Diogène Laërce

DION CHRYSOSTOME

DISCOURS XI :

 

CONTRE l'opinion commune sur la prise de Troie - ΤΡΩΙΚΟΣ ΥΠΕΡ ΤΟΥ ΙΛΙΟΝ ΜΗ ΑΛΩΝΑΙ.

partie 1 - partie 2

 

 

 

 

OBSERVATIONS

Sur le Discours dans lequel Dion combat l'opinion de la prise de Troie par les Grecs.

Depuis Homère, c'est-à-dire, depuis environ vingt-cinq siècles, on a constamment placé au nombre des faits réels la prise de Troie par les Grecs. Cette opinion généralement reçue avait au moins huit cents ans d'antiquité, lorsque Dion entreprit de la combattre dans un Discours qu'il adressa aux Troyens mêmes (1). C'est le premier de ceux dont je donne la traduction.

On est porté naturellement à croire qu'un pareil projet ne peut avoir rien 164 de sérieux. Cependant quelques savants modernes ont été ébranlés par les raisonnements de Dion. Cluvier, Adamus Rupertus, Thomasius, se sont laissés séduire par l'art avec lequel il a soutenu son sentiment ; et j'avoue que j'ai moi-même été d'abord séduit comme eux.

S'il est difficile, disais-je, de prouver sans réplique qu'Homère n'a point eu de garants des événements qu'il a racontés dans ses poèmes, il semble encore plus difficile de prouver qu'il ait eu des garants bien instruits et non suspects. Josèphe a remarqué que les Grecs ne se proposèrent que fort tard le dessein d'écrire l'Histoire ; et qu'ils se trouvèrent, par leur ignorance même, dans une pleine liberté, lorsqu'ils commencèrent à vouloir parler des choses passées. Ils n'avaient rien d'écrit parmi eux sur les événements anciens ; et pour y suppléer, ils se livrèrent aux notions avec d'autant plus de sécurité, qu'il n'existait rien, au moins en leur langue, qui pût les convaincre de mensonge. Ils eurent seulement soin de tourner leurs fictions à l'avantage de 165 leur nation, afin de les faire mieux recevoir. Or la prise de Troie peut fort bien être une de ces fables imaginées à plaisir pour couvrir l'ignorance des Grecs en fait d'Histoire, et pour flatter leur vanité.

Bochart a démontré dans une dissertation (2) demeurée sans réponse, que l'Enéide de Virgile était une pure fable, non seulement dans les épisodes, mais même dans son sujet fondamental. Si Virgile a entrepris de composer un Poème sur un fait faux, pourquoi ne croira-t-on pas qu'Homère en a pu faire autant ? Si le premier s'est proposé pour objet principal de son Enéide l'établissement d'Enée en Italie, quoique ce Troyen n'y ait jamais mis le pied ; pourquoi le second n'aurait-il pas pu supposer dans ses Poèmes que Troie fût prise par les Grecs, quoiqu'effectivement le siège ait été levé ?

Les raisons de feindre étaient égales dans ces deux poètes. Tous deux avoient pour but de faire honneur à leur patrie : Virgile en attribuant aux 166 fondateurs de Rome une origine illustre : Homère en attribuant aux anciens Rois de la Grèce la conquête d'une des plus puissantes villes de l'Asie. Homère, comme Virgile, put trouver cette opinion déjà établie, sans qu'elle fût pour cela plus vraie. La flatterie avait pu dès avant lui l'imaginer. L'orgueil des Grecs devait avoir pris plaisir à la croire ; et leur politique avait peut-être contribué à autoriser une fable qui servait à élever leurs âmes, parce qu'elle rehaussait leur gloire.

J'ajoutais à ces réflexions la variation singulière que je remarquais dans les témoignages des Anciens sur les principales circonstances du siège et de la prive de Troie. Malala et Cédrénus certifient qu'Homère a raconté l'histoire de ce siège tout autrement que n'avait fait Dictys.

Photius observe que, selon Darès, Hector ne tua point Patrocle; et cependant la mort de Patrocle par Hector forme un des principaux ressorts du poème d'Homère.

Hérodote soutient contre Homère 167 que jamais Hélène n'a été à Troie. Euripide suppose aussi que cette princesse demeura en Egypte ; que Pâris croyant enlever Hélène n'enleva que son fantôme, avec lequel il vécut bien des années, comme avec une véritable femme: imagination plus folle que merveilleuse, et qui ne laisse pas de se trouver aussi dans Stésichore, Lycophron, et Tzetzès.

On lit dans Servius que non seulement Hélène ne fut point conduite à Troie, mais qu'elle ne fut en aucune façon le sujet de la guerre des Grecs  et des Troyens, comme Homère le suppose. Que le motif de cette guerre fut uniquement l'ancienne querelle d'Hercule et de Laomédon ; et que  ce fut Thésée qui mena Hélène en Egypte, où Ménélas alla l'épouser.

Enfin, selon Homère, les Grecs furent introduits dans Troie, cachés dans les flancs d'un grand cheval de bois. Mais, selon Pausanias, ce cheval n'était autre chose qu'une machine de guerre, une espèce de bélier, dont les Grecs se servirent pour abattre les murailles ; et selon d'autres encore  la  168 ville (3) fut livrée aux Grecs par la trahison d'Enée et d'Antênor.

Ce qu'Homère a raconté du siège de Troie a paru si éloigné du vraisemblable, que plusieurs auteurs anciens sont convenus qu'il étoait difficile d'y ajouter foi. Origène reconnaît qu'on ne peut guère justifier les récits de ce poète ; et Lucien dans un de ses Dia'logues plaisante agréablement sur le peu de confiance qu'on doit avoir au témoignage d'Homère.

Les doutes que faisaient naître tant d'opinions différentes redoublaient encore, lorsque je comparais le récit d'Homère avec celui de Dion. Je trouvais dans la narration du poète bien des défauts de vraisemblance. Au contraire chez l'Orateur tout me paraissait probable. Enfin, si j'opposais déposition â déposition, celle d'Homère me semblait peu considérable ; car outre qu'elle pouvait être regardée comme unique, Homère me paraissait un témoin récusable sur un fait qui flattait sa nation. Dion au contraire s'appuyait sur 169 la foi des Prêtres d'Egypte, qui passaient pour de fidèles dépositaires des anciens monuments historiques, et qui dans cette occasion semblaient trop désintéressés pour être suspects.

Ces confédérations avoient fait d'abord fur moi une impression d'autant plus forte, qu'elles avaient été secondées par ce penchant naturel qu'on se sent pour les opinions d'un auteur sur lequel on travaille, et par je ne sais quel attrait qu'on trouve à imaginer l'erreur dans les opinions les plus générales. Un plus mûr examen m'a fait voir que je m'étais trompé. J'en ai la première obligation aux lumières d'un avant ami, critique aussi judicieux que sincère ;et grâce à ses sages avis, je ne publie aujourd'hui mes doutes que pour les détruire.

Il est bien vrai qu'il est des traditions vagues et populaires qui ne prouvent pas ; mais il en aussi. des traditions universelles, et soutenues d'âge en âge, qui prouvent autant que des auteurs contemporains. Plus ces traditions varient dans les détails, moins on a droit de conclure qu'elles n'ont aucun objet 170 réel. Le concert unanime sur un fait principal, au milieu de circonstances contradictoires, ne peut jamais convenir à un fait chimérique. Les auteurs anciens varient sur les circonstances du siège de Troie, sur les moyens par lesquels cette ville fut prise par les Grecs : mais tous excepté Dion seul, conviennent que les Grecs la prirent. Ce fait a été non seulement connu des Grecs, mais des Egyptiens et des Perses. Il est attesté par l'usage de dater de cette époque, qui se remarque non-seulement dans les anciens auteurs de la Grèce, mais sur ces marbres si précieux à la chronologie.

Sans entrer dans des discussions épineuses sur les auteurs qui ont rapporté ce fait avant Homère, et sur les monuments qui l'attestent, tenons-nous en au témoignage d'Homère seul.  Il était éloigné de la prise de Troie d'environ quatre cents ans ; mais par la façon ont il parle de cet événement, on ne saurait douter que la tradition n'en fût accréditée bien avant lui. Il faut donc faire remonter cette tradition à des temps assez peu éloignés de l'époque 171 du fait même. Or comment dans ces temps aurait-on pu établir une tradition fausse sur un fait de cette nature ?

En effet, il est des événements qui peuvent être déguisés par de fausses traditions dans le temps même qu'ils arrivent ;  mais les destructions des villes célèbres ne peuvent être de ce nombre. Troie fut une des plus fameuses villes de l'Asie. Comment aurait-on pu persuader aux Grecs qu'ils devaient détruite, s'ils avaient été contraints de lever le siège, et si elle était devenue plus puissante que jamais ? Son existence seule aurait fait tomber une tradition semblable, ou plutôt aurait empêché qu'elle ne s'établît. Il a donc fallu que les ruines de Troie déposassent en faveur de la tradition dont Homère a fait usage, et qu'elles servissent de témoins irréprochables du succès du siège des Grecs.

Dira-t-on que Troie depuis ce siège avait été détruite pour quelque cause que nous ignorons, et que les poètes de la Grèce attribuèrent cette destruction aux armes de leur patrie ? Mais on ne put ignorer parmi les Grecs les 172 causes de la destruction d'un royaume aussi considérable et aussi voisin que celui de Troie. Avancera-t-on qu'on avait oublié ces événements lorsque la fflatterie établit à ce sujet une fausse opinion ? Mais cette opinion précéda Homère, comme je l'ai dit. Elle se serait donc accréditée à peu près dans le siècle même de l'événement qu'on suppose la démentir; ce qui ne peut assurément avoir été.

Dion a trop exagéré la licence que les anciens poètes ont prise de débiter quelquefois des faits sans garants et sans fondement. On remarque en lisant Homère, que c'est un poète sage qui use.avec discrétion du droit que son art lui -donne d'embellir les faits par des fictions de détail. Ses peintures sont vraies. Les Villes, les peuples, les Princes, les mœurs, tout dans ses Poèmes se trouve conforme aux monuments. Puisque nous le trouvons exact et vrai dans ces points., pourquoi ne le jugerions-nous pas tel par rapport aux autres faits qu'il raconte ? Les fables même qu'il emploie, il est très-probable qu'il les a plutôt recueillies qu'inventées.

173 Je ne prétends pas nier qu'il n'y ait dans les détails que renferment ses poèmes quelques traits peu vraisemblables. Je conviens que Dion en a relevé assez heureusement plusieurs de cette espèce. Mais il faut convenir aussi que ce critique traite quelquefois Homère avec injustice. Par exemple, n'est-ce pas, à tort qu'il fait un crime à ce poète de ne pas suivre régulièrement dans l'Iliade la marche chronologique de l'Histoire ?

Pour dire nettement ce que je pense du Discours où Dion contredit Homère, il me semble que cet orateur s'y occupe uniquement du soin de tourner tout à son avantage avec plus d'adresse que de solidité. Il paraît moins jaloux de convaincre par des raisonnements justes, que d'éblouir par une subtilité ingénieuse, Or ce procédé, bien apprécié, décèle suffisamment, selon moi, que son unique but est de faire voir avec quel art il fait soutenir un paradoxe. Pour mieux faire briller son talent, il s'est proposé d'attaquer parmi les opinions reçues une des plus générales et des plus anciennes. D'ailleurs 174 loin d'être persuadé lui-même de l'opinion qu'il affectait de vouloir établir alors, on le voit souvent dans ses autres Discours alléguer comme constants les faits qu'il combat dans celui-ci.

Le Prêtre Egyptien dont il invoque le témoignage est probablement un personnage imaginaire, qu'il a cru nécessaire pour donner quelque poids au récit qu'il voulait opposer a la tradition générale. Aussi ne nomme-t-il pas ce prêtre, comme il aurait dû le faire, si c'eût été un personnage réel. D'ailleurs  les prêtres d'Egypte du temps d'Hérodote convenaient que Troie avait été détruite par les Grecs. Pourquoi les prêtres d'Egypte du temps de Dion auraient-ils regardé ce fait comme une fable?

Je crois donc que le Discours où Dion s'efforce de prouver que les Grecs n'ont jamais pris Troie, n'est autre chose qu'un jeu d'esprit. Mais je suis bien éloigné de le traiter de frivole ouvrage d'un déclamateur, comme l'ont fait quelques-uns de nos modernes. Des savants de divers âges, et tous d'une autorité respectables en ont 175 jugé bien différemment. Je ne parle point de ceux qui séduits par l'éloquence de Dion se sont laissé persuader des choses que lui-même ne croyait pas. J'en citerai qui, sans se départir de l'opinion commune, n'ont pas laissé de saire un grand éloge da Discours où cet orateur la combat.

Synésius regarde cette pièce comme un ouvrage estimable, et sort propre à saire sentir tout le mérite de son Auteur. Le Scholiaste grec (4) cité par Morel se plaint de ce que Dion traité Homère avec trop peu de ménagement; mais il ne laisse pas d'admirer dans le Discours de notre Orateur une sagacité rare, un jugement exquis, un esprit supérieur. Casaubon pense avec raison qu'on peut sur bien des points justifier Homère contre les accusations de Dion ; mais au même-temps il assure que la critique de ce dernier mérite infiniment d'être lue par les Philologues, et par tous ceux qui veulent apprendre à lire les Ecrits des Anciens avec cet esprit de discussion qui sait démêler les 176 défauts parmi les beautés. Le savant et judicieux Fabricius appelle le morceau de Dion dont il s'agit ici, un Ouvrage fort ingénieux; éloge qu'il se serait bien gardé de donner à une déclamation méprisable.

