de leurs femmes, les considérant comme d’honnêtes gardiens, ce que fit Agamemnon pour Clytemnestre ; mais ce sont là récits de mythologues dont la réfutation, fournie par eux-mêmes, est sous notre main; car, comment se fait-il, si l’on accorde à la musique le pouvoir de corriger les passions, que Clytemnestre ait fait périr Agamemnon dans son propre foyer comme un boeuf dans son étable;[28] que Pénélope ait admis dans la demeure d’Ulysse une foule de jeunes débauchés et que, flattant et enflammant leur passion, elle ait suscité à son mari, dans l’île d’Ithaque, une lutte plus pénible et plus difficile que l’expédition contre Ilion?

27. D’autre part, de ce que Platon admet la musique, ce n’est pas une preuve qu’elle contribue au bonheur, puisque d’autres philosophes qui ne lui cèdent pas en autorité, tels par exemple qu’Épicure, lui ont refusé cette action, la déclarant au contraire :

inutile, portant à la mollesse, amie du vin, insoucieuse de l’argent.[29]

28. Il faut être bien simple pour établir une connexité entre les avantages à tirer de la poésie et l’utilité (de la musique). On peut, en effet, comme nous l’avons dit dans le livre contre les grammairiens,[30] affirmer que la poésie est inutile, mais néanmoins, montrer que, tandis que la musique, confinée dans la mélodie, n’a d’autre effet que de charmer, la poésie, comme expression de la pensée, peut être utile et moralisatrice.

29-30. Voilà donc ce qu’on peut répondre aux arguments des musiciens. On dira surtout contre la musique, que son utilité, si elle existe, s’entend ou bien en ce sens que celui à qui on l’a enseignée éprouve plus de plaisir à une audition musicale que ne peuvent en éprouver les profanes; ou en ce sens que l’on ne peut devenir vertueux si l’on n’a pas été instruit par un musicien; — ou encore en ce sens que les éléments de la musique sont ceux-là même qui constituent la connaissance des matières philosophiques, comme nous l’avons dit plus haut, à propos de la grammaire,[31] — ou bien en ce sens que le monde est administré conformément à l’harmonie, suivant ce qu’affirme l’école de Pythagore,[32] et que nous avons besoin de la théorie musicale pour connaître l’Univers, — ou enfin que des chants de tel ou tel caractère exercent une action morale sur l’âme.

31. Mais pour démontrer que la musique est utile, on ne saurait alléguer que les musiciens, éprouvent plus de plaisir que les profanes à une audition. D’abord, ce plaisir n’est pas nécessaire aux profanes comme le sont, dans la souffrance causée par la faim, la soif ou le froid, les jouissances que procure un breuvage (ou un aliment) où le feu.

32. Ensuite, lors même que ce plaisir devrait être rangé parmi les jouissances nécessaires, nous pouvons le goûter tout en étant dénués de toute pratique musicale. Ainsi les enfants s’endorment quand ils entendent un ronron mélodique, et les animaux, privés de raison, aiment à entendre la, flûte et la syrinx; les dauphins, à ce qu’on raconte,[33] charmés par lé son de la flûte, nagent vers les rameurs des navires; et pourtant, ni les uns ni les autres n’ont évidemment ni pratique ni notion musicale.

33. Aussi, tout comme, sans posséder l’art culinaire ou celui de la dégustation, nous trouvons du plaisir à faire bonne chère et à boire du vin, de même, sans savoir la musique est-ce que nous n’aurions pas plaisir à entendre une mélodie agréable? Quant aux (connaisseurs),[34] au point de vue du mérite technique ils l’apprécieront mieux que les profanes, mais au point, de vue de la jouissance sensible ils n’en tirent pas plus de plaisir qu’eux.

34. Ainsi donc, la musique n’est pas à prôner parce que les connaisseurs y pourraient goûter plus de charme (que les profanes), ni parce qu’elle prédispose l’âme à la sagesse; car, bien au contraire, elle repousse et contrecarre le désir d’être vertueux, elle favorise chez les jeunes gens le penchant à l’intempérance et au libertinage.

