retour à l'entrée du site ALLER à LA TAble des matières de cicéron orateur
Ce discours a été expliqué
littéralement, traduite en français et annoté par M. Lesage, professeur au lycée
Charlemagne.
Imprimerie de Ch. Lahure (ancienne maison Crapelet)
rue de Vaugirard, 9, près de l'Odéon.
LES
AUTEURS LATINS
EXPLIQUÉS D’APRÈS UNE MÉTHODE NOUVELLE
PAR DEUX TRADUCTIONS
FRANÇAISES
L’UNE LITTÉRALE ET JUXTALINÉAIRE PRÉSENTANT LE MOT À MOT FRANÇAIS
EN REGARD DES MOTS LATINS CORRESPONDANTS
L’AUTRE CORRECTE ET PRÉCÉDÉE DU TEXTE LATIN
avec des sommaires et des notes
PAR UNE SOCIÉTÉ DE PROFESSEURS
ET DE LATINISTES
CICÉRON
DISCOURS POUR LA LOI MANILIA
PARIS
LIBRAIRIE DE L. HACHETTE ET Cie
RUE PIERRE-SARRAZIN, N° 14
(Près de l'École de Médecine)
1854
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AVIS
RELATIF A LA TRADUCTION JUXTALINEAIRE
On a réuni par des traits, dans la
traduction juxtalinéaire, les mots français qui traduisent un seul mot latin.
On a imprimé en italiques les mots qu'il était nécessaire d'ajouter pour rendre
intelligible la phrase française, et qui n'avaient pas leur équivalent dans le
latin.
Enfin, les mots placés entre parenthèses, dans le français, doivent être
considérés comme une seconde explication, plus intelligible que la version
littérale.
ARGUMENT ANALYTIQUE.
Lucullus, chargé depuis huit ans
de la guerre contre Mithridate, l'avait vaincu dans plusieurs batailles et
poursuivi jusque dans le royaume de Tigrane. Mais ses soldats avaient refusé de
le suivre plus avant, et demandaient à grands cris qu'on les ramenât dans leur
patrie. Déjà la révolte était près d'éclater, lorsque le sénat révoqua les
pouvoirs de Lucullus, et lui donna pour successeur M. Acilius Glabrion, homme de
peu de mérite, et qui n'inspirait aucune confiance. Cependant Mithridate et
Tigrane poussaient la guerre avec une nouvelle vigueur, et venaient de faire
essuyer une sanglante défaite à Triarius, lieutenant de Lucullus. Pompée se
trouvait en Asie, où il avait été amené par la suite de ses exploits contre les
pirates. Le tribun Manilius proposa une loi qui lui remît le commandement de la
guerre contre Mithridate et le gouvernement des provinces d'Asie. Le sénat fut
alarmé de cette proposition, qui tendait à investir Pompée d'un pouvoir immense,
et la loi, portée devant l'assemblée du peuple, y fut vivement combattue par
Catulus et Hortensius. Cicéron prononça en faveur de la proposition du tribun
cette harangue, où il prouve que Pompée est le seul général capable de terminer
promptement et heureusement cette guerre importante.
Cicéron avait quarante et un ans lorsqu'il soutint la loi Manilia, l'an 687 de
Rome.
I. Abordant pour la première fois la tribune politique, Cicéron veut
reconnaître, autant qu'il sera en son pouvoir, les suffrages dont le peuple l'a
honoré dans ses comices.
II. Après avoir fait ressortir la nature et l'importance de la guerre actuelle,
Cicéron s'occupera du choix d'un général.
III. Depuis le massacre de citoyens romains dont il a donné le signal,
Mithridate, malgré les triomphes de Sylla et de Muréna, est encore impuni.
IV. Il a profité du loisir qui lui était donné pour préparer une nouvelle guerre
et s'entendre avec les ennemis de Rome en Espagne ; mais ce double danger a été
dissipé par la valeur de Pompée et de Lucullus.
V. Les Romains seront-ils moins fiers en face de pareils attentats que leurs
ancêtres ne l'étaient pour de légères offenses? Les alliés, dont le péril est
extrême, n'osent élever la voix parce qu'ils craignent de déplaire à Rome ; mais
un seul homme leur semble capable d'assurer leur salut.
VI. L'appréhension seule de la guerre compromet les revenus de la province la
plus opulente de l'empire.
VII. Elle expose la fortune des chevaliers qui ont affermé les impôts et des
citoyens qui font le commerce avec l'Asie ; et par suite elle ébranle le crédit
public dans Rome même.
VIII. L'orateur rappelle les brillants avantages obtenus par Lucullus contre
Mithridate.
IX. Malgré ces premiers succès, la guerre n'en reste pas moins très-difficile ;
car Mithridate, obligé de fuir de ses États, y est rentré avec le secours de
l'Arménie ; il a battu l'armée romaine, et il se prépare à une nouvelle lutte
plus terrible que les précédentes.
X. Pompée est de tous les généraux romains celui qui réunit au plus haut degré
les qualités nécessaires pour venir à bout d'une guerre de cette importance.
XI. L'orateur énumère les exploits de Pompée en Italie, en Espagne, en Gaule, et
décrit la terreur que répandaient les pirates sur toutes les mers, dans toutes
les îles, dans toutes les contrées maritimes.
XII. Les côtes de l'Italie, les flottes romaines elles-mêmes n'étaient pas à
l'abri de leurs attaques. Pompée extermine ou soumet les pirates avec une
incroyable rapidité.
XIII. Intégrité de Pompée ; excellente discipline établie par lui dans son
armée.
XIV. La rapidité de Pompée vient de ce qu'aucune passion ne le détourne et ne
l'arrête. Son affabilité, son éloquence, sa bonne foi, son humanité.
XV. Le nom de Pompée jouit de cette réputation qui est d'un si grand poids dans
les guerres.
XVI. Un bonheur constant semble attaché par la divinité à toutes ses
entreprises.
XVII. L'orateur Hortensius s'oppose à l'adoption de la loi présentée par
Manilius ; il ne veut pas que l'on confie tout à un seul homme. Mais Hortensius
a déjà eu le tort de parler contre la loi Gabinia, qui remettait à Pompée seul
le commandement de la guerre contre les pirates.
XVIII. Les insultes des pirates étaient une honte pour Rome, qui se trouvait
impuissante à les réprimer.
XIX. Le peuple, mieux inspiré qu'Hortensius, a adopté la proposition de
Gabinius. Aujourd'hui, on refuse de donner Gabinius pour lieutenant à Pompée,
qui le réclame : Cicéron espère qu'on reviendra sur ce refus ; il fera
d'ailleurs au besoin une proposition formelle à ce sujet.
XX. Catulus s'oppose à la loi Manilia, parce que les lois et les coutumes des
ancêtres ne permettent pas de confier à la fois plusieurs commandements à un
citoyen.
XXI. Déjà dans bien des circonstances on a dérogé aux lois et aux coutumes en
faveur de Pompée et pour le bien de l'État ; Catulus a tout approuvé.
XXII. Que toutes les oppositions cèdent devant les voeux du peuple romain. Il ne
faut pas seulement que le général qu'on enverra en Asie soit habile et brave,
mais aussi qu'il soit intègre, qu'il traite les alliés avec honneur et avec
justice.
XXIII. L'homme qui réunit tous ces mérites, c'est Pompée ; ses vertus civiles,
aussi bien que ses talents militaires, le désignant pour commander en Asie.
XXIV. Cicéron exhorte vivement Manilius à persister dans sa proposition; pour
lui, il proteste que l'intérêt seul de la république l'a engagé à appuyer la loi
qui est soumise aux suffrages du peuple.
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DISCOURS ORATIO
POUR LA LOI MANILIA. PRO LEGE
MANILIA.
I. Quanquam mihi semper frequens conspectus vester multo jucundissimus, hic autem locus ad agendum amplissimus, ad dicendum ornatissimus est visus, Quirites, tamen hoc aditu laudis, qui semper optimo cuique maxime patuit, non mea me voluntas, sed meae vitae rationes ab ineunte aetate susceptae prohibuerunt : nam, quum antea per aetatem nondum hujus auctoritatem loci attingere auderem, statueremque nihil huc nisi perfectum ingenio, elaboratum industria, afferri oportere, omne meum tempus amicorum temporibus transmittendum putavi. Ita neque hic locus vacuus unquam fuit ab iis qui vestram causam defenderent ; et meus labor, in privatorum periculis caste integreque versatus, ex vestro judicio fructum |
I. Quanquam, Quirites vester conspectus frequens semper visus est mihi multo jucundissimus et hic locus amplissimus ad agendum, ornatissimus ad dicendum, tamen non mea voluntas, sed rationes meae vitae susceptae ab aetate ineunte prohibuerunt me hoc aditu laudis, qui patuit semper maxime cuique optimo: nam, quum antea nondum auderem attingere auctoritatem hujus loci, statueremque oportere nihil atterri huc nisi perfectum ingenio, elaboratum industria, putavi omne meum tempus transmittendum temporibus amicorum. Ita neque hic locus unquam fuit vacuus ab iis qui defenderent vestram causam, et meus labor versatus caste integreque in periculis privatorum consecutus est ex vestro judicio |
I. Quoique, Romains, votre aspect nombreux toujours ait paru à moi de beaucoup le plus agréable, et que ce lieu m'ait toujours paru le plus vaste pour discuter, et le plus brillant pour parler, cependant non ma volonté, mais le plan de ma vie entrepris dès l'âge commençant (dés ma jeunesse) a écarté moi de cet abord (de cette carrière) de gloire, qui fut ouvert toujours surtout à chaque homme le plus vertueux : car, tandis qu'auparavant je n'osais pas encore atteindre à la gravité de ce lieu, et que j'arrêtais (pensais) falloir (qu'il fallait) rien n'être apporté ici sinon perfectionné par le génie et mûri par le travail, j'ai pensé tout mon temps devoir être transporté (appliqué) aux circonstances (besoins) de mes amis. De-cette-manière ni ce lieu jamais n'a été vide de ceux (d'hommes) qui défendissent votre cause, et mon travail exercé avec-justice et avec-droiture dans les dangers de particuliers a obtenu par votre jugement (suffrage) |
I. La vue de vos nombreuses assemblées,
Romains, m'a toujours été bien agréable ; cette tribune m'a toujours
semblé le théâtre le plus vaste et le plus beau d'où l'on puisse parler
au peuple : et pourtant je me suis toujours tenu éloigné de cette
carrière glorieuse, ouverte de tout temps et avant tout au mérite. Ne
voyez pas là un effet de ma volonté, mais du plan de conduite que je me
suis tracé dès ma jeunesse. Jusqu'ici, c'était mon âge qui m'empêchait
de m'élever jusqu'à la majesté de ce lieu ; j'étais persuadé qu'il n'y
fallait paraître qu'avec un génie consommé et mûri par l'étude ; j'ai
donc pensé devoir consacrer tout mon temps à secourir mes amis. Aussi,
voyant cette tribune toujours occupée par des hommes qui veillaient à
vos intérêts, je me suis voué à prêter à de simples citoyens en péril un
secours empressé et désintéressé, et vos suffrages ont ac- |
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est amplissimum consecutus : nam, quum propter dilationem comitiorum ter praetor primus centuriis cunctis renuntiatus sum, facile intellexi, Quirites, et quid de me judicaretis, et quid aliis praescriberetis. Nunc quum et auctoritatis in me tantum sit, quantum vos honoribus mandandis esse voluistis, et ad agendum facultatis tantum, quantum homini vigilanti ex forensi usu prope quotidiana dicendi exercitatio potuit afferre: certe et, si quid auctoritatis in me est, ea apud eos utar qui eam mihi dederunt ; et, si quid etiam dicendo consequi possum, iis ostendam potissimum qui ei quoque rei fructum suo judicio tribuendum esse censuerunt. Atque illud imprimis mihi laetandum jure esse video, quod, in hac insolita mihi ex hoc loco ratione dicendi, causa talis oblata est, in qua oratio deesse nemini posset. Dicendum est enim de Cn. Pompeii |
fructum amplissimum : nam, quum propter dilationem comitiorum, renuntiatus sum ter primus praetor cunctis centuriis, intellexi facile, Quirites, et quid judicaretis de me, et quid praescriberetis aliis. Nunc quum et tantum auctoritatis sit in me quantum vos voluistis esse mandandis honoribus, et tantum facultatis ad agendum quantum exercitatio dicendi prope quotidiana potuit afferre homini vigilanti ex usu forensi, certe, et si quid auctoritatis est in me, utar ea apud eos qui dederunt eam mihi; et, si possum etiam consequi quid dicendo, ostendam potissimum iis qui censuerunt fructum tribuendum esse ei rei quoque suo judicio. Atque video illud imprimis laetandum esse mihi jure, quod, in hac ratione dicendi insolita mihi ex hoc loco, talis causa oblata est in qua oratio posset deesse nemini. Dicendum est enim |
le fruit le plus beau car, lorsque à-cause-de la prorogation des comices, j'ai été proclamé trois fois premier préteur par toutes les centuries, j'ai compris facilement, Romains, et ce que vous jugiez de moi, et ce que vous prescriviez aux autres. Maintenant que et autant d'autorité est en moi que vous avez voulu en être (qu'il y en en eût) en me confiant les honneurs, et autant de facilité pour parler-en-public que l'exercice de parler (de la parole) presque quotidien a pu en apporter (donner) à un homme vigilant par-suite-de l'habitude du-forum, certes, et si quelque chose de (quelque) autorité est en moi, j'userai d'elle auprès de ceux qui ont donné elle à moi ; et, si je puis même obtenir quelque chose en parlant, je le montrerai surtout à ceux qui ont pensé une récompense devoir être accordée à cette chose (à ce talent) aussi par leur jugement (suffrage). Et je vois ceci surtout devoir être accueilli-avec-joie par moi avec droit (à bon droit), que, dans cette manière de parler inaccoutumée pour moi de ce lieu, une telle cause m'est offerte dans laquelle la parole ne pourrait manquer à personne. En effet il me faut parler |
cordé à mes travaux la plus glorieuse
récompense. En effet, à cause de la prorogation des comices, élu trois
fois premier préteur par toutes les centuries, j'ai compris, Romains, et
ce que vous pensiez de moi, et ce que vous exigiez des autres.
