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ANAXAGORE

 

DOXOGRAPHIE - FRAGMENTS

 

Oeuvre numérisée par Marc Szwajcer

 

 

 

 

 

 

ANAXAGORE.

DOXOGRAPHIE

 

 

1. Théophr., fr. 4 (Simplic. in physic, 6 b, Vors. 383, 37-38/], 19). ·— De ceux qui admettent des principes en nombre infini, les uns les supposent simples et homogènes; les autres, composés, hétérogènes, contraires et caractérisés par ce qui y prédomine. Anaxagore, fils d'Hégésiboule, de Clazomène, après avoir suivi la philosophie d'Anaximène, fut le premier à réformer les opinions touchant les principes et à les compléter par la cause qui faisait défaut. D'un côté, il multiplia à l'infini les principes corporels; en effet, tous les homéomères, comme l'eau, le feu ou l'or, seraient inengendrés et impérissables; ils paraîtraient naître et se détruire par suite de simples compositions et décompositions, tous étant dans tous, et chacun étant caractérisé par ce qui y prédomine; ainsi ce qui paraît comme or contiendrait de l'or en grande quantité, mais tous les autres principes y coexisteraient également. Anaxagore dit en effet : « Dans tout il y a une part de tout » et « chaque chose est, pour l'apparence, ce dont elle contient le plus. » Théophraste dit qu'en cela Anaxagore se rapproche d'Anaximandre; il dit en effet que, dans la décomposition de l’« infini », les similaires se réunissent, que la formation de l'or ou de la terre fut possible, parce qu'il y avait dans l'univers de l'or et de la terre; de même, pour chacune des autres choses, il n'y aurait pas eu naissance, mais préexistence dans le tout. D'autre part, Anaxagore, comme cause du mouvement et de la genèse, posa l'intelligence, grâce à laquelle la séparation engendra les mondes et la nature des divers êtres. A le prendre ainsi, dit Théophraste, il semblerait admettre les principes matériels en nombre infini, comme on l'a dit, mais, pour le mouvement et la genèse, une cause unique. Si donc on considère le mélange de toutes choses comme une seule nature indéterminée de forme et de grandeur, ce qu'il parait vouloir dire, il n'aurait de fait reconnu que deux principes, la nature de Γη infini » et l'intelligence; de sorte que, pour les éléments des corps, il se rapprocherait tout à fait d'Anaximandre.

2. Théophr., fr. 19 (Aétius II, 29. — Vors. 392, 39). — Anaxagore, dit Théophraste, attribue aussi la défaillance de la Lune à ce que parfois il y aurait interposition de corps situés au-dessous d'elle.

3. Théophr., fr. 23 (Alex. in meteor., 91 a. — Vors. 397, 37-41). — Il y a sur la mer une troisième opinion, que l'eau filtrant à travers la Terre et la lessivant devient salée, parce que la Terre renferme de pareilles saveurs; on en a donné comme preuves les mines de sel et de nitre, et les saveurs acres (des eaux) que l'on rencontre en différents endroits de la Terre. Cette opinion fut soutenue par Anaxagore et Métrodore.

4. Philosophum. 8 (Vors. 384. 25-385, 28), — 1 Après Anaximène vient Anaxagore, fils d'Hégésiboule, de Clazomène. Il dit que le principe de l'univers est l'intelligence et la matière, l'intelligence comme agent, la matière comme passive. Car toutes choses étant confondues, l'intelligence survint et les ordonna en les séparant. Les principes matériels sont en nombre infini et en même temps d'une petitesse infinie. — 2 Tout en général participe au mouvement dû à l'intelligence et les semblables se sont réunis. L'ordonnance du ciel résulte du mouvement circulaire; le dense, l'humide, l'obscur, le froid et, en général, tout ce qui est lourd, s'est réuni vers le milieu et s'y est figé, ce qui a formé la Terre; les contraires, le chaud, le lumineux, le sec, le léger, se sont portés vers le haut de l'éther. — 3 La forme de la Terre est plate; elle reste suspendue par suite de sa grande largeur et parce qu'il n'y a pas de vide; l'air est dès lors assez fort pour supporter la Terre. — 4 Le liquide de la Terre a formé d'une part la mer et de l'autre les eaux intérieures; une partie a donné naissance à des vapeurs qui sortent aussi du cours des fleuves. — 5 Les fleuves sont alimentés tant par les pluies que par les eaux que renferme la Terre; car elle est creuse et contient de l'eau dans ses cavités. Le Nil grossit en été par les eaux qui descendent de la fonte des neiges d'Ethiopie. — 6 Le Soleil, la Lune et tous les astres sont des pierres incandescentes entraînées par la révolution de l'éther. Le Soleil et la Lune sont au-dessous des astres, et il circule aussi au-dessous des corps qui nous sont invisibles. — 7 La chaleur des astres n'est pas sensible, à cause de leur grande distance de la Terre; ils ne sont pas d'ailleurs aussi chauds que le Soleil, parce qu'ils occupent une région plus froide. La Lune est plus basse que le Soleil et plus voisine de nous. — (8) Le Soleil surpasse le Péloponnèse en grandeur. La Lune n'a pas de lumière propre; elle est éclairée par le Soleil. Les astres tournent en passant sous la Terre. — (9) Les défaillances de la Lune sont dues à l'interposition de la Terre et parfois à celle de corps inférieurs à la Lune; le Soleil s'éclipse aux nouvelles lunes, par suite de l'interposition de la Lune. Les retours (aux tropiques) du Soleil et de la Lune sont occasionnés par la résistance de l'air; ceux de la Lune sont plus fréquents parce qu'elle ne peut aussi bien triompher du froid. — (10) Anaxagore a le premier déterminé ce qui concerne les éclipses et les phases; il a dit que la Lune est une terre et qu'elle présente des plaines et des précipices. La Voie lactée est l'effet de la lumière des astres qui ne sont pas offusqués par le Soleil. Les étoiles filantes sont comme des étincelles qui sautent, par suite du mouvement du ciel. — (11) Les vents proviennent de l'air dilaté par le Soleil et des embrasements qui montent vers le ciel et qui descendent. Le tonnerre et les éclairs sont dus au chaud qui tombe sur les nuages. — (12) Les tremblements de terre sont occasionnés par l'air supérieur tombant sur celui qui est au-dessous de la Terre; celui-ci étant mis en mouvement, la Terre qu'il supporte est ébranlée. Les êtres vivants sont d'abord nés de l'humide, et après cela, les uns des autres; les mâles se produisent quand la liqueur séminale, venant du côté droit, s'attache à la partie droite de la matrice; pour les femelles, c'est le contraire. —· (13) Il florissait Ol. 88,1, temps où l'on dit que naquit Platon.[1] On attribue des prédictions à Anaxagore.

5. Εριρhaνe, III, 4 (Dox. 589). — Anaxagore, fils d'Hégésiboule, de Clazomène, a dit que les principes de toutes choses sont les homéoméries.

6. Hermias, 6 (Dox. 652). —Lorsque Anaxagore me prend, voici ce qu'il m'enseigne : « L'intelligence est principe de toutes choses, cause et maîtresse de l'univers, elle donne l'ordre au désordonné, le mouvement à l'immobile, sépare ce qui est mêlé, fait un monde de ce qui est confus. » Un tel langage me plaît et j'adopte cette opinion.

7. Cicéron (De deor. nat., 1, ii. — Vois. 388, 6-14). — Puis Anaxagore, qui reçut les enseignements d'Anaximène, a le premier attribué la distinction et l'ordonnance de toutes choses à l'action raisonnable d'une intelligence infinie. Il n'a pas vu qu'il ne peut y avoir dans l'infini de mouvement joint et inhérent à un sentiment, ni pas davantage de sentiment que n'éprouverait pas la nature tout entière. D'autre part, s'il a voulu que cette intelligence fût comme un être animé, il y aura quelque chose d'intérieur, d'après quoi cet être animé sera nommé. Or, qu'y a-t-il de plus intérieur que l'intelligence? Il faut donc l'entourer d'un corps extérieur. Mais cela ne lui plaît pas, et son intelligence, pure et sans mélange, sans adjonction de rien qui puisse lui procurer un sentiment, paraît dépasser les forces de notre pensée.

8. Aetius, I (Vors. 387, 8-21). — 3. Anaxagore, fils d'Hégésiboule, de Clazomène, a affirmé que les homéoméries sont principes des êtres. Il lui a paru tout à fait inexplicable que quelque chose devînt du non-être ou pérît en non-être. Or, nous prenons une nourriture qui a une apparence simple et uniforme, soit le pain, soit l'eau. De cette nourriture s'alimentent les cheveux, les veines, les artères, la chair, les nerfs, les os et toutes les autres parties. Il faut dès lors confesser que, dans la nourriture que nous prenons, coexistent toutes choses, et que toutes choses peuvent, par suite, s'en augmenter. Ainsi cette nourriture contient des parties génératrices de sang, de nerfs, d'os, etc., parties qui ne sont reconnaissables que par la raison; car il ne faut pas tout réduire aux sens, qui nous montrent que le pain et l'eau forment ces substances, mais reconnaître par la raison qu'ils en contiennent des parties. De ce que ces parties contenues dans la nourriture sont semblables aux substances qui en sont formées, il les a appelées homéoméries et a affirmé que c'étaient là les principes des choses, les homéoméries comme matière, et l'intelligence qui a ordonné l'univers comme cause efficiente. Il débute ainsi : Toutes choses étaient ensemble, l'intelligence les a séparées et ordonnées. Il faut l'approuver de ce qu'à la matière il a ajouté l'artisan.

9. Héraclite (Allég. homér., 22 [Dox. 94]). — Anaxagore de Clazomène, qui par succession appartient à l'école de Thalès, ajouta à l'eau comme second élément la terre, pour que l'union du sec et de l'humide produisît par tempérament la concordance des natures opposées. L'origine de cette opinion remonte aussi à Homère, qui a fourni à Anaxagore le germe de son idée, en disant :

Mais puissiez-vous tous devenir terre et eau !

En effet, tout ce qui provient de certains éléments s'y résout également par la destruction, comme si la nature redemandait à la fin le prêt qu'elle a fait à l'origine. Aussi Euripide, sectateur des dogmes d'Anaxagore, dit :

« Ce qui est né de la terre retourne à la terre, ce qui a germé de la semence éthérée retourne à l'éther. »

(Cf. Irénée, C. hœr., II, 14 [Vors. 398, 25] ; Anaxagore, qui fut surnommé l'athée, dogmatisa que les animaux sont nés de semences tombées du ciel sur la terre.)

10. Aétius, I (Vors. 388, 1). — 7. Anaxagore dit que les corps existaient au commencement, mais que l'intelligence divine les a ordonnés et a produit la genèse de toutes choses. — Anaxagore : Dieu est l'intelligence qui a fait le monde. — 9. (Théodoret) La matière est sujette aux modifications, aux changements et à l'écoulement. — 14 (388, 23). Les homéomères ont toutes sortes de formes. — 17 (388, 35). D'après Anaxagore et Démocrite, les mélanges se font par juxtaposition des éléments. — 24. Empédocle, Anaxagore, Démocrite, Epicure et tous ceux qui forment le monde par réunion de corps très ténus, introduisent des compositions et des décompositions, mais n'admettent pas, à proprement parler, la genèse ni la destruction; car elles n'auraient pas lieu suivant la qualité par changement, mais suivant la quantité par réunion. — 29 (390, 12). Anaxagore et les Stoïciens : Le hasard est une cause obscure pour la raison humaine; les événements sont dus soit à la nécessité, soit à la destinée, soit au libre choix, soit au hasard, ou se produisent d'eux-mêmes. Le hasard est un nom donné à l'action non coordonnée.

11. Aétius, II (Vors. 390, 2, 10, 16-20). — 1. Anaxagore : Le monde est un. — 4. Il est périssable. — 8. Diogène et Anaxagore ont dit qu'après la formation du monde et la production des animaux de la Terre, le monde s'est incliné de lui-même vers le Midi, peut-être par un effet de providence, pour que les différentes parties du monde devinssent les unes habitables, les autres inhabitables suivant l'excès ou le tempérament de la chaleur et du froid.

12. Aétius, II. —· 13 (Vors. 391, 26). Anaxagore : L'éther environnant est igné par essence et la force de son mouvement révolutif a détaché de la terre des pierres qui, rendues incandescentes, ont formé les astres. — 16 (392, 41) Anaxagore, Démocrite, Cléanthe : Tous les astres se meuvent d'Orient en Occident. — 20 (391, 29-32). Anaxagore, Démocrite, Métrodore : Le Soleil est une masse ou une pierre incandescente. — 21. Anaxagore : Il est plus grand que le Péloponnèse. — 22. Les retours du Soleil sont dus à la résistance de l'air vers le Nord; cet air poussé par le Soleil et se condensant devient assez fort pour réagir. — 23 (392, 26). Anaxagore, Démocrite : La Lune est un corps solide incandescent qui renferme des plaines, des montagnes et des vallées. — 28 (392, 34). Anaxagore : Elle est éclairée par le Soleil. — 29. (Voir Doxog. de Thalès, 12.) — 30 (392, 30). L'aspect de la Lune est dû à l'inégalité de la formation du mélange de froid et de terrestre; elle a des parties élevées, d'autres basses, d'autres creuses.

13. Aétius, III (Vors. 393, 8, 14, 23, 35, 41) — 1. Anaxagore : La Voie lactée correspond à la partie du ciel où tombe l'ombre de la Terre, lorsque le Soleil passe au-dessous et n'éclaire pas tout autour. — 2. Anaxagore et Démocrite : Les comètes sont formées par le concours de deux ou plusieurs étoiles dont les lueurs se réunissent. — 3. Anaxagore : Lorsque le chaud tombe sur le froid (c'est-à-dire la partie éthérienne sur l'aérienne), le bruit produit le tonnerre, la coloration contre la noirceur de la nuée donne l'éclair, la quantité et la grandeur de la lumière font la foudre, le feu plus corporel le typhon, celui qui est mêlé de nuée, le prestère. — 4· Anaxagore explique les nuages et la neige comme Anaximène; pour la grêle, il pense que lorsque, des nuées congelées, il y a chute vers la Terre de parties déjà refroidies, elles s'arrondissent par la longueur de la descente (?). — 5. Anaxagore : L'arc-en-ciel est un reflet de la lumière solaire sur un nuage épais, qui se montre toujours en face de l'astre réfléchi. Il explique d'une façon semblable les parhélies que l'on observe sur le Pont-Euxin.

14. Aétius, III (Vors. 394, 25, 34) — 15. Anaxagore : Les tremblements de terre sont dus à la pénétration par en dessous de l'air qui rencontre la surface solide et, ne pouvant se dégager, ébranle tous les alentours. — 16. Les eaux stagnantes à l'origine ont été chauffées par le Soleil dans sa course et, la partie plus subtile (?) ayant été évaporée, le reste est devenu salé et amer. — IV, I (393, 11. La crue du Nil vient de la neige qui se forme en hiver dans l'Ethiopie et qui fond en été.

15. Aétius, IV (Vors. 396. 5-7). — 3. L'âme est de nature aérienne. — 5. Pythagore, Anaxagore, Platon, Xénocrate, Cléanthe : L'intelligence s'introduit en venant du dehors. — 9 (393, 23). A. Les sens sont trompeurs. — (Voir Doxog. De Parménide, 14.) — (396. 15) Toute sensation est accompagnée de peine. — 19 (397, 30). La voix se produit par le choc du souffle sur ce qu'il y a de ferme dans l'air; ce choc est suivi d'un renvoi vers les oreilles. C'est de la même façon que se produit l'écho.

16. Aétius, V. — 7. (Voir Doxog. de Parménide, 15.) — 19 (398, 8). Suivant Anaxagore et Euripide : « Rien de ce qui est ne meurt, mais la dispersion çà et là le montre sous d'autres formes. » — 20 (397, 7). Anaxagore : Tous les animaux possèdent le logos de l'acte, mais non celui de la parole, qui est comme l'intelligence et qu'on appelle l'interprète de celle-ci. — 25. (397, 15) Le sommeil arrive par la fatigue de l'action corporelle; car c'est un effet corporel, non psychique; la mort est la séparation de l'âme.

17. Censorinus (Vors. 397, 39-398, 6). — 5. (Voir p. 217 et 243.) —6. Anaxagore pense (que la partie qui se forme la première dans l'embryon) est le cerveau d'où dépendent tous les sens. — Anaxagore et Empédocle sont d'accord pour dire que les mâles naissent de la semence venant du côté droit, les femelles de celle qui vient du côté gauche. — Anaxagore croit que les enfants ressemblent à celui des deux parents qui a fourni le plus de semence.


 

FRAGMENTS.[2]

 

1. Ὁμοῦ πάντα χρήματα ἦν, ἄπειρα καὶ πλῆθος καὶ σμικρότητα· καὶ γὰρ τὸ σμικρὸν ἄπειρον ἦν. Καὶ πάντων ὁμοῦ ἐόντων οὐδὲν ἔνδηλον ἦν ὑπὸ σμικρότητος· πάντα γὰρ ἀήρ τε καὶ αἰθὴρ κατεῖχεν, ἀμφότερα ἄπειρα ἐόντα· ταῦτα γὰρ μέγιστα ἔνεστιν ἐν τοῖς σύμπασι καὶ πλήθει καὶ μεγέθει.

2. Καὶ γὰρ ἀήρ τε καὶ αἰθὴρ ἀποκρίνονται ἀπὸ τοῦ πολλοῦ τοῦ περιέχοντος, καὶ τό γε περιέχον ἄπειρόν ἐστι τὸ πλῆθος.

3. Τούτων δὲ οὕτως ἐχόντων χρὴ δοκεῖν ἐνεῖναι πολλά τε καὶ παντοῖα ἐν πᾶσι τοῖς συγκρινομένοις καὶ σπέρματα πάντων χρημάτων καὶ ἰδέας παντοίας ἔχοντα καὶ χροιὰς καὶ ἡδονάς.

 

1. Toutes choses étaient confondues ensemble, infinies en nombre et en petitesse; car l'infiniment petit existait. Mais, toutes choses étant ensemble, aucune n'apparaissait, par suite de sa petitesse; tout était occupé par l'air et par l'éther, qui sont tous deux infinis ; car de toutes les choses, ce sont celles-là qui l'emportent par le nombre et par le volume (1).

2. Et en effet l'air et l'éther se dégagent de la masse qui nous environne, et cette masse est infinie en quantité (2).

3. Cela étant ainsi, il faut croire que dans tous les composés coexiste un grand nombre de (parties) de toute sorte, germes de toutes choses et ayant des formes, des couleurs et des saveurs de tout genre (4. init.).

4. Πρὶν δὲ ἀποκριθῆναι ταῦτα πάντων ὁμοῦ ἐόντων οὐδὲ χροιὴ ἔνδηλος ἦν οὐδεμία· ἀπεκώλυε γὰρ ἡ σύμμιξις πάντων χρημάτων, τοῦ τε διεροῦ καὶ τοῦ ξηροῦ καὶ τοῦ θερμοῦ καὶ τοῦ ψυχροῦ καὶ τοῦ λαμπροῦ καὶ τοῦ ζοφεροῦ, καὶ γῆς πολλῆς ἐνεούσης καὶ σπερμάτων ἀπείρων πλῆθος οὐδὲν ἐοικότων ἀλλήλοις. Οὐδὲ γὰρ τῶν ἄλλων οὐδὲν ἔοικε τὸ ἕτερον τῶι ἑτέρωι. τούτων δὲ οὕτως ἐχόντων ἐν τῶι σύμπαντι χρὴ δοκεῖν ἐνεῖναι πάντα χρήματα

5. Ἐν παντὶ παντὸς μοῖρα ἔνεστι πλὴν νοῦ, ἔστιν οἷσι δὲ καὶ
νοῦς ἔνι

4. Avant la distinction, toutes choses étant confondues ensemble, aucune couleur n'apparaissait; il y avait empêchement par suite du mélange de toutes les choses, de l'humide et du sec, du chaud et du froid, du lumineux et de l'obscur, de la terre en grande quantité et des germes en nombre infini n'ayant aucune ressemblance entre eux; car des autres choses aucune ne ressemble à l'autre. Cela étant ainsi, il faut croire que dans tout coexistent toutes choses (4, p. 401, 10-17).

5. En tout il y a une part de tout, sauf du nous; mais il y a des êtres où le nous existe aussi (11).

 

6. τὰ μὲν ἄλλα παντὸς μοῖραν μετέχει, νοῦς δέ ἐστιν ἄπειρον καὶ αὐτοκρατὲς καὶ μέμεικται οὐδενὶ χρήματι, ἀλλὰ μόνος αὐτὸς ἐπ´ ἐωυτοῦ ἐστιν. εἰ μὴ γὰρ ἐφ´ ἑαυτοῦ ἦν, ἀλλά τεωι ἐμέμεικτο ἄλλωι, μετεῖχεν ἂν ἁπάντων χρημάτων, εἰ ἐμέμεικτό τεωι· ἐν παντὶ γὰρ παντὸς μοῖρα ἔνεστιν, ὥσπερ ἐν τοῖς πρόσθεν μοι λέλεκται· καὶ ἂν ἐκώλυεν αὐτὸν τὰ συμμεμειγμένα, ὥστε μηδενὸς χρή–ματος κρατεῖν ὁμοίως ὡς καὶ μόνον ἐόντα ἐφ´ ἑαυτοῦ. Ἔστι γὰρ λεπτότατόν τε πάντων χρημάτων καὶ καθαρώτατον, καὶ γνώμην γε περὶ παντὸς πᾶσαν ἴσχει καὶ ἰσχύει μέγιστον· καὶ ὅσα γε ψυχὴν ἔχει καὶ τὰ μείζω καὶ τὰ ἐλάσσω, πάντων νοῦς κρατεῖ. καὶ τῆς περιχωρήσιος τῆς συμπάσης νοῦς ἐκράτησεν, ὥστε περιχωρῆσαι τὴν ἀρχήν. Καὶ  πρῶτον ἀπό του σμικροῦ ἤρξατο περιχωρεῖν, ἐπὶ δὲ πλέον περιχωρεῖ, καὶ περιχωρήσει ἐπὶ πλέον. καὶ τὰ συμμισγόμενά τε καὶ ἀποκρινόμενα καὶ διακρινόμενα πάντα ἔγνω νοῦς. καὶ ὁποῖα ἔμελλεν ἔσεσθαι καὶ ὁποῖα ἦν, ἅσσα νῦν μὴ ἔστι, καὶ ὅσα νῦν ἐστι καὶ ὁποῖα ἔσται, πάντα διεκόσμησε νοῦς, καὶ τὴν περιχώρησιν ταύτην, ἣν νῦν περιχωρέει τά τε ἄστρα καὶ ὁ ἥλιος καὶ ἡ σελήνη καὶ ὁ ἀὴρ 1καὶ ὁ αἰθὴρ οἱ ἀποκρινόμενοι. ἡ δὲ περιχώρησις αὐτὴ ἐποίησεν ἀποκρίνεσθαι. Καὶ ἀποκρίνεται ἀπό τε τοῦ ἀραιοῦ τὸ πυκνὸν καὶ ἀπὸ τοῦ ψυχροῦ τὸ θερμὸν καὶ ἀπὸ τοῦ ζοφεροῦ τὸ λαμπρὸν καὶ ἀπὸ τοῦ διεροῦ τὸ ξηρόν. Μοῖραι δὲ πολλαὶ πολλῶν εἰσι. παντάπασι δὲ οὐδὲν ἀποκρίνεται οὐδὲ διακρίνεται ἕτερον ἀπὸ τοῦ ἑτέρου πλὴν νοῦ. Νοῦς δὲ πᾶς ὅμοιός ἐστι καὶ ὁ μείζων καὶ ὁ ἐλάττων. ἕτερον δὲ οὐδέν ἐστιν ὅμοιον οὐδενί, ἀλλ´ ὅτων πλεῖστα ἔνι, ταῦτα ἐνδηλότατα ἓν ἕκαστόν ἐστι καὶ ἦν.

 

6. Les autres choses participent de tout; seul le nous est infini, agissant par lui-même, sans mélange avec aucune chose; il subsiste seul isolé à part soi. Car s'il n'était pas à part soi, mais mêlé à quelque autre chose, il participerait de toutes choses, en tant que mêlé à celle-là, puisqu'en tout il y a une part de tout, ainsi que je l'ai déjà dit ; et ce mélange l'empêcherait d'actionner chaque chose, comme il peut le faire, étant isolé à part soi. C'est, de toutes choses, ce qu'il y a de plus subtil et de plus pur; il possède toute connaissance de tout et sa force est au plus haut degré. Tous les êtres animés, grands et petits, sont actionnés par le nous; mais, dès le commencement, c'est lui qui a produit la révolution générale et en a donné le branle. Tout d'abord cette révolution n'a porté que sur peu de chose, puis elle s'est étendue davantage et elle s'étendra encore, toujours de plus en plus. Ce qui est mêlé, ce qui est distinct et séparé, le nous en a toujours eu connaissance complète; il a tout ordonné comme il devait être, tout ce qui a été, est maintenant et sera plus tard, et aussi cette révolution même qui entraîne les astres, le Soleil, la Lune, l'air et l'éther, depuis qu'ils sont distincts. C'est cette révolution qui a amené leur distinction, et qui distingue aussi le dense du dilaté, le chaud du froid, le lumineux de l'obscur, le sec de l'humide. Il y a beaucoup de parts dans beaucoup de choses; mais il n'y a jamais distinction complète, séparation absolue entre une chose et une autre, sauf pour le nous. Tout le nous est semblable, le plus grand et le plus petit; il n'y a, par ailleurs, aucune chose qui soit semblable à aucune autre, mais chacune est pour l'apparence ce dont elle contient le plus (12).

7. Καὶ ἐπεὶ ἤρξατο ὁ νοῦς κινεῖν, ἀπὸ τοῦ κινουμένου παντὸς ἀπεκρίνετο, καὶ ὅσον ἐκίνησεν ὁ νοῦς, πᾶν τοῦτο διεκρίθη· κινουμένων δὲ καὶ διακρινομένων ἡ περιχώρησις πολλῶι μᾶλλον ἐποίει διακρίνεσθαι.

8. Τὸ μὲν πυκνὸν καὶ διερὸν καὶ ψυχρὸν καὶ τὸ ζοφερὸν ἐνθάδε συνεχώρησεν, ἔνθα νῦν 〈ἡ γῆ〉, τὸ δὲ ἀραιὸν καὶ τὸ θερμὸν καὶ τὸ ξηρὸν ἐξεχώρησεν εἰς τὸ πρόσω τοῦ αἰθέρος.

9. Ἀπὸ τουτέων ἀποκρινομένων συμπήγνυται γῆ· ἐκ μὲν γὰρ τῶν νεφελῶν ὕδωρ ἀποκρίνεται, ἐκ δὲ τοῦ ὕδατος γῆ, ἐκ δὲ τῆς γῆς λίθοι συμπήγνυνται ὑπὸ τοῦ ψυχροῦ, οὗτοι δὲ ἐκχωρέουσι μᾶλλον τοῦ ὕδατος.

 

7. Quand le nous a eu commencé à mouvoir, dans tout ce qui a été mû il y a eu distinction; jusqu'où s'étendait le mouvement dû au nous, jusque-là s'est étendue la séparation; mais la révolution des choses ainsi mues et séparées les a fait se séparer encore davantage (13).

8. Le dense, l'humide, le froid, l'obscur se sont concentrés là où est maintenant la terre ; le dilaté, le chaud, le sec et le lumineux se sont retirés vers le haut de l'éther (15).

9. De ce qui s'est ainsi séparé, la terre reçoit sa consistance solide; car par le froid, l'eau se dégage des nuées, la terre de l'eau, les pierres se concrétionnent de la terre, en s'écartant d’avantage de l'eau (16).

 

10 Καὶ ἀνθρώπους τε συμπαγῆναι καὶ τὰ ἄλλα ζῶια ὅσα ψυχὴν ἔχει. Καὶ τοῖς γε ἀνθρώποισιν εἶναι καὶ πόλεις συνωικημένας καὶ ἔργα κατεσκευασμένα, ὥσπερ παρ´ ἡμῖν, καὶ ἠέλιόν τε αὐτοῖσιν εἶναι καὶ σελήνην καὶ τὰ ἄλλα, ὥσπερ παρ´ ἡμῖν, καὶ τὴν γῆν αὐτοῖσι φύειν πολλά τε καὶ παντοῖα, ὧν ἐκεῖνοι τὰ ὀνήιστα συνενεγκάμενοι εἰς τὴν οἴκησιν χρῶνται. Ταῦτα μὲν οὖν μοι λέλεκται περὶ τῆς ἀποκρίσιος, ὅτι οὐκ ἂν παρ´ ἡμῖν μόνον ἀποκριθείη, ἀλλὰ καὶ ἄλληι.

11. Οὕτω τούτων περιχωρούντων τε καὶ ἀποκρινομένων ὑπὸ βίης τε καὶ ταχυτῆτος. Βίην δὲ ἡ ταχυτὴς ποιεῖ. ἡ δὲ ταχυτὴς αὐτῶν οὐδενὶ ἔοικε χρήματι τὴν ταχυτῆτα τῶν νῦν ἐόντων χρημάτων ἐν ἀνθρώποις, ἀλλὰ πάντως πολλαπλασίως ταχύ ἐστι.

12.  Δὲ νοῦς, ὃς ἀεί ἐστι, τὸ κάρτα καὶ νῦν ἐστιν ἵνα καὶ τὰ ἄλλα πάντα, ἐν τῶι πολλῶι περιέχοντι καὶ ἐν τοῖς προσκριθεῖσι καὶ ἐν τοῖς ἀποκεκριμένοις.

13. Οὐ κεχώρισται ἀλλήλων τὰ ἐν τῶι ἑνὶ κόσμωι οὐδὲ ἀποκέκοπται πελέκει οὔτε τὸ θερμὸν ἀπὸ τοῦ ψυχροῦ οὔτε τὸ ψυχρὸν ἀπὸ τοῦ θερμοῦ.

 

10. Des hommes se sont formés, ainsi que tous les autres êtres vivants qui ont une âme; ces hommes ont des villes qu'ils habitent et des champs qu'ils cultivent comme nous; ils ont le soleil, la lune et le reste comme nous; la terre leur produit en abondance toutes sortes de plantes; ils récoltent les plus utiles et s'en servent pour leurs besoins.[3] J'ai dit cela sur la séparation, parce que ce n'est pas seulement pour nous qu'elle a dû se faire, mais elle a dû avoir lieu ailleurs (4, p. 401, 1-6).

11. C'est ainsi que les choses en révolution se séparent par la force de la vitesse. Car la force est produite par la vitesse, et leur vitesse ne ressemble en rien à celle des choses qui sont maintenant chez les hommes ; elle est multiple à un haut degré (9).[4]

12. Le nous se trouve certainement, maintenant comme toujours, là où sont toutes les autres choses, dans la masse environnante, dans les choses séparées et dans celles qui se séparent (14).

13. Les choses qui sont dans le monde unique ne sont pas isolées ; il n'y a pas eu un coup de hache pour retrancher le chaud du froid ou le froid du chaud (8).

 

14. Τούτων δὲ οὕτω διακεκριμένων γινώσκειν χρή, ὅτι πάντα οὐδὲν ἐλάσσω ἐστὶν οὐδὲ πλείω (οὐ γὰρ ἀνυστὸν πάντων πλείω εἶναι), ἀλλὰ πάντα ἴσα ἀεί

15. οὔτε γὰρ τοῦ σμικροῦ ἐστι τό γε ἐλάχιστον, ἀλλ´ ἔλασσον ἀεί (τὸ γὰρ ἐὸν οὐκ ἔστι τὸ μὴ οὐκ εἶναι) — ἀλλὰ καὶ τοῦ μεγάλου ἀεί ἐστι μεῖζον. καὶ ἴσον ἐστὶ τῶι σμικρῶι πλῆθος, πρὸς ἑαυτὸ δὲ ἕκαστόν ἐστι καὶ μέγα καὶ σμικρόν.

16. Καὶ ὅτε δὲ ἴσαι μοῖραί εἰσι τοῦ τε μεγάλου καὶ τοῦ σμικροῦ πλῆθος, καὶ οὕτως ἂν εἴη ἐν παντὶ πάντα· οὐδὲ χωρὶς ἔστιν εἶναι, ἀλλὰ πάντα παντὸς μοῖραν μετέχει. Ὅτε τοὐλάχιστον μὴ ἔστιν εἶναι, οὐκ ἂν δύναιτο χωρισθῆναι, οὐδ´ ἂν ἐφ´ ἑαυτοῦ γενέσθαι, ἀλλ´ ὅπωσπερ ἀρχὴν εἶναι καὶ νῦν πάντα ὁμοῦ. ἐν πᾶσι δὲ πολλὰ ἔνεστι καὶ τῶν ἀποκρινομένων ἴσα πλῆθος ἐν τοῖς μείζοσί τε καὶ ἐλάσσοσι.

17. Τὸ δὲ γίνεσθαι καὶ ἀπόλλυσθαι οὐκ ὀρθῶς νομίζουσιν οἱ Ἕλληνες· οὐδὲν γὰρ χρῆμα γίνεται οὐδὲ ἀπόλλυται, ἀλλ´ ἀπὸ ἐόντων χρημάτων συμμίσγεταί τε καὶ διακρίνεται. Καὶ οὕτως ἂν ὀρθῶς καλοῖεν τό τε γίνεσθαι συμμίσγεσθαι καὶ τὸ ἀπόλλυσθαι διακρίνεσθαι.

14. Après cette séparation de toutes choses, il faut savoir que le tout n'est en rien ni plus grand ni plus petit. Car il n'est pas possible qu'il y ait plus que le tout, mais le tout est toujours égal à lui-même (5).

15. Par rapport au petit, il n'y a pas de minimum, mais il y a toujours un plus petit, car il n'est pas possible que l'être soit anéanti par la division. De même, par rapport au grand, il y a toujours un plus grand, et il est égal au petit en pluralité, et en elle-même chaque chose est à la fois grande et petite (3).

16. Et comme il y a en pluralité, égalité de sort entre le grand et le petit, il peut, de la sorte, y avoir de tout en tout, et rien ne peut être isolé, mais tout participe de tout. Puisqu'il n'y a pas de minimum, il ne peut être isolé et subsister à part soi, mais, encore maintenant comme au commencement, toutes choses sont confondues. En tout il y a pluralité et, dans le plus grand et dans le moindre, toujours égalité de pluralité des choses distinctes (6).

17. Les Hellènes ne jugent pas bien du devenir et du périr; car aucune chose ne devient ni ne périt, mais elle se mêle ou se sépare de choses qui sont. Ainsi on dirait à bon droit « se composer » au lieu de « devenir » et « se décomposer » au lieu de « périr » (17).

 

 

 


 

[1] Cf. supra, p. 48, et n. 1 : cette date est inadmissible pour l'acmé d'Anaxagore, étant celle de sa mort. Diels modifie ici le texte de façon à lui faire dire : « il florissait en.... et mourut Ol. 88, 1 », correction que Paul Tannery acceptait certainement d'avance.

[2] Les chiffres gras, entre parenthèses, renvoient aux numéros des fragments dans Diels, p. 399-410

[3] Anaxagore paraît, dans ce fragment, parler de la Lune ou d'un autre monde (Simpl. in Phys., 35).

[4] Ce fragment se rapporte à l'organisation qui continue à s'étendre au-delà du ciel, la révolution générale gagnant toujours de plus en plus; c'est ce que marquent encore les derniers mots du fragment suivant.