Aristote : Topiques

ARISTOTE

LOGIQUE. TOME QUATRE

TOPIQUES : LIVRE II : LIEUX COMMUNS DE L'ACCIDENT.

Traduction française : BARTHÉLÉMY SAINT-HILAIRE.

 

 

 

TOPIQUES.

LIVRE SECOND.

LIEUX COMMUNS DE L'ACCIDENT.

 

 

 

 

 

TOPIQUES.

LIVRE SECOND.

LIEUX COMMUNS DE L'ACCIDENT.

CHAPITRE PREMIER.

Préliminaires.— Questions universelles et particulières : — Priorité des questions universelles négatives. — Différence de l'accident et des trois autres instruments dialectiques. — Vices des questions.

ΚΕΦΑΛΑΙΟΝ Α'

[108b] § 1. Ἔστι δὲ τῶν προβλημάτων τὰ μὲν καθόλου τὰ δ´ ἐπὶ μέρους. Καθόλου μὲν οὖν οἷον ὅτι πᾶσα ἡδονὴ ἀγαθὸν καὶ ὅτι οὐδεμία ἡδονὴ ἀγαθόν· ἐπὶ μέρους δὲ οἷον ὅτι ἔστι τις ἡδονὴ [109a] ἀγαθὸν καὶ ὅτι ἔστι τις ἡδονὴ οὐκ ἀγαθόν.

§ 2. Ἔστι δὲ πρὸς ἀμφότερα τὰ γένη τῶν προβλημάτων κοινὰ τὰ καθόλου κατασκευαστικὰ καὶ ἀνασκευαστικά· δείξαντες γὰρ ὅτι παντὶ ὑπάρχει, καὶ ὅτι τινὶ ὑπάρχει δεδειχότες ἐσόμεθα· ὁμοίως δὲ κἂν ὅτι οὐδενὶ ὑπάρχει δείξωμεν, καὶ ὅτι οὐ παντὶ ὑπάρχει δεδειχότες ἐσόμεθα. § 3. Πρῶτον οὖν περὶ τῶν καθόλου ἀνασκευαστικῶν ῥητέον διά τε τὸ κοινὰ εἶναι τὰ τοιαῦτα πρὸς τὰ καθόλου καὶ τὰ ἐπὶ μέρους, καὶ διὰ τὸ μᾶλλον τὰς θέσεις κομίζειν ἐν τῷ ὑπάρχειν ἢ μή, τοὺς δὲ διαλεγομένους ἀνασκευάζειν.

§ 4.  Ἔστι δὲ χαλεπώτατον τὸ ἀντιστρέφειν τὴν ἀπὸ τοῦ συμβεβηκότος οἰκείαν ὀνομασίαν· τὸ γὰρ πῇ καὶ μὴ καθόλου ἐπὶ μόνων ἐνδέχεται τῶν συμβεβηκότων. Ἀπὸ μὲν γὰρ τοῦ ὅρου καὶ τοῦ ἰδίου καὶ τοῦ γένους ἀναγκαῖον ἀντιστρέφειν. Οἷον εἰ ὑπάρχει τινὶ ζῴῳ πεζῷ δίποδι εἶναι, ἀντιστρέψαντι ἀληθὲς ἔσται λέγειν ὅτι ζῷον πεζὸν δίπουν ἐστίν. Ὁμοίως δὲ καὶ ἀπὸ τοῦ γένους· εἰ γὰρ ζῴῳ ὑπάρχει τινὶ εἶναι, ζῷόν ἐστιν. Τὰ δ´ αὐτὰ καὶ ἐπὶ τοῦ ἰδίου· εἰ γὰρ ὑπάρχει τινὶ γραμματικῆς δεκτικῷ εἶναι, γραμματικῆς δεκτικὸν ἔσται. Οὐδὲν γὰρ τούτων ἐνδέχεται κατά τι ὑπάρχειν ἢ μὴ ὑπάρχειν, ἀλλ´ ἁπλῶς ὑπάρχειν ἢ μὴ ὑπάρχειν. Ἐπὶ δὲ τῶν συμβεβηκότων οὐδὲν κωλύει κατά τι ὑπάρχειν, οἷον λευκότητα ἢ δικαιοσύνην, ὥστε οὐκ ἀπόχρη τὸ δεῖξαι ὅτι ὑπάρχει λευκότης ἢ δικαιοσύνη πρὸς τὸ δεῖξαι ὅτι λευκὸς ἢ δίκαιός ἐστιν· ἔχει γὰρ ἀμφισβήτησιν ὅτι κατά τι λευκὸς ἢ δίκαιός ἐστιν. Ὥστ´ οὐκ ἀναγκαῖον ἐπὶ τῶν συμβεβηκότων τὸ ἀντιστρέφειν.

§ 5. Διορίσασθαι δὲ δεῖ καὶ τὰς ἁμαρτίας τὰς ἐν τοῖς προβλήμασιν, ὅτι εἰσὶ διτταί, ἢ τῷ ψεύδεσθαι ἢ τῷ παραβαίνειν τὴν κειμένην λέξιν· οἵ τε γὰρ ψευδόμενοι καὶ τὸ μὴ ὑπάρχον ὑπάρχειν τινὶ λέγοντες ἁμαρτάνουσι, καὶ οἵ, τοῖς ἀλλοτρίοις ὀνόμασι τὰ πράγματα προσαγορεύοντες, οἷον τὴν πλάτανον ἄνθρωπον, παραβαίνουσι τὴν κειμένην ὀνομασίαν.

[108b] § 1. Parmi les questions, les unes sont universelles, et les autres particulières; universelles, comme, par exemple, celles-ci : Tout plaisir est un bien, aucun plaisir n'est un bien ; particulières, comme celles-ci : Quelque plaisir [109a] est un bien, quelque plaisir n'est pas un bien.

§ 2. Les questions universelles, soit qu'elles affirment, soit qu'elles nient, peuvent également servir pour les deux genres de questions; je veux dire que si l'on a montré qu'un attribut appartient à tout le sujet, on a montré par cela même, qu'il appartient aussi à quelque partie du sujet; et de même, si nous prouvons qu'il n'appartient aucunement au sujet, nous aurons aussi prouvé qu'il n'est pas à tout le sujet. § 3. Il faut donc traiter en premier lieu des négations universelles, d'abord parce qu'elles sont également applicables et aux cas universels et aux cas particuliers; et ensuite, parce qu'en général, les interlocuteurs posent plutôt des thèses affirmatives que des thèses négatives; et que, par conséquent, ceux qui discutent ont à les réfuter par des négations.

§ 4. Il est très difficile de convertir en une proposition réciproque la dénomination spéciale qui vient de l'accident; car la dénomination particulière et non universelle n'est possible que pour les accidents. La dénomination, au contraire, qu'on tire du propre, de la définition, et du genre, doit nécessairement se convertir en une proposition réciproque. Par exemple, s'il appartient à un sujet d'être animal bipède terrestre, il sera vrai aussi de dire, en convertissant réciproquement la proposition, qu'il est animal terrestre bipède. Et de même pour la dénomination tirée du genre; car s'il appartient à quelque sujet d'être animal, on peut dire avec vérité qu'il est animal. Même remarque pour la dénomination tirée du propre. S'il appartient à quelque être d'être susceptible de savoir la grammaire, on pourra dire avec vérité qu'il est susceptible de savoir la grammaire. C'est qu'en effet, aucune de ces dénominations ne peut pas être ou ne pas être en partie et relativement ; mais elles sont absolument, ou ne sont pas absolument. Au contraire, pour les accidents, rien n'empêche qu'ils ne soient que relativement. Prenons pour exemples la blancheur et la justice. Il ne suffit pas de prouver que l'homme a de la justice et de la blancheur pour prouver qu'il est juste et blanc; car il y a toujours doute, dans ce cas, de savoir s'il est blanc et juste seulement d'une manière relative. Donc, il n'y a pas de conversion nécessaire pour les accidents.

§ 5. Il faut indiquer aussi les vices que peuvent présenter les questions ; ils sont de deux espèces : ou bien l'on se trompe, ou bien l'on détourne un mot de l'acception ordinaire. On tombe dans le premier vice, quand on soutient qu'un attribut qui n'appartient pas réellement au sujet lui appartient ; et quand on appelle les choses de noms qui ne leur conviennent pas, par exemple, quand on appelle le platane homme, on détourne le mot de son acception reçue.


 

 

§ 1. Parmi les questions, on peut ajouter aussi : et les propositions, car les propositions, mieux encore que les questions, sont universelles et particulières, comme on l'a dit dans les Derniers Analytiques, liv. 1, ch. 1, § 5 et suiv., et  dans l'Herméneia, ch. 7 tout entier.

§ 2. Pour les deux genres de  questions , c'est-à-dire, pour les  universelles et les particulières. La  proposition universelle, soit qu'elle affirme, soit qu'elle nie, enveloppe toujours, et nécessairement, la proposition particulière de même qualité qu'elle.

§ 3. Des universelles négatives, Eudème, dans ses Analytiques, ou dans son Commentaire sur les Analytiques d'Aristote, remarquait, au rapport d'Alexandre, que le dialecticien a bien plus souvent occasion de renverser des propositions que d'en établir. C'est donc avec raison qu'Aristote commence par les propositions dont l'emploi est le plus fréquent. — Des thèses affirmatives, ou des questions sous forme affirmative.

§ 4. Convertir en une proposition réciproque, Alexandre fait observer avec grande raison qu'Aristote prend ici le mot convertir dans un autre sens que celui qu'il lui donnait dans les Premiers Analytiques. La convertir veut dire changer le sujet en attribut, et réciproquement l'attribut en sujet Ainsi cette proposition : L'homme est un être animé, peut se convertir en celle-ci : L'être animé est homme. On peut voir Premiers Analytiques, liv. 2, ch. 12, une longue note sur les divers emplois qu'Aristote a faits du mot convertir. Celui dont il s'agit ici est encore différent de tous les autres. Il eût mieux fait, pour chaque cas spécial, de forger des mots nouveaux, droit qu'il ne s'est pas refusé, comme le témoignent les Catégories, ch. 7, § 11, et quelques autres passages moins directs que celui-là.

La dénomination spéciale, j'ai pris le mot de dénomination, quoiqu'un peu obscur dans ce passage, parce qu'il répond plus fidèlement au texte que tout autre mot.

 — La dénomination particulière, le texte dit : En quelque lieu, pour indiquer la particularité; le genre, le propre, la définition, sont universels au contraire, en ce sens qu'ils s'appliquent au sujet tout entier, et non à une partie seulement du sujet.

Si l'on attribue à un sujet;... en convertissant réciproquement la proposition, ainsi l'on peut,en parlant de l'attribut, dire: Tel attribut appartient à tel sujet ; et l'on peut alors réciproquement, en parlant du sujet, dire : Il est doué de tel attribut. Si l'on pense, par exemple, que l'attribut d'animal terrestre bipède appartient à un être, on peut réciproquement, et par la conversion, dire : Tel être est animal terrestre bipède. Ce n'est pas une véritable conversion ; c'est seulement la mise en forme d'un jugement, renonciation d'une proposition.

A de la justice et de la blancheur; qu'il a montré de la justice dans telle occasion, qu'il a de la blancheur dans telle partie du corps, comme l'Ethiopien a de la blancheur aux dents, pour prendre l'exemple de commentateurs grecs ; et cependant on ne pourra pas dire d'une manière générale que l'Ethiopien est blanc, pas plus que d'un homme juste par hasard, par accident, on ne dit qu'il est juste, ce qui s'entendrait d'une justice constante et absolue et non point d'un acte de justice passagère.

§ 5. Qui n'appartient pas réellement au sujet, Alexandre cite comme une erreur de ce genre l'opinion de l'immatérialité et de l'immortalité de l'âme. C'est pour lui une erreur aussi manifeste que de croire que les corps se composent de simples surfaces, que le mouvement vient du vide, que deux et deux font cinq, que le plaisir est la fin de l'homme. On sait assez, du reste, quelle est l'opinion d'Alexandre sur l'àme; mais il ne l'a nulle part exprimée d'une manière plus formelle qu'ici.

quand on appelle le platane homme ; parfois l'erreur n'est pas aussi évidente, et ceux qui soutiennent, par exemple, que le sage est le seul riche, le seul noble, le seul bon, le seul éloquent, détournent ces mots, bien que moins évidemment, du sens qu'ils ont pour le vulgaire. C'était, comme l'on sait, l'opinion des stoïciens, dans le portrait de leur sage idéal.

CHAPITRE II.

Lieux communs de l'accident. — Cinq lieux : 1° de l'erreur commise quand on prend pour accident ce qui ne l'est pas ; 2° regarder aux espèces du sujet; 3° définir l'accident et le sujet ; 4° se faire des objections tacites contre la thèse de l'interlocuteur ; 5° choisir entre les dénominations ordinaires des choses.

§ 1. Εἷς μὲν δὴ τόπος τὸ ἐπιβλέπειν εἰ τὸ κατ´ ἄλλον τινὰ τρόπον ὑπάρχον ὡς συμβεβηκὸς ἀποδέδωκεν. Ἁμαρτάνεται δὲ μάλιστα τοῦτο περὶ τὰ γένη, οἷον εἴ τις τῷ λευκῷ φαίη συμβεβηκέναι χρώματι εἶναι· οὐ γὰρ συμβέβηκε τῷ λευκῷ χρώματι εἶναι, ἀλλὰ γένος αὐτοῦ τὸ χρῶμά ἐστιν. Ἐνδέχεται μὲν οὖν καὶ κατὰ τὴν ὀνομασίαν διορίσαι τὸν τιθέμενον, [110a] οἷον ὅτι συμβέβηκε τῇ δικαιοσύνῃ ἀρετῇ εἶναι· πολλάκις δὲ καὶ μὴ διορίσαντος κατάδηλον ὅτι τὸ γένος ὡς συμβεβηκὸς ἀποδέδωκεν, οἷον εἴ τις τὴν λευκότητα κεχρῶσθαι φήσειεν ἢ τὴν βάδισιν κινεῖσθαι. Ἀπ´ οὐδενὸς γὰρ γένους παρωνύμως ἡ κατηγορία κατὰ τοῦ εἴδους λέγεται, ἀλλὰ πάντα συνωνύμως τὰ γένη τῶν εἰδῶν κατηγορεῖται· καὶ γὰρ τοὔνομα καὶ τὸν λόγον ἐπιδέχεται τὸν τῶν γενῶν τὰ εἴδη. Ὁ οὖν κεχρωσμένον εἴπας τὸ λευκὸν οὔτε ὡς γένος ἀποδέδωκεν, ἐπειδὴ παρωνύμως εἴρηκεν, οὔθ´ ὡς ἴδιον ἢ ὡς ὁρισμόν· ὁ γὰρ ὁρισμὸς καὶ τὸ ἴδιον οὐδενὶ ἄλλῳ ὑπάρχει, κέχρωσται δὲ πολλὰ καὶ τῶν ἄλλων, οἷον ξύλον λίθος ἄνθρωπος ἵππος. Δῆλον οὖν ὅτι ὡς συμβεβηκὸς ἀποδέδωκεν.

§ 2. Ἄλλος τὸ ἐπιβλέπειν οἷς ὑπάρχειν ἢ πᾶσιν ἢ μηδενὶ εἴρηται. Σκοπεῖν δὲ κατ´ εἴδη καὶ μὴ ἐν τοῖς ἀπείροις· ὁδῷ γὰρ μᾶλλον καὶ ἐν ἐλάττοσιν ἡ σκέψις. Δεῖ δὲ σκοπεῖν καὶ ἄρχεσθαι ἀπὸ τῶν πρώτων, εἶτ´ ἐφεξῆς ἕως τῶν ἀτόμων. Οἷον εἰ τῶν ἀντικειμένων τὴν αὐτὴν ἐπιστήμην ἔφησεν εἶναι, σκεπτέον εἰ τῶν πρός τι καὶ τῶν ἐναντίων καὶ τῶν κατὰ στέρησιν καὶ ἕξιν καὶ τῶν κατ´ ἀντίφασιν λεγομένων ἡ αὐτὴ ἐπιστήμη. Κἂν ἐπὶ τούτων μήπω φανερὸν ᾖ, πάλιν ταῦτα διαιρετέον μέχρι τῶν ἀτόμων· οἷον εἰ τῶν δικαίων καὶ ἀδίκων, ἢ τοῦ διπλασίου καὶ ἡμίσεος, ἢ τυφλότητος καὶ ὄψεως, ἢ τοῦ εἶναι καὶ μὴ εἶναι. Ἐὰν γὰρ ἐπὶ τινὸς δειχθῇ ὅτι οὐχ ἡ αὐτή, ἀνῃρηκότες ἐσόμεθα τὸ πρόβλημα· ὁμοίως δὲ καὶ ἐὰν μηδενὶ ὑπάρχῃ. Οὗτος δ´ ὁ τόπος ἀντιστρέφει πρὸς τὸ κατασκευάζειν καὶ ἀνασκευάζειν. Ἐὰν γὰρ ἐπὶ πάντων φαίνηται διαίρεσιν προενέγκασιν ἢ ἐπὶ πολλῶν, ἀξιωτέον καὶ καθόλου τιθέναι ἢ ἔνστασιν φέρειν ἐπὶ τίνος οὐχ οὕτως· ἐὰν γὰρ μηδέτερον τούτων ποιῇ, ἄτοπος φανεῖται μὴ τιθείς.

