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table des matières de l'oeuvre d'Aristote

ARISTOTE

 LES TOPIQUES

 

table des matières des topiques

livre VIII 

Traduction par Yvan Pelletier, 1986
http://docteurangelique.free.fr 2004
Les œuvres complètes de saint Thomas d'Aquin 
Aristote, Les Topiques, livre I et Livre VIII 

Chapitre I

155b3 Après cela[1], on doit dire à [quelle] place[2] et comment il faut demander. Or il faut en premier, quand on s'apprête à formuler des demandes, découvrir le lieu /d'où on doit attaquer[3]; deuxièmement, formuler les demandes et les mettre aussi en place par-devers soi; troisièmement et enfin, les adresser maintenant à quelqu'un d'autre. Bien sûr, tant qu'il s'agit de découvrir le lieu, l'investigation demeure semblable[4] pour le philosophe et pour le dialecticien; mais au moment de mettre en place ce [qu'on y trouve][5] et d'en formuler la demande, elle devient le propre du 155b10 dialecticien, car tout [travail] de cette nature [se fait] avec quelqu'un d'autre. Quant au philosophe et au chercheur solitaire[6], à condition que soit vrai et connu ce par quoi [s'effectue] le raisonnement, il ne se soucie aucunement de ce que le répondeur, éventuellement, ne le pose[7] pas en raison de la proximité avec le [propos] initial et du fait qu'il prévoie ce qui va s'ensuivre.  
Bien plus, sans doute même s'efforce-t-il que ses réclamations
[8] soient plus 155b15 connues et prochaines possible, car c'est de celles-là que [sont issus] les raisonnements scientifiques.  
Les lieux donc d'où il faut obtenir
[9] [les propositions], on les a dits plus haut. On doit maintenant dire à [quelle] place et [comment] formuler des demandes, mais une fois qu'on aura distingué toutes les propositions à obtenir outre les nécessaires. 155b20 On dit nécessaires celles par lesquelles le raisonnement s'effectue. Celles que l'on obtient outre celles-là sont de quatre [sortes] : en effet, ou bien elles visent à une induction et à se faire accorder l'universelle[10], ou bien elles tendent à un développement du dialogue[11], ou bien elles ont trait à la dissimulation de la conclusion, ou bien elles servent à ce que le dialogue soit plus clair. Et on ne doit obtenir aucune proposition outre celles-là : 155b25 c'est par celles-là qu'on doit essayer de développer et de formuler les demandes. Celles qui ont trait à la dissimulation servent à la dispute; mais comme tout travail de cette nature se fait, on en use nécessairement aussi.  
Bien sûr, pour ce qui est des [propositions] nécessaires, par lesquelles [s'effectue] le raisonnement, on ne doit pas
155b30 les proposer directement, mais s'en tenir loin [et partir] du plus haut possible. Par exemple, ce ne sera pas à propos des contraires qu'on réclamera que c'est la même science qui porte sur eux, si c'est cela qu'on veut obtenir, mais à propos des opposés. Cela posé, en effet, on en obtiendra par raisonnement[12] que c'est aussi la même science qui porte sur les contraires, puisque les contraires [sont] des opposés. Et si on ne pose pas [cela], on doit [l'] obtenir en [le] proposant moyennant une induction, 155b35 [qui prenne appui] sur les contraires particuliers[13]. Car c'est ou bien un raisonnement, ou bien une induction qu'on doit obtenir les [propositions] nécessaires, ou bien les unes par une induction, les autres par un raisonnement. Quant à toutes celles qui sont trop manifestes, c'est en les proposant en elles-mêmes. Effectivement, ce qui va s'ensuivre est toujours moins évident dans l'éloignement[14] 156a1 et l'induction; et en même temps, il reste possible, si on n'est pas capable [de les obtenir] de cette façon, de proposer en elles-mêmes les [propositions] utiles[15].  
Quant aux [prémisses] signalées outre celles-là, c'est en vue de celles-là qu'on doit les obtenir. Voici comment on doit user de chacune. On induit
156a5 du singulier à l'universel et du connu à l'inconnu; or c'est ce qui tombe sous le sens qui est plus connu, soit absolument, soit pour la plupart.  
Par ailleurs, on dissimule en obtenant par préraisonnement
[16] ce par quoi le raisonnement conduisant au [propos] initial[17] va s'effectuer, et cela le plus abondamment possible. Cela se pourra, si on obtient par raisonnement non seulement les 156a10 [propositions] nécessaires mais aussi certaines de celles qui sont utiles pour elles. De plus, [on] ne [doit] pas dire [à mesure] les conclusions mais par après conclure en bloc. C'est ainsi, en effet, qu'on se tiendra le plus loin de la position initiale. Pour parler universellement, il faut que celui qui enquête en usant de dissimulation[18] demande de manière que, une fois toute la raison demandée 156a15 et la conclusion dite, on [en] cherche le pourquoi. Or cela se pourra surtout de la manière que nous venons de dire. En effet, pour autant que seule la conclusion ultime est dite, comment elle s'ensuit demeure non évident : c'est que le répondeur ne prévoit pas de quoi elle s'ensuit, du fait que les raisonnements antérieurs n'aient pas été exposés distinctement. 156a20 Par ailleurs, le raisonnement visant la conclusion [principale] se trouve exposé le moins distinctement possible, puisque nous en avons posé non les propositions propres, mais celles-là sous lesquelles[19] le raisonnement s'effectue. Il est utile aussi de ne pas obtenir en continuité les réclamations à partir desquels [s'effectuent] les raisonnements, mais alternativement ce qui vise une conclusion 156a25 et ce qui en vise une autre. En effet, tant que les [réclamations] apparentées[20] sont posées les unes auprès des autres, ce qui va s'en ensuivre en plus manifeste. Il faut aussi, dans la mesure du possible, obtenir la proposition universelle par le biais d'une définition touchant non pas les [termes] même [du problème], mais leurs dérivés. On se paralogise soi-même, en effet, quand la définition est obtenue sur le dérivé, 156a30 en gardant l'impression qu'on ne concède pas l'universelle. Par exemple, s'il fallait obtenir que qui est en colère désire vengeance pour un mépris manifesté et qu'on obtienne que la colère est désir de vengeance pour un mépris manifesté. En effet, il est évident que cela obtenu nous tiendrons l'universelle que nous voulons. Tandis qu'il s'ensuit souvent, pour ceux qui proposent touchant les [termes] mêmes [du problème], 156a35 que le répondeur refuse du fait que, touchant le [terme] même, il dispose davantage de l'objection. Par exemple, que qui est en colère ne désire pas vengeance, car nous nous fâchons contre nos parents, mais n'[en] désirons pas vengeance. Sans doute l'objection n'est-elle pas vraie, car vis-à-vis certaines gens, c'est une vengeance suffisante de les peiner seulement et de 156b1 les faire se repentir. Mais elle n'est pas sans présenter une certaine vraisemblance qui permette de ne pas donner l'impression[21] de repousser sans raison ce qui est proposé. Tandis que, touchant la définition de la colère, ce n'est pas semblablement facile de découvrir une objection. De plus, proposer [chaque chose] non comme pour elle-même, mais comme en vue d'une autre. 156b5 Car on prend garde à ce qui est utile contre la position. À parler absolument, rendre le moins évident possible si c'est ce qui est proposé ou son opposé qu'on veut obtenir. En effet, tant que ce qui est utile à la raison demeure non évident, on pose ce qu'on juge endoxal. 156b10 De plus, enquêter par le biais de la similitude, car à la fois, c'est persuasif et l'universelle échappe mieux à l'attention. Par exemple, que tout comme la science et l'ignorance [qui porte sur] les contraires est la même, de même aussi la sensation [qui porte sur] les contraires est la même; ou inversement, puisque la sensation est la même, la science aussi. Cela est semblable à une induction; ce n'est toutefois pas la même chose. 156b15 Là en effet, en partant des singuliers, c'est l'universelle qu'on obtient; tandis que dans le cas des semblables, ce qu'on obtient n'est pas l'universelle sous laquelle se rangent tous les semblables. Il faut aussi quelquefois se faire à soi-même une objection, car les répondeurs restent sans méfiance contre ceux qui leur donnent l'impression 156b20 d'attaquer avec impartialité. Il est utile aussi d'ajouter que pareille chose[22] se dit communément, car on hésite à ébranler ce qui est habituellement reçu, si on ne tient pas une objection. Et comme, en même temps, on use soi-même de pareils [procédés], on se garde de les ébranler. De plus, ne pas insister, toute utile que soit [la proposition], car on se raidit davantage avec ceux qui insistent. 156b25 Aussi, proposer comme en guide de comparaison, car on pose plus volontiers ce qu'on propose pour autre chose et n'est pas utile en lui-même. De plus, ne pas proposer cela même qu'il faut obtenir, mais ce à quoi cela suit par nécessité. Car on concède plus volontiers, du fait que ce qui va s'ensuivre ne soit pas semblablement manifeste partant de là; or 156b30 ceci une fois obtenu, on a aussi obtenu cela. Également, demander en dernier ce qu'on veut le plus obtenir. En effet, ce sont surtout les premières [demandes] que l'on refuse, du fait que la plupart des demandeurs disent en premier ce sur quoi ils insistent le plus. Toutefois, avec certains, proposer en premier les [demandes] de cette nature. En effet, ceux qui font les difficiles concèdent surtout les premières [demandes], 156b35 si ce qui va s'ensuivre n'est pas tout à fait manifeste, et ils font les difficiles vers la fin. Il en va semblablement chez ceux qui se pensent subtils dans leurs réponses. En effet, ils posent ce [qu'on demande] en premier, [mais] vers la fin ils soulèvent des arguties sous prétexte que [le propos[23]] ne s'ensuit pas de ce qui a été posé. Ils posent promptement, confiants en leur talent et sûrs[24] 157a1 de n'en rien souffrir. De plus, allonger et intercaler de ce qui n'est pas utile pour la raison[25], à la manière des pseudographes; en effet, s'il y a beaucoup de choses, il demeure non évident en laquelle [réside] le faux. C'est pourquoi aussi, quelquefois, à la faveur de ce fouillis, les demandeurs imposent sans qu'on s'en aperçoive 157a5 des choses qu'on ne poserait  pas si elles étaient proposées en elles-mêmes.  
On doit donc, en vue de la dissimulation, user de ce dont nous venons de parler. Par ailleurs, [on met] du relief par l'induction et la division des congénères
[26]. L'induction, bien sûr, quelle en est la nature, c'est évident. Quant à ce qui est de diviser, c'est par exemple qu'une science est meilleure qu'une autre du fait ou de se trouver plus exacte, ou [de porter] sur 157a10 des objets meilleurs, et que les sciences sont les unes spéculatives, les autres pratiques et les dernières poétiques. Chacune de telles [distinctions], en effet, ajoute du relief à la raison, sans être nécessaire en vue de la conclusion.  
En vue de la clarté maintenant, on doit apporter des exemples et des comparaisons;
157a15 mais des exemples appropriés et [tirés] de ce que nous connaissons, à la manière d'Homère et non de Chœrilos. C'est ainsi, en effet, que ce qu'on propose deviendra plus clair.