35. En effet, celui qui fait de la musique,

se délectant aux mélodies, ne cesse de les rechercher.

Il deviendra paresseux au logis, à la ville

et négligera ses amis. Il s’éloigne et se dérobe

lorsqu’il est dominé par la douce volupté.[35]

36. Semblablement, à supposer même que (la musique) parte des mêmes principes que la philosophie, il ne faut pas en conclure qu’elle est utile; c’est là une chose évidente, par elle-même.

37. Restent ces deux arguments : que le monde est administré conformément à l’harmonie, et qu’en exécutant des chants moralisateurs, la musique se trouve contribuer au bonheur. Ce dernier argument a déjà été réfuté[36] comme n’étant pas fondé. Quant à l’harmonie qui préside au monde, c’est, une théorie dont la fausseté s’établit de bien des manières. En outre, lors même qu’elle serait vraie, cette harmonie ne peut rien pour procurer le bonheur, pas plus que l’harmonie qui existe dans les instruments de musique.

38. Tel est le premier mode de réfutation à opposer aux musiciens;[37] le second, qui s’attache aux principes (de l’art musical), réclame une discussion plus technique.[38] Par exemple, comme la musique est la science des sons mélodiques et non mélodiques, des éléments rythmiques et non rythmiques, si nous montrons que les chants n’existent point et que les rythmes ne répondent pas davantage à des faits existants, nous aurons établi que la musique n’existe pas non plus.[39] Or, reprenons les choses d’un peu plus, haut, et d’abord parlons des chants et de leur existence.

39. Définition de la voix. — La voix est, comme on pourrait le définir d’une façon incontestable, ce qui est particulièrement perceptible par l’oreille. En effet, comme l’action de la vue seule consiste à saisir les couleurs, celle de l’odorat seul à sentir les odeurs bonnes et mauvaises, celle du goût (seul) à percevoir le doux et l’amer, de même la voix sera proprement ce qui est perçu par l’oreille.

40. La voix est soit aiguë, soit grave, et ces deux qualités sensibles reçoivent métaphoriquement leurs dénominations de celles qui se rapportent au toucher. En effet, de même que le monde dit, de ce qui pique et coupe les organes du toucher, que c’est aigu, et de ce qui fait poids et presse, que c’est gravé (pesant), de même pour les voix, celle qui pour ainsi dire coupe l’ouïe nous l’appelons aiguë, et grave celle qui, semble la presser.

41-42. [l n’est pas étonnant que, de même que nous appelons telle voix brune, noire ou blanche,[40] par comparaison avec la perception de la vue, nous ayons de même emprunté certaines métaphores au sens du toucher.

Lors donc qu’il se produit une émission de voix égale et sous une tension unique, de telle sorte qu’il n’y ait pas dans la perception d’inflexions variées vers le grave ou l’aigu, une telle émission vocale est alors appelée son (φθόγγος). C’est pourquoi les musiciens disent dans leurs explications:[41] « Le son est la chute d’une voix mélodique sur une seule tension.[42] » Parmi les sons, les uns sont homophones, les autres non homophones.[43] Les homophones sont ceux qui ne diffèrent pas entre eux en acuité ou en gravité; les non homophones, ceux qui sont dans le cas contraire.

43. Les homophones, comme les non homophones, sont nommés les uns aigus, les autres graves; de plus, les non homophones reçoivent les uns le nom de dissonants et les autres celui de consonants.[44] Les dissonants sont ceux qui frappent l’oreille d’une manière inégale et détachée, les consonants, ceux qui l’affectent d’une manière plus égale et indivisible.