Aujourd'hui, avec l'autorité que vous avez bien voulu me donner en me
conférant ces honneurs, avec une habitude de la parole telle qu'a pu
l'acquérir un homme actif par l'usage presque journalier des luttes du
barreau, je vais user de cette autorité auprès de ceux à qui je la dois,
et, si ma faible éloquence a quelque pouvoir, je tâcherai d'en faire
sentir les effets à ceux qui ont cru devoir récompenser mes travaux par
leurs suffrages. Or, s'il est une chose dont je croie devoir
particulièrement me féliciter, c'est d'avoir à traiter, pour mon début à
cette tribune, un sujet sur lequel on ne saurait tarir. C'est, en effet,
du mérite éclatant et incomparable de Cn. Pompée que je vais avoir à
parler ; en |
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singulari eximiaque virtute : hujus autem
orationis difficilius est exitum quam principium invenire ; ita mihi non
tam copia quam modus in dicendo quaerendus est. II. Atque ut inde oratio mea proficiscatur, unde haec omnis causa ducitur, bellum grave et periculosum vestris vectigalibus atque sociis a duobus potentissimis regibus infertur, Mithridate et Tigrane : quorum alter relictus, alter lacessitus, occasionem sibi ad occupandam Asiam oblatam esse arbitratur. Equitibus Romanis, honestissimis viris, afferuntur ex Asia quotidie litterae, quorum magnae res aguntur, in vestris vectigalibus exercendis occupatae ; qui ad me, pro necessitudine quae mihi est cum illo ordine, causam reipublicae periculaque rerum suarum detulerunt : Bithyniae, quae nunc vestra provincia est, |
de virtute singulari eximiaque Cnaei Pompeii: est autem difficilius invenire exitum quam principium hujus orationis; ita non tam copia quam modus quaerendus est mihi in dicendo. II. Atque ut mea oratio proficiscatur inde, unde omnis haec causa ducitur, bellum grave et periculosum infertur vestris vectigalibus atque sociis a duobus regibus potentissimis, Mithridate et Tigrane: quorum alter relictus, alter lacessitus, arbitratur occasionem oblatam esse sibi ad occupandam Asiam. Quotidie litterae afferuntur ex Asia equitibus Romanis, viris honestissimis, quorum magnae res aguntur, occupatae in vestris vectigalibus exercendis ; qui, pro necessitudine quae est mihi cum illo ordine, detulerunt ad me causam reipublicae : et pericula suarum rerum : complures vicos Bithyniae, quae est nunc provincia vestra, |
du mérite singulier et incomparable de Cnéus Pompée : or il est plus difficile de trouver la fin que le commencement de ce discours; ainsi non pas tant l'abondance que la mesure doit être cherchée par moi en parlant (dans ce discours). II. Et pour que mon discours parte de là, d'où toute cette cause est tirée, une guerre terrible et dangereuse est intentée à vos tributaires et à vos alliés par deux rois très-puissants, Mithridate et Tigrane: dont l'un abandonné comme vaincu, l'autre provoqué, croient une occasion être offerte à eux pour s'emparer de l'Asie. Tous les jours des lettres sont apportées d'Asie à des chevaliers romains, hommes très-honorables, dont de grands capitaux sont mis-en-question, employés à vos impôts devant être levés lesquels, à-cause-de la liaison qui est à moi avec cet ordre, ont déféré à moi la cause de la république : et les périls (la défense) de leurs intérêts: ces lettres disent plusieurs bourgs de la Bithynie, qui est maintenant une province vôtre, |
pareille matière, il est plus difficile de
finir que de commencer. Je dois donc moins penser à étendre mon discours
qu'à le renfermer dans de justes limites. II. Et, d'abord, partons du fait qui donne lieu à toute la discussion présente : une guerre terrible et pleine de dangers est déclarée aux alliés et aux peuples tributaires de Rome par deux rois très puissants, Mithridate et Tigrane ; l'un, que vous avez laissé pour vaincu, l'autre, que vous avez attaqué, croient avoir trouvé une occasion favorable pour s'emparer de l'Asie. Il arrive, tous les jours des lettres de ce pays, adressées à des chevaliers romains, hommes très-honorables, qui ont de grandes sommes engagées dans le recouvrement de vos impôts ; les liens qui m'attachent à l'ordre équestre les ont décidés à me confier la défense de la république et de leurs intérêts. Ces lettres leur apprennent que plusieurs bourgs de la Bithynie, qui est aujourd'hui une de vos provinces, ont été incendiés; que |
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vicos exustos esse complures ; regnum
Ariobarzanis, quod finitimum est vestris vectigalibus, totum esse in
hostium potestate ; Lucullum, magnis rebus gestis, ab eo bello discedere
; huic qui successerit non satis esse paratum ad tantum bellum
administrandum ; unum ab omnibus sociis et civibus ad id bellum
imperatorem deposci atque expeti ; eumdem hunc unum ab hostibus metui,
praeterea neminem. Causa quae sit videtis ; nunc quid agendum sit considerate. Primum mihi videtur de genere belli, deinde de magnitudine, tum de imperatore deligendo esse dicendum. Genus est ejus belli, quod maxime vestros animos excitare atque inflammare debet : in quo agitur populi Romani gloria, quae vobis a majoribus quum magna in rebus omnibus, tum summa in re militari tradita est ; agitur salus sociorum atque amicorum, pro qua multa majores vestri magna et gravia bella gesserunt ; aguntur certissima populi Romani vectigalia |
exustos esse ; regnum Ariobarzanis, quod est finitimum vestris vectigalibus, esse totum in potestate hostium ; Lucullum, magnis rebus gestis, discedere ab eo bello ; satis non esse paratum huic qui successerit ad administrandum tantum bellum ; unum deposci atque expeti imperatorem ab omnibus sociis et civibus ad id bellum ; hunc eumdem metui unum ab hostibus, praeterea neminem. Videtis quae sit causa ; nunc considerate quid agendum sit. Videtur mihi dicendum esse primum de genere belli, deinde de magnitudine, tum de imperatore deligendo. Genus ejus belli est quod debet maxime excitare atque inflammare vestros animos in quo agitur gloria populi Romani, quae tradita est vobis a majoribus, quum magna in omnibus rebus, tum summa in re militari; salus sociorum atque amicorum agitur pro qua vestri majores gesserunt bella magna et gravia ; vectigalia certissima et maxima |
avoir été brûlés ; le royaume d'Ariobarzane qui est voisin de vos tributaires, être tout entier au pouvoir des ennemis; Lucullus, de grands exploits ayant été accomplis, se retirer de cette guerre; assez n'être point préparé à celui qui lui a succédé pour conduire une si-grande guerre ; un seul homme être demandé et être désiré pour général par tous les alliés et les citoyens pour cette guerre ; ce même homme être craint seul par les ennemis, et excepté lui, personne. Vous voyez quelle est l'affaire ; maintenant considérez quoi doit être fait. Il semble à moi devoir être parlé d'abord du genre de la guerre, ensuite de sa grandeur, puis du général devant être choisi. La nature de cette guerre est celle qui doit le plus exciter et emflammer vos coeurs dans laquelle est-en-question la gloire du peuple romain, laquelle a été transmise à vous par vos ancêtres, non-seulement grande en toutes choses, mais-aussi très-grande dans l'art militaire ; le salut de vos alliés et de vos amis est-en-question, pour lequel vos ancêtres ont fait ses guerres grandes et terribles ; les revenus les plus sûrs et les plus grands |
le royaume d'Ariobarzane, qui touche aux
pays tributaires de Rome, est tout entier au pouvoir des ennemis ; que
Lucullus, après avoir fait de grandes choses dans ce pays, quitte la
direction de cette guerre ; que celui qui lui a succédé n'a point tout
ce qu'il faut pour conduire une si grande expédition ; que les alliés et
les citoyens ne désirent, ne demandent pour général qu'un homme ; que ce
même homme est le seul aussi que redoutent les ennemis, et qu'ils n'en
craignent pas d'autre. Vous voyez quelle est la question qui vous est soumise ; examinez maintenant ce que vous avez à faire. Je crois devoir vous parler d'abord de la nature de la guerre, puis de son importance, et enfin du général qu'il vous faut choisir. Cette guerre est du nombre de celles qui doivent le plus vivement intéresser et échauffer vos coeurs : il s'agit de la gloire du peuple romain, gloire qui vous a été transmise par vos ancêtres, éclatante dans tous les genres, mais surtout dans les armes ; il s'agit du salut de peuples alliés et amis, pour lequel vos pères ont entrepris plusieurs guerres importantes et dangereuses ; il s'agit des revenus les plus sûrs et les plus considérables du peuple romain, revenus dont la |
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et maxima, quibus amissis, et pacis
ornamenta et subsidia belli frustra requiretis ; aguntur bona multorum
civium, quibus est a vobis, et ipsorum et reipublicae causa,
consulendum. III. Et, quoniam semper appetentes gloriae praeter ceteras gentes atque avidi laudis fuistis, delenda vobis est illa macula, Mithridatico bello superiore suscepta, quae penitus jam insedit atque inveteravit in populi Romani nomine : quod is qui uno die, tota Asia, tot in civitatibus, uno nuntio atque una litterarum significatione, cives Romanos necandos trucidandosque denotavit, non modo adhuc poenam nullam suo dignam scelere suscepit, sed ab illo tempore annum jam tertium et vicesimum regnat ; et ita regnat, ut se non Ponto neque Cappadociae latebris occultare velit, sed emergere e patrio regno, |
populi Romani aguntur, quibus amissis, requiretis frustra et ornamenta pacis et subsidia belli ; bona multorum civium, quibus consulendum est a vobis, causa et ipsorum et reipublicae, aguntur. III. Et, quoniam fuistis semper appetentes gloriae atque avidi laudis praeter ceteras gentes, illa macula suscepta superiore bello Mithridatico, quae insedit jam penitus atque inveteravit in nomine populi Romani, delenda est vobis: quod is qui, uno die, tota Asia, in tot civitatibus, uno nuntio atque una significatione litterarum, denotavit cives Romanos necandos trucidandosque, non modo suscepit adhuc nullam poenam dignam suo scelere, sed regnat jam tertium et vicesimum annum ab illo tempore, et regnat ita ut non velit se occultare Ponto neque latebris Cappadociae, sed emergere e regno patrio atque versari |
du peuple romain sont-en-question, lesquels étant perdus, vous rechercherez en vain et les ornements de la paix et les secours de la guerre ; les biens de beaucoup de citoyens, auxquels il doit être veillé par vous, à cause et d'eux-mêmes et de la république, sont-en-question. III. Et, puisque vous avez été toujours désireux de gloire et avides de renommée au delà de (plus que) les autres nations, cette tache reçue dans la précédente guerre de (contre)-Mithridate, laquelle s'est imprimée déjà profondément et a vieilli sur le nom du peuple romain, doit être effacée par vous à savoir que celui qui, en un seul jour, dans toute l'Asie, dans tant de villes , par un seul message et par un seul signal de lettre (donné par une lettre) a désigné les citoyens romains devant être tués et devant être massacrés, non-seulement n'a reçu encore aucun châtiment digne de son crime, mais règne déjà la troisième et vingtième (vingt-troisième) année depuis ce temps-là, et règne de-telle-sorte qu'il ne veut pas se cacher dans le Pont ni dans les retraites de la Cappadoce, mais sortir du royaume paternel et s'agiter |
perte vous rendrait la paix moins
honorable et la guerre moins facile ; il s'agit enfin de la fortune d'un
grand nombre de citoyens, à qui vous devez aide et protection, tant pour
eux-mêmes que pour l'intérêt de la république. III. Et, puisque vous avez toujours été, plus que tout autre peuple, avides de gloire et d'honneur, vous devez effacer la tache que la précédente guerre contre Mithridate a imprimée au nom romain, et qui l'a flétri d'une manière ineffaçable : cet homme, en effet, qui, en un seul jour, dans toute l'Asie, dans un si grand nombre de villes, d'un seul mot écrit de sa main, a fait égorger et massacrer tant de citoyens romains, cet homme non-seulement n'a point reçu le châtiment que méritait son crime, mais il a régné vingt-trois ans depuis son forfait, et, loin de se cacher au fond du Pont ou de la Cappadoce, il sort du royaume de ses pères, et vient au grand jour, sous les yeux de toute l'Asie, se jeter sur les peuples qui vous |
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atque in vestris vectigalibus, hoc est in
Asiae luce, versari. Etenim adhuc ita vestri cum illo rege contenderunt
imperatores, ut ab illo insignia victoriae, non victoriam reportarent.
Triumphavit L. Sylla, triumphavit L. Murena de Mithridate, duo
fortissimi viri et summi imperatores ; sed ita triumpharunt, ut ille
pulsus superatusque regnaret. Verumtamen illis imperatoribus laus est
tribuenda, quod egerunt; venia danda, quod reliquerunt : propterea quod
ab eo bello Syllam in Italiam respublica, Murenam Sylla revocavit. IV. Mithridates autem omne reliquum tempus non ad oblivionem veteris belli, sed ad comparationem novi contulit : qui, posteaquam maximas aedificasset ornassetque classes, exercitusque permagnos, quibuscumque ex gentibus potuisset, comparasset, et se Bosphoranis, finitimis suis, bellum inferre simulasset, usque in Hispaniam legatos Ecbatanis misit ad |
in vestris vectigalibus, hoc est in luce Asiae. Etenim adhuc vestri imperatores contenderunt ita cum illo rege ut reportarent ab illo insignia victoriae, non victoriam. L. Sylla triumphavit, L. Murena triumphavit de Mithridate, duo viri fortissimi et summi imperatores ; sed triumpharunt ita, ut ille pulsus superatusque regnaret. Verumtamen laus tribuenda est illis imperatoribus, quod egerunt; venia danda, quod reliquerunt: propterea quod respublica revocavit Syllam ab eo bello in Italiam, Sylla Murenam. IV. Mithridates autem contulit omne tempus reliquum non ad oblivionem veteris belli, sed ad comparationem novi; qui, posteaquam aedificasset ornassetque maximas classes, comparassetque exercitus permagnos ex quibuscumque gentibus potuisset, et simulasset se inferre bellum Bosphoranis, suis finitimis, misit legatos Ecbatanis |
au-milieu de vos tributaires, c'est-à-dire en pleine lumière de l'Asie. En effet jusqu'à-présent vos généraux ont lutté de-telle-sorte avec ce roi qu'ils remportassent sur lui les honneurs de la victoire, mais non la victoire. L. Sylla a triomphé, L. Muréna a triomphé de Mithridate, tous deux hommes très-courageux et très-grands généraux; mais ils ont triomphé de-telle-sorte, que celui-ci repoussé et vaincu régnât toujours. Cependant une louange doit être accordée à ces généraux pour ce qu'ils ont fait; un pardon doit être accordé pour ce qu'ils ont laissé à faire: parce que la république a rappelé Sylla de cette guerre en Italie, et Sylla a rappelé Muréna. IV. Or Mithridate a appliqué tout le temps de-reste non à l'oubli de l'ancienne guerre, mais à l'organisation d'une nouvelle; lequel, après que il eut construit et eut équipé de très-grandes flottes, et qu'il eut rassemblé des armées fort-grandes de toutes les nations qu'il avait pu, et qu'il eut feint soi déclarer la guerre aux habitant-du-Bosphore, ses voisins, envoya des ambassadeurs d'Ecbatane |
payent tribut. Jusqu'ici, ceux de vos
généraux qui ont fait la guerre à ce roi ont plutôt remporté les
honneurs de la victoire que la victoire même. Lucius Sylla a reçu les
honneurs du triomphe ; L. Muréna les a reçus ; tous deux étaient des
hommes courageux et de grands capitaines ; mais, malgré leur triomphe,
Mithridate repoussé, vaincu, continuait à régner. Il faut savoir gré à
ces généraux de ce qu'ils ont fait, et les excuser s'ils ont laissé
quelque chose à faire, parce que Sylla dut quitter cette guerre, rappelé
en Italie par la république, et Muréna, rappelé par Sylla. IV. Quant à Mithridate, il a employé ce temps, non à oublier les pertes de sa première guerre, mais à en préparer une nouvelle. Après avoir construit et équipé des flottes considérables, après avoir levé chez tous les peuples qu'il a pu mettre à contribution d'innombrables armées, après avoir feint de déclarer la guerre aux habitants du Bosphore, ses voisins, il a envoyé d'Ecbatane en Espagne des am- |
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eos duces quibuscum tum bellum gerebamus, ut, quum duobus in locis disjunctissimis maximeque diversis, uno consilio, a binis hostium copiis bellum terra marique gereretur, vos ancipiti contentione districti de imperio dimicaretis. Sed tamen alterius partis periculum, Sertorianae atque Hispaniensis, quae multo plus firmamenti ac roboris habebat. Cn. Pompeii divino consilio ac singulari virtute depulsum est : in altera parte ita res a L. Lucullo, summo viro, est administrata, ut initia illa gestarum rerum magna atque praeclara non felicitati ejus, sed virtuti, haec autem extrema, quae nuper acciderunt, non culpae, sed fortunae tribuenda esse videantur. Sed de Lucullo dicam alio loco, et ita dicam, Quirites, ut neque vera laus ei detracta oratione nostra neque falsa afficta esse vi- |
usque in Hispaniam ad eos duces cum quibus tum gerebamus bellum ut, quum bellum gereretur uno consilio a binis copiis hostium, in duobus locis disjunctissimis maximeque diversis vos districti contentione ancipiti dimicaretis de imperio. Sed tamen periculum alterius partis, Sertorianae atque Hispaniensis, quae habebat multo plus firmamenti ac roboris, depulsum est consilio divino ac virtute singulari Cn. Pompeii in altera parte res administrata est a L. Lucullo, viro summo, ita ut illa initia rerum gestarum magna atque praeclara videantur tribuenda esse non felicitati, sed virtuti ejus, haec autem extrema, quae acciderunt nuper, non culpae, sed fortunae. Sed dicam de Lucullo alio loco, et dicam ita, Quirites, ut neque laus vera videatur detracta esse ei nostra oratione, neque falsa afficta esse. |
jusqu'en Espagne vers ces (les) généraux avec (contre) lesquels alors nous faisions la guerre afin que, quand la guerre serait faite avec un seul plan par deux armées d'ennemis, dans deux endroits très-éloignés l'un de l'autre et très-différents, vous divisés par cette lutte double vous combattissiez pour l'empire. Mais cependant le danger d'un côté, celui de-Sertorius et de-l'Espagne, lequel côté avait beaucoup plus de solidité et de force, a été dissipé par la prudence divine et la bravoure extraordinaire de Cn. Pompée de l'autre côté l'affaire (la guerre) a été conduite par L. Lucullus, homme éminent, de-telle-sorte que ces débuts d'expéditions faites, débuts grands et éclatants, semblent devoir être attribués non au bonheur, mais au courage de lui, mais que ces derniers événements, qui sont arrivés depuis-peu, semblent devoir l'être non à sa faute, mais à la fortune. Mais je parlerai de Lucullus dans un autre endroit, et j'en parlerai de telle sorte, Romains, que ni l'éloge vrai ne semble avoir été retranché à lui par notre (mon) discours, ni le faux lui avoir été ajouté. |