Mais sans compiler de nouveaux suffrages, et sans chercher par mes propres réflexions à prévenir mes lecteurs en faveur de ce Discours, je dois les en laisser juger eux-mêmes. J'ai cru seulement devoir tracer les raisons qui m'avaient fait penser d'abord que la tradition combattue par Dion, quelque générale qu'elle fût, pouvait bien n'être qu'un préjugé, et celles qui m'ont ensuite déterminé à croire que l'opinion qu'il soutient, quelque probable qu'il ait su la rendre, n'est qu'un ingénieux paradoxe, qu'il n'a jamais pris lui-même pour une vérité. C'est l'unique but des observations qu'on vient de lire.  

 

ΤΡΩΙΚΟΣ ΥΠΕΡ ΤΟΥ ΙΛΙΟΝ ΜΗ ΑΛΩΝΑΙ.

(1) Οἶδα μὲν ἔγωγε σχεδὸν ὅτι διδάσκειν μὲν ἀνθρώπους ἅπαντας χαλεπόν ἐστιν, ἐξαπατᾶν δὲ ῥᾴδιον. Καὶ μανθάνουσι μὲν μόγις, ἐάν τι καὶ μάθωσι, παρ´ ὀλίγων τῶν εἰδότων, ἐξαπατῶνται δὲ τάχιστα ὑπὸ πολλῶν τῶν οὐκ εἰδότων, καὶ οὐ μόνον γε ὑπὸ τῶν ἄλλων, ἀλλὰ καὶ αὐτοὶ ὑφ´ αὑτῶν. Τὸ μὲν γὰρ ἀληθὲς πικρόν ἐστι καὶ ἀηδὲς τοῖς ἀνοήτοις, τὸ δὲ ψεῦδος γλυκὺ καὶ προσηνές. (2) Ὥσπερ οἶμαι καὶ τοῖς νοσοῦσι τὰ ὄμματα τὸ μὲν φῶς ἀνιαρὸν ὁρᾶν, τὸ δὲ σκότος ἄλυπον καὶ φίλον, οὐκ ἐῶν βλέπειν. Ἢ πῶς ἂν ἴσχυε τὰ ψεύδη πολλάκις πλέον τῶν ἀληθῶν, εἰ μὴ δι´ ἡδονὴν ἐνίκα;

Χαλεποῦ δέ, ὡς ἔφην, ὄντος τοῦ διδάσκειν, τῷ παντὶ χαλεπώτερον τὸ μεταδιδάσκειν, ἄλλως τε ὅταν πολύν τινες χρόνον ὦσι τὰ ψευδῆ ἀκηκοότες καὶ μὴ μόνον αὐτοὶ ἐξηπατημένοι, ἀλλὰ καὶ οἱ πατέρες αὐτῶν καὶ οἱ πάπποι καὶ σχεδὸν πάντες οἱ πρότερον. (3) Οὐ γάρ ἐστι ῥᾴδιον τούτων ἀφελέσθαι τὴν δόξαν, οὐδ´ ἂν πάνυ τις ἐξελέγχῃ. Καθάπερ οἶμαι τῶν τὰ ὑποβολιμαῖα παιδάρια θρεψάντων χαλεπὸν ὕστερον ἀφελέσθαι τἀληθῆ λέγοντα ἅ γε ἐν ἀρχῇ, εἴ τις αὐτοῖς ἔφρασεν, οὐκ ἄν ποτε ἀνείλοντο. Οὕτω δὲ τοῦτο ἰσχυρόν ἐστιν ὥστε πολλοὶ τὰ κακὰ μᾶλλον προσποιοῦνται καὶ ὁμολογοῦσι καθ´ αὑτῶν, ἂν ὦσι πεπεισμένοι πρότερον, ἢ τἀγαθὰ μετὰ χρόνον ἀκούοντες.

(4) Οὐκ ἂν οὖν θαυμάσαιμι καὶ ὑμᾶς, ἄνδρες Ἰλιεῖς, εἰ πιστότερον ἡγήσασθαι Ὅμηρον τὰ χαλεπώτατα ψευσάμενον καθ´ ὑμῶν ἢ ἐμὲ τἀληθῆ λέγοντα, κἀκεῖνον μὲν ὑπολαβεῖν θεῖον ἄνδρα καὶ σοφόν, καὶ τοὺς παῖδας εὐθὺς ἐξ ἀρχῆς τὰ ἔπη διδάσκειν οὐθὲν ἄλλο ἢ κατάρας ἔχοντα κατὰ τῆς πόλεως, καὶ ταύτας οὐκ ἀληθεῖς, ἐμοῦ δὲ μὴ ἀνέχοισθε τὰ ὄντα καὶ γενόμενα λέγοντος, ὅτι πολλοῖς ἔτεσιν ὕστερον Ὁμήρου γέγονα. (5) Καίτοι φασὶ μὲν οἱ πολλοὶ τὸν χρόνον τῶν πραγμάτων καὶ κριτὴν ἄριστον εἶναι, ὅτι δ´ ἂν ἀκούωσι μετὰ πολὺν χρόνον, διὰ τοῦτο ἄπιστον νομίζουσιν.

Εἰ μὲν οὖν παρ´ Ἀργείοις ἐτόλμων ἀντιλέγειν Ὁμήρῳ, καὶ τὴν ποίησιν αὐτοῦ δεικνύναι ψευδῆ περὶ τὰ μέγιστα, τυχὸν ἂν εἰκότως ἤχθοντό μοι καὶ τῆς πόλεως ἐξέβαλλον εἰ τὴν παρ´ ἐκείνων δόξαν ἐφαινόμην ἀφανίζων καὶ καθαιρῶν· ὑμᾶς δὲ δίκαιόν ἐστί μοι χάριν εἰδέναι καὶ ἀκροᾶσθαι προθύμως· ὑπὲρ γὰρ τῶν ὑμετέρων προγόνων ἐσπούδακα.

(6) Προλέγω δὲ ὑμῖν ὅτι τοὺς λόγους τούτους ἀνάγκη καὶ παρ´ ἑτέροις ῥηθῆναι καὶ πολλοὺς πυθέσθαι· τούτων δὲ οἱ μέν τινες οὐ συνήσουσιν, οἱ δὲ προσποιήσονται καταφρονεῖν, οὐ καταφρονοῦντες αὐτῶν, οἱ δέ τινες ἐπιχειρήσουσιν ἐξελέγχειν, {μάλιστα δὲ οἶμαι τοὺς κακοδαίμονας σοφιστάς.} Ἐγὼ δὲ ἐπίσταμαι σαφῶς ὅτι οὐδὲ ὑμῖν πρὸς ἡδονὴν ἔσονται. Οἱ γὰρ πλεῖστοι τῶν ἀνθρώπων οὕτως ἄγαν εἰσὶν ὑπὸ δόξης διεφθαρμένοι τὰς ψυχὰς ὥστε μᾶλλον ἐπιθυμοῦσι περιβόητοι εἶναι ἐπὶ τοῖς μεγίστοις ἀτυχήμασιν ἢ μηδὲν κακὸν ἔχοντες ἀγνοεῖσθαι.

(7) Αὐτοὺς γὰρ οἶμαι τοὺς Ἀργείους μὴ ἂν ἐθέλειν ἄλλως γεγονέναι τὰ περὶ τὸν Θυέστην καὶ τὸν Ἀτρέα καὶ τοὺς Πελοπίδας, ἀλλ´ ἄχθεσθαι σφόδρα, ἐάν τις ἐξελέγχῃ τοὺς μύθους τῶν τραγῳδῶν, λέγων ὅτι οὔτε Θυέστης ἐμοίχευσε τὴν τοῦ Ἀτρέως οὔτε ἐκεῖνος ἀπέκτεινε τοὺς τοῦ ἀδελφοῦ παῖδας οὐδὲ κατακόψας εἱστίασε τὸν Θυέστην οὔτε Ὀρέστης αὐτόχειρ ἐγένετο τῆς μητρός. Ἅπαντα ταῦτα εἰ λέγοι τις, χαλεπῶς ἂν φέροιεν ὡς λοιδορούμενοι. (8) Τὸ δὲ αὐτὸ τοῦτο κἂν Θηβαίους οἶμαι παθεῖν, εἴ τις τὰ παρ´ αὐτοῖς ἀτυχήματα ψευδῆ ἀποφαίνοι, καὶ οὔτε τὸν πατέρα Οἰδίπουν ἀποκτείναντα οὔτε τῇ μητρὶ συγγενόμενον οὔθ´ ἑαυτὸν τυφλώσαντα οὔτε τοὺς παῖδας αὐτοῦ πρὸ τοῦ τείχους ἀποθανόντας ὑπ´ ἀλλήλων, οὔθ´ ὡς ἡ Σφὶγξ ἀφικομένη κατεσθίοι τὰ τέκνα αὐτῶν,

ἀλλὰ τοὐναντίον ἥδονται ἀκούοντες καὶ τὴν Σφίγγα ἐπιπεμφθεῖσαν αὐτοῖς διὰ χόλον Ἥρας καὶ τὸν Λάϊον ὑπὸ τοῦ υἱέος ἀναιρεθέντα καὶ τὸν Οἰδίπουν ταῦτα ποιήσαντα (9) καὶ παθόντα τυφλὸν ἀλᾶσθαι, καὶ πρότερον ἄλλου βασιλέως αὐτῶν καὶ τῆς πόλεως οἰκιστοῦ, Ἀμφίονος, τοὺς παῖδας, ἀνθρώπων καλλίστους γενομένους, κατατοξευθῆναι ὑπὸ Ἀπόλλωνος καὶ Ἀρτέμιδος· καὶ ταῦτα καὶ αὐλούντων καὶ ᾀδόντων ἀνέχονται παρ´ αὑτοῖς ἐν τῷ θεάτρῳ, καὶ τιθέασιν ἆθλα περὶ τούτων, ὃς ἂν οἰκτρότατα εἴπῃ περὶ αὐτῶν ἢ αὐλήσῃ· τὸν δὲ εἰπόντα ὡς οὐ γέγονεν οὐδὲν αὐτῶν ἐκβάλλουσιν. (10) Εἰς τοῦτο μανίας οἱ πολλοὶ ἐληλύθασι καὶ οὕτω πάνυ ὁ τῦφος αὐτῶν κεκράτηκεν. Ἐπιθυμοῦσι γὰρ ὡς πλεῖστον ὑπὲρ αὐτῶν γίγνεσθαι λόγον· ὁποῖον δέ τινα, οὐθὲν μέλει αὐτοῖς. Ὅλως δὲ πάσχειν μὲν οὐ θέλουσι τὰ δεινὰ διὰ δειλίαν, φοβούμενοι τούς τε θανάτους καὶ τὰς ἀλγηδόνας· ὡς δὲ παθόντες μνημονεύεσθαι περὶ πολλοῦ ποιοῦνται.

(11) Ἐγὼ δὲ οὔθ´ ὑμῖν χαριζόμενος οὔθ´ Ὁμήρῳ διαφερόμενος οὐδὲ τῆς δόξης φθονῶν ἐκείνῳ, πειράσομαι δεικνύειν ὅσα μοι δοκεῖ ψευδῆ εἰρηκέναι περὶ τῶν ἐνθάδε πραγμάτων, οὐκ ἄλλοθέν ποθεν, ἀλλ´ ἐξ αὐτῆς τῆς ποιήσεως ἐλέγχων, τῷ τε ἀληθεῖ βοηθῶν καὶ μάλιστα διὰ τὴν Ἀθηνᾶν, ὅπως μὴ δοκῇ ἀδίκως διαφθεῖραι τὴν αὑτῆς πόλιν μηδὲ ἐναντία βούλεσθαι τῷ αὑτῆς πατρί, οὐχ ἧττον δὲ διὰ τὴν Ἥραν καὶ τὴν Ἀφροδίτην. (12) Δεινὸν γὰρ τὴν μὲν τῷ Διὶ συνοῦσαν μὴ νομίσαι αὐτὸν κριτὴν ἱκανὸν τοῦ αὑτῆς εἴδους, εἰ μὴ ἀρέσει καὶ τῶν ἐν Ἴδῃ βουκόλων ἑνί, τὴν δὲ ἀρχὴν ὑπὲρ κάλλους ἐρίζειν τῇ Ἀφροδίτῃ, πρεσβυτάτην φάσκουσαν εἶναι τῶν Κρόνου (13) παίδων, ὡς αὐτὸς Ὅμηρος ἀπήγγειλε ποιήσας, καί με πρεσβυτάτην τέκετο Κρόνος ἀγκυλομήτης, ἔτι δὲ οὕτω χαλεπῶς διατεθῆναι πρὸς τὸν Πάριν, αὐτὴν ἐπιτρέψασαν τὴν κρίσιν· καίτοι οὐδὲ τῶν ἀνθρώπων ὃς ἂν ἐπιτρέψῃ δίαιταν, ἐχθρὸν ἡγεῖται τὸν διαιτητήν, ἐὰν μὴ δικάσῃ καθ´ ἑαυτόν· τὴν δέ γε Ἀφροδίτην οὕτως αἰσχρὰν καὶ ἄδικον καὶ ἀσύμφορον δοῦναι δωρεάν, καὶ μηδένα ποιήσασθαι λόγον μήτε τῆς Ἑλένης ἀδελφῆς οὔσης μήτε τοῦ Ἀλεξάνδρου τοῦ προκρίναντος αὐτήν, ἀλλὰ χαρίζεσθαι τοιοῦτον γάμον δι´ ὃν αὐτός τε ἔμελλεν ἀπόλλυσθαι καὶ οἱ γονεῖς αὐτοῦ καὶ ἡ πόλις. (14) Ἔτι δὲ οὐκ ἄξιον οἶμαι παριδεῖν οὐδὲ τὸ τῆς Ἑλένης, ἣ τοῦ Διὸς λεγομένη θυγάτηρ διὰ μὲν τὴν ἄδικον φήμην περιβόητος ἐπ´ αἰσχύνῃ γέγονε, διὰ δὲ τὴν αὑτῆς ἰσχὺν θεὸς ἐνομίσθη παρὰ τοῖς Ἕλλησιν.