 § 3. Ἄλλος τὸ λόγους ποιεῖν τοῦ τε συμβεβηκότος καὶ ᾧ συμβέβηκεν, ἢ ἀμφοτέρων καθ´ ἑκάτερον ἢ τοῦ ἑτέρου, εἶτα σκοπεῖν εἴ τι μὴ ἀληθὲς ἐν τοῖς λόγοις ὡς ἀληθὲς εἴληπται. Οἷον εἰ ἔστι θεὸν ἀδικεῖν, τί τὸ ἀδικεῖν; εἰ γὰρ τὸ βλάπτειν ἑκουσίως, δῆλον ὡς οὐκ ἔστι θεὸν ἀδικεῖσθαι· οὐ γὰρ ἐνδέχεται βλάπτεσθαι τὸν θεόν. Καὶ εἰ φθονερὸς ὁ σπουδαῖος, τίς ὁ φθονερὸς καὶ τί ὁ φθόνος; εἰ γὰρ ὁ φθόνος ἐστὶ λύπη ἐπὶ φαινομένῃ εὐπραγίᾳ τῶν ἐπιεικῶν τινος, δῆλον ὅτι ὁ σπουδαῖος οὐ φθονερός· φαῦλος γὰρ ἂν εἴη. Καὶ εἰ ὁ νεμεσητικὸς φθονερός, τίς ἑκάτερος αὐτῶν; οὕτω γὰρ καταφανὲς [110b] ἔσται πότερον ἀληθὲς ἢ ψεῦδος τὸ ῥηθέν· οἷον εἰ φθονερὸς μὲν ὁ λυπούμενος ἐπὶ ταῖς τῶν ἀγαθῶν εὐπραγίαις, νεμεσητικὸς δ´ ὁ λυπούμενος ἐπὶ ταῖς τῶν κακῶν εὐπραγίαις, δῆλον ὅτι οὐκ ἂν εἴη φθονερὸς ὁ νεμεσητικός. Λαμβάνειν δὲ καὶ ἀντὶ τῶν ἐν τοῖς λόγοις ὀνομάτων λόγους, καὶ μὴ προαφίστασθαι ἕως ἂν εἴς τι γνώριμον ἔλθῃ· πολλάκις γὰρ ὅλου μὲν τοῦ λόγου ἀποδοθέντος οὔπω δῆλον τὸ ζητούμενον, ἀντὶ δέ τινος τῶν ἐν τῷ λόγῳ ὀνομάτων λόγου ῥηθέντος κατάδηλον γίνεται.

§ 4. Ἔτι τὸ πρόβλημα πρότασιν ἑαυτῷ ποιούμενον ἐνίστασθαι· ἡ γὰρ ἔνστασις ἔσται ἐπιχείρημα πρὸς τὴν θέσιν. Ἔστι δ´ ὁ τόπος οὗτος σχεδὸν ὁ αὐτὸς τῷ ἐπιβλέπειν οἷς ὑπάρχειν ἢ πᾶσιν ἢ μηδενὶ εἴρηται· διαφέρει δὲ τῷ τρόπῳ.

§ 5. Ἔτι διορίζεσθαι ποῖα δεῖ καλεῖν ὡς οἱ πολλοὶ καὶ ποῖα οὔ· χρήσιμον γὰρ καὶ πρὸς τὸ κατασκευάζειν καὶ πρὸς τὸ ἀνασκευάζειν· οἷον ὅτι ταῖς μὲν ὀνομασίαις τὰ πράγματα προσαγορευτέον καθάπερ οἱ πολλοί, ποῖα δὲ τῶν πραγμάτων ἐστὶ τοιαῦτα ἢ οὐ τοιαῦτα, οὐκέτι προσεκτέον τοῖς πολλοῖς. Οἷον ὑγιεινὸν μὲν ῥητέον τὸ ποιητικὸν ὑγιείας, ὡς οἱ πολλοὶ λέγουσιν· πότερον δὲ τὸ προκείμενον ποιητικὸν ὑγιείας ἢ οὔ, οὐκέτι ὡς οἱ πολλοὶ κλητέον ἀλλ´ ὡς ὁ ἰατρός.

 

 

§ 1. Un premier lieu pour l'accident, c'est d'examiner si l'on n'a pas donné comme accident un attribut qui appartient au sujet à tout autre titre. C'est surtout relativement aux genres que se commet cette erreur. Par exemple, l'on dit que c'est un accident pour le blanc d'être une couleur ; car, loin que ce soit un accident pour le blanc d'être une couleur, la couleur, au contraire, en est le genre. Il peut arriver parfois que l'interlocuteur qui pose sa thèse, détermine l'espèce de l'attribut par la dénomination même de l'accident ; [110a] et que, par exemple, il dise que c'est un accident de la justice d'être une vertu. Mais dans la plupart des cas, même sans qu'il ait ainsi détermine la chose, il est de toute évidence qu'il â pris le genre comme accident : par exemple, si l'on dit que la blancheur est colorée ou que la marche a remué ; car jamais l'attribution ne se fait par dérivation paronyme du genre à l'espèce ; mais les genres sont toujours attribués synonymiquement aux espèces, puisque les espèces reçoivent et la dénomination et la définition des genres. Lors donc que l'on dit que le blanc est coloré, on ne donne cet attribut, ni comme genre, puisqu'on le forme par dérivation paronyme, ni comme propre, ni comme définition; car la définition et le propre ne sont à aucune autre chose que le sujet. Il y a bien d'autres choses que le blanc qui sont colorées : par exemple, le bois, la pierre, l'homme, le cheval, etc. Il est donc clair qu'on a pris cet attribut comme accident.

§ 2. Un autre lieu, c'est d'examiner les sujets dont l'attribut est affirmé ou pris universellement. Il faut regarder aux espèces, et non pas aux cas particuliers qui sont infinis; car l'observation se fait mieux sur un moindre nombre et pas à pas. Or, il faut commencer cet examen par les primitifs, et descendre ensuite jusqu'aux individus : par exemple, si l'adversaire a dit qu'il n'y avait qu'une science unique pour les choses opposées, il faut examiner s'il y a une science unique pour les relatifs, et pour les contraires, et pour les opposés par privation et possession, et pour les opposés par contradiction. Et si l'assertion n'est pas évidente pour ces cas mêmes, il faut pousser les subdivisions jusqu'aux individus, et voir par exemple si la science est unique pour le juste et l'injuste, pour le double et la moitié, pour l'aveuglement et la vue, pour l'être et le non-être ; car si l'on prouve pour un seul cas que la notion n'est pas la même, nous aurons détruit pour cela même l'assertion universelle. Même procédé si l'assertion universelle était négative. Ce lieu peut tout aussi bien servir à établir une assertion qu'à en réfuter une. Si l'on voit en poussant la division que l'attribut appartient à tous les sujets, ou du moins au plus grand nombre, on peut demander à l'interlocuteur de reconnaître cet attribut pour universel, ou de démontrer, en le réfutant, qu'il y a un sujet auquel il n'appartient pas; et si l'interlocuteur ne fait ni l'un ni l'autre, il paraîtra se donner le tort de ne point admettre l'attribut discute.

§ 3. Un autre lieu, c'est de faire la définition de l'accident et du sujet auquel il est attribué, ou de tous les deux pris ensemble, ou de l'un des deux pris à part : et de voir ensuite si l'on n'a point pris pour vrai dans les définitions quelque élément qui ne l'est pas. Par exemple, si l'on avance qu'il est possible de faire tort à Dieu, il faut voir ce que c'est que faire tort; car si l'on entend par faire tort faire volontairement du mal, il est évident qu'on ne saurait faire tort à Dieu, puisqu'on ne peut faire de mal à Dieu. Si l'on soutient que l'homme vertueux est envieux, on aura à se demander ce que c'est que l'envieux et l'envie ; car si l'envie est une douleur de ce qui arrive de bonheur à quelque homme honorable, il est évident que l'homme vertueux ne sera pas envieux ; car alors il serait méchant. Si l'on prétend que le grondeur est envieux, on cherchera à définir ce que c'est que l'un et l'autre. [110b] C'est ainsi qu'on verra clairement si l'assertion émise est fausse ou vraie : par exemple, si l'envieux est celui qui s'afflige du succès des gens de bien, et le grondeur celui qui s'afflige du succès des méchants, il est évident que le grondeur ne sera pas envieux. Parfois on doit prendre des définitions à la place de certains mots que les définitions même renferment, et ne point s'arrêter jusqu'à ce qu'on soit arrivé à quelque terme tout à fait connu. C'est que souvent, en prenant la définition tout entière qui a été donnée, on ne découvre pas nettement ce qu'on cherche : mais on le découvre aussitôt,si l'on prend une définition à la place de l'un des mots que renferme la définition initiale.

§ 4. On peut encore réfuter la question en s'en faisant à soi-même une proposition ; car la réfutation qu'on trouvera de cette façon sera une attaque contre la thèse de l'interlocuteur. Ce lieu, du reste, est à peu près le même que celui qui consiste à voir quels sont les sujets dont l'attribut est affirmé ou nié universellement : la seule différence est dans la forme.

§ 5. Il faut encore déterminer les choses qu'il convient, et celles qu'il ne convient pas, d'appeler par les noms qu'on leur donne ordinairement. Cela est utile, soit pour soutenir, soit pour réfuter une assertion : par exemple, on peut dire qu'il faut désigner les choses par leurs dénominations habituelles. Mais, quant à distinguer les choses qui ont telle qualité et celles qui ne l'ont pas, il ne faut plus sur cette question s'en rapporter au vulgaire. Ainsi, on peut bien appeler sain ce qui donne la santé, comme tout le monde fait; mais pour savoir si l'objet en question donne ou ne donne pas la santé, ce n'est pas comme le vulgaire qu'il faut dire, c'est comme le médecin.

§ 1. Un premier lieu, Théophraste, au rapport d'Alexandre, distinguait, avant le lieu lui-même, le précepte général qui l'indique et le recommande. Ce précepte vient nécessairement avant le lieu; et ici, par exemple, le précepte serait : Il faut examiner si ce qui appartient au sujet à un titre autre que l'accident lui est cependant attribué comme simple accident; et le lieu proprement dit serait: Si ce qui est attribué comme accident au sujet lui appartient à un titre autre que l'accident. Cette distinction est vraie, mais on peut la regarder comme bien minutieuse.

Pour l'accident, Aristote commence l'étude des termes dialectiques par l'accident, qui est, disent les commentateurs, le plus commun de tous. On peut voir dans Alexandre les motifs divers qui doivent faire donner la priorité à l'étude des lieux relatifs à l'accident. Aristote n'a pas cru devoir donner aucune raison ici ; mais il donne celle des commentateurs, bien que d'une manière indirecte, liv. 4, ch. 1, § 1.

C'est surtout relativement aux genres, parce que le genre a plus de rapport avec l'accident que n'en ont la définition et le propre. En effet la définition et le propre n'appartiennent qu'au sujet, le genre et l'accident, au contraire, sont plus étendus que lui.

Par dérivation paronyme, voir les Catégories, ch. 1, § 3, où est donnée la définition de ce mot.

§ 2. Aux cas particuliers, c'est-à-dire aux individus.

Commencer cet examen par les primitifs, par les genres les plus étendus.

Aux individus, il faut entendre seulement les dernières espèces qui ne peuvent plus être divisées ; car, dans le sens habituel du mot, ceci serait contradictoire à ce qui précède.

Et pour les relatifs et pour les contraires, en d'autres  termes, pour toutes les espèces  d'opposés. Voir les Catégories, , ch. 10 et 11.

Jusqu'aux individus, qui sont encore ici des espèces , comme l'exemple même le  prouve.

— Juste et injuste, opposés contraires; double et moitié, opposés relatifs ; aveuglement et vue,  opposés par privation et possession; l'être et le non-être, opposés par  contradiction.

§ 3. Le grodeur, Je n'ai point trouvé dans notre langue  un mot plus convenable que celui-là, qui ne l'est guère. Pour rendre le mot grec, il m'aurait fallu prendre une très-longue périphrase, qui aurait en plus d'inconvénients encore  qu'un mot impropre. Nous n'avons rien d'ailleurs dans nos croyances modernes qui réponde à la Némésis des anciens. Le grondeur doit s'entendre ici d'un honnête homme toujours mécontent des choses de ce monde parce que sa vertu s'en ndigne, dans le genre où l'est le misanthrope de Molière.

§ 4. On peut encore réfuter la  question, le texte dit objecter. Voir sur l'objection Premiers Analytiques, liv. 2, ch. 26.

Est à peu près le même que le second indiqué au § 8 ci-dessus.

 

 

 

CHAPITRE III.

Trois autres lieux , dont deux tirés de l'homonymie ; mots qui, sans être homonymes, s'appliquent à plusieurs choses.

§ 1. Ἔτι ἐὰν πολλαχῶς λέγηται, κείμενον δὲ ᾖ ὡς ὑπάρχει ἢ ὡς οὐχ ὑπάρχει, θάτερον δεικνύναι τῶν πλεοναχῶς λεγομένων, ἐὰν μὴ ἄμφω ἐνδέχηται. Χρηστέον δ´ ἐπὶ τῶν λανθανόντων· ἐὰν γὰρ μὴ λανθάνῃ πολλαχῶς λεγόμενον, ἐνστήσεται ὅτι οὐ διείλεκται ὅπερ αὐτὸς ἠπόρει ἀλλὰ θάτερον. Οὗτος δ´ ὁ τόπος ἀντιστρέφει καὶ πρὸς τὸ κατασκευάσαι καὶ πρὸς τὸ ἀνασκευάσαι. Κατασκευάζειν μὲν γὰρ βουλόμενοι δείξομεν ὅτι θάτερον ὑπάρχει, ἐὰν μὴ ἄμφω δυνώμεθα· ἀνασκευάζοντες δὲ ὅτι οὐχ ὑπάρχει θάτερον δείξομεν, ἐὰν μὴ ἄμφω δυνώμεθα. Πλὴν ἀνασκευάζοντι μὲν οὐδὲν δεῖ ἐξ ὁμολογίας διαλέγεσθαι, οὔτ´ εἰ παντὶ οὔτ´ εἰ μηδενὶ ὑπάρχειν εἴρηται· ἐὰν γὰρ δείξωμεν ὅτι οὐχ ὑπάρχει ὁτῳοῦν, ἀνῃρηκότες ἐσόμεθα τὸ παντὶ ὑπάρχειν· ὁμοίως δὲ κἂν ἑνὶ δείξωμεν ὑπάρχον, ἀναιρήσομεν τὸ μηδενὶ ὑπάρχειν. Κατασκευάζουσι δὲ προδιομολογητέον ὅτι, εἰ ὁτῳοῦν ὑπάρχει, παντὶ ὑπάρχει, ἂν πιθανὸν ᾖ τὸ ἀξίωμα. Οὐ γὰρ [111a] ἀπόχρη πρὸς τὸ δεῖξαι ὅτι παντὶ ὑπάρχει τὸ ἐφ´ ἑνὸς διαλεχθῆναι, οἷον εἰ ἡ τοῦ ἀνθρώπου ψυχὴ ἀθάνατος, ὅτι ψυχὴ πᾶσα ἀθάνατος· ὥστε προομολογητέον ὅτι, εἰ ἡτισοῦν ψυχὴ ἀθάνατος, πᾶσα ἀθάνατος. Τοῦτο δ´ οὐκ ἀεὶ ποιητέον, ἀλλ´ ὅταν μὴ εὐπορῶμεν κοινὸν ἐπὶ πάντων ἕνα λόγον εἰπεῖν, καθάπερ ὁ γεωμέτρης ὅτι τὸ τρίγωνον δυσὶν ὀρθαῖς ἴσας ἔχει.

 § 2. Ἐὰν δὲ μὴ λανθάνῃ πολλαχῶς λεγόμενον, διελόμενον ὁσαχῶς λέγεται καὶ ἀναιρεῖν καὶ κατασκευάζειν. Οἷον εἰ τὸ δέον ἐστὶ τὸ συμφέρον ἢ τὸ καλόν, πειρατέον ἄμφω κατασκευάζειν ἢ ἀναιρεῖν περὶ τοῦ προκειμένου, οἷον ὅτι καλὸν καὶ συμφέρον, ἢ ὅτι οὔτε καλὸν οὔτε συμφέρον. Ἐὰν δὲ μὴ ἐνδέχηται ἀμφότερα, θάτερον δεικτέον, ἐπισημαινόμενον ὅτι τὸ μὲν τὸ δ´ οὔ. Ὁ δ´ αὐτὸς λόγος κἂν πλείω ᾖ εἰς ἃ διαιρεῖται.