44. Au surplus, nous expliquerons plus clairement le caractère propre de l’une et de l’autre espèce (de sons) en nous servant d’une métaphore empruntée aux qualités du goût. Parmi les choses qui affectent ce sens le unes sont mélangées de telle façon qu’elles produisent une sensation uniforme et douce; tels le vin miellé, l’hydromel, tandis que d’autres ne l’affectent ni de même, ni semblablement; tel par exemple l’oxymel. En effet, chacun des deux composants dans ces mélanges produit une impression particulière sur le goût. Il en est de même des sons : les dissonants sont ceux qui frappent l’oreille d’une manière inégale et détachée; les consonants, ceux qui sont plus égaux. Telle est la différence qui distingue les sons, au dire des musiciens.

45. Les sons circonscrivent certains intervalles suivant lesquels se meut la voix, soit qu’elle monte vers l’aigu,[45] soit qu’elle se relâche vers le grave. C’est la raison pour laquelle, par analogie, parmi ces intervalles, les uns sont appelés consonants, les autres dissonants.

46. Les consonants sont ceux qu’enveloppent des sons consonants; les dissonants, ceux qu’enveloppent des sons dissonants. Parmi les intervalles consonants; les musiciens appellent diatessaron (quarte) le premier et le plus petit, diapente (quinte) celui qui lui succède en étendue, et diapason (octave) celui qui vient après la quinte.

47. Parmi les intervalles dissonants, le plus petit et le premier, est, chez les musiciens, celui qu’on appelle diésis;[46] le deuxième est le demi-ton, qui est double du diésis, le troisième est le ton qui est double du demi-ton.

48. Maintenant de même qu’un intervalle quelconque, en musique, consiste essentiellement dans les sons (qui le limitent), il en est de même de tout éthos, c’est-à-dire genre de mélodie. En effet, de même que les hommes ou bien ont des moeurs austères et fortes (telles étaient, dit-on, celles des anciens), ou sont portés à l’amour et à l’ivrognerie, à la plainte et aux larmes, de même telle mélodie suscite dans l’âme des mouvements graves et dignes de vrais citoyens, et telle autre des sentiments plus bas et sans noblesse.

49. C’est en se plaçant à ce point de vue que les musiciens, pour dire telle ou telle mélodie, disent tel ou tel éthos (caractère moral), parce qu’elle engendre tel ou tel état d’âme, comme on dit une peur blême[47] de celle qui fait blêmir, et des vents d’auster sourds, brumeux, lourds, paresseux, mous,[48] au lieu de dire qu’ils produisent ces effets.

50. Dans la musique commune dont nous parlons, on distingue le chroma (chromatique), l’harmonie (enharmonique) et le diatonique. Parmi ces (genres), l’enharmonique engendre un éthos austère et majestueux; le chromatique est pénétrant et plaintif; le diatonique, un peu rude et presque rustique.

51. Parmi les genres mélodiques, l’enharmonique ne comporte pas de divisions; mais le diatonique et le chroma ont plusieurs variétés particulières. Le diatonique en a deux, appelées le diatonique mou et le diatonique synton. Le chromatique en a trois, appelées le chromatique tonié, le sesquialtère[49] et le mou.

52. Il est évident, d’après tout cela, que toute la théorie mélodique des musiciens ne doit son existence qu’aux sons, et que, par conséquent, les sons supprimés, la musique, sera réduite à néant. Comment donc pourra-t-on établir que les sons n’existent pas? C’est que la voix est une espèce de sons; or, dans les Commentaires sceptiques,[50] nous avons montra la non-existence de la voix, d’après le témoignage même des dogmatiques.

53. En effet, les philosophes de Cyrène affirment que les impressions seules existent, qu’il n’existe rien d’autre et que par suite, la voix, n’étant pas une impression, mais un facteur d’impressions, n’est pas au nombre des choses existantes.[51] D’autre part, Démocrite et Platon, qui suppriment toute chose perceptible aux sens, suppriment du même coup la voix qui semble être une de ces choses.[52]

54. Voici maintenant un autre point de vue. Si la voix existe, ou elle est un corps, ou elle est incorporelle; or, elle n’est pas un corps suivant ce qu’enseignent longuement les péripatéticiens; elle n’est pas non plus incorporelle, comme le montre l’école du Portique.[53] Donc la voix n’existe pas.