Ἀλλ´ ὅμως ὑπὲρ τηλικούτων ὄντος τοῦ λόγου τινὲς τῶν σοφιστῶν ἀσεβεῖν με φήσουσιν Ὁμήρῳ ἀντιλέγοντα καὶ ἐπιχειρήσουσι διαβάλλειν πρὸς τὰ δύστηνα μειράκια, ὧν ἐμοὶ ἐλάττων λόγος ἐστὶν ἢ πιθήκων. (15) Πρῶτον μὲν οὖν φασι τὸν Ὅμηρον ὑπὸ πενίας τε καὶ ἀπορίας προσαιτεῖν ἐν τῇ Ἑλλάδι· τὸν δὲ τοιοῦτον ἀδύνατον ἡγοῦνται ψεύσασθαι πρὸς χάριν τῶν διδόντων, οὐδ´ ἂν τὰ τοιαῦτα λέγειν ὁποῖα ἔμελλεν ἐκείνοις καθ´ ἡδονὴν ἔσεσθαι· τοὺς δὲ νῦν πτωχοὺς οὐδέν φασιν ὑγιὲς λέγειν, οὐδὲ μάρτυρα οὐδεὶς ἂν ἐκείνων οὐδένα ποιήσαιτο ὑπὲρ οὐδενός, οὐδὲ τοὺς ἐπαίνους τοὺς παρ´ αὐτῶν ἀποδέχονται ὡς ἀληθεῖς. (16) Ἵσασι γὰρ ὅτι πάντα θωπεύοντες ὑπ´ ἀνάγκης λέγουσιν.

Ἔπειτα δὲ εἰρήκασι τοὺς μὲν ὡς πτωχῷ, τοὺς δὲ ὡς μαινομένῳ ἀπάρχεσθαι, καὶ μᾶλλον οἴονται τοὺς τότε καταγνῶναι αὐτοῦ μανίαν τἀληθῆ λέγοντος ἢ ψευδομένου. Οὐ μὴν ὅσον γε ἐπὶ τούτοις ψέγω Ὅμηρον· κωλύει γὰρ οὐθὲν ἄνδρα σοφὸν πτωχεύειν οὐδὲ μαίνεσθαι δοκεῖν· ἀλλ´ ὅτι κατὰ τὴν ἐκείνων δόξαν, ἣν ἔχουσι περὶ Ὁμήρου καὶ περὶ τῶν τοιούτων, εἰκός ἐστι μηθὲν ὑγιὲς εἶναι (17) τῶν εἰρημένων ὑπ´ αὐτοῦ.

Οὐ τοίνυν οὐδὲ τόδε νομίζουσιν, οὐκ εἶναι ἐν τῇ Ὁμήρου φύσει τὸ ψεῦδος οὐδὲ ἀποδέχεσθαι αὐτὸν τοιοῦτον οὐδέν· πλεῖστα γοῦν τὸν Ὀδυσσέα πεποίηκε ψευδόμενον, ὃν μάλιστα ἐπῄνει, τὸν δὲ Αὐτόλυκον καὶ ἐπιορκεῖν φησι, καὶ τοῦτ´ αὐτῷ παρὰ τοῦ Ἑρμοῦ δεδόσθαι.

Περὶ δὲ θεῶν πάντες, ὡς ἔπος εἰπεῖν, ὁμολογοῦσι μηθὲν ἀληθὲς λέγειν Ὅμηρον καὶ οἱ πάνυ ἐπαινοῦντες αὐτόν, καὶ τοιαύτας ἀπολογίας πειρῶνται πορίζειν, ὅτι οὐ (18) φρονῶν ταῦτ´ ἔλεγεν, ἀλλ´ αἰνιττόμενος καὶ μεταφέρων. Τί οὖν κωλύει καὶ περὶ τῶν ἀνθρώπων αὐτὸν οὕτως εἰρηκέναι; ὅστις γὰρ περὶ θεῶν οὐ φανερῶς τἀληθῆ φησιν, ἀλλὰ τοὐναντίον οὕτως ὥστε τὰ ψευδῆ μᾶλλον ὑπολαμβάνειν τοὺς ἐντυγχάνοντας, καὶ ταῦτα μηδὲν ὠφελούμενος, πῶς ἂν περί γε ἀνθρώπων ὀκνήσειεν ὁτιοῦν ψεῦδος εἰπεῖν;

καὶ ὅτι μὲν πεποίηκεν ἀλγοῦντας τοὺς θεοὺς καὶ στένοντας καὶ τιτρωσκομένους καὶ ἀποθνῄσκοντας σχεδόν, ἔτι δὲ μοιχείας καὶ δεσμὰ καὶ διεγγυήσεις θεῶν, οὐ λέγω, πρότερον εἰρημένα πολλοῖς. Οὐδὲ γὰρ βούλομαι κατηγορεῖν Ὁμήρου, μόνον δὲ ἐπιδεῖξαι τἀληθὲς ὡς γέγονεν· ἐπεί τοι καὶ ἀπολογήσομαι περὶ (19) αὐτοῦ τὰ ἐμοὶ δοκοῦντα. Ὅτι δὲ τὸ ψεῦδος οὐκ ὤκνει πάντων μάλιστα οὐδὲ αἰσχρὸν ἐνόμιζε, τοῦτο λέγω· πότερον δὲ ὀρθῶς ἢ μὴ παρίημι νῦν σκοπεῖν.

Ἀφεὶς οὖν ὅσα δοκεῖ δεινὰ πεποιηκέναι περὶ θεῶν καὶ οὐ πρέποντα ἐκείνοις, τοσοῦτό φημι μόνον, ὅτι λόγους οὐκ ὤκνει τῶν θεῶν ἀπαγγέλλειν, οὕς φησιν αὐτοὺς διαλέγεσθαι πρὸς αὑτούς, καὶ οὐ μόνον γε τοὺς ἐν κοινῷ γενομένους καὶ παρατυγχανόντων ἁπάντων τῶν θεῶν, ἀλλὰ καὶ οὓς ἰδίᾳ τινὲς διαλέγονται ἀλλήλοις, (20) οἷον ὁ Ζεὺς τεθυμωμένος τῇ Ἥρᾳ διὰ τὴν ἀπάτην καὶ τὴν ἧτταν τῶν Τρώων, καὶ πρότερον Ἥρα πρὸς τὴν Ἀφροδίτην, παρακαλοῦσα φαρμάξαι τὸν πατέρα καὶ δοῦναι τὸ φίλτρον αὐτῇ, τὸν κεστὸν ἱμάντα, ὡς εἰκός, ἐν ἀπορρήτῳ τοῦτο ἀξιοῦσα. Οὐδὲ γὰρ τῶν ἀνθρώπων εἰκὸς ἄλλον τινὰ εἰδέναι τὰ τοιαῦτα, ἀνδρὸς καὶ γυναικὸς διαφερομένων καὶ λοιδορούντων ἐνίοτε ἀλλήλους.

Καὶ τὸν Ὀδυσσέα πεποίηκεν ἐπανορθούμενον τὸ τοιοῦτο, μὴ δόξῃ ἀλαζὼν διηγούμενος τοὺς παρὰ τοῖς θεοῖς γενομένους ὑπὲρ αὑτοῦ λόγους. Ἔφη γὰρ ἀκοῦσαι τῆς Καλυψοῦς, ἐκείνην δὲ παρά του πυθέσθαι· περὶ αὑτοῦ δὲ οὐδὲν τοιοῦτον εἴρηκεν ὅτι πύθοιτο παρὰ θεοῦ τινος. (21) Οὕτω πάνυ κατεφρόνει τῶν ἀνθρώπων, καὶ οὐθὲν αὐτῷ ἔμελεν, εἰ δόξει μηθὲν λέγειν ἀληθές. Οὐ γὰρ δὴ πείσειν γε ἐνόμιζέ τινα ὡς ἐπίσταιτο τοὺς παρὰ τοῖς θεοῖς γενομένους {ὑπὲρ αὑτοῦ} λόγους. {Ἔφη γὰρ ἀκοῦσαι ἅπαντα καὶ τοὺς πολλοὺς ἔπεισε.}

Διηγεῖται δὲ καὶ τὴν συνουσίαν τὴν τοῦ Διὸς πρὸς τὴν Ἥραν ἐν τῇ Ἴδῃ γενομένην καὶ τοὺς λόγους οὓς εἶπε πρὸ τῆς συνουσίας, ὡς αὐτὸς ἑωρακώς τε καὶ ἀκηκοώς, καὶ οὐδὲν αὐτὸν ἐκώλυσεν, ὡς ἔοικε, τὸ νέφος, ὃ περιεκάλυψεν ὁ Ζεὺς τοῦ μὴ φανερὸς γενέσθαι. (22a) Τούτοις δὲ ἐπέθηκε τὸν κολοφῶνα σχεδόν· ἵνα γὰρ μὴ ἀπορῶμεν ὅπως ξυνίει τῶν θεῶν, οὕτως διαλέγεται ἡμῖν σχεδὸν ὡς ἔμπειρος τῆς τῶν θεῶν γλώττης, καὶ ὅτι οὐχ ἡ αὐτή ἐστι τῇ ἡμετέρᾳ οὐδὲ τὰ αὐτὰ ὀνόματα ἐφ´ ἑκάστῳ λέγουσιν ἅπερ καὶ ἡμεῖς. Ἐνδείκνυται δὲ ταῦτα ἐπὶ ὀρνέου τινός, ὅ φησι τοὺς μὲν θεοὺς χαλκίδα καλεῖν, τοὺς δὲ ἀνθρώπους κύμινδιν, καὶ ἐπὶ τόπου τινὸς πρὸ τῆς πόλεως, ὃν τοὺς μὲν ἀνθρώπους Βατίειαν ὀνο μάζειν, τοὺς δὲ θεοὺς Σῆμα (23a) Μυρίνης. Περὶ δὲ τοῦ ποταμοῦ φράσας ἡμῖν ὅτι οὐ Σκάμανδρος ἀλλὰ Ξάνθος λέγοιτο παρὰ τοῖς θεοῖς, αὐτὸς οὕτως ἤδη ἐν τοῖς ἔπεσιν ὀνομάζει, ὡς οὐ μόνον ἐξὸν αὐτῷ τὰς ἄλλας γλώττας μιγνύειν τὰς τῶν Ἑλλήνων, καὶ ποτὲ μὲν αἰολίζειν, ποτὲ δὲ δωρίζειν, ποτὲ δὲ ἰάζειν, ἀλλὰ καὶ διαστὶ διαλέγεσθαι. Ταῦτα δέ μοι εἴρηται, ὥσπερ δὴ ἔφην, οὐ κατηγορίας ἕνεκεν, ἀλλ´ ὅτι ἀνδρειότατος ἀνθρώπων ἦν πρὸς τὸ ψεῦδος Ὅμηρος καὶ οὐθὲν ἧττον ἐθάρρει καὶ ἐσεμνύνετο ἐπὶ τῷ ψεύδεσθαι ἢ (24a) τῷ τἀληθῆ λέγειν. Οὕτω μὲν γὰρ σκοποῦσι πάνυ σμικρὰ καὶ ὀλίγου ἄξια φαίνεται, ἃ ἐγώ φημι αὐτὸν ἐψεῦσθαι. Τῷ γὰρ ὄντι ἀνθρώπινα ψεύσματα καὶ λίαν πιθανὰ πρὸς θείαν καὶ ἀμήχανον φύσιν. Πέρας δὴ ἐπιτέθεικεν· ὥσπερ (22b) γὰρ τοῖς βαρβάροις διαλέγονται οἱ δίγλωττοι καλούμενοι καὶ ἑρμηνεύοντες αὐτοῖς τὰ παρ´ ἡμῶν, οὕτως Ὅμηρος ἡμῖν διαλέγεται, τὰ παρὰ τῶν θεῶν ἑρμηνεύων, ὥσπερ ἐπιστάμενος τὴν θείαν διάλεκτον· πρῶτον μὲν ὅτι οὐχ ἡ αὐτή ἐστι τῇ ἡμετέρᾳ οὐδὲ τὰ αὐτὰ παρά τε ἡμῖν καὶ παρ´ ἐκείνοις ὀνόματα, ἔπειτα ἐξηγούμενος περί τινων, ὅπως οἱ θεοὶ νομίζουσιν, οἷον ὅτι τὴν χαλκίδα κύμινδιν οἱ θεοὶ καλοῦσι· τόπον δέ τινα πρὸ τῆς πόλεως, Βατίειαν ὀνομαζόμενον σῆμα Μυρίνης. (23) Τὸ δὲ μῶλυ εἰπὼν ὅπως οἱ θεοὶ λέγουσιν, οὐκέτι προστίθησι τὸ παρὰ τοῖς ἀνθρώποις ὄνομα· καὶ τὸν ποταμὸν εἰπὼν ὅτι οὐ Σκάμανδρος ἀλλὰ Ξάνθος ὀνομάζοιτο παρ´ αὐτοῖς, οὕτως ἤδη ἐν τοῖς ἔπεσι χρῆται, ὡς ἐξὸν αὐτῷ, μὴ μόνον τὰς τῶν Ἑλλήνων φωνὰς μιγνύειν, μηδὲ τοῖς σφόδρα ἀρχαίοις μόνον, ἀλλὰ καὶ τοῖς δαιμονίοις χρῆσθαι ὀνόμασι, καὶ ποτὲ μὲν αἰολίζοντα ποτὲ δὲ δωρίζοντα, πάλιν δὲ ἰάζοντα διαλέγεσθαι, {καθάπερ οἶμαι θετταλίζοντα ἢ κρητίζοντα, οἱονεὶ τὴν ἀγορὰν ἐκάλει λιμένα, (24) Θετταλῶν ἀκούσας.} Ταῦτα δέ μοι εἴρηται, ὥσπερ ἤδη ἔφην, οὐ κατηγορίας ἕνεκεν, ἀλλ´ ὅτι ἀνδρειότατος ἦν ἀνθρώπων πρὸς τὸ ψεῦδος Ὅμηρος καὶ οὐχ ἧττον ἐθάρρει καὶ ἐσεμνύνετο ἐπὶ τῷ ψεύδεσθαι ἢ τῷ τἀληθῆ λέγειν. Οὕτω γὰρ σκοποῦσιν οὐδὲν ἔτι φαίνεται παράδοξον οὐδὲ ἄπιστον τῶν ὑπ´ ἐμοῦ δεικνυμένων, ἀλλὰ σμικρὰ καὶ ἀνθρώπεια ψεύσματα πρὸς θεῖα καὶ μεγάλα.

