retour à l'entrée du site ALLER à LA TAble des matières de cicéron orateur
Ce discours a été
expliqué
littéralement annoté et revu pour la traduction française par M.
Materne.
Imprimerie de Ch. Lahure (ancienne maison Crapelet)
rue de Vaugirard, 9, près de l'Odéon.
LES
AUTEURS LATINS
EXPLIQUÉS D’APRÈS UNE MÉTHODE NOUVELLE
PAR DEUX TRADUCTIONS
FRANÇAISES
L’UNE LITTÉRALE ET JUXTALINÉAIRE PRÉSENTANT LE MOT À MOT FRANÇAIS
EN REGARD DES MOTS LATINS CORRESPONDANTS
L’AUTRE CORRECTE ET PRÉCÉDÉE DU TEXTE LATIN
avec des sommaires et
des notes
PAR UNE SOCIÉTÉ DE PROFESSEURS
ET DE LATINISTES
CICÉRON
DISCOURS POUR MARCELLUS
PARIS
LIBRAIRIE DE L. HACHETTE ET Cie
RUE PIERRE-SARRAZIN, N° 14
(Près de l'École de Médecine)
1866
----------------
AVIS
RELATIF A LA TRADUCTION JUXTALINEAIRE
On a réuni par des traits,
dans la traduction juxtalinéaire, les mots français qui traduisent un
seul mot latin.
On a imprimé en italiques les mots qu'il était nécessaire d'ajouter pour
rendre intelligible la phrase française, et qui n'avaient pas
leur équivalent dans le latin.
Enfin, les mots placés entre parenthèses, dans le français, doivent être
considérés comme une seconde explication, plus intelligible
que la version littérale.
ARGUMENT ANALYTIQUE.
Marcus Claudius
Marcellus, un des descendants de ce Marcellus, qui le premier vainquit
Annibal et qui se rendit
maître de Syracuse, était également distingué par sa naissance, par ses
dignités, par
ses talents et par son courage. Il aimait la patrie avec toute la
passion du républicain le plus jaloux de ses droits et de sa liberté.
Pendant son consulat, en 702, il s'était déclaré hautement
contre César, dont il avait combattu les prétentions avec beaucoup de
force.
Après la journée de Pharsale, il ne voulut rien devoir à l'homme qu'il
avait condamné comme rebelle, et qu'il regardait comme un usurpateur. Il
se retira à Mitylène, dans
l'île de Lesbos, où il avait résolu de passer le reste de ses jours, et
de se consoler avec les lettres et la philosophie. Les instances
réitérées de son frère,
les lettres pressantes de Cicéron ébranlèrent enfin sa constance, et il
voulut bien consentir à ce qu'on fît des démarches pour obtenir son
rappel à Rome.
Cicéron, dans une lettre à Sulpicius, proconsul en Grèce en 707, nous
apprend lui-même de quelle manière la chose se passa. Sur quelques mots
concertés dans lesquels Pison, beau-père de César, avait mêlé le nom de
Marcellus, le frère de cet illustre exilé se jeta aux pieds du
dictateur. Tous les sécateurs se levèrent, et, joignant leurs prières
aux siennes, conjurèrent César de rendre
au sénat un de ses membres les plus illustres.
Celui-ci se plaignit d'abord de l'humeur sombre de Marcellus, de
l'aigreur et de l'animosité qu'il avait montrées contre
lui ; mais, lorsqu'on ne s'attendait plus qu'à un refus, il ajouta que,
quelque sujet qu'il eût de se plaindre personnellement de lui, il ne
pouvait rien refuser à l'intercession du sénat.
Cicéron était l'ami intime de Marcellus : il fut transporté de joie; ce
jour lui parut, comme il le dit lui-même, le premier beau jour de la
république, depuis les malheurs de la guerre civile; et dans
l'enthousiasme de la reconnaissance il adressa
au dictateur
e discours , qui , pour l'élégance et l'harmonie du style, la richesse
des figures et la délicatesse des compliments, est supérieur à tout ce
qui nous reste de l'antiquité dans ce genre d'éloquence. César dut être
d'autant plus agréablement flatté que, depuis son retour à Rome, Cicéron
semblait s'être condamné à un éternel silence.
Cette harangue se divise en deux parties. Dans la première, l'orateur
donne les plus magnifiques éloges à la valeur et aux vertus guerrières
de César; mais c'est pour élever bientôt sa clémence audessus de ses
victoires et de ses conquêtes. Cette comparaison de la gloire de vaincre
avec celle de pardonner est très
brillante. On l'a toujours citée comme un modèle de l'amplification
oratoire.
Dans la seconde partie, Cicéron rassure César contre les craintes et les
soupçons qu'il a conçus : il l'exhorte
à ne pas négliger le soin de sa vie; mais il lui montre l'usage qu'il en
doit faire. Rome attend de lui qu'il relève la république : ses
victoires lui en ont donné les moyens; l'intérêt même de sa propre
gloire lui en fait un devoir, et l'orateur lui garantit pour cette noble
entreprise le concours et l'appui de tous les bons citoyens.
Ce discours fut prononcé l'an de Rome 707, sous le consulat de M.
Émilius Lépidus, et le troisième consulat, ou plutôt la troisième
dictature de
César. Cicéron avait alors soixante et un ans.
I. La clémence de César décide Cicéron à rompre le silence auquel il
s'était condamné.
II. César était sans rival comme guerrier et comme conquérant ; mais
l'acte par lequel il vient de
se signaler surpasse encore sa gloire militaire.
III. Quelle que soit la grandeur des exploits guerriers, il est un
triomphe plus beau encore que les
succès militaires, c'est celui qu'on remporte sur soi-même.
IV. A César seul appartient le titre d'invincible, puisqu'il a triomphé
de la victoire elle-même.
V. En rappelant Marcellus après tant d'autres citoyens, César montre
qu'il regarde la guerre civile plutôt comme un malheur que comme un
crime.
VI. César a été aussi clément après sa victoire que ses ennemis eussent
été cruels, s'ils avaient triomphé. Qu'il jouisse donc de sa gloire et
de ses bienfaits.
VII. Cicéron s'efforce de détruire les soupçons exprimés par César.
VIII. Devoirs de César. Il doit cicatriser les plaies de la patrie; seul
il en a le pouvoir. Qu'il ne dise donc pas qu'il a assez vécu.
IX. Une dernière tâche reste à César, c'est de relever la république,et
de réparer par de sagas lois les malheurs de la guerre
civile.
X. La guerre civile est terminée. Tous les bons citoyens conjurent César
de vivre et de continuer son oeuvre.
L'orateur proteste du dévouement du sénat.
XI. Cicéron finit, comme il a commencé, par l'expression de son
éternelle reconnaissance. Le rappel de Marcellus met le comble aux
bienfaits de César envers Cicéron.
4 - 5
M. T.
CICERONIS
CICÉRON.
ORATIO DISCOURS
PRO M.
MARCELLO.
POUR
MARCELLUS
I. Diuturni silentii, Patres Conscripti, quo eram his
temporibus usus non timore aliquo, sed partim dolore, partim
verecundia, finem hodiernus dies attulit; idemque initium, quae vellem
quaeque sentirem, meo pristino more dicendi. Tantam enim mansuetudinem,
tam inusitatam inauditamque clementiam, tantum in summa potestate
rerum omnium modum,
tam denique incredibilem sapientiam ac paene divinam, tacitus
nullo modo praeterire possum. M. enim Marcello vobis, Patres Conscripti , reique publicae reddito, non solum illius, sed meam etiam vocem et auctori- |
I. Patres Conscripti, dies hodiernus attulit finem diuturni silentii quo usus eram his temporibus, non aliquo timore, sed partim dolore, partim verecundia; idemque initium dicendi, meo more pristino, quae vellem quaeque sentirem. Possum enim nullo modo praeterire tacitus tantam mansuetudinem, clementiam tam inusitatam inauditamque, tantum modum omnium rerum in summa potestate, denique sapientiam tam incredibilem ac paene divinam. Marco enim Marcello reddito vobis, Patres Conscripti, reique publicae, puto vocem et auctoritatem non solum illius, sed etiam meam |
I.
Pères Conscrits, le jour d'-aujourd'hui a apporté la fin du long silence dont j'avais usé en ces temps-ci, non par quelque crainte, mais en-partie par douleur, en-partie par bienséance; et le mème jour a apporté le commencement de dire, selon mon habitude ancienne, les choses que je voulais et celles que je sentais. Car je rie puis en aucune façon passer silencieux (sous silence) une si grande douceur, une clémence si inusitée et si inouïe, une si-grande modération de (en) toutes choses dans le plus grand pouvoir, enfin une sagesse si incroyable et presque divine. En effet, Marcus Marcellus étant rendu à vous, Pères Conscrits, et à la république, je pense la voix et l'autorité, non-seulement de lui, mais aussi la mienne |
I.
Enfin, Pères Conscrits, ce jour a mis un terme au long silence que
la douleur, que le sentiment des convenances, et non la crainte,
m'avaient imposé pendant ces dernières années. Je vais reprendre mon
ancienne habitude d'exprimer mes voeux, mes sentiments. Une bonté si
rare, une clémence si extraordinaire, cette modération admirable dans un
pouvoir sans bornes, en un mot, cette sagesse incroyable et presque
divine, ne me permettent pas d'étouffer la voix
de la reconnaissance. Oui, Pères Conscrits, lorsque Marcellus est accordé à vos prières et aux voeux de la république, il me semble que ma voix aussi et |
6 - 7
tatem et vobis et reipublicae conservatam ac restitutam
puto. Dolebam enim, Patres Conscripti, et vehementer angebar, quum
viderem virum talem, qui in eadem causa, in qua ego, fuisset, non in
eadem esse fortuna; nec mihi persuadere poteram, nec fas esse ducebam,
versari me in nostro veteri curriculo, illo aemulo atque imitatore
studiorum ac laborum meorum quasi quodam socio a me et comite distracto.
Ergo et mihi meae pristinae vitae consuetudinem, C. Caesar, interclusam
aperuisti, et
his omnibus ad bene de omni republica sperandum quasi signum
aliquod sustulisti. Intellectum est enim mihi quidem in multis, et maxime in me ipso, sed paulo ante omnibus, quum M. Marcellum senatui populoque Romano concessisti, commemoratis praesertim offensionibus, te auctoritatem hujus ordinis dignitatemque rei- |
conservatam ac restitutam et vobis et reipublicae. Dolebam enim , Patres Conscripti, et angebar vehementer, quum viderem talem virum, qui fuisset in eadem causa, in qua ego, non esse in eadem fortuna nec poteram mihi persuadere, nec ducebam esse fas me versari in nostro veteri curriculo, illo aemulo atque imitatore meorum studiorum ac laborum distracto a me quasi quodam socio et comite. Ergo, C. Caesar, et aperuisti mihi consuetudinem interclusam meae pristinae vitae, et sustulisti quasi aliquod signum omnibus his ad bene sperandum de omni republica. Intellectum est enim mihi quidem in multis, et maxime in me ipso, sed paulo ante omnibus, quum concessisti M. Marcellum senatui populoque Romano, praesertim offensionibus commemoratis, te anteferre auctoritatem hujus ordinis dignitatemque reipublicae |
avoir été conservée et rendue et à vous et à la république. Car je souffrais, Pères Conscrits, et j'étais peiné vivement, lorsque je voyais un tel homme, après qu'il avait été dans la même cause, dans laquelle moi je fus, n'être pas dans la même fortune et je ne pouvais pas me persuader, et je ne pensais pas être permis moi m'exercer dans notre ancienne carrière, cet émule et cet imitateur de mes études et de mes travaux étant séparé de moi comme un certain associé et compagnon. Donc, C. César, et tu as ouvert à moi l'habitude interrompue de mon ancienne vie, et tu as levé (donné) comme quelque signal à tous ceux-ci (à tous las sénateurs) pour bien espérer de toute la république. Car il a été compris par moi certes à propos de beaucoup de gens, et surtout à propos de moi-méme, mais un peu auparavant (tout à l'heure) il a été compris par tous, lorsque tu as accordé M. Marcellus au sénat et au peuple romain, surtout tes mécontentements ayant été rappelés par toi, toi préférer l'autorité de cet ordre (du sénat) et la dignité de la république |
mes conseils sont rendus et conservés pour jamais à la patrie.