55. Une autre argumentation revient à dire : si l’âme n’existe pas, les perceptions n’existent pas non plus; car elles sont des parties de l’âme; si les perceptions n’existent pas, les choses perceptibles n’existent pas non plus; car leur existence est conçue comme se rattachant à une perception. Si les choses perceptibles n’existent pas, la voix n’existe pas non plus, car elle appartient à la classe des choses perceptibles. Or, l’âme n’est rien, comme nous l’avons montré dans nos Commentaires sur l’âme.[54] Donc la voix n’existe pas.

56. Et encore : Si la voix n’est ni brève ni longue, elle n’existe pas; or, la voix n’est ni brève ni longue, ainsi que nous l’avons rappelé dans nos Commentaires contre les grammairiens[55] en discutant avec ceux-ci au sujet de la syllabe et du mot.

57. En outre, la voix ne se conçoit (comme existante) en acte ni en substance;[56] mais dans le devenir et dans un développement graduel; or, ce qui est conçu en état de devenir devient, mais n’existe pas encore, non plus qu’une maison un navire et beaucoup d’autres choses en construction, ne sont dites exister: Donc la voix n’est rien. Et l’on pourrait encore mettre en avant beaucoup d’autres raisons, tendant à la même conclusion; que nous: avons déduites, je le répète, dans les Commentaires pyrrhoniens.[57]

58. Mais puisque la voix n’existe pas, le son n’existe pas davantage, car le son a été défini[58] la chute de la voix sur une tension unique. Le son n’existant pas, il n’y a plus d’intervalle musical, plus de consonance, plus de mélodie, plus de genres mélodiques, et par suite; plus de musique; car la musique a été définie[59] la science des sons mélodique et non mélodiques.

59: Ensuite partant d’un autre principe, il faut montrer que, quand même nous écarterions ces arguments, la musique au moyen du doute portant sur la rythmopée, sera considérée comme non existante. En effet, si le rythme n’est rien, la science du rythme n’existera pas non plus. Or, le rythme n’est rien comme nous allons le démontrer;[60] donc il n’existe pas de science du rythme.

60. En effet, comme nous l’avons dit et répété, le rythme est un assemblage de pieds, et le pied se compose d’une arsis et d’une thésis;[61] l’arsis et la thésis dont considérées dans une quantité de temps. La thésis occupe certains temps et l’arsis certains autres. De même que les syllabes sont formées avec des lettres et les mots avec des syllabes, de même les pieds ont formés avec des temps et les rythmes avec des pieds, lesquels servent à les constituer.[62]

61. Si donc nous montrons que le temps n’est rien, nous tiendrons pour démontré du même coup que les pieds n’existent pas non plus et que; pour cette raison, les rythmes n’existent pas davantage; vu que ceux-là servent à les constituer. Il s’ensuivra qu’il n’y aura pas non plus une science des rythmes:

62. Pourquoi donc le temps n’est rien, nous l’avons montré dans les (discours) pyrrhoniens;[63] néanmoins, nous y reviendrons ici dans une certaine mesure. Si le temps est quelque chose, ou bien il a été limité, ou il est illimité.[64] Or il n’a pas été limité, sans quoi nous dirions qu’il y a eu un temps où il n’y avait pas de temps, et qu’il y aura un temps où il n’y aura pas de temps. Il n’est pas non plus illimité ; car il y a une partie du temps qui est passée, une autre qui est actuelle, et une autre qui est à venir. Si chacune de ces parties (qui enferment le présent) est limitée, le temps est limité; si elle est illimitée le temps passé sera dans le présent, ainsi que le temps futur, ce qui sera absurde.[65] Donc le temps n’existe pas.

63. En outre, ce qui se compose d’éléments non existants est non existant. Le temps, composé de ce qui est passé et n’existe plus, et de ce qui est futur et n’existe pas encore, est donc non existant.

64. D’autre part, si le temps est indivisible, comment dire qu’une de ses parties est passée, une autre actuelle et une autre future? S’il est divisible, comme toute chose divisible a pour mesure une de ses parties, telle la coudée, mesurée par la palme, la palme, mesurée par le doigt, il faudra que le temps ait pour mesure une de ses parties.