§ 3. Πάλιν ὅσα μὴ καθ´ ὁμωνυμίαν λέγεται πολλαχῶς ἀλλὰ κατ´ ἄλλον τρόπον, οἷον ἐπιστήμη μία πλειόνων ἢ ὡς τοῦ τέλους καὶ τῶν πρὸς τὸ τέλος, οἷον ἰατρικὴ τοῦ ὑγίειαν ποιῆσαι καὶ τοῦ διαιτῆσαι, ἢ ὡς ἀμφοτέρων τελῶν, καθάπερ τῶν ἐναντίων ἡ αὐτὴ λέγεται ἐπιστήμη (οὐδὲν γὰρ μᾶλλον τέλος τὸ ἕτερον τοῦ ἑτέρου), ἢ ὡς τοῦ καθ´ αὑτὸ καὶ τοῦ κατὰ συμβεβηκός, οἷον καθ´ αὑτὸ μὲν ὅτι τὸ τρίγωνον δυσὶν ὀρθαῖς ἴσας ἔχει, κατὰ συμβεβηκὸς δὲ ὅτι τὸ ἰσόπλευρον· ὅτι γὰρ συμβέβηκε τῷ ἰσοπλεύρῳ τριγώνῳ εἶναι, κατὰ τοῦτο γνωρίζομεν ὅτι δυσὶν ὀρθαῖς ἴσας ἔχει. Εἰ οὖν μηδαμῶς ἐνδέχεται τὴν αὐτὴν εἶναι πλειόνων ἐπιστήμην, δῆλον ὅτι ὅλως οὐκ ἐνδέχεται εἶναι, ἢ εἰ πὼς ἐνδέχεται, δῆλον ὅτι ἐνδέχεται. Διαιρεῖσθαι δὲ ὁσαχῶς χρήσιμον. Οἷον ἐὰν βουλώμεθα κατασκευάσαι, τὰ τοιαῦτα προοιστέον ὅσα ἐνδέχεται, καὶ διαιρετέον εἰς ταῦτα μόνον ὅσα καὶ χρήσιμα πρὸς τὸ κατασκευάσαι· ἂν δ´ ἀνασκευάσαι, ὅσα μὴ ἐνδέχεται, τὰ δὲ λοιπὰ παραλειπτέον. Ποιητέον δὲ καὶ ἐπὶ τούτων, ὅταν λανθάνῃ ποσαχῶς λέγεται. Καὶ εἶναι δὲ τόδε τοῦδε ἢ μὴ εἶναι ἐκ τῶν αὐτῶν τόπων κατασκευαστέον, οἷον ἐπιστήμην τήνδε τοῦδε ἢ ὡς τέλους ἢ ὡς τῶν πρὸς τὸ τέλος ἢ ὡς τῶν κατὰ συμβεβηκός, ἢ πάλιν μὴ εἶναι κατὰ μηδένα τῶν ῥηθέντων τρόπων. Ὁ δ´ αὐτὸς λόγος καὶ περὶ ἐπιθυμίας καὶ ὅσα ἄλλα λέγεται πλειόνων· ἔστι γὰρ ἡ [111b] ἐπιθυμία τούτου ἢ ὡς τέλους, οἷον ὑγιείας, ἢ ὡς τῶν πρὸς τὸ τέλος, οἷον τοῦ φαρμακευθῆναι, ἢ ὡς τοῦ κατὰ συμβεβηκός, καθάπερ ἐπὶ τοῦ οἴνου ὁ φιλόγλυκυς, οὐχ ὅτι οἶνος ἀλλ´ ὅτι γλυκύς ἐστιν. Καθ´ αὑτὸ μὲν γὰρ τοῦ γλυκέος ἐπιθυμεῖ, τοῦ δ´ οἴνου κατὰ συμβεβηκός· ἐὰν γὰρ αὐστηρὸς ᾖ, οὐκέτι ἐπιθυμεῖ. Κατὰ συμβεβηκὸς οὖν ἐπιθυμεῖ. Χρήσιμος δ´ ὁ τόπος οὗτος ἐν τοῖς πρός τι· σχεδὸν γὰρ τὰ τοιαῦτα τῶν πρός τί ἐστιν.

 

§ 1. Si le mot qui désigne l'accident a plusieurs acceptions et que l'on ait affirmé ou nié l'accident, il faut montrer l'un ou l'autre des sens divers, si on ne le peut pour tous les deux. Il faut se servir de ce lieu surtout dans le cas où l'homonymie est cachée; car si l'on n'ignore pas que le mot a plusieurs sens, on objectera que l'interlocuteur ne discute pas le sens qu'il a mis lui-même en doute, mais qu'il discute l'autre sens. Ce lieu peut être également employé pour soutenir et réfuter une thèse. Si nous voulons soutenir, nous montrerons que l'un des deux sens appartient au mot, quand nous ne le pouvons pas pour les deux ; et si nous voulons réfuter, nous montrerons que l'un des sens n'appartient pas au mot, si nous ne le pouvons faire pour les deux. Seulement, quand on réfute, il n'est nullement besoin d'obtenir de concession de l'adversaire, soit que la thèse primitive ait nié ou affirmé universellement l'attribut; car si nous montrons que l'accident n'appartient pas à une partie quelconque du sujet, nous aurons réfuté cette assertion qu'il est à tout le sujet : et si nous montrons qu'il est à une seule partie du sujet, nous aurons par cela même réfuté cette assertion qu'il n'est aucunement au sujet. Au contraire, quand on soutient soi-même une thèse, il faut d'abord convenir avec l'adversaire que si l'on prouve que l'accident est à une partie quelconque du sujet, on aura prouvé par cela même qu'il est à tout le sujet, en admettant aussi que cette raison soit convaincante; car il ne suffit pas, [111a] pour montrer que l'accident est à tout le sujet, de discuter sur un seul cas : par exemple, il ne suffit pas de prouver que l'âme de l'homme est immortelle, pour affirmer que toute âme est immortelle. Ici, il faut convenir préalablement que si l'on montre qu'une âme quelconque est immortelle, on aura prouvé par là même que toute âme l'est en général. Du reste, il ne faut employer cette méthode que quand on ne peut pas produire une explication commune à tous les cas, comme le fait le géomètre quand il affirme que le triangle a ses trois angles égaux à deux droits.

§ 2. Si les divers sens du mot sont parfaitement évidents, il faut, après avoir déterminé séparément, en combien de sens il se dit, soutenir ou réfuter la thèse. Par exemple, si l'on a dit que la règle de conduite morale est l'utile ou le bien, il faut chercher à établir ou à renverser ces deux assertions pour l'objet discuté ; par exemple, en montrant qu'il est beau et utile, ou bien qu'il n'est ni beau ni utile. Si l'on ne peut prouver les deux assertions, il faut prouver l'une d'elles, en indiquant en outre que l'objet est l'une de ces choses et qu'il n'est pas l'autre. Même raisonnement, si la division comprenait plus de deux membres.

§ 3. Il faut regarder encore aux choses qui ont plusieurs sens, non par simple homonymie, mais de toute autre manière; par exemple, la science unique pour plusieurs choses peut s'entendre, ou de la fin à laquelle tendent les choses, ou de ce qui mène à cette fin : ainsi, la médecine, qui est à la fois la science de ce qui fait la santé et la science du régime. La science unique peut s'entendre encore également des fins des deux choses : c'est en ce sens que l'on dit que la science des contraires est la même; car l'un des contraires n'est pas plus une fin que l'autre. La science unique peut s'entendre, et de la chose en soi, et de la chose par accident. Ainsi, c'est en soi que le triangle a ses trois angles égaux à deux droits, et c'est par accident que l'équilatéral les a de cette façon. C'est en effet parce que le triangle équilatéral est accidentellement triangle, que nous reconnaissons qu'il a les trois angles internes égaux à deux droits. Si donc il ne peut y avoir science unique de plusieurs choses, évidemment, il faut dire absolument qu'elle ne peut pas être ; ou bien si elle peut être de quelque façon, il est clair qu'elle est possible. Il faut continuer la division tant qu'elle est utile : par exemple, si nous voulons soutenir une thèse, il faut produire tous les exemples analogues que nous pourrons, et ne prendre dans les divisions que celles qui peuvent être utiles à nos affirmations. Si au contraire nous voulons réfuter, il faut prendre les exemples opposés à la thèse de l'adversaire, et négliger tout le reste. C'est aussi ce qu'il faut faire, même pour les exemples opposés. Quand on ne sait pas dans combien de sens les mots peuvent être pris, il faut encore établir par les mêmes lieux que telle chose est ou n'est pas l'attribut de telle autre. Par exemple, que la science s'applique à telle chose, soit comme science de la fin de cette chose, ou comme science des moyens servant à cette fin, ou comme science des accidents de cette chose ; de même qu'on peut prouver aussi que le sujet en question n'est d'aucune des manières énoncées. Le même raisonnement qu'on fait ici pour la science pourrait être fait pour le désir, et en général pour toutes les choses qui sont applicables à plusieurs autres; car le désir [111b] s'applique à telle chose comme fin, ainsi, le désir de la santé; ou à des choses qui servent à cette fin, ainsi, le désir de se soigner; ou à des choses purement accidentelles ; ainsi celui qui aime les choses douces désire boire du vin, non parce que le vin est du vin, mais parce que le vin est doux. Il désire en soi ce qui est doux, il ne désire du vin que par accident; et la preuve, c'est que si le vin est aigre, il ne le désire plus; donc il ne le désire que par accident. Ce lieu commun s'applique utilement surtout aux relatifs; car les choses de ce genre sont presque toutes des relatifs.

 

 

§ 1. L'un ou l'autre des sens divers, en admettant que le mot homonyme n'ait que deux acceptions.

D'obtenir de concession de l'adversaire, Alexandre fait remarquer qu'Aristote appelle ici concession ce qu'à la fin du premier livre des Topiques il a nommé, comme dans les Premiers Analytiques, hypothèse, et il confond par conséquent les syllogismes par concession et les syllogismes par hypothèse. Voir  plus haut, liv. 1. ch. 18, la note sur le § 9, et sur cette question si sou vent controversée de savoir si Aristote a connu les syllogismes hypothétiques ; voir aussi plus loin,  liv. 3, ch. 6, § 6.

Comme le fait le géomètre, qui procède toujours  par démonstration universelle, et, par exemple, dans le théorème bien  connu que cite Aristote.

§ 2. Parfaitement évidente, c'est ce qui distingue ce lieu du précédent où l'on supposait que l'homonymie était cachée ; ici elle est parfaitement claire et ne peut  échapper en aucune façon.

§ 3. Ainsi c'est en soi que le triangle, parce que le triangle est  ici le primitif universel, comme il a été prouvé dans les Dernière Analytiques, liv. 1, ch. 4, § 12. Théophraste citait aussi cet exemple, selon Alexandre, dans son Traité  sur les mots à plusieurs acceptions.

 

CHAPITRE IV.

Six autres lieux : 1° changer un mot obscur pour un plus clair ; 2° regarder au genre pour prouver que les contraires sont à un même sujet ; 3° regarder aux espèces du genre attribué ; 4° regarder aux déφιnitions vraies ou simplement probables du sujet ; 5° regarder aux conséquents ou antécédents du sujet; 6° regarder au temps.

§ 1. Ἔτι τὸ μεταλαμβάνειν εἰς τὸ γνωριμώτερον ὄνομα, οἷον ἀντὶ τοῦ ἀκριβοῦς ἐν ὑπολήψει τὸ σαφὲς καὶ ἀντὶ τῆς πολυπραγμοσύνης τὴν φιλοπραγμοσύνην· γνωριμωτέρου γὰρ γενομένου τοῦ ῥηθέντος εὐεπιχειρητοτέρα ἡ θέσις. Ἔστι δὲ καὶ οὗτος ὁ τόπος πρὸς ἄμφω κοινός, καὶ πρὸς τὸ κατασκευάζειν καὶ πρὸς τὸ ἀνασκευάζειν.

§ 2. Πρὸς δὲ τὸ δεῖξαι τὰ ἐναντία τῷ αὐτῷ ὑπάρχοντα σκοπεῖν ἐπὶ τοῦ γένους, οἷον, ἐὰν βουλώμεθα δεῖξαι ὅτι ἔστι περὶ αἴσθησιν ὀρθότης καὶ ἁμαρτία, "ἐπεὶ τὸ αἰσθάνεσθαι κρίνειν ἐστί, κρίνειν δ´ ἔστιν ὀρθῶς καὶ μὴ ὀρθῶς, καὶ περὶ αἴσθησιν ἂν εἴη ὀρθότης καὶ ἁμαρτία". Νῦν μὲν οὖν ἐκ τοῦ γένους περὶ τὸ εἶδος ἡ ἀπόδειξις· τὸ γὰρ κρίνειν γένος τοῦ αἰσθάνεσθαι· ὁ γὰρ αἰσθανόμενος κρίνει πως. Πάλιν δ´ ἐκ τοῦ εἴδους τῷ γένει· ὅσα γὰρ τῷ εἴδει ὑπάρχει, καὶ τῷ γένει· οἷον εἰ ἔστιν ἐπιστήμη φαύλη καὶ σπουδαία, καὶ διάθεσις φαύλη καὶ σπουδαία· ἡ γὰρ διάθεσις τῆς ἐπιστήμης γένος. Ὁ μὲν οὖν πρότερος τόπος ψευδής ἐστι πρὸς τὸ κατασκευάσαι, ὁ δὲ δεύτερος ἀληθής. Οὐ γὰρ ἀναγκαῖον, ὅσα τῷ γένει ὑπάρχει, καὶ τῷ εἴδει ὑπάρχειν· ζῷον μὲν γὰρ ἔστι πτηνὸν καὶ τετράπουν, ἄνθρωπος δ´ οὔ.

§ 3. Ὅσα δὲ τῷ εἴδει ὑπάρχει, ἀναγκαῖον καὶ τῷ γένει· εἰ γὰρ ἔστιν ἄνθρωπος σπουδαῖος, καὶ ζῷον ἔστι σπουδαῖον. Πρὸς δὲ τὸ ἀνασκευάζειν ὁ μὲν πρότερος ἀληθής, ὁ δὲ ὕστερος ψευδής· ὅσα γὰρ τῷ γένει οὐχ ὑπάρχει, οὐδὲ τῷ εἴδει· ὅσα δὲ τῷ εἴδει μὴ ὑπάρχει, οὐκ ἀνάγκη τῷ γένει μὴ ὑπάρχειν. Ἐπεὶ δ´ ἀναγκαῖον, ὧν τὸ γένος κατηγορεῖται, καὶ τῶν εἰδῶν τι κατηγορεῖσθαι, καὶ ὅσα ἔχει τὸ γένος ἢ παρωνύμως ἀπὸ τοῦ γένους λέγεται, καὶ τῶν εἰδῶν τι ἀναγκαῖον ἔχειν ἢ παρωνύμως ἀπό τινος τῶν εἰδῶν λέγεσθαι (οἷον εἴ τινος ἐπιστήμη κατηγορεῖται, καὶ γραμματικὴ ἢ μουσικὴ ἢ τῶν ἄλλων τις ἐπιστημῶν κατηγορηθήσεται, καὶ εἴ τις ἔχει [112a] ἐπιστήμην ἢ παρωνύμως ἀπὸ τῆς ἐπιστήμης λέγεται, καὶ γραμματικὴν ἕξει ἢ μουσικὴν ἤ τινα τῶν ἄλλων ἐπιστημῶν ἢ παρωνύμως ἀπό τινος αὐτῶν ῥηθήσεται, οἷον γραμματικὸς ἢ μουσικός)· ἐὰν οὖν τι τεθῇ λεγόμενον ἀπὸ τοῦ γένους ὁπωσοῦν, οἷον τὴν ψυχὴν κινεῖσθαι, σκοπεῖν εἰ κατά τι τῶν εἰδῶν τῶν τῆς κινήσεως ἐνδέχεται τὴν ψυχὴν κινεῖσθαι, οἷον αὔξεσθαι ἢ φθείρεσθαι ἢ γίγνεσθαι ἢ ὅσα ἄλλα κινήσεως εἴδη· εἰ γὰρ κατὰ μηδέν, δῆλον ὅτι οὐ κινεῖται. Οὗτος δ´ ὁ τόπος κοινὸς πρὸς ἄμφω, πρός τε τὸ ἀνασκευάζειν καὶ κατασκευάζειν· εἰ γὰρ κατά τι τῶν εἰδῶν κινεῖται, δῆλον ὅτι κινεῖται, καὶ εἰ κατὰ μηδὲν τῶν εἰδῶν κινεῖται, δῆλον ὅτι οὐ κινεῖται.