Chapitre II

Dans la discussion, on doit user du raisonnement avec les dialecticiens plutôt qu'avec le grand nombre; et de 157a20 l'induction, au contraire, plutôt avec le grand nombre. D'ailleurs, on en a déjà parlé antérieurement. Dans certains [cas], lorsqu'on induit, il est possible de demander l'universelle; dans d'autres, ce n'est pas facile. C'est dû au fait qu'il n'y ait pas de nom commun institué pour toutes les ressemblances. On dit alors, au moment où il faut obtenir l'universelle: «Ainsi [en est-il] dans tous les [cas] de cette nature.» 157a25 Mais il appartient à ce qu'il y a de plus difficile de définir, dans ce qui est apporté, ce qui [est] de cette nature et ce qui [ne l'est] pas. Aussi à cette [occasion] se trompe-t-on souvent mutuellement tout au long des raisonnements, les uns prétendant semblable ce qui n'est pas semblable, les autres contestant que ce qui est semblable ne soit semblable. C'est pourquoi on doit [alors] essayer de forger 157a30 soi-même un nom [qui s'applique] à tous les [cas] touchés par la nature concernée, de sorte qu'il ne soit permis ni au répondeur de contester que ce qui est apporté ne soit dit de manière semblable[27], ni au demandeur de suggérer faussement qu'il soit dit de manière semblable, prenant occasion de ce que beaucoup de choses qui ne sont pas de manière semblable ont l'air d'être dites de manière semblable.  
Lorsque, alors qu'on induit en prenant appui sur plusieurs [cas], on n'accorde pas l'universelle,
157a35 il est légitime d'exiger[28] une objection. Mais tant qu'on n'a pas dit soi-même dans quels [cas il en est] ainsi, il n'est pas légitime d'exiger [qu'on précise] dans quels [cas il n'en est] pas ainsi. En effet, il faut avoir induit [effectivement], avant d'exiger ainsi l'objection. On doit aussi réclamer que les objections ne portent pas sur le propos même[29], à moins qu'il n'y ait qu'un seul [cas] de cette nature, comme la dyade est seule des nombres pairs [qui soit] 157b1 nombre premier. En effet, il faut que celui qui objecte fasse porter l'objection sur autre chose, ou qu'il dise que ce [cas est] le seul de cette nature. Maintenant, il en est qui objectent à l'universelle en faisant porter leur objection non pas sur l'[objet] même [de cette universelle] mais sur son homonyme — par exemple qu'on puisse avoir 157b5 une couleur ou une main ou un pied [qui ne soit] pas le sien propre, car le peintre peut avoir une couleur et le cuisinier un pied [qui ne soit] pas le sien propre —; en matière qui prête à cela, on ne doit bien sûr demander qu'après avoir opéré une distinction. En effet, tant que l'homonyme échappera à l'attention, on donnera bien l'impression d'objecter à la proposition. Si cependant on écarte la demande en objectant non pas à l'homonyme, mais à son [objet] même, il faut, après avoir retranché 157b10 ce sur quoi l'objection [a prise], proposer en rendant le reste universel, jusqu'à ce qu'on obtienne ce qui est utile. C'est le cas, par exemple, pour l'oubli et pour le fait d'avoir oublié. En effet, on ne concède pas que celui qui a perdu la science a oublié, puisque, quand la chose a changé, on a perdu la science, sans pourtant avoir oublié. On doit donc, 157b15 après avoir retranché ce sur quoi l'objection [a prise], énoncer le reste, par exemple que si, la chose demeurant [inchangée], on a perdu la science, c'est qu'on a oublié. [Il en va] semblablement encore avec ceux qui objectent qu'à un bien plus grand ne s'oppose pas[30] un mal plus grand. En effet, ils avancent qu'à la santé, moindre bien que la bonne constitution, s'oppose un mal plus grand, 157b20 car la maladie est un mal plus grand que la mauvaise constitution. On doit donc retrancher, en ce [cas] aussi, ce sur quoi l'objection [a prise]. Cela retranché, en effet, on posera plus volontiers, par exemple qu'au bien plus grand s'oppose un mal plus grand à la condition que l'un n'entraîne pas l'autre comme la bonne constitution la santé. On doit d'ailleurs faire cela non seulement quand on est face à l'objection, mais même quand, 157b25 sans objection, on repousse [la demande] parce qu'on prévoit quelque chose de cette nature. Une fois retranché, en effet, ce sur quoi l'objection [aurait prise], on sera contraint de poser [ce qu'on demande], parce qu'on ne prévoit pas dans ce qui reste en quel [cas il n'en serait] pas ainsi. Et si on ne pose pas [ce qu'on demande], on n'a pas d'objection à fournir lorsqu'on en exige. Or sont de cette nature les propositions fausses sur tel point et vraies sur tel autre; 157b30 car c'est pour elles qu'il est possible, en retranchant tel point, de laisser le reste vrai. Enfin, si, quand on formule une proposition avec appui sur plusieurs [cas], on n'apporte pas d'objection, on doit réclamer qu'on [la] pose; car elle est dialectique la proposition contre laquelle, alors qu'il en est en plusieurs [cas] tel [qu'elle l'énonce], on n'a pas d'objection.  
Par ailleurs, quand il est possible de conduire le raisonnement
[31] au même [propos] sans [réduire] et 157b35 en [réduisant] à l'impossible, il est indifférent que l'on raisonne de l'une ou de l'autre manière, si l'on est à démontrer et non à discuter. Mais si on est à discuter avec un autre, on ne doit pas user du raisonnement [qui réduit] à l'impossible. Car face à celui qui a raisonné sans [réduire à] l'impossible, il n'est pas possible de contester. Mais chaque fois que l'impossible est le terme du raisonnement, 158a1 on dit, à moins que la fausseté n'en soit par trop manifeste, que ce n'est pas impossible, de sorte que [le raisonnement] que les demandeurs veulent ne se trouve pas effectué par eux.  
Par ailleurs, il faut proposer tout ce qui est tel en plusieurs [cas], et [à quoi] il n'y a pas d'objection du tout ou n'est pas possible d'en apercevoir à première vue.
158a5 Pour autant, en effet, qu'on ne peut apercevoir en quels [cas] il n'en est pas ainsi, on le pose comme vrai[32].  
Il ne faut pas faire de la conclusion une demande. Sinon, dans le cas où on [la] refuse, on ne donne pas l'impression d'avoir effectué un raisonnement. Souvent, en effet, même sans [la] demander et en [l'] apportant comme conséquence, on la repousse
158a10 et, ce faisant, on ne donne pas l'impression d'avoir été réfuté, à qui n'aperçoit pas ce qui s'ensuit de ce qui a été posé. Quand donc, sans dire qu'elle s'ensuit, on [la] demande et que l'autre la repousse, on ne donne absolument pas l'impression qu'un raisonnement ait été effectué.  
Par ailleurs, toute [demande] universelle ne donne pas l'impression d'être une proposition dialectique.
158a15 Par exemple: «Qu'est-ce que l'homme?» ou: «En combien d'acceptions se dit le bien?» Est en effet une proposition dialectique [la demande] face à laquelle il est possible de répondre par oui ou par non. Or ce n'est pas possible face à celles que nous venons de mentionner. C'est pourquoi les demandes de cette nature ne sont pas dialectiques, à moins qu'on les énonce après avoir soi-même défini ou divisé. Par exemple: «Est-ce que le bien se dit en telle, ou en telle acception?» Aux [demandes] 158a20  de cette nature, en effet, il est facile de répondre par l'affirmative ou la négative. C'est pourquoi on doit essayer de proposer ainsi les propositions de cette nature. En même temps, toutefois, il reste sans doute légitime de s'enquérir auprès du répondeur lui-même en combien d'acceptions se dit le bien, quand on en a soi-même effectué et proposé la division et qu'il ne la concède d'aucune façon.  
158a25
Par ailleurs, celui qui demande longtemps [pour] une raison unique enquête mal. Si, en effet, celui à qui s'adresse la demande répond à ce qui lui est demandé, il est évident qu'on fait des demandes multiples ou [qu'on fait] souvent les mêmes, de sorte qu'ou bien on fait du verbiage, ou bien on ne tient pas de raisonnement, puisqu'en effet tout raisonnement [est issu] de peu [de propositions]. Et si on ne répond pas, [on a tort] de ne pas 158a30 réprimander ou de ne pas abandonner.  

Chapitre III

Il se trouve qu'il soit à la fois difficile d'agresser et facile de soutenir les mêmes suppositions[33]. C'est le cas de ce qui est premier en nature et de ce qui est ultime. Car ce qui est premier manque de définition et ce qui est ultime se conclut moyennant beaucoup [de demandes], quand on veut l'obtenir en continuité 158a35 avec ce qui est premier. Ou alors les attaques ont l'air sophistiques. En effet, il est impossible de démontrer quelque chose sans partir des principes appropriés et enchaîner jusqu'à ce qui est ultime. Or les répondeurs ne réclament pas qu'on définisse et, si le demandeur définit, ils ne font pas attention. Pourtant, tant que n'est pas devenu manifeste ce que peut bien être le 158b1 propos, il n'est pas facile d'attaquer. C'est surtout à propos des principes qu'une [situation] de cette nature s'ensuit, car les autres [énoncés] se montrent par ceux-là, tandis que ceux-là ne peuvent [se montrer] par d'autres; mais [il reste] nécessaire de connaître par une définition chaque [principe] de cette nature. 158b5 Par ailleurs, ce qui est trop près du principe est, lui aussi, difficile à attaquer. Car il n'est pas possible de se ménager beaucoup de raisons contre lui, du fait qu'il se trouve peu d'intermédiaires entre lui et le principe et que c'est par eux nécessairement qu'on montre ce qui vient après eux.  
Parmi les définitions
[34], les plus difficiles à attaquer de toutes sont celles qui ont usé de ces noms 158b10 dont il n'est pas dès l'abord évident s'ils se disent de manière simple ou multiple et, en plus de celles-là, [celles dont il n'est] pas connu si elles sont dites proprement ou par métaphore par celui qui définit. En effet, en raison de leur obscurité, il n'y en a pas d'attaques; et parce qu'on ignore si elles sont telles du fait de se dire par métaphore, il n'y en 158b15 a pas de réprimande.  
En résumé, devant tout problème difficile à attaquer, on doit prétendre
[35] ou bien qu'il manque de définition, ou bien qu'il appartient à ce qui se dit de plusieurs manières ou par métaphore, ou bien [qu'il n'est] pas loin des principes, car cela même ne nous est pas manifeste dès l'abord, en laquelle 158b20 des manières dont nous venons de parler peut bien [se situer] ce qui constitue l'impasse. Dès que la manière en devient manifeste, il est évident qu'il faut ou définir, ou diviser, ou se ménager les propositions intermédiaires, puisque c'est par elles qu'on montre ce qui est ultime.  
Pour beaucoup de positions, comme la définition n'est pas bien donnée,
158b25 il n'est pas facile de conduire la discussion et d'attaquer : par exemple, si pour une seule chose il existe un seul contraire ou plusieurs. Mais les contraires une fois définis comme il convient, [il devient] facile de faire convenir s'il est possible ou pas que plusieurs choses soient contraires à la même. Et il en va de la même manière encore pour les autres [positions] qui manquent de définition. Il semble bien que dans les mathématiques aussi 158b30 ce soit en raison d'une déficience de définition qu'on ne décrive[36] pas facilement certains [propos], par exemple que la [droite] qui coupe le plan parallèlement au côté divise semblablement la ligne et la surface. Tandis que, aussitôt que la définition est énoncée, ce qu'on dit devient manifeste. En effet, les surfaces et les lignes subissent la même destruction mutuelle. Or c'est là la définition 158b35 de la même proportion. De manière absolue, une fois posées les définitions, par exemple ce qu'est la ligne et ce qu'est le cercle, les premières éléments sont très faciles à montrer. Sauf qu'il n'est pas possible de produire beaucoup d'attaques contre chacun d'eux, du fait qu'il n'existe pas beaucoup d'intermédiaires. Par contre, si les définitions des principes ne sont pas posées, [il est] difficile [de les montrer], et peut-être même tout à fait 159a1 impossible. Or il en va semblablement pour ces [matières] et pour ce sur quoi portent les raisons.  
Il ne faut donc pas qu'échappe à l'attention, quand la position est difficile à attaquer, qu'elle souffre de l'un des [défauts] dont nous venons de parler. Toutefois, quand il y a
159a5 plus de travail à discuter en rapport à la réclamation et à la proposition qu'en rapport à la position, on peut se trouver embarrassé quant à poser ou non les [réclamations] de cette nature. Car si on ne [les] pose pas et qu'on réclame de discuter en rapport à cela aussi, on commandera [une investigation] plus grande que [celle] de la position initiale. Mais si on [les] pose, on amènera à croire en partant de ce qui est moins croyable. Ainsi donc, s'il faut ne pas rendre la problème plus difficile, 159a10 on doit poser; mais s'[il faut] raisonner par l'intermédiaire de ce qui est plus connu, on ne doit pas poser. Ou encore, le disciple ne doit pas poser si ce n'est pas plus connu, mais celui qui s'exerce doit poser dès que cela a l'air vrai. Par conséquent, il est manifeste que le demandeur et le maître ne doivent pas semblablement réclamer qu'on prenne position.  