Je gémissais; je voyais avec une douleur extrême quelle était la
différence de nos destinées, après que nous avions l'un et l'autre
suivi la même cause. Je ne pouvais me résoudre à rentrer seul dans
une carrière qui nous avait été commune, et je pensais que c'eût été
manquer à tous les devoirs que d'y reparaître sans un ami, l'émule,
l'imitateur, le compagnon fidèle de mes travaux et de mes études. Ainsi
donc, César, vous avez à la fois rouvert pour moi cette carrière fermée
depuis longtemps, et donné aux sénateurs un gage certain de la
prospérité publique, et comme le signal de l'espérance. Ce que vous avez fait pour beaucoup d'autres, et spécialement pour moi-même, ce que vous venez de faire pour tous, en accordant Marcellus au sénat et au peuple romain, surtout après avoir rappelé le sujet de vos mécontentements, est la preuve la plus évidente que le voeu de cet ordre auguste et la dignité de la répu- |
8- 9
publicae
tuis vel doloribus vel suspicionibus anteferre. Ille quidem.
fructum omnis
vitae ante actae hodierno die maximum cepit, quum summo consensu
senatus,
tum praeterea judicio tuo gravissimo et maximo : ex quo profecto
intelligis quanta in dato beneficio sit
laus, quum in accepto tanta sit gloria. Est vero fortunatus ille,
cujus ex salute non minor
paene ad omnes, quam ad illum ventura sit, laetitia pervenerit.
Quod ei quidem merito atque optimo jure
contigit. Quis enim est illo aut nobilitate, aut probitate, aut
optimarum artium studio, aut innocentia, aut
ullo genere laudis praestantior? II. Nullius tantum est flumen ingenii, nulla dicendi aut scribendi tanta vis, tanta copia, quae, non dicam exornare, sed enarrare, C. Caesar, res tuas gestas possit.Tamen affirmo, et hoc pace dicam tua, nullam in his esse laudem ampliorem quam eam, quam hodierno die consecutus es. |
vel
tuis doloribus vel suspicionibus. Ille quidem cepit die hodierno maximum fructum omnis aetatis actae ante, quum summo consensu senatus, tum praeterea tuo judicio gravissimo et maximo : ex quo profecto intelligis quanta sit laus in beneficio dato, quum tanta sit gloria in accepto. Ille vero est fortunatus, ex salute cujus laetitia paene non minor quam ventura sit ad illum pervenerit ad omnes. Quod quidem contigit ei merito atque optimo jure. Quis enim est praestantior illo aut nobilitate, aut probitate, aut studio artium optimarum, aut innocentia, aut ullo genere laudis? II. Est tantum flumen nullius ingenii nulla vis tanta dicendi aut scribendi, tanta copia, quae possit, C. Caesar, non dicam exornare, sed enarrare tuas res gestas. Tamen affirmo, et dicam hoc tua pace, nullam laudem esse in his ampliorem quam eam quam consecutus es die hodierno. |
soit à tes ressentiments soit à tes soupçons. Lui (Marcellus) certes a reçu (recueilli) dans le jour d'-aujourd'hui le plus grand fruit de toute sa vie passée précédemment, d'une-part par la très-grande unanimité du sénat, d'autre-part en outre par ton jugement très-grave et très-important: d'après quoi sans-doute tu comprends combien-grand est l'honneur en un bienfait donné, lorsque si-grande est la gloire en un bienfait reçu. Mais celui-là est heureux, du salut duquel une joie presque non moindre qu'elle ne doit venir à lui-même sera venue à tous. Ce qui certes est arrivé à lui avec raison et à très-bon droit. Qui en effet est supérieur à lui ou par la noblesse, ou par la probité, ou par le goût des pratiques les meilleures (les plus nobles) ou par l'intégrité, ou par aucun genre de mérite? II. Il n'y a si-grand fleuve (torrent) d'aucun génie, il n'y a aucune force si-grande de parler ou d'écrire, ni si-grande abondance, qui, puisse, C. César, je ne dirai pas orner, mais raconter tes exploits. Cependant j'affirme, et je dirai ceci avec ta permission, aucune gloire n'être dans ces exploits plus grande quo celle que tu as acquise dans le jour d'-aujourd'hui. |
blique l'emportent, auprès de vous, sur vos ressentiments et
vos soupçons. Le suffrage unanime du sénat en faveur de ce grand
citoyen, et la justice éclatante que vous lui rendez , lui ont
fait recueillir en ce jour tout le fruit de sa vie passée. Vous
sentez, César, à quel point un bienfait honore celui qui donne, quand il
y a tant de gloire à recevoir. Mais en même temps, combien Marcellus
est heureux que cette faveur ne cause pas moins de joie à ses
concitoyens qu'il n'en ressentira lui-même ! Ces hommages de l'affection
publique lui sont bien dus. Quel homme, en effet, est supérieur à lui
par la naissance, par la probité, le goût des arts, l'innocence des
moeurs, enfin par quelque genre de mérite que ce puisse être? II. Toute la fécondité du plus beau génie, tous les efforts de l'éloquence et de l'histoire s'épuiseraient en vain, je ne dirai point pour orner, mais pour raconter vos actions guerrières. Nulle d'elles cependant, j'ose le dire devant vous-même, César, ne vous procura jamais une gloire plus éclatante que celle que vous venez d'acquérir aujourd'hui. |
10 - 11
Soleo saepe ante oculos ponere, idque libenter crebris usurpare
sermonibus, omnes nostrorum imperatorum, omnes exterarum gentium
potentissimorumque populorum, omnes clarissimorum regum res
gestas cum tuis nec contentionum magnitudine, nec numero
proeliorum, nec varietate regionum, nec celeritate conficiendi, nec
dissimilitudine bellorum posse conferri ; nec vero disjunctissimas
terras citius cujusquam passibus potuisse peragrari, quam tuis, non
dicam cursibus, sed victoriis lustratae sunt. Quae quidem ego nisi ita magna esse fatear, ut ea vix cujusquam mens aut cogitatio capere possit, amens sim : sed tamen sunt alia majora. Nam bellicas laudes solent quidam extenuare verbis, easque detrahere ducibus, communicare cum multis, ne propriae sint imperatorum. Et certe in armis mili- |
Soleo saepe ponere ante oculos, usurpareque id libenter crebris sermonibus, omnes res gestas nostrorum imperatorum, omnes gentium exterarum populorumque potentissimorum, omnes regum clarissimorum posse conferri cum tuis nec magnitudine contentionum, nec numero proeliorum, nec varietate regionum nec celeritate conficiendi, nec dissimilitudine bellorum ; nec vero terras disjunctissimas potuisse peragrari passibus cujusquam citius quam lustratae sunt, non dicam tuis cursibus, sed victoriis. Quae quidem nisi ego fatear esse ita magna, ut mens aut cogitatio cujusquam possit vix ea capere, sim amens sed tamen alia sunt majora. Nam quidam solent extenuare verbis laudes bellicas, easque detrahere ducibus, communicare cum multis, ne sint propriae imperatorum. Et certe in armis virtus militum, |
J'ai-coutume souvent de mettre devant mes yeux, et de rappeler cela volontiers dans de fréquents entretiens, toutes les actions accomplies de nos généraux, toutes celles des nations étrangères et des peuples les plus puissants, toutes celles des rois les plus illustres ne pouvoir être comparés avec les tiennes ni par la grandeur des intérêts-opposés, ni par le nombre des combats, ni par la variété des contrées, ni par la promptitude d'exécuter (de l'exécution), ni parla différence des guerres; et certes les terres les plus distantes n'avoir pu être traversées par les pas de personne plus vite qu'elles n'ont été parcourues, je ne dirai pas par tes courses, mais par tes victoires. Lesquelles choses certes ni moi je n'avouais être si grandes, que l'esprit ou la pensée de quelqu'un peut à peine les concevoir, je serais insensé mais cependant d'autres choses sont plus grandes. Car certains ont coutume d'atténuer par leurs paroles les louanges guerrières, et de les ôter aux chefs, et de les faire-partager, avec beaucoup d'hommes, de sorte qu'elles ne soient pas propres aux généraux. Et assurément dans les armes la valeur des soldate, |
Une vérité qui souvent occupe ma pensée, et que, dans les
épanchements de l'amitié, je me plais à répéter chaque jour, c'est que
tous les hauts faits de nos généraux, des nations étrangères, des
peuples les plus puissants, des monarques les plus célèbres, ne peuvent
être comparés aux vôtres, soit que l'on considère la grandeur des
intérêts, le nombre des combats, la variété des pays, la célérité de
l'exécution, ou la diversité des guerres ; c'est enfin que nul voyageur
n'a jamais traversé avec plus de vitesse les régions séparées par les
plus longs intervalles, que vous ne les avez parcourues à la tête de vos
légions victorieuses. Que de tels exploits aient le droit d'étonner l'imagination la plus hardie, la folie seule pourrait le méconnaître : toutefois il est des choses encore plus grandes. En effet, les succès militaires ont des détracteurs ; quelques hommes contestent aux généraux une portion de cette gloire : ils en font la part des soldats, afin qu'elle ne demeure pas entière aux chefs qui les commandent. Et soyons vrais, |
12 - 13
tum virtus, locorum opportunitas, auxilia sociorum, classes,
commeatus, multum juvant. Maximam vero partem quasi
suo jure fortuna sibi vindicat; et, quidquid est prospere gestum,
id paene omne ducit suum. At vero hujus gloriae, C. Caesar, quam es paulo ante adeptus, socium habes neminem : totum hoc, quantumcumque est, quod certe maximum est, totum est, inquam, tuum. Nihil sibi ex ista laude centurio, nihil praefectus, nihil cohors, nihil turma decerpit; quinetiam illa ipsa rerum humanarum domina, Fortuna, in istius se societatem gloriae non offert; tibi concedit, tuam esse totam et propriam fatetur. Nunquam enim temeritas cum sapientia commiscetur, nec ad consilium casus admittitur. III: Domuisti gentes immanitate barbaras, multitudine innumerabiles, locis infinitas, omni copiarum genere abundantes: |
opportunitas
locorum auxilia sociorum, classes, commeatus, juvant multum : fortuna vero vindicat sibi quasi jure suo maximam partem, et, quidquid gestum est prospere, ducit suum paene omne id. At vero, C. Caesar, habes neminem socium hujus gloriae quam adeptus es paulo ante : hoc, quantumcumque est, quod certe est maximum, est totum, totum, inquam, tuum. Ex ista laude centurio decerpit sibi nihil, praefectus nihil, cohors nihil, turma nihil; quinetiam, Fortuna, illa domina ipsa rerum humanarum, non se offert in societatem istius gloriae ; concedit tibi, fatetur esse tuam et propriam totam. Nunquam enim temeritas commiscetur cum sapientia, nec casus admittitur ad consilium. III. Domuisti gentes barbaras immanitate, innumerabiles multitudine, infinitas locis, abundantes omni genere copiarum |
l'opportunité des lieux, les secours des alliés, les flottes, les approvisionnements, aident beaucoup : de plus la fortune revendique pour soi comme d'un droit sien la plus grande part au succès, et, tout ce qui a été fait heureusement, elle estime sien presque tout cela. Mais certes, C. César, tu n'as personne pour associé de cette gloire que tu as acquise, un peu auparavat (tout à l'heure) cela (cet honneur), quelque grand qu'il soit, qui certes est très-grand, est tout-entier, tout-entier, dis-je, tien. De cette gloire aucun centurion ne détache pour soi rien, aucun préfet, rien , aucune cohorte, rien, aucun escadron, rien; bien plus, la Fortune, cette maîtresse elle-même des choses humaines, ne s'offre pas en partage de cette gloire; elle cède à toi , elle confesse cette gloire être tienne et propre à toi tout-entière. Jamais en effet la témérité ne s'allie avec la sagesse, et jamais le hasard n'est admis auprès de la prudence. III. Tu as dompté des nations barbares par la férocité, innombrables par la multitude, infinies par les lieux, abondantes en toute sorte de ressources |
la valeur des troupes, l'avantage des positions, les secours
des alliés, les flottes, les convois, contribuent beaucoup à la
victoire. La fortune surtout en réclame la plus grande partie; et il