bassadeurs aux généraux contre qui nous étions alors en guerre, afin que, vous voyant attaqués à la fois sur terre et sur mer, dans deux pays bien différents et bien éloignés l'un de l'autre, par deux armées ennemies agissant de concert, gênés par cette double lutte, vous eussiez à combattre pour le salut même de votre empire. Toutefois une partie du danger a été dissipée par la prudence divine et la rare valeur de Cn. Pompée : je veux parler de la guerre d'Espagne et de Sertorius, le plus fort et le plus dangereux de beaucoup de vos ennemis ; pour l'autre guerre, elle à été dirigée de telle sorte par L. Lucullus, cet homme éminent, qu'il faut attribuer les éclatants succès du début de l'expédition à son talent plutôt qu'à son bonheur, et les échecs que nous avons essuyés depuis à la fortune plutôt qu'aux fautes du général. D'ailleurs je parlerai plus tard de Lucullus, Romains, et j'en parlerai de manière à ne point paraître diminuer son vrai mérite et à ne point y ajouter aux dépens de la vérité. Mais, |
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deatur. De vestri imperii dignitate atque
gloria, quoniam is est exorsus orationis meae, videte quem vobis animum
suscipiendum putetis. V. Majores vestri saepe, mercatoribus ac naviculatoribus injuriosius tractatis, bella gesserunt : vos, tot civium Romanorum millibus uno nuntio atque uno tempore necatis, quo tandem animo esse debetis? Legati quod erant appellati superbius, Corinthum patres vestri totius Graeciae lumen exstinctum esse voluerunt : vos eum regem inultum esse patiemini, qui legatum populi Romani consularem vinculis ac verberibus atque omni supplicio excruciatum necavit ? Illi libertatem civium Romanorum imminutam non tulerunt : vos vitam ereptam negligetis ? Jus legationis verbo violatum illi persecuti sunt : vos legatum populi Romani omni supplicio interfectum inultum relinquetis ? Videte ne, ut illis pulcherrimum fuit tantam vobis |
Videte quem animum putetis suscipiendum vobis de dignitate atque gloria vestri imperii, quoniam is est exorsus meae orationis. V. Saepe vestri majores, mercatoribus ac naviculatoribus tractatis injuriosius, gesserunt bella : vos, tot millibus civium Romanorum necatis uno nuntio atque uno tempore, quo animo debetis tandem esse? Quod legati appellati erant superbius, vestri patres voluerunt lumen totius Graeciae, Corinthum, exstinctum esse: vos patiemini eum regem esse inultum, qui necavit legatum populi Romani, consularem, excruciatum vinculis ac verberibus atque omni supplicio? Illi non tulerunt libertatem civium Romanorum imminutam; vos negligetis vitam ereptam? Illi persecuti sunt jus legationis violatum verbo : vos relinquetis inultum legatum populi Romani interfectum omni supplicio ? Videte ne, ut fuit pulcherrimum illis |
Voyez quelle disposition-d'esprit vous pensez devoir être prise par vous au-sujet-de la dignité et de la gloire de votre empire, puisque tel est le début de mon discours. V. Souvent vos ancêtres, des marchands et des propriétaires-de-vaisseaux ayant été traités trop outrageusement, ont fait des guerres: et vous, tant-de milliers de citoyens romains ayant été tués par-suite-d'un seul message et en un seul temps (jour), dans quel esprit (quelle disposition) devez-vous enfin être? Parce que des ambassadeurs avaient été interpellés trop fièrement, vos pères ont voulu la lumière de toute la Grèce, Corinthe, être éteinte: et vous, vous souffrirez ce roi être impuni, lequel a tué un ambassadeur du peuple romain, personnage consulaire, tourmenté par les chaînes et les coups et par tout genre de supplice? Eux n'ont pas supporté la liberté des citoyens romains être diminuée; et vous, vous ne-tiendrez-pas-compte de la vie enlevée des citoyens? Eux ont poursuivi (vengé) le droit d'ambassade violé par une parole : et vous, vous laisserez sans-vengeance un ambassadeur du peuple romain tué par tout genre de supplice? Voyez (prenez garde) que, comme il a été très-beau pour eux |
puisque c'est de la dignité et de la
gloire de votre empire que je me suis proposé de vous entretenir
d'abord, voyez quelles doivent être vos dispositions à ce sujet. V. Vos ancêtres ont souvent fait la guerre pour venger quelques marchands, quelques armateurs insultés ; vous, quand des milliers de citoyens romains ont été massacrés sur un seul ordre et le même jour, quels doivent être vos sentiments ? Pour quelques propos insolents tenus à vos ambassadeurs, vos pères ont détruit Corinthe, la lumière de la Grèce : et vous laisseriez impuni ce roi qui, après avoir fait battre de verges, charger de chaînes et torturer de toute manière un personnage consulaire, député du peuple romain, a fini par le mettre à mort ? Vos pères n'ont pu souffrir qu'on portât atteinte à la liberté des citoyens romains : et vous verriez avec indifférence qu'on leur eût ôté la vie ? Ils ont tiré vengeance d'un mot qui outrageait les droits des ambassadeurs : et vous ne vengeriez pas un envoyé du peuple romain livré aux plus affreux supplices ? Prenez-y garde : autant il a été beau pour eux de vous léguer un empire si glorieux, |
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imperii gloriam relinquere, sic vobis turpissimum sit, id quod accepistis, tueri et conservare non posse. Quid, quod salus sociorum summum in periculum ac discrimen vocatur ? Regno expulsus est Ariobarzanes, rex socius populi Romani atque amicus ; imminent duo reges toti Asiæ, non solum vobis inimicissimi, sed etiam vestris sociis atque amicis ; civitates autem omnes, cuncta Asia atque Græcia vestrum auxilium exspectare propter periculi magnitudinem coguntur imperatorem a vobis certum deposcere, quum præsertim vos alium miseritis, neque audent, neque id se facere summo sine periculo posse arbitrantur. Vident et sentiunt hoc idem quod vos, unum virum esse in quo summa sint omnia, et eum prope esse, quo etiam carent aegrius : cujus adventu ipso atque nomine, tametsi ille ad maritimum bellum venerit, tamen impetus hostium repressos |
relinquere vobis tantam gloriam imperii, sic sit turpissimum vobis non posse tueri et conservare id quod accepistis. Quid quod salus sociorum vocatur in summum periculum ac discrimen? Ariobarzanes, rex socius atque amicus populi Romani, expulsus est regno ; duo reges inimicissimi non solum vobis, sed etiam vestris sociis atque amicis, imminent Asiæ toti; omnes autem civitates, cuncta Asia atque Græcia coguntur exspectare vestrum auxilium, propter magnitudinem periculi : neque audent deposcere a vobis imperatorem certum, præsertim quum vos miseritis alium, neque arbitrantur se posse facere id sine summo periculo. Vident et sentiunt hoc idem quod vos, unum virum esse, in quo omnia sint summa, et eum esse prope, quo etiam carent ægrius adventu ipso atque nomine cujus, tametsi ille venerit ad bellum maritimum, intelligunt tamen impetus hostium repressos esse |
de laisser à vous une si-grande gloire d'empire, ainsi il ne soit très-honteux pour vous de ne pouvoir défendre et conserver ce que vous avez reçu. Que dirai-je de-ce-que le salut des alliés est appelé (jeté) dans le plus grand danger et la plus grande crise ? Ariobarzane, roi allié et ami du peuple romain, a été chassé de son royaume; deux rois très-ennemis non-seulement de vous, mais aussi de vos alliés et de vos amis, menacent l'Asie tout-entière ; or, toutes les villes, toute l'Asie et toute la Grèce sont forcées d'attendre votre secours, à cause de la grandeur du danger: et elles n'osent pas demander à vous un général déterminé (désigné par elles), surtout quand vous en avez envoyé un autre, et elles ne pensent pas elles-mêmes pouvoir faire cela sans le plus grand danger. Elles voient et comprennent cette même chose que vous comprenez, savoir un seul homme être, dans lequel tout est très-grand, et celui-là être près d'elles, par suite de quoi même elles en sont privées avec-plus-de-regret par l'arrivée même (seule) et par le nom seul duquel, bien qu'il soit venu pour la guerre maritime (des pirates), elles comprennent cependant les mouvements des ennemis avoir été arrêtés |
autant il serait honteux pour vous de ne pouvoir le défendre et le conserver tel que vous l'avez reçu. Que vous dirai-je du salut de vos alliés, qui courent les plus grands dangers ? Ariobarzane, roi allié et ami du peuple romain, a été chassé de son royaume ; l'Asie entière est menacée par deux rois, qui ne sont pas seulement les ennemis jurés de Rome, mais ceux de vos alliés et de vos amis ; toutes les villes libres, toute l'Asie, toute la Grèce, en présence d'un si grand danger, sont forcées d'attendre de vous du secours; elles n'osent pas, surtout quand vous leur avez envoyé un autre général, vous demander celui qu'elles désirent, et pensent qu'elles ne pourraient le faire sans s'exposer à des risques extrêmes. Elles voient et savent ce que vous voyez et savez vous-mêmes, qu'il n'y a qu'un homme en qui tout soit grand, que cet homme est près d'elles, ce qui rend leurs regrets plus vifs ; enfin que son arrivée et le bruit de son nom, bien qu'il ne soit venu que pour la guerre des pirates, ont suffi pour arrêter et re- |
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esse intelligunt ac retardatos. Hi vos,
quoniam libere loqui non licet, tacite rogant ut se quoque, sicut
ceterarum provinciarum socios, dignos existimetis, quorum salutem tali
viro commendetis : atque hoc etiam magis quam ceteros, quod ejus modi in
provinciam homines cum imperio mittimus, ut, etiamsi ab hoste defendant,
tamen ipsorum adventus in urbes sociorum non multum ab hostili
expugnatione differant. Hunc audiebant antea, nunc præsentem vident,
tanta temperantia, tanta mansuetudine, tanta humanitate, ut ii
beatissimi esse videantur, apud quos ille diutissime commoratur. VI. Quare, si propter socios, nulla ipsi injuria lacessiti, majores vestri cum Antiocho, cum Philippo, cum Aetolis , cum Poenis bella gesserunt, quanto vos studio convenit, injuriis provocatos, sociorum salutem una cum imperii vestri dignitate defendere, præsertim quum de vestris maximis vecti- |
ac retardatos. Hi, quoniam non licet loqui libere, rogant vos tacite ut existimetis quoque se, sicut socios ceterarum provinciarum, dignos quorum commendetis salutem tali viro atque hoc etiam magis quam ceteros, quod mittimus in provinciam cum imperio homines ejus modi ut, etiamsi defendant ab hoste, tamen adventus ipsorum in urbes sociorum non differant multum ab expugnatione hostili. Audiebant antea, nunc vident præsentem hunc tanta temperantia, tanta mansuetudine, tanta humanitate, ut ii apud quos ille commoratur diutissime videantur esse beatissimi. VI. Quare, si, propter socios, vestri majores, ipsi lacessiti nulla injuria, gesserunt bella cum Antiocho, cum Philippo, cum Aetolis, cum Poenis, quanto studio convenit vos, provocatos injuriis, defendere salutem sociorum una cum dignitate vestri imperii; præsertim quum agatur de vestris vectigalibus |
et retardés. Ceux-ci (ces peuples), puisqu'il ne leur est-pas-permis de parler librement, vous prient silencieusement que vous estimiez aussi eux, comme les alliés des autres provinces, dignes desquels vous confiiez le (que vous confiiez leur) salut à un tel homme et que vous les estimiez par cela même plus dignes que les autres de ce secours, que nous envoyons dans la province d'Asie avec l'autorité des hommes de cette (telle) sorte que, bien qu'ils la défendent contre l'ennemi, cependant les arrivées d'eux-mêmes dans les villes des alliés ne différent pas beaucoup d'une prise-d'assaut de-l'ennemi. Ils entendaient citer auparavant, maintenant ils voient présent celui-ci d'une si-grande modération, d'une si-grande douceur, d'une si-grande humanité, que ceux chez lesquels il séjourne le plus longtemps semblent être les plus heureux. VI, C'est-pourquoi, si, à cause de leurs alliés, vos ancêtres, eux-mêmes n'étant provoqués par aucun affront, ont fait des guerres avec Antiochus, avec Philippe, avec les Étoliens, avec les Carthaginois, avec quelle ardeur convient-il vous, provoqués par des affronts, défendre le salut de vos alliés en-même temps avec (que) la dignité de votre empire; surtout quand il s'agit de vos revenus |
tarder les progrès des ennemis. Ces
peuples, qui n'osent dire librement ce qu'ils pensent, vous demandent
tout bas de les regarder comme aussi dignes que vos alliés des autres
provinces de voir leur salut confié à un si grand homme ; ils le
souhaitent d'autant plus, que les magistrats que nous envoyons dans ces
provinces avec un commandement militaire peuvent bien, il est vrai, les
protéger contre l'ennemi, mais que leur arrivée dans les villes de nos
alliés diffère peu d'une prise d'assaut. Celui-ci, au contraire, ainsi
qu'ils l'avaient entendu dire jusqu'à présent et qu'ils le voient
aujourd'hui, a tant de douceur, tant de modération, tant d'humanité,
qu'on regarde comme les plus heureux les peuples qui jouissent le plus
longtemps de sa présence. VI. Or, si vos pères, sans avoir eux-mêmes à se plaindre d'aucune injure, ont fait la guerre pour leurs alliés à Antiochus, à Philippe, aux Étoliens, aux Carthaginois, quel zèle ne devez-vous pas mettre, quand vous êtes provoqués, à défendre à la fois le salut de vos alliés et la dignité de l'empire, surtout quand il s'agit de vos revenus les |
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galibus agatur? Nam ceterarum provinciarum vectigalia, Quirites, tanta sunt, ut iis ad ipsas provincias tutandas vix contenti esse possimus : Asia vero tam opima est ac fertilis, ut et ubertate agrorum, et varietate fructuum, et magnitudine pastionis, et multitudine earum rerum quæ exportantur, facile omnibus terris antecellat. Itaque hæc vobis provincia, Quirites, si et belli utilitatem et pacis dignitatem retinere vultis, non modo a calamitate, sed etiam a metu calamitatis est defendenda. Nam ceteris in rebus, quum venit calamitas, tum detrimentum accipitur. At in vectigalibus non solum adventus mali, sed etiam metus ipse offert calamitatem : nam, quum hostium copiæ non longe absunt, etiamsi irruptio facta nulla sit, tamen pecora relinquuntur, agricultura deseritur, mercatorum navigatio conquiescit : ita neque ex portu, neque ex decumis, neque ex scriptura vectigal conservari potest. Quare |
maximis ? Nam vectigalia ceterarum provinciarum, Quirites, sunt tanta ut possimus vix esse contenti iis ad tutandas provincias ipsas: Asia vero est tam opima et fertilis, ut antecellat facile omnibus terris et ubertate agrorum, et varietate fructuum, et magnitudine pastionis, et multitudine earum rerum quæ exportantur. Itaque, Quirites, hæc provincia, si vultis sustinere et utilitatem belli et dignitatem pacis, defendenda est non modo a calamitate, sed etiam a metu calamitatis. Nam in ceteris rebus, quum calamitas venit, tum detrimentum accipitur. At in vectigalibus, non solum adventus mali, sed etiam metus ipse offert calamitatem nam, quum copiæ hostium non absunt longe, etiamsi nulla irruptio facta sit, tamen pecora relinquuntur, agricultura deseritur, navigatio mercatorum conquiescit: ita vectigal potest conservari neque ex portu, neque ex decumis, neque ex scriptura. |
les plus gros? Car les revenus des autres provinces, Romains, sont si-peu-grands que nous pouvons à peine être contents d'eux (nous en contenter) pour soutenir les provinces elles mêmes : mais l'Asie est si riche et si fertile, qu'elle surpasse sans-peine tous les pays du monde et par la fécondité de ses champs, et par la variété de ses productions, et par l'étendue de ses pâturages, et par la multitude de ces (des) objets qui s'exportent. C'est-pourquoi, Romains, cette province, si vous voulez maintenir et l'utilité de (pour) la guerre et la dignité de (pour) la paix, doit être garantie non-seulement du malheur, mais même de la crainte du malheur. Car dans les autres choses, quand le désastre est venu, alors la perte est reçue. Mais dans les impôts, non-seulement l'arrivée du mal, mais aussi la crainte même apporte un désastre: car, quand les troupes des ennemis ne sont pas loin, bien qu'aucune irruption n'ait été faite, cependant les troupeaux sont délaissés, l'agriculture est abandonnée, la navigation des marchands se repose (est suspendue): ainsi un tribut ne peut être conservé ni d'un port, ni des dîmes, ni de l'impôt-sur-les-pâturages. |
plus importants ? En effet, Romains, ceux que nous retirons des autres provinces sont tels, qu'ils suffisent à peine pour nous donner les moyens de les défendre ; mais l'Asie est si riche et si fertile, que l'on peut, et pour la fécondité de ses champs, et pour la variété de ses productions, et pour l'étendue de ses pâturages, et pour la quantité des objets qu'elle expose, la mettre au-dessus de tous les pays du monde. Si donc, Romains, vous voulez conserver les moyens de faire la guerre avec avantage et de maintenir la paix avec honneur, écartez de cette province non-seulement le malheur, mais même la crainte du malheur. Dans toute autre chose, en effet, on ne sent la perte que quand le mal est venu ; mais, en fait d'impôts, ce n'est pas seulement l'événement, c'est la crainte même qui entraîne un désastre : quand l'ennemi est proche, alors même qu'il ne commet aucun acte d'hostilité, on abandonne les troupeaux, on néglige l'agriculture, le commerce maritime est arrêté : on ne tire plus rien ni des ports, ni des dîmes, ni du droit sur les pâturages. Ainsi sou- |
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sæpe totius anni fructus uno rumore
periculi atque uno belli terrore amittitur. Quo tandem animo esse existimatis aut eos qui vectigalia nobis pensitant, aut eos qui exercent atque exigunt, quum duo reges cum maximis copiis prope adsint ; quum una excursio equitatus perbrevi tempore totius anni vectigal auferre possit ; quum publicani familias maximas, quas in salinis habent, quas in agris, quas in portubus atque custodiis, magno periculo se habere arbitrentur ? Putatisne vos illis rebus frui posse, nisi eos, qui vobis fructui sunt, conservaveritis non solum, ut antea dixi, calamitate, sed etiam calamitatis formidine liberatos ? VII. Ac ne illud quidem vobis negligendum est, quod mihi ego extremum proposueram, quum essem de belli genere dicturus, quod ad multorum bona civium Romanorum pertinet ; |