Chapitre IV  

159a15 Pour la façon dont il faut formuler et ranger les demandes, ce que nous venons de dire suffit à peu près. À propos de la réponse, maintenant, on doit premièrement définir ce qu'est l'œuvre du bon répondeur, ainsi que du bon demandeur. Or il appartient au demandeur de conduire la discussion de manière à faire dire au répondeur ce qu'il a de plus adoxal à l'intérieur de ce que la position rend nécessaire; et il appartient au répondeur 159a20 que l'impossible ou le paradoxal ait tout l'air[37] de s'ensuivre non pas à cause de lui, mais à cause de la position. Car sans doute est-ce une faute différente de poser en premier ce qu'il ne faut pas et de ne pas garder comme il convient ce qu'on a posé.  

Chapitre V

159a25 On n'a encore rien pour ceux qui produisent leurs raisonnements à fin d'exercice et de probation. C'est que les visées ne sont pas les mêmes pour les maîtres ou les disciples et pour les disputeurs, ni pour ceux qui discutent ensemble à fin d'investigation. En effet, le disciple, d'abord, doit toujours poser ce qu'il pense[38]; et de fait personne non plus ne s'attaque 159a30 à enseigner du faux. Entre disputeurs, par ailleurs, le demandeur doit par tout moyen se donner l'air de faire certaine chose et le répondeur se donner l'air de n'en souffrir en rien. Dans les réunions dialectiques cependant, entre gens qui produisent leurs raisons non à fin de dispute mais à fin de probation et d'investigation, on n'a pas encore expliqué nettement ce qu'il faut que le répondeur ait en vue 159a35 et quoi il lui faut quoi il ne lui faut pas accorder, pour ce qui est de bien ou mal garder la position. Puisque donc nous ne disposons de rien qui nous aurait été transmis par d'autres, essayons nous-mêmes d'en dire quelque chose.  
Nécessairement, bien sûr, le répondeur soutient une raison en posant une position qui soit ou endoxale, ou adoxale, ou [qui ne soit] ni l'un ni l'autre, et
159b1 endoxale ou adoxale soit absolument, soit déterminément, relativement à telle personne par exemple, soit lui-même ou quelqu'un d'autre. Cela ne fait pas de différence, toutefois, de quelle manière [cette position] est endoxale ou adoxale, car la façon de bien répondre, et d'accorder ou de ne pas accorder ce qui sera demandé, restera la même. Donc, nécessairement, 159b5 la conclusion à effectuer sera endoxale pour une position adoxale et adoxale pour [une position] endoxale; en effet, c'est toujours l'opposé de la position que le demandeur conclut. Si par ailleurs ce qui est posé n'est ni adoxal ni endoxal, la conclusion aussi sera de cette nature. Or celui qui raisonne bien, c'est à partir de ce qui est plus endoxal et plus connu qu'il démontre son propos. Aussi est-il manifeste que, si 159b10 ce qui est posé est adoxal absolument, le répondeur ne doit accorder ni ce qui, absolument, n'est pas endoxal, ni ce qui est endoxal[39], mais l'est moins que la conclusion. En effet, si la position est adoxale, la conclusion sera endoxale: en conséquence, il faut que ce qu'on obtient soit tout endoxal, et plus endoxal que le propos, si c'est par le plus connu que le 159b15 moins connu va être conclu. Par conséquent, si, dans les demandes, quelque chose n'est pas de cette nature, le répondeur ne doit pas le poser. Si, par ailleurs, la position est endoxale absolument, il est évident que la conclusion [sera] adoxale absolument. On doit donc poser tout ce qui est endoxal et tout ce qui, non endoxal, est moins adoxal que la conclusion[40]. En effet, on donnera [alors] l'impression 159b20 d'avoir dialogué de façon adéquate. [Ce sera] encore semblable, si la position n'est ni adoxale ni endoxale: là aussi, en effet, on doit accorder tout ce qui est endoxal[41] et tout ce qui, non endoxal, est plus endoxal que la conclusion; c'est ainsi qu'il s'ensuivra que les raisons effectuées seront [le] plus endoxales[42].  
Bien sûr, si ce qui est posé
[43] est endoxal ou adoxal absolument, on doit effectuer la discrimination en regard de ce qui est 159b25 endoxal absolument. Tandis que si ce qui est posé est endoxal et adoxal non pas absolument, mais relativement au répondeur, c'est en jugeant en regard de ce qui est ou n'est pas endoxal quant à lui qu'il doit poser ou ne pas poser. Si enfin le répondeur défend ce que pense un autre, il est évident que c'est à regarder la pensée de celui-là qu'il doit poser et repousser chaque [chose]. 159b30 C'est pourquoi aussi ceux qui introduisent des endoxes étranges, par exemple que le bien et le mal sont la même chose, comme le dit Héraclite, n'accordent pas que les contraires n'appartiennent pas en même temps au même [sujet]; non pas que cela ne leur soit pas endoxal, mais parce que, selon Héraclite, c'est ainsi qu'on doit parler. C'est ce que font aussi ceux qui adoptent réciproquement les positions l'un de l'autre: 159b35 en effet, ils ont en vue la manière dont s'exprimerait celui qui a [pris la] position.

Chapitre VI

Ce que le répondeur doit avoir en vue, que ce qui est posé soit endoxal absolument ou relativement à telle [personne], c'est donc manifeste.  
Maintenant, tout ce qui est demandé est nécessairement ou endoxal, ou adoxal, ou ni l'un ni l'autre; également, ce qui est demandé est ou pertinent ou non pertinent au raisonnement.
160a1 Par suite, s'il est endoxal et non pertinent au raisonnement, on doit [l'] accorder en disant qu'il est endoxal; et s'il n'est ni endoxal ni pertinent au raisonnement, on doit [encore l'] accorder, mais en plus faire remarquer qu'il n'est pas endoxal, pour ne pas donner dans le simplisme. Si, par ailleurs, il est pertinent au raisonnement et endoxal, on doit dire qu'il est endoxal 160a5 mais trop proche du [propos] initial[44] et que, si on pose cela, ce qui a été posé [d'abord]46 s'en trouve détruit.[45] Si, par ailleurs, la réclamation est pertinente à la raison mais est trop adoxale, on doit dire que, si on la pose, [le propos] s'ensuit, mais que ce qui est proposé est trop simpliste. Si enfin [ce qui est demandé] n'est ni adoxal ni endoxal, dans le cas où il n'a aucune pertinence à la raison, on doit [l'] accorder sans 160a10 restriction; mais s'il est pertinent à la raison, on soit en plus faire remarquer que, s'il est posé, la position initiale46 s'en trouve détruite.  
En effet, le répondeur ne donnera pas l'impression de subir quoi que ce soit par sa faute, si c'est en prévoyant ainsi qu'il pose chaque [chose]; et le demandeur arrivera à un raisonnement du fait qu'il
[46] aura posé tout ce qui est plus endoxal que la conclusion[47]. Quant à tous ceux qui 160a15 s'attaquent à raisonner à partir de ce qui est plus adoxal que la conclusion, il est évident qu'ils ne raisonnent pas bien. C'est pourquoi on ne doit poser [pareilles choses] pour ceux qui [les] demandent.  

Chapitre VII  

C'est semblablement aussi qu'on doit répondre quand ce qu'on dit comporte obscurité et acceptions multiples. En effet, il est accordé[48] au répondeur, s'il ne comprend pas, de dire: «Je ne comprends pas!»; [il lui est accordé] également, quand ce qu'on dit comporte acceptions multiples, 160a20 de ne pas nécessairement consentir ou refuser. Aussi est-il évident que, d'abord, si ce qu'on a dit n'est pas clair, on ne doit pas hésiter à dire qu'on ne comprend pas. Car souvent, c'est pour avoir accordé des demandes faites sans clarté qu'on rencontre telle difficulté. Toutefois, s'il est connu que ce qu'on dit comporte des acceptions multiples, dans le cas où 160a25 ce qu'on dit demeure vrai ou faux en toutes [ses acceptions], on doit [l']accorder ou [le] repousser absolument; mais dans le cas où il se trouve faux en telle [acception] et vrai en telle [autre], on doit faire remarquer en plus qu'il se dit en des acceptions multiples et qu'en l'une il est faux, en l'autre vrai. Car si la distinction est apportée plus tard, [il ne sera] pas évident si on apercevait déjà initialement l'ambiguïté. Si par ailleurs on n'a pas prévu l'ambiguïté 160a30 et qu'on ait posé avec en vue l'une [des acceptions], on doit dire, contre qui pousse vers l'autre [acception]: «Je n'ai pas accordé avec celle-là en vue mais avec l'autre.» En effet, quand il y a plusieurs [acceptions] sous le même nom ou la même définition, la contestation est facile. Mais si ce qui est demandé est à la fois clair et simple, on doit répondre ou oui ou non.  

Chapitre VIII

160a35 Cependant[49], toute proposition de raisonnement est ou bien l'une de celles dont est issu le raisonnement, ou bien en vue de l'une d'elles. Or quand une [proposition] est obtenue en vue d'une autre, cela est évident, du fait qu'on demande plusieurs fois quelque chose de semblable; c'est en effet ou bien par une induction, ou bien par une similitude que, dans la plupart des cas[50], on obtient l'universelle. Aussi doit-on bien sûr poser tous les singuliers [demandés], 160b1 s'ils sont vrais et endoxaux[51], mais contre l'universelle on doit essayer d'apporter une objection[52]. Car, sans une objection ou réelle ou endoxale, bloquer la raison, c'est faire le difficile. Si donc, alors qu'elle se vérifie manifestement en plusieurs [cas], on n'accorde pas l'universelle, et ce sans tenir d'objection, il est manifeste 160b5 qu'on fait le difficile. Si en outre on ne tient pas même de quoi montrer, par mode de contre-attaque, qu'elle n'est pas vraie, on donnera bien plus encore l'impression de faire le difficile. Quoique même cette [contre-attaque] ne [serait] pas suffisante; en effet, nous tenons beaucoup de raisons contraires aux endoxes, et qu'il est difficile de résoudre, comme celle de Zénon à l'effet qu'il n'est pas possible de se mouvoir ni de traverser le stade; on ne va pourtant pas à cause de cela 160b10 ne pas devoir poser ce qui leur est opposé. Si donc, tout en ne tenant pas de quoi contre-attaquer ni de quoi objecter, on ne pose pas [l'universelle demandée], il est évident qu'on fait le difficile. En effet, c'est faire le difficile en matière de raisons que de donner une réponse destructive du raisonnement en dehors des façons dont nous venons de parler.  

Chapitre IX

Il faut, pour soutenir tant une position qu'une définition, 160b15 [l']avoir d'avance attaquée par-devers soi; car ce à partir de quoi les enquêteurs détruisent ce qu'on pose [initialement][53], il est évident que c'est à cela qu'on doit s'opposer[54].  
On doit par ailleurs éviter de soutenir une supposition adoxale. Or [une supposition] pourrait être adoxale de deux manières : en effet, [il y a celle] de laquelle il s'ensuit qu'on dise des absurdités, par exemple si on disait que tout ou que rien ne se meut; et [il y a] tout ce qu'il appartient à des
160b20 mœurs dépravées d'adopter et qui est contraire aux sentiments [de tous], par exemple que le bien est le plaisir et que de commettre l'injustice vaut mieux que de la subir. On déteste [qui soutient pareilles positions], dans l'idée qu'il ne le fait pas pour le besoin de la discussion, mais qu'il dit ce qu'il pense[55].  