n'est presque pas de succès qu'elle ne revendique comme son ouvrage. Mais, César, la gloire qui vous est acquise en ce jour, nul autre ne la partage avec vous. Quelque grande qu'elle soit, et elle ne peut l'être davantage, elle est à vous, oui , tout entière à vous seul. Centurion, préfet, soldat, nul n'a droit de détacher un seul laurier d'une si belle couronne. La Fortune elle-même, cette maîtresse des choses humaines, n'ose rien y prétendre; elle vous la cède; elle confesse qu'elle vous est propre, qu'elle n'appartient qu'à vous. Jamais, en effet, la témérité ne s'allie avec la sagesse, et le hasard n'est pas admis aux conseils de la prudence. III. Vous avez dompté des nations barbares, innombrables, répandues dans de vastes contrées, inépuisables en ressources ; mais |
14 - 15
sed tamen ea vicisti, quae et naturam et conditionem, ut vinci
possent, habebant. Nulla est enim tanta vis, quae non ferro ac viribus
debilitari frangique possit. Animum vincere, iracundiam cohibere,
victoriam temperare, adversarium nobilitate, ingenio, virtute
praestantem, non modo extollere jacentem, sed etiam amplificare ejus
pristinam dignitatem : haec qui faciat, non ego eum cum summis viris
comparo, sed simillimum deo judico. Itaque, C. Caesar, bellicae tuae laudes celebrabuntur illae quidam non solum nostris, sed paene omnium gentium litteris atque linguis; neque ulla unquam aetas de tuis laudibus conticescet : sed tamen ejusmodi res nescio quomodo, etiam quum leguntur, obstrepi clamore militum videntur et tubarum sono. At vero, quum aliquid clementer, mansuete, juste, moderate, sapienter factum, in iracundia praesertim, quae est inimica consilio, et in victoria, quae natura insolens et superba est, aut |
sed tamen vicisti ea, quae habebant et naturam et conditionem, ut possent vinci. Nulla enim vis est tanta, quae non possit debilitari frangique ferro ac viribus. Vincere animum, cohibere iracundiam, temperare victoriam, non modo extollere jacentem adversarium praestantem nobilitate, ingenio, virtute, sed etiam amplificare pristinam dignitatem ejus : qui faciat haec, ego non comparo eum cum summis viris, sed judico simillimum deo. Itaque, C. César, tuae laudes bellicae illae quidam celebrabuntur non solum nostris litteris atque linguis, sed paene omnium gentium; neque unquam ulla aetas conticescet de tuis laudibus sed tamen res ejusmodi, nescio quomodo, etiam quum leguntur, videntur obstrepi clamore militum et sono tubarum. At vero, quum aut audimus aut legimus aliquid factum clementer, mansuete, juste, moderate, sapienter, praesertim in iracundia, quae est inimica consilio, et in victoria, quae est natura |
mais pourtant tu as vaincu des choses qui avaient et une nature et une condition, pour qu'elles pussent être vaincues. Car aucune force n'est si-grande, qui ne puisse être affaiblie et être brisés par le fer et par les forces humaines. Vaincre son coeur, réprimer sa colère, modérer sa victoire, non-seulement relever gisant un adversaire distingué par sa noblesse, par son génie, par sa vertu, mais encore augmenter l'ancienne dignité de lui : celui qui peut faire ces actes, moi je ne compare pu lui avec les plus grands hommes, mais je le juge très-semblable à un dieu. Aussi , C. César, tes louanges guerrières celles-là certes seront célébrées non-seulement par nos écrits et par nos langues (entretiens), mais par ceux de presque toutes les nations; et jamais aucun âge ne se taira sur tes louanges mais pourtant des faits de cette sorte, je ne sais comment, même lorsqu'ils sont lus, semblent être troublés (couverts) par le cri des soldats et par le son des trompettes. Mais vraiment, lorsque ou noua entendons ou nous lisons quelque chose avoir été fait avec clémence, avec-douceur, avec-justice, avec-modération, avec sagesse, surtout dans la colère, qui est ennemie de la raison, et dans le victoire, qui est de sa nature |
enfin, ces nations que vous avez vaincues, ni la nature ni leur
destinée ne les avaient faites invincibles. Il n'est point de force qui
ne, puisse être ébranlée et brisée par le fer et les efforts. Mais se
vaincre soi-même, réprimer sa colère, modérer la victoire, tendre une
main secourable à un adversaire distingué par la noblesse, par le
talent, par la vertu, le relever, le placer même dans un plus haut rang,
c'est faire plus qu'un héros, c'est s'égaler à la divinité. Sans doute, César, vos actions guerrières seront célébrées non seulement dans nos fastes, mais dans les annales de presque toutes les nations : elles deviendront l'éternel entretien des générations futures. Cependant, lorsque nous lisons le récit des batailles et des victoires, il semble que nous soyons encore troublés par le cri des soldats et par le son des trompettes. Si, au contraire, nous lisons ou si nous entendons raconter une action de clémence, de douceur, de justice, de modération, de sagesse, surtout quand elle a été faite dans la colère, toujours ennemie de la raison, ou dans la vic- |
16 - 17
audimus
aut legimus, quo studio incendimur, non modo in gestis rebus, sed
etiam in fictis, ut eos saepe, quos nunquam vidimus, diligamus ! Te
vero, quem praesentem intuemur, cujus mentem sensusque eos cernimus, ut,
quidquid belli fortuna reliquum reipublicae fecerit, id esse salvum
velis, quibus laudibus efferemus? quibus studiis prosequemur? qua
benevolentia complectemur? Parietes, medius fidius, ut mihi videtur,
hujus curiae, tibi gratias agere
gestiunt, quod brevi tempore futura sit illa auctoritas in his
majorum suorum et suis sedibus. IV. Equidem quum C. Marcelli, viri optimi, et commemorabili pietate praediti, lacrimas modo vobiscum viderem, omnium Marcellorum meum pectus memoria offudit. Quibus tu etiam mortuis, M. Marcello conservato, dignitatem suam reddidisti, nobilissimamque familiam, jam ad paucos redactam, paene ab interitu vindicasti. Hunc tu igitur diem tuis maximis et innumerabilibus gratu- |
insolens et superba, quo studio incendimur, non modo in rebus gestis, sed etiam fictis, ut saepe diligamus eos quos nunquam vidimus! Te vero, quem intuemur praesentem, cujus cernimus mentem sensusque eos, ut, quidquid fortuna belli fecerit reliquum reipublicae, velis id esse salvum, quibus laudibus efferemus? quibus studiis prosequemur? qua benevolentia complectemur? Parietes hujus curiae, medius Fidius, ut videtur mihi, gestiunt agere gratias tibi, quod tempore brevi illa auctoritas futura sit in his sedibus suorum majorum et suis. IV. Equidem quum modo vobiscum viderem lacrimas C. Marcelli, viri optimi, et praediti pietate commemorabili, memoria omnium Marcellorum offudit meum pectus quibus etiam mortuis, M. Marcello conservato, tu reddidisti suam dignitatem, vindicastique paene ab interitu familiam nobilissimam, jam redactam ad paucos. Tu igitur antepones jure hunc diem gratulationibus tuis maximis |
insolente et superbe, de quel zèle sommes-nous enflammés, non-seulement pour des faits réels, mais encore pour des faits imaginés , au point que souvent nous chérissons ceux que jamais nous n'avons vus! Mais toi, que nous voyons présent, dont nous distinguons l'âme et les sentiments tels, que, tout ce que la fortune de la guerre a fait de reste (a laissé) à la république, tu veux cela être sauf, de quelles louanges t'exalterons-nous ? de quels transports-de-zèle t'accompagnerons-nous de quel attachement t'entourerons-nous ? Les murs de cette curie, que le dieu Fidius me soit en aide (certes) comme il semble à moi, brûlent de rendre grâces à toi, de ce que dans un temps court cette autorité (un homme de cette autorité) va être (s'asseoir) sur ces sièges ceux de ses ancêtres et les siens. IV. Certes lorsque naguère avec vous je voyais les larmes de C. Marcellus, homme très-bon, et doué d'une tendresse mémorable, le souvenir de tous les Marcellus a envahi mon coeur auxquels même morts, M. Marcellus étant conservé, toi tu as rendu leur dignité, et tu as arraché presque à l'extinction une famille très-noble, déjà réduite à peu de membres. Toi donc tu préféreras à bon droit ce jour-ci aux actions-de-grâces tiennes (décrétées en qui furent très-grandes [ton honneur) |
toire, naturellement insolente et cruelle, par quelle douce
impulsion nous sentons-nous portés, même dans les récits fabuleux, à
chérir des personnes que nous n'avons jamais vues ! Mais vous, que nos
regards contemplent, vous, dont nous voyons que les pensées
et les désirs n'ont d'autre but que de conserver à la patrie ce
que le malheur de la guerre
ne lui a pas ravi, quelles acclamations vous prouveront notre
reconnaissance? quels seront les transports de notre zèle? quel sera
l'enthousiasme de notre amour? Ah ! César
! il me semble que, tressaillant eux-mêmes de joie, ces murs
veulent prendre la parole, et vous rendre grâces de ce que bientôt ils
verront ce vertueux citoyen remonter sur ces sièges que
lui-même et ses ancêtres ont si dignement occupés. IV. Pour moi, lorsque j'ai vu couler ici les larmes de C. Marcellus, ce parfait modèle de la tendresse fraternelle, le souvenir de tous ces grands hommes a pénétré mon âme. En conservant M. Marcellus, vous leur avez rendu, même après le trépas , tout l'éclat de leur antique splendeur ; vous avez sauvé de la mort cette illustre famille, qui déjà ne vit plus que dans un petit nombre de rejetons. C'est donc à juste titre que vous mettrez cette seule journée au |
18- 19
lationibus jure antepones. Haec enim
res unius est propria C. Caesaris; ceterae duce te gestae, magnae
illae quidem, sed tamen multo magnoque comitatu. Hujus
autem rei tu idem et dux es et comes : quae quidem tanta est, ut
tropaeis monumentisque tuis allatura finem sit aetas (nihil est enim
opere
aut manu factum, quod aliquando non conficiat et consumat
vetustas), at haec tua justitia et lenitas animi florescet quotidie
magis, ita ut, quantum operibus tuis diuturnitas detrahet, tantum
afferat laudibus. Et ceteros quidem omnes victores bellorum civilium jam ante aequitate et misericordia viceras : hodierno vero die te ipsum vicisti. Vereor ut hoc, quod dicam, perinde intelligi auditu possit atque ipse cogitans sentio : ipsam victoriam vicisse videris, quum ea, quia illa erat adepta, victis remisisti. Nam, |
et innumerabilibus. Haec enim res est propria C. Caesaris unius ; ceterae gestae te duce, illae quidem magnae, sed tamen comitatu multo magnoque. Hujus autem rei tu idem es et dux et comes quae quidem est tanta, ut aetas allatura sit finem tuis tropaeis monumentisque (est enim nihil factum opere aut manu, quod aliquando vetustas non conficiat et consumat), at haec justitia et lenitas animi tua florescet quotidie magis, ita ut afferat laudibus tantum quantum diuturnitas detrahet tuis operibus. Et quidem jam ante viceras aequitate et misericordia omnes ceteros victores bellorum civilium : die vero hodierno vicisti te ipsum. Vereor ut hoc quod dicam possit intelligi auditu perinde atque ipse sentio cogitans : videris vicisse victoriam ipsam, quum remisisti victis ea, quae illa erat adepta. Nam quum omnes victi |
et sans-nombre. Car cette action est propre à C. César seul; toutes-les-autres faites toi étant chef (sous ta conduite), celles-là certes sont grandes, mais cependant elles ont été faites avec un entourage nombreux et grand. Mais de cette action toi le même (à la fois) tu es et le chef et le compagnon: laquelle certes est si-grande, que l'âge (le temps) apportera (mettra) fin à tes trophées et à tes monuments ( car il n'est rien fait par le travail ou par la main, qu'à-la-fin la longue-durée ne détruise et ne consume), mais cette justice et cetlte douceur d'âme tienne fleurira chaque-jour davantage, tellement qu'elle apporte à tes louanges autant que la longueur-de-temps ôtera à tes ouvrages. Et certes déjà auparavant tu avais vaincu en équité et en clémence tous les autres vainqueurs des guerres civiles : mais dans le jour d'-aujourd'hui tu as vaincu toi-même. Je crains que ceci même que je vais-dire ne puisse pas être compris à être entendu (par mes auditeurs) aussi-bien que moi-même je le sens en pensant (dans ma pensée): tu sembles avoir vaincu la victoire même, lorsque tu as remis aux vaincus les avantages qu'elle avait obtenus. Car lorsque tous vaincus |
dessus de vos innombrables triomphes. Ce que vous venez de
faire est l'ouvrage de vous seul. Nul doute que les victoires remportées