Quare saepe fructus anni totius amittitur uno rumore periculi atque uno terrore belli. Quo animo existimatis tandem aut eos esse qui pensitant nobis vectigalia, aut eos qui exercent atque exigunt, quum duo reges adsint prope cum maximis copiis; quum una excursio equitatus possit auferre tempore perbrevi vectigal totius anni; quum publicani arbitrentur se habere magno periculo familias maximas quas habent in salinis, quas in agris, quas in portubus atque custodiis? Putatisne vos posse frui illis rebus, nisi conservaveritis eos qui sunt fructui vobis, non solum, ut dixi antea, liberatos calamitate, sed etiam formidine calamitatis ? VII. Ac ne quidem illud negligendum est vobis, quod ego proposueram mihi extremum, quum dicturus essem de genere belli, quod pertinet ad bona multorum civium Romanorum quorum, |
C'est-pourquoi souvent le fruit (revenu) d'une année tout-entière se perd par un seul bruit de danger et une seule crainte de guerre. Dans quel esprit pensez-vous enfin ou ceux-là être qui payent à nous des impôts, ou ceux qui les exploitent et les perçoivent, quand deux rois sont tout-près avec de très-grandes armées; quand une seule incursion de cavalerie peut enlever en un temps fort-court le revenu de toute une année ; quand les fermiers-publics pensent eux-mêmes avoir avec grand péril les troupes-d'esclaves fort-nombreuses qu'ils ont dans les salines, qu'ils ont dans les champs, qu'ils ont dans les ports et dans les postes-militaires ? Pensez-vous vous pouvoir jouir de ces objets (revenus), si vous ne maintenez ceux qui sont rendants-des-fruits à vous, non-seulement, comme je l'ai dit auparavant, délivrés du malheur, mais même de la crainte du malheur? VII. Et pas même ceci ne doit être négligé par vous, que j'avais proposé à moi-même comme dernière remarque, lorsque je serais devant parler de l'espèce de cette guerre, qui a-rapport aux (intéresse les) biens de nombreux citoyens romains, desquels, |
vent le revenu de toute une année est
perdu pour un seul bruit de danger, pour une seule crainte de guerre
prochaine. Dans quelles dispositions d'esprit doivent être, à votre avis, et ceux qui vous payent ces impôts, et ceux qui se chargent de les recouvrer, quand tout près d'eux ils voient deux rois avec des troupes considérables ; quand une seule incursion de cavalerie peut, en un instant, enlever le revenu d'une année ; quand les fermiers de l'État sont persuadés qu'ils ont tout à craindre pour ces nombreuses troupes d'esclaves qu'ils occupent dans les salines, dans les champs, dans les ports et dans tous les postes de surveillance ? Pensez-vous pouvoir jouir des revenus de ces fermes, si vous ne garantissez ceux qui les administrent pour vous, non-seulement de tout malheur, mais même de toute crainte ? VII. Vous ne devez pas même dédaigner une considération que j'avais réservée pour la dernière en vous parlant de la nature de cette guerre, savoir, qu'il s'agit de la fortune d'un bon nombre de citoyens romains, fortune dont vous devez, avec votre sagesse ordi- |
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quorum vobis, pro vestra sapientia, Quirites, habenda est ratio diligenter. Nam et publicani, homines et honestissimi et ornatissimi, suas rationes et copias in illam provinciam contulerunt ; quorum ipsorum per se res et fortunæ curae vobis esse debent. Etenim, si vectigalia nervos esse reipublicæ semper duximus, eum certe ordinem, qui exercet illa, firmamentum ceterorum ordinum recte esse dicemus. Deinde ceteris ex ordinibus homines gnavi et industrii partim ipsi in Asia negotiantur, quibus vos absentibus consulere debetis, partim suas et suorum in ea provincia pecunias magnas collocatas habent. Erit igitur humanitatis vestræ, magnum eorum civium numerum calamitate prohibere; sapientiæ, videre multorum civium calamitatem a republica sejunctam esse non posse. Etenim illud primum parvi refert, vos publicanis amissa vectigalia postea |
pro vestra sapientia, ratio habenda est vobis, Quirites. Nam et publicani, homines et honestissimi et ornatissimi, contulerunt suas rationes et copias in illam provinciam ; quorum ipsorum res et fortunæ debent esse curae vobis per se. Etenim, si semper duximus vectigalia esse nervos reipublicæ, dicemus certe eum ordinem qui exercet illa esse firmamentum ceterorum ordinum. Deinde homines gnavi et industrii ex ceteris ordinibus partim negotiantur ipsi in Asia, quibus absentibus vos debetis consulere, partim habent magnas pecunias suas et suorum collocatas in ea provincia. Erit igitur vestræ humanitatis prohibere calamitate magnum numerum eorum civium ; sapientiæ videre calamitatem : multorum civium non posse sejunctam esse a republica. Etenim, primum illud refert parvi vos recuperare postea victoria |
eu-égard-à votre sagesse, compte doit être tenu par vous, Romains. Car d'une-part les fermiers hommes et très-honorables et très-distingués, ont transporté leurs fonds et leurs ressources dans cette province; desquels fermiers eux-mêmes les affaires et la fortune doivent être à souci à vous pour elles-mêmes. En effet, si toujours nous avons pensé les revenus-publics être les nerfs de l'État, nous dirons certainement cet ordre qui exploite ces revenus être le soutien des autres ordres. D'un-autre-côté des hommes actifs et industrieux des autres ordres en partie font-le-commerce eux-mêmes en Asie, sur lesquels absents vous devez veiller, en partie ont de grandes sommes à-eux et des (aux)-leurs placées dans cette province. Il sera donc de votre humanité de préserver du malheur le grand nombre de ces citoyens; il sera de votre sagesse de voir le malheur de nombreux citoyens ne pouvoir être séparé (indifférent) de (pour) la république. En effet, d'abord cela importe peu vous recouvrer après cela par la victoire |
naire, vous préoccuper particulièrement. Les fermiers, hommes honorables et fort distingués, ont transporté dans cette province tous leurs fonds, toutes leurs ressources ; ils méritent par eux-mêmes que cette fortune vous intéresse. En effet, si nous avons toujours regardé les revenus publics comme le nerf de l'État , nous devons reconnaître que l'ordre chargé de les faire rentrer est le soutien des autres ordres. D'un autre côté , d'autres citoyens, actifs et industrieux, font le commerce en Asie : les uns s'en occupent eux-mêmes, vous devez les protéger quoique absents ; d'autres y ont placé leur fortune et celle des leurs, et il s'agit de sommes importantes. C'est donc pour vous une question d'humanité de préserver de tout malheur un si grand nombre de citoyens ; c'est une question de prudence de comprendre que leur ruine ne saurait être indifférente à l'État. D'abord il importe peu qu'après avoir laissé perdre ces revenus pour vos fermiers, vous les recouvriez par la victoire ; après un tel désastre, les |
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victoria recuperare : neque enim iisdem redimendi facultas erit propter calamitatem, neque aliis voluntas propter timorem. Deinde, quod nos eadem Asia atque idem iste Mithridates initio belli Asiatici docuit, id quidem certe calamitate docti memoria retinere debemus. Nam tum, quum in Asia res magnas permulti amiserunt, scimus Romæ, solutione impedita, fidem concidisse : non enim possunt una in civitate multi rem atque fortunas amittere, ut non plures secum in eamdem calamitatem trahant. A quo periculo prohibete rempublicam, et mihi credite id quod ipsi videtis : hæc fides atque haec ratio pecuniarum, quæ Romæ, quae in foro versatur, implicita est cum illis pecuniis Asiaticis et cohæret. Ruere illa non possunt, ut hæc non eodem labefacta motu concidant. Quare videte num dubitandum vobis sit omni studio ad id bellum incum- |
vectigalia amissa publicanis neque enim facultas redimendi erit iisdem propter calamitatem, neque voluntas aliis propter timorem. Deinde, quod eadem Asia atque idem iste Mithridates docuit nos initio belli Asiatici, docti calamitate debemus quidem certe retinere id memoria. Nam tum, quum permulti amiserunt magnas res in Asia scimus, solutione impedita, fidem concidisse Romae multi enim non possunt in una civitate amittere rem atque fortunas, ut non trahant plures secum in eamdem calamitatem. Prohibete rempublicam a quo periculo, et credite mihi id quod videtis ipsi hæc fides atque hæc ratio pecuniarum quae versatur Romæ, quæ in foro implicita est cum illis pecuniis Asiaticis et cohaeret. Illa non possunt ruere, ut hæc non concidant labefacta eodem motu. Quare videte num dubitandum sit vobis incumbere omni studio |
les revenus perdus pour les fermiers: car ni la possibilité de les racheter (prendre à ferme) ne sera à ces mêmes fermiers à cause de leur malheur, ni la volonté de les racheter ne sera à d'autres à cause de la crainte. Ensuite, ce que cette même Asie et ce même Mithridate ont enseigné à nous au commencement de la guerre d'-Asie, instruits par le malheur nous devons certes assurément retenir cela dans notre mémoire. Car à-cette-époque, où beaucoup perdirent de grandes fortunes en Asie nous savons le payement des dettes avant été empêché, le crédit être tombé à Rome car beaucoup de citoyens ne peuvent dans une seule cité perdre la fortune et les biens, de-sorte-qu'ils n'entraînent pas (sans entraîner) plusieurs avec eux dans le même malheur. Préservez la république de ce danger, et croyez-moi sur ce crédit et cette circulation d'argent qui se fait à Rome, qui se fait dans le forum, sont liés avec (à) ces fortunes de-l'-Asie et y tiennent. Celles-là ne peuvent tomber, de-manière-que celles-ci ne tombent pas ébranlées par le même mouvement. C'est pourquoi examinez s'il doit y-avoir-hésitation pour vous à vous appliquer de tout votre zèle |
mêmes hommes ne seront plus en état de les
prendre à ferme , et d'autres ne le voudront pas, parce qu'ils auront
peur. Ensuite, cette même province d'Asie et ce même Mithridate nous ont
donné, au commencement de cette guerre, une leçon que nous ne devons pas
oublier, instruits que nous sommes par le malheur. A l'époque où tant de
citoyens perdirent en Asie des sommes considérables, nous savons qu'à
Rome , les payements s'étant trouvés entravés, le crédit fut ébranlé ;
il est impossible, en effet, que, dans un pays, un grand nombre de
citoyens perdent leur fortune, sans en entraîner beaucoup d'autres dans
leur désastre. Écartez ce danger de la république, et croyez-moi quand
je vous expose ce que vous avez sous les yeux : il existe un lien étroit entre le crédit, ce mouvement de fonds de Rome et du forum, et les fortunes de l'Asie : l'un ne peut tomber que le même coup n'ébranle et ne détruise l'autre. Voyez donc si vous devez hésiter à donner toute votre attention à une guerre dans |
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bere, in quo gloria nominis vestri, salus
sociorum, vectigalia maxima, fortunæ plurimorum civium cum republica
defendantur. VIII. Quoniam de genere belli dixi, nunc de magnitudine pauca dicam. Potest enim hoc dici : belli genus esse ita necessarium, ut sit gerendum ; non esse ita magnum, ut sit pertimescendum. In quo maxime laborandum est, ne forte a vobis quæ diligentissime providenda sunt, contemnenda esse videantur. Atque, ut omnes intelligent me L. Lucullo tantum impertire laudis, quantum forti viro, sapientissimo homini et magno imperatori debeatur, dico ejus adventu maximas Mithridatis copias omnibus rebus ornatas atque instructas fuisse ; urbemque Asiæ clarissimam nobisque amicissimam Cyzicenorum obsessam esse ab ipso rege maxima multitudine , et oppugnatam vehementissime, quam L. Lucullus virtute, assidui- |
ad id bellum, in quo gloria vestri nominis, salus sociorum, vectigalia maxima, fortunæ plurimorum civium defendantur cum republica. VIII. Quoniam dixi de genere belli , nunc dicam pauca de magnitudine. Hoc enim potest dici genus belli esse ita necessarium, ut gerendum sit; non esse ita magnum, ut pertimescendum sit. In quo laborandum est maxime ne quæ providenda sunt diligentissime, videantur forte contemnenda esse a vobis. Atque, ut omnes intelligent, me impertire tantum laudis L. Lucullo quantum debeatur viro forti et homini sapientissimo, dico, adventu ejus, copias Mithridatis fuisse maximas, ornatas atque instructas omnibus rebus; urbemque Cyzicenorum , clarissimam Asiæ amicissimamque nobis, obsessam esse ab rege ips maxima multitudine et oppugnatam vehementissime ; quam L. Lucullus , virtute, assiduitate, consilio |
à cette guerre, dans laquelle la gloire de votre nom, le salut de vos alliés, les revenus les plus grands, les biens de très-nombreux citoyens sont défendus avec (en même temps que) la république. VIII. Puisque j'ai parlé de l'espèce de cette guerre, maintenant je dirai quelques mots sur son importance. Car ceci peut être dit l'espèce de cette guerre être si nécessaire qu'elle doit être faite; n'être pas si importante, qu'elle doive être redoutée. Dans laquelle il doit être pris-soin surtout à-ce-que les mesures qui doivent être prises-d'avance le plus soigneusement, ne paraissent pas par hasard devoir être dédaignées par vous. Et, pour-que tous comprennent moi accorder autant d'éloge à L. Lucullus qu'il en est dû à un personnage courageux et à un homme très-prudent, je dis, à l'arrivée de lui, les troupes de Mithridate avoir été très-grandes (fortes), équipées et munies de toutes choses et la ville des Cyzicéniens, la plus brillante de l'Asie et la plus amie de nous, avoir été assiégée par ce roi lui-méme avec une très-grande multitude et attaquée très-vigoureusement ; laquelle L. Lucullus, par sa valeur, par son activité, par sa prudence, |
laquelle il s'agit de défendre, en même
temps que la république, la gloire de votre nom, le salut des alliés,
vos revenus les plus importants et la fortune d'un grand nombre de
citoyens. VIII. Maintenant que j'ai parlé de la nature de cette guerre, je vais dire quelques mots de son importance ; car on pourrait prétendre qu'elle est assez nécessaire pour que nous la fassions, mais qu'elle n'est pas assez grave pour qua nous la craignions. Or, vous devez surtout prendre garde de considérer comme étant sana intérêt ce qui mérite le plus votre attention. Et pour que tout le monde comprenne bien que je rends à L. Lucullus toute la justice qui est due à un citoyen courageux, à un homme plein de prudence, à un général éminent, je déclare qu'à son arrivée les troupes de Mithridate étaient parfaitement équipées et munies de tous les objets nécessaires ; que la ville de Cyzique, la plus belle de l'Asie et la plus dévouée à nos intérêts, était assiégée par ce roi lui-même à la tête d'une armée considérable, et que le siège était poussé très-vivement. Par sa valeur, par son activité, par sa prudence, L Lucullus a délivré cette place d'un danger immi- |
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tate, consilio, summis obsidionis periculis liberavit ; ab eodem imperatore classem magnam et ornatam, quae ducibus Sertorianis ad Italiam studio inflammato raperetur, superatam esse atque depressam; magnas hostium praeterea copias multis proeliis esse deletas, patefactumque nostris legionibus esse Pontum, qui ante populo Romano ex omni aditu clausus esset ; Sinopen atque Amisum, quibus in oppidis erant domicilia regis, omnibus rebus ornata atque referta, ceterasque urbes Ponti et Cappadociae permultas uno aditu atque adventu esse captas ; regem spoliatum regno patrio atque avito ad alios se reges atque ad alias gentes supplicem contulisse : atque haec omnia salvis populi Romani socii atque integris vectigalibus esse gesta. Satis opinor hoc esse laudis, atque ita , Quirites, ut hoc |
liberavit periculis summis obsidionis ; classem magnam et ornatam, quae raperetur studio inflammato ad Italiam, Sertorianis ducibus, superatam esse atque depressam ab eodem imperatore ; praeterea magnas copias hostium deletas esse multis proeliis, Pontumque, qui ante clausus esset ex omni aditu populo Romano, patefactum esse nostris legionibus ; Sinopen atque Amisum, in quibus oppidis erant domicilia regis, ornata atque referta omnibus rebus, et ceteras urbes permultas Ponti et Cappadociae captas esse uno aditu atque adventu; regem spoliatum regno patrio atque avito contulisse se supplicem ad alios reges atque ad alias gentes: atque haec omnia gesta esse socii populi Romani salvis atque vectigalibus integris. Opinor hoc esse satis laudis, atque ita, Quirites, ut vos intelligatis hoc, |
délivra des dangers extrêmes du siège ; une flotte considérable et bien équipée, qui était entraînée par un zèle ardent vers l'Italie, les lieutenants de-Sertorius étant chefs, avoir été vaincue et coulée-à-fond par ce-même général; en outre de grandes troupes des ennemis avoir été détruites en beaucoup de combats, et le Pont, qui auparavant avait été fermé par tout abord au peuple romain, avoir été ouvert à nos légions; Sinope et Amine, dans lesquelles villes étaient des palais du roi, ornés et remplis de toutes sortes de choses (richesses), et les autres villes très-nombreuses du Pont et de la Cappadoce avoir été prises par son seul abord et sa seule arrivée; le roi dépouillé du royaume de-son-père et de-ses-aïeux s'être transporté suppliant chez d'autres rois et chez dautres nations: et tout cela avoir été fait les alliés du peuple romain étant saufs et les impôts étant intacts. Je pense cela être assez de louange, et de-telle-sorte, Romains, que vous compreniez ceci, |
nent. Une flotte importante et en fort bon état s'élançait avec une extrême ardeur vers l'Italie, sous la conduite de lieutenants de Sertorius ; ce même Lucullus l'a battue et coulée à fond ; il a taillé en pièces dans plusieurs combats des corps considérables de l'ennemi ; il a ouvert à nos légions le Pont, qui avait été jusque-là, sur tous les points, fermé au peuple romain ; il a pris en se montrant, et par le fait seul de sa présence, Sinope et Amine, où se trouvaient deux palais de Mithridate, remplis de richesses, ainsi que les autres villes du Pont et de la Cappadoce ; le roi, dépouillé du royaume de son père et de ses aïeux, s'est réfugié en suppliant vers d'autres rois et chez d'autres peuples : et tout cela a été fait sans que les alliés du peuple romain eussent à souffrir, sans que nos revenus fussent diminués. Voilà, je crois, assez de gloire et vous reconnaîtrez, Romains |