§ 4. Μὴ εὐποροῦντι δὲ ἐπιχειρήματος πρὸς τὴν θέσιν σκοπεῖν ἐκ τῶν ὁρισμῶν, ἢ τῶν ὄντων τοῦ προκειμένου πράγματος ἢ τῶν δοκούντων, καὶ εἰ μὴ ἀφ´ ἑνός, ἀλλ´ ἀπὸ πλειόνων. Ῥᾷον γὰρ ὁρισαμένοις ἐπιχειρεῖν ἔσται· πρὸς γὰρ τοὺς ὁρισμοὺς ῥᾴων ἡ ἐπιχείρησις.

§ 5. Σκοπεῖν δὲ ἐπὶ τοῦ προκειμένου, τίνος ὄντος τὸ προκείμενον ἔστιν, ἢ τί ἔστιν ἐξ ἀνάγκης εἰ τὸ προκείμενον ἔστι—κατασκευάζειν μὲν βουλομένῳ, τίνος ὄντος τὸ προκείμενον ἔσται (ἐὰν γὰρ ἐκεῖνο δειχθῇ ὑπάρχον, καὶ τὸ προκείμενον δεδειγμένον ἔσται), ἀνασκευάζειν δὲ βουλομένῳ, τί ἔστιν εἰ τὸ προκείμενον ἔστιν· ἐὰν γὰρ δείξωμεν τὸ ἀκόλουθον τῷ προκειμένῳ μὴ ὄν, ἀνῃρηκότες ἐσόμεθα τὸ προκείμενον.

§ 6. Ἔτι ἐπὶ τὸν χρόνον ἐπιβλέπειν, εἴ που διαφωνεῖ, οἷον εἰ τὸ τρεφόμενον ἔφησεν ἐξ ἀνάγκης αὔξεσθαι· τρέφεται μὲν γὰρ ἀεὶ τὰ ζῷα, αὔξεται δ´ οὐκ ἀεί. Ὁμοίως δὲ καὶ εἰ τὸ ἐπίστασθαι ἔφησε μεμνῆσθαι· τὸ μὲν γὰρ τοῦ παρεληλυθότος χρόνου ἐστί, τὸ δὲ καὶ τοῦ παρόντος καὶ τοῦ μέλλοντος. Ἐπίστασθαι μὲν γὰρ λεγόμεθα τὰ παρόντα καὶ τὰ μέλλοντα, οἷον ὅτι ἔσται ἔκλειψις· μνημονεύειν δ´ οὐκ ἐνδέχεται ἄλλο ἢ τὸ παρεληλυθός.

§ 1. Il peut encore être utile de passer à un mot plus connu; et, par exemple, il vaut mieux dire d'une expression qu'elle est claire que de dire qu'elle peut être exactement comprise ; et, au lieu de l'activité, il vaut peut-être mieux dire l'amour du travail. Le nouveau mot qu'on choisit étant plus connu, il devient aussi plus facile d'attaquer la thèse. Ce lieu est comme ceux qui précèdent, applicable dans les deux sens, soit pour soutenir, soit pour réfuter une assertion.

§ 2. Pour montrer que les contraires sont à un même sujet, il faut regarder au genre de ce sujet : par exemple, si nous voulons montrer que dans la sensation il peut y avoir exactitude et erreur, nous dirons que sentir, c'est juger; qu'on peut juger mal ou bien, et que par conséquent aussi on touve exactitude ou erreur dans la sensation. La démonstration se fait donc ici du genre à l'espèce ; juger est genre relativement à sentir ; car celui qui sent fait une sorte de jugement. A l'inverse, on peut aller de l'espèce au genre ; car tous les attributs de l'espèce sont aussi ceux du genre : par exemple, si la science est bonne ou mauvaise, la disposition est aussi bonne ou mauvaise; car la disposition est le genre de la science. Ainsi donc, le lieu antérieurement indiqué est faux, mais le second est vrai, quand il s'agit d'établir la thèse; car ilTi'est pas nécessaire que tout ce qui est au genre soit aussi à l'espèce. Ainsi, l'animal est ailé et quadrupède, mais l'homme ne l'est pas. Au contraire, tout ce qui est à l'espèce est nécessairement aussi au genre; si l'homme est vertueux, l'animal aussi est vertueux. S'il s'agit de réfuter la thèse, c'est le premier qui est vrai et le second qui est faux ; car tout ce qui est nié du genre est nié aussi de l'espèce, tandis que tout ce qui est nié de l'espèce n'est pas nécessairement nié du genre.

§ 3. Il faut nécessairement que les choses auxquelles le genre est attribué reçoivent aussi pour attribut quelqu'une des espèces ; et tout ce qui a le genre est dénommé par dérivation paronyme du genre, et a nécessairement aussi quelqu'une des espèces, ou bien est dénommé par dérivation de quelqu'une d'entre elles. Par exemple, si la science est attribuée à quelqu'un, il faut que, soit la grammaire, soit la musique ou telle autre science, lui soit attribuée; et si quelqu'un possède [112a] la science, ou il est désigné par dérivation paronyme du mot même, et alors possédera soit la grammaire, soit la musique ou telle autre science, ou bien il sera nommé par dérivation de l'une de ces sciences, par exemple, grammairien ou musicien. Si donc l'interlocuteur pose quelque attribut qui vienne d'une façon quelconque du genre, par exemple, que l'âme est en mouvement ; il faut examiner si l'âme peut se mouvoir suivant l'une quelconque des espèces du mouvement : par exemple, si elle peut augmenter, ou diminuer, ou être détruite, ou naître, ou avoir telle autre des espèces du mouvement; car si elle ne se meut suivant aucune, c'est qu'évidemment elle ne se meut pas. Ce lieu, du reste, est utile dans les deux sens pour établir ou pour réfuter la thèse; car si l'âme se meut suivant l'une des espèces du mouvement, il est évident qu'elle se meut ; et si elle ne se meut suivant aucun, il est clair qu'elle ne se meut pas.

§ 4. Quand on manque d'arguments pour attaquer la thèse, il faut essayer de les tirer des définitions réelles de l'objet en question ou des définitions simplement apparentes ; et si une seule définition n'en fournit pas, il faut en examiner plusieurs; car une fois qu'on a fait une définition, il est bien plus facile d'attaquer la thèse, l'attaque étant toujours plus facile contre les définitions.

§ 5. Il faut regarder aussi pour le sujet proposé de quoi ce sujet est le conséquent, ou bien voir ce qui est nécessairement du moment que ce sujet est. Quand on veut soutenir la thèse, il faut voir de quoi le sujet est le conséquent ; car si l'on montre que cette chose est, dont l'existence entraîne celle du sujet, on aura montré aussi que le sujet en question existe. Au contraire, quand on veut réfuter la thèse, on recherche ce qui est parcelamême que le sujet existe; car, si l'on montre que le conséquent du sujet donné n'existe pas, on aura par cela même renversé le sujet en question.

§ 6. Regardez aussi au temps s'il y a quelque discordance : par exemple, si l'interlocuteur dit que ce qui se nourrit doit nécessairement s'accroître; on peut répondre que les animaux se nourrissent toujours, et que cependant ils ne croissent pas toujours. Même objection, si l'interlocuteur a dit que savoir c'est se souvenir; car ici l'un des sens s'adresse au temps passé, et l'autre s'adresse au présent et à l'avenir. On peut dire qu'on sait et le présent et l'avenir; et, par exemple, on sait qu'il y aura une éclipse de soleil, mais on ne peut se souvenir que du passé.
 

 

 

 

 

§  1. De passer à un mot plus  connu, parce qu'alors il est plus facile de discuter sur un mot clair que sur un mot obscur

§ 2. Les contraires sont à un même sujet, non pas simultanément et réellement, ce qui est impossible, mais logiquement, dans des espèces diverses, dans des mo ments divers.

Sentir, c'est juger,. ce qui est le contraire de l'axiome  sensualiste, que juger, c'est sentir. Voir toute la discussion du Théétète de Platon.

§ 3. Par dérivation paronyme, voir les Catégories, ch. 1, § 3.

—  L'une quelconque des espèces du mouvement, voir les Catégories, ch. 14, où les diverses espèces de mouvement sont réduites à six. Platon, dans le Timée, en distingue jusqu'à dix, mais d'un point de  vue différent de celui d'Aristote, et  qui n'est point applicable ici.

§ 4. Les tirer des définitions, Alexandre remarque, et à la suite les autres commentateurs ont remarqué, que ce lieu se rapproche du troisième, dont il a été question ch. 2, § 3, de ce livre.

Simplement apparents ; il ne faut pas ou- blier qu'on est ici en dialectique, et que par conséquent on ne s'occupe que de la simple probabilité,  En philosophie, én analyse, une  chose n'a et ne peut avoir qu'une seule définition.

Contre les définitions, voir les liv. 6 et 7, consacrés tout entîersà la définition et aux lieux communs qui la concernent.

§ 6. Savoir, c'est se souvenir; c'est la doctrine de Platon dans le Phédon, et surtout dans le Ménon. Aristote l'a déjà combattue dans les Derniers Analytiques1, ch. 1, § 7; on peut voir aussi le Traité de la mémoire et de la réminiscence,

—  L'un des sens du mot savoir, on sait le passé, mais on sait aussi  l'avenir ; et par conséquent la réminiscence n'explique pas toute la  science quoiqu'en dise Platon.

 

 

 

 

CHAPITRE V.

Deux autres lieux tirés du déplacement de la discussion.

 § 1. Ἔτι ὁ σοφιστικὸς τρόπος, τὸ ἄγειν εἰς τοιοῦτον πρὸς ὃ εὐπορήσομεν ἐπιχειρημάτων· τοῦτο δ´ ἔσται ὁτὲ μὲν ἀναγκαῖον, ὁτὲ δὲ φαινόμενον ἀναγκαῖον, ὁτὲ δ´ οὔτε φαινόμενον οὔτ´ ἀναγκαῖον. Ἀναγκαῖον μὲν οὖν ὅταν, ἀρνησαμένου τοῦ ἀποκρινομένου τῶν πρὸς τὴν θέσιν τι χρησίμων, πρὸς τοῦτο τοὺς λόγους ποιῆται, τυγχάνῃ δὲ τοῦτο τῶν τοιούτων ὂν πρὸς ἃ εὐπορεῖν ἐστιν ἐπιχειρημάτων. Ὁμοίως δὲ καὶ ὅταν, ἐπαγωγὴν [112b]) πρός τι διὰ τοῦ κειμένου ποιησαμένου, ἀναιρεῖν ἐπιχειρῇ· τούτου γὰρ ἀναιρεθέντος καὶ τὸ προκείμενον ἀναιρεῖται. Φαινόμενον δ´ ἀναγκαῖον, ὅταν φαίνηται μὲν χρήσιμον καὶ οἰκεῖον τῆς θέσεως, μὴ ᾖ δέ, πρὸς ὃ γίγνονται οἱ λόγοι, εἴτε ἀρνησαμένου τοῦ τὸν λόγον ὑπέχοντος, εἴτε ἐπαγωγῆς ἐνδόξου διὰ τῆς θέσεως πρὸς αὐτὸ γενομένης, ἀναιρεῖν ἐπιχειροίη αὐτό.

Τὸ δὲ λοιπόν, ὅταν μήτ´ ἀναγκαῖον ᾖ μήτε φαινόμενον πρὸς ὃ γίγνονται οἱ λόγοι, ἄλλως δὲ παρεξελέγχεσθαι συμβαίνῃ τῷ ἀποκρινομένῳ. Δεῖ δ´ εὐλαβεῖσθαι τὸν ἔσχατον τῶν ῥηθέντων τρόπων· παντελῶς γὰρ ἀπηρτημένος καὶ ἀλλότριος ἔοικεν εἶναι τῆς διαλεκτικῆς. Διὸ δεῖ καὶ τὸν ἀποκρινόμενον μὴ δυσκολαίνειν, ἀλλὰ τιθέναι τὰ μὴ χρήσιμα πρὸς τὴν θέσιν, ἐπισημαινόμενον ὅσα μὴ δοκεῖ μὲν τίθησι δέ. Μᾶλλον γὰρ ἀπορεῖν ὡς ἐπὶ τὸ πολὺ συμβαίνει τοῖς ἐρωτῶσι πάντων τιθεμένων αὐτοῖς τῶν τοιούτων, ἐὰν μὴ περαίνωσιν.

§ 3. Ἔτι πᾶς ὁ εἰρηκὼς ὁτιοῦν τρόπον τινὰ πολλὰ εἴρηκεν, ἐπειδὴ πλείω ἑκάστῳ ἐξ ἀνάγκης ἀκόλουθά ἐστιν· οἷον ὁ εἰρηκὼς ἄνθρωπον εἶναι καὶ ὅτι ζῷόν ἐστιν εἴρηκε καὶ ὅτι ἔμψυχον καὶ ὅτι δίπουν καὶ ὅτι νοῦ καὶ ἐπιστήμης δεκτικόν, ὥστε ὁποιουοῦν ἑνὸς τῶν ἀκολούθων ἀναιρεθέντος ἀναιρεῖται καὶ τὸ ἐν ἀρχῇ. Εὐλαβεῖσθαι δὲ χρὴ εἰς τὸ χαλεπώτερον τὴν μετάληψιν ποιεῖσθαι· ἐνίοτε μὲν γὰρ ῥᾷον τὸ ἀκόλουθον ἀνελεῖν, ἐνίοτε δ´ αὐτὸ τὸ προκείμενον.

 

 

§ 1. Il y a encore ici une manière sophistique de discuter, c'est de conduire l'adversaire à un point sur lequel nous pourrons avoir des arguments en abondance. Ce point est quelquefois nécessaire, et quelquefois il le paraît seulement; d'autres fois il n'est ni nécessaire, ni ne paraît nécessaire. Il est nécessaire, quand celui qui nous répond nous ayant refusé quelque assertion indispensable à la thèse, on doit diriger l'argumentation sur ce point contesté, et que ce point est précisément un de ceux sur lesquels nous avons de nombreux arguments. Il en est de même encore quand l'adversaire, [112b] qui par suite de la thèse a fait une induction de quelque nouveau terme, cherche à le détruire; car, ce terme détruit, la thèse en question l'est aussi. Parfois, ce point de la discussion n'a que l'apparence d'être nécessaire, lorsqu'il semble utile et tout à fait spécial à la thèse sans l'être toutefois réellement, soit que celui qui soutient la thèse nie ce point, soit que, craignant une induction que probablement la thèse le forcera de faire sur ce point, il cherche à le détruire.

Le dernier cas, c'est lorsque ce point, sur lequel portent les argumentations, n'est ni nécessaire ni ne le paraît, et qu'il est possible à l'interlocuteur qui répond de réfuter son adversaire d'une toute autre façon. Il faut du reste bien prendre garde à ce mode de discussion qui vient d'être indiqué en dernier lieu; car il paraît être tout à fait éloigné et en dehors de la dialectique. Celui qui répond doit éviter les difficultés, concéder même des points qui ne sont pas utiles à la discussion, en se réservant toujours d'indiquer ceux qu'il accorde, bien qu'ils soient contraires à son opinion personnelle ; car l'interlocuteur qui interroge est ordinairement embarrassé bien davantage par ces sortes de concessions, s'il vient à ne pas conclure.

§ 2. De plus, du moment qu'on a dit une chose quelconque, on en a toujours, en certain sens, dit plusieurs ; car chaque chose en a nécessairement à sa suite plusieurs autres : par exemple, si l'on a dit que l'homme est, on a dit implicitement aussi que l'animal est, et que l'animal est vivant, et qu'il est bipède, et qu'il est susceptible d'intelligence et de science. Ainsi donc, que l'on détruise une seule de ces conséquences, et l'on détruit aussi le principe même qui les produit. Or, il faut prendre garde de quitter le point contesté pour passer à un plus difficile ; car tantôt il est plus aisé de réfuter la conséquence, et tantôt c'est l'objet lui-même.

 

§ 1. Une manière sophistique ; c'est le procédé dont se sert Protagoras le sophiste, dans le Dialogue de Platon, comme le rappelle Alexandre.

- A fait une induction, Pacius, d'après la remarque de Gruchius, voudrait, contre l'avis unanime des manuscrits, substituer abduction à induction, ainsi que quelques lignes plus bas. Alexandre, qui n'a pas eu de variante sur ce passage, l'explique par l'idée seule de l'induction, sans recourir à l'abduction définie dans les Premiers Analytiques, liv. 2, ch. 25. «Si pour démontrer, dit-il, que l'âme est immortelle, on pose d'abord en principe, qu'elle se meut pour arriver à prouver qu'elle se meut spontanément; et que l'adversaire nie que l'âme se meuve, on passe du premier point, sur lequel on n'a pas d'arguments, à ce second, qu'on discute en prouvant que l'âme se meut, en pensant, en apprenant, en éprouvant plaisir ou peine, en sentant, en espérant, en craignant. Et c'est une transition à l'argumentation nécessaire pour prouver le point même qu'on discute. Cette sorte de transition s'appelle précisément induction, comme il l'a expliqué dans le second livre des Premiers Analytiques. » Pacius a conservé le texte reçu, mais il a traduit abduction au lieu d'induction. Ce changement ne semble pas indispensable, bien que le texte soit certainement obscur et puisse prêter à ces diverses explications.

En dehors de la dialectique, il faut l'abandonner à la sophistique et à ses procédés déloyaux.

 

CHAPITRE VI.

Quatre autres lieux tirés : 1° des contraires; 2° de l'étymologie ; 5° de la diversité des attributs ; 4° de l'identité de sens de mots différents.

§ 1. Ὅσοις δ´ ἀνάγκη θάτερον μόνον ὑπάρχειν, οἷον τῷ ἀνθρώπῳ τὴν νόσον ἢ τὴν ὑγίειαν, ἐὰν πρὸς θάτερον εὐπορῶμεν διαλέγεσθαι ὅτι ὑπάρχει ἢ οὐχ ὑπάρχει, καὶ πρὸς τὸ λοιπὸν εὐπορήσομεν. Τοῦτο δ´ ἀντιστρέφει πρὸς ἄμφω· δείξαντες μὲν γὰρ ὅτι ὑπάρχει θάτερον, ὅτι οὐχ ὑπάρχει τὸ λοιπὸν δεδειχότες ἐσόμεθα· ἐὰν δ´ ὅτι οὐχ ὑπάρχει δείξωμεν, τὸ λοιπὸν ὅτι ὑπάρχει δεδειχότες ἐσόμεθα.

Δῆλον οὖν ὅτι πρὸς ἄμφω χρήσιμος ὁ τόπος.

§ 2. Ἔτι τὸ ἐπιχειρεῖν, μεταφέροντα τοὔνομα κατὰ τὸν λόγον, ὡς μᾶλλον προσῆκον ἐκλαμβάνειν ἢ ὡς κεῖται τοὔνομα, οἷον εὔψυχον μὴ τὸν ἀνδρεῖον, καθάπερ νῦν κεῖται, ἀλλὰ τὸν εὖ τὴν ψυχὴν ἔχοντα, καθάπερ καὶ εὔελπιν τὸν ἀγαθὰ ἐλπίζοντα· ὁμοίως δὲ καὶ εὐδαίμονα οὗ ἂν ὁ δαίμων ᾖ σπουδαῖος, καθάπερ Ξενοκράτης φησὶν εὐδαίμονα εἶναι τὸν τὴν ψυχὴν ἔχοντα σπουδαίαν· ταύτην γὰρ ἑκάστου εἶναι δαίμονα.

[113a] § 3. Ἐπεὶ δὲ τῶν πραγμάτων τὰ μὲν ἐξ ἀνάγκης ἐστί, τὰ δ´ ὡς ἐπὶ τὸ πολύ, τὰ δ´ ὁπότερ´ ἔτυχεν, ἐὰν τὸ ἐξ ἀνάγκης ὡς ἐπὶ τὸ πολὺ τεθῇ ἢ τὸ ὡς ἐπὶ τὸ πολὺ ἐξ ἀνάγκης (ἢ αὐτὸ ἢ τὸ ἐναντίον τῷ ὡς ἐπὶ τὸ πολύ), ἀεὶ δίδωσι τόπον ἐπιχειρήματος. Ἐὰν γὰρ τὸ ἐξ ἀνάγκης ὡς ἐπὶ τὸ πολὺ τεθῇ, δῆλον ὅτι οὐ παντί φησιν ὑπάρχειν, ὑπάρχοντος παντί, ὥστε ἡμάρτηκεν· εἴ τε τὸ ὡς ἐπὶ τὸ πολὺ λεγόμενον ἐξ νάγκης ἔφησε· παντὶ γάρ φησιν ὑπάρχειν, οὐχ ὑπάρχοντος παντί. Ὁμοίως δὲ καὶ εἰ τὸ ἐναντίον τῷ ὡς ἐπὶ τὸ πολὺ ἐξ ἀνάγκης εἴρηκεν· ἀεὶ γὰρ ἐπ´ ἔλαττον λέγεται τὸ ἐναντίον τῷ ὡς ἐπὶ τὸ πολύ· οἷον εἰ ὡς ἐπὶ τὸ πολὺ φαῦλοι οἱ ἄνθρωποι, ἀγαθοὶ ἐπ´ ἔλαττον, ὥστ´ ἔτι μᾶλλον ἡμάρτηκεν, εἰ ἀγαθοὺς ἐξ ἀνάγκης εἴρηκεν. Ὡσαύτως δὲ καὶ εἰ τὸ ὁπότερ´ ἔτυχεν ἐξ ἀνάγκης ἔφησεν ἢ ὡς ἐπὶ τὸ πολύ· οὔτε γὰρ ἐξ ἀνάγκης τὸ ὁπότερ´ ἔτυχεν οὔθ´ ὡς ἐπὶ τὸ πολύ. Ἐνδέχεται δέ, κἂν μὴ διορίσας εἴπῃ πότερον ὡς ἐπὶ τὸ πολὺ ἢ ἐξ ἀνάγκης εἴρηκεν, ᾖ δὲ τὸ πρᾶγμα ὡς ἐπὶ τὸ πολύ, διαλέγεσθαι ὡς ἐξ ἀνάγκης εἰρηκότος αὐτοῦ, οἷον, εἰ φαύλους τοὺς ἀποκλήρους ἔφησεν εἶναι μὴ διορίσας, ὡς ἐξ ἀνάγκης εἰρηκότος αὐτοῦ διαλέγεσθαι.

Ἔτι καὶ εἰ αὐτὸ αὑτῷ συμβεβηκὸς ἔθηκεν ὡς ἕτερον διὰ τὸ ἕτερον εἶναι ὄνομα, καθάπερ Πρόδικος διῃρεῖτο τὰς ἡδονὰς εἰς χαρὰν καὶ τέρψιν καὶ εὐφροσύνην· ταῦτα γὰρ πάντα τοῦ αὐτοῦ, τῆς ἡδονῆς, ὀνόματά ἐστιν. Εἰ οὖν τις τὸ χαίρειν τῷ εὐφραίνεσθαι φήσει συμβεβηκέναι, αὐτὸ ἂν αὑτῷ φαίη συμβεβηκέναι.

 

 

§ 1. Dans tous les cas où un seul des deux attributs contraires est nécessairement au sujet, par exemple, la santé ou la maladie à l'homme, si nous avons de nombreux arguments pour prouver de l'un qu'il est ou qu'il n'est pas au sujet, nous en aurons également pour l'autre. Ce lieu peut à la fois servir dans les deux sens; car il suffit d'avoir montré que l'un des contraires est au sujet pour avoir montré aussi que l'autre n'y est pas : et réciproquement, si nous montrons que l'un n'y est pas, nous aurons montré par cela même que l'autre y est.

Donc, évidemment, ce lieu est bon soit pour réfuter, soit pour soutenir la thèse.

§ 2. On peut aussi attaquer l'adversaire en transportant la discussion du mot à son explication étymologique, attendu qu'il est plus convenable de la prendre que de conserver le mot sous sa forme propre : par exemple, on pourra dire que l'homme courageux ne signifie pas l'homme plein de bravoure suivant l'acception reçue, mais que cette expression signifie l'homme qui a la rage dans le cœur. De même qu'on peut comprendre par attentif celui qui attend quelque chose, et par heureux celui dont le génie est vertueux; ce qui faisait dire à Xénocrate que celui-là est heureux qui a l'âme vertueuse; car il prétend que l'âme est le génie de chacun de nous.

[113a] § 3. Parmi les choses, les unes sont de toute nécessité, les autres sont ordinairement, et d'autres sont indifféremment, selon le hasard. Si l'on pose ce qui est nécessaire comme étant simplement ordinaire, ou ce qui est ordinaire comme étant nécessaire, soit qu'on prenne l'ordinaire lui-même ou le contraire de l'ordinaire, on donne toujours lieu à une attaque. Si l'on considère ce qui est nécessaire comme simplement habituel, évidemment l'on avance que l'attribut n'est pas à tout le sujet, tandis qu'il est à tout le sujet; et alors on s'est trompé. Si au contraire l'on a dit que le plus habituel est nécessaire, on est également dans l'erreur; car on a dit alors que l'attribut est à tout le sujet, quand il n'est pas à tout le sujet. Et de même, si l'on a pris comme nécessaire ce qui est simplement contraire à l'habituel ; car toujours le contraire de l'habituel a moins d'extension que l'habituel lui-même. Si l'on dit par exemple que le plus ordinairement les hommes sont méchants, les bons sont par cela même moins nombreux que les méchants. Ainsi, l'on s'est encore bien plus trompé, si l'on a dit que les hommes étaient nécessairement bons. Et de même encore, si l'on a pris ce qui ne dépend que du hasard comme nécessaire ou comme habituel ; car ce qui dépend du hasard n'est ni nécessaire ni habituel. Or, il est possible que, même sans que l'interlocuteur ait dit positivement qu'il prend le fait comme habituel ou comme nécessaire, si la chose est simplement habituelle, on discute comme si l'interlocuteur l'avait faite absolument nécessaire. Par exemple, s'il a dit sans détermination précise que les enfants abandonnés sont vicieux, il est possible qu'on, discute contre lui comme s'il avait établi qu'ils le sont nécessairement.

§ 4. Il faut voir encore si l'on n'a point pris la chose même pour accident de la chose, la prenant pour une chose toute différente parce que le nom est différent. C'est ainsi que Prodicus partageait à tort les plaisirs en joie, amusement, contentement; car ce sont là des noms d'une seule et même chose, du plaisir. Si donc quelqu'un donne se réjouir pour attribut à avoir du plaisir, il n'aura fait que donner pour attribut la chose à la chose même.

 

 

§ 1. Des deux attributs contraires, voir les Catégories, ch. 11, et surtout ch. 10, § 8, et Métaphysique, liv. 5, ch. 10.

§ 2. L'âme est le génie de chacun de nous, il y a ici en grec une sorte de jeu de mots que le français ne peut pas rendre, parce que les mots génie et heureux, presque identiques en grec, n'ont aucun rapport dans notre langue.

§ 3. Les unes sont de toute nécessité, voir sur la théorie du nécessaire, du plus habituel et du fortuit, Herméneia, ch. 9, § 11 ; Premiers Analytiques, liv. 1, ch. 8, § 1; Derniers Analytiques, liv. 1, ch. 30, et Métaphysique, liv. 5, ch. 5.

Les enfants abandonnés ou déshérités. Alexandre rappelle que la tradition faisait de Thémistocle un enfant de ce genre.

§ 4. Prodicus, c'est Platon lui-même qui atteste que le talent  particulier de Prodicus était de saisir les nuances les plus délicates des synonymes. Protagoras, trad. de M. Cousin, p. 69, 78, et Charmide, p. 301. Ce talent le distinguait parmi tous les sophistes.

 

 

CHAPITRE VII.

Quatre autres lieux tirés des contraires.

§1.  Ἐπεὶ δὲ τὰ ἐναντία συμπλέκεται μὲν ἀλλήλοις ἑξαχῶς, ἐναντίωσιν δὲ ποιεῖ τετραχῶς συμπλεκόμενα, δεῖ λαμβάνειν τὰ ἐναντία ὅπως ἂν χρήσιμον ᾖ καὶ ἀναιροῦντι καὶ κατασκευάζοντι. Ὅτι μὲν οὖν ἑξαχῶς συμπλέκεται, δῆλον. Ἢ γὰρ ἑκάτερον τῶν ἐναντίων ἑκατέρῳ τῶν ἐναντίων συμπλακήσεται (τοῦτο δὲ διχῶς, οἷον τὸ τοὺς φίλους εὖ ποιεῖν καὶ τὸ τοὺς ἐχθροὺς κακῶς, ἢ ἀνάπαλιν τὸ τοὺς φίλους κακῶς καὶ τὸ τοὺς ἐχθροὺς εὖ), ἢ ἀμφότερα περὶ τοῦ ἑνός (διχῶς δὲ καὶ τοῦτο, οἷον τὸ τοὺς φίλους εὖ καὶ τὸ τοὺς φίλους κακῶς, ἢ τὸ τοὺς ἐχθροὺς εὖ καὶ τὸ τοὺς ἐχθροὺς κακῶς), ἢ τὸ ἓν περὶ ἀμφοτέρων (διχῶς δὲ καὶ τοῦτο, οἷον τὸ τοὺς φίλους εὖ καὶ τὸ τοὺς ἐχθροὺς εὖ, ἢ τοὺς φίλους κακῶς καὶ τοὺς ἐχθροὺς κακῶς). [113b] Αἱ μὲν οὖν πρῶται δύο ῥηθεῖσαι συμπλοκαὶ οὐ ποιοῦσιν ἐναντίωσιν. Τὸ γὰρ τοὺς φίλους εὖ ποιεῖν τῷ τοὺς ἐχθροὺς κακῶς οὐκ ἔστιν ἐναντίον· ἀμφότερα γὰρ αἱρετὰ καὶ τοῦ αὐτοῦ ἤθους· οὐδὲ τὸ τοὺς φίλους κακῶς τῷ τοὺς ἐχθροὺς εὖ· καὶ γὰρ ταῦτα ἀμφότερα φευκτὰ καὶ τοῦ αὐτοῦ ἤθους. Οὐ δοκεῖ δὲ φευκτὸν φευκτῷ ἐναντίον εἶναι, ἐὰν μὴ ᾖ τὸ μὲν καθ´ ὑπερβολὴν τὸ δὲ κατ´ ἔνδειαν λεγόμενον· ἥ τε γὰρ ὑπερβολὴ τῶν φευκτῶν δοκεῖ εἶναι, ὁμοίως δὲ καὶ ἡ ἔνδεια. Τὰ δὲ λοιπὰ πάντα τέτταρα ποιεῖ ἐναντίωσιν. Τὸ γὰρ τοὺς φίλους εὖ ποιεῖν τῷ τοὺς φίλους κακῶς ἐναντίον· ἀπό τε γὰρ ἐναντίου ἤθους ἐστί, καὶ τὸ μὲν αἱρετὸν τὸ δὲ φευκτόν. Ὡσαύτως δὲ καὶ ἐπὶ τῶν ἄλλων· καθ´ ἑκάστην γὰρ συζυγίαν τὸ μὲν αἱρετὸν τὸ δὲ φευκτόν, καὶ τὸ μὲν ἐπιεικοῦς ἤθους τὸ δὲ φαύλου. Δῆλον οὖν ἐκ τῶν εἰρημένων ὅτι τῷ αὐτῷ πλείονα ἐναντία συμβαίνει γίνεσθαι· τῷ γὰρ τοὺς φίλους εὖ ποιεῖν καὶ τὸ τοὺς ἐχθροὺς εὖ ποιεῖν ἐναντίον καὶ τὸ τοὺς φίλους κακῶς, ὁμοίως δὲ καὶ τῶν ἄλλων ἑκάστῳ τὸν αὐτὸν τρόπον ἐπισκοποῦσι δύο τὰ ἐναντία φανήσεται. Λαμβάνειν οὖν τῶν ἐναντίων ὁπότερον ἂν ᾖ πρὸς τὴν θέσιν χρήσιμον.

§ 2. Ἔτι εἰ ἔστι τι ἐναντίον τῷ συμβεβηκότι, σκοπεῖν εἰ ὑπάρχει ᾧπερ τὸ συμβεβηκὸς εἴρηται ὑπάρχειν· εἰ γὰρ τοῦτο ὑπάρχει, ἐκεῖνο οὐκ ἂν ὑπάρχοι· ἀδύνατον γὰρ τὰ ἐναντία ἅμα τῷ αὐτῷ ὑπάρχειν.

§ 3. Ἢ εἴ τι τοιοῦτον εἴρηται κατά τινος, οὗ ὄντος ἀνάγκη τὰ ἐναντία ὑπάρχειν· οἷον εἰ τὰς ἰδέας ἐν ἡμῖν ἔφησεν εἶναι· κινεῖσθαί τε γὰρ καὶ ἠρεμεῖν αὐτὰς συμβήσεται, ἔτι δὲ αἰσθητὰς καὶ νοητὰς εἶναι. Δοκοῦσι γὰρ αἱ ἰδέαι ἠρεμεῖν καὶ νοηταὶ εἶναι τοῖς τιθεμένοις ἰδέας εἶναι· ἐν ἡμῖν δὲ οὔσας ἀδύνατον ἀκινήτους εἶναι· κινουμένων γὰρ ἡμῶν ἀναγκαῖον καὶ τὰ ἐν ἡμῖν πάντα συγκινεῖσθαι. Δῆλον δ´ ὅτι καὶ αἰσθηταί, εἴπερ ἐν ἡμῖν εἰσι· διὰ γὰρ τῆς περὶ τὴν ὄψιν αἰσθήσεως τὴν ἐν ἑκάστῳ μορφὴν γνωρίζομεν.

§ 4. Πάλιν εἰ κεῖται συμβεβηκὸς ᾧ ἔστι τι ἐναντίον, σκοπεῖν εἰ καὶ τοῦ ἐναντίου δεκτικὸν ὅπερ καὶ τοῦ συμβεβηκότος· τὸ γὰρ αὐτὸ τῶν ἐναντίων δεκτικόν. Οἷον εἰ τὸ μῖσος ἕπεσθαι ὀργῇ ἔφησεν, εἴη ἂν τὸ μῖσος ἐν τῷ θυμοειδεῖ· ἐκεῖ γὰρ [114a] ἡ ὀργή. Σκεπτέον οὖν εἰ καὶ τὸ ἐναντίον ἐν τῷ θυμοειδεῖ· εἰ γὰρ μή, ἀλλ´ ἐν τῷ ἐπιθυμητικῷ ἐστιν ἡ φιλία, οὐκ ἂν ἕποιτο τὸ μῖσος ὀργῇ. Ὁμοίως δὲ καὶ εἰ τὸ ἐπιθυμητικὸν ἀγνοεῖν ἔφησεν· εἴη γὰρ ἂν καὶ ἐπιστήμης δεκτικόν, εἴπερ καὶ ἀγνοίας· ὅπερ οὐ δοκεῖ, τὸ ἐπιθυμητικὸν δεκτικὸν εἶναι ἐπιστήμης. Ἀνασκευάζοντι μὲν οὖν καθάπερ εἴρηται χρηστέον. Κατασκευάζοντι δέ, ὅτι μὲν ὑπάρχει τὸ συμβεβηκός, οὐ χρήσιμος ὁ τόπος· ὅτι δ´ ἐνδέχεται ὑπάρχειν, χρήσιμος. Δείξαντες μὲν γὰρ ὅτι οὐ δεκτικὸν τοῦ ἐναντίου, δεδειχότες ἐσόμεθα ὅτι οὔτε ὑπάρχει τὸ συμβεβηκὸς οὔτ´ ἐνδέχεται ὑπάρξαι· ἐὰν δὲ δείξωμεν ὅτι ὑπάρχει τὸ ἐναντίον ἢ ὅτι δεκτικὸν τοῦ ἐναντίου ἐστίν, οὐδέπω δεδειχότες ἐσόμεθα ὅτι καὶ τὸ συμβεβηκὸς ὑπάρχει, ἀλλ´ ὅτι ἐνδέχεται ὑπάρχειν, ἐπὶ τοσοῦτον μόνον δεδειγμένον ἔσται.

 

 

§ 1. Comme les contraires se combinent les uns avec les autres de six manières; et que, dans quatre de ces combinaisons, ils forment des oppositions dont les termes s'excluent, il faudra prendre les contraires dans le sens où ils seront utiles, soit pour établir, soit pour réfuter la thèse. On peut voir sans peine que les contraires se combinent de six façons : d'abord, chacun des deux attributs contraires peut se combiner avec chacun des deux sujets, et cela de deux façons. Ainsi, par exemple, faire du bien à ses amis et du mal à ses ennemis : ou bien à l'inverse, faire du mal à ses amis et du bien à ses ennemis : ou bien les deux attributs contraires peuvent se rapporter à un sujet unique : et cela de deux façons aussi. Par exemple, faire du bien, faire du mal à ses amis, ou faire du bien, faire du mal à ses ennemis. Ou bien enfin, un seul attribut pour deux sujets à la fois, et cela de deux manières également : faire du bien à ses amis et faire du bien à ses ennemis, et faire du mal à ses amis et faire du mal à ses ennemis. [113b] Les deux premières combinaisons indiquées ne donnent pas d'opposition dont les termes s'excluent ; car faire du bien à ses amis n'est pas contraire à faire du mal à ses ennemis ; ce sont là deux choses qu'on peut faire à la fois, et qui partent du même sentiment. Faire du mal à ses amis n'est pas non plus contraire à faire du bien à ses ennemis; car ce sont deux choses qu'on doit éviter, et qui partent toutes deux du même sentiment : or, ce qui est à éviter, ne peut être le contraire de ce qui est à éviter, à moins que l'un ne soit dit en excès et l'autre en défaut ; car l'excès paraît aussi bien que le défaut être une chose qu'il faut éviter. Mais les quatre autres combinaisons produisent des oppositions dont les termes s'excluent. Ainsi, faire du bien à ses amis est le contraire de leur faire du mal ; car il vient d'un sentiment tout contraire, et l'un est à faire et l'autre à éviter. Et de même pour les autres combinaisons. Dans chaque couple, en effet, l'une des choses est à faire, et l'autre à éviter; Tune vient d'un bon sentiment, et l'autre d'un mauvais. Il est donc clair, d'après ce qu'on vient de dire, qu'il peut se faire qu'une même chose ait plusieurs contraires. En effet, faire du bien à ses amis a pour contraire faire du bien à ses ennemis et faire du mal à ses amis. Et de même pour tous les autres couples. En y regardant à ce point de vue, on verra que chacune de ces assertions a deux contraires. Donc il faut prendre parmi les contraires celui qui pourra servir à la thèse qu'on soutient.

§ 2. De plus, s'il y a un contraire à l'accident, il faut examiner s'il est au sujet auquel on dit qu'est l'accident; car si l'un y est, l'autre n'y saurait être, attendu qu'il est impossible que les contraires soient à la fois à une seule et même chose.

§ 3. Ou bien, il faut voir si l'on n'a point affirmé quelque accident dont l'existence entraîne nécessairement, à sa suite, l'existence simultanée des contraires. Par exemple, si l'on a dit que les idées sont en nous, il s'en suivra que les idées seront à la fois en mouvement et en repos, qu'elles seront sensibles et intelligibles ; les idées sont en repos, elles sont immobiles et intelligibles, pour ceux qui croient à l'existence des idées. Mais une fois en nous, il est impossible qu'elles soient immobiles; car du moment que nous remuons, il y a nécessité que tout ce qui est en nous se meuve aussi avec nous. Il est également évident que si elles sont en nous elles sont sensibles; car c'est par la sensation et la vue que nous reconnaissons la forme qui est dans chaque objet.

§ 4. En outre, si l'accident est attribué à un sujet qui ait un contraire, il faudra examiner si ce sujet qui reçoit l'accident reçoit aussi le contraire; car c'est une même chose qui est susceptible des contraires. Par exemple, si l'on dit que la haine suit la colère, et que la haine soit dans la partie irascible de l'âme, car c'est là [114a] qu'est la colère, il faut examiner si le contraire de la haine, c'est-à-dire l'affection, est aussi dans la partie irascible; s'il n'y est pas, c'est-à-dire si l'affection est dans la partie concupiscive, la haine n'est pas la conséquence de la colère. Même raisonnement, si l'on dit que la partie concupiscive de l'âme est celle à laquelle appartient l'ignorance; car elle serait capable de science si elle est capable d'ignorance : ce qui semble ne pas être, puisque la partie concupiscive de l'âme n'est pas capable de science. Il faut employer ce lieu, je le répète, quand on veut détruire la thèse. Mais quand on veut la soutenir, on ne peut se servir de ce lieu qui établit que l'accident est à la chose : alors celui-là est utile qui établit qu'il peut y être; car du moment qu'on a prouvé que le sujet n'est pas susceptible du contraire, on a par cela même montré aussi que non seulement l'accident n'est pas au sujet, mais qu'il ne peut pas y être. Mais si nous montrons que le contraire est au sujet, ou que le sujet est susceptible du contraire, nous n'aurons pas encore montré que le contraire est au sujet : nous aurons seulement fait voir qu'il peut y être.

 

§ 1. Les contraires se combinent, voir sur la théorie des con traires, Catégories, ch. 11, Herméneia, ch. 14, et Métaphysique, liv 5, ch. 10.

A moins que l'un ne soit dit en excès et l'autre en défaut, comme les deux vices contraires à chaque vertu morale dans la théorie d'Aristote, l'un en excès, l'autre en défaut, sont contraires à la vertu intermédiaire ; et de plus ils sont contraires l'un à l'autre. Ainsi la prodigalité est contraire à l'avarice, et toutes les deux le sont à la générosité qui tient le milieu entr'elles.

§ 2. Il est impossible que les contraires.:, c'est le fondement même du principe de contradiction, voir les Catégories, ch. 11.

§ 3. Les idées sont en nous, c'est ce qu'implique la théorie platonicienne de la réminiscence, voir le Ménon.

A la fois en mouvement et en repos, et par conséquent on supposera que les contraires sont à la fois dans un même sujet.

§ 4. C'est une même chose, substantielle, voit les Catégories, ch. 5, § 21 ; c'est même la propriété spéciale et caractéristique de la substance.

Dans la partie irascible de l'âme, voir le Traité de l'âme, liv. 3, ch. 9, § 2 et passim, où toute cette théorie est développée.

 

 

CHAPITRE VIII.

Quatre autres lieux tirés de la consécution des termes

§ 1.  Ἐπεὶ δ´ αἱ ἀντιθέσεις τέτταρες, σκοπεῖν ἐπὶ μὲν τῶν ἀντιφάσεων ἀνάπαλιν ἐκ τῆς ἀκολουθήσεως, καὶ ἀναιροῦντα καὶ κατασκευάζοντα, λαμβάνειν δ´ ἐξ ἐπαγωγῆς. Οἷον εἰ ὁ ἄνθρωπος ζῷον, τὸ μὴ ζῷον οὐκ ἄνθρωπος· ὁμοίως δὲ καὶ ἐπὶ τῶν ἄλλων. Ἐνταῦθα γὰρ ἀνάπαλιν ἡ ἀκολούθησις· τῷ μὲν γὰρ ἀνθρώπῳ τὸ ζῷον ἕπεται, τῷ δὲ μὴ ἀνθρώπῳ τὸ μὴ ζῷον οὔ, ἀλλ´ ἀνάπαλιν τῷ μὴ ζῴῳ τὸ οὐκ ἄνθρωπος. Ἐπὶ πάντων οὖν τὸ τοιοῦτον ἀξιωτέον· οἷον εἰ τὸ καλὸν ἡδύ, καὶ τὸ μὴ ἡδὺ οὐ καλόν· εἰ δὲ τοῦτο μή, οὐδ´ ἐκεῖνο· ὁμοίως δὲ καὶ εἰ τὸ μὴ ἡδὺ οὐ καλόν, τὸ καλὸν ἡδύ. Δῆλον οὖν ὅτι πρὸς ἄμφω ἀντιστρέφει ἡ κατὰ τὴν ἀντίφασιν ἀκολούθησις ἀνάπαλιν γινομένη.

§ 2. Ἐπὶ δὲ τῶν ἐναντίων σκοπεῖν εἰ τῷ ἐναντίῳ τὸ ἐναντίον ἕπεται, ἢ ἐπὶ ταὐτὰ ἢ ἀνάπαλιν, καὶ ἀναιροῦντι καὶ κατασκευάζοντι· λαμβάνειν δὲ καὶ τὰ τοιαῦτα ἐξ ἐπαγωγῆς ἐφ´ ὅσον χρήσιμον. Ἐπὶ ταὐτὰ μὲν οὖν ἡ ἀκολούθησις, οἷον τῇ ἀνδρείᾳ καὶ τῇ δειλίᾳ· τῇ μὲν γὰρ ἀρετὴ ἀκολουθεῖ, τῇ δὲ κακία, καὶ τῇ μὲν ἀκολουθεῖ τὸ αἱρετόν, τῇ δὲ τὸ φευκτόν. Ἐπὶ ταὐτὰ οὖν καὶ ἡ τούτων ἀκολούθησις· ἐναντίον γὰρ τὸ αἱρετὸν τῷ φευκτῷ. Ὁμοίως δὲ καὶ ἐπὶ τῶν ἄλλων. Ἀνάπαλιν δὲ ἡ ἀκολούθησις, οἷον εὐεξίᾳ μὲν ὑγίεια ἀκολουθεῖ, καχεξίᾳ δὲ νόσος οὔ, ἀλλὰ νόσῳ καχεξία. Δῆλον οὖν ὅτι [114b] ἀνάπαλιν ἐπὶ τούτων ἡ ἀκολούθησις. Σπάνιον δὲ τὸ ἀνάπαλιν ἐπὶ τῶν ἐναντίων συμβαίνει, ἀλλὰ τοῖς πλείστοις ἐπὶ ταὐτὰ ἡ ἀκολούθησις. Εἰ οὖν μήτ´ ἐπὶ ταὐτὰ τῷ ἐναντίῳ τὸ ἐναντίον ἀκολουθεῖ μήτε ἀνάπαλιν, δῆλον ὅτι οὐδ´ ἐπὶ τῶν ῥηθέντων ἀκολουθεῖ τὸ ἕτερον τῷ ἑτέρῳ.

§ 3. Εἰ δ´ ἐπὶ τῶν ἐναντίων, καὶ ἐπὶ τῶν ῥηθέντων ἀναγκαῖον τὸ ἕτερον τῷ ἑτέρῳ ἀκολουθεῖν. Ὁμοίως δὲ τοῖς ἐναντίοις καὶ ἐπὶ τῶν στερήσεων καὶ ἕξεων σκεπτέον· πλὴν οὐκ ἔστιν ἐπὶ τῶν στερήσεων τὸ ἀνάπαλιν, ἀλλ´ ἐπὶ ταὐτὰ τὴν ἀκολούθησιν ἀναγκαῖον ἀεὶ γίγνεσθαι, καθάπερ ὄψει μὲν αἴσθησιν, τυφλότητι δ´ ἀναισθησίαν. Ἀντίκειται γὰρ ἡ αἴσθησις τῇ ἀναισθησίᾳ ὡς ἕξις καὶ στέρησις· τὸ μὲν γὰρ ἕξις αὐτῶν, τὸ δὲ στέρησίς ἐστιν.

§ 4. Ὁμοίως δὲ τῇ ἕξει καὶ τῇ στερήσει καὶ ἐπὶ τῶν πρός τι χρηστέον· ἐπὶ ταὐτὰ γὰρ καὶ τούτων ἡ ἀκολούθησις. Οἷον εἰ τὸ τριπλάσιον πολλαπλάσιον, καὶ τὸ τριτημόριον πολλοστημόριον· λέγεται γὰρ τὸ μὲν τριπλάσιον πρὸς τὸ τριτημόριον, τὸ δὲ πολλαπλάσιον πρὸς τὸ πολλοστημόριον. Πάλιν εἰ ἡ ἐπιστήμη ὑπόληψις, καὶ τὸ ἐπιστητὸν ὑποληπτόν· καὶ εἰ ἡ ὅρασις αἴσθησις, καὶ τὸ ὁρατὸν αἰσθητόν.

(Ἔνστασις ὅτι οὐκ ἀνάγκη ἐπὶ τῶν πρός τι τὴν ἀκολούθησιν γίνεσθαι καθάπερ εἴρηται· τὸ γὰρ αἰσθητὸν ἐπιστητόν ἐστιν, ἡ δ´ αἴσθησις οὐκ ἐπιστήμη. Οὐ μὴν ἀληθής γε ἡ ἔνστασις δοκεῖ εἶναι· πολλοὶ γὰρ οὔ φασι τῶν αἰσθητῶν ἐπιστήμην εἶναι.) Ἔτι πρὸς τοὐναντίον οὐχ ἧττον χρήσιμον τὸ ῥηθέν, οἷον ὅτι τὸ αἰσθητὸν οὐκ ἔστιν ἐπιστητόν· οὐδὲ γὰρ ἡ αἴσθησις ἐπιστήμη.

 

 

§ 1. Comme les oppositions de contraires qui s'excluent sont au nombre de quatre, il faut examiner aussi les contradictions en renversant la consécution régulière, soit qu'on soutienne la thèse, soit qu'on la réfute. Et c'est par l'induction qu'il faut procéder : par exemple, si l'on dit que l'homme est animal, il s'ensuit que ce qui n'est pas animal n'est pas homme. Et de même pour tout autre cas. Ici, en effet, la consécution est en sens inverse; car l'animal suit l'homme, mais le non-animal ne suit point le non-homme : au contraire, c'est le non-homme qui suit le non-animal. Il faut appliquer le même principe à tous les cas; par exemple, si le bien est agréable, ce qui n'est pas agréable n'est pas bien : et si cette dernière proposition n'est pas vraie, l'autre ne lest pas non plus. Et de même si ce qui n'est pas agréable n'est pas bien, il s'ensuit que le bien est agréable. Ainsi donc, évidemment, la consécution qui est prise en sens inverse par contradiction est également utile, soit pour soutenir la thèse, soit pour la réfuter.

§ 2. Pour les contraires, il faut examiner si le contraire est bien la suite du contraire, soit dans le sens direct, soit dans le sens inverse; et ce lieu est utile pour établir ou renverser la thèse. Ici encore il faut procéder par induction toutes les fois que cela peut être bon. Ainsi, la consécution est directe dans des cas comme celui-ci : le courage et la lâcheté ont, l'un la vertu pour conséquent, et l'autre le vice; l'une, la vertu, a pour conséquent qu'il faut la rechercher, l'autre, qu'il faut le fuir; et même, pour ces deux derniers termes, la consécution est encore directe, puisque ce qui est à rechercher est le contraire de ce qui est à fuir. Et de même pour tous les autres cas. Au contraire, la consécution est en sens inverse, comme lorsqu'on dit par exemple : La santé est la suite d'une bonne constitution ; et qu'au lieu de dire que la maladie est la suite d'une mauvaise constitution, [114b] on dit au contraire que la mauvaise constitution est la suite de la maladie. Il est clair qu'ici la consécution se fait en sens inverse : mais cette consécution à l'inverse a rarement lieu pour les contraires, et le plus souvent, c'est la consécution directe qu'on emploie. Si donc, le contraire ne suit pas son contraire directement, ni en sens inverse, c'est qu'évidemment dans les termes qu'on discute, l'un ne suit pas l'autre. Or, si pour les contraires, l'un est la conséquence de l'autre, nécessairement il faut qu'il en soit de même pour les termes en discussion.

§ 3. Cette recherche qu'on applique aux contraires, il faut également rappliquer aux opposés par privation et possession. Seulement la consécution inverse n'a jamais lieu dans les privations ; mais il est toujours nécessaire que la consécution y soit directe, comme par exemple, la sensibilité est la suite de la vue, et l'insensibilité est la suite de l'aveuglement ; car la sensibilité est opposée à l'insensibilité comme possession et privation, puisque l'une de ces choses est possession et l'autre privation.

§ 4.  Il faut aussi procéder pour les relatifs comme on le fait pour la possession et la privation ; car pour eux aussi, il n'y a que la consécution directe. Par exemple, si le triple est un multiple, le tiers sera aussi sous-multiple; car le triple est relatif au tiers comme le multiple est relatif au sous-multiple. Autre exemple : si la science est perception, ce qui est su sera aussi perçu, et si la vue est sensation, ce qui est vu sera aussi senti. On peut objecter que dans les relatifs la consécution n'est pas nécessairement ainsi qu'on l'a dit ; car le sensible est su, tandis que la sensation n'est pas science. Cependant cette objection ne paraît pas être vraie; car on peut soutenir, comme le font plusieurs philosophes, qu'il ne peut y avoir science des choses sensibles. Ce lieu du reste n'en serait pas moins utile pour prouver le contraire; et par exemple que ce qui est senti n'est pas su, attendu que la sensation n'est pas science.

 

 

§ 1. Sont au nombre de quatre, c'est ce qui a été dit plus haut dans le chapitre précédent,  §  1.

Les contradictions, c'est-à-dire, les combinaisons des opposés où les termes s'excluent.

En renversant la consécution régulière, en mettant dans le premier membre le sujet le premier, l'attribut le second, et en prenant dans le membre opposé, l'attribut pour sujet et réciproquement, comme dans l'exemple cité, qui du reste porte sur des opposés par affirmation et négation, contradictoires et consécutifs. Voir les catégories, ch. 10,  § 21.

§ 2. Consécution des simples contraires après la consécution des contradictoires. Voir les catégories, ch. 10 et 11.

§ 3. Aux opposés par privation et possession, voir les Catégories , ch. 10, et la Métaphysique, liv. 5, ch. 10, 23 et 23.

§ 4. Pour les relatifs, Catégories, ch. 7 et 10.

Ainsi qu'on l'a dit dans ce paragraphe même.

Comme le font plusieurs philosophes, Plalon dans le Théetète, et Aristote lui-même dans les Derniers Analytiques, passim : la science ne vient que du syllogisme.

 

 

 

CHAPITRE IX.

Trois autres lieux tirés : 1° des termes conjugués, c'est-à-dire appartenant à la même série que le sujet ; 2° des conjugués du contraire ; 3° de la production et de la destruction des choses.

§ 1.  Πάλιν ἐπὶ τῶν συστοίχων καὶ ἐπὶ τῶν πτώσεων, καὶ ἀναιροῦντα καὶ κατασκευάζοντα. Λέγεται δὲ σύστοιχα μὲν τὰ τοιάδε οἷον τὰ δίκαια καὶ ὁ δίκαιος τῇ δικαιοσύνῃ, καὶ τὰ ἀνδρεῖα καὶ ὁ ἀνδρεῖος τῇ ἀνδρείᾳ. Ὁμοίως δὲ καὶ τὰ ποιητικὰ ἢ φυλακτικὰ σύστοιχα ἐκείνῳ οὗ ἐστι ποιητικὰ ἢ φυλακτικά, οἷον τὰ ὑγιεινὰ ὑγιείας καὶ τὰ εὐεκτικὰ εὐεξίας· τὸν αὐτὸν δὲ τρόπον καὶ ἐπὶ τῶν ἄλλων. Σύστοιχα μὲν οὖν τὰ τοιαῦτα εἴωθε λέγεσθαι, πτώσεις δὲ οἷον τὸ δικαίως καὶ ἀνδρείως καὶ ὑγιεινῶς καὶ ὅσα τοῦτον τὸν τρόπον λέγεται. Δοκεῖ δὲ καὶ τὰ κατὰ τὰς πτώσεις σύστοιχα εἶναι, οἷον τὸ μὲν δικαίως τῇ δικαιοσύνῃ, τὸ δὲ ἀνδρείως τῇ ἀνδρείᾳ. Σύστοιχα δὴ λέγεται τὰ κατὰ τὴν αὐτὴν συστοιχίαν ἅπαντα, οἷον δικαιοσύνη, δίκαιος, δίκαιον, δικαίως. Δῆλον οὖν ὅτι ἑνὸς ὁποιουοῦν δειχθέντος τῶν κατὰ τὴν αὐτὴν συστοιχίαν ἀγαθοῦ ἢ [115a] ἐπαινετοῦ καὶ τὰ λοιπὰ πάντα δεδειγμένα γίνεται· οἷον εἰ ἡ δικαιοσύνη τῶν ἐπαινετῶν, καὶ ὁ δίκαιος καὶ τὸ δίκαιον καὶ τὸ δικαίως τῶν ἐπαινετῶν. Ῥηθήσεται δὲ τὸ [δικαίως καὶ] ἐπαινετῶς κατὰ τὴν αὐτὴν πτῶσιν ἀπὸ τοῦ ἐπαινετοῦ καθάπερ τὸ δικαίως ἀπὸ τῆς δικαιοσύνης.

§ 2. Σκοπεῖν δὲ μὴ μόνον ἐπ´ αὐτοῦ τοῦ εἰρημένου, ἀλλὰ καὶ ἐπὶ τοῦ ἐναντίου τὸ ἐναντίον, οἷον ὅτι τὸ ἀγαθὸν οὐκ ἐξ ἀνάγκης ἡδύ· οὐδὲ γὰρ τὸ κακὸν λυπηρόν· ἢ εἰ τοῦτο, κἀκεῖνο. Καὶ εἰ ἡ δικαιοσύνη ἐπιστήμη, καὶ ἡ ἀδικία ἄγνοια· καὶ εἰ τὸ δικαίως ἐπιστημονικῶς καὶ ἐμπείρως, τὸ ἀδίκως ἀγνοούντως καὶ ἀπείρως. Εἰ δὲ ταῦτα μή, οὐδ´ ἐκεῖνα, καθάπερ ἐπὶ τοῦ νῦν ῥηθέντος· μᾶλλον γὰρ ἂν φανείη τὸ ἀδίκως ἐμπείρως ἢ ἀπείρως. Οὗτος δ´ ὁ τόπος εἴρηται πρότερον ἐν ταῖς τῶν ἐναντίων ἀκολουθήσεσιν· οὐδὲν γὰρ ἄλλο νῦν ἀξιοῦμεν ἢ τὸ ἐναντίον τῷ ἐναντίῳ ἀκολουθεῖν.

§ 3. Ἔτι ἐπὶ τῶν γενέσεων καὶ φθορῶν καὶ ποιητικῶν καὶ φθαρτικῶν, καὶ ἀναιροῦντι καὶ κατασκευάζοντι. Ὧν γὰρ αἱ γενέσεις τῶν ἀγαθῶν, καὶ αὐτὰ ἀγαθά, καὶ εἰ αὐτὰ ἀγαθά, καὶ αἱ γενέσεις· εἰ δὲ αἱ γενέσεις τῶν κακῶν, καὶ αὐτὰ τῶν κακῶν, 〈καὶ εἰ αὐτὰ τῶν κακῶν, καὶ αἱ γενέσεις τῶν κακῶν〉. Ἐπὶ δὲ τῶν φθορῶν ἀνάπαλιν· εἰ γὰρ αἱ φθοραὶ τῶν ἀγαθῶν, αὐτὰ τῶν κακῶν, εἰ δ´ αἱ φθοραὶ τῶν κακῶν, αὐτὰ τῶν ἀγαθῶν. Ὁ δ´ αὐτὸς λόγος καὶ ἐπὶ ποιητικῶν καὶ φθαρτικῶν· ὧν μὲν γὰρ τὰ ποιητικὰ ἀγαθά, καὶ αὐτὰ τῶν ἀγαθῶν, ὧν δὲ τὰ φθαρτικὰ ἀγαθά, αὐτὰ τῶν κακῶν.

 

 

§ 1. Regardez aussi, soit que vous établissiez, soit que vous réfutiez la thèse, aux termes conjugués et aux cas. On appelle conjugués les termes qui sont entre eux dans ce rapport où les justes et le juste sont à la justice, où les courageux et le courageux sont à courage. Et de même encore, on dit que les choses qui font et celles qui conservent , sont conjuguées avec les choses qu'elles font ou qu'elles conservent. Par exemple, les choses saines le sont avec la santé, les choses fortifiantes avec la force : et ainsi du reste. Voilà ce qu'on appelle ordinairement conjugués. Les cas sont, par exemple, quand on dit justement, courageusement, sainement, fortement et autres expressions de ce genre. Il semble bien que les cas sont aussi des conjugués, et par exemple, que justement est conjugué avec justice, courageusement avec courage. Mais on entend par conjugués tous ces termes qui sont dans la même conjugaison ou série, justice, juste, le juste, justement. Il est donc clair qu'il suffit d'avoir prouvé un seul de ces termes conjugués, le bon, [115a] le louable, pour que tous les autres soient aussi prouvés; par exemple, si l'on a montré que la justice est une chose louable, juste, le juste, justement, seront aussi parmi les choses louables. On dira par une inflexion de cas tout à fait pareille, que justement est louablement; car louablement vient de louable, comme justement de juste.

§ 2. Et il faut examiner sous ce point de vue, non pas seulement la chose en question, mais aussi le contraire pour le contraire. Par exemple, on peut dire que le bien n'est pas nécessairement agréable ; car le mal n'est pas nécessairement pénible : et si le mal est nécessairement pénible, le bien aussi est nécessairement agréable; et si la justice est science, l'injustice est par cela même ignorance; et si justement est savamment et prudemment, injustement sera ignoramment et imprudemment. Si ces dernières relations ne sont pas vraies, les autres ne le sont pas non plus, comme dans l'exemple que nous venons de citer tout à l'heure; car on pourrait trouver qu'injustement est plutôt prudemment qu'imprudemment. Mais du reste l'on a déjà exposé ce lieu dans les consentions des contraires; car nous ne faisons pas ici autre chose que de dire que le contraire suit le contraire.

§ 3. Il faut aussi regarder à la production et à la destruction des choses, à ce qui fait les choses et à ce qui les détruit, soit qu'on établisse, soit qu'on réfute une thèse. En effet, les choses dont la production est bonne, sont bonnes aussi; et si les choses sont bonnes la production en est bonne également aussi. Réciproquement, si la production est mauvaise, ces choses aussi sont mauvaises. C'est à l'inverse pour la destruction; car si la destruction est bonne, c'est que les choses sont mauvaises : et si la destruction est mauvaise, c'est que les choses sont bonnes. L'on en peut dire autant pour ce qui fait les choses et pour ce qui les détruit; car du moment que ce qui fait les choses est bon, les choses aussi sont bonnes : et du moment que ce qui les détruit est bon, c'est que les choses sont mauvaises.

 

§ 1 On appelle conjugués. « La différence des conjugués aux cas, dit Alexandre, c'est que les premiers sont des choses particulières, tandis que les cas indiquent, non pas des choses qui peuvent servir de sujets, mais la manière d'agir ou la manière d'être de ces choses. »

Justement est un cas par rapport à juste ; courageusement, par rapport à courage, etc.

§ 2. Sera ignoramment, j'ai dû forger ce mot pour conserver l'antithèse.

On a déjà exposé, chapitre précédent, § 2.

 

 

CHAPITRE X.

Huit autres lieux tirés des semblables.

§ 1.  Πάλιν ἐπὶ τῶν ὁμοίων εἰ ὁμοίως ἔχει· οἷον εἰ ἐπιστήμη μία πλειόνων, καὶ δόξα, καὶ εἰ τὸ ὄψιν ἔχειν ὁρᾶν, καὶ τὸ ἀκοὴν ἔχειν ἀκούειν. Ὁμοίως δὲ καὶ ἐπὶ τῶν ἄλλων, καὶ τῶν ὄντων καὶ τῶν δοκούντων. Χρήσιμος δ´ ὁ τόπος πρὸς ἄμφω· εἰ μὲν γὰρ ἐπί τινος τῶν ὁμοίων οὕτως ἔχει, καὶ ἐπὶ τῶν ἄλλων τῶν ὁμοίων, εἰ δὲ ἐπί τινος μή, οὐδ´ ἐπὶ τῶν ἄλλων. Σκοπεῖν δὲ καὶ εἰ ἐφ´ ἑνὸς καὶ ἐπὶ πολλῶν ὁμοίως ἔχει· ἐνιαχοῦ γὰρ διαφωνεῖ. Οἷον εἰ τὸ ἐπίστασθαι διανοεῖσθαι, καὶ τὸ πολλὰ ἐπίστασθαι πολλὰ διανοεῖσθαι· τοῦτο δ´ οὐκ ἀληθές· ἐπίστασθαι μὲν γὰρ ἐνδέχεται πολλά, διανοεῖσθαι δ´ οὔ. Εἰ οὖν τοῦτο μή, οὐδ´ ἐκεῖνο τὸ ἐφ´ ἑνός, ὅτι τὸ ἐπίστασθαι διανοεῖσθαί ἐστιν.

§ 2. Ἔτι ἐκ τοῦ μᾶλλον καὶ ἧττον. Εἰσὶ δὲ τόποι τοῦ μᾶλλον καὶ ἧττον τέσσαρες· § 2. εἷς μὲν εἰ ἀκολουθεῖ τὸ μᾶλλον τῷ μᾶλλον, οἷον εἰ ἡδονὴ ἀγαθόν, καὶ ἡ μᾶλλον ἡδονὴ μᾶλλον ἀγαθόν, [115b] καὶ εἰ τὸ ἀδικεῖν κακόν, καὶ τὸ μᾶλλον ἀδικεῖν μᾶλλον κακόν. Χρήσιμος δὲ πρὸς ἄμφω ὁ τόπος· εἰ μὲν γὰρ ἀκολουθεῖ τῇ τοῦ ὑποκειμένου ἐπιδόσει ἡ τοῦ συμβεβηκότος ἐπίδοσις, καθάπερ εἴρηται, δῆλον ὅτι συμβέβηκεν· εἰ δὲ μὴ ἀκολουθεῖ, οὐ συμβέβηκεν. Τοῦτο δ´ ἐπαγωγῇ ληπτέον. § 4. Ἄλλος ἑνὸς περὶ δύο λεγομένου, εἰ ᾧ μᾶλλον εἰκὸς ὑπάρχειν μὴ ὑπάρχει, οὐδ´ ᾧ ἧττον, καὶ εἰ ᾧ ἧττον εἰκὸς ὑπάρχειν ὑπάρχει, καὶ ᾧ μᾶλλον. § 5. Πάλιν δυοῖν περὶ ἑνὸς λεγομένων, εἰ τὸ μᾶλλον ὑπάρχειν δοκοῦν μὴ ὑπάρχει, οὐδὲ τὸ ἧττον, εἰ δὲ τὸ ἧττον δοκοῦν ὑπάρχειν ὑπάρχει, καὶ τὸ μᾶλλον. § 6. Ἔτι δυοῖν περὶ δύο λεγομένων, εἰ τὸ θατέρῳ μᾶλλον ὑπάρχειν δοκοῦν μὴ ὑπάρχει, οὐδὲ τὸ λοιπὸν τῷ λοιπῷ, εἰ δὲ τὸ ἧττον δοκοῦν τῷ ἑτέρῳ ὑπάρχειν ὑπάρχει, καὶ τὸ λοιπὸν τῷ λοιπῷ. 

§ 7. Ἔτι ἐκ τοῦ ὁμοίως ὑπάρχειν ἢ δοκεῖν ὑπάρχειν τριχῶς, καθάπερ ἐκ τοῦ μᾶλλον ἐπὶ τῶν ὕστερον ῥηθέντων τριῶν τόπων ἐλέγετο. Εἴτε γὰρ ἕν τι δυσὶν ὁμοίως ὑπάρχει ἢ δοκεῖ ὑπάρχειν, εἰ τῷ ἑτέρῳ μὴ ὑπάρχει, οὐδὲ τῷ ἑτέρῳ, εἰ δὲ θατέρῳ ὑπάρχει, καὶ τῷ λοιπῷ· εἴτε δύο τῷ αὐτῷ ὁμοίως, εἰ τὸ ἕτερον μὴ ὑπάρχει, οὐδὲ τὸ λοιπόν, εἰ δὲ θάτερον, καὶ τὸ λοιπόν. Τὸν αὐτὸν δὲ τρόπον καὶ εἰ δύο δυσὶν ὁμοίως ὑπάρχει· εἰ γὰρ τὸ ἕτερον τῷ ἑτέρῳ μὴ ὑπάρχει, οὐδὲ τὸ λοιπὸν τῷ λοιπῷ· εἰ δὲ ὑπάρχει τὸ ἕτερον τῷ ἑτέρῳ, καὶ τὸ λοιπὸν τῷ λοιπῷ.

§ 11. Ἐκ μὲν οὖν τοῦ μᾶλλον καὶ ἧττον καὶ τοῦ ὁμοίως τοσαυταχῶς ἐνδέχεται ἐπιχειρεῖν.

 

 

§ 1. Il faut regarder encore si les semblables au sujet sont pris semblablement; par exemple, si la science s'appliquant à plusieurs choses, l'opinion s'y applique aussi ; et si, avoir la vue étant voir, avoir l'ouïe est bien ouïr. Et ainsi du reste, et pour ce qui est réel et pour ce qui n'est qu'apparent. Ce lieu est utile dans l'un et l'autre sens ; car s'il en est de telle façon pour l'un des semblables, il en doit être de même pour tous les autres semblables : et s'il n'en est pas ainsi pour l'un d'eux il n'en sera pas non plus ainsi pour les autres. Il faut encore voir si la similitude demeure également, qu'on applique le semblable à une seule chose ou à plusieurs; car quelque fois il n'y a pas accord dans ces deux cas : par exemple, si savoir c'est penser, savoir plusieurs choses sera penser plusieurs choses. Mais ceci n'est pas exact ; car on peut savoir plusieurs choses, on ne peut pas en penser plusieurs; si donc on ne peut penser plusieurs choses, il n'est pas vrai non plus que pour une seule chose, savoir ce soit penser.

§ 2. Il faut aussi regarder à ce qu'on peut tirer du plus et du moins; or, il y a quatre lieux pour le plus et le moins; § 3, l'un c'est quand le plus suit le plus; et par exemple, si le plaisir est un bien, le plaisir plus grand est un plus grand bien; [115b] et si être injuste est un mal, être plus injuste est un plus grand mal. Du reste, ce lieu est utile dans les deux sens; car si l'admission de l'accident suit l'admission du sujet, ainsi qu'on l'a dit dans la thèse, il est clair que l'accident est dans le sujet; et si elle ne suit pas, il est clair qu'il n'y est point. Et l'on pourrait se convaincre de la justesse de ce principe par l'induction. § 4. Voici un autre lieu du plus et du moins; c'est de montrer que si l'accident attribué à deux sujets n'est pas à celui à qui il semble plus devoir être, il n'est pas à celui à qui il semble moins devoir appartenir : ou bien, que s'il est à ce à quoi il semble moins devoir être, à plus forte raison est-il au sujet auquel il paraît plus appartenir. § 5. D'autre part, deux accidents étant attribués à un seul sujet, si celui qui semble être le plus n'y est pas, celui qui semble le moins n'y sera pas non plus : ou si cè qui paraît le moins y être, y est, le plus y sera aussi. § 6. En outre, deux accidents étant attribués à deux sujets, si celui qui paraît le plus être à l'un des deux sujets n'y est pas, celui qui reste ne sera pas non plus au sujet qui reste : ou bien, si l'attribut qui semble le moins être à l'un des deux sujets y est cependant, l'attribut qui reste sera aussi au sujet qui reste.

§ 7. On peut tirer trois lieux de la ressemblance réelle ou apparente, tout à fait analogues à ceux qu'on a exposés pour le plus et le moins, dans les trois dernières nuances dont on a parlé. § 8. Ainsi, soit qu'un seul attribut soit semblable ou paraisse être semblable dans deux sujets, s'il n'est pas réellement à l'un, il ne sera pas non plus à l'autre; mais s'il est à celui-ci, il sera également à celui-là; § 9. soit que deux attributs semblables soient au même sujet, si l'un n'y est pas, l'autre n'y sera pas non plus : mais si l'un y est, l'autre y sera aussi. § 10. Il en serait de même encore, si deux attributs semblables étaient à deux sujets ; car, si l'un des attributs n'est pas à l'un des sujets, celui qui reste ne sera pas non plus au sujet qui reste. Mais si l'un des attributs est à l'un des sujets, l'attribut qui reste sera aussi au sujet qui reste.

§ 11. On peut donc tirer autant d'arguments qu'on vient de le dire du plus et du moins et du semblable.

§ 1. La science... l'opinion, voir les Derniers Analytiques, liv. 1, ch. 33, consacré tout entier à la distinction de la science et de l'opinion.

On ne peut pas en penser plusieurs à la fois; l'acte de la pensée étant instantané; la science étant au contraire une disposition, une faculté qui peut s'appliquer successivement à plusieurs choses.

§ 3. Par l'induction, c'est-à-dire en examinant un certain nombre de cas particuliers pour arriver à conclure l'universel.

 

CHAPITRE XI.

Quatre autres lieux tirés de l'apposition.

§ 1.  Ἔτι δ´ ἐκ τῆς προσθέσεως, ἐὰν ἕτερον πρὸς ἕτερον προστεθὲν ποιῇ ἀγαθὸν ἢ λευκὸν μὴ ὂν πρότερον ἀγαθὸν ἢ λευκόν, τὸ προστεθὲν ἔσται ἀγαθὸν ἢ λευκόν, οἷόνπερ καὶ τὸ ὅλον ποιεῖ. § 2. Ἔτι εἰ πρὸς τὸ ὑπάρχον προστεθέν τι μᾶλλον ποιεῖ τοιοῦτον οἷον ὑπῆρχε, καὶ αὐτὸ ἔσται τοιοῦτον. Ὁμοίως δὲ καὶ ἐπὶ τῶν ἄλλων. Χρήσιμος δὲ οὐκ ἐν ἅπασιν ὁ τόπος, ἀλλ´ ἐν οἷς τὴν τοῦ μᾶλλον ὑπεροχὴν συμβαίνει γίνεσθαι. Οὗτος δὲ ὁ τόπος οὐκ ἀντιστρέφει πρὸς τὸ ἀνασκευάζειν. Εἰ γὰρ μὴ ποιεῖ τὸ προστιθέμενον ἀγαθόν, οὐδέπω δῆλον εἰ αὐτὸ μὴ ἀγαθόν· τὸ γὰρ [116a] ἀγαθὸν κακῷ προστιθέμενον οὐκ ἐξ ἀνάγκης ἀγαθὸν τὸ ὅλον ποιεῖ, οὐδὲ λευκὸν τὸ λευκὸν μέλανι.

§ 3. Πάλιν εἴ τι μᾶλλον καὶ ἧττον λέγεται, καὶ ἁπλῶς ὑπάρχει· τὸ γὰρ μὴ ὂν ἀγαθὸν ἢ λευκὸν οὐδὲ μᾶλλον ἢ ἧττον ἀγαθὸν ἢ λευκὸν ῥηθήσεται· τὸ γὰρ κακὸν οὐδενὸς μᾶλλον ἢ ἧττον ἀγαθὸν ἀλλὰ μᾶλλον κακὸν ἢ ἧττον ῥηθήσεται. Οὐκ ἀντιστρέφει δ´ οὐδ´ οὗτος ὁ τόπος πρὸς τὸ ἀνασκευάσαι· πολλὰ γὰρ τῶν μὴ λεγομένων μᾶλλον καὶ ἧττον ἁπλῶς ὑπάρχει· ἄνθρωπος γὰρ οὐ λέγεται μᾶλλον καὶ ἧττον, ἀλλ´ οὐ διὰ τοῦτο οὐκ ἔστιν ἄνθρωπος.

§ 4. Τὸν αὐτὸν δὲ τρόπον σκεπτέον καὶ ἐπὶ τοῦ κατά τι καὶ ποτὲ καὶ πού· εἰ γὰρ κατά τι ἐνδέχεται, καὶ ἁπλῶς ἐνδέχεται· ὁμοίως δὲ καὶ τὸ ποτὲ ἢ πού· τὸ γὰρ ἁπλῶς ἀδύνατον οὔτε κατά τι οὔτε ποτὲ οὔτε ποὺ ἐνδέχεται. (Ἔνστασις ὅτι κατά τι μέν εἰσι φύσει σπουδαῖοι, οἷον ἐλευθέριοι ἢ σωφρονικοί, ἁπλῶς δὲ οὐκ εἰσὶ φύσει σπουδαῖοι. Ὁμοίως δὲ καὶ ποτὲ μὲν ἐνδέχεται τῶν φθαρτῶν τι μὴ φθαρῆναι, ἁπλῶς δ´ οὐκ ἐνδέχεται μὴ φθαρῆναι. Τὸν αὐτὸν δὲ τρόπον καὶ ποὺ μὲν συμφέρει τοιαύτῃ διαίτῃ χρῆσθαι, οἷον ἐν τοῖς νοσώδεσι τόποις, ἁπλῶς δ´ οὐ συμφέρει. Ἔτι δὲ ποὺ μὲν ἕνα μόνον δυνατὸν εἶναι, ἁπλῶς δὲ οὐ δυνατὸν ἕνα μόνον εἶναι. Τὸν αὐτὸν δὲ τρόπον καὶ ποὺ μὲν καλὸν τὸν πατέρα θύειν, οἷον ἐν Τριβαλλοῖς, ἁπλῶς δ´ οὐ καλόν. Ἢ τοῦτο μὲν οὐ ποὺ σημαίνει ἀλλὰ τισίν· οὐδὲν γὰρ διαφέρει ὅπου ἂν ὦσιν· πανταχοῦ γὰρ αὐτοῖς ἔσται καλόν, οὖσι Τριβαλλοῖς. Πάλιν ποτὲ μὲν συμφέρει φαρμακεύεσθαι, οἷον ὅταν νοσῇ, ἁπλῶς δ´ οὔ. Ἢ οὐδὲ τοῦτο ποτὲ σημαίνει ἀλλὰ τῷ διακειμένῳ πως· οὐδὲν γὰρ διαφέρει ὁποτεοῦν, ἐὰν οὕτω μόνον διακείμενος ᾖ.) Τὸ δ´ ἁπλῶς ἐστιν ὃ μηδενὸς προστεθέντος ἐρεῖς ὅτι καλόν ἐστιν ἢ τὸ ἐναντίον· οἷον τὸ τὸν πατέρα θύειν οὐκ ἐρεῖς καλὸν εἶναι ἀλλὰ τισὶ καλὸν εἶναι· οὐκ ἄρα ἁπλῶς καλόν· ἀλλὰ τὸ τοὺς θεοὺς τιμᾶν ἐρεῖς καλὸν οὐδὲν προσθείς· ἁπλῶς γὰρ καλόν ἐστιν. Ὥστε ὃ ἂν μηδενὸς προστιθεμένου δοκῇ εἶναι καλὸν ἢ αἰσχρὸν ἢ ἄλλο τι τῶν τοιούτων, ἁπλῶς ῥηθήσεται.

§ 1. On peut encore tirer des arguments de l'apposition. Si une chose ajoutée à une autre la fait bonne ou blanche, sans que cette autre chose fût auparavant bonne ou blanche, la chose ajoutée sera bonne ou blanche, tout comme elle communique ces qualités au tout qu'elle forme avec l'autre chose. § 2. De plus, si une chose ajoutée à une autre qui a déjà certaine qualité, la fait être encore davantage ce qu'elle était, c'est que la première chose elle-même possède aussi cette qualité. Et de même pour les autres cas. Mais ce lieu n'est pas toujours applicable, il l'est seulement dans les cas où peut se produire un accroissement en plus. D'ailleurs ce lieu n'est pas réciproquement utile pour la réfutation; car, de ce que la chose ajoutée ne rend pas la chose bonne, il ne s'ensuit pas que la chose elle-même ne soit pas bonne : [116b] ainsi le bien ajouté au mal ne fait pas que le tout soit nécessairement bon, non plus que le blanc ajouté au noir ne fait pas que le tout soit blanc, pas plus que le doux ajouté à l'aigre.

§ 3. Si une chose peut avoir plus ou moins tel attribut, elle a aussi cet attribut absolument. En effet, ce qui n'est ni bon ni beau ne peut pas être dit plus ou moins bon ni blanc. Ainsi le mal n'est jamais ni plus ni moins bon ; on pourra dire seulement qu'il est plus ou moins mal. Ce lieu n'est pas réciproquement utile pour réfuter; car bien des choses qui ne sont pas susceptibles de plus sont d'une manière absolue : ainsi on ne dît pas d'un homme qu'il est plus ou moins homme ; mais cela ne fait pas qu'il ne soit point homme.

§ 4. Il faut porter le même examen à ce qui est limité dans sa façon d'être ou dans le temps ou dans le lieu; car si quelque chose peut être d'une certaine façon, c'est qu'il est déjà absolument. Et de même pour le temps et 4e lieu; car ce qui n'est absolument pas ne peut être μι d'une certaine façon, ni dans tel temps, ni dans tel lieu. On peut ajouter qu'il y a des hommes naturellement vertueux, d'une certaine façon : des hommes, par exemple, qui sont naturellement généreux ou prudents, mais qui absolument parlant ne sont pas vertueux naturellement. C'est que personne n'est prudent par le seul fait de la nature. Et de même il se peut que dans un certain cas quelqu'une des choses périssables ne périsse pas : mais absolument parlant elle ne peut pas ne pas périr. De même encore, il peut être utile dans tel lieu de suivre tel régime, par exemple, dans certains lieux insalubres, mais d'une manière absolue il n'est pas bon de le suivre. En tel lieu, il peut n'y avoir qu'un seul homme, mais absolument parlant, il n'est pas possible qu'il n'y en ait qu'un seul. Et de même, il peut être bien en tel endroit d'immoler son père, par exemple chez les Triballes, mais absolument parlant ce n'est pas bien. Mais ici ne s'agit-il pas bien plutôt des hommes que du lieu même? En effet, peu importe où ils sont; car partout où ils seront, cette action sera belle pour eux par cela seul qu'ils sont Triballes. Autres exemples: il peut être bon de faire des remèdes à un certain moment, par exemple quand on est malade, mais absolument parlant cela n'est pas bon. Mais ici encore ne s'agit-il pas beaucoup moins du temps que d'une certaine disposition ? car peu importe le moment, il suffit seulement qu'on soit disposé de telle manière. Une chose est absolument ce qu'elle est, quand on pourra dire sans y rien ajouter qu'elle est bonne ou le contraire; par exemple, vous ne direz pas que tuer son père soit bien, mais que c'est bien chez quelques peuples ; donc ceci n'est pas absolument bien. Mais vous direz sans y rien ajouter qu'il est bien d'honorer les dieux; car cela est bien d'une manière absolue. Donc, ce qui sans aucune addition paraît beau ou vilain, ou telle autre chose pareille, le sera d'une manière absolue.
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§ 1. Sans que cette autre chose fût auparavant bonne ou blanche, Alexandre fait remarquer que ce lieu est vrai pour les choses naturelles, et ne l'est pas pour les choses qui viennent de l'art humain ou de conventions humaines. Une once ajoutée à onze autres onces fait une livre, et n'est pas livre elle-même. Le lieu devient vrai en considérant l'once non plus comme mesure de convention, mais comme poids; car alors, ajoutée au poids des autres onces, elle rend le tout plus pesant ; ce sont là certainement des distinctions très-subtiles.

§ 3. Qui ne sont pas susceptibles de plus, c'est le cas, de toutes les substances, Catégories, ch. 5, § 20 ; et passim.