Chapitre X

Quant à tous les raisonnements qui concluent du faux, on doit [les] résoudre en supprimant ce par quoi s'effectue le faux. Car à supprimer n'importe quoi, on n'a pas 160b25 résolu [pour autant], pas même si ce qu'on a supprimé est faux. En effet, le raisonnement pourrait contenir plusieurs faussetés, si par exemple on obtenait que qui est assis écrit et que Socrate est assis[56]. Il s'ensuit, partant de là, que Socrate écrit. Et bien sûr, à supprimer la [proposition] Socrate est assis[57], le raisonnement ne s'en trouve pas plus résolu : même si la réclamation [était] fausse, 160b30 ce n'était cependant pas à cause d'elle que le raisonnement était faux. En effet, s'il se trouve qu'un tel soit assis mais n'écrive pas, à pareil [cas] la même solution[58] ne s'adaptera plus. De sorte que ce n'est pas cela qu'on doit supprimer, mais ceci que qui est assis écrit; car toute [personne] assise n'écrit pas. On a donc résolu complètement à condition d'avoir supprimé ce par quoi s'effectue le faux, et on connaît la 160b35 solution à condition de savoir que c'est par là que la raison [est effectuée], comme il en est pour les faux tracés. Car il ne suffit pas de s'objecter, même si ce qu'on supprime est faux; on doit aussi démontrer pourquoi [c'est] faux; ainsi, en effet, pourra-t-il être manifeste si c'est ou non en prévoyant telle chose que l'objection est faite.  
161a1
On peut de quatre manières empêcher une raison de conclure. Ou bien, en effet, en supprimant ce par quoi s'effectue le faux. Ou bien en adressant une objection au demandeur; car souvent alors on n'a pas résolu, mais l'enquêteur ne peut pas pousser plus loin. En troisième, 161a5 [en objectant] à ce qui est demandé; car il peut s'ensuivre que, de ce qui est demandé, ne s'effectue pas ce qu'on veut, du fait qu'on [l']ait mal demandé, alors qu'avec telle chose posée en plus la conclusion serait effectuée. Si donc le demandeur ne peut plus poursuivre, ce sera que l'objection s'adresse au demandeur, mais s'il [le] peut[59], [elle sera adressée] à ce qui est demandé. Enfin, la quatrième 161a10 et la pire des objections est celle qui s'en prend au temps; il y a en effet des gens qui soulèvent des objections telles que les résoudre dans la discussion exige plus de temps que [n'en dispose] la discussion présente. Les objections, comme nous l'avons dit, s'effectuent donc de quatre manières. Mais seulement la première de celles dont nous avons parlé constitue une solution et les 161a15 autres ne sont qu'empêchements et obstacles mis aux conclusions.  

Chapitre XI

La critique[60] d'un raisonnement n'est pas la même [selon que] le raisonnement [est visé] en lui-même ou en ce qu'il est issu de demandes. Souvent, en effet, c'est celui à qui on demande qui est cause de ce que le raisonnement ne soit pas bien inséré dans la discussion, par le fait de ne pas concéder ce à partir de quoi il y aurait moyen de bien discuter contre la position. C'est qu'il 161a20 n'est pas au pouvoir de l'un seulement [des interlocuteurs] de bien accomplir leur œuvre commune[61]. Il est donc quelquefois nécessaire d'attaquer l'interlocuteur et non la position, quand le répondeur se tient malignement à l'affût de ce qui contrarie le demandeur. Ceux, bien sûr, qui font ainsi les difficiles font des entretiens des disputes et non des discussions[62].
En outre,
161a25 puisque les raisons de cette nature [se produisent] à fin d'exercice et de probation, et non d'enseignement, il est évident qu'on doive[63] conclure non seulement du vrai mais aussi du faux, et non pas toujours par du vrai mais quelquefois aussi par du faux. Souvent, en effet, comme ce qui est posé[64] est vrai, [c'est du vrai] que, nécessairement, celui qui conduit la discussion supprime[65]:  on doit 63 alors proposer du faux. Parfois même, par ailleurs, 161a30 quand ce qui est posé est faux, on doit le supprimer par du faux; car rien n'empêche que, relativement à un tel, ce qui n'est pas soit plus endoxal que le vrai, de sorte que ce sera pour autant que la raison s'effectue à partir de cela justement qui est endoxal pour lui qu'il s'en trouvera davantage persuadé ou aidé. Mais indispensablement, celui qui conduit bien [à la conclusion] le fait selon un mode dialictique et non chicanier, comme le géomètre 161a35 [le fait] selon un mode géométrique, [et cela] que ce qui est conclu soit faux ou vrai. Maintenant, quelle [allure] ont les raisonnements dialectiques, on l'a dit auparavant.
Que [fasse] un mauvais associé celui qui met obstacle à l'œuvre commune, il est évident que [cela vaut] aussi en matière de raisonnement. Car il y a également en cela un propos commun, sauf pour les disputeurs : pour eux, il n'est pas possible
161a40 de viser tous les deux à la même fin, car il est impossible que plus d'un 161b1 ne vainque. Et cela ne fait pas de différence que cette [obstruction] se fasse par la réponse ou par la demande[66]. Qui demande selon un mode chicanier discute mal, aussi bien que le répondeur qui n'accorde pas ce qui est endoxal[67] ni n'accepte quoi que ce soit dont veuille 161b5 s'enquérir le demandeur. De ce que nous venons de dire il ressort avec évidence qu'on ne doit pas critiquer semblablement la raison en elle-même et le demandeur. Car rien n'empêche que la raison soit mauvaise et que le demandeur ait discuté de la meilleure façon avec le répondeur. Et effet, contre ceux qui font les difficiles, on n'est sans doute pas capable de faire les raisonnements directement comme on les 161b10 veut, mais seulement comme ils le laissent possible.
On n'a pas encore défini quand les gens
[68] obtiennent les contraires et quand les [propos] initiaux. Souvent, en effet, en discutant intérieurement, ils affirment les contraires et ce qu'ils refusent d'abord, ils l'accordent ensuite. C'est pourquoi justement, lorsqu'on le leur demande, 161b15 ils donnent souvent leur assentiment aux contraires et au propos initial. Aussi les raisonnements en deviennent-ils nécessairement mauvais. Or c'est le répondeur qui en est cause, en n'accordant pas et accordant tour à tour les [demandes] de cette nature. Il est donc manifeste qu'on ne doit pas critiquer semblablement les demandeurs et les raisonnements.
Pour ce qui est du raisonnement pris en lui-même, il existe cinq critiques.
161b20 La première, c'est quand, partant de ce qui est demandé, on ne conclut ni le propos ni rien du tout, du fait que ce en quoi [on fonde] la conclusion soit faux ou adoxal, ou bien entièrement ou bien en majeure partie, et que la conclusion ne s'effectue pas non plus, qu'on retranche ou qu'on ajoute des choses, ou qu'on en retranche certaines et qu'on en ajoute d'autres[69]. La deuxième, 161b25 c'est si le raisonnement ne s'effectue pas en pertinence à la position, tout en étant issu de ce et dans la manière dont on a parlé plus haut. La troisième, c'est si le raisonnement s'effectue à la condition d'ajouter des choses, mais que ces choses soient inférieures à ce qu'on a demandé et moins endoxales que la conclusion. Une autre, c'est si c'est à la condition de retrancher des choses, car parfois on obtient plus que ce qui est nécessaire, de sorte que ce n'est plus du simple fait que cela soit que le raisonnement s'effectue. Encore une, 161b30 c'est si [le raisonnement] est issu de [choses] plus adoxales et moins croyables que la conclusion, ou s'[il est] issu de choses vraies mais exigeant plus de travail à démontrer que le problème.  
Par ailleurs, il ne faut pas réclamer que, pour tous les problèmes, les raisonnements soient semblablement endoxaux et persuasifs. En effet, il relève immédiateemnt de leur nature que
161b35 certains objets de recherche soient plus faciles et d'autres plus difficiles. En conséquence, si on a conclu à partir du plus endoxal disponible, on a bien discuté. Il est donc manifeste que, pour la raison, la critique ne sera pas non plus la même, [selon qu'on la juge] en regard du problème et en elle-même. Car rien 161b40 n'empêche qu'en elle-même la raison ne soit blâmable et pourtant 162a1 recommandable en regard du problème[70]; ou encore, inversément, qu'en elle-même elle ne soit recommandable et pourtant blâmable en regard du problème, quand il y a beauxoup d'endoxal et de vrai dont il est facile de conclure[71]. Une raison pourrait même, bien que concluant, se trouver moins bonne qu'une autre qui ne conclut pas; 162a5 c'est quand la première conclut à partir de ce qui est simpliste sans que la nature du problème commande cela, et que l'autre a besoin d'additions qui soient endoxales et vraies, sans même que la raison ne réside en ces ajoutes. Par ailleurs il n'est pas légitime[72] de critiquer ceux qui concluent le vrai par le faux. Le faux, de fait, c'est toujours nécessairement par 162a10 le faux qu'on le conclut, mais même le vrai, il est possible de la conclure parfois par du faux. Cela est manifeste d'après les Analytiques.  
Quand la raison dont nous avons parlé est démonstration de quelque chose, à supposer qu'il y ait autre chose qui n'ait rien à voir avec la conclution, [cette raison] ne sera pas un raisonnement pour elle. Et si elle en a l'air, ce sera un sophisme,
162a15 non une démonstration. Or un raisonnement démonstratif, c'est un philosophème, un raisonnement dialectique, c'est une attaque, un raisonnement chicanier, c'est un sophisme et un raisonnement dialectique de la contradiction, c'est une impasse[73].  
Si par ailleurs une chose est montrée à partir de [deux autres] toutes deux endoxales, mais sans qu'elles soient semblablement
162a20 endoxales, rien n'empêche ce qui est montré d'être plus endoxal que chacune. Et si l'une était endoxale, l'autre ni l'un ni l'autre, ou l'une endoxale l'autre non endoxale, dans le cas où [ce serait] à un degré semblable, [la chose montrée] serait aussi endoxale et non endoxale au même degré, tandis que dans le cas où l'une [aurait] davantage [sa qualité], [la conclusion] suivrait celle [qui aurait ainsi] davantage [sa qualité].  
Voici par ailleurs une faute, elle aussi en ce qui concerne les raisonnements:
162a25 c'est quand on montre par plus de choses ce qui peut l'être par moins, et qui soient [déjà] présentes dans le raisonnement. Par exemple, [pour montrer] qu'une opinion l'est plus qu'une autre, si on demandait : «La chose-en-soi est le plus?»; or, «Il existe vraiment un objet-d'opinion-en-soi?»; par conséquent, «L'en soi l'est plus que les particuliers?». Ensuite, «[Admet] le plus le corrélatif au relatif [qui admet] le plus»; or «Il existe 162a30 une véritable opinion-en-soi, qui sera plus rigoureuse que les [opinions particulières]?». Or on a postulé et qu'«Il y a une véritable opinion-en-soi» et que «La chose-en-soi est le plus». Par conséquent, «L'opinion-en-soi est plus rigoureuse». Où est la déficience? Sans doute est-ce qu'il fait que la cause dont dépend le raisonnement nous échappe?  

Chapitre XII

162a35 Une façon dont un raisonnement est évident, et c'est la plus populaire, c'est s'il est conclu de manière qu'il ne faille plus rien demander. Une autre [façon dont il l'est] encore, et c'est celle qui se dit le plus, c'est quand on a obtenu 162b1 ce dont sa nécessité est issue, et qu'on [l'en] mène à sa conclusion par des conclusions [intermédiaires]. [Un raisonnement est] encore [évident] si quelque chose [lui] manque [qui soit] extrêmement endoxal.  
Un raisonnement est appelé faux de quatre manières. Une première façon, c'est quand il a bien l'air de conclure, alors qu'il ne conclut pas, ce qui
162b5 s'appelle un raisonnement[74] chicanier. Une autre, c'est quand il conclut, mais sans pertinence au propos; cela s'ensuit surtout chez les [raisonnements] qui mènent à l'impossible. Ou bien [quand] il conclut en pertinence au propos, mais non selon la méthode appropriée; c'est-à-dire quand [un raisonnement] qui n'est pas médical donne l'impression d'être médical, ou [d'être] 162b10 géométrique sans être géométrique, ou [d'être] dialectique sans être dialectique, que soit faux ou que soit vrai ce qui s'ensuit. Une autre façon, c'est si [le raisonnement] conclut par du faux; la conclusion en sera quelquefois fausse, quelquefois vraie. Car le faux se conclut toujours par du faux, mais le vrai se prête 162b15 aussi à être issu de ce qui n'est pas vrai, comme on l'a dit aussi antérieurement.
Bien sûr, que le raisonnement soit faux constitue une faute de l'interlocuteur
[75] plutôt que du raisonnement. Plus exactement, [ce n'est] pas toujours [la faute] de l'interlocuteur, mais [ce l'est] quand cela échappe à son attention. C'est que nous l'admettons volontiers en lui-même, de préférence à beaucoup de [raisonnements] vrais, s'il supprime 162b20 une vérité en étant issu de ce qu'il y a de plus endoxal. En étant de cette nature, en effet, il devient démonstration d'autres vérités : c'est qu'il y a telle [partie] de ce qu'on a posé qu'il ne faut pas du tout [poser], et c'est de cela que [ce raisonnement] sera par suite démonstration[76]. Si, par ailleurs, du vrai était conclu par du faux et du trop simpliste, [le raisonnement] serait moins bon que beaucoup [d'autres] qui syllogisent du faux; toutefois, même [un raisonnement] qui concluerait du faux pourrait être de cette nature.  
En conséquence,
162b25 il est évident que le premier objet de l'examen d'un raisonnement pris en lui-même, c'est s'il conclut; le deuxième, c'est s'il [conclut] du vrai ou du faux; le troisième, c'est de quoi il est issu : car si c'est de choses fausses, mais endoxales, il [demeure] dialectique[77]; si c'est de choses réelles, mais adoxales, il est mauvais. Mais si [ces choses sont] à la fois mauvaises et trop adoxales, il est évident que [le raisonnement sera] mauvais, soit absolument, soit en regard de la 162b30 chose en question.  

Chapitre XIII

Comment le demandeur postule le [propos] initial et les contraires, nous en avons traité dans nos Analytiques du point de vue de la vérité; on doit maintenant en parler du point de vue de l'opinion[78].  
On a l'air de postuler le [propos] initial de cinq manières.
162b35 La plus manifeste et la première, c'est si on postule cela même qu'il faut montrer. Cela, toutefois, n'échappe pas facilement à l'attention dans une [formulation] identique, mais davantage dans les synonymes et dans tout ce dont le nom et la définition 163a1 signifient la même chose. La deuxième, c'est quand on postule universellement ce qu'il faut démontrer particulièrement; par exemple, si, pour attaquer[79] [la position] que, pour les contraires, il y a une science unique, on réclamait qu'il y a en général pour les opposés une science unique; on donne en effet l'impression de postuler en lui-même ce qu'il fallait montrer, avec 163a5 bien d'autres choses. La troisième, c'est si on postulait particulièrement un propos à montrer universellement; par exemple, si on réclamait pour certains des contraires ce qui est proposé pour tous; encore là, on donne en effet l'impression qu'on postule en lui-même séparément ce qu'il fallait montrer avec bien d'[autres] choses. Une manière encore, c'est si on postule le problème après l'avoir divisé; par exemple, si, ayant à montrer que la médecine porte sur 163a10 le sain et le malade, on réclamait chacun séparément. Ou bien, si l'on postulait l'une de deux [choses] qui s'impliquent nécessairement l'une l'autre; par exemple, que le côté est incommensurable à la diagonale, alors qu'on a à démontrer que la diagonale l'est au côté.  
Par ailleurs, on postule les contraires d'autant de manières que le [propos] initial.
163a15 La première, en effet, c'est si on postulait les opposés, affirmation et négation. La deuxième, les contraires selon leur opposition, par exemple, que la même chose est bonne et mauvaise. La troisième, c'est si, après avoir réclamé l'universelle, on postulait la contradiction sur une partie; par exemple, si, après avoir obtenu qu'il y a pour les contraires une science unique, on réclamait qu'elle est différente pour le sain et le malade, 163a20 ou [si], après avoir postulé cela, on essayait d'obtenir universellement la contradictoire. Une manière encore, c'est si on postule le contraire de ce qui s'ensuit nécessairement par ce qui est posé, et cela même si on n'obtenait pas les opposés eux-mêmes et qu'on postulait deux [propositions] de nature à ce qu'en soit issue la contradictoire opposée.  
En définitive, obtenir les contraires diffère
163a25 d'[obtenir le propos] initial en ce que, dans un [cas], la faute est en regard de la conclusion : car c'est avec celle-ci en vue que nous disons postuler le [propos] initial; tandis qu'[obtenir] les contraires, [cela] se situe dans les propositions et tient à un rapport qu'elles entretiennent entre elles.  

Chapitre XIV

En regard de l'exercice[80] et de l'étude[81] des raisonnements de cette nature, 163a30 la première [chose] à faire est de s'accoutumer à convertir les raisonnements. Car nous nous en trouverons mieux pourvus devant ce qui se dit et, en peu [de choses], nous saurons à fond beaucoup de raisonnements. En effet, convertir, c'est obtenir l'opposé de la conclusion et la joindre au reste des demandes pour supprimer l'une de celles qu'on avait accordées; c'est que nécessairement, si la 163a35 conclusion n'est pas, l'une quelconque des propositions est supprimée, puisque justement, en les posant toutes, c'était une nécessité que la conclusion soit. Contre toute position, tant [celle selon laquelle] il en est ainsi que [celle selon laquelle] il n'en est pas ainsi, 163b1 on doit investiguer l'attaque [adéquate]; puis, dès qu'on l'a découverte, on doit en chercher la solution. De la sorte, en effet, il s'ensuivra qu'on se sera exercé à la fois à demander et à répondre. Et si nous n'avons personne d'autre contre qui [le faire, nous le ferons] contre nous-mêmes. En faisant son choix, aussi, mettre en parallèle 163b5 des attaques contre la même position. Cela, en effet, augmente beaucoup les ressources pour ce qui est de contraindre et confère une aide puissante pour ce qui est de réfuter, quand on est à même d'[argumenter] abondamment et qu'il en est ainsi, et qu'il n'en est pas ainsi, car il s'ensuit qu'on fasse la garde contre les contraires[82]. Aussi, en vue de la connaissance et de l'intuition philosophiques[83], 163b10 ce n'est pas qu'un petit instrument que de pouvoir et même d'avoir déjà embrassé d'un coup d'œil ce qui s'ensuit de l'une et l'autre supposition; car il ne reste plus qu'à adopter correctement l'une d'elles. Toutefois, pour effectuer un [choix] de cette nature, il faut être heureusement disposé, et la disposition heureuse devant la vérité, c'est de pouvoir correctement adopter le vrai et éviter le faux. 163b15 C'est là précisément ce que les gens naturellement bien doués peuvent faire; comme, en effet,  ils aiment et détestent avec justesse ce qu'on leur apporte, ils jugent avec justesse du meilleur[84].  
Aussi, il faut connaître à fond les raisonnements contre les problèmes qui reviennent le plus souvent, et surtout en ce qui concerne les positions premières, car c'est à leur sujet
[85], souvent, que les répondeurs éprouvent de la répugnance[86]. 163b20 En outre, il faut abonder en définitions, et tenir sous la main les endoxales et les premières, car c'est par elles que les raisonnements s'effectuent. Par ailleurs, on doit essayer de bien posséder ce à quoi reviennent le plus souvent les raisonnements. En effet, [il en est] comme en géométrie, où il est avantageux d'être exercé sur les éléments, et en [matière de] nombres, 163b25 [où] le fait d'avoir à la portée de la main la table de dix pour la multiplication fait grande différence pour ce qui est de connaître aussi le multiple des autres nombres. Semblablement encore, dans les raisonnements, [c'est un grand avantage] d'avoir à portée de la main ce qui touche aux principes et de connaître par cœur les propositions. En effet, tout comme dans la mnémonique les lieux, dès seulement qu'on les pose, 163b30 font revenir en mémoire les choses elles-mêmes, de même ces [éléments][87] rendront plus apte à syllogiser du fait qu'on regardera à eux, [qui constituent] des propositions limitées en nombre. En outre, on doit poser dans la mémoire une proposition commune de préférence à un raisonnement, car il n'est que modérément difficile d'abonder en principes et suppositions.  
De plus, on doit s'accoutumer à faire d'un raisonnement plusieurs,
163b35 en dissimulant avec la plus grande obscurité[88]. On y arrivera si on se tient le plus loin possible de ce qui est du même genre que ce sur quoi porte le raisonnement. Ce seront les raisonnements les plus universels qui seront capables de souffrir cela; par exemple, qu'il 164a1 ne peut pas, pour plusieurs choses, y avoir une science unique : c'est, en effet, le cas et pour les relatifs, et pour les contraires, et pour les coordonnés. Aussi faut-il faire sous forme universelle le rappel des raisonnements [antérieurs], même si on a discuté sur un particulier, car c'est ainsi encore 164a5 qu'il sera possible de faire d'un raisonnement plusieurs. Il en va semblablement, d'ailleurs, en matières de rhétorique, pour les enthymèmes. Toutefois, on doit soi-même éviter le plus possible de faire porter ses raisonnements sur l'universel[89]. En outre, il faut toujours investiguer dans quelle mesure les raisonnements sont insérés dans la discussion avec appui sur du commun; car tous les raisonnements particuliers font intervenir l'universelle et on trouve présente 164a10 la démonstration de l'universelle dans la particulière, du fait que rien ne peut être syllogisé sans [l'usage] des universelles.  
Par ailleurs, on doit tourner l'exercice
[90] des inductions contre un débutant et [celui] des raisonnements contre un [interlocuteur] expérimenté. Et on doit essayer d'obtenir les propositions auprès des [interlocuteurs] syllogistiques 164a15 et les ressemblances auprès des [interlocuteurs] inductifs, car c'est à cela que chacun est exercé. Par ailleurs, on doit toujours essayer de garder, de l'exercice de la discussion, un raisonnement sur quelque [sujet], ou une solution, ou une proposition, ou une objection, ou [le jugement] qu'on a soi-même ou qu'un autre a correctement ou non correctement contesté, avec le pourquoi dans chaque [cas]. 164b1 Car c'est de ces [éléments] qu'est issue la puissance; or cet exercice vise à une puissance, surtout concernant les propositions et les objections. En effet, pour parler absolument, est dialecticien qui peut proposer et objecter. Or proposer, c'est faire une seule chose [de] plusieurs, car il faut 164b5 qu'on obtienne quelque chose de tout à fait un pour [conclure] ce que vise le raisonnement; et objecter, c'est faire [d']une seule chose plusieurs, car ou on divise, ou on supprime, quand on accorde telle partie et pas l'autre de ce qui est proposé.  
Toutefois, on ne doit pas dialoguer avec tout le monde, ni s'exercer contre le premier venu. C'est qu'il est inévitable, contre certaines gens, que les raisonnements
[91] s'effectuent mal. 164b10 En effet, contre l'[interlocuteur] qui essaie de toute manière d'avoir l'air de s'en sortir, il est légitime d'essayer de toute manière de syllogiser; ce n'est toutefois pas bien élégant. Aussi ne faut-il justement pas se commettre à la légère avec les premiers venus, car c'est nécessairement une discussion bien déficiente qui s'ensuit; de fait, ceux qui s'exercent sont [alors] incapables d'éviter de faire de la discussion 164b15 une dispute. Enfin, il faut tenir des raisonnements tout faits pour ces problèmes dont la nature fait qu'une fois munis en abondance pour peu de choses nous tiendrons les [raisonnements] utiles à la plupart des [cas]. Ce sont là les [raisonnements] universels et [ceux] contre lesquels il est plus difficile de se munir avec ce [qui vient à l'esprit] sur le champ.



[1]Top. I-VII : tout ce qui concerne la découverte de l'abondance de l'argumentation : les genres de problèmes, les modalités d'attributions, les instruments et surtout les lieux.
[2]
Mieux qu'ordre (voir Tricot), qui réfère trop directement à l'ordonnance interne pour nommer la première des deux considérations qu'Aristote englobe dans ce cas : cette première considération situe toute la demande en regard des autres opérations dialectiques (choisir le lieu d'agression, s'adresser à l'interlocuteur) et philosophiques; la seconde (155b29ss) déterminera la place que doivent occuper les unes par rapport aux autres les demandes particulières selon leur nature (nécessaires, paranécessaires).
[3
] ƒEpixeireÝn. Un autre mot dont la traduction est d'importance capitale pour l'intelligence et la cohérence des Topiques. Dans le choix de ce verbe et du substantif correspondant, ¤pixeÛrhma, pour désigner l'opération dialectique par excellence, Aristote marque combien il s'agit toujours naturellement, pour le dialecticien, de réfuter une position, de conclure en contradiction avec un énoncé formulé auparavant. Attaquer et ses dérivés conviennent merveilleusement pour garder sa vitalité à ce vocabulaire aristotélicien. Attaquer (avec attaque, difficile à attaquer, attaquant, et en adjectif, agressif) fournissent une rare opportunité de traduire avec cohérence en francais toutes les occurrences du groupe ¤pixereÝn (¤pixeÛrhma, dusepixeÛrhtow, ¤pixeirhmatikñw, etc.), Tricot, par exemple, traduit ici attaque, mais exécute dans le reste du texte un slalom déconcertant entre discussion (158a35), argument (158b13), épichérème (162a16), combat (158b1), objection (160b15). Il devient ainsi fort difficile pour le lecteur de percevoir qu'Aristote parle toujours alors d'une réalité simple et unique : l'argument propre au dialecticien, en sa présentation la plus ordinaire.
[4]
Mais non identique (cf. l'usage semblable fait de
÷moiow en 155b14, en opposition explicite à taÈton : toèto d¢ ¦stin õmoion ¤pagvg¯, oé m¢n taut¯n ge). Il y a chez le savant quelque chose qui ressemble (õmoÛvw) à l'usage de lieux —  il faut bien que lui aussi découvre et détermine des principes pour son argumentation —, qui n'est pas identique, toutefois, car les principes qui con­viennent à une démonstration ne se trouvent pas strictement par l'usage de lieux, mais par l'intuition de l'essence du sujet. Le savant n'a rien à faire de précautions dont l'effet serait de faire recevoir la démonstration par son disciple un peu malgré lui, sans qu'il voie trop venir.
[5]
Taèta. Il faut bien appréhender le contexte pour saisir la visée de ce démonstratif. Le dialecticien trouve d'abord un lieu d'où attaquer la position initiale prise sur le problème; en ce lieu, en cette affinité d'attribution, il se voit suggérer, comme principes éventuels d'une attaque, tels et tels endoxes ayant cours sur le sujet du problème. Reste à ordonner leur utilisation et à passer à l'acte. — À noter que je traduirai régulièrement le neutre pluriel grec par le neutre singulier fran‹ais. Ce procédé entraîne bien sûr un aspect plus abstrait, mais l'avantage est tellement grand, à la longue, pour ce qui est d'alléger le texte et pour éviter de restreindre la portée des remarques d'Aristote à un contexte trop déterminé, que je ne puis y renoncer.
[6]
„O zhtÇn kay' ¥autñn, celui qui cherche d'après lui-même, celui, en somme qui se fait son propre répondeur : il mène l'investigation seul et se trouve comme à dialoguer avec lui-même, intérieurement. Notons bien que õ dialektikñw et õ zhtÇn kay' ¥autñn ne sont pas opposés ici comme le dialecticien avec quelqu'un dont l'activité n'aurait rien de dialectique. „O zhtÇn kay' ¥autñn, c'est le dialecticien qui n'a rien à redouter de dispositions imparfaites de son interlocuteur, soit qu'il agisse seul et se fasse son propre interlocuteur, soit, cas idéal, que son interlocuteur soit si adéquatement disposé qu'il n'ait aucun besoin d'être mis à l'épreuve; bref, c'est le dialecticien qui investigue purement et simplement le problème soulevé, c'est ² dialektik¯ kay'  aét®n, la dialectique en elle-même, dont parle Aristote en Réf. soph., 34, 183a39. Et celui qu'Aristote oppose ici à celui-là est õ dialektikñw pris plus étymologiquement; c'est le dialecticien dans les difficultés particulières liées strictement au dialogue extérieur:  l'interlocuteur risque beaucoup, au moins en quelques moments de l'investigation, de s'identifier trop avec la position ou le propos initiaux, et d'obliger son interlocuteur à le soumettre lui-même à l'examen autant que le problème. Bref, ce dialecticien contraint de se préoccuper de trouver une présentation de ses demandes adéquate aux dispositions de son interlocuteur, c'est le probateur, õ peirastikñw.
[7]
Y». Ce terme dit bien la responsabilité caractéristique de l'office du répondeur. Le demandeur propose : il suggère; et le répondeur dispose : il refuse le point de départ suggéré, ou bien, dans le meilleur cas, il l'accorde (dÛdotai) et lui donne sa propre garantie : il le pose lui-même. Je traduirai uniformément par poser le verbe (dÛdotai), le plus possible, bien qu'il faille quelquefois sentir, comme ici : vouloir ou refuser de poser.
[8]
ƒAjiÅmata. Aristote emploie plusieurs synonymes pour signifier les prémisses comme des demandes. J'essaie de rendre dans la traduction l'éclairage que produit cette variété. Ainsi, il est intéressant de noter qu'ŽjÛvma a le sens d'une demande plus exigeante, ce qui convient bien au caractère péremptoire de la prémisse scientifique que le démonstrateur, à parler strictement, exige plutôt qu'il ne la demande.
[9]
Lamb‹nein. C'est un terme typique pour rendre l'opération caractéristique du demandeur par son intention la plus prochaine, par son succès. Quand il fait bien son office, le demandeur obtient les prémisses dont l'argument devra être constitué. Dans un souci de cohérence pour les termes-clés, je traduirai le plus uniformément possible lamb‹nein
par obtenir; bien qu'il faille souvent sentir quelque chose comme chercher à obtenir; ou que, comme ici, le rapport soit quelquefois plutôt au lieu dont il faut tirer, puiser, prendre les prémisses, qu'au répondeur dont il faut les obtenir.
[10]
Tñ kayñlou, c'est la proposition universelle, celle dont le raisonnement principal tire toute sa force.  Voir 156a28 : t¯n kayñlou prñtasin.
[11]
Lñgow. Comme raison en français, lñgow désigne non seulement la faculté, mais très souvent aussi son fruit, la conception issue de cette faculté. Le lñgow désigne toujours alors une conception complexe :  tantôt une définition ou une notification de quelque sorte, produite en vue de la représentation d'une nature incomplexe, comme en 160a32 et 162b37; tantôt un énoncé, ordonné à l'expression d'une vérité, d'une opinion ou d'une supposition quelconque, comme en 183b4; tantôt même un argument, rendant compte d'un progrès du connu à l'inconnu, et même tout le dialogue qui l'enveloppe, comme ici et souvent dans le livre VIII. On ne peut sans violence traduire lñgow par raison dans tout contexte, bien qu'on trouverait souvent précieux, pour se placer du point de vue d'Aristote, de disposer d'un mot qui désigne l'œuvre de la raison sans une restriction immédiate à tel de ses actes.
[12]
SullogÛzesyai ne signifie pas seulement, de manière intransitive, l'agencement des propositions conduisant à une conclusion. Il peut aussi signifier, de manière transitive, l'acte final de tirer la conclusion; il a alors pour objet direct la conclusion. Raisonner, en français, ne se prête pas à cet usage. Aussi dois-je contourner la difficulté par une périphrase comme obtenir par raisonnement, ou parler de conduire le raisonnement à tel terme, ou encore traduire carrément par conclure, comme en 156a12. Il en va de même pour sullogismòw toè sumperÛsmatow (en 156a20) par le raisonnement du propos initial et le raisonnement de la conclusion. J'essaie de donner ici l'approximation la plus voisine possible : le raisonnement conduisant au propos initial  et le raisonnement visant la conclusion principale.
[13]
Pour l'intelligence de ce qui va suivre, il faut absolument se situer dans un contexte de dialogue et avoir très présent à l'esprit que chaque opération signalée par Aristote sera propre à l'un ou à l'autre interlocuteur, au demandeur ou au répondeur. Or Aristote précise rarement lequel; cela a l'avantage d'alléger énormément le texte et Aristote peut se le permettre du fait que le contexte parle assez clairement. Je suis sa manière en traduisant on chaque fois, justement, que la précision n'est pas faite, et cela même lorsque, un peu plus loin, Aristote parle au pluriel. Dans le cas présent, par exemple, dans si on ne pose pas, c'est le répondeur qui est visé et c'est en retour au demandeur qu'il est prescrit qu'on doit l'obtenir en le proposant moyennant une induction.
[14]
Que comporte de soi l'universel, abstrait des choses.
[15]
Xr®simow. Ici synonyme, en moins fort, d'ŽnagkaÝow, quelques lignes plus haut. Marque la nécessité conditionnelle de la proposition dont on a besoin pour obliger par raisonnement la concession d'une autre qu'on ne pourrait obtenir en elle-même immédiatement. Plus loin (v.g. 156a10), Aristote va qualifier ainsi jusqu'aux propositions des préraisonnements qui obligeront la concession des propositions nécessaires.
[16]Préraisonnement plutôt que prosyllogisme, pour garder le lien avec raisonnement.
[17]
Toè ¤j Žrx°w [prokeim¡nou]
: la conclusion que se propose dès le point de départ le demandeur, en opposition à la position initiale du répondeur: ² ¤j Žrx°w y¡siw, ou tñ ¤j Žrx°w keÛmenon.
[18]
C'est par des précisions de ce style qu'on sent qu'Aristote garde toujours bien nettement à l'esprit la distinction entre investigatoire pure et probatoire. Car pourquoi signaler spécialement le cas où on use de dissimulation si, déjà théoriquement, ce ne devait jamais être autrement?
[19]
EkeÝna êf' Ïn õ sullogismñw g¤netai, celles sous lesquelles le raisonnement s'effectue : il s'agit de ces propositions plus universelles dont on a dit auparavant qu'il fallait obtenir par préraisonnement les propositions nécessaires comme de plus haut, et même du plus haut possible (énvt‹tv, 155b30).
[20]
OÞkeÛvn : agencées en un même raisonnement pour produire ne même conclusion. Voir la paraphrase d'Alexandre (527, 27) : TÇn gŒr oÞkeÛvn kaÜ pròw tÚ aêtÚ suntelousÇn sump¡rasma protsevn §fejòw tiyem°nvn, tant qu'on pose à la suite les propositions apparentées et concourant à la même conclusion.
[21]
TÚ m¯ dokeÝn Žlñgvw ŽrneÝsyai - TÚ dokeÝn aétoæw.  Il est bien difficile de traduire uniformément dokeÝn. Tricot et Brownschwig, par exemple, y vont à cet effet de dizaines de termes plus ou moins différents dans leur traduction des Topiques. Pourtant, le vocable est extrêmement précieux et le lecteur a besoin de sentir sa réitération dans le texte, car c'est lui qui donne vie au terme trop vite technique ¦ndojow. DokeÝn marque le fait d'être attendu, de donner l'impression, de paraître fortement, d'être spontanément pensé, bref tout ce qui fait l'endoxal, tout ce qui donne naissance à l'endoxe. Il est pratiquement impossible de se fixer rigoureusement sur une traduction d'inspiration unique pour la famille ¤ndojow, dñja, dokÇ.  Endoxal, endoxe, tenir lieu d'endoxe (ou être endoxal, faire figure d'endoxe, être jugé endoxal, etc.) joueraient assez bien le rôle, à les prendre dans l'esprit de ma présentation du mot endoxal plus haut (cf. supra, p. 22, note 1). Malheureusement toutefois, tenir lieu d'endoxe, à cause de son caractère de néologisme, fait plutôt obscur au départ, alors que le verbe qu'il traduit veut donner une note concrète à l'exposé. Cet effet obscur serait spécialement regrettable quand cette traduction viendrait renforcir l'aspect pléonasmique d'expressions où le rôle de dok° devrait être au contraire de jeter de la clarté sur les termes plus abstraits que sont le substantif dñjaet l'adjectif ¦ndojow. Par exemple, en Top., I, 1, 100b21 :  Endoja d¢ tŒ dokoènta p‹sin donnerait:  Est endoxal ce qui tient lieu d'endoxe auprès de tous. On pourrait aussi imaginer de fonctionner à partir d'une étymologie première de ces termes et traduire : attendu, attente, s'attendre; le paradoxal deviendrait alors l'inattendu. Par exemple : Est attendu ce à quoi tous s'attendent. Tout cela, encore, conviendrait à peu près, sauf qu'en général le sens paraîtrait moins fort : inattendu fait moins péjoratif que paradoxal et attente moins contraignant qu'endoxe. Un passage comme le suivant, par exemple, sonnerait un peu faible :  " Tant que l'homonymie échappera à l'attention, on s'attendra à ce qu'on objecte à la proposition.» (Top., VIII, 2, 157b7-8) On ne sent pas l'actualité de l'objection présentée, on est trop tourné vers le futur. Comparer : "... il sera bien endoxal qu'on objecte à la proposition.» En outre, on manquerait d'un mot pour paradoxe (contre attente?).  Je naviguerai entre les deux options.  Je m'en tiendrai de fait le plus possible au groupe endoxal, endoxe et être endoxal. Ce sera strictement le cas pour l'adjectif et le substantif. Quant au verbe, je réserverai la racine d'aspect plus latin (s'attendre) et une expression de sens apparenté (donner l'impression) pour les cas, surtout au début, où il s'agit de présenter et de rendre familier l'
¦ndojow et où être endoxal ferait trop obscur. Les exemples précédents deviendront donc : Est endoxal ce à quoi tous s'attendent et : ... on donnera bien l'impression d'objecter à la proposition. Il faudra prendre garde, toutefois, à ne percevoir aucune couleur péjorative dans l'expression donner l'impression : dans le contexte, elle fait abstraction de ce que cette impression corresponde exactement ou non à la réalité; elle dit simplement que les faits se présentent de façon que l'option la plus raisonnable, l'option endoxale, soit de les accepter comme tels.
[22]
Tò toioèton, un énoncé de la nature de celui qu'on est à demander.
[23]
Le propos initial, la conclusion recherchée par le demandeur, en opposition à la position initiale fixée par le répondeur.
[24]
„Upolamb‹nontew, répondant de. Un terme intéressant pour désigner le répondeur : face à l'intention du demandeur d'obtenir, de lambnein, le répondeur sous-obtient, il suit l'obtention, la soutient, la garantit en quelque sorte en concevant à la suite du demandeur ce que celui-ci suggère; voir Sec. Anal., I, 33, 89a4 :  Dñja ... ¤stÜn êpñlhciw.
[25]
LÒgow. Non pas la faculté, mais son oeuvre, son raisonnement, comme lorsqu'on dit : « Donne-moi une raison.»
[26]
SuggenÇn, choses de même genre.
[27]
„OmoÛvw l¡getai, i.e. est connu par l'attribution d'une nature semblable, qu'on la nomme ou non par le même nom.
[28]
ƒApaiteÝn.  Relire supra, note 8.
[29]
Le propos (tò proteinòmenon) est la conclusion visée par le demandeur, à l'opposé de la position initiale. Comme il est justement ce qui fait l'objet de la controverse, il ne peut normalement pas être donné en objection à la demande induite pour le conclure. À moins qu'on ne puisse montrer de quelque façon qu'il est l'exception unique. « Par exemple, si quelqu'un veut prouver que la dyade n'est pas un nombre premier à partir de ce qu'aucun nombre pair n'est premier et qu'il prouve cette proposition par l'induction de tous les nombres pairs hors la dyade, sur laquelle porte la controverse, le répondant ne peut apporter d'objection sur aucun nombre pair hors la dyade. Toutefois, il résout encore l'argument, s'il montre que c'est là le propre de la seule dyade d'être un nombre premier [pair]; et s'il ne montre pas cela, il reste tenu d'apporter une objection en quelque chose de distinct.»  (S. Maurus, In VIII Top., c. 2, #5)
[30]
La négation est ajoutée, à bon droit, par Ross.
[31]
SullogÛzesyai.
[32]
Åw Žlhy¢w tiy¡nai : une expression qui dit bien le caractère de succédané du vrai comme tel qui constitue l'intérêt et la légitimité de l'endoxal.
[33]
„Upoy¡seiw.  Je préfère suppositions à hypothèses, pour garder la cohérence avec le vocabulaire de même famille utilisé antérieurement : position, poser. En général, à moins que cela ne risque trop d'obscurcir, j'ai opté pour une traduction d'étymologie latine, plus vivante parce que plus en rapport avec le génie de la langue française.

[34]
Orvn.  On attendrait êpoy¡sevn (ou problhm‹tvn, voir 158b16), comme au début du chapitre : ce qu'on attaque, c'est la position déterminée au moment d'aborder l'examen d'un problème.  Définition se comprend toutefois dans le contexte, puisque c'est l'un des contenus éventuels — et le plus convoité — d'une telle position initiale.
[35] „Upolamb‹nein.  Le vocable typique à la fonction du demandeur, qui ne peut prendre lui-même la responsabilité d'aucun énoncé, serait plutôt lamb‹nein. Le demandeur cherche à obtenir (lamb‹nei) que le répondeur suppose (êpotÛyetai) ou pose (tÛyetai) ce sur quoi lui, le demandeur, veut appuyer le raisonnement, l'attaque (¤pixeÛrhma). « „Upolamb‹nein marque comme une insistance plus grande, comme une anticipation du demandeur sur cette garantie qu'il attend du répondeur.
[36] Gr‹fesyai.  Terme technique facilement compréhensible pour la démonstration géométrique, qui comporte beaucoup de tracés.
[37]
FaÛnesyai.  Il faut entendre ici l'apparence comme un renchérissement : le répondeur doit faire en sorte que le paradoxe non seulement ne vienne pas de lui, mais en plus n'ait même pas l'air de venir de lui.
[38]
T‹ dokoènta.  Il est frappant et peut être troublant de constater comment Aristote ne se fait pas de scrupule d'employer le même vocabulaire, exactement, pour désigner les principes et les opérations du démonstrateur et du dialecticien.  Souvent, alors même qu'il insiste tellement sur le fait que le démonstrateur n'a aucunement à demander ses principes, il désigne les principes de la démonstration dans un vocabulaire à saveur de demande — ŽjiÅmata, aÞt®mata —.  Et voilà ici qu'il nomme ces principes endoxaux, attendus, justement pour signifier que, contrairement aux principes du dialecticien, ils ont à être pensés par le disciple, qu'il doit non seulement les concéder pour fin de raisonnement, mais y adhérer. Comparer la formule plus claire, bien qu'elle-même fasse appel à un vocabulaire de goût rhétorique, de Réf. soph. (2, 165b3):  DeÝ gŒr pisteæein tñn many‹nonta   Il faut que le disciple [y] croie.»
[39]
„O m® dokeÝ ŽplÇw. „O dokeÝ èplÇw.
[40]
Hors contexte, cette règle paraît un peu étrange et contribue sans doute à l'impression d'amoralité intellectuelle que beaucoup tirent de la lecture des Topiques.  Mais dans le contexte elle est simplement cohérente et parfaitement saine.  Devant un énoncé dont une contradictoire est endoxale et l'autre adoxale, on a une alternative:  ou bien le caractère endoxal de l'une satisfait et on refuse d'y voir un problème; ou bien on accepte de soumettre à l'examen cet énoncé, on veut bien y voir pour le moment un problème et du fait même on est tenu d'accepter la lumière qui vient de tout ce qui est plus endoxal que l'opposé de la position choisie:  c'est que cette décision d'en faire un problème place d'autorité les deux contradictoires de l'énoncé comme sur un pied d'égalité.
[41]
TŒ fainñmena p‹nta tŒ m¯ dokoènta
÷sa m‹llon ¦ndoja.  La parenté du vocabulaire d'Aristote pour désigner les principes dialectiques et sophistiques prête quelque peu à confusion.  Tout tient à l'homonymie de termes comme faÛnesyai et dokeÝn, aussi capables de signifier avoir l'air sans être que être manifestement.
[42]
Pour autant que toute autre façon de faire rend la discussion incohérente dès le point de départ : le répondeur se trouverait à n'avoir fait que semblant de prendre le problème pour problème et agirait ensuite comme s'il se refusait à l'examiner.