65. Mais il n’est pas possible que le temps présent serve de mesure aux autres temps, puisque le temps qui survient et qui est présent sera (dans ce cas), d’après nos adversaires, le même qui est passé et futur, temps passé comme mesurant le temps passé, temps futur comme mesurant le temps futur, ce qui est absurde. Il n’est pas non plus possible de mesurer le temps présent avec l’un des deux autres. Par cette raison, d’après ce point de vue encore, on ne peut pas dire que le temps existe.

66-7. Ce n’est pas tout : le temps se compose de trois parties; il comporte le passé, le présent, le futur Le passé n’existe plus; l’avenir n’existe pas encore. Quant au présent, il est divisible ou indivisible. Il ne pourrait être indivisible, car, ainsi que le dit Timon,[66] dans une chose indivisible, rien ne peut se produire de divisible, comme par exemple, naître, périr.

Autre argument si la partie actuelle du temps est indivisible, elle n’a ni commencement d’où elle parte, ni terme auquel elle aboutisse, et pour cette raison, elle n’a pas non plus de milieu. Donc le temps présent n’existera pas.

Supposons-le maintenant divisible. Si c’est en temps non existants qu’il se divise, il n’existera pas lui-même; si c’est en temps existants, il ne sera pas le temps intégral, mais, parmi ses parties, les unes existeront et les autres non. Donc le temps n’est rien, et pour cette raison les pieds n’existent pas, non plus que les rythmes ni la science des rythmes.

68. Telles sont les explications techniques que nous avions à donner pour combattre les principes de la musique; et c’est sur cette matière que nous mettrons fin à notre discours contre les sciences.

 

C.-E. RUELLE.

 


 

[1] Les hypotyposes ou institutions pironiennes de Sextus Empiricus en 3 livres, traduites du grec avec des notes qui expliquent le texte en plusieurs endroits (anonyme). [Amsterdam], 1721, in-12. — Publié avec le nom du traducteur (Huart), sans autre changement que le titre, à Londres, 1725. — Buhle avait commence la traduction allemande des Hypotyposes sous le titre suivant Sextus Empiricus, oder der Skepticismus der Griechen : ans dem Griechischen, mit Anmerkungen und Abhandlungen, von J.-G. Buhle, vol. I Lemgo, 1801, in-8. — Il existe, paraît-il, une version latine des Hypotyposes, antérieure au xive siècle, à la Bibliothèque nationale, fonds Saint-Victor, nouveau catalogue, n° 32. Celle d’Henri Estienne fut publiée à Paris, 1562, in 8.

[2] Les sceptiques grecs, 1887, p. 315

[3] Les sceptiques grecs, p. 317 et suiv.

[4] Après avoir analysé un passage géométrique de Sextus, M. Brochard s’exprime ainsi : « Il nous semble inutile, après avoir résumé les arguments sceptiques sur les points les plus importants, de poursuivre cette exposition dans le détail des autres questions. C’est toujours la même méthode; ce sont toujours les mêmes procédés, on pourrait dire les mêmes artifices dialectiques » (op. cit., p. 353).

[5] Spinthare était musicien lui-même et fut le premier maître de son fils. Il cultiva l’amitié de Socrate, d’Archytas et d’Épaminondas.

[6] Au lieu de (s. c. ἐπιστήμη) περὶ ὀργανικήν ἐμπειρίαν, M. Th. Reinach propose de lire τὰ περὶ τὴν ὀργ. ἐμπ.

[7] Une joueuse de cithare est appelée dans l’inscription placée au pied d’une statue d’Herculanum. Cp. dans la Grande Encyclopédie notre article Cithare.

[8] Lire ἐν < ἄλλῳ > τινὶ πράγματι κατόρθωσιν (T. R.).

[9] Διττόν, leçon du manuscrit de Breslau adoptée par Fabricius et par Bekker, au lieu de ἐιπεῖν.