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vos intelligatis, a nullo istorum qui huic
obtrectant legi atque causae, L. Lucullum similiter ex hoc loco esse
laudatum. IX. Requiretur fortasse nunc quemadmodum, quum haec ita sint, reliquum possit esse magnum bellum. Cognoscite, Quirites : non enim hoc sine causa quaeri videtur. Primum ex suo regno sic Mithridates profugit, ut ex eodem Ponto Medea illa quondam profugisse dicitur ; quam praedicant in fuga fratris sui membra in iis locis, qua se parens persequeretur, dissipavisse, ut eorum collectio dispersa maerorque patrius celeritatem persequendi retardaret. Sic Mithridates fugiens maximam vim auri atque argenti pulcherrimarumque rerum omnium, quas et a majoribus acceperat et ipse bello superiore ex tota Asia direptas in suum regnum congesserat, in Ponto omnem reliquit. Haec dum nostri colligunt omnia diligentius, rex ipse e manibus effugit. Ita illum in persequendi studio maeror, hos |
L. Lucullum laudatum esse similiter ex hoc loco a nullo istorum qui obtrectant huic legi atque causae. IX. Requiretur nunc fortasse quemadmodum, quum haec sint ita, bellum reliquum possit esse magnum. cognoscite, Quirites : hoc enim non videtur quaeri sine causa. Primum Mithridates profugit ex suo regno sicut illa Medea dicitur profugisse quondam ex eodem Ponto; quam praedicant dissipavisse in fuga membra sui fratris in iis locis qua parens persequeretur se, ut collectio eorum dispersa maerorque patrius retardaret celeritatem persequendi. Sic Mithridates fugiens reliquit omnem in Ponto maximam vim auri atque argenti omniumque rerum pulcherrimarum, quas et acceperat a majoribus et ipse bello superiore congesserat in suum regnum direptas ex tota Asia. Dum nostri colligunt omnia haec diligentius, rex ipse effugit e manibus. |
L. Lucullus n'avoir été loué semblablement de ce lieu (de cette tribune) par aucun de ceux qui s'opposent à cette loi et à cette cause. IX. Il sera demandé (on demandera) maintenant peut-être comment, quand ces choses sont ainsi, la guerre qui reste peut être considérable. Apprenez-le, Romains car cela ne semble pas être demandé sans motif. D'abord Mithridate s'est enfui de son royaume comme cette (la fameuse) Médée est dite avoir fui jadis de ce même Pont; laquelle on raconte avoir dispersé dans sa fuite les membres de son frère dans ces (les) lieux par où son père devait poursuivre elle, afin que le soin-de-recueillir eux étant partagé et le chagrin paternel retardassent la célérité de poursuivre (de la poursuite). Ainsi Mithridate fuyant laissa tout-entière dans le Pont une très-grande quantité d'or et d'argent et de tous les effets très-beaux, que et il avait reçus de ses ancêtres et lui-même dans la guerre précédente avait amoncelés dans son royaume enlevés-par-pillage de toute l'Asie. Tandis que les-nôtres recueillent tous ces biens avec-trop-de-soin, le roi lui-même s'est échappé de leurs mains. |
qu'aucun de ceux qui attaquent cette loi et la cause que je défends n'a fait, du haut de cette tribune, un pareil éloge de L. Lucullus.IX. On demandera peut-être maintenant comment, s'il en est ainsi, la guerre qui reste à faire offre des dangers. Apprenez-le, Romains ; car la question ne me semble pas dénuée de raison. D'abord Mithridate s'est sauvé de ses États, comme on rapporte qu'autrefois la fameuse Médée s'enfuit de ce même royaume du Pont ; dans sa fuite, dit-on, elle dispersa les membres de son frère sur la route par où son père devait la poursuivre, afin que le soin de ramasser ces lambeaux épars et la douleur paternelle ralentissent la poursuite. Ainsi Mithridate, en fuyant, a laissé dans le Pont une énorme quantité d'or, d'argent et d'objets de grand prix, qu'il avait reçus de ses ancêtres, ou qu'il avait recueillis dans la guerre précédente, en ravageant l'Asie, et qu'il avait réunis dans ses États. Tandis que nos soldats s'emparaient avidement de tout ce butin, le roi leur a échappé. Ainsi le père de Médée fut retardé dans sa fuite par le cha- |
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laetitia retardavit. Hunc in illo timore et fuga Tigranes rex Armenius excepit, diffidentemque rebus suis confirmavit, et afflictum erexit, perditumque recreavit. Cujus in regnum posteaquam L. Lucullus cum exercitu venit, plures etiam gentes contra imperatorem nostrum concitatae sunt : erat enim metus injectus iis nationibus, quas nunquam populus Romanus neque lacessendas bello neque tentandas putavit. Erat etiam alia gravis atque vehemens opinio, quae per animos gentium barbararum pervaserat, fani locupletissimi et religiosissimi diripiendi causa in eas oras nostrum exercitum esse adductum. Ita nationes multae atque magnae novo quodam terrore ac metu concitabantur. Noster autem exercitus, etsi urbem ex Tigranis regno ceperat et proeliis usus erat secundis, tamen nimia longinquitate locorum ac desiderio suorum commovebatur. Hic jam plura non dicam : fuit enim illud extremum, ut ex iis locis |
Ita maeror retardavit illum in studio persequendi, laetitia hos. Tigranes, rex Armenius, excepit hunc in illo timore et fuga, confirmavitque diffidentem suis rebus, et erexit afflictum, recreavitque perditum. Posteaquam L. Lucullus venit cum exercitu in regnum cujus, plures gentes etiam concitatae sunt contra nostrum imperatorem metus enim injectus erat iis nationibus, quas populus Romanus nunquam putavit lacessendas bello neque tentandas. Alia opinio gravis atque vehemens erat etiam, quae pervaserat per animos gentium barbararum, nostrum exercitum adductum esse in eas oras causa diripiendi fani locupletissimi et religiosissimi. Ita nationes multae atque magnae concitabantur quodam terrore ac metu novo. Noster autem exercitus, etsi ceperat urbem ex regno Tigranis, et usus erat proeliis secundis, tamen commovebatur longinquitate locorum ac desiderio suorum. Hic jam non dicam plura : illud enim fuit extremum |
Ainsi le chagrin retarda celui-là (le père de Médée) dans son ardeur de poursuivre, la joie retarda ceux-ci (les Romains). Tigrane, roi d'Arménie, accueillit celui-ci (Mithridate) dans cette terreur et cette fuite. et rassura lui se défiant de sa situation, et releva lui abattu, et ranima lui accablé. Quand L. Lucullus vint avec une armée dans le royaume de celui-ci (de Tigrane), plusieurs nations aussi furent soulevées contre notre général: en effet une crainte avait été inspirée à ces nations, que le peuple romain n'a jamais pensé devoir être attaquées par la guerre ni devoir être inquiétées. Une autre opinion odieuse et terrible était aussi, laquelle sétait-répandue dans les esprits de ces nations barbares, notre armée avoir été amenée dans ces contrées pour piller un temple très-riche et très-respecté. Ainsi des nations nombreuses et considérables étaient soulevées par une certaine terreur et une crainte nouvelle. Mais notre armée, quoiqu'elle eût pris une ville du royaume de Tigrane, et qu'elle eût usé de batailles favorables, cependant était inquiétée par l'éloignement des lieux et le regret des siens. Ici je n'en dirai pas plus : car ce fut là la fin, |
grin ; nos soldats l'ont été par la joie. Pendant que Mithridate fuyait épouvanté, Tigrane, roi d'Arménie, lui a offert un asile, l'a rassuré au moment où il désespérait de sa situation, l'a relevé de son abattement, l'a consolé de ses revers. Lorsque Lucullus entra avec une armée dans le royaume de ce prince, plusieurs peuples se soulevèrent contre notre général ; car on avait effrayé les habitants de ces pays, que le peuple romain n'a jamais songé à attaquer ou à inquiéter. On avait, d'ailleurs, répandu chez ces nations barbares un bruit odieux et alarmant : on disait que c'était pour piller un temple très-riche et très-respecté que notre armée arrivait dans ces contrées. Aussi des peuples nombreux et puissants s'agitaient, émus par ce nouveau motif de crainte. D'un autre côté, notre armée, bien qu'elle eût pris une ville dans les États de Tigrane et que la chance des combats lui eût été favorable, trouvait ces pays trop éloignés et regrettait la patrie. Je n'en dirai pas davantage ; mais, à la fin, nos |
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a militibus nostris reditus magis maturus
quam processio longior quaereretur. Mithridates autem et suam manum jam
confirmarat, et eorum qui se ex ejus regno collegerant, et magnis
auxiliis multorum regum et nationum juvabatur. Hoc jam fere sic fieri
solere accepimus, ut regum afflictae fortunae facile multorum opes
alliciant ad misericordiam, maximeque eorum qui aut reges sunt aut
vivant in regno; quod regale iis nomen magnum et sanctum esse videatur.
Itaque tantum victus efficere potuit, quantum incolumis nunquam est
ausus optare. Nam, quum se in regnum recepisset suum, non fuit eo
contentus, quod ei praeter spem acciderat, ut illam, posteaquam pulsus
erat, terram unquam attingeret; sed in exercitum vestrum clarum atque
victorem impetum fecit. Sinite hoc loco, Quirites, sicut poetae solent
qui res Romanas scribunt, |
ut reditus maturus ex iis locis quaereretur a nostris militibus magis quam processio longior. Mithridates autem et confirmarat jam suam manum, et juvabatur copiis eorum qui se collegerant ex regno ejus et magnis auxiliis multorum regum et nationum. Accepimus hoc jam solere fieri fere sic, ut fortunae regum afflictae alliciant facile opes multorum ad misericordiam maximeque eorum qui aut sunt reges, aut vivant in regno ; quod nomen regale videatur iis esse magnum et sanctum. Itaque victus potuit efficere tantum quantum incolumis nunquam ausus est optare. Nam, quum se recepisset in suum regnum, non fuit contentus eo quod acciderat ei praeter spem ut attingeret unquam illam terram, posteaquam pulsus erat sed fecit impetum in vestrum exercitum clarum atque victorem Sinite, Quirites, hoc loco, sicut solent poetae qui scribunt res Romanas, me praeterire |
qu'un retour prompt de ces pays était cherché par nos soldats plutôt qu'un progrès plus lointain. Mais Mithridate d'un-côté avait déjà rassuré son armée, et était secouru (par les troupes) de ceux qui s'étaient réunis de son royaume et par de grandes troupes-auxiliaires de beaucoup de rois et de beaucoup de nations. Nous avons appris cela déjà avoir-coutume de se passer presque-toujours ainsi , que la fortune des rois étant abattue attire facilement les forces de beaucoup à la pitié, et surtout les forces de ceux qui ou bien sont rois, ou bien vivent dans un royaume; parce que le nom de-roi semble à eux être grand et sacré. C'est-pourquoi vaincu il a pu faire autant qu'étant sain-et-sauf jamais il n'a osé souhaiter. Car, lorsqu'il se fut retiré dans son royaume, il ne fut pas content de ce qui était arrivé à lui contre son espérance, à savoir qu'il touchât jamais cette terre, après qu'il en avait été chassé; mais il fit une attaque contre votre armée brillante et triomphante. Permettez, Romains, en cet endroit, comme ont-coutume de faire les poëtes qui écrivent les faits (l'histoire) de-Rome, moi passer-sous-silence |
soldats cherchaient plutôt les moyens de revenir bien vite que de pousser plus loin leurs conquêtes. Quant à Mithridate, il avait rassuré les siens, et aux troupes nouvelles qu'il tirait de ses États il joignait les troupes auxiliaires que lui envoyaient plusieurs rois et plusieurs peuples. Nous savons, en effet, que les désastres qu'éprouvent des rois excitent généralement la sympathie des autres rois, ou des peuples qui obéissent à des rois, parce que ce nom leur semble grand et respectable. Aussi Mithridate a-t-il pu faire, quoique vaincu, ce qu'il n'avait pas osé faire avant de l'être ; rentré dans son royaume, il ne s'est point contenté d'avoir, contre toute espérance, revu les lieux d'où il avait été chassé, mais il s'est jeté sur votre armée victorieuse et triomphante. Ici, Romains, permettez-moi, comme le font les poëtes qui chantent les exploits de Rome, de passer sous silence notre dé- |
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praeterire me nostram calamitatem ; quae
tanta fuit, ut eam ad aures L. Luculli non ex proelio nuntius, sed ex
sermone rumor afferret. Hic, in ipso illo malo gravissimaque belli
offensione, L. Lucullus, qui tamen aliqua ex parte iis incommodis mederi
fortasse potuisset, vestro jussu coactus, quod imperii diuturnitati
modum statuendum veteri exemplo putavistis, partem militum, qui jam
stipendiis confectis erant, dimisit, partem Glabrioni tradidit. Multa
praetereo consulto, sed ea vos conjectura perspicitis ; quantum illud
bellum factum putetis, quod conjungant reges potentissimi, renouent
agitatae nationes, suscipiant integrae gentes, novus imperator vester
accipiat, vetere pulso exercitu. X. Satis mihi multa verba fecisse videor, quare hoc bellum esset genere ipso necessarium, magnitudine periculosum. Restat ut de imperatore ad id bellum deligendo ac tantis rebus praeficiendo dicendum esse videatur. |
nostram calamitatem; quae fuit tanta, ut non nuntius ex proelio, sed rumor ex sermone afferret eam ad aures L. Luculli. Hic in illo malo ipso et offensione gravissima belli, L. Lucullus, qui tamen potuisset fortasse mederi iis incommodis ex aliqua parte, coactus vestro jussu quod putavistis veteri exemplo modum statuendum diuturnitati imperii, dimisit partem militum, qui jam erant stipendiis confectis, tradidit partem Glabrioni. Praetereo multa consulto, sed vos perspicitis ea conjectura quantum putetis illud bellum factum, quod reges potentissimi conjungant, nationes agitatae renouent, gentes integrae suscipiant, vester novus imperator accipiat, vetere exercitu pulso. X. Videor mihi fecisse verba satis multa, quare hoc bellum esset necessarium genere ipso, periculosum magnitudine. Restat ut videatur dicendum esse de imperatore deligendo ad id bellum ac praeficiendo tantis rebus. |
notre désastre; lequel fut si-grand, que non pas un messager du combat, mais la rumeur par la voix publique apporta ce désastre aux oreilles de L. Lucullus. Alors au-moment-de ce mal même et de l'échec le plus grave de la guerre, L. Lucullus, qui pourtant aurait pu peut-être remédier à ces malheurs par quelque côté, forcé par votre ordre, parce que vous pensâtes d'après l'antique exemple - une borne devoir être mise à la durée du commandement congédia une partie de ses soldats, qui déjà [fini leur temps), étaient leur service étant achevé (avaient et en livra une partie à Glabrion. Je passe beaucoup de faits à-dessein, mais vous voyez-clairement par cette réflexion combien-grande vous pensez cette guerre être devenue, que deux rois très-puissants réunissent (font de concert), que des nations agitées recommencent, que des peuples nouveaux entreprennent, que votre nouveau général reçoit (se voit confier), l'ancienne armée ayant été battue. X. Je parais à moi-même (il me semble) avoir dit des paroles assez nombreuses pour démontrer pourquoi cette guerre est nécessaire par sa nature même, dangereuse par son importance. Il reste qu'il paraisse devoir être parlé du général devant être choisi pour cette guerre et devant être mis-à-la-tête de si-grandes opérations. |
sastre ; il a été tel que ce n'est point
un messager échappé de la bataille, mais la voix publique qui l'a appris
à L. Lucullus. Au moment même de cet affreux événement et du plus
épouvantable échec, L. Lucullus, qui peut-être eût été capable de
remédier à de si grands malheurs, fut rappelé par vous, parce qu'à
l'exemple de nos pères vous crûtes devoir mettre un terme à la durée de
son commandement ; il se vit donc forcé de congédier une partie de ses
soldats, qui avaient fait leur temps de service, et laissa l'autre
partie à Glabrion. Je supprime à dessein bien des faits ; mais vous
voyez sans peine combien est devenue grave une guerre où deux rois
très-puissants unissent leurs forces, où des nations soulevées
recommencent la lutte, où des peuples qui n'ont point encore combattu
courent aux armes, enfin où un nouveau général va prendre la conduite de
l'ancienne armée après le revers qu'elle a essuyé. X. Je crois avoir suffisamment démontré pourquoi cette guerre est nécessaire par sa nature, pourquoi elle est dangereuse par son importance. Il me reste à parler du général qu'il faut choisir pour la diriger, du chef que vous devez mettre à la tête d'une telle expédition. |
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Utinam, Quirites, virorum fortium atque innocentium copiam tantam haberetis, ut haec vobis deliberatio difficilis esset, quemnam potissimum tantis rebus ac tanto bello praeficiendum putaretis ! Nunc vero quum sit unus Cn. Pompeius qui non modo eorum hominum, qui nunc sunt, gloriam, sed etiam antiquitatis memoriam virtute superarit, quae res est quae cujusquam animum in hac causa dubium facere possit ? Ego enim sic existimo, in summo imperatore quatuor has res inesse oportere : scientiam rei militaris, virtutem, auctoritatem, felicitatem. Quis igitur hoc homine scientior unquam aut fuit, aut esse debuit, qui, e ludo atque pueritiae disciplina, bello maximo atque acerrimis hostibus, ad patris exercitum atque in militiae disciplinam profectus est ; qui extrema pueritia miles fuit summi imperatoris, ineunte adolescentia maximi ipse exercitus imperator ; qui saepius cum hoste conflixit quam |
Utinam, Quirites, haberetis tantam copiam virorum fortium atque innocentium, ut haec deliberatio esset difficilis vobis, quemnam potissimum putaretis praeficiendum tantis rebus ac tanto bello ! Nunc vero quum Cn. Pompeius sit unus qui superarit virtute non modo gloriam eorum hominum qui sunt nunc, sed etiam memoriam antiquitatis, quae est res quae possit facere dubium animum cujusquam in hac causa? Ego enim existimo sic, oportere has quatuor res inesse in summo imperatore scientiam rei militaris, virtutem, auctoritatem, felicitatem. Quis igitur aut fuit unquam aut debuit esse scientior hoc homine? qui e ludo et disciplina pueritiae profectus est ad exercitum patris atque in disciplinam militiae, bello maximo atque hostibus acerrimis qui, extrema pueritia, fuit miles summi imperatoris ; adolescentia ineunte, ipse imperator maximi exercitus; qui conflixit cum hoste |