[43]
Tñ keÛmenon, la position initiale.
[44]
Toè [prokeim¡nou] ¤n Žrx»
[tñ keÛmenon] ¤n Žrx».  Il faut toujours se rappeler le contexte : une position initiale (tñ keÛmenon ¤n Žrx») du répondeur face au problème (demande initiale) détermine le propos initial (tñ prokeÛmenon ¤n Žrx») du demandeur, contradictoire de cette position initiale. Devant chaque nouvelle demande produite, le répondeur doit discerner si elle permet de conclure ce propos initial : i.e. est-elle pertinente, sans être identique?
[45]
Le sens de cette règle est-il de repousser carrément la demande? Ce paraît l'avis des commentateurs.  V.g. Sylv. Maurus (C. III, #14):  « Si ce qu'on postule a l'air vrai et conduit à ce dont on dispute, on doit dire que bien sûr cela a l'air vrai, mais que puisque c'est connexe à ce dont on dispute et que cela admis la position initiale s'en trouve évincée, ce ne doit par conséquent pas être admis par celui qui défend une telle position.» (Je souligne) Mais c'est là prêter à Aristote l'étrange mauvaise volonté d'éterniser systématiquement l'investigation. Car alors, par définition, toute proposition serait à rejeter comme pétition du propos initial du fait même qu'elle soit endoxale et pertinente au problème : donc aucune possibilité de jamais conclure. Il faut plutôt voir qu'Aristote, ici, fait présenter une double possibilité par le répondeur, pour que celui-ci joue manifestement bien son rôle et marque nettement qu'il n'est pas pris au dépourvu et voit venir : 1° avec cette demande, qu'il convient d'accorder, on conclut et l'examen est terminé, le problème n'en étant plus un; 2° mieux, on marque le point et on met le raisonnement de côté pour continuer l'examen, s'entendant pour considérer encore la question initiale comme problème et lui chercher encore d'autres principes de solution. Ainsi arrivera-t-on à justifier la description donnée plus loin (106a14) du rôle du répondeur bien tenu : « Le répondeur aura posé tout ce qui est plus endoxal que la conclusion.» — Si on se place en contexte probatoire, il y a une implication de plus : pour tester le demandeur, le répondeur, devant toute proposition pertinente, somme celui-ci de manifester qu'il n'y a pas pétition du propos.
[46]
Le répondeur.
[47]
Et non pas en raison de quelque condescendance indue.
[48]
D¡dotai.  J'ai traduit en cohérence avec cet autre contexte, beaucoup plus fréquent, dans les Topiques, où le répondeur est dit accorder au demandeur l'objet de sa demande. Ici, on lirait peut-être plus aisément :  il est permis.
[49]
On vient de prescrire de répondre ou oui ou non, mais on va ajouter que dans le cas où la réponse est non, il faut en plus objecter.
[50]
La proposition universelle qui fait tout le nœud du raisonnement principal s'obtient ou bien par une induction, ou bien par application d'un cas semblable (voir
oé ¤j êpoy®sevw sullogism‹ de Top., I, 18, 108b13), ou bien, mais plus rarement, par un préraisonnement.
[51]
ƒAlhy° kaÜ ¦ndoja
.  Encore une occasion où Aristote ne se fait pas faute d'utiliser un vocabulaire très parent avec celui de la matière scientifique. Pourquoi parler de vérité, ici? Est-ce une allusion à la double source de la matière dialectique : d'abord l'expérience sensible du singulier, tout comme dans le cas de la science, ensuite ce que la raison a généralement tendance à en tirer comme généralisation? On aurait des singuliers vrais ou endoxaux, selon que leur proximité avec l'expérience sensible en permet l'évidence directe ou le simple témoignage de l'expérience rationnelle ordinaire. À ce compte, il faudrait identifier cette distinction avec celle qui vient à la ligne suivante pour notifier l'objection : µ oëshw µ dokoæshw ou réelle ou endoxale.  Mais alors, pourquoi dans un cas kaÜ et dans l'autre µ?
[52]
L'universelle (
tÒ kayñlou) et les singuliers (tŒ m¢n oén kay' §kasta
) ne s'opposent pas tant ici comme conclusion et prémisses de l'induction, qu'en correspondance à la division antérieure des propositions de raisonnement — celle du raisonnement comme tel, toætvn t‹w ¤j Ïn õ sullogismñw, et celle qui vise à l'obtenir, tinow toætvn §neka, dont procède le plus souvent une induction —, comme prémisses du raisonnement principal et de l'induction qui le prépare. On accorde ou refuse les singuliers demandés sans plus, car normalement leur caractère endoxal ou adoxal est manifeste; mais si on refuse la proposition universelle d'où doit procéder le raisonnement, surtout alors qu'elle est préparée par une induction, il faudra apporter une objection. Les chapitres suivants (spécialement le c. 10) élaboreront ce qui peut servir comme tel.
[53]
Tñ keÛmenon.
[54]
Non pour faire le difficile, mais parce que cette attention à s'y objecter de toutes les fa‹ons légitimes est ce qui garantit le plus efficacement leur force pour détruire la position.
[55]
TŒ dokoènta. Voir supra, note 38.
[56]
Alors que certaines personnes assises n'écrivent pas et à un moment où Socrate ne serait pas assis.
[57]
Puisque cela est faux.
[58]
I.e. de nier qu'il soit assis.
[59]
Moyennant addition ou soustraction susceptible de neutraliser l'objection.
[60]
ƒEpitÛmhsiw, l'acte de mettre un prix sur ce que vaut une chose, d'où, à la limite, la réprimande administrée pour un défaut de la chose.
[61]
Tñ koinñn ¦rgon.
[62]
DuskolaÛnontew oén ŽgvnistikŒw ka‹ oé dialektikŒw poioèntai tŒw diatrib‹w. Aristote oppose clairement dispute et dialectique : d'aucune façon pour lui la dialectique strictement dite n'a pour but de l'emporter sur quelqu'un.
[63]
Nécessité conditionnelle, bien sûr : comme Aristote va le dire tout de suite, si on convient de prendre comme problème un énoncé dont une contradictoire est vraie (qu'on en soit conscient ou non) et si, pour fins d'examen, on doit chercher à conclure l'opposé (car c'est cela, concrètement, examiner), 1¡ c'est inévitablement une conclusion fausse qu'on cherchera à conclure et s¡ les prémisses endoxales qu'on trouvera éventuellement à l'appui, inévitablement, seront fausses, le faux ne se pouvant conclure que du faux.
[64]
La position initiale.
[65]
Voir supra, c. 5, 159b5 : « C'est toujours l'opposé de la position que le demandeur conclut.»
[66]
D'où tant le répondeur que le demandeur pourra et devra soumettre son interlocuteur à la probation.
[67]
Tñ fainñmenon.  Encore ce voisinage des vocabulaires dialectique et sophistique.
[68]
Anyrvpoi.
[69]
À bien remarquer qu'il ne s'agit ici que de reproches matériels.
[70]
Blâmable parce que procédant d'adoxes mais recommandable parce que procédant malgré tout de ce que le propos présente de plus endoxal. Voir S. Maurus, In Top., VIII, c. 4, #18 (558) :  « Le raisonnement constitué d'[une matière] improbable, mais moins improbable que la conclusion, est certes en lui-même répréhensible, en ce qu'il procède d'[une matière] improbable, mais louable relativement à la conclusion, puisque procédant d'[une matière] moins improbable que la conclusion et de ce qu'il y a de plus probable par quoi une telle conclusion puisse se prouver.»
[71]
Difficile à interpréter. Deux possibilités : 1° on a procédé d'endoxes, mais le problème se prête à mieux encore. Voir Maurus, In Top., VIII, c. 4, #18 (558) : « Si quelqu'un prouve une conclusion probable à partir d'[une matière] probable, mais en omettant des propositions beaucoup meilleures et bien plus probables, en lui-même le raisonnement sera louable, en ce qu'il procède d'[une matière] probable, mais il sera répréhensible relativement à la conclusion, puisqu'une telle conclusion pourrait se prouver beaucoup mieux et à partir d'[une matière] beaucoup plus probable.» Mais le texte grec oppose deux difficultés à cette interprétation:  =&dion n'est pas le comparatif et ¬ ne marque pas le conditionnel; 2° on a beaucoup d'endoxes dont procéder, mais la conclusion tirée n'a rien à voir avec le problème. Voir s. Albert, In Top., VIII, tr. 2, c. 7:  « Rien n'empêche un discours, certes, d'être louable en lui-même, mais répréhensible en regard du problème du fait qu'il ne fasse rien au propos. Et cela arrive quand le discours est conclu de ce qui est plus probable et plus vrai et plus facile à prouver, mais sans cependant concerner le propos.» Une difficulté : le deuxième élément, l'impertinence, est sous-entendu par Aristote.
[72]
I.e. pas toujours légitime, pas automatiquement légitime.
[73]
ƒApñrhma.  Tout raisonnement dialectique est attaque (§pixeÛrhma). Mais il est soit une réfutation — et on peut alors le nommer aussi impasse —, soit une réduction, un sullogismñw diŒ toè Žduntou.  
[74]
Le raisonnement est ici d'abord considéré génériquement et nommé du nom commun à toute œuvre de la raison,
lñgow, puis plus spécifiquement comme chicanier, et son genre prend alors le nom de sullogismñw. C'est la même réalité nommée plus communément et plus précisément.  
[75]
Toè l¡gontow. Le grec arrive à désigner dans le même mot celui qui parle et celui qui raisonne, l'interlocuteur et le raisonneur. Il y a à travers tout le texte cette unité de vocabulaire qui fait identifier comme chose matériellement une la discussion et le raisonnement (lñgow).  
[76]
La réduction à l'absurde ou au paradoxal est un raisonnement faux, puisqu'il conclut quelque chose qui n'est pas le propos. Mais, à condition d'être voulu, il n'est pas pour autant une faute de l'interlocuteur, puisqu'il est démonstration qu'un de ses éléments, la position initiale, a eu tort d'être posé, ce qui revient à réaliser le propos, qui est inévitablement sa contradictoire.  
[77]
Logikñw, rationnel, conforme aux exigences de la raison.  
[78]
Voir Prem. Anal., II, 16, où Aristote distingue la requête du propos initial d'autres formes de non-démonstration du propos. Il s'agit du même vice ici, mais le paysage change substantiellement selon que c'est en vérité ou selon l'opinion qu'on juge la prémisse et le propos identiques. Sur le plan du vocabulaire, il est intéressant de remarquer qu'en Prem. Anal., II, 16, Aristote rapporte
¤n Žrx» prokeÛmenon (64b29, 39) et même à deiknæmenon (65a28); donc à propos et non à question, et que §n Žrx» est employé de pair avec §j Žrx»w et donc signifie plutôt le fait d'être initial, au début, dès le début et non d'être mis ou utilisé comme principe. Spécialement : Tñ d' §n Žrx» aÞteÝsyai kaÜ lamb‹nein ¤stÜ m¡n, …w §n g¡nei labeÝn, ¤n tÒ m¯ épodeiknænai tñ prokeÛmenon» (64b28-39), où on voit bien que aÞteÝsyai, postuler, et `épodeiknænai, démontrer, se disputent le même objet : tñ prokeÛmenon, le propos. Et : ƒEéyçw ŽjiÅsai tñ prokeÛmenon» (64b38-39), donné comme équivalent de aÞteÝsyai tñ §n Žrx»», i.e. réclamer immédiatement le propos, comme équivalent de postuler le [propos] initial.  
[79]
Un cas frappant où
¤pixeirÅn est pris aussi largement qu'argumenter, synonyme de prouver, syllogiser, qui est son genre.  
[80]
GumnasÛa. La répétition des actes liés à la production des raisonnements, dans un contexte artificiel qui permet de diviser les difficultés et de développer l'excellence dans cette production.  
[81]
Mel¡th. L'étude visant à garder en mémoire tout ce qui va raccourcir le processus de la production des raisonnements.  
[82]
La formulation est étonnante. Aristote semble dire : « On peut mieux attaquer, puisqu'il s'ensuit qu'on défende les contraires.» Du fait de prévoir mieux les arguments contre lesquels se défendre, on sait mieux par lesquels attaquer? est-ce cela que dit Aristote? C'est vrai, mais inattendu. J'attendrais plutôt :
kaÛ. J'essaie d'articuler le tout : 1º il faut s'accoutumer à convertir; 2º il faut chercher les attaques contre toute position, affirmative ou négative; 3º puis leur solution; 4º il faut comparer et ranger par force attaques et solutions. Résultat : cet appareil abondant et ordonné d'attaques et de solutions constitue une grande force pour attaquer et défendre tant un contraire que l'autre.  
[83]
Prñw t¯n gnÅsin kaÜ t¯n katŒ filosofÛan frñnhsin. C'est-à-dire, respectivement, la connaissance des conclusions et des principes de la science. Assimiler l'intelligence des principes à une espèce de prudence a vraiment quelque chose d'intéressant, à cause du caractère immédiat de cette connaissance.  
[84]
Eé gŒr filoèntew kaÜ misoèntew tñ prosferñmenon eé krÛnousi tñ b¡ltiston. Il y a chez les gens bien disposés en regard de la vérité une espèce de flair qui leur fait anticiper si c'est l'affirmative ou la négative d'un problème qui constituera le principe ou la conclusion de la science, soit tout de suite, pour les choses plous apparentes, soit après un examen dialectique, pour les choses plus obscures, mais toujours immédiatement, c'est-à-dire sans moyen terme vraiment proportionné.  
[85]
Les raisonnements qui attaquent les positions premières?  
[86]
Qu'est-ce à dire? Simplement que les répondeurs soulèvent le plus facilement et fréquemment des objections contre des arguments visant les positions premières, parce qu'ils en ont l'expérience? Ou, comme pense Tricot, que les positions premières leur paraissent tellement évidentes qu'ils n'aiment pas en discuter? Mais la réponse, alors, ne devrait-elle pas leur être plus facile à donner? À moins qu'on veuille dire que cette impression plus grande d'évidence porte plus fortement à refuser tout ce qui permettrait de conclure contre? De là viendrait une importance plus grande de savoir qu'est-ce qui peut attaquer efficacement, et de pouvoir le présenter avec force, surtout que cela peut avoir à revenir souvent.  
[87]
Auxquels reviennent le plus souvent les raisonnements (voir supra, 163b22), et qu'il faut posséder.  
[88]
Encore une remarque où il sera impossible de ne pas voir de mauvaise volonté, si on ne discerne pas la teinte probatoire qui colore tout cet exposé d'Aristote.  
[89]
Justement pour ne pas donner inutilement prise à un grand nombre apparent d'objections, toutes tirées en fait de la même source.  
[90]
GumnasÛa. Aristote met ici sous ce mot non pas tant l'acte, l'opération de s'exercer, que son résultat : le fait d'être exercé, la facilité que cela donne par exemple d'induire ou de syllogiser. On traduirait peut-être mieux alors par pratique, qui a plus facilement les deux sens. De plus, comme tout usage est déjà exercice et pratique, Aristote ne limite pas l'exercice à une situation artificiellement créée pour lui et cherche à faire de tout usage l'occasion d'un exercice plus efficace en indiquant quelles circonstances naturelles se prêtent le mieux à la pratique de quoi.  
[91]
Tout ce paragraphe est un exemple de la fa‹on dont raisonnement et discussion (dialogue) s'assimilent, au point qu'Aristote peut parler sans difficulté de
dilogow, de dial¡gesyai et de lñgow à propos de la même réalité, et qualifier à la fois le mauvais raisonnement et la mauvaise discussion avec l'unique mot ponhrologÛan. Il y a quelque chose d'un peu semblable tout de même en français avec le raisonnement, qui englobe la discussion dans certains contextes. Par exemple : « Cesse de raisonner!» est plus large que : « Arrête ton argument!», « Arrête cet argument déterminé!»