[10] Sur les avantages de la bonne musique, voir Plutarque, Sur la musique, §§ 41 et suivants. — Stanley (Histoire de la philosophie, p. 739 de la traduction latine) renvoie, sur la question des effets de la musique, à Jamblique, Vie de Pyth., 23; Sénèque, De ira, III, 9; Cicéron, Tuscul., IV, 2; Élien, Hist. var., XIV, 23; Porphyre, Vie de Pyth., p. 195; Ammonius, In V voces, 2; Boèce, Instit. mus., I, 1; S. Basile, Homel. XXIV.

[11] Voir sur ce passage la longue et savante note de Fabricius qui mentionne Sénèque, De ira, III, 9; Élien, Hist. var., XIV, 23; Eustathe, sur l’Iliade, IX, 643; Galien, Opinions d’Hippocrate et de Platon, IX, Marcianus Capetia, Noces de Mercure et de la philologie, l. IX. Il cite textuellement le passage du scholiaste d’Hermogène relatif à l’anecdote rapportée par Sextus; il vise Porphyre, Vie de Pyth., §§ 30, 32, 33 ; Quintilien, Institution oratoire, I, 10; enfin il cite Euthymius Zygabenus, Praefatio in Psalmos.

[12] Ce que Sextus dit ici des Athéniens est rapporté .en réalité (par Éphore et Polybe) des Crétois; il y a ici quelque confusion ou quelque corruption : le § 14 (infra) semble prouver que Sextus n’avait pas encore parlé des Athéniens (T. R.).

[13] Homère, Il., IX, 186-190. — Plutarque, Sur la musique, § 40, a fait valoir le même argument et cité les mêmes vers.

[14] Cp. Hom., Od., III, 267.

[15] Αἴγιστον δολόμητιν, (Hom., Od., III, 308).

[16] Hom.,Od., III, 270.

[17] Ainsi qu’un instrument de musique. Cp. Platon, République, IV, p. 441-442.

[18] Λάμπωνα est la leçon des manuscrits. Ménage l’a corrigée en Λάμπρον. Lampros est, en effet, un musicien contemporain de Socrate, mais rien ne s’oppose à l’existence d’un cithariste nommé Lampon. Nous connaissons plusieurs personnages qui ont porté ce nom.

[19] Cp. Plutarque, Sur la musique, § 41.

[20] τὴν σεμνότητα τῆς γε < καλῆς > μουσικῆς κατειληφότες (T. R.).

[21] Ce vers est cité par Athénée, Deipnosophistes, l. VI, p. 268 B, comme étant du poète Téléclide dans sa pièce des Amphictyons (I, p. 209 Koch). Aristophane l’a parodié (Nuées, v. 961). Sextus cite les deux vers suivants d’après le célèbre comique.

[22] Voir Athénée, Deipnosoph., l. XIV, p. 638.

[23] μέλη καὶ στάσιμα. La correction de Fabricius, μέλη στάσιμα, ne paraît pas nécessaire. Ecrire ensuite : ὁποῖά ἐστι τὰ οὕτω λεγόμενα, φυσικόν τινα ἐνέχοντα λόγος. (T. R.)

[24] Fragment du Chrysippe d’Euripide (fr. 839 Nauck). — il est probable que le texte original de cette citation portait des signes de notation musicale, à moins que la musique n’en fût très connue du gros public.

[25] Cp. Aristote, Problèmes, XIX, 1.

[26] Voir le § 21.

[27] Le κέλευσμα était le cri des rameurs en marche ὦ εἴα τῶς ; ὦ εἴα νῦν. Par contre, κατακελεύειν, c’était pousser le cri : ὠύπ (Aristophane, Grenouilles, 208, pour indiquer l’arrêt du navire. (Fabr.)

[28] Cp. Hom., Od., XI, 411.

[29] Cp., dans les papyrus d’Herculanum, Philodème, Sur la musique, col. IV et passim.

[30] Cp. le livre I, §§ 277 et suiv., 297 et suiv.

[31] Livre I, §§ 299 et 300.

[32] Cp. Plutarque, Musique, § 44, et notre auteur, l. IV, § 3.

[33] Cp. Élien, Hist. des animaux, XII, 45.

[34] Le texte présente une lacune évidente (T. R.)

[35] Fragment de l’Antiope d’Euripide, n° 187, Nauck.

[36] Voir plus haut le § 27.

[37] C’est le mode dogmatique; l’auteur va passer au mode dubitatif.

[38] Ζήτησις πραγματικωτέρα. Cp. les Hypotyposes pyrrhoniennes, l. I, § 62 et la note de Fabricius sur ce passage.

[39] Cette discussion est annoncée par Sextus, Contre les mathématiciens, l. I, p. 217 Fabr.

[40] Cp. notre traduction de Gaudence, Introduction harmonique (Collection des auteurs grecs relatifs à la musique, V), p. 57, note 4. — Dans Lucain on trouve « vox atra », dans Nonnus, φωνὴ λευκάς (Fabr.).

[41] Le grec porte ici: Ὅρος φθόγγου, lemme inséré dans le texte.

[42] C’est la définition donnée par Aristoxène, Éléments harmoniques, p. 15, Meibom.

[43] Cp. Gaudence, Introd. harm., p. IJ, Meibom.

[44] Cp. Gaudence, l. c.

[45] Chez les plus anciens musicographes grecs les sons aigus étaient placés au bas de l’échelle. Ce passage de Sextus prouve que, de son temps, l’ordre des sons était renversé. Le nouvel ordre s’est maintenu dans les temps modernes.

[46] Δίεσις , diésis enharmonique, quart de ton.

[47] C’est ainsi que nous disons familièrement: avoir une peur bleue. — On trouve aussi dans Eschyle: χλωρὸν δεῖμα.

[48] Nous lisons διαλυτοί, au lieu de διαλυτικοί, comme plus conforme à la pensée de l’auteur.

[49] Sesquialtére. Le texte porte ἡμιτόνιον, que nous corrigeons en ἡμιόλιον. Cette correction, absolument certaine, a échappé aux éditeurs du texte et aux traducteurs latins. Cp. Aristoxène, Eléments harm., p. 50 et 51, Meibom.

[50] Ouvrage perdu. Cp. le livre II du traité Contre les logiciens (livre VIII des Contradictions), § 131.

[51] Cp. Diogène Laërce, II 92; Sextus, Contre les logiciens, I, § 494; Hypotyposes pyrrhon., I, § 215, et la note de Fabricius.

[52] Cp. Sextus, Contre les logiciens, II, § 6 et 56.

[53] Cp. le Livre I (Contre les grammairiens), § 155.

[54] Ouvrage perdu.

[55] Cp. le livre I, § 124.

[56] Cp. le traité Contre les logiciens, livre II, § 131.

[57] Ouvrage perdu.

[58] Voir le § 42.

[59] Au § 38.

[60] Nous adoptons la correction de Fabricius: παραστήσομεν, au lieu de παρεστήσαμεν.

[61] Cette proposition ne se rencontre dans aucun des ouvrages de Sextus qui nous sont parvenus (Fabr.).

[62] Cp. Sextus, Contre les grammairiens, § 160, p. 250 Fabr., où l’auteur renvoie à son livre contre les musiciens la question des pieds rythmiques.

[63] Cp. Hypotyposes pyrrhon., l. III, §§ 136 et suivants.

[64] Voir l. c. et livre X des Contradictions (Contre les physiciens, l. II, § 189).

[65] Le texte des mss. est inintelligible. Nous lisons : ὤν ἐκάτερον εἰ μὲν οὐκ < ἄπειρόν > ἐστι, πεπέρασται ὁ χρνος, εἰ δ' ἔστιν, etc. T. R.

[66] Timon de Phlionte, disciple de Pyrrhon (325-235 av. J-C.), l’auteur des Silles, poésies satiriques dont il nous reste environ 150 vers.