Plût-aux-dieux, Romains, que vous eussiez une telle quantité d'hommes courageux et intègres, que cette délibération fût difficile pour vous, savoir lequel de-préférence vous penseriez devoir être mis-à-la-tête de si-grandes opérations et d'une si-grande guerre! Mais maintenant comme Cn. Pompée est le seul qui ait surpassé par son mérite non-seulement la gloire de ces hommes qui existent maintenant, mais encore la mémoire de l'antiquité, quel est le motif qui puisse rendre hésitant l'esprit de qui-que-ce-soit dans cette affaire? Car moi je pense ainsi, falloir (qu'il faut) ces quatre qualités être-dans un grand général: la connaissance de l'art militaire, la valeur, l'autorité, le bonheur. Qui donc ou fut jamais ou dut être plus savant que cet homme? qui au-sortir-de l'école et de l'éducation de l'enfance partit pour l'armée de son père et pour l'apprentissage du service-militaire, la guerre étant très-grande et les ennemis très-rudes ; qui, à-la-fin-de son enfance, a été soldat du plus grand général; qui, sa jeunesse commençant, a été lui-même général d'une très-grande armée ; qui a combattu avec l'ennemi-de-l'Etat: |
Plût aux dieux, Romains, que vous eussiez un assez grand nombre d'hommes courageux et intègres, pour qu'il vous fût difficile de choisir celui qu'il faudrait charger d'une guerre si considérable ! Mais, comme il n'y a aujourd'hui que Cn. Pompée dont la gloire efface non-seulement celle des hommes de notre époque, mais même celle de tous les héros de l'antiquité, quels pourraient être, en cette circonstance, les motifs de votre incertitude ? Pour ma part, j'estime qu'un grand général doit avoir quatre qualités : la connaissance de l'art militaire, le courage, la réputation et le bonheur. Or, qui fut jamais, qui dut jamais être plus habile qu'un homme qui, à peine sorti de l'enfance et des premiers exercices, partit pour l'armée que commandait son père, et fit son apprentissage du métier des armes dans une guerre terrible et contre les ennemis les plus redoutables ; qui, encore enfant, fut soldat sous un général consommé, et se vit, au début de l'adolescence, général d'une armée considérable ; qui a livré plus de batailles aux ennemis de son pays que d'autres n'ont eu de |
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quisquam cum inimico concertavit, plura
bella gessit quam ceteri legerunt, plures provincias confecit quam alii
concupiverunt; cujus adolescentia ad scientiam rei militaris non alienis
praeceptis, sed suis imperiis, non offensionibus belli, sed victoriis,
non stipendiis, sed triumphis est erudita ? Quod denique genus belli
esse potest, in quo illum non exercuerit fortuna reipublicae ? Civile,
Africanum, Transalpinum, Hispaniense, mixtum ex civitatibus atque ex
bellicosissimis nationibus, servile, navale bellum, varia et diversa
genera et bellorum et hostium, non solum gesta ab hoc uno, sed etiam
confecta, nullam rem esse declarant in usu militari positam, quae hujus
viri scientiam fugere possit. XI. Jam vero virtuti Cn. Pompeii quae potest par oratio inveniri ? Quid est quod quisquam aut illo dignum, aut vobis novum, aut cuiquam inauditum possit afferre ? Neque enim illae sunt solae virtutes imperatoriae, quae vulgo existimantur, |
saepius quam quisquam concertavit cum inimico, gessit plura bella quam ceteri legerunt, confecit plures provincias quam alii concupiverunt; cujus adolescentia erudita est ad scientiam rei militaris non praeceptis alienis, sed suis imperiis, non offensionibus belli, sed victoriis, non stipendiis, sed triumphis ? Denique quod genus belli potest esse, in quo fortuna reipublicae non exercuerit illum? Bellum civile, Africanum, Transalpinum, Hispaniense, mixtum ex civitatibus et nationibus bellicosissimis, servile, navale, genera varia et diversa et bellorum et hostium, non solum gesta ab hoc uno, sed etiam confecta, declarant nullam rem esse, positam in usu militari, quae possit fugere scientiam hujus viri. XI. Jam vero quae oratio potest inveniri par virtuti Cn. Pompeii ? Quid et quod quisquam possit afferre aut dignum illo, aut novum vobis aut inauditum cuiquam ? Illae enim virtutes imperatoriae, |
plus souvent que qui-que-ce-soit ne s'est disputé avec un ennemi-particulier, qui a fait plus-de guerres que tous-les-autres n'en ont lu, qui a achevé plus-de provinces que d'autres n'en ont souhaité ; dont l'adolescence a été formée à la connaissance de l'art militaire non par les leçons d'autrui, mais par ses propres commandements, non par des échecs de guerre, mais par des victoires. non par des années-de-service mais par des triomphes ? Enfin quel genre de guerre peut être, dans lequel la fortune de la république n'ait pas exercé lui? La guerre civile, la guerre d'-Afrique, la guerre transalpine, la guerre d'-Espagne, mêlée de (formée par la ligue de) villes et de nations très-belliqueuses, la guerre des-esclaves, la guerre navale, des espèces variées et diverses et de guerres et d'ennemis, non-seulement conduites par celui-ci seul, mais aussi achevées par lui, prouvent aucune chose n'être, [militaire, (placée dans) dépendant de l'expérience qui puisse échapper à la science de cet homme. XI. Mais d'ailleurs quel langage peut être trouvé égal au mérite de Cn. Pompée? Qu'y a-t-il que qui-que-ce-soit puisse apporter (dire) ou digne de lui, ou nouveau pour vous, ou inconnu à quelqu'un? En effet ces vertus d'un-général, |
luttes à soutenir contre des ennemis
particuliers ; qui a fait plus de guerres que les autres n'en ont lu ;
qui a ajouté à l'empire plus de provinces que les autres n'ont souhaité
d'en gouverner ; dont la jeunesse a été formée dans l'art militaire, non
par les leçons d'autrui, mais par l'expérience du commandement, non par
des échecs, mais par des victoires, non par des années de service, mais
par des triomphes ? Est-il un seul genre de guerre où la fortune de la
république n'ait exercé ses talents ? Guerre civile, guerre d'Afrique,
guerre au delà des Alpes, guerre d'Espagne, guerre contre les États et
les peuples les plus belliqueux ligués ensemble, guerre contre les
esclaves, guerre maritime ; tant d'expéditions contre tant d'ennemis,
non-seulement dirigées, mais achevées par lui seul, prouvent assez qu'il
n'est point d'opération militaire qui soi au-dessus de son talent. XI. Quels éloges pourraient égaler la valeur de Cn. Pompée ? Que pourrait-on vous dire qui fût digne de lui, ou nouveau pour vous, ou inconnu à personne ? Les qualités d'un général ne sont pas seule- |
48 - 49
labor in negotio, fortitudo in periculis, industria in agendo, celeritas in conficiendo, consilium in providendo : quae tanta sunt in hoc uno, quanta in omnibus reliquis imperatoribus, quos aut vidimus aut audivimus, non fuerunt. Testis est Italia, quam ille ipse victor L. Sylla hujus virtute et subsidio confessus est liberatam ; testis est Sicilia, quam multis undique cinctam periculis, non terrore belli , sed celeritate consilii explicavit ; testis est Africa, quae, magnis oppressa hostium copiis, eorum ipsorum sanguine redundavit ; testis est Gallia, per quam legionibus nostris in Hispaniam iter Gallorum internecione patefactum est ; testis est Hispania, quae saepissime plurimos hostes ab hoc superatos prostratosque conspexit ; testis est iterum et saepius Italia, quae, quum servili bello tetro periculosoque premeretur, ab hoc auxilium absente |
quae vulgo existimantur. non sunt solae, labor in negotio, fortitudo in periculis, industria in agendo, celeritas in conficiendo, consilium in providendo, quae sunt in hoc uno tanta quanta non fuerunt in omnibus reliquis imperatoribus quos aut vidimus aut audivimus. Italia est testis, quam ille victor ipse, L. Sylla, confessus est liberatam virtute et subsidio hujus ; Sicilia est testis, quam explicavit, non terrore belli, sed celeritate consilii, cinctam undique multis periculis; Africa est testis, quae, oppressa magnis copiis hostium, redundavit sanguine eorum ipsorum ; Gallia est testis, per quam iter in Hispaniam patefactum est nostris legionibus internecione Gallorum Hispania est testis, quae conspexit saepissime plurimos hostes superatos prostratosque ab hoc; Italia est testis iterum et saepius, quae quum premeretur bello servili tetro periculosoque, petivit auxilium ab hoc absente |
qui vulgairement sont crues être les
seules, ne sont pas les seules, le courage dans le travail, la valeur dans les périls, l'activité en opérant, la promptitude en achevant, la prudence en prévoyant, lesquelles sont en celui-ci seul aussi-grandes quelles n'ont point été dans tous les autres généraux, que ou nous avons vus ou nous avons entendu citer. L'Italie en est témoin, laquelle ce vainqueur lui-même, L. Sylla, a reconnue avoir été délivrée par le talent et le secours de celui-ci; la Sicile en est témoin, laquelle il a débarrassée (délivrée) non par la terreur de la guerre, mais par la rapidité de la résolution, entourée de toutes parts de beaucoup-de périls ; l'Afrique en est témoin, laquelle, accablée par de grandes troupes d'ennemis, a regorgé du sang de ces ennemis mêmes; la Gaule en est témoin, à travers laquelle un chemin vers l 'Espagne a été ouvert à nos légions par le massacre des Gaulois, l'Espagne en est témoin, laquelle a vu très-souvent de très-nombreux ennemis vaincus et terrassés par celui-ci ; l'Italie en est témoin une-seconde-fois et plus souvent encore, laquelle, comme elle était accablée par une guerre d'-esclaves odieuse et dangereuse, demanda secours à celui-ci absent |
ment, comme on le croit d'ordinaire, la constance au milieu des fatigues, le courage dans les dangers, l'activité dans les opérations, la promptitude dans l'exécution, la prévoyance dans les mesures à prendre ; ces qualités, Pompée les possède à un plus haut degré qu'aucun des généraux que nous avons vus à l'oeuvre ou dont nous avons entendu parler. Témoin l'Italie, qui, de l'aveu de Sylla lui-même après sa victoire, a dû son salut à la valeur et au secours de Pompée ; témoin la Sicile, qui, menacée de toutes parts, s'est vu délivrer non par la terreur de ses armes, mais par la rapidité de ses opérations ; témoin l'Afrique, qui, opprimée par des ennemis nombreux, a vu leur sang inonder son sol ; témoin la Gaule, à travers laquelle nos légions se sont ouvert un chemin vers l'Espagne en exterminant les Gaulois ; témoin l'Espagne, qui a vu tant de fois d'innombrables ennemis vaincus et écrasés par lui ; témoin une seconde fois et d'autres encore l'Italie, qui, menacée d'une guerre d'esclaves, guerre odieuse et redoutable, a demandé du secours à Pompée absent, |
50 - 51
expetivit (quod bellum exspectatione Pompeii attenuatum atque imminutum est, adventu sublatum ac sepultum) ; testes vero jam omnes orae atque omnes exterae gentes ac nationes ; denique maria omnia, tum universa, tum in singulis omnes sinus atque portus. Quis enim toto mari locus per hos annos aut tam firmum habuit praesidium ut tutus esset, aut tam fuit abditus ut lateret ? Quis navigavit, qui non se aut mortis aut servitutis periculo committeret, quum aut hieme aut referto praedonum mari navigaret ? Hoc tantum bellum, tam turpe, tam vetus, tam late divisum atque dispersum, quia unquam arbitraretur aut ab omnibus imperatoribus uno anno, aut omnibus annis ab uno imperatore, confici posse ? Quam provinciam tenuistis a praedonibus liberam per hosce annos ? Quod vectigal vobis tutum fuit ? Quem socium defendistis ? Cui praesidio classibus vestris fuistis ? Quam multas existimatis insu- |
(quod bellum attenuatum est atque imminutum exspectatione Pompeii, sublatum ac sepultum adventu); jam vero omnes orae atque omnes gentes ac nationes exterae testes ; denique omnia maria, tum universa, tum in singulis omnes sinus atque portus. Quis enim locus mari toto, per hos annos, aut habuit praesidium tam firmum ut esset tutus, aut fuit tam abditus ut lateret? Quis navigavit, qui non committeret se periculo aut mortis aut servitutis, quum navigaret aut hieme, aut mari referto praedonum? Quia unquam arbitraretur hoc bellum tantum, tam turpe, tam vetus, divisum atque dispersum tam late, posse confici aut ab omnibus imperatoribus uno anno, aut omnibus annis ab uno imperatore? Quam provinciam tenuistis liberam a praedonibus per hosce annos? Quod vectigal fuit tutum vobis? Quem socium defendistis? Cui fuistis praesidio vestris classibus? |
(laquelle guerre fut affaiblie et diminuée par l'attente de Pompée, et fut enlevée et ensevelie (éteinte) par son arrivée); mais de plus toutes les contrées et tous les peuples et toutes les nations étrangères en sont témoins; enfin toutes les mers, tant dans-leur-ensemble, que dans chacune tous les golfes et les ports. En effet quel lieu sur la mer tout-entière, pendant ces dernières années, ou eut une défense assez forte pour qu'il fût sûr, ou fut assez éloigné pour qu'il fût ignoré ? Qui a navigué, qui ne livrât lui-même au danger ou de la mort ou de la servitude, quand il naviguait ou par la tempête, ou sur une mer remplie de pirates? Qui jamais eût pensé cette guerre si-grande, si honteuse, si ancienne, divisée et répandue si au loin, pouvoir être achevée ou par tous les généraux en une seule année, ou en toutes les années par un seul général? Quelle province avez-vous conservée libre des pirates pendant ces dernières années? Quel impôt a été assuré pour vous? Quel allié avez-vous défendu ? A qui avez-vous été à secours par vos flottes? |
et qui a vu cette guerre, déjà diminuée et amoindrie par l'attente de ce général, achevée et éteinte par son arrivée ; témoin tous les pays du monde, tous les peuples, toutes les nations étrangères, enfin l'Océan entier, les golfes et les ports de toutes les mers. Y a-t-il eu, en effet, sur la surface des mers, dans ces dernières années, un seul lieu qui ait été assez bien défendu pour être en sûreté, ou assez éloigné pour être à l'abri ? Quel homme s'est embarqué sans s'exposer à la mort ou à l'esclavage, quand il avait à craindre ou la tempête ou les pirates qui couvraient les mers ? Cette guerre si grave, si honteuse, si ancienne déjà, qui se divisait et s'étendait si loin, qui eût jamais pensé qu'elle pût être mise à fin par tous nos généraux en une seule année, ou par un seul général au bout de longues années ? Quelle province avez-vous protégée, dans ces derniers temps, contre les attaques des corsaires ? Sur quel revenu avez-vous pu compter ? Quel peuple allié avez-vous défendu ? A qui vos flottes ont-elles porté |
52 - 53
las esse desertas ? Quam multas aut metu
relictas, aut a praedonibus captas urbes esse sociorum? XII. Sed quid ego longinqua commemoro? Fuit hoc quondam, fuit proprium populi Romani longe a domo bellare et propugnaculis imperii sociorum fortunas, non sua tecta defendere. Sociis ego vestris mare clausum per hosce annos dicam fuisse, quum exercitus nostri Brundisio nunquam nisi summa hieme transmiserint ? Qui ad vos ab exteris nationibus venirent, captos querar, quum legati populi Romani redempti sint ? Mercatoribus tutum mare non fuisse dicam, quum duodecim secures in praedonum potestatem pervenerint ? Cnidum, aut Colophonem, aut Samum, nobilissimas urbes, innumerabilesque alias, captas esse commemorem, quum vestros portus, atque eos portus, quibus vitam et spiritum ducitis, in praedo-. |
Quam multas existimatis insulas desertas esse? Quam multas urbes sociorum aut relictas esse metu aut captas a praedonibus? XII. Sed quid ego commemoro longinqua? Hoc fuit quondam, fuit proprium populi Romani bellare longe a domo, et defendere propugnaculis imperii fortunas sociorum, non sua tecta. Ego dicam mare clausum fuisse per hosce annos vestris sociis, quum nostri exercitus nunquam transmiserint a Brundisio, nisi summa hieme? Querar qui venirent ad vos ab nationibus exteris captos, quum legati populi Romani redempti sint? Dicam mare non fuisse tutum mercatoribus, quum duodecim secures pervenerint in potestatem praedonum? Commemorem Cnidum, aut Colophonem, aut Samum, urbes nobilissimas, aliasque innumerabiles captas esse, quum sciatis vestros portus, et eos portus, quibus ducitis vitam et spiritum, |
Combien nombreuses pensez-vous des îles avoir été abandonnées? Combien nombreuses des villes de nos alliés ou avoir été désertées par crainte ou avoir été prises par les pirates? XII. Mais pourquoi moi rappelé-je des faits lointains? Ce fut jadis, ce fut le propre du peuple romain de faire-la-guerre loin de la patrie, et de protéger par les remparts de l'empire la fortune de ses alliés, non ses propres demeures. Moi dirai-je la mer avoir été fermée pendant ces dernières années à vos alliés, quand nos armées jamais n'ont fait-la-traversée de Brindes, si-ce-n'est au-fort-de l'hiver? Me plaindrai-je ceux qui venaient vers vous des nations étrangères avoir été pris, quand des députés du peuple romain ont été rachetés? Dirai-je la mer n'avoir pas été sûre pour les marchands, quand douze haches (faisceaux) sont arrivés (tombés) au pouvoir des pirates? Rappellerai-je Cnide, ou Colophon, ou Samos, villes très-célèbres, et d'autres innombrables avoir été prises, quand vous savez vos ports, et ces ports, desquels vous tirez la vie et le souffle (la subsistance), |
secours ? Combien pensez-vous qu'il y ait
eu d'îles abandonnées ? Combien de villes alliées désertées par crainte
des pirates, ou prises par eux ? XII. Mais à quoi bon vous parler de faits qui se sont passés loin de nous ? Ce fut jadis, ce fut la gloire du peuple romain de faire la guerre loin de Rome et de protéger de ses armes, non ses propres foyers, mais ceux de ses alliés. Vous dirai-je que, pendant ces dernières années, la mer fut fermée à vos alliés, quand nos armées ne partaient elles-mêmes de Brindes qu'en plein hiver ? Me plaindrai-je que des ambassadeurs de nations étrangères aient été pris en venant vers vous, quand ceux du peuple romain ont dû être rachetés ? Dirai-je que la mer n'était point sûre pour les marchands, quand douze faisceaux sont tombés entre les mains des pirates ? Rappellerai-je que Cnide, que Colophon, que Samos, cités fameuses, que tant d'autres villes encore ont reçu leur joug, quand vous savez que vos ports, et des ports d'où vous tirez la subsistance et la vie, l'ont subi égale- |
54 - 55
num fuisse potestate sciatis? An vero
ignoratis portum Caietae, celeberrimum atque plenissimum navium,
inspectante praetore, a praedonibus esse direptum ; ex Miseno autem ejus
ipsius liberos, qui cum praedonibus antea ibi bellum gesserat, a
praedonibus esse sublatos ? Nam quid ego Ostiense incommodum, atque
illam labem atque ignominiam reipublicae querar, quum, prope
inspectantibus vobis, classis ea, cui consul populi Romani praepositus
esset, a praedonibus capta atque oppressa est ? Proh dii immortales !