 

DISCOURS DE DION CHRYSOSΤOME, CONTRE l'opinion commune sur la prise de Troie (5)

1 Je sais qu'il est pour l'ordinaire difficile d'instruire les hommes en général, et qu'il est facile de les tromper. S'ils peuvent être instruits sur quelque point, ce n'est qu'avec difficulté, et par un petit nombre de gens éclairés: au contraire, non-seulement ils sont précipités dans l'erreur par une foule d'ignorants, mais ils s'y précipitent eux-mêmes. C'est que la vérité paraît amère et désagréable aux esprits faibles au lieu que l'erreur leur paraît douce et gracieuse : 2 semblables, selon moi, aux personnes dont les yeux sont malades, et qui ne pouvant supporter la lumière sans douleur, se placent dans les ténèbres. Certes il faut bien que l'on trouve 178 du plaisir dans l'erreur : autrement aurait-elle pu l'emporter si souvent sur la vérité ?

S'il est difficile d'apprendre quelques vérités aux hommes, comme je viens de le dire ; leur ôter leurs erreurs est bien plus difficile encore : surtout s'ils font accoutumés depuis longtemps à ces erreurs ; s'ils ne sont pas les premiers qu'elles ont séduit ; si avant eux leurs pères, leurs aïeux, presque tous leurs ancêtres les ont adoptées. 3 Alors il n'est pas facile de les arracher à ces vaines opinions, quand même on leur en démontrerait la fausseté. Ils semblent être dans le cas de ceux qui élèvent des enfants supposés : on ne peut par la suite les détromper, même en leur disant la vérité ; et si on la leur avait dite tout d'abord, ils l'auraient crue. La force de la prévention est telle que bien des gens, une fois imbus d'opinions qui leur sont même désavantageuses, aiment mieux y persévérer, que d'en admettre d'autres qui sont plus à leur avantage, mais qui sont nouvelles pour eux.

4 Je ne m'étonnerais donc point, 179 Troyens, quand vous ajouteriez plus de foi aux fables qu'Homère a débitées contre vous, tout incroyables qu'elles sont, qu'aux vérités que je vais vous dire. Accoutumés que vous êtes a regarder Homère comme un sage, comme un homme divin ; à faire apprendre à vos enfants, dès leur plus tendre jeunesse, ses vers qui ne contiennent que des calomnies contre votre ville ; lorsque je vous exposerai les choses comme elles se sont passées, vous ne me croirez peut-être pas, parce que je suis né bien des siècles après ce poète. 5 Mais on avoue communément que le temps est le meilleur juge des faits : pourquoi donc rejeter de nouveaux systèmes sur les faits anciens, précisément pacque ces systèmes font nouveaux ?

Si c'était chez les Argiens que j'osasse contredire Homère, et que j'entreprisse de prouver la fausseté des principaux événements racontés dans ses poèmes, peut-être auraient-ils droit de s'offenser, et de me chasser de leur ville, comme quelqu'un qui voudrait attenter à leur gloire, qui chercherait 180 à la détruire. Mais vous, Troyens, vous devez m'écouter avec empressement, avec reconnaissance : j'ai pour objet de relever la gloire de vos ancêtres.

6 Je prévois qu'infailliblement mon discours répété ailleurs, entendu par bien des gens différents, fera trouvé par les uns (6) incompatible avec leur façon de penser : les autres affecteront de n'être pas touchés de mes preuves, quoiqu'en effet elles ne leur paraissent pas sans force : d'autres enfin, particulièrement quelques misérables sophistes, s'efforceront de le critiquer. Mais ce que je prévois encore, c'est que vous-mêmes pourrez ne pas m'écouter avec plaisir. Car la plupart des hommes sont si prodigieusement aveuglés par la folle envie de passer pour célèbres, qu'ils préfèrent d'affreux malheurs qui les rendent fameux, à un état heureux et tranquille qui les laisse dans l'obscurité.

7 C'est par cette raison que je crois que les Argiens eux-mêmes verraient avec chagrin contester la vérité, des 181 sujets de nos Tragédies ; soutenir qu'il est faux que Thyeste ait commis un inceste avec la femme d'Atrée; que celui-ci ait tué les fils de son frère ; qu'après les avoir coupés par morceaux, il les lui ait servis à manger ; qu'Oreste ait égorgé de ses mains sa propre mère. Si l'on niait ces faits, ils ne le souffriraient pas plus patiemment que si on leur faisait une injure réelle. 8 Sans doute les Thébains penseraient de même si quelqu'un prétendait prouver que tout ce qu'on raconte de leurs infortunes n'est que fiction : qu'Œdipe n'a été ni le meurtrier de son père, ni le mari de sa mère ; qu'il ne s'est point crevé les yeux ; que ses fils ne se sont point tués tous deux sous les murailles de Thèbes ; et que jamais on n'y a vu ce prétendu Sphinx qui en dévorait les citoyens.

Au contraire, ils entendent avec satisfaction répéter que la cruauté du. Sphinx, le meurtre de Laïus tué par son fils, les crimes, les malheurs, 9 et l'aveuglement d'Oedipe, furent l'effet, de la colère de Junon : qu'auparavant encore les fils, d'un autre de leurs Rois., 182 d'Amphion fondateur de leur ville ; qui passaient pour les plus beaux des mortels, avaient été tués à coups de flèches par Apollon et par Diane. Ils prêtent attentivement l'oreille à ceux qui parmi eux célèbrent ces aventures sur les théâtres dans leurs vers et dans leurs chants. Ils proposent des récompenses pour celui qui. s'en acquitte le mieux ; et ils chasseraient quiconque oserait avancer que tous ces faits ne font que des fables. 10 Telle est l'extravagance de la plupart des peuples. Ils souhaitent ardemment qu'on parle beaucoup d'eux, et ils se soucient peu de quelle façon l'on en parle. Timides, ils ne voudraient pas être exposés aux malheurs ; ils craignent la mort et les peines : mais ils sont charmés qu'on se souvienne qu'ils ont autrefois été malheureux.

11 Si je me propose de vous faire voir combien Homère a défiguré par des fables les faits qu'il a rapportés, je ne me servirai pour cela que de ses vers mêmes; et j'en tirerai des secours pour éclaircir la vérité. Ce n'est ni dans le dessein de vous flatter, ni par un es- 183 prit de critique ou de basse jalousie, que j'ai conçu ce projet. Mon principal but est de justifier Minerve, d'empêcher qu'on ne la regarde comme ayant détruit sans raison sa propre ville, et ayant agi contre les volontés de son père. Je veux aussi justifier Junon et Vénus. 12 Il est injurieux à l'épouse de Jupiter, qu'on croie (7) qu'elle ne trouva personne plus capable de bien juger de ses attraits qu'un berger du mont Ida, et que ce fut elle qui commença à disputer de beauté avec Vénus ; elle, dis-je, qui était la plus âgée des enfants 13 de Saturne, comme elle en convient dans Homère, où elle s'exprime en ces termes : Ne suis-je pas la première qu'engendra Saturne ? Enfin c'est faire injure à cette déesse que de la supposer si violemment irritée contre Pâris, à la décision duquel elle s'était volontairement soumise. Assurément il n'y a personne parmi les mortels qui, après s'être, choisi un arbitre, traite cet arbitre en ennemi, parce qu'il n'a pas décidé en 184 sa faveur. Ce n'est pas une chose moins injurieuse pour Vénus, que la honteuse, l'injuste, la funeste récompense qu'on lui fait donner à Pâris. Sans égards ni pour Hélène qu'elle avait pour sœur, ni pour Pâris, dont le jugement lui avait été si favorable, elle unit ces deux personnes par un mariage fatal qui devait causer la perte de la famille, de la patrie de Pâris, et de Pâris même. 14 Je ne dois pas non plus oublier ici le sort d'Hélène, que l'on dit être fille de Jupiter. Sa honte l'a rendue à jamais célèbre ; et les Grecs y en l'érigeant en immortelle, ont immortalisé son déshonneur.

Quelque louable que soit mon dessein, certains sophistes ne laisseront pas de crier à l'impiété, parce que je contredis Homère : ils s'efforceront de me perdre dans l'esprit de quelques jeunes gens méprisables (8), et dont je ne fais aucun cas. 15 Mais en premier lieu,. on.dit qu'Homère fut réduit par la. misère et la pauvreté à mendier dans la Grèce ; et l'on ne peut se per- 185 suader qu'il ait débité des fables dans la vue de plaire à ceux qui lui faisaient du bien, et de leur dire des choses agréables ! Cependant on convient qu'aujourd'hui les mendiants ne doivent pas être crus sur leur parole. On ne voudrait pas s'en rapporter à leur témoignage sur la moindre chose. 16 On fait que la nécessité les oblige à ne rien dire que de flatteur.

En second lieu, on prétend que ce ne fut pas seulement comme pauvre, mais comme insensé, qu'Homère fut regardé dans son siècle ; et que ce fut surtout sous ce dernier titre qu'il fut connu. Il est vrai qu'on n'ajoute point si dans sa folie il disait des fables, ou des vérités. Je fuis bien éloigné de condamner Homère sur l'opinion qu'on avait de lui. Rien n'empêche qu'un homme sage ne soit pauvre et ne passe pour fou. Mais de cette opinion qu'on avait conçue d'Homère, et du jugement qu'on portait de ceux à qui l'on croyait qu'il ressemblait, il résulte qu'on ne comptait en aucune façon sur la vérité 17 de ses discours.

Enfin, dit-on, il n'est pas conce- 186 vable que le mensonge ait pu entrer dans le caractère d'Homère ; qu'il ait été susceptible de rien de tel. Mais Homère n'a-t-il pas écrit qu'Ulysse, dont il fait de si grands éloges, mentait fort souvent; qu'Antolycus se parjurait, et que c'était un talent qu'il avait reçu de Mercure ?

Il n'y a pour ainsi dire personne, même parmi les plus grands admirateurs d'Homère, qui ne convienne que ce poète n'a rien dit de vrai touchant les Dieux. On essaye de le justifier en soutenant 18 qu'il ne faut pas prendre à la lettre ce qu'il en a dit ; qu'il se servait d'énigmes et d'allégories. Et qui empêche qu'on ne porte le même jugement sur ce qu'il a dit des hommes ? Celui qui au lieu de s'exprimer avec vérité sur les Dieux, fait visiblement le contraire, au point que tout le monde croit devoir prendre ses discours pour des fictions, quoiqu'on n'en imagine pas le but ; celui-là, dis-je, n'osera-t-il pas, à plus forte raison, hasarder sur les hommes des fables de toutes les sortes ?

Je ne parle point ici de ce que plu- 187 sieurs avant moi lui ont reproché ; de ce qu'il a peint des Dieux qui se plaignent, qui gémissent; des Dieux blessés et presque mourants ; des Dieux adultères, des Dieux enchaînés, des Dieux qui contractent des obligations. Je ne prétends point lui faire des crimes : je veux seulement montrer qu'il a dit les choses autrement qu'elles n'ont été. Je justifierai ensuite mon sentiment (9) 19 sur la façon dont elles se sont passées. Commençons (10) par établir qu'il ne balance point à avancer des fables, qu'il les avance sans rougir ; et voyons s'il a quelque raison de le faire.

J'omettrai tout ce qu'il rapporte d'injurieux et d'indécent touchant les Dieux. Je me contenterai de remarquer qu'il ose répéter les prétendus entretiens des Dieux les uns avec les autres ; non-seulement ceux qu'ils ont eus en présence de toutes les divinités, mais même leurs conversations les plus secrètes : 20 celle de Jupiter avec Junon, que ce Dieu querelle de ce qu'elle 188 l'a trompé, et causé la défaite des Troyens : celle de Junon avec Vénus, qu'elle sollicite de lui prêter ce filtre puissant, cette ceinture merveilleuse, nécessaire à Junon pour se rendre maîtresse du Dieu père de Vénus. Il est naturel qu'une telle prière ait été faite en particulier; et il n'est point vraisemblable que parmi les hommes mêmes, les choses de cette nature, non plus que les querelles d'un mari et de fa femme, parviennent à la connaissance des autres hommes.