sous vos ordres ne soient éclatantes; mais de nombreux guerriers ont
secondé votre courage. Ici vous êtes à la fois et la tête qui commande,
et le bras qui exécute. La durée de vos trophées et de vos monuments ne
peut être éternelle; ouvrages des hommes, ils sont mortels comme eux ;
mais cette justice et cette bonté, dont vous donnez un si rare exemple,
brilleront chaque jour d'un nouvel éclat, et ce que les années feront
perdre à vos monuments, elles l'ajouteront à votre gloire. Déjà vous avez surpassé en modération et en clémence tous ceux qui furent vainqueurs dans des guerres civiles : aujourd'hui vous vous êtes surpassé vous-même. Je crains de ne pouvoir exprimer ma pensée telle que je la conçois : vous me semblez avoir vaincu la victoire même , en remettant aux vaincus les droits qu'elle avait acquis sur eux. Par les lois de la victoire, nous eussions tous péri |
20 - 21
quum ipsius victoriae conditione jure omnes victi cecidissemus,
clementiae
tuae judicio conservati sumus. Recte igitur unus invictus es, a
quo etiam ipsius victoriae conditio visque devicta est. V. Atque hoc C. Caesaris judicium, Patres Conscripti, quam late pateat, attendite : omnes enim, qui ad illa arma fato sumus nescio quo reipublicae misero funestoque compulsi, etsi aliqua culpa tenemur erroris humani, a scelere certe liberati sumus. Nam quum M. Marcellum, deprecantibus vobis, reipublicae conservavit, memet mihi, et item reipublicae, nullo deprecante, reliquos amplissimos viros et sibi ipsis et patriae reddidit; quorum et frequentiam et dignitatem hoc ipso in consessu videtis : non ille hostes induxit in curiam, sed judicavit a plerisque ignoratione potius et falso atque inani metu, quam cupiditate aut crudelitate, bellum esse susceptum. |
cecidissemus jure conditione victoriae ipsius, conservati sumus judicio tuae clementiae. Unus igitur es recte invictus, a quo conditio visque etiam victoriae ipsius devicta est. V. Atque attendite, Patres Conscripti, quam late pateat hoc judicium C. Caesaris : omnes enim, qui fato nescio quo misero funestoque reipublicae compulsi sumus ad illa arma, etsi tenemur aliqua culpa erroris humani, certe liberati sumus scelere. Nam quum, vobis deprecantibus, conservavit reipublicae M. Marcellum, nullo deprecante, reddidit memet mihi, et item reipublicae, reliquos viros amplissimos et sibi ipsis et patriae ; quorum videtis et frequentiam et dignitatem in hoc consessu ipso : ille non induxit hostes in curiam, sed judicavit bellum susceptum esse a plerisque potius ignoratione et metu falso atque inani, quam cupiditate aut crudelitate. |
nous eussions péri à bon droit par la condition de la victoire même, nous avons été conservés par le jugement de ta clémence. Seul donc tu es justement invincible, toi par qui la condition et la force aussi de la victoire même a été vaincue. V. Et considérez, Pères Conscrits, combien loin s'étend ce jugement de C. César : en effet nous tous, qui par un destin je ne sais lequel misérable et funeste de la république avons été poussés à ces armes-là (à cette guerre), bien que nous soyons tenus (entachés) par quelque faute de l'erreur humaine, au moins nous avons été absous de crime. Car lorsque, vous le priant, il a conservé à la république M. Marcellus, lorsque, nul ne le priant, il a rendu moi-même à moi, et aussi à la république, lorsqu'il a rendu les autres hommes les plus honorables et à eux-mêmes et à la patrie ; desquels vous voyez et l'affluence et la dignité. dans cette assemblée même ce grand homme n'a pas introduit des ennemis dans la curie, mais il a jugé la guerre avoir été entreprise par la plupart plutôt par ignorance et par une crainte fausse et vaine, que par intérêt ou par cruauté. |
justement; l'arrêt de votre clémence nous a tous conservés.
Ainsi donc, à vous seul appartient le titre d'invincible, puisque vous
avez triomphé des droits et de la force de la victoire. V. Et remarquez, Pères Conscrits, quelles sont les heureuses conséquences de ce jugement de César. Ceux de nous qu'un destin malheureux et funeste entraîna dans cette guerre, ont, sans contredit, à se reprocher une de ces erreurs qui sont inséparables de l'humanité; mais du moins notre innocence est solennellement reconnue. En effet, lorsque César, touché de vos prières, a conservé Marcellus à la république ; lorsque sa bonté, prévenant toutes les sollicitations, m'a rendu à moi-même et à ma patrie, ainsi que tant d'autres citoyens illustres que vous voyez autour de vous, il n'a point placé dans le sénat les ennemis du nom romain ; il a jugé que la plupart avaient pris les armes par l'effet d'une erreur ou d'une crainte vaine et chimérique, plutôt que par aucun motif d'ambition ou de haine. |
22 - 23
Quo quidem in bello semper de pace agendum putavi, semperque
dolui non modo pacem, sed orationem etiam civium pacem flagitantium
repudiari. Neque enim ego illa, nec ulla unquam secutus sum arma
civilia,
semperque mea consilia pacis et togae socia, non belli atque
armorum fuerunt. Hominem sum secutus privato
officio, non publico; tantumque. apud me grati animi fidelis>
memoria valuit, ut nulla non modo cupiditate, sed ne spe quidem, prudens
et sciens, tanquam ad interitum ruerem voluntarium. Quod quidem meum consilium minime obscurum fuit. Nam et in hoc ordine, integra re, multa de pace dixi, et in ipso bello eadem etiam cum capitis mei periculo sensi. Ex quo jam nemo erit tam injustus, rerum existimator, qui dubitet quae Caesaris voluntas de bello fuerit, quum pacis auctores conservandos statim censuerit, ceteris fuerit iratior. Atque id minus mirum fortasse tum, quum esset incertus exitus et an- |
Quo
quidem in bello semper putavi agendum de pace, semperque dolui non modo pacem, sed orationem etiam civium flagitantium pacem, repudiari. Neque enim ego secutus sum illa arma civilia nec unquam ulla, semperque mea consilia fuerunt socia pacis et togae, non belli atque armorum. Secutus sum hominem officio privato, non publico; memoriaque fidelis animi grati valuit tantum apud me, ut non modo nulla cupiditate, sed ne spe quidem, prudens et sciens, ruerem tanquam ad interitum voluntarium. Quod quidem consilium meum fuit minime obscurum. Nam et in hoc ordine, re integra, dixi multa de pace, et in bello ipso sensi etiam eadem cum periculo mei capitis. Ex quo jam nemo erit existimator rerum tam injustus, qui dubitet, quae fuerit voluntas Caesaris de bello, quum censuerit statim auctores pacis conservandos, fuerit iratior ceteris. Atque id minus mirum fortasse tum, quum exitus esset incertus, |
Et certes dans
cette guerre toujours j'ai pensé falloir (qu'il fallait) s'occuper de le paix, et toujours j'ai gémi non seulement la paix, mais le langage même des citoyens qui demandaient la paix, être rejetés. Et en effet moi je n'ai pas suivi ces armes civiles, ni jamais aucunes autres, et toujours mes conseils ont été auxiliaires de la paix et de la toge, non de la guerre et des armes. J'ai suivi un homme par un devoir privé, non public; et la mémoire fidèle d'une âme reconnaissante a eu-du-pouvoir tellement auprès de moi, que non-seulement sans aucune passion, mais même sans espoir, de-sang-froid et le sachant, je courais comme à une mort volontaire. Et certes ce dessein mien a été très-peu obscur. Car et dans cette compagnie, l'affaire étant entière (avant les hostilités) j'ai dit beaucoup de paroles sur la paix, et dans la guerre même j'ai pensé encore les mêmes choses avec péril de (pour) ma tête. Par quoi dès-lors personne ne sera appréciateur des faits si injuste, qui doute quelle a été la volonté de César sur (à l'égard de) la guerre, puisqu'il a été-d'-avis aussitôt les conseillers de la paix devoir être conservés, et qu'il a été plus irrité contre les autres. Et cela était moins étonnant peut-être alors, lorsque l'issue était incertaine, |
Pour moi, dans le cours de nos dissensions, j'ai toujours pensé
qu'il fallait s'occuper de la
paix, et j'ai vu avec douleur qu'on la rejetât, qu'on refusât même
d'écouter ceux qui la réclamaient avec instance. Mon bras ne s'est
armé, ni dans cette guerre civile, ni dans aucune autre ; et mes
conseils , toujours amis de la paix et de la concorde, n'inspirèrent
jamais la haine et les combats. J'ai suivi dans Pompée un ami, et non
pas un chef : tel était sur mon coeur le pouvoir de la reconnaissance,
que, sans intérêt et même sans espoir, je courais volontairement au
précipice. Je n'ai point dissimulé ma pensée : car, dans ce lieu même, avant qu'on eût pris les armes, j'ai parlé fortement pour la paix ; et durant la guerre, au péril de mes jours, j'ai constamment tenu le même langage. On ne pourrait donc, sans injustice, douter de l'opinion de César sur la guerre, après qu'on l'a vu s'empresser de sauver les amis de la paix, et se montrer plus sévère envers les autres. Sa conduite pouvait sembler moins étonnante, lorsque l'événement était douteux et le succès incertain ; mais, après la vic |
24 - 25
ceps
fortuna belli : qui vero victor pacis auctores diligit, is
profecto declarat se maluisse non dimicare quam vincere. VI. Atque hujus quidem rei M. Marcello sum testis. Nostri enim sensus, ut in pace semper, sic tum etiam in bello congruebant. Quoties ego eum et quanto cum dolore vidi, quum insolentiam certorum hominum, tum etiam ipsius victoriae ferocitatem extimescentem ! Quo gratior tua liberalitas, C. Caesar, nobis, qui illa vidimus, debet esse. Non enim jam causae sunt inter se, sed victoriae comparandae. Vidimus tuam victoriam proeliorum exitu terminatam; gladium vagina vacuum in urbe non vidimus. Quos amisimus cives, eos Martis vis perculit, non ira victoriae; ut dubitare debeat nemo quin multos, si fieri posset, C. Caesar ab inferis excitaret, quoniam ex eadem acie conservat quos potest. Alterius vero partis, nihil amplius dicam quam, id quod omnes verebamur, nimis |
et
fortuna belli anceps : qui vero victor diligit auctores pacis, is profecto declarat se maluisse non dimicare, quam vincere. VI. Atque quidem sum testis hujus rei M. Marcello. Nostri enim sensus, ut semper in pace, sic tum etiam congruebant in bello. Quoties et cum dolore quanto ego vidi eum extimescentem quum insolentiam certorum hominum, tum etiam ferocitatem victoriae ipsius ! Quo, C. Caesar, tua liberalitas debet esse gratior nobis qui vidimus illa. Non enim jam causae, sed victoriae, comparandae sunt inter se. Vidimus tuam victoriam terminatam exitu proeliorum; non vidimus in urbe gladium vacuum vagina. Cives quos amisimus, vis Martis perculit eos, non ira victoriae ; ut nemo debeat dubitare, quin, si posset fieri C. Caesar excitaret ab inferis multos, quoniam conservat ex eadem acie quos potest. Victoriam vero alterius partis, dicam nihil amplius, |
et la fortune de la guerre douteuse mais celui qui vainqueur chérit les conseillers de la paix, celui-là assurément déclare lui avoir (qu'il aurait) mieux-aimé ne point combattre que de vaincre. VI. Et certes je suis témoin de cette chose pour M. Marcellus. Car nos sentiments, comme toujours dans la paix ainsi alors aussi s'accordaient dans la guerre. Combien de fois et avec une douleur combien-grande je vis lui redoutant d'une-part l'orgueil de certains hommes d'autre-part aussi la cruauté de la victoire même! Par quoi, C. César, ta générosité doit être plus agréable à nous qui avons vu ces excès. Car ce ne sont plus les causes, mais les victoires, qui sont à-comparer entre elles. Nous avons vu ta victoire terminée par la fin des combats ; nous n'avons pas vu dans la ville une épée vide (tirée) du fourreau. Les citoyens que nous avons perdus la violence de Mars frappa eux, non la colère de la victoire; de sorte que personne ne doit douter, que si cela pouvait se faire, C. César ne fit-sortir des enfers beaucoup de citoyens, puisqu'il conserve (sauve) de cette même armée ceux qu'il peut. Quant à la victoire de l'autre parti, je ne dirai rien de plus, |
toire, marquer un si vif intérêt à ceux qui voulaient la paix,
c'est faire assez connaître qu'on aurait mieux aimé ne pas combattre que
de vaincre. VI. J'affirme que tels étaient aussi les principes de Marcellus. Dans la guerre et dans la paix, nous fûmes toujours unis de sentiments. Combien de fois l'ai-je vu frémir de l'insolence de certains hommes, et redouter les fureurs de la victoire elle-même! Témoins de leurs menaces, César, nous en devons mieux sentir le prix de votre générosité; car ce ne sont plus les causes, ce sont les victoires qu'il faut comparer ensemble. La vôtre ne s'est pas étendue au delà du combat ; Rome n'a pas vu un seul glaive hors du fourreau. Les citoyens que nous avons perdus, c'est le fer des combattants, et non la colère du vainqueur, qui les a frappés ; et nul doute que César, s'il était possible, n'en rappelât un grand nombre à la vie, puisqu'il conserve de cette même armée tous ceux qu'il peut sauver. Quant à l'autre parti, je ne dirai que ce que nous craignions tous : la vengeance |
26 - 27
iracundam futuram fuisse victoriam. Quidam enim non modo
armatis, sed interdum etiam otiosis minabantur ; nec quid quisque
sensisset, sed ubi fuisset, cogitandum esse dicebant ut mihi quidem
videantur
dii immortales, etiamsi poenas a populo Romano ob aliquod delictum
expetiverunt, qui civile. bellum tantum et
tam luctuosum excitaverunt, vel placati jam, vel satiati
aliquando, omnem spem salutis ad clementiam victoris et sapientiam
contulisse. Quare gaude tuo isto tam excellenti bono, et fruere quum fortuna et gloria, tum etiam natura et moribus tuis : ex quo quidem maximus est fructus jucunditasque sapienti. Cetera quum tua recordabere, etsi persaepe virtuti, tamen plerumque felicitati tuae gratulabere : de nobis, quos in republica tecum simul salvos esse voluisti, quoties cogitabis, toties de |
quam, id quod omnes verebamur, fuisse futuram nimis iracundam. Quidam enim minabantur non modo armatis, sed interdum etiam otiosis ; et dicebant cogitandum esse nec quid quisque sensisset, sed ubi fuisset ut dii immortales, etiamsi expetiverunt poenas a populo Romano, ob aliquod delictum, qui excitaverunt bellum civile tantum et tam luctuosum, videantur mihi quidem, vel jam placati, vel satiati aliquando, contulisse omnem spem salutis ad clementiam et sapientiam victoris. Quare gaude isto bono tuo tam excellenti, et fruere quum fortuna et gloria, tum etiam natura et tuis moribus ex quo quidem est maximus fructus jucunditasque sapienti. Quum recordabere cetera tua, etsi persaepe virtuti, tamen plerumque gratulabere tuae felicitati : quoties cogitabis de nobis, quos voluisti esse salvos simul tecum in republica, toties cogitabis |
sinon que, ce que tous nous craignions, elle avoir dû être (elle aurait été) trop vindicative. Certains en effet menaçaient non-seulement ceux gui étaient armés, mais quelquefois aussi ceux qui restaient tranquilles; et ils disaient falloir (qu'il fallait) considérer non ce que chacun avait pensé, mais où il avait été de sorte que les dieux immortels , bien qu'ils aient tiré châtiment du peuple romain pour quelque crime , eux qui ont suscité une guerre civile si-grande et si déplorable, semblent à moi du moins, ou déjà apaisés, ou satisfaits enfin, avoir reporté tout espoir de salut vers la clémence et vers la sagesse du vainqueur. Aussi réjouis-toi de cet avantage tien si rare, et jouis d'une-part de ta fortune et de ta gloire. d'autre-part encore de ton caractère et de tes moeurs d'où certes est (d'où se tire) le plus grand fruit et le plus grand plaisir pour le sage. Lorsque tu te rappelleras tous-les-autres actes de-toi. bien que très souvent tu doives te féliciter de ton courage, cependant la plupart-du-temps tu te féliciteras de ton bonheur autant-de-fois-que tu penseras à nous, que tu as voulu être sains-et-saufs ensemble avec toi dans la république, autant-de-fois tu penseras |
aurait ensanglanté la victoire. On menaçait et ceux qui
s'étaient armés, et ceux même qui étaient restés neutres ; on disait
qu'il fallait examiner, non ce que chacun avait pensé, mais en quels
lieux il s'était trouvé. D'où je crois pouvoir conclure que, si les
dieux ont
voulu punir le peuple romain en suscitant une guerre civile si
funeste et si désastreuse, ces dieux sont apaisés, ou qu'ils sont enfin
rassasiés de nos malheurs, puisqu'ils ont remis
le soin de notre salut à la sagesse et à la clémence du vainqueur. Applaudissez-vous donc, César, d'un si précieux avantage; jouissez de votre bonheur, de votre gloire, et surtout de la bonté de votre caractère: il n'est pas pour le sage de récompense plus douce, ni de jouissance plus délicieuse. Quand vous vous rappellerez vos actions guerrières, vous aurez à vous féliciter souvent de votre valeur, mais plus souvent encore de votre heureuse fortune : toutes les fois que vous penserez à tant de citoyens qu'il vous a plu de conserver avec vous dans la république, ce souvenir vous retracera sans cesse vos |
28 - 29
maximis tuis beneficiis,
toties de incredibili liberalitate, toties de singulari sapientia
tua cogitabis : quae non modo summa bona, sed nimirum audebo vel
sola dicere. Tantus est enim splendor in laude vera, tanta in
magnitudine animi et consilii dignitas, ut haec a virtute donata, cetera
a fortuna commodata esse videantur. Noli igitur in conservandis bonis viris defatigari, non cupiditate praesertim aut pravitate aliqua lapsis, sed opinione officii, stulta fortasse, certe non improba, et specie quadam reipublicae. Non enim tua ulla culpa est, si te aliqui timuerunt : contraque summa laus, quod plerique minime timendum fuisse senserunt. VII. Nunc vero venio ad gravissimam querelam et atrocissimam suspicionem tuam, quae non tibi ipsi magis quam quum omnibus civibus, tum maxime nobis qui a te conservati sumus, providenda est : quam etsi spero esse falsam, nunquam tamen verbis extenuabo. Tua enim cautio nostra cautio est |
de tuis maximis beneficiis, toties de incredibili liberalitate, toties de tua singulari sapientia : quae bona audebo dicere non modo summa, sed nimirum vel sola. Est enim in vera laude tantus splendor, in magnitudine animi et consilii tanta dignitas, ut haec videantur donata esse a virtute, cetera commodata esse a fortuna. Noli igitur defatigari in conservandis viris bonis, praesertim lapsis non aliqua cupiditate aut pravitate, sed opinione officii, stulta fortasse, certe non improba, et quadam specie reipublicae. Non enim est ulla culpa tua, si aliqui te timuerunt : contraque summa laus, quod plerique senserunt timendum fuisse minime. VII. Nunc vero venio. ad tuam querelam gravissimam qui conservati sumus et suspicionem atrocissimam, quae non providenda est tibi ipsi magis, quam quum omnibus civibus, tum maxime nobis quam etsi spero esse falsam, nunquam tamen extenuabo verbis. Cautio enim |
à
tes plus grands bienfaits autant-de-fois tu penseras à ton incroyable générosité autant-de-fois tu penseras à ton incomparable sagesse lesquels biens j'oserai dire non-seulement les plus grands, mais certes même les seuls. Il y a en effet dans la véritable gloire un si-grand éclat, dans la grandeur de l'âme et de la sagesse une-si grande dignité, que ces biens semblent avoir été donnés par la vertu et tous-les-autres avoir été prêtés par la fortune. Ne veuille donc pas te lasser de conserver des hommes de-bien, surtout qui ont failli non par quelque animosité ou par quelque perversité, mais par une idée de devoir, sotte peut-être, du moins non perverse, et par une certaine apparence de bien-public. Car ce n'est aucune faute tienne si quelques-uns t'ont craint et au-contraire c'est ton plus grand éloge de ce que la plupart ont senti toi devoir être craint très-peu. VII. Mais maintenant je viens à ta plainte très-grave et à ton soupçon très-terrible, lequel n'est pas à-redouter pour toi-même plus que soit pour tous les citoyens, soit surtout pour nous lequel soupçon bien que j'espère lui être faux, jamais cependant je ne l'affaiblirai par mes paroles. Car la vigilance |
inappréciables bienfaits, votre générosité incroyable, votre
sagesse supérieure : ce sont là les plus grands biens, j'ose dire les
seuls biens de l'homme. Tel est, en effet, l'éclat de la vraie gloire,
telle est la majesté de la grandeur d'âme et de la noblesse des
sentiments, qu'elles seules paraissent être un don de la vertu; le reste
n'est qu'un prêt de la fortune. Ainsi ne vous lassez pas de conserver des hommes vertueux, persuadé qu'ils ont failli, non pas entraînés par l'ambition ou par quelque autre passion coupable, mais séduits par une apparence de bien public, par une idée de devoir, mal entendue sans doute, mais qui du moins n'avait rien de criminel. Si quelques-uns ont conçu des craintes, la faute ne peut vous en être imputée : mais que le plus grand nombre, au contraire, ait pensé n'avoir rien à craindre de vous, c'est là votre plus grande gloire. VIL Je passe maintenant à ces plaintes amères, à ces horribles soupçons qui doivent exciter vos sollicitudes et celles de tous les citoyens, de nous surtout qui vous devons la vie. Je les crois peu fondés, mais je me garderai de les affaiblir; car, en veillant à vos jours, |
30 - 31
ut, si in alterutro peccandum sit, malim videri nimis timidus
quam parum prudens. Sed quisnam est iste tam demens? De tuisne? tametsi
qui magis sunt
tui quam quibus tu salutem insperantibus reddidisti? An ex eo
numero, qui
una tecum fuerunt? Non est credibilis tantus in ullo furor, ut,
quo duce omnia summa sit adeptus, hujus vitam non anteponat suae. An, si
tui nihil cogitant sceleris, cavendum est ne quid inimici ? Qui?
omnes enim qui fuerunt,
aut sua pertinacia vitam amiserunt, aut tua misericordia
retinuerunt : ut
aut nulli supersint de inimicis, aut qui superfuerunt sint
amicissimi. Sed tamen, quum in animis hominum tantae latebrae sint et
tanti recessus, augeamus
sane suspicionem tuam; simul enim augebimus et diligentiam. Nam
quia est omnium tam ignarus |
tua est cautio nostra : ut, si peccandum sit, in alterutro, malim videri nimis timidus quam parum prudens. Sed quisnam est iste tam demens? De tuisne ? tametsi qui sunt magis tui, quam quibus insperantibus tu reddidisti salutem ? An ex eo numero qui fuerunt una tecum ? Furor tantus, ut non anteponat suae vitam hujus, quo duce adeptus sit omnia summa, non est credibilis in ullo. Si tui cogitant nihil sceleris, an cavendum est ne inimici quid ? Qui ? omnes enim qui fuerunt, aut amiserunt vitam sua pertinacia, aut retinuerunt tua misericordia ut aut nulli de inimicis supersint, aut qui superfuerunt sint amicissimi. Sed tamen, quum tantae latebrae et tanti recessus sint in animis hominum, augeamus sane tuam suspicionem ; simul enim augebimus diligentiam. Nam quia est tam ignarus omnium rerum, tam rudis |
tienne (pour ta personne) est la vigilance nôtre (pour nos personnes ): de sorte que, s'il fallait pécher par l'un-ou-l'autre excès, j'aimerais-mieux paraître trop timide que trop-peu prudent. Mais quel est donc cet homme si insensé? Est-ce quelqu'un des tiens? cependant quels hommes sont plus tiens, que ceux auxquels ne-l'-espérant-pas tu as rendu le salut? Est-ce quelqu'un de ce nombre ( de ceux) qui ont été ensemble avec toi? Une fureur si-grande, qu'il ne préfère pas à sa propre vie la vie de celui, lequel étant chef (sous la conduite de qui) il a obtenu tous les plus grands avantages, n'est pas croyable en qui-que-ce-soit. Si les tiens ne méditent rien de (aucun) crime, est-ce qu'il faut craindre que tes ennemis trament quelque chose? Lesquels? car tous ceux qui l'ont été, ou ont perdu la vie par leur opiniâtreté. ou l'ont gardée par ta clémence de sorte que ou aucuns de tes ennemie ne survivent, ou ceux qui ont survécu sont tes plus dévoués-amis. Mais cependant, puisque de si-grandes cachettes et de si-grands replis sont dans les coeurs des hommes, augmentons donc ton soupçon; car en-même-temps nous augmenterons ta vigilance. Car qui est tellement ignorant de toutes choses, tellement neuf |
vous assurerez les nôtres, et, s'il faut pécher par quelque
excès, j'aime mieux être trop timide que de n'être pas assez prudent.
Toutefois quel furieux voudrait...
? Un des vôtres? Eh! quels hommes ont mieux mérité ce nom, que
ceux à qui vous avez rendu la vie qu'ils n'osaient espérer? Serait-ce
quelqu'un de ceux qui ont suivi vos drapeaux? Un tel excès de démence
n'est pas croyable. Pourraient-ils balancer à se sacrifier eux-mêmes
pour un chef dont les bienfaits ont comblé tous leurs voeux? Mais ne
faut-il pas du moins vous prémunir contre vos ennemis? Eh! quels
sont-ils? Tous ceux qui le furent ont perdu la vie par leur opiniâtreté,
ou l'ont conservée par votre clémence. Vos ennemis ne sont plus, ou, si
quelques-uns ont survécu, ils sont devenus vos amis les plus fidèles. Cependant, comme il y a dans le coeur humain tant de replis secrets et de détours cachés, redoublons vos soupçons; par là nous redoublerons votre vigilance. Mais est-il un homme assez étranger |
32 -33
rerum,
tam rudis in republica, tam nihil unquam nec de sua nec de communi
salute cogitans, qui non intelligat tua
salute contineri suam, et ex unius tua vitam pendere omnium?
Equidem de te dies noctesque, ut
debeo, cogitans, casus duntaxat humanos, et incertos eventus
valetudinis, et naturae communis fragilitatem extimesco; doleoque, quum
respublica immortalis esse debeat, eam in unius mortalis anima
consistere. Si vero ad humanos casus, incertosque eventus valetudinis,
sceleris etiam accedat insidiarumque consensio, quem deum, si cupiat,
opitulari posse reipublicae credamus? VIII. Omnia sunt excitanda tibi, C. Caesar, uni, quae jacere sentis, belli ipsius impetu, quod necesse fuit, perculsa atque prostrata : constituenda judicia, revocanda fides, comprimendae libidines, propaganda soboles; omnia, quae dilapsa jam defluxerunt, severis legibus vincienda sunt. Non fuit re- |
in republica, tam cogitans nihil unquam nec de sua salute, nec de communi, qui non intelligat suam contineri tua salute, et vitam omnium pendere ex tua unius? Equidem cogitans de te, ut debeo, noctes diesque, extimesco duntaxat casus humanos, et eventus incertos valetudinis, et fragilitatem naturae communis; doleoque, quum respublica debeat esse immortalis, eam consistere in anima unius mortalis. Si vero ad casus humanos eventusque incertos valetudinis accedat etiam consensio sceleris insidiarumque, quem deum credamus, si cupiat, posse opitulari reipublicae? VIII. Tibi uni, C. Caesar, omnia excitanda sunt, quae sentis jacere, perculsa atque prostrata impetu belli ipsius, quod fuit necesse judicia constituenda, fides revocanda, libidines comprimendae, soboles propaganda; omnia, quae dilapsa jam defluxerunt, vincienda sunt legibus severis. Non recusandum fuit in tanto bello civili, |
dans les affaires-publiques, tellement ne songeant à rien jamais ni sur son salut, ni sur le salut commun, qui ne comprenne son salut être contenu dans ton salut, et la vie de tous dépendre de la tienne à toi seul? Moi certes pensant à toi, comme je le dois, les nuits et les jours, je redoute pour toi uniquement les accidents humains, et les éventualités incertaines de la santé, et la fragilité de la nature commune à tous; et je gémis, lorsque la république doit être immortelle, elle tenir (reposer) sur le souffle (la vie) d'un-seul mortel. Mais si aux accidents humains et aux éventualités incertaines de la santé se joignait encore une ligue de crime et d'embûches (de complots), quel dieu croirions-nous, si même il le désirait, pouvoir secourir la république? VIII. Par toi seul, C. César, toutes ces choses doivent être relevées, que tu vois être-à-terre, abattues et renversées par le choc de la guerre même, ce qui a été nécessaire jugements (tribunaux) à-rétablir, crédit à-rappeler désordres-des-moeurs à-réprimer, population à-propager; toutes les choses qui dispersées déjà se sont-évanouies sont à-resserrer par des lois sévères. Il n'a pas été possible-d'empêcher dans une si-grande guerre civile. |
aux affaires, et qui réfléchisse assez peu sur son propre
intérêt et sur celui de la patrie, pour ne pas comprendre que son
existence est attachée à la vôtre , et que de la vie de César dépend la
vie de tous les citoyens ? Moi qui me fais un devoir de m'occuper de
vous et le jour et la nuit , je ne redoute pour vous que les accidents
de l'humanité, les dangers des maladies et la fragilité de notre nature ;
et je frémis quand je songe que de l'existence d'un seul mortel dépend
le destin d'un empire fondé pour l'éternité. Si aux accidents humains et
aux dangers des maladies venaient se joindre encore les crimes et les
complots, quel dieu, quand il le voudrait, pourrait secourir la
république? VIII. César, c'est à vous seul qu'il appartient de relever toutes les ruines de la guerre, de rétablir les tribunaux, de rappeler la confiance, de réprimer la licence, de favoriser la population , enfin de réunir et lier ensemble par la vigueur des lois tout ce quo nous voyons dissous et dispersé. Dans une guerre civile aussi acharnée, dans une |
34- 35
cusandum
in tanto civili bello, tantoque animorum ardore et armorum, quin
quassata respublica, quicumque belli
eventus fuisset, multa perderet et ornamenta dignitatis et
praesidia stabilitatis
suae; multaque uterque dux faceret armatus, quae idem togatus
fieri prohibuisset. Quae quidem nunc tibi omnia belli vulnera curanda
sunt, quibus praeter te mederi nemo potest. Itaque illam tuam praeclarissimam et sapientissimam vocem invitus audivi : Satis te diu vel naturae vixisse vel gloriae. Satis, si ita vis, naturae fortasse; addo etiam, si placet, gloriae : at, quod maximum est, patriae certe parum. Quare omitte, quaeso, istam doctorum hominum in contemnenda morte prudentiam; noli nostro periculo sapiens esse. Saepe enim venit ad aures meas, te idem istud nimis crebro dicere, satis te tibi vixisse. Credo ; sed tum id audirem, si tibi soli viveres, aut si tibi etiam soli |
tantoque ardore animorum et armorum, quin respublica quassata, quicumque fuisset eventus belli perderet multa et ornamenta dignitatis et praesidia suae stabilitatis; et uterque dux faceret armatus multa quae idem togatus prohibuisset fieri. Quae quidem vulnera belli omnia nunc curanda sunt tibi, quibus nemo praeter te potest mederi. Itaque audivi invitus illam vocem tuam praeclarissimam et sapientissimam : Te vixisse satis diu vel naturae, vel gloriae. Satis, si vis ita, naturae fortasse ; addo etiam, si placet, gloriae ; at, quod est maximum, patriae certe parum. Quare omitte, quaeso, istam prudentiam hominum doctorum in contemnenda morte : noli esse sapiens nostro periculo. Saepe enim venit ad meas aures te dicere nimis crebro istud idem te vixisse satis tibi. Credo: sed audirem id tum, si viveres tibi soli; aut etiam |
et dans une si-grande fureur des âmes et des armes, que la république ébranlée, quel qu'eût été l'événement de la guerre, ne perdit beaucoup et d'ornements de sa dignité et d'appuis de sa stabilité; et que l'un-et-l'autre chef ne fît armé beaucoup de choses que ce même chef portant-la-toge eût empêché être faites. Et certes ces plaies de la guerre toutes maintenant doivent être soignées par toi, auxquelles nul excepté toi ne peut remédier. Aussi ai-je entendu malgré-moi cette parole de-toi très-noble et très-sage : Toi avoir vécu assez longtemps ou pour la nature, ou pour la gloire. Tu as vécu assez, si tu le veux ainsi, pour la nature peut-être; j'ajoute même, si cela te plaît, pour la gloire: mais ce qui est le plus important, pour la patrie du moins tu as vécu trop-peu. C'est pourquoi laisse-de-côté, je t'en prie cette sagesse des hommes savants (des philosophes) à mépriser la mort : ne veux pas être sage à notre péril (à nos dépens). Car souvent il vient à mes oreilles toi dire trop fréquemment cette même parole toi avoir vécu assez pour toi. Je le crois mais j'entendrais cette parole alors, si tu vivais pour toi seul, ou encore |
telle agitation des esprits, quel que
dût être le succès, il était inévitable que la république ébranlée
ne vit s'écrouler plusieurs des
soutiens de sa gloire et de sa puissance, et que les deux chefs ne
fissent, étant armés, ce qu'ils auraient empêché de faire dans un état
de calme et de paix. Il faut aujourd'hui cicatriser les plaies de la
guerre, et nul autre que vous ne peut les guérir. Aussi vous ai-je entendu avec peine prononcer ces mots pleins de grandeur et de philosophie : "J'ai assez vécu, soit pour la nature, soit pour la gloire. "Oui, peut-être assez pour la nature; assez même, si vous le voulez, pour la gloire : mais la patrie, qui est avant tout, vous avez certes trop peu vécu pour elle. Laissez donc aux philosophes ce stoïque mépris de la mort; n'aspirez pas à une sagesse qui nous serait funeste. Vous répétez trop souvent que vous avez assez vécu pour vous. Moi-même j'applaudirais à cette parole, si vous |
36 - 37
natus esses: nunc, quum omnium salutem civium cunctamque
rempublicam
res tuae gestae complexae sint, tantum abes a perfectione
maximorum operum, ut fundamenta quae cogitas nondum jeceris. Hic tu
modum vitae
tuae non salute reipublicae, sed aequitate animi definies? Quid,
si istud ne gloriae
quidem tuae satis est? Cujus te esse avidissimum, quamvis sis
sapiens, non negabis. Parumne igitur, inquies, magnam gloriam relinquemus? |
si natus esses tibi soli
: nunc, quum tuae res gestae complexae sint salutem omnium civium cunctamque rempublicam, abes tantum a perfectione maximorum operum, ut nondum jeceris fundamenta quae cogitas. Hic tu definies modum tuae vitae non salute reipublicae sed aequitate animi? Quid, si istud ne est quidem satis tuae gloriae? cujus non negabis te esse avidissimum, quamvis sis sapiens. Relinquemusne igitur, inquies, gloriam parum magnam ? Imo verosatis aliis, quamvis multis; tibi uni parum. Id enim, quidquid est, quamvis sit amplum, est certe parum, tum quum est aliquid amplius. Quod si C. Caesar, exitus tuarum rerum immortalium futurus fuit hic, ut, adversariis devictis, relinqueres rempublicam in eo statu, in quo est nunc, vide, quaeso, ne tua divina virtus habitura sit plus admirationis quam gloriae : siquidem gloria est fama illustris |
si tu étais né pour toi seul
: maintenant (mais), quand tes actions accomplies (tes exploits) ont embrassé (remis dans tes mains) le salut de tous les citoyens et toute la république, tu es-éloigné tellement de l'achèvement de tes plus grands ouvrages, que tu n'as pas encore jeté les fondements que tu médites. Alors (Puisqu'il en est ainsi) toi borneras-tu (veux-tu borner) la mesure de ta vie non par le salut de la république, mais par la modération de ton âme? Que dire, si cela n'est même pas assez pour ta gloire? de laquelle tu ne nieras pas toi être très-avide, bien que tu sois sage. Laisserons-nous donc, diras-tu, une gloire trop-peu grande? Oui elle serait assez grande pour d'autres, même nombreux; pour toi seul elle l'est trop-peu. Car cette gloire quelle qu'elle soit, quoiqu'elle soit considérable, est certainement trop-peu-de-chose, alors qu'il y a quelque chose de plus considérable. Que si, C. César, la fin de tes actes immortels a dû être telle, que, tes adversaires vaincus, tu laissasses la république dans cet état, dans lequel elle est maintenant, prends-garde, je t'en prie, que ta divine vertu ne doive avoir (obtenir) plus d'admiration que de gloire : puisque la gloire est la renommée illustre |
viviez,
si vous étiez né pour vous seul. Aujourd'hui vos exploits ont
remis en vos mains le salut de tous les citoyens et la république
entière; et loin d'avoir achevé le grand édifice du bonheur public,
vous n'en avez pas encore assuré les fondements. Et c'est en ce
moment que vous mesurerez la durée de vos jours, non sur le besoin de
l'État, mais sur la modération de votre âme l Que dis-je? avez-vous même
assez vécu pour la gloire ? tout philosophe que vous êtes, vous ne
nierez pas que
vous ne l'aimiez avec passion. Eh bien! direz-vous, laisserai-je peu de gloire après moi? Beaucoup, César, et même assez pour plusieurs autres ensemble, mais trop peu pour vous seul. Quelque grande que soit la carrière qu'on a parcourue, c'est peu de chose, s'il reste encore un plus long espace à parcourir. Si, vous bornant à triompher de vos adversaires, vous laissez la république dans l'état où elle est ; si telle doit être l'unique fin de tant d'actions immortelles, prenez garde que votre héroïque valeur n'ait plutôt excité l'admiration que mérité la gloire; car enfin la gloire est une renommée éclatante et sans bornes, ac- |
38 - 39
rum,
vel in suos cives, vel in patriam, vel in omne genus hominum, fama
meritorum. IX. Haec igitur tibi reliqua pars est; hic restat actus; in hoc elaborandum est, ut rempublicam constituas, eaque tu imprimis cum summa tranquillitate et otio perfruare : tum te, si voles, quum et patriae quod debes solveris, et naturam ipsam expleveris satietate vivendi, satis diu vixisse dicito. Quid est enim omnino hoc ipsum diu, in quo est aliquid extremum? quod quum venit, omnis voluptas praeterita pro nihilo est, quia postea nulla futura est. Quanquam iste tuus animus nunquam his angustiis, quas natura nobis ad vivendum dedit, contentus fuit, semperque immortalitatis amore flagravit. Nec vero haec tua vita dicenda est, quae corpore et spiritu continetur. Illa, inquam, illa vita est tua, quae vigebit memoria saeculorum omnium, quam posteritas alet, quam ipsa |
ac pervagata meritorum multorum et magnorum vel in suos cives, vel in patriam, vel in omne genus hominum. IX. Haec pars igitur est reliqua tibi ; hic actus restat; elaborandum est in hoc ut constituas rempublicam tuque imprimis perfruare ea cum summa tranquillitate et otio quum et solveris patriae quod debes, et expleveris naturam ipsam satietate vivendi, dicito tum, si voles , te vixisse satis diu. Quid enim est omnino hoc diu ipsum, in quo est aliquid extremum? quod quum venit, omnis voluptas praeterita est pro nihilo, quia postea nulla futura est Quanquam iste animus tuus nunquam fuit contentus his angustiis quas natura dedit nobis ad vivendum, semperque flagravit amore immortalitatis.; Nec vero haec vita dicenda est tua, quae continetur corpore et spiritu. Illa vita, illa, inquam est tua, quae vigebit memoria omnium saeculorum, quam posteritas alet, quam aeternitas ipsa |
et répandue de services nombreux et grands ou envers ses concitoyens ou envers la patrie, ou envers toute la race des hommes. IX. Cette part donc est restant à toi; cet acte te reste à jouer, il te faut travailler à ceci, que tu constitues la république, et que toi surtout jouisses-pleinement d'elle avec la plus grande tranquillité et avec le plus grand repos lorsque et tu auras payé à la patrie ce que tu lui dois, et tu auras satisfait la nature même par la satiété de vivre, dis alors, si tu veux, toi avoir vécu assez longtemps. Car qu'est-ce en-tout-cas que ce longtemps même dans lequel est quelque chose de final (une fin) ? laquelle fin lorsqu'elle vient, tout plaisir passé est tenu pour rien, parce que désormais aucun autre ne sera, Du reste cette âme tienne jamais ne fut contente de ces bornes-étroites que la nature a données à nous pour vivre, et toujours elle brûle de l'amour de l'immortalité. Et vraiment cette vie-ci ne doit pas être dite tienne, qui est renfermée (consiste) dans un corps et dans un souffle. Cette vie-là, celle-là, dis-je, est tienne qui sera-florissante dans la mémoire de tous les siècles, que la postérité entretiendra que l'éternité même |
quise par de grands et de nombreux services rendus aux siens, à
sa patrie, à l'humanité entière. IX. Ce qui vous reste à faire, c'est de donner à la république une constitution durable, et de jouir vous-même du calme et du repos que vous lui aurez assurés: voilà ce qui doit couronner vos travaux, et quel doit être le terme de vos efforts. Alors, quitte envers la patrie et rassasié d'années, dites, si vous voulez, que vous avez assez longtemps vécu. Assez longtemps! pouvons-nous parler ainsi d'une durée si courte, et dont le terme anéantit tous les plaisirs passés, puisqu'ils sont alors finis sans retour ? Mais quoi ! votre grande âme se resserra-t-elle jamais dans ces bornes étroites que la nature a marquées à la vie de l'homme? Non, elle brûla toujours du désir de l'immortalité. Pour César, la vie n'est pas cet instant fugitif pendant lequel l'âme est unie au corps ; la vie, pour César, est cette existence qui se perpétuera par le souvenir de tous les siècles, qui se prolongera dans les âges les plus reculés, et qui |
40 - 41
aeternitas semper tuebitur. Huic tu inservias, huic te ostentes
oportet : quae quidem, quae miretur, jampridem multa habet; nunc etiam,
quae laudet, exspectat. Obstupescent posteri certe imperia, provincias, Rhenum, Oceanum, Nilum, pugnas innumerabiles, incredibiles victorias, monumenta, munera, triumphos audientes et legentes tuos. Sed, nisi haec urbs stabilita tuis consiliis et institutis erit, vagabitur modo nomen tuum longe atque late, sedem quidem stabilem et domicilium certum non habebit. Erit inter eos etiam, qui nascentur, sicut inter nos fuit, magna dissensio, quum alii laudibus ad caelum res tuas gestas efferent alii fortasse aliquid requirent, idque vel maximum, nisi belli civilis incendium salute patriae restinxeris; ut illud fati fuisse videatur, hoc consilii. Servi igitur iis etiam judicibus, qui multis post saeculis de |
tuebitur semper. Huic oportet tu inservias, huic te ostentes quae quidem habet jampridem multa quae miretur; nunc etiam exspectat quae laudet. Certe posteri obstupescent audientes et legentes imperia, provincias, Rhenum, Oceanum, Nilum, pugnas innumerabiles, incredibiles victorias, monumenta, munera, tuos triumphos. Sed, nisi haec urbs stabilita erit tuis consiliis et institutis, tuum nomen vagabitur modo longe atque late, non habebit quidem sedem stabilem et domicilium certum. Magna dissensio erit inter eos etiam qui nascentur, sicut fuit inter nos, quum alii efferent laudibus ad caelum tuas res gestas, alii fortasse requirent aliquid, idque vel maximum nisi restinxeris incendium belli civilis salute patriae ; ut illud videatur fuisse fati , hoc consilii. Servi igitur iis judicibus etiam, qui multis saeculis post |
garantira toujours. C'est à cette vie qu'il faut que toi tu t'attaches, c'est à cette vie qu'il faut que tu te montres: et certes elle a déjà-depuis-longtemps bien des actes qu'elle puisse admirer; maintenant encore elle attend des actes qu'elle puisse louer. Sans doute nos descendants resteront-stupéfaits en entendant citer et en lisant tes commandements, tes provinces, le Rhin l'Océan, le Nil , tes combats innombrables, tes incroyables victoires tes monuments, tes fêtes, tes triomphes. Mais, si cette ville n'a pas été affermie par tes mesures et tes règlements, ton nom errera seulement au loin et au large, il n'aura pas certes une demeure stable et un domicile assuré. Un grand dissentiment sera entre ceux aussi qui naîtront, comme il a été entre nous, alors que les uns élèveront par des louanges jusqu'au ciel tes actions accomplies, et que d'autres peut-être regretteront quelque chose et cette chose même très-grande, si tu n'as pas éteint l'incendie de la guerre civile par le salut de la patrie ; de sorte que cela (cette guerre) semble avoir été l'oeuvre du destin, et ceci (ce salut) l'oeuvre de ta sagesse. Aie-donc-égard à ces juges aussi, qui bien des siècles après |
n'aura d'autres limites que l'éternité même. C'est pour cet
avenir qu'il faut travailler ; c'est à lui qu'il faut montrer votre
gloire. Dès longtemps vous avez assez fait pour qu'il admire ; il attend
aujourd'hui que vous le forciez à louer
vos bienfaits. Certes, vos commandements, vos provinces, le Rhin, l'Océan, le Nil, domptés par vos armes, vos combats sans nombre, vos incroyables victoires, la magnificence do vos monuments, de vos fêtes et de vos triomphes, étonneront la postérité. Mais, si Rome n'est pas affermie par la sagesse de vos lois et de vos institutions, votre nom errant, pour ainsi dire, dans toutes les parties du monde, n'aura jamais une demeure fixe, un domicile assuré. Ceux qui vivront après nous seront partagés comme nous l'avons été : les uns élèveront vos exploits jusqu'aux cieux; les autres regretteront de n'y pas voir la chose la plus essentielle peut-être, si, en sauvant la patrie, vous n'éteignez l'incendie de la guerre civile ; et ils diront que le reste a pu être l'ouvrage du destin, tandis que cette gloire n'aurait appartenu qu'à vous. Travaillez donc pour ces juges qui, dans la suite des âges, |
42 - 43
te judicabunt, et quidem haud scio an incorruptius quam nos
: nam et sine amore, et sine cupiditate, et rursus sine odio, et
sine invidia judicabunt. Id
autem etiamsi tunc ad te, ut quidam falso putant, non pertinebit,
nunc
certe pertinet, esse te talem, ut tuas laudes obscuratura nulla
unquam sit oblivio. X. Diversae voluntates civium fuerunt, distractaeque sententiae. Non enim consiliis solum et studiis, sed armis etiam et castris dissidebamus. Erat autem obscuritas quaedam, erat certamen inter clarissimos duces : multi dubitabant quid optimum esset; multi, quid sibi expediret; multi, quid deceret; nonnulli etiam, quid liceret. Perfuncta respublica est hoc misero fatalique bello : vicit is, qui non fortuna inflammaret odium suum, sed bonitate leniret, nec qui omnes, quibus iratus esset, eosdem etiam exsilio aut morte dignos judicaret. |
judicabunt de te, et quidem haud scio an incorruptius quam nos : nam judicabunt et sine amore, et sine cupiditate, et rursus sine odio et sine invidia. Etiamsi autem id non pertinebit ad te tunc, ut quidam putant falso, nunc certe pertinet, te esse talem, ut nulla oblivio unquam obscuratura sit tuas laudes. X. Voluntates civium fuerunt diversae, sententiaeque distractae. Dissidebamus enim non solum consiliis et studiis, sed etiam armis et castris. Quaedam autem obscuritas erat, certamen erat inter duces clarissimos : multi dubitabant quid esset optimum; multi, quid sibi expediret; multi, quid deceret ; nonnulli etiam, quid liceret. Respublica perfuncta est hoc bello misero fatalique : is vicit, qui non inflammaret suum odium fortuna, sed leniret bonitate, nec qui judicaret dignos etiam exsilio aut morte omnes eosdem quibus esset iratus. |