tantamne unius hominis incredibilis ac divina virtus tam brevi tempore
lucem afferre reipublicae potuit, ut vos, qui modo ante ostium Tiberinum
classem hostium videbatis, ii nunc nullam intra Oceani ostium praedonum
navem esse audiatis ? Atque haec qua celeritate gesta sint quanquam videtis, tamen a me in dicendo praetereunda non sunt. Quis enim un- |
fuisse in potestate praedonum ? An vero ignoratis portum Caietae, celeberrimum atque plenissimum navium, direptum esse a praedonibus, praetore inspectante; liberos autem ejus ipsius, qui antea gesserat bellum ibi cum praedonibus sublatos esse ex Miseno a praedonibus? Nam quid ego querar incommodum Ostiense atque illam labem atque ignominiam reipublicae, quum, vobis prope inspectantibus, ea classis, cui consul populi Romani praepositus esset, capta est atque oppressa a praedonibus? Proh dii immortales! virtusne incredibilis ac divina unius hominis potuit tempore tam brevi afferre tantam lucem reipublicae ut vos, qui modo videbatis classem hostium ante ostium Tiberinum, ii nunc audiatis nullam navem praedonum esse intra ostium Oceani? Atque quanquam videtis qua celeritate haec gesta sint, tamen non sunt praetereunda a me |
avoir été au pouvoir des pirates? Mais ignorez-vous le port de Caiète très-fréquenté et très-plein de navires, avoir été pillé par les pirates, un préteur le voyant ; de plus les enfants de celui-là même, qui auparavant avait fait la guerre là avec (contre) les pirates avoir été enlevés de Misène par les pirates? Car pourquoi me plaindrais-je des malheurs d'-Ostie, et de cette tache et de cette ignominie de la république, quand, vous presque le voyant, cette flotte à laquelle un consul du peuple romain avait été donné-pour-chef, a été prise et coulée-à-fond par les pirates? O dieux immortels! la valeur incroyable et divine d'un-seul homme a-t-elle pu en un temps si court apporter un si grand éclat à la république que vous, qui naguère voyiez la flotte des ennemis devant l'embouchure du-Tibre, ceux-ci ( vous-mêmes ) maintenant vous aucun vaisseau des pirates [entendiez dire n'être en deçà de l'embouchure de l'Océan? Et quoique vous voyiez avec quelle rapidité ces exploits ont été accomplis, cependant ils ne sont pas devant être omis par moi |
ment ? Ignorez-vous que le port de Caiète,
si fréquenté, si rempli de navires, a été pillé par eux, sous les yeux
d'un préteur ; qu'à Misène les enfants de celui-là même qui leur avait
fait la guerre précédemment ont été enlevés ? Pourquoi pleurer sur le
désastre d'Ostie, sur cette tache, sur cette honte imprimée au nom
romain, quand, presque sous vos yeux, une flotte commandée par un consul
romain fut prise et coulée à fond par ces brigands ? Dieux immortels !
se peut-il que la valeur incroyable et divine d'un seul homme ait su, en
si peu de temps, jeter un tel éclat sur la république, que vous, qui
naguère voyiez la flotte ennemie à l'embouchure du Tibre, vous
n'entendiez plus dire maintenant qu'un seul vaisseau de pirate se soit
montré sur l'Océan ? Bien que vous sachiez avec quelle rapidité tous ces exploits ont été accomplis, cependant je ne puis me dispenser d'en parler. Est-il un |
56 - 57
quam aut obeundi negotii, aut consequendi
quaestus studio, tam brevi tempore tot loca adire, tantos cursus
conficere potuit, quam celeriter, Cn. Pompeio duce, belli impetus
navigavit ? qui, nondum tempestivo ad navigandum mari, Siciliam adiit,
Africam exploravit, inde Sardiniam cum classe venit, atque haec tria
frumentaria subsidia reipublicae firmissimis praesidiis classibusque
munivit. Inde se quum in Italiam recepisset, duabus Hispaniis et Gallia
Cisalpine praesidiis ac navibus confirmata, missis item in oram Illyrici
maris et in Achaiam omnemque Graeciam navibus, Italiae duo maria maximis
classibus firmissimisque praesidiis adornavit : ipse autem, ut a
Brundisio profectus est, undequinquagesimo die totam ad imperium populi
Romani Ciliciam adjunxit; omnes qui ubique praedones fuerunt, partim
capti interfectique sunt, partim unius hujus imperio ac potestati se
dediderunt. Idem |
in dicendo Quis enim unquam studio aut obeundi negotii , aut consequendi quaestus, potuit adire tot loca, conficere tantos cursus, tempore tam brevi, quam impetus belli navigavit celeriter, Cn. Pompeio duce? qui, mari nondum tempestivo ad navigandum, adiit Siciliam, exploravit Africam, venit inde Sardiniam cum classe, atque munivit praesidiis et classibus firmissimis haec tria subsidia frumentaria reipublicae. Inde, quum se recepisset in Italiam, duabus Hispaniis et Gallia Cisalpina confirmata praesidiis ac navibus, navibus missis item in oram maris Illyrici! et in Achaiam omnemque Graeciam, adornavit duo maria Italiae classibus praesidiisque firmissimis ; Ipse autem, ut profectus est a Brundisio, undequinquagesimo die, adjunxit Ciliciam totam ad imperium populi Romani; omnes praedones, qui fuerunt ubique, partim capti sunt interfectique partim se dediderunt |
en parlant (dans mon discours). En effet, qui jamais par désir ou de remplir une fonction ou d'obtenir du gain, a pu aborder tant de lieux, achever de si-grandes courses, en un temps aussi court, que l'impétuosité de la guerre a navigué promptement, Cn. Pompée étant chef? lequel, la mer n'étant pas encore favorable pour naviguer, a abordé la Sicile, a visité l'Afrique, est venu de là en Sardaigne avec une flotte, et a muni de garnisons et de flottes très-fortes ces trois secours (magasins) de-blé de la république. De là, quand il sa fut ramené (fut revenu) en Italie, les deux Espagnes et la Gaule Cisalpine étant fortifiées de garnisons et de vaisseaux, des vaisseaux ayant été envoyés aussi sur la côte de la mer Illyrienne et en Achaïe et dans toute la Grèce, il garnit les deux mers d'Italie de flottes et de garnisons très-fortes; puis lui-même, après qu'il fut parti de Brindes, le quarante-neuvième jour, réunit la Cilicie tout entière à l'empire du peuple romain; tous les pirates qui furent en-quelque-lieu-que-ce-fùt, en partie furent pris et tués, en partie se rendirent |
homme qui, soit pour remplir une mission, soit pour s'enrichir, ait pu parcourir tant de pays, accomplir de si longs voyages en aussi peu de temps qu'en a mis Pompée à traverser la mer avec l'appareil des combats ? Avant même que la saison fût bonne pour la navigation, il est allé en Sicile, il a visité l'Afrique, il est revenu de là en Sardaigne avec sa flotte, et des escadres, des garnisons considérables ont pourvu à la sûreté de ces trois greniers de la république. De retour en Italie, après avoir de même mis à l'abri les deux Espagnes et la Gaule Cisalpine, après avoir envoyé des vaisseaux sur les côtes de l'Illyrie, de l'Achaïe et de la Grèce entière, il a protégé les deux mers d'Italie par de nombreuses flottes et de fortes garnisons ; lui-même part de Brindes, et, quarante-neuf jours après, toute la Cilicie est soumise, tout ce qu'il y avait de pirates sur l'étendue des mers est pris ou tué, ou s'est remis à sa discrétion. Quand les Crétois lui envoient jusque |
58 - 59
Cretensibus, quum ad eum usque in
Pamphyliam legatos deprecatoresque misissent, spem deditionis non
ademit, obsidesque imperavit. Ita tantum bellum, tam diuturnum, tam
longe lateque dispersum, quo bello omnes gentes ac nationes premebantur,
Cn. Pompeius extrema hieme apparavit, ineunte vere suscepit, media
aestate confecit. XIII. Est haec divina atque incredibilis virtus imperatoris : quid ? ceterae, quas paulo ante commemorare coeperam, quantae atque quam multae sunt ! Non enim solum bellandi virtus in summo atque perfecto imperatore quaerenda est ; sed multae sunt artes eximiae, hujus administrae comitesque virtutis. Ac primum quanta innocentia debent esse imperatores ! quanta deinde omnibus in rebus temperantia ! quanta fide ! quanta facilitate ! quanto ingenio ! quanta humanitate ! Quae breviter qualia sint in Cn. Pompeio consideremus. Summa enim omnia |
imperio ac potestati hujus unius. Idem non ademit spem deditionis imperavitque obsides Cretensibus, quum misissent ad eum usque in Pamphyliam legatos deprecatoresque. Ita Cn. Pompeius apparavit extrema hieme, suscepit vere ineunte, confecit media aestate bellum tantum, tam diuturnum, dispersum tam longe lateque. XIII. Haec est virtus divina atque incredibilis imperatoris quid ? ceterae, quas coeperam paulo ante commemorare, quantae sunt atque quam multae ! Non enim solum virtus bellandi quaerenda est in imperatore summo atque perfecto; sed sunt multae artes eximiae, administrae et comites hujus virtutis. Ac primum quanta innocentia imperatores debent esse! deinde quanta temperantia in omnibus rebus ! quanta fide ! quanta facilitate! quanto ingenio! quanta humanitate! Quae consideremus breviter qualia sint in Cn. Pompeio. |
au pouvoir et à la discrétion de celui-ci seul. Le même n'enleva pas l'espoir de soumission et imposa des otages aux Crétois, lorsqu'ils eurent envoyé vers lui jusqu'en Pamphylie des députés et des suppliants. Ainsi Cn. Pompée prépara à la-fin-de l'hiver, entreprit, le printemps commençant, acheva au milieu-de l'été une guerre si-grande, si longue, étendue si au loin et si au large. XIII. Celui-ci (tel) est le mérite divin et incroyable de ce général mais quoi ? les autres mérites, que j'avais commencé peu auparavant à citer, combien-grands sont-ils en lui et combien nombreux ! Car non-seulement la valeur de (pour) combattre doit être cherchée dans un général excellent et parfait; mais il y a beaucoup-de qualités distinguées, aides et compagnes de cette valeur. Et d'abord de quelle intégrité les généraux doivent être! puis de quelle modération dans toutes les circonstances ! de quelle bonne-foi ! de quelle affabilité ! de quel esprit ! de quelle humanité ! Lesquelles qualités examinons brièvement quelles elles sont dans Cn. Pompée. |
dans la Pamphylie des députés chargés de
détourner les effets de sa colère, il ne leur enlève pas l'espoir de
voir leur soumission accueillie, mais il exige d'eux des otages. Ainsi
cette guerre si terrible, si longue, qui s'étendait si loin et désolait
tous les peuples, toutes les nations, Pompée en a fait les préparatifs à
la fin de l'hiver, l'a commencée à l'entrée du printemps, et l'a achevée
au milieu de l'été. XIII. Voilà le courage divin et incroyable de ce grand général ; mais que dire des autres qualités que j'ai citées tout à l'heure ? à quel degré il les possède ! Car ce n'est pas le courage seulement qu'il faut rechercher dans un capitaine accompli ; il y a bien d'autres qualités éminentes, qui doivent accompagner et aider la valeur. Et d'abord quelle ne doit pas être son intégrité ? Quelle modération ne doit-il pas montrer en toute circonstance ? quelle bonne foi ? quelle affabilité ? quel génie ? quelle bonté ? Examinons rapidement comment Cn. Pompée réunit toutes ces perfections ; car il les a toutes au plus |
60 - 61
sunt, Quirites ; sed ea magis ex aliorum
contentione, quam ipsa per sese cognosci atque intelligi possunt. Quem enim possumus imperatorem aliquo in numero putare, cujus in exercitu veneant centuriatus atque venierint ? quid hunc hominem magnum aut amplum de republica cogitare, qui pecuniam ex aerario depromptam ad bellum administrandum aut propter cupiditatem provinciae magistratibus diviserit, aut propter avaritiam Romae in quaestu reliquerit ? Vestra admurmuratio facit, Quirites, ut agnoscere videamini qui haec fecerint. Ego autem neminem nomino. Quare irasci mihi nemo poterit, nisi qui ante de se voluerit confiteri. Itaque, propter hanc avaritiam imperatorum, quantas calamitates, quocumque ventum sit, nostri exercitus ferant, quis ignorat ? Itinera, quae per hosce annos in Italia per agros atque oppida civium |
Omnia enim, Quirites, sunt summa; sed ea possunt magis cognosci atque intelligi ex contentione aliorum, quam ipsa per sese. Quem enim imperatorem possumus putare in aliquo numero, in exercitu cujus centuriatus veneant atque venierint? quid hunc hominem cogitare magnum aut amplum de republica, qui aut diviserit magistratibus propter cupiditatem provinciae, aut reliquerit Romae in quaestu propter avaritiam pecuniam depromptam ex aerario ad administrandum bellum? Vestra admurmuratio, Quirites, facit ut videamini agnoscere qui fecerint haec. Ego autem nomino neminem. Quare nemo poterit irasci mihi, nisi qui ante voluerit confiteri de se. Itaque propter hanc avaritiam imperatorum , quis ignorat quantas calamitates, quocumque ventum sit, nostri exercitus ferant? Recordamini itinera quae nostri imperatores fecerunt per hosce annos |
Toutes en effet, Romains, sont très-grandes en lui; mais elles peuvent plutôt être connues et être comprises par la comparaison des autres, qu'elles-mêmes par elles-mêmes. Eu effet quel général pouvons-nous compter (croire) en quelque nombre (de quelque valeur) dans l'armée duquel les charges-de-centurions se vendent et se sont vendues? que pouvons-nous croire cet homme-là penser de grand ou de noble touchant la république, lequel ou a partagé aux magistrats par désir d'obtenir une province, ou a laissé à Rome à intérêt par avarice l'argent tiré du trésor public pour conduire la guerre ? Votre murmure, Romains, fait que vous paraissiez reconnaître quels hommes ont fait cela. Mais moi je ne nomme personne. C'est-pourquoi personne ne pourra se fâcher contre moi, sinon celui qui auparavant aura voulu faire-un-aveu sur soi-même. C'est-pourquoi à cause de cette cupidité des généraux, qui ignore quels-grands malheurs, en-quelque-endroit-que l'on soit allé, nos armées supportent ? Rappelez-vous les marches que nos généraux ont faites pendant ces années-ci |
haut degré ; et c'est en le comparant aux
autres généraux, plutôt qu'en le considérant seul, que nous pourrons les
reconnaître et les apprécier. Croyons-nous digne de quelque estime un général dans l'armée duquel le grade de centurion se vend et s'est vendu ? Nous semble-t-il qu'un homme puisse avoir des vues grandes et élevées pour la gloire de l'État, lorsque, après avoir tiré de l'argent du trésor public pour faire les frais d'une guerre, il va, dans son désir d'obtenir une province, le partager aux magistrats, ou, par cupidité, le laisser à Rome pour qu'on l'y fasse valoir ? A vos murmures, Romains, je crois comprendre que vous reconnaissez les prévaricateurs. Pour ma part, je ne nomme personne ; personne ne pourra donc m'en vouloir, à moins de consentir d'abord à s'avouer coupable. Aussi, grâce à cette avidité de leurs chefs, qui ne sait quels désastres nos armées causent partout où elles passent ? Rappelez-vous les marches de nos généraux, pendant ces dernières années, en pleine Italie, à travers les champs |
62 - 63
Romanorum nostri imperatores fecerunt ,
recordamini : tum facilius statuetis quid apud exteras nationes fieri
existimetis. Utrum plures arbitramini per hosce annos militum vestrorum
armis hostium urbes, an hibernis sociorum civitates esse deletas ? Neque
enim potest exercitum is continere imperator, qui se ipse non continet,
neque severus esse in judicando, qui alios in se severos esse judices
non vult. Hic miramur hunc hominem tantum excellere ceteris, cujus
legiones sic in Asiam pervenerunt, ut non modo manus tanti exercitus,
sed ne vestigium quidem cuiquam pacato nocuisse dicatur ? Jam vero,
quemadmodum milites hibernent, quotidie sermones ac litterae
perferuntur. Non modo, ut sumptum faciat in militem, nemini vis affertur
; sed ne cupienti quidem cuiquam permittitur. Hiemis enim, non avaritiae
perfugium majores nostri in sociorum atque amicorum tectis esse
voluerunt. XIV. Age vero, ceteris in rebus quali sit temperantia con- |