Il semble qu'Homère se fasse reprocher lui-même ce défaut par son Ulysse : en effet, lorsque ce héros rapporte les discours que les Dieux ont tenus sur son compte, il paraît craindre de ne pas mériter de croyance ; et Homère lui fait dire qu'il a appris ces discours de Calypso, qui les avait entendus répéter à quelque Dieu. Mais Homère ne prend point de précautions semblables lorsque c'est lui-même qui parle. 21 Tant il a méprisé les jugements qu'on porterait de lui ; tant il s'est peu soucié de passer pour ne débiter que des fables. Assurément il 189 n'a pu croire que quelqu'un se persuaderait qu'il fût instruit par ses propres oreilles (11) des conversations des Dieux. Il a cependant avancé qu'il les avait lui-même entendues ; et bien des gens l'ont cru sur sa parole.

Il raconte l'aventure (12) de Jupiter et de Junon sur le mont Ida, et les discours qui furent tenus en cette occasion ; comme s'il en avait été témoin, et que la nuée dont Jupiter se couvrit, pour se rendre invisible, n'eût pas été, comme elle devait l'être, un obstacle pour les yeux d'Homère. 22a Mais ce poète met en quelque sorte le comble à ses rêveries, lorsque, afin que nous ne doutions plus qu'il entend les discours des Dieux, il nous parle souvent comme comprenant leur langage. De même que les interprètes des langues (13) expliquent aux Barbares ce que nous leur voulons dire, de même Homère, qui prétend savoir la langue des Dieux, nous en explique les termes. Car, selon lui, cette 190 langue n'est pas la même que Ila nôtre, et les Dieux donnent aux choses d'autres noms que nous. Homère en donne des exemples. L'oiseau que les hommes nomment hibou, les Dieux, à ce qu'il dit, le nomment chalcis. Un lieu situé près de Troie, et appelle Batica par les hommes, est appelé par les dieux le tombeau 23a de Myrrhina. Il parle de l'herbe que les Dieux nomment Moly ; mais il ne dit point comment les mortels l'appellent. Il ajoute que le fleuve que nous appelions Scamandre est nommé Xanthus par les Dieux, et il se sert de ce nom dans ses poèmes : comme s'il avait le privilège, non-seulement d'y faire un mélange des divers dialectes de la Grèce, et d'y parler tantôt Eolien, tantôt Dorien, tantôt Ionien, Crétois même et Thessalien (14) ; mais d'y employer aussi le langage particulier aux Dieux. Tout ce que je viens de remarquer 191 n'est point, comme je l'ai dit, pour faire des crimes à Homère ; mais seulement pour faire voir que ce poète débite des faussetés avec la plus grande hardiesse, et avance des sables avec autant d'audace et de confiance que s'il disait des vérités. Après cette réflexion (15), on ne regardera plus sans doute comme un paradoxe chimérique l'opinion que je me suis proposé d'établir. Au contraire, les faussetés dont j'accuse Homère ne paraitront plus que des méprises légères attachées à l'humanité, quand on les comparera aux fautes grossières où il est tombé lorsqu'il a parlé des choses divines. J'entre en matière.

 

Ἐπιχειρήσας γὰρ τὸν πόλεμον εἰπεῖν τὸν γενόμενον τοῖς Ἀχαιοῖς πρὸς τοὺς Τρῶας, οὐκ εὐθὺς ἤρξατο ἀπὸ τῆς ἀρχῆς, ἀλλ´ ὅθεν ἔτυχεν· ὃ ποιοῦσι πάντες οἱ ψευδόμενοι σχεδόν, ἐμπλέκοντες καὶ περιπλέκοντες καὶ οὐθὲν βουλόμενοι λέγειν ἐφεξῆς· ἧττον γὰρ κατάδηλοί εἰσιν· εἰ δὲ μή, ὑπ´ αὐτοῦ τοῦ πράγματος ἐξελέγχονται.  (25) Τοῦτο δὲ ἰδεῖν ἔστι καὶ ἐν τοῖς δικαστηρίοις καὶ παρ´ ἄλλοις γιγνόμενον, οἳ μετὰ τέχνης ψεύδονται. Οἱ δὲ βουλόμενοι τὰ γενόμενα ἐπιδεῖξαι, ὡς ξυνέβη ἕκαστον, οὕτως ἀπαγγέλλουσι, τὸ πρῶτον πρῶτον καὶ τὸ δεύτερον δεύτερον καὶ τἄλλα ἐφεξῆς ὁμοίως. Ἓν μὲν τοῦτο αἴτιον τοῦ μὴ κατὰ φύσιν ἄρξασθαι τῆς ποιήσεως·

ἕτερον δέ, ὅτι τὴν ἀρχὴν αὐτῆς καὶ τὸ τέλος μάλιστα ἐπεβούλευσεν (26) ἀφανίσαι καὶ ποιῆσαι τὴν ἐναντίαν δόξαν ὑπὲρ αὐτῶν. Ὅθεν οὔτε τὴν ἀρχὴν οὔτε τὸ τέλος ἐτόλμησεν εἰπεῖν ἐκ τοῦ εὐθέος, οὐδὲ ὑπέσχετο ὑπὲρ τούτων οὐδὲν ἐρεῖν, ἀλλ´ εἴ που καὶ μέμνηται, παρέργως καὶ βραχέως, καὶ δῆλός ἐστιν ἐπιταράττων· οὐ γὰρ ἐθάρρει πρὸς αὐτὰ οὐδὲ ἐδύνατο εἰπεῖν ἑτοίμως. Συμβαίνει δὲ καὶ τοῦτο τοῖς ψευδομένοις ὡς τὸ πολύ γε, ἄλλα μέν τινα λέγειν τοῦ πράγματος καὶ διατρίβειν ἐπ´ αὐτοῖς, ὃ δ´ ἂν μάλιστα κρύψαι θέλωσιν, οὐ προτιθέμενοι λέγουσιν οὐδὲ προσέχοντι τῷ ἀκροατῇ, οὐδ´ ἐν τῇ αὑτοῦ χώρᾳ τιθέντες, ἀλλ´ ὡς ἂν λάθοι μάλιστα, καὶ διὰ τοῦτο καὶ ὅτι αἰσχύνεσθαι ποιεῖ τὸ ψεῦδος καὶ ἀποκνεῖν (27) προσιέναι πρὸς αὑτό, ἄλλως τε ὅταν ᾖ περὶ τῶν μεγίστων. Ὅθεν οὐδὲ τῇ φωνῇ μέγα λέγουσιν οἱ ψευδόμενοι, ὅταν ἐπὶ τοῦτο ἔλθωσιν· οἱ δέ τινες αὐτῶν βατταρίζουσι καὶ ἀσαφῶς λέγουσιν· οἱ δὲ οὐχ ὡς αὐτοί τι εἰδότες, ἀλλ´ ὡς ἑτέρων ἀκούσαντες. Ὃς δ´ ἂν ἀληθὲς λέγῃ τι, θαρρῶν καὶ οὐδὲν ὑποστελλόμενος λέγει.

Οὔτε οὖν τὰ περὶ τὴν ἁρπαγὴν τῆς Ἑλένης Ὅμηρος εἴρηκεν ἐκ τοῦ εὐθέος οὐδὲ παρρησίαν ἄγων ἐπ´ αὐτοῖς οὔτε τὰ περὶ τῆς ἁλώσεως τῆς πόλεως. Καίτοι γάρ, ὡς ἔφην, ἀνδρειότατος ὢν ὑποκατεκλίνετο καὶ ἡττᾶτο, ὅτι ᾔδει τἀναντία λέγων τοῖς οὖσι καὶ τὸ κεφάλαιον αὐτὸ τοῦ πράγματος ψευδόμενος. (28) Ἢ πόθεν μᾶλλον ἄρξασθαι ἔπρεπεν ἢ ἀπ´ αὐτοῦ τοῦ ἀδικήματος καὶ τῆς ὕβρεως τοῦ Ἀλεξάνδρου, δι´ ἣν συνέστη ὁ πόλεμος, ἐπειδὴ συνωργίζοντο ἂν πάντες οἱ τῇ ποιήσει ἐντυγχάνοντες καὶ συνεφιλονίκουν ὑπὲρ τοῦ τέλους καὶ μηδεὶς ἠλέει τοὺς Τρῶας ἐφ´ οἷς ἔπασχον· {οὕτω γὰρ εὐνούστερον (29) καὶ προθυμότερον ἕξειν ἔμελλε τὸν ἀκροατήν.}

Εἰ δ´ αὖ ἐβούλετο τὰ μέγιστα καὶ φοβερώτατα εἰπεῖν καὶ πάθη παντοδαπὰ καὶ συμφοράς, ἔτι δὲ ὃ πάντων μάλιστα ἕκαστος ἐπόθει ἀκοῦσαι, τί μεῖζον ἢ δεινότερον εἶχεν εἰπεῖν τῆς ἁλώσεως; οὔτε ἀνθρώπους πλείους ἀποθνήσκοντας οὐδὲ οἰκτρότερον τοὺς μὲν ἐπὶ τοὺς βωμοὺς τῶν θεῶν καταφεύγοντας, τοὺς δὲ ἀμυνομένους ὑπὲρ τῶν τέκνων καὶ τῶν γυναικῶν, οὔτε γυναῖκας ἢ παρθένους {ἄλλοτε} ἀγομένας {βασιλίδας} ἐπὶ δουλείᾳ τε καὶ αἰσχύνῃ, τὰς μὲν ἀνδρῶν, τὰς δὲ πατέρων, τὰς δὲ ἀδελφῶν ἀποσπωμένας, τὰς δέ τινας αὐτῶν τῶν ἀγαλμάτων, ὁρώσας μὲν τοὺς φιλτάτους {ἄνδρας} ἐν φόνῳ κειμένους καὶ μὴ δυναμένας ἀσπάσασθαι μηδὲ καθελεῖν τοὺς ὀφθαλμούς, (30) ὁρώσας δὲ τὰ νήπια βρέφη πρὸς τῇ γῇ παιόμενα ὠμῶς, οὔτε ἱερὰ πορθούμενα θεῶν οὔτε χρημάτων πλῆθος ἁρπαζόμενον οὔτε κατ´ ἄκρας ὅλην ἐμπιμπραμένην {τὴν} πόλιν οὔτε μείζονα βοὴν ἢ κτύπον χαλκοῦ τε καὶ πυρὸς τῶν μὲν φθειρομένων, τῶν δὲ ῥιπτουμένων· ἃ τὸν Πρίαμον πεποίηκε λέγοντα ἐπ´ ὀλίγον ὡς ἐσόμενα, ἃ τυχὸν αὐτῷ ὡς γιγνόμενα διελθεῖν, ὅπως ἐβούλετο καὶ μεθ´ ὅσου τἄλλα εἰώθει δείματος,ἐκπλήττων τε καὶ αὔξων τὰ μικρότατα.

(31) Εἰ δέ γε ἤθελεν ἀνδρῶν ἐπισήμων εἰπεῖν θάνατον, πῶς ἀπέλιπε τὸν τοῦ Ἀχιλλέως καὶ τὸν τοῦ Μέμνονος καὶ Ἀντιλόχου καὶ Αἴαντος καὶ αὐτοῦ τοῦ Ἀλεξάνδρου; πῶς δὲ τὴν Ἀμαζόνων στρατείαν καὶ τὴν μάχην ἐκείνην τὴν λεγομένην τοῦ Ἀχιλλέως καὶ τῆς Ἀμαζόνος γενέσθαι καλὴν (32) οὕτως καὶ παράδοξον; ὁπότε τὸν ποταμὸν αὐτῷ πεποίηκε μαχόμενον ὑπὲρ τοῦ λέγειν τι θαυμαστόν, ἔτι δὲ τοῦ Ἡφαίστου καὶ τοῦ Σκαμάνδρου μάχην καὶ τῶν ἄλλων θεῶν πρὸς ἀλλήλους, τροπάς τε καὶ ἥττας καὶ τραύματα {ἐπιθυμῶν ὅ, τι εἴποι μέγα καὶ θαυμαστόν}, ὑπὸ ἀπορίας πραγμάτων τοσούτων ἔτι καὶ τηλικούτων ἀπολειπομένων. (33) Ἀνάγκη οὖν ἐκ τούτων ὁμολογεῖν ἢ ἀγνώμονα Ὅμηρον καὶ φαῦλον κριτὴν τῶν πραγμάτων, ὥστε τὰ ἐλάττω καὶ ταπεινότερα αἱρεῖσθαι, καταλιπόντα ἄλλοις τὰ μέγιστά τε καὶ σπουδαιότατα, ἢ μὴ δύνασθαι αὐτόν, ὅπερ εἶπον, ἰσχυρίζεσθαι τὰ ψευδῆ, μηδ´ ἐν τούτοις ἐπιδεικνύναι τὴν ποίησιν ἃ ἐβούλετο κρύψαι ὅπως γέγονεν.

(34) Οὕτως γὰρ καὶ ἐν Ὀδυσσείᾳ τὰ μὲν περὶ τὴν Ἰθάκην καὶ τὸν θάνατον τῶν μνηστήρων αὐτὸς λέγει, τὰ δὲ μέγιστα τῶν ψευσμάτων οὐχ ὑπέμεινεν εἰπεῖν, τὰ περὶ τὴν Σκύλλαν καὶ τὸν Κύκλωπα καὶ τὰ φάρμακα τῆς Κίρκης, ἔτι δὲ τὴν εἰς ᾅδου κατάβασιν τοῦ Ὀδυσσέως, ἀλλὰ τὸν Ὀδυσσέα ἐποίησε διηγούμενον τοῖς περὶ τὸν Ἀλκίνοον· ἐκεῖ δὲ καὶ τὰ περὶ τὸν ἵππον καὶ τὴν ἅλωσιν τῆς Τροίας διεξιόντα τὸν Δημόδοκον ἐν ᾠδῇ δι´ ὀλίγων ἐπῶν.

(35) Δοκεῖ δέ μοι μηδὲ προθέσθαι ταῦτα τὴν ἀρχήν, ἅτε οὐ γενόμενα, προϊούσης δὲ τῆς ποιήσεως, ἐπεὶ ἑώρα τοὺς ἀνθρώπους ῥᾳδίως πάντα πειθομένους, καταφρονήσας αὐτῶν καὶ ἅμα χαριζόμενος τοῖς Ἕλλησι καὶ τοῖς Ἀτρείδαις πάντα συγχέαι καὶ μεταστῆσαι τὰ πράγματα εἰς τοὐναντίον. Λέγει δὲ ἀρχόμενος,

μῆνιν ἄειδε, θεά, Πηληιάδεω Ἀχιλῆος οὐλομένην, ἣ μυρί´ Ἀχαιοῖς ἄλγε´ ἔθηκε, πολλὰς δ´ ἰφθίμους ψυχὰς ἄϊδι προΐαψεν ἡρώων· αὐτοὺς δὲ ἑλώρια τεῦχε κύνεσσιν οἰωνοῖσί τε πᾶσι· Διὸς δ´ ἐτελείετο βουλή.

(36) Ἐνταῦθά φησι περὶ μόνης ἐρεῖν τῆς τοῦ Ἀχιλλέως μήνιδος καὶ τὰς συμφορὰς καὶ τὸν ὄλεθρον τῶν Ἀχαιῶν, ὅτι πολλὰ καὶ δεινὰ ἔπαθον καὶ πολλοὶ ἀπώλοντο καὶ ἄταφοι ἔμειναν, ὡς ταῦτα μέγιστα τῶν γενομένων καὶ ἄξια τῆς ποιήσεως, καὶ τὴν τοῦ Διὸς βουλὴν ἐν τούτοις φησὶ τελεσθῆναι, ὥσπερ οὖν καὶ συνέβη· τὴν δὲ ὕστερον μεταβολὴν τῶν πραγμάτων καὶ τὸν τοῦ Ἕκτορος θάνατον, ἃ ἔμελλε χαριεῖσθαι, οὐ φαίνεται ὑποθέμενος, οὐδὲ ὅτι ὕστερον ἑάλω τὸ Ἴλιον· ἴσως γὰρ οὐκ ἦν πω βεβουλευμένος ἀναστρέφειν ἅπαντα. (37) Ἔπειτα βουλόμενος τὴν αἰτίαν εἰπεῖν τῶν κακῶν, ἀφεὶς τὸν Ἀλέξανδρον καὶ τὴν Ἑλένην περὶ Χρύσου φλυαρεῖ καὶ τῆς ἐκείνου θυγατρός.

Ἐγὼ οὖν ὡς ἐπυθόμην παρὰ τῶν ἐν Αἰγύπτῳ ἱερέων ἑνὸς εὖ μάλα γέροντος ἐν τῇ Ὀνούφι, ἄλλα τε πολλὰ τῶν Ἑλλήνων καταγελῶντος ὡς οὐθὲν εἰδότων ἀληθὲς περὶ τῶν πλείστων, καὶ μάλιστα δὴ τεκμηρίῳ τούτῳ χρωμένου ὅτι Τροίαν τέ εἰσι πεπεισμένοι ὡς ἁλοῦσαν ὑπὸ Ἀγαμέμνονος καὶ ὅτι Ἑλένη συνοικοῦσα Μενελάῳ ἠράσθη Ἀλεξάνδρου· καὶ ταῦτα οὕτως ἄγαν πεπεισμένοι εἰσὶν ὑφ´ ἑνὸς ἀνδρὸς ἐξαπατηθέντες ὥστε καὶ ὀμόσαι ἕκαστος. (38) Ἔφη δὲ πᾶσαν τὴν πρότερον ἱστορίαν γεγράφθαι παρ´ αὐτοῖς, τὴν μὲν ἐν τοῖς ἱεροῖς, τὴν δ´ ἐν στήλαις τισί, τὰ δὲ μνημονεύεσθαι μόνον ὑπ´ ὀλίγων, τῶν στηλῶν διαφθαρεισῶν, πολλὰ δὲ καὶ ἀγνοεῖσθαι τῶν ἐν ταῖς στήλαις γεγραμμένων διὰ τὴν ἀμαθίαν τε καὶ ἀμέλειαν τῶν ἐπιγιγνομένων· εἶναι δὲ καὶ ταῦτα ἐν τοῖς νεωτάτοις τὰ περὶ τὴν Τροίαν· τὸν γὰρ Μενέλαον ἀφικέσθαι παρ´ αὐτοὺς καὶ διηγήσασθαι ἅπαντα ὡς ἐγένετο.

(39) Δεομένου δέ μου διηγήσασθαι, τὸ μὲν πρῶτον οὐκ ἐβούλετο, λέγων ὅτι ἀλαζόνες εἰσὶν οἱ Ἕλληνες καὶ ἀμαθέστατοι ὄντες πολυμαθεστάτους ἑαυτοὺς νομίζουσι· τούτου δὲ μηθὲν εἶναι νόσημα χαλεπώτερον μήτε ἑνὶ μήτε πολλοῖς ἢ ὅταν τις ἀμαθὴς ὢν σοφώτατον ἑαυτὸν νομίζῃ. Τοὺς γὰρ τοιούτους τῶν ἀνθρώπων μηδέποτε δύνασθαι τῆς ἀγνοίας ἀπολυθῆναι. (40) Οὕτως δέ, ἔφη, γελοίως ἀπὸ τούτων διάκεισθε ὑμεῖς ὥστε ποιητὴν ἕτερον Ὁμήρῳ πεισθέντα καὶ ταὐτὰ πάντα ποιήσαντα περὶ Ἑλένης, Στησίχορον, ὡς οἶμαι, τυφλωθῆναί φατε ὑπὸ τῆς Ἑλένης, ὡς ψευσάμενον, αὖθις δὲ ἀναβλέψαι τἀναντία ποιήσαντα. Καὶ ταῦτα λέγοντες (41) οὐδὲν ἧττον ἀληθῆ φασιν εἶναι τὴν Ὁμήρου ποίησιν καὶ ἀκούοντες τὸν μὲν Στησίχορον ἐν τῇ ὕστερον ᾠδῇ λέγειν ὅτι τὸ παράπαν οὐδὲ πλεύσειεν ἡ Ἑλένη οὐδαμόσε, ἄλλους δέ τινας ὡς ἁρπασθείη μὲν Ἑλένη ὑπὸ τοῦ Ἀλεξάνδρου, δεῦρο δὲ παρ´ ἡμᾶς εἰς Αἴγυπτον ἀφίκοιτο καὶ τοῦ πράγματος οὕτως ἀμφισβητουμένου καὶ πολλὴν ἄγνοιαν ἔχοντος, οὐδὲ οὕτως ὑποπτεῦσαι δύνανται τὴν ἀπάτην. (42) Τούτου δὲ αἴτιον ἔφη εἶναι ὅτι φιλήκοοί εἰσιν οἱ Ἕλληνες· ἃ δ´ ἂν ἀκούσωσιν ἡδέως τινὸς λέγοντος, ταῦτα καὶ ἀληθῆ νομίζουσι, καὶ τοῖς μὲν ποιηταῖς ἐπιτρέπουσιν ὅ,τι ἂν θέλωσι ψεύδεσθαι καί φασιν ἐξεῖναι αὐτοῖς, ὅμως δὲ πιστεύουσιν οἷς ἂν ἐκεῖνοι λέγωσι, καὶ μάρτυρας αὐτοὺς ἐπάγονται ἐνίοτε περὶ ὧν ἀμφισβητοῦσι·

παρὰ δὲ Αἰγυπτίοις μὴ ἐξεῖναι μηδὲν ἐμμέτρως λέγεσθαι μηδὲ εἶναι ποίησιν τὸ παράπαν· ἐπίστασθαι γὰρ ὅτι φάρμακον τοῦτο ἡδονῆς ἐστι πρὸς τὴν ἀκοήν. Ὥσπερ οὖν οἱ διψῶντες οὐδὲν δέονται οἴνου, ἀλλ´ ἀπόχρη αὐτοῖς ὕδατος πιεῖν, οὕτως οἱ τἀληθῆ εἰδέναι θέλοντες οὐδὲν δέονται μέτρων, ἀλλ´ ἐξαρκεῖ αὐτοῖς ἁπλῶς ἀκοῦσαι. (43) Ἡ δὲ ποίησις ἀναπείθει τὰ ψευδῆ ἀκούειν ὥσπερ ὁ οἶνος πίνειν μάτην.

Ὡς οὖν ἤκουσα παρ´ ἐκείνου, πειράσομαι εἰπεῖν, προστιθεὶς ἐξ ὧν ἐδόκει μοι ἀληθῆ τὰ λεγόμενα. Ἔφη γὰρ ἐν Σπάρτῃ γενέσθαι Τυνδάρεων σοφὸν ἄνδρα καὶ βασιλέα μέγιστον, τούτου δὲ καὶ Λήδας δύο θυγατέρας κατὰ ταὐτὸ ὥσπερ ἡμεῖς ὀνομάζομεν, Κλυταιμνήστραν καὶ Ἑλένην, καὶ δύο ἄρρενας παῖδας διδύμους καλοὺς καὶ μεγάλους καὶ πολὺ τῶν Ἑλλήνων ἀρίστους.  (44) Εἶναι δὲ τὴν Ἑλένην ἐπὶ κάλλει περιβόητον καὶ πολλοὺς μνηστῆρας αὐτῆς ἔτι σμικρᾶς παιδὸς οὔσης γενέσθαι καὶ ἁρπαγὴν ὑπὸ Θησέως βασιλέως ὄντος Ἀθηνῶν. Τοὺς οὖν ἀδελφοὺς τῆς Ἑλένης εὐθέως ἐλθεῖν εἰς τὴν τοῦ Θησέως χώραν καὶ πορθῆσαι τὴν πόλιν καὶ κομίσασθαι τὴν ἀδελφήν. Τὰς μὲν οὖν ἄλλας γυναῖκας ἀφιέναι λαβόντας· τὴν δὲ τοῦ Θησέως μητέρα αἰχμάλωτον ἄγειν, τιμωρουμένους αὐτόν· εἶναι γὰρ αὐτοὺς ἀξιομάχους πρὸς ἅπασαν τὴν Ἑλλάδα, καὶ καταστρέψασθαι ῥᾳδίως ἄν, εἰ ἐβούλοντο.

(45) Εἶπον οὖν ὅτι καὶ παρ´ ἡμῖν ταῦτα λέγεται, καὶ προσέτι ὡς αὐτὸς ἑορακὼς εἴην ἐν Ὀλυμπίᾳ ἐν τῷ ὀπισθοδόμῳ τοῦ νεὼ τῆς Ἥρας ὑπόμνημα τῆς ἁρπαγῆς ἐκείνης ἐν τῇ ξυλίνῃ κιβωτῷ τῇ ἀνατεθείσῃ ὑπὸ Κυψέλου, τοὺς Διοσκόρους ἔχοντας τὴν Ἑλένην ἐπιβεβηκυῖαν τῇ κεφαλῇ τῆς Αἴθρας καὶ τῆς κόμης ἕλκουσαν, καὶ ἐπίγραμμα ἐπιγεγραμμένον ἀρχαίοις γράμμασι.

(46) Μετὰ δὲ ταῦτα, ἔφη, φοβούμενος τοὺς Τυνδαρίδας ὁ Ἀγαμέμνων· ἠπίστατο γὰρ ὅτι ξένος ὢν καὶ ἔπηλυς ἄρχοι τῶν Ἀργείων· ἐβούλετο προσλαβεῖν αὐτοὺς κηδεύσας, καὶ διὰ τοῦτο ἔγημε Κλυταιμνήστραν· τὴν δὲ Ἑλένην ἐμνήστευε μὲν τῷ ἀδελφῷ, οὐδεὶς δὲ ἔφασκε τῶν Ἑλλήνων ἐπιτρέψειν, καὶ γὰρ προσήκειν ἕκαστος αὑτῷ τοῦ γένους μᾶλλον ἢ Μενελάῳ, Πελοπίδῃ ὄντι. Ἧκον δὲ καὶ ἔξωθεν πολλοὶ μνηστῆρες διά τε τὴν δόξαν τὴν περὶ τοῦ κάλλους καὶ τὴν δύναμιν τῶν ἀδελφῶν καὶ τοῦ πατρός.

(47) Ἐδόκει οὖν μοι καὶ τοῦτο ἀληθὲς λέγειν, ὅπου τὴν Κλεισθένους θυγατέρα τοῦ Σικυωνίων τυράννου καὶ τῶν ἀπὸ Ἰταλίας τινὰ μνηστεῦσαί φασιν· ἔτι δὲ Ἱπποδάμειαν τὴν Οἰνομάου Πέλοψ ἔγημεν ἐκ τῆς Ἀσίας ἀφικόμενος, Θησεὺς δὲ ἀπὸ τοῦ Θερμώδοντος ποταμοῦ μίαν τῶν Ἀμαζόνων· (48) ὡς δὲ ἐκεῖνος ἔφη, καὶ τὴν Ἰὼ ἀφικέσθαι ἐκδοθεῖσαν εἰς Αἴγυπτον, ἀλλὰ μὴ βοῦν γενομένην οὕτως οἰστρήσασαν ἐλθεῖν. Οὕτως δὲ ἔθους ὄντος ἐκδιδόναι καὶ λαμβάνειν γυναῖκας παρ´ ἀλλήλων καὶ τοὺς πλεῖστον ἀπέχοντας τοῖς ἐνδοξοτάτοις, καὶ τὸν Ἀλέξανδρον ἀφικέσθαι κατὰ μνηστείαν ἔφη, πιστεύοντα τῇ δυνάμει τοῦ πατρός, σχεδόν τι βασιλεύοντος τῆς Ἀσίας ἁπάσης, καὶ οὐδὲ πολὺ τῆς Τροίας ἀπεχούσης, ἄλλως τε καὶ τῶν Πελοπιδῶν ἤδη δυναστευόντων ἐν τῇ Ἑλλάδι καὶ πολλῆς ἐπιμιξίας γενομένης.

(49) Ἐλθόντα δὲ μετὰ πολλοῦ πλούτου καὶ παρασκευῆς ὡς ἐπὶ μνηστείαν, καὶ διαφέροντα κάλλει, εἰς λόγους αὐτὸν καταστῆναι Τυνδάρεῴ τε καὶ τοῖς ἀδελφοῖς τῆς Ἑλένης, λέγοντα περὶ τῆς ἀρχῆς τῆς Πριάμου καὶ τῶν χρημάτων τοῦ πλήθους καὶ τῆς ἄλλης δυνάμεως, καὶ ὅτι αὑτοῦ γίγνοιτο ἡ βασιλεία· τὸν δὲ Μενέλαον ἰδιώτην ἔφη εἶναι· τοῖς γὰρ Ἀγαμέμνονος παισίν, ἀλλ´ οὐκ ἐκείνῳ τὴν ἀρχὴν προσήκειν· καὶ ὡς θεοφιλὴς εἴη καὶ ὡς ἡ Ἀφροδίτη αὐτῷ ὑπόσχοιτο τὸν ἄριστον γάμον τῶν ἐν ἀνθρώποις· αὐτὸς οὖν προκρῖναι τὴν ἐκείνου θυγατέρα, ἐξὸν αὐτῷ λαβεῖν ἐκ τῆς Ἀσίας τινά, εἰ βούλοιτο, εἴτε τοῦ Αἰγυπτίων βασιλέως εἴτε τοῦ Ἰνδῶν. (50) Τῶν μὲν γὰρ ἄλλων ἁπάντων ἔλεγεν αὐτὸς ἄρχειν ἀρξάμενος ἀπὸ Τροίας μέχρι Αἰθιοπίας· καὶ γὰρ Αἰθιόπων βασιλεύειν τὸν αὑτοῦ ἀνεψιὸν Μέμνονα, ἐκ Τιθωνοῦ ὄντα τοῦ Πριάμου ἀδελφοῦ.

Καὶ ἄλλα πολλὰ ἔλεγεν ἐπαγωγά, καὶ δῶρα ἐδίδου τῇ τε Λήδᾳ καὶ τοῖς ἄλλοις τοῖς προσήκουσιν, ὅσα οὐδὲ ξύμπαντες οἱ Ἕλληνες ἐδύναντο. Ἔφη δὲ καὶ ξυγγενὴς εἶναι τῆς Ἑλένης καὶ αὐτός· ἀπὸ γὰρ Διὸς εἶναι τὸν Πρίαμον· πυνθάνεσθαι δὲ κἀκείνους καὶ τὴν ἀδελφὴν αὐτῶν Διὸς ὄντας. Τῷ δὲ Ἀγαμέμνονι καὶ τῷ Μενελάῳ μὴ προσήκειν ὀνειδίζειν αὐτῷ τὴν πατρίδα· καὶ γὰρ αὐτοὺς εἶναι Φρύγας ἀπὸ Σιπύλου. Πολὺ δὴ κρεῖττον τοῖς βασιλεῦσι κηδεύειν τῆς Ἀσίας ἢ τοῖς ἐκεῖθεν μετανάσταις. Καὶ γὰρ Λαομέδοντα Τελαμῶνι δοῦναι τὴν ἑαυτοῦ θυγατέρα Ἡσιόνην· ἐλθεῖν γὰρ αὐτὸν εἰς Τροίαν μνηστῆρα {μετὰ Ἡρακλέους}, ἄγειν δὲ καὶ τὸν Ἡρακλέα φίλον ὄντα καὶ ξένον Λαομέδοντι.

suite

 

Le dessein d'Homère était d'écrire la guerre des Grecs contre les Troyens. Or il n'a pas commencé son récit par l'origine de cette guerre; 192 mais par un événement pris au hasard, comme sont d'ordinaire ceux qui déguisent la vérité. Ils cherchent à embrouiller leur narration par des débours, et ne veulent rien dire de suite. Ils se flattent de laisser par-là moins de jour pour découvrir leurs mensonges. Mais (16) leur précaution même les trahit. 25 On peut apercevoir cette ruse dans les affaires judiciaires, et dans les autres occasions où il s'agit de mentir avec art. Ceux au contraire qui veulent rapporter les faits tels qu'ils sont, les racontent dans l'ordre où ils sont arrivés commençant par les premiers, partant ensuite aux seconds, et de là aux suivants. Voilà donc la première raison pour laquelle Homère n'a pas commencé ses poèmes selon l'ordre naturel.

La seconde raison c'est que son but principal était de cacher la vraie origine et le succès réel de la guerre de Troie, 26 et d'en donner une idée toute contraire à celle qu'on en doit avoir. C'est pour cela qu'il n'a osé développer tout d'un coup, ni annoncer son 193 système. S'il en dit quelque chose, ce n'est qu'en passant, en peu de mots, et avec un désordre visible. Il n'a pu affecter de confiance en cette occasion, et îl n'y avait pas moyen qu'il s'expliquât (17) avec méthode. Tout; cela arrive d'ordinaire à ceux qui veulent en imposer. Occupés du soin de masquer leur but, ils racontent quantité de choses étrangères à leur sujet, et s'y arrêtent (18) ; ils ne préparent jamais leurs auditeurs à ce qu'ils vont dire ; ils se dérobent à leur attention ; ils ne mettent rien en sa place : il semble qu'ils se cachent et pour mieux tromper, et parce qu'ils ont honte du mensonge, auquel 27 on ne se livre jamais qu'avec répugnance, surtout lorsqu'il s'agit de choses graves. Aussi ceux qui mentent n'osent-ils proférer leurs mensonges d'une voix haute : les uns balbutient, et ne s'expriment pas d'une façon positive ; les autres allèguent qu'ils ne savent point par eux-mêmes 194 les faits qu'ils rapportent, et qu'ils les ont appris d'autrui. Quiconque parle avec vérité s'explique hardiment et sans détour.

Homère n'a parlé ni dès l'abord, ni avec assurance, de l'enlèvement d'Hélène et de la prise de Troie. Sa hardiesse n'a pu tenir ; elle l'a abandonné, quelque grande que j'aie dit qu'elle était. C'est qu'il savait que ce qu'il disait était contraire à la vérité, et qu'il déguisait les événements capitaux. 28 Car par où convenait-il mieux qu'il commençât son récit, que par le crime et la violence de Pâris, sources de toute la guerre ? On n'aurait pu lire ses poèmes., sans partager la colère des Grecs, (19), et leur ardeur de se venger, et personne n'aurait été touché es maux des Troyens. 29  Par-là Homère se serait fait écouter avec plus d'empressement et de plaisir.

Que s'il cherchait à raconter de grands événements, d'affreux malheurs, des infortunes de toute espèce ; quel objet plus piquant pour la curiosité, quel événement plus intéressant et plus 195 terrible aurait-il pu peindre que la prise même de Troie ? Que de sang versé, de morts funestes, d'hommes massacrés, les uns aux pieds des autels où ils avaient cru trouver un asile, les autres en voulant défendre leurs femmes et leurs enfants ! Que d'épouses, que de vierges enlevées ! Que de princesses réservées pour la honte et l'esclavage, arrachées des bras de leurs pères, de leurs frères, de leurs maris, des statues mêmes de leurs Dieux, après avoir vu leurs époux chéris ensevelis sous les morts, sans pouvoir leur faire les derniers adieux, ni leur fermer la paupière ; 30 après avoir vu écraser cruellement contre terre leurs tendres enfants ! Quelle multiplicité d'images lui auraient fourni tant de temples dépouillés, tant de richesses pillées, une ville entière réduite en cendres, l'horrible bruit du fer et des flammes, les cris des mourants et des vainqueurs! Ces choses, qu'Homère se contente de faire dire par Priam en peu de mots, et comme par prédiction, ce poète devait sans doute les raconter lui-même (20) 197 si elles fussent arrivées ainsi qu'il le supposait, et les représenter avec autant d'exactitude qu'à son ordinaire, peignant fortement les objets, et insistant sur les moindres détails.

31 S'il a cherché à nous offrir des tableaux de morts illustres, comment a-t-il oublié la mort d'Achille, celles de Memnon, d'Ajax, de Pâris même ? Pourquoi n'a-t-il point parlé de l'armée des Amazones, ni du fameux et incroyable combat de leur Reine et d'Achille ? 32 Etait-il réduit, pour raconter quelque chose d'admirable, à faire combattre Achille contre un fleuve, Vulcain contre le Scamandre, les Dieux les uns contre les autres ; à peindre leurs attaques, leurs suites, leurs blessures ? Ne pouvait-il trouver sans cela rien de grand et de merveilleux à dire ? Manquait- il de matière, lui qui négligeait tant d'objets intéressants auxquels Priam ne sait que toucher lorsqu'il dit: " Que Jupiter lui réservait 197 dans la vieillesse une mort cruelle, après qu'il aura été témoin des plus grands malheurs ; qu'il aura vu ses fils massacrés, ses villes violées, ses petits enfants écrasés contre terre, les femmes de ses fils tombées aux mains des fiers vainqueurs ; et  que peut-être lui-même, percé par les ennemis, sera dévoré par les chiens devant les portes de son palais. » 33 Il faut nécessairement convenir, ou qu'Homère était un mauvais connaisseur qui jugeait mal des choses, puisqu'il s'attachait aux faits les plus frivoles et les moins considérables, tandis qu'il négligeait les plus importants et les plus dignes d'être écrits : ou plutôt il faut avouer qu'il n'a pas eu la force, comme je l'ai dit, d'insister sur des mensonges; et que par cela même son propre ouvrage fait sentir quels sont les faits qu'il a voulu déguiser.

34 Il en est de même de l'Odyssée. Homère y raconte lui-même ce qui s'est passé à Ithaque, et la mort des amants de Pénélope ; mais il ne peut soutenir de débiter sous son nom les men-198 songes principaux ; comme ce qui concerne Scylla, le Cyclope, les poisons de Circé, la descente d'Ulysse aux enfers. Il suppose que ce fut Ulysse qui raconta toutes ces choses aux convives d'Alcinoüs. C'est encore à la table d'Alcinoüs qu'Homère dans une pièce de peu de vers, qu'il met dans la bouche de Démodocus, fait chanter la prise de Troie, et ce cheval fameux, ouvrage de la ruse des Grecs.

35 Je me persuade qu'il n'a point étalé ces faits au commencement de son Iliade, parce qu'ils étaient imaginés à plaisir : mais à mesure qu'il publia les premières parties de son poème, il s'aperçut de l'extrême crédulité des hommes ; et les méprisant assez pour les jouer, cherchant à flatter les Grecs et les descendants d'Atrée, il eut la hardiesse de tout brouiller, et d'avancer précisément le contraire de ce qui était réellement arrivé.

En effet il débute ainsi : « Muse raconte moi le courroux fatal d'Achille fils de Pelée, qui fut pour les Grec; la source de tant de maux, et qui causa la mort de tant de 199 grands hommes dont les cadavres restèrent en proie aux chiens et aux oiseaux. Tel devait être l'accomplissement des volontés de Jupiter.  36 Par-là Homère annonce qu'il parlera seulement du courroux d'Achille, te des maux infinis qu'il causa aux Grecs, dont un si grand nombre périt et demeura sans sépulture. Il semble que ce fût là le fait le plus important, le sujet propre du poème, l'accomplissement parfait des décrets de Jupiter, comme le dit le poète, et comme cela fut effectivement. Il n'annonce rien alors touchant la dernière face que prissent les choses, la mort d'Hector, ni enfin la ruine de Troie ; parce que peut-être il ne s'était pas tout d'abord proposé de renverser la vérité de tous les faits ; et par cette même raison ; 37 lorsqu'il veut remonter aux causes des malheurs qu'il va décrire, il ne cite ni Paris ni Hélène, mais il s'amuse à  parler de Chrysès et de sa fille.

Pour moi voici ce que j'ai appris d'un prêtre égyptien de la ville d'Onuphis. Il était très-savant, et se moquait fort des Grecs, qu'il regardait 200 comme des peuples qui ne savaient presque rien de vrai. La principale preuve qu'il en donnait, était qu'ils croyaient que Troie avait été prise par Agamemnon, qu'Hélène femme de Ménélas avait été éprise de Pâris : faits qu'ils ne tenaient que d'un seul homme qui leur en avait imposé, et dont ils étaient cependant si persuadés, que chacun d'eux était prêt d'en assurer la vérité par serment. 38 Il ajoutait que toute l'Histoire ancienne était conservée parmi les Egyptiens, ou dans les temples, ou sur des colonnes; que la plupart de ces colonnes ayant été détruites, les faits qui y étaient gravés se conservaient dans la mémoire d'un petit nombre de personnes que plusieurs de ces anciens faits étaient devenus suspects par l'ignorance ou la négligence de ceux qui en avaient perpétué la tradition : mais que les événements de l'histoire de Troie étaient regardés par mi eux comme des événements modernes, et qu'ils les tenaient de la bouche de Ménélas même qui avait abordé chez eux, et les leur avait racontés tels qu'ils étaient.

201 39 Comme je le priais de m'en instruire, il refusa d'abord de le faire, alléguant que les Grecs étaient pleins de vanité ; et que, quoiqu'ils fussent très ignorants, ils pensaient être les plus habiles du monde : que se croire très-savant lorsqu'on ne savait absolument rien, était la maladie la plus difficile à guérir, tant dans un peuple, que dans un particulier ; et qu'il était presque impossible de tirer de pareilles gens de leur ignorance. 40 Vous êtes, ajouta-t-il, si ridiculement entêtés de vos opinions, que quoique vous reconnaissiez qu'un de vos poètes, Stésichore je pense, qui sur la foi d'Homère avait parlé d'Hélène comme lui, fut frappé d'aveuglement en punition de son mensonge, et que la vue ne lui fut rendue qu'après qu'il se fut dédit ; 41 vous ne laissez pas malgré cela de soutenir qu'Homère a dit la vérité. Stésichore dans ses derniers poèmes assure qu'Hélène ne fit aucun voyage sur mer. D'autres ont écrit qu'à la vérité elle fut enlevée par Pâris, mais qu'elle aborda dans notre Egypte. Rien de si douteux, de si peu certain que cet enlé- 202 vement ; et cependant les Grecs n'imaginent pas qu'il puisse être contesté. 42 C'est qu'ils aiment le plaisir en toutes choses, ajoutait le prêtre égyptien ; et que tout ce qui est agréablement raconté, ils le regardent comme vrai. Ils permettent (21) aux poètes de débiter tous les mensonges qu'ils jugent à propos ; c'est, disent-ils leur privilège : mais au même - temps ils ajoutent foi à ce que leur content ces poètes ; et sur les faits qui souffrent contestation, ils s'en rapportent à leurs témoignages.

Chez les Egyptiens au contraire il n'est permis à qui que ce soit d'écrire en vers. Ils bannissent la poésie en général, parce qu'ils savent qu'elle est pour les oreilles un voluptueux poison. Quand on est pressé par la soif, il n'est point nécessaire de boire du vin ; l'eau suffit pour l'étancher. De même, lorsqu'on veut s'instruire de la vérité, il n'est point besoin de recourir à des 203 vers; il suffit d'un discours simple. 43 Les charmes de la poésie engagent à donner son attention à de vaines fables, comme le vin engage à boire sans servir à désaltérer.

Enfin l'Egyptien consentit (22) à satisfaire ma curiosité. Je vais tâcher de répéter ce qu'il m'apprit ; et j'y joindrai les raisons qui m'y font ajouter foi. Il me dit donc qu'autrefois régnait à Sparte Tyndare, prince plein de sagesse et très-grand Roi ; qu'il avait eu de Léda deux filles nommées Clytemnestre et Hélène, comme nous les nommons nous-mêmes ; et deux fils, beaux, bien faits, et distingués par leur valeur au-dessus de tous les Grecs ; 44 qu'Hélène avait fait grand bruit par sa beauté ; que dès son enfance elle avait quantité d'amants, et qu'elle fut enlevée par Thésée, pour lors Roi d'Athènes ; que sur le champ les frères d'Hélène entrèrent en armes dans le 204 royaume de Thésée, forcèrent Athènes, ramenèrent leur sœur, et crurent la venger assez en faisant prisonnière la mère de Thésée même. S'ils avaient voulu pousser plus loin leur ressentiment, ils étaient assez forts pour faire tête à toute la Grèce, et en état de l'asservir toute entière.

45 Je repris alors, qu'on disait les mêmes choses parmi nous ; que j'avais même vu à Olympie, dans le fond du Temple de Junon, un monument de cette aventure, sur le coffre de bois consacré par les (23) descendants de Cypsélus. On y avait représenté les deux fils de Léda, ayant avec eux Hélène qui foulait aux pieds la tête d'Aethra mère de Thésée, et la tenait par les cheveux. Il y avait une inscrip- 205 tion (24) en caractères antiques.

46 Il poursuivit en ces termes. Après les faits que je viens de toucher, Agamemnon Roi d'Argos, mais étranger d'origine, et par cette raison redoutant les fils de Tyndare, voulut s'allier avec eux. Il épousa donc Clytemnestre, et demanda Hélène en mariage pour son frère Ménélas. Tous les princes grecs protestèrent qu'ils ne consentiraient jamais à cette seconde alliance, dont ils prétendaient que leur naissance, les rendait bien plus dignes que ne l'était Ménélas, qui descendait de Pélops. Cependant la beauté d'Hélène et la puissance de ses frères et de son père lui attirèrent des amants des royaumes étrangers.

47 Ce que l'Egyptien me racontait me paraissait probable. En effet on dit qu'on vint d'Italie demander en mar- 206 riage la fille de (25) Clisthène, Tyran de Sicyone ; que Pélops vint d'Asie épouser Hippodamie sille d'Œnornaus ; que Thésée alla chercher une épouse parmi les Amazones sur les bords du fleuve Thermodon, 48 et que Io, comme l'Egyptien le disait lui-même, passa en Egypte pour s'y marier, mais non pas transformée en vache. C'était donc, continua-t-il, un usage établi entre les plus grands Princes, de se donner et de se choisir des épouses, sans égard à l'éloignement de leurs Etats. Pâris vint comme les autres demander en mariage Hélène ; et il fondait son espoir sur la puissance de son père qui était roi de presque toute l'Asie, sur le peu d'éloignement de Troie, sur le pouvoir des descendants de Pélops en Grèce. et sur les alliances réitérées de leur famille avec la sienne.

49 Il arriva avec de grandes richesses ; de nombreux équipages, et tout l'éclat que le but de son voyage exigeait; mais il se fit surtout remarquer par sa 207 bonne mine. Il entra en conférence avec Tyndare, et les frères d'Hélène. Il vanta le royaume, les richesses, la puissance de Priam, dont il dit que la couronne devait lui appartenir un jour ; au lieu que Ménélas n'était qu'un simple particulier, puisque ce n'était pas à lui, maïs à ses neveux, que devait passer le sceptre de son frère Agamemnon. Pâris ajouta que Vénus avait promis de lui procurer le mariage le plus avantageux qu'il y eût au monde ; mais qu'il préférait Hélène à toutes les princesses de l'Egypte, des Indes, de l'Asie entière, 50 parmi lesquelles il ne tenait qu'à lui de choisir ; puisqu'il n'y avait point de maison si puissante que la sienne, dont la domination s'étendait depuis Troie jusqu'en Ethiopie ; et en Ethiopie même c'était son cousin germain qui régnait ; Memnon fils de Tithon, qui était frère de Priam.

A ces discours, et à bien d'autres qui tendaient également à lui faire donner la préférence sur ses rivaux, il joignit des présents. Il en fit à Léda, et et tous ceux qui pouvaient le servir ; et ces présents étaient si magnifiques que 208 tous les Grecs ensemble n'en auraient pu faire de semblables. Pâris représentait d'ailleurs qu'il était parent d'Hélène, puisque Priam était du sang de Jupiter, et qu'il avait ouï dire qu'elle et ses frères étaient issus de ce même Dieu. Qu'Agamemnon et Ménélas n'auraient pas bonne grâce à lui objecter sa patrie, étant eux-mêmes originaires de la ville de Sipyle, et par conséquent Phrygiens. Qu'il était bien plus avantageux sans doute de s'allier aux rois actuels de l'Asie, qu'à ceux qui en avaient été chassés. Qu'aussi Télamon était venu à Troie (26) pour demander en mariage Hésione fille de Laomédon, et l'avait obtenue à la sollicitation d'Hercule, l'hôte et l'ami du père de cette princesse.

suite

(1)  « La Ville de Troie, qui subsistait du temps de Dion Chrysostome, était un ancien village élevé à la dignité de ville par Alexandre le Grand. Quoique cette Troie nouvelle fût éloignée de plut de 30 stades du lieu où était située l'ancienne, Strabon nous assure que ses habitants avaient la vanité de soutenir que leur ville était cette même Troie que les poèmes d'Homère avaient rendue si fameuse. » Voyez Strab. Géogr. Lib. 13. p. 556, et  seq. Edit  Basil. fol. 1570.

(2) Voyez-la dans les Œuvres de Ségnis, et à la fin de la Geogr. sacrée de Bochart, p. 1063.

(3) Voyez Tom. III, pag. 329. de l'Explict. Histor. des Fables.

(4)  Voyez ses termes dans les Schiolies de Morel,  pag. 42

(5) Ce discours paraît avoir été prononcé dans Troie même.  Le titre grec est le Troïque, où l'on prouve que Troie n'a point été prise.

(6οὐ συνήσουσιν.

(7)  J'adopte la correction de Fréd. Morel. Vid. Mor. Scol. p. 43,

(8) Grec ; Dont je fais moins de cas que des singes.

(9) ἀπολογήσομαι ὑπὲρ αὐτοῦ τὰ ἐμοὶ δοκοῦντα,

(10) παρίημι νῦν σκοπεῖν

(11) ὑπὲρ αὐτῷ.

(12) συνουσίαν

(13) J'ai suivi sur cet endroit les restitutions de Morel.  Scol. p. 44.

(14) Je retranche l'exemple suivant qui fait languir cette phrase, et qui pourrait bien avoir passé de la marge dans le texte, Ut si ἀγορὰν forum, λιμενα portum appellaret, ut Thessalorum vulgus. Morel a soupçonné l'interpolation de ce passage. Schol par, 45. Et il manque dans le Manuscrit de la Bibl. du R. qu'il a consulté, et dans l'Edit, d'Alde.

(15)  Il y a beaucoup de leçons diverses sur ce passage. Voyez les scholies de Morel sur Dion pag. 46. Voici comme je crois devoir lire : οὕτω γὰρ σκοποῦσιν οὐδὲν ἔτι φαίνεται παράδοξον οὐδὲ ἄπιστον τῶν ὑπ´ ἐμοῦ δεικνυμένων, ἀλλὰ σμικρὰ καὶ ἀνθρώπεια ψεύσματα  ἃ ἐγὼ φημι, αὐτὸν ἐψεῦσθαι πρὸς θεῖα καὶ μεγάλα. ἐπιχειρήσας γάρ καὶ τὰ λ. Cette façon de lire me paraît la plus naturelle, et c'est à peu près celle que l'interprète Latin Naogeorgus a adoptée dans sa version.

(16) ὑπ' αὐτοῦ τοῦ πράγματος ἐξελέγχονται.

(17) ἐρεῖν ἐτοιμοι

(18) Naogeorgus paraît n'avoir pas entendu tout cet endroit. Casaubon a cru le passage altéré. Il me semble qu'il peut très naturellement recevoir le sens que je lui donne.

(19) συνεφελονείκησαν ὑπὲρ τοῦ τέλους.

(20)  Vid. Emond. Casaub. p. 22.  Diatriba in Dion et Morell Schol ρ 47.  J'adopte la correction de Casaubon ; mais je crois de plus qu'il est nécessaire au lieu de ὡς γινόμενα διελθεῖν de lire, εἰ γενόμεναι

(21)  M. Thomasius a cité ce passage comme de Platon, et l'a mal traduit, dans la dissertation où il soutient l'incertitude des événements de la guerre de Troie.  Tom. 3.  Observ. Select. Hale. 701, p. 23.sr

(22) J'ajoute ces mots pour rendre la transfixion plus naturelle. Je prends quelquefois des libertés semblables, lorsque je le crois nécessaire pour jeter plus de clarté dans le discours. Mais ce que j'ajoute est toujours si peu de chose, que je ne crois pas que les critiques les plus sévères puissent traiter cela d'infidélité

(23)  Le Grec porte par Cypsélus : mais je corrige par les descendants de Cypsélus, sur l'autorité de Pausanias, qui parle ainsi de ce coffre fameux, dans les Eliaques chap. XVII.. «On dit que la mère de ce Cypsélus ayant accouché de lui, et sachant que les Bacchiades cherchaient cet enfant pour le faire périr, s'avisa de le cacher dans ce coffre. C'est le même Cypsélus qui depuis fut le Tyran de Corinthe. Les Cypsélides ses descendants consacrèrent ce coffre à Junon Olympienne, en action de grâces de ce que l'auteur de leur nom avait été .si heureusement sauve, " etc. p. 451. du premier tome de la version de Pausanias par M. Gedoyn.

(24) Cette inscription était telle selon le même Pausanias (ibid, pag 455) Hélène avec Aethra d'Athènes; ramenée, Les inscriptions de ce coffre étaient fort anciennes, puisqu'il y en avait, selon le rapport du même auteur, en écriture boustrophédone, c'est-à-dire, dont les lignes allaient alternativement de gauche à droite, et de droite à gauche. Au reste Cypsélus vivait bien des siècles après la prise de Troie, et même depuis Homère.

(25)  Et non Plisthène comme le texte grec de l'édition de Morel.  Voy. Pusan. tom. 1, page 163 : traduction de Gédoyn.  Conférez Hérod. liv. I

(26) Cette opinion est encore fort différente des traditions des Grecs.