porteront-un-jugement sur toi, et même je ne sais pas s'ils ne jugeront pas plus équitablement que nous: car ils jugeront et sans amour, et sans intérêt, et d'autre-part sans haine et sans envie. Or même si ce jugement ne doit pas intéresser toi alors, comme certains le pensent faussement, maintenant du moins ceci t'intéresse, toi être (que tu sois) tel, qu'aucun oubli jamais ne doive obscurcir tes louanges. X. Les volontés des citoyens ont été diverses, et leurs opinions divisées. En effet nous étions-désunis non-seulement de desseins et d'affections, mais encore d'armes et de camps. D'ailleurs une certaine obscurité existait, une rivalité existait entre deux chefs très-illustres : plusieurs doutaient quoi (quel parti) était le meilleur; plusieurs doutaient quoi (quel parti) leur était-utile; plusieurs doutaient quoi (quel parti) convenait; quelques-uns aussi doutaient quoi était-permis. La république est sortie de cette guerre malheureuse et fatale : celui-là a vaincu, qui ne devait pas enflammer sa haine par la fortune, mais qui devait l'adoucir par sa bonté ; et qui ne devait pas juger dignes aussi de l'exil ou de la mort tous ces mêmes citoyens contre lesquels il était irrité. |
prononceront sur vous avec plus d'équité que
nous ne le pouvons faire, parce que l'amour et la faveur, la haine
et la jalousie n'influeront nullement sur leurs suffrages. Dussiez-vous
même alors, ainsi que le prétendent certains sophistes, être insensible
à tout ce qu'on dira de vous, au moins il vous importe aujourd'hui de
mériter une gloire que le temps n'obscurcira jamais. X. Les citoyens ont été divisés de volontés et de sentiments ; et ce n'a pas été seulement une lutte d'opinions et de passions opposées. On s'est armé; on s'est rangé sous des étendards ennemis. Un voile épais cachait la vérité; des chefs illustres se combattaient; et, dans ce désordre extrême, justice, intérêt, devoir, droits même, tout était obscur et incertain. La république est délivrée de cette horrible guerre : la victoire est demeurée à celui dont la colère, loin d'être enflammée par le succès, devait être fléchie par la clémence, et qui n'a pas jugé dignes de l'exil ou de la mort ceux qui |
44 - 45
Arma ab aliis posita, ab aliis erepta
sunt. Ingratus est injustusque civis, qui, armorum periculo
liberatus, animum tamen retinet armatum : ut etiam
ille sit melior, qui in acie cecidit, qui in causa animam
profudit. Quae enim pertinacia quibusdam, eadem aliis constantia videri
potest. Sed jam omnis fracta dissensio est armis, et exstincta aequitate victoris : restat ut omnes unum velint, qui modo habent aliquid non solum sapientiae, sed etiam sanitatis. Nisi te, C. Caesar; salvo, et in ista sententia, qua quum antea, tum hodie vel maxime usus es ; manente, salvi esse non possumus. Quare omnes te, qui haec salva esse volumus, et hortamur et obsecramus ut vitae, ut saluti tuae consulas : omnesque tibi (ut pro aliis etiam loquar quod de me ipse sentio), quoniam subesse aliquid putas quod cavendum sit, non modo excubias et custodias, sed etiam laterum nostrorum oppositus et corporum pollicemur. |
Arma posita sunt ab aliis, erepta ab aliis. Est ingratus injustusque civis qui, liberatus periculo armorum, retinet tamen animum armatum: ut etiam ille sit melior, qui cecidit in acie, qui profudit animam in causa. Quae enim pertinacia quibusdam, eadem potest videri constantia aliis. Sed jam omnis dissensio fracta est armis, et exstincta aequitate victoris : restat ut omnes velint unum, qui modo habent aliquid non solum sapientiae, sed etiam sanitatis. Non possumus esse salvi, nisi te, C. Caesar, salvo, et manente in ista sententia, qua usus es quum antea, tum hodie vel maxime. Quare omnes, qui volumus haec esse salva, et te hortamur, et obsecramus, ut consulas tuae vitae, ut saluti : omnesque (ut loquar etiam pro aliis quod ipse sentio de me), quoniam putas aliquid subesse, quod cavendum sit, pollicemur tibi non modo excubias et custodias, sed etiam oppositus nostrorum laterum et corporum. |
Les armes ont été déposées par les uns, arrachées aux autres. Il est ingrat et injuste le citoyen qui, délivré du péril des armes, garde cependant un coeur armé au point que même celui-là est meilleur, qui est tombé dans la bataille, qui a prodigué sa vie dans son parti (en défendant son parti). Car ce qui est opiniâtreté dans quelques-uns, ce même sentiment peut paraître constance dans les autres. Mais déjà toute dissension a été brisée par les armes, et éteinte par l'équité du vainqueur : il reste que tous veuillent une-seule chose, ceux qui seulement ont quelque-peu non-seulement de sagesse, mais encore de bon-sens. Nous ne pouvons être sauvés, sinon toi, C. César, étant sauvé, et persistant dans ce sentiment dont tu as usé et auparavant, et aujourd'hui même surtout. C'est pourquoi nous tous, qui voulons ces biens être conservés, et nous t'exhortons, et nous te conjurons, que tu veilles à ta vie, que tu veilles à ton salut et tous (pour que j'exprime aussi pour d'autres ce que moi-même je pense de moi), puisque tu crois quelque chose (danger) être-caché, lequel doit être paré, nous promettons à toi non-seulement des veilles et des gardes, mais encore les remparts de nos flancs et de nos corps. |
l'avaient irrité. Les uns ont déposé les armes, les autres ont
été désarmés par la
force. Garder un coeur armé lorsqu'on n'a plus rien à craindre des
armes, c'est joindre l'injustice à l'ingratitude. Celui qui a péri sur
le champ de bataille en se sacrifiant pour sa cause est bien plus digne
d'excuse ; car ce que les uns nomment opiniâtreté, d'autres l'appellent
constance. Enfin, les armes ont étouffé les dissensions, et la modération du vainqueur les a toutes anéanties. Il est désormais nécessaire que tous les hommes raisonnables n'aient qu'une seule volonté. César, point de salut pour nous si vous ne vivez, et si vous ne persistez dans les sentiments dont vous avez donné tant de fois, et surtout aujourd'hui, des preuves si éclatantes. Tous ceux qui veulent le salut de l'Etat vous pressent donc et vous conjurent de prendre soin de vos jours; et, puisque vous croyez avoir quelque péril à craindre, nous vous offrons tous, car c'est au nom de tous que je prends cet engagement, nous vous offrons de veiller autour de votre personne , de vous faire un rempart de nos corps, et de nous jeter au-devant des coups qu'on voudrait vous porter. |
46 - 47
XI. Sed,
unde est orsa, in eodem terminetur oratio. Maximas tibi omnes
gratias agimus, C. Caesar; majores etiam
habemus. Nam omnes idem sentiunt, quod ex omnium precibus et
lacrimis sentire potuisti. Sed, quia non est stantibus omnibus necesse
dicere, a me certe dici
volunt : cui necesse est quodam modo, quod volunt, et quod fieri
decet, et quod,
M. Marcello a te huic ordini populoque Romano et reipublicae
reddito, praecipue id a me fieri debere intelligo. Nam laetari omnes,
non ut de unius solum, sed ut de communi omnium
salute, sentio. Quod autem summae benevolentiae est, quae mea erga
illum omnibus semper nota fuit, ut vix C. Marcello, optimo et
amantissimo fratri, praeter
eum quidem cederem nemini, quum id sollicitudine, cura, labore
tandiu praestiterim, quan- |
XI. Sed oratio terminetur in eodem, unde est orsa. Omnes, C. Caesar, agimus tibi maximas gratias, habemus etiam majores. Nam omnes sentiunt idem, quod potuisti sentire ex precibus et lacrimis omnium. Sed, quia non est necesse omnibus stantibus dicere, volunt certe dici a me: cui quodam modo est necesse, quod volunt, et quod decet fieri, et quod, M. Marcello reddito a te huic ordini populoque Romano et reipublicae, intelligo id debere fieri praecipue a me. Nam sentio omnes laetari, non solum ut de salute unius, sed ut de communi omnium. Quum autem praestiterim sollicitudine, cura, labore, tandiu quandiu dubitatum est de salute illius, id quod est summae benevolentiae, quae fuit semper nota mea erga illum, ut cederem vix C. Marcello, fratri optimo et amantissimo, nemini quidem, praeter eum, |
XI. Mais que mon discours se termine dans le même sens, par-où il a commencé. Tous, C. César, nous rendons à toi de très-grandes actions-de-grâces, nous t'en gardons encore de plus grandes. Car tous sentent de même, ce que tu as pu remarquer par les prières et les larmes de tous. Mais, comme il n'est pas nécessaire à tous se-tenant-debout de parler, ils veulent du moins être dit par moi (que je parle): moi à qui en quelque sorte cela est nécessaire, parce qu'ils le veulent, et parce qu'il convient être fait ainsi, et parce que, M. Marcellus ayant été rendu par toi à cet ordre et au peuple romain et à la république, je comprends cela devoir être fait principalement par moi. Car je vois tous se réjouir, non-seulement comme pour le salut d'un seul, mais comme pour le salut commun de tous. Or puisque j'ai témoigné par ma sollicitude, mes soins, mon travail, aussi longtemps qu'il a été douté du salut de lui (de Marcellus), ce qui est le propre de la plus grande amitié, laquelle fut toujours connue de tous comme étant mienne à l'égard de lui, au point que je le cédais à peine à C. Marcellus, ce frère très-bon et très-affectionné, mais à personne assurément, excepté lui, |
XI. Mais je reviens
au premier objet de ce discours. César, nous vous présentons les
hommages de la plus vive reconnaissance ; les paroles me manquent pour
exprimer combien nos coeurs sont pénétrés. Tous les sénateurs ont les
mêmes sentiments que moi, et vous avez pu en juger par leurs prières et
par leurs larmes. Mais comme il n'est pas nécessaire que tous prennent
la parole, ils veulent que je sois leur interprète auprès de vous. Leur
volonté m'en fait une loi ; et lorsque Marcellus est rendu au sénat, au
peuple romain et à la république, je sens que c'est à moi surtout de
remplir ce devoir. En effet, les autres voient dans cette faveur un
bienfait qui s'étend sur tous les citoyens ; mais l'amitié qu'on m'a
toujours connue pour lui , et qui le cède à peine à celle de C.
Marcellus, le plus tendre et le plus sensible des frères, me rend ce
bienfait plus précieux encore. Après que je l'ai prouvée par les
inquiétudes, les |
48 - 49
diu est de illius salute dubitatum,
certe hoc tempore, magnis curis, molestiis, doloribus liberatus,
praestare debeo.
Itaque, C. Caesar, sic tibi gratias ego, ut omnibus me rebus a te
non conservato solum, sed etiam ornato, tamen ad tua in me unum
innumerabilia merita, quod fieri jam posse non arbitrabar,
maximus hoc tuo facto cumulus accesserit. |
certe hoc tempore, debeo praestare, liberatus magnis curis, molestiis, doloribus. Itaque, C. Caesar, ego gratias tibi sic ut, me non solum conservato a te omnibus rebus, sed etiam ornato, tamen hoc facto tuo maximus cumulus accesserit ad tua merita innumerabilia in me unum, quod non jam arbitrabar posse fieri. |
certes en ce moment, je dois le lui témoigner encore, délivré que je suis de grands soucis, de grands chagrins, de grandes douleurs Aussi, C. César, je rends grâces à toi ainsi (à ce point devue) que moi non-seulement ayant été conservé par toi à tous mes biens (dignités) , mais encore honoré de nouvelles distinctions, cependant par cette action tienne le plus grand comble se sera ajouté à tes bienfaits innombrables envers moi seul, chose que je ne pensais plus pouvoir se faire. |
soucis et les chagrins dont mon coeur était affligé tant qu'on a pu douter du sort de Marcellus, il est juste qu'elle éclate aujourd'hui que je suis délivré de ces agitations et de ces alarmes. Ainsi donc, César, recevez les notions de grâces de celui qui, maintenu dans ses anciennes dignités, et revêtu de nouveaux honneurs par votre clémence, à l'instant même où il ne croyait pas que l'on pût rien ajouter à de si nombreuses faveurs répandues sur un seul homme, vous voit, par cette action généreuse, mettre le comble à tant de bienfaits. |