per agros atque oppida civium Romanorum: tum statuetis facilius quid existimetis fieri apud nationes exteras. Utrum arbitramini plures urbes hostium deletas esse per hosce annos armis vestrorum militum, an civitates sociorum hibernis? Neque enim is imperator qui non continet se ipse potest continere exercitum, neque qui non vult alios esse severos in se, esse severus in judicando. Hic miramur hunc hominem excellere tantum ceteris, cujus legiones pervenerunt sic in Asiam ut non modo manus tanti exercitus, sed ne vestigium quidem dicatur nocuisse cuiquam pacato ? Jam vero quotidie sermones ac litterae perferuntur, quemadmodum milites hibernent. Non modo vis affertur nemini, ut faciat sumptum in militem ; sed ne permittitur quidem cuiquam cupienti. Nostri enim majores voluerunt perfugium hiemis, non avaritiae, esse in tectis sociorum atque amicorum. XIV. Age vero, considerate |
à travers les terres et les villes des citoyens romains: alors vous établirez plus facilement ce que vous pensez se faire chez les nations étrangères. Est-ce-que vous croyez plus-de villes des ennemis avoir été détruites pendant ces années-ci par les armes de vos soldats, ou plus-de villes des alliés par les quartiers-d'hiver ? Car d'une-part ce général qui ne contient pas lui-même ne peut contenir son armée, et celui qui ne veut pas les autres être sévères envers lui, ne peut être sévère en jugeant les autres. Et ici nous nous étonnons cet homme l'emporter autant sur les autres, lui dont les légions sont arrivées de-telle-sorte en Asie que non-seulement les mains d'une si-grande armée, mais pas même les pas ne sont dits avoir nui à qui-que-ce-soit étant-en-paix? Mais d'un-autre-côté tous-les-jours des bruits et des lettres vous sont apportés, expliquant comment nos soldats passent-leurs-quartiers-d'hiver. Non-seulement violence n'est appliquée à personne, afin qu'il fasse de la dépense pour le soldat; mais il n'est pas même permis à quelqu'un le désirant d'en faire. En effet nos ancêtres ont voulu un refuge de (contre) l'hiver, et non de (pour) l'avidité, être sous les toits de nos alliés et de nos amis. XIV. Mais allons, considérez |
et les villes des citoyens romains, et
vous vous figurerez plus aisément ce qui a dû se passer chez des peuples
étrangers. Pensez-vous que, pendant cette période, vos soldats aient
détruit plus de villes ennemies par la force des armes que de villes
alliées par leurs quartiers d'hiver ? En effet, un général ne saurait
contenir son armée, quand il ne sait pas se contenir lui-même ; il n'a
pas le droit d'être sévère en jugeant les autres, quand il ne veut pas
que les autres soient sévères en le jugeant lui-même. Aussi ne
voyons-nous pas avec surprise l'immense supériorité d'un chef dont les
légions sont arrivées en Asie sans qu'aucun peuple tranquille ait eu à
sa plaindre, non pas d'une violence, mais seulement de leur passage ? Si
vous voulez savoir comment elles se conduisent dans leurs quartiers
d'hiver, les bruits publics, les lettres qui vous arrivent tous les
jours vous l'apprennent : non-seulement on ne force personne à faire des
dépenses pour nos soldats, mais on ne le permet même pas à ceux qui le
voudraient. C'est qu'en effet nos pères ont entendu que les soldats
trouvassent chez nos amis, chez nos alliés, un refuge contre l'hiver, et
non un moyen d'assouvir leur cupidité. XIV. Et voyez encore quelle est, en toute autre circonstance, la |
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siderate. Unde illam tantam celeritatem et tam incredibilem cursum inventum putatis ? Non enim illum eximia vis remigum, aut ars inaudita quaedam gubernandi, aut venti aliqui novi, tam celeriter in ultimas terras pertulerunt ; sed hae res, quae ceteros remorari solent, non retardarunt : non avaritia ab instituto cursu ad praedam aliquam devocavit, non libido ad voluptatem, non amoenitas ad delectationem, non nobilitas urbis ad cognitionem, non denique labor ipse ad quietem. Postremo signa et tabulas, ceteraque ornementa Graecorum oppidorum, quae ceteri tollenda esse arbitrantur, ea sibi ille ne visenda quidem existimavit. Itaque omnes quidem nunc in his locis Cn. Pompeium sicut aliquem non ex hac urbe missum, sed de coelo delapsum, intuentur : nunc denique incipiunt credere fuisse homines Romanos hac quondam absti- |
qualis sit temperantia in ceteris rebus. Unde putatis illam celeritatem tantam et cursum tam incredibilem inventum? Non enim vis eximia remigum, aut quaedam ars inaudita gubernandi, aut aliqui venti novi pertulerunt illum tam celeriter in terras ultimas sed hae res quae solent remorari ceteros, non retardarunt : avaritia non devocavit a cursu instituto ad aliquam praedam, non libido ad voluptatem, non amoenitas ad delectationem, non nobilitas urbis ad cognitionem, denique non labor ipse ad quietem. Postremo ille ne existimavit quidem ea visenda esse sibi, quae ceteri arbitrantur tollenda esse signa et tabulas, ceteraque ornementa oppidorum Graecorum. Itaque omnes quidem nunc in his locis intuentur Cn. Pompeium sicut aliquem non missum ex hac urbe, sed delapsum de caelo : nunc denique incipiunt credere homines Romanos hac abstinentia |
quelle est sa modération dans les autres choses. D'où pensez-vous cette rapidité si-grande et cette course si incroyable avoir été trouvées (résulter)? Car non pas une force extraordinaire de rameurs, ni un certain art inconnu de gouverner un vaisseau, ou quelques vents nouveaux ont transporté lui si rapidement dans les terres les plus lointaines ; mais ces choses, qui ont-coutume de retarder les autres, ne l'ont pas arrêté : la cupidité ne l'a pas détourné d'une route entreprise pour quelque butin, ni la passion pour quelque plaisir, ni le charme des lieux pour quelque distraction, ni la célébrité d'une ville pour la connaissance (pour la connaître), enfin ni la fatigue même pour le repos. Enfin celui-ci n'a pas même pensé ces objets devoir être vus par lui, que les autres pensent devoir être enlevés par eux, les statues et les tableaux, et les autres ornements des villes grecques. Aussi tous certes maintenant dans ces lieux regardent Cn. Pompée comme quelqu'un non envoyé de cette ville, mais tombé du ciel: maintenant enfin ils commencent à croire des hommes romains de cette intégrité |
modération de Pompée. D'où vient, à votre avis, cette prodigieuse célérité, cette incroyable rapidité de mouvements ? Ce n'est point à l'aide de rameurs plus vigoureux, de manoeuvres jusqu'ici inconnues, ou de vents nouveaux, qu'il est arrivé si vite aux extrémités de la terre; mais les motifs qui d'ordinaire retardent les autres généraux ne l'ont pas arrêté : il n'a point été détourné de sa route par la cupidité, pour aller s'emparer de quelque riche butin ; par la débauche, pour satisfaire sa passion ; par le charme des lieux, pour se procurer une distraction ; par la renommée de quelque ville, pour contenter sa curiosité ; enfin, par la fatigue même, pour prendre du repos. Ces statues, ces tableaux, toutes ces merveilles dont les villes grecques sont ornées, et que les autres croient devoir enlever, il n'a pas même cru devoir les visiter. Aussi maintenant dans tous ces pays regarde-t-on Cn. Pompée non comme un envoyé de Rome, mais comme un être descendu du ciel ; on commence enfin à croire qu'il a existé autrefois des Romains de cette modération, ce que les peuples étrangers ne |
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nentia; quod jam nationibus exteris incredibile ac falso memoriae proditum videbatur. Nunc imperii vestri splendor illis gentibus lucet ; nunc intelligunt non sine causa majores suos tum, quum hac temperantia magistratus habebamus, servire populo Romano quam imperare aliis maluisse. Jam vero ita faciles aditus ad eum privatorum, ita liberae querimoniae ; de aliorum injuriis esse dicuntur, ut is, qui dignitate principibus excellit, facilitate par infimis esse videatur. Jam quantum consilio, quantum dicendi gravitate et copia valeat, in quo ipso inest quaedam dignitas imperatoria, vos, Quirites, hoc ipso in loco saepe cognostis. Fidem vero ejus inter socios quantam existimari putatis, quam hostes omnium gentium sanctissimam judicarint ? Humanitate jam tanta est ut difficile dictu sit utrum hostes magis virtutem ejus pugnantes timue- |
fuisse quondam ; quod videbatur jam incredibile nationibus exteris ac proditum falso memoriae. Nunc splendor vestri imperii lucet illis gentibus ; nunc intelligunt suos majores maluisse non sine causa servire populo Romano, quam imperare aliis, tum quum habebamus magistratus hac temperantia. Jam vero aditus privatorum ad eum dicuntur ita faciles, querimoniae de injuriis aliorum ita liberae, ut is, qui excellit principibus dignitate, videatur esse par infimis facilitate. Jam vos, Quirites, cognostis saepe in hoc loco ipso quantum valeat consilio, quantum gravitate et copia dicendi, in quo ipso inest quaedam dignitas imperatoria. Quantam vero putatis fidem ejus existimari, quam hostes omnium gentium judicarint sanctissimam ? Jam est humanitate tanta ut sit difficile dictu utrum hostes timuerint magis |
avoir été autrefois; ce qui paraissait déjà incroyable aux nations étrangères et transmis faussement à la mémoire. Maintenant l'éclat de votre empire luit pour ces nations ; maintenant elles comprennent leurs ancêtres avoir mieux-aimé non sans raison obéir au peuple romain, que commander aux autres, alors que nous avions des magistrats de cette modération. Mais d'un-autre côté les accès des simples-particuliers vers lui sont dits être si faciles, les plaintes touchant les injustices des autres sont dites être si libres, que celui-ci, qui l'emporte sur les premiers par la dignité, semble être égal aux derniers par l'affabilité. De plus vous, Romains, vous avez reconnu souvent dans ce lieu même combien il peut par la prudence, combien par l'autorité et l'abondance de parler (de sa parole), ce en quoi même il y a une certaine dignité de-général. Puis combien-grande pensez-vous la bonne-foi de lui être crue, elle que les ennemis; de tous les peuples, ont jugée très-sacrée? D'ailleurs il est d'une humanité telle qu'il est difficile à être dit (de dire) si les ennemis ont craint davantage |
pouvaient plus admettre et regardaient
comme une tradition mensongère. L'éclat de votre empire brille à présent
aux yeux de ces peuples ; ils comprennent que leurs ancêtres, au temps
où nous avions des magistrats si modérés, aient mieux aimé obéir au
peuple romain que de commander aux autres peuples. D'un autre côté les
simples particuliers le trouvent si abordable, il leur donne une telle
liberté d'exposer leurs plaintes contre les injustices dont ils sont
l'objet, qu'il semble, lui qui par son rang est au-dessus des plus
grands, se mettre par son affabilité au niveau des plus petits. Quant à
sa prudence, à son éloquence, à l'autorité de sa parole, qualités qui
rehaussent la dignité du général, vous en avez jugé vous-mêmes, Romains
, à cette tribune. Quelle opinion n'a-t-on pas de sa bonne foi parmi les
alliés, quand les ennemis de toutes les nations l'ont regardée comme
sacrée ? Son humanité est telle qu'il serait difficile de dire si
l'ennemi craint plus son courage pendant la lutte qu'il ne |
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rint, an mansuetudinem victi dilexerint.
Et quisquam dubitabit quin huic tantum bellum hoc transmittendum sit,
qui ad omnia nostræ memoriæ bella conficienda divino quodam consilio
natus esse videatur? XV. Et, quoniam auctoritas multum in bellis quoque administrandis atque imperio militari valet, certe nemini dubium est quin ea re idem ille imperator plurimum possit. Vehementer autem pertinere ad bella administranda, quid hostes, quid socii de imperatoribus vestris existiment, quis ignorat, quum sciamus homines in tantis rebus, ut aut contemnant aut metuant, aut oderint aut ament, opinione non minus famæ quam aliqua certa ratione commoveri? Quod igitur nomen unquam in orbe terrarum clarius fuit ? cujus res gestæ pares ? de quo homine vos, id quod maxime facit auctoritatem, tanta et tam præclara judicia fecistis ? An vero ullam usquam esse oram tam desertam putatis, quo non illius |
virtutem ejus pugnantes, an dilexerint mansuetudinem victi. Et quisquam dubitabit quin tantum bellum transmittendum sit huic, qui videatur natus esse quodam consilio divino ad conficienda omnia bella nostræ memoriæ? XV. Et quoniam auctoritas valet multum quoque in bellis administrandis atque imperio militari, certe est dubium nemini quin ille idem imperator possit plurimum ea re. Quis autem ignorat quid hostes, quid socii existiment de vestris imperatoribus, pertinere vehementer ad bella administranda, quum sciamus homines commoveri in tantis rebus ut aut contemnant, aut metuant, aut oderint, aut ament, non minus opinione famæ quam aliqua ratione certa? Quod nomen igitur fuit unquam clarius in orbe terrarum ? cujus res gestæ pares? de quo homine vos fecistis judicia tanta et tam præclara, id quod facit maxime auctoritatem ? An vero putatis ullam oram esse usquam tam desertam, quo non pervaserit |
la valeur de lui en combattant, ou ont aimé davantage sa douceur étant vaincus. Et quelqu'un doutera qu'une si-grande guerre ne doive être reportée à celui-ci, qui semble être né par une certaine volonté divine pour achever toutes les guerres de notre mémoire (temps)? XV. Et puisque la réputation peut beaucoup aussi dans les guerres à-conduire et dans le commandement militaire, certes il n'est douteux pour personne que ce même général ne puisse le plus par ce côté. Or, qui ignore ce que les ennemis, ce que les alliés pensent de vos généraux, être-intéressant vivement pour les guerres à-conduire, quand nous savons les hommes être poussés dans de si-grandes questions de sorte que ou ils méprisent, ou ils craignent, ou ils haïssent, ou ils aiment, non moins par l'opinion de la renommée que par quelque motif déterminé? Quel nom donc fut jamais plus illustre dans le cercle des terres (l'univers) ? de qui les exploits accomplis sont-ils égaux? sur quel homme avez-vous fait (porté) des jugements si-grands et si éclatants, ce qui fait surtout la réputation? Mais est-ce que vous pensez quelque rive être quelque-part si déserte, où ne soit parvenu |
chérit sa clémence après la défaite. Et
vous hésiteriez à confier le soin de cette guerre importante à un homme
qui semble né, par un bienfait de la divinité, pour achever toutes les
guerres de notre temps ? XV. Puisqu'il est vrai qu'à la guerre et dans le commandement des armées la réputation peut beaucoup, personne ne doute que, sur ce point encore, le général dont nous parlons n'ait une grande supériorité. C'est une chose fort importante pour le succès des opérations militaires, que l'opinion que vos alliés et vos ennemis ont de vos généraux ; qui peut en douter, quand on sait que pour faire naître chez les hommes des sentiments aussi sérieux que le mépris, la crainte, la haine, l'amour, l'opinion n'a pas moins d'influence que les motifs les plus graves ? Or, quel nom eut jamais tant d'éclat dans le monde ? qui fit jamais d'aussi grandes choses ? quel homme (car c'est là surtout ce qui fait la réputation), quel homme a mérité de votre part des jugements aussi glorieux, aussi éclatants ? Croyez-vous qu'il y ait une contrée assez solitaire pour n'avoir pas entendu |
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diei fama pervaserit, quum universus populus Romanus, referto foro repletisque omnibus templis, ex quibus hic locus conspici potest, unum sibi ad commune omnium gentium bellum Cn. Pompeium imperatorem depoposcit ? Itaque, ut plura non dicam, neque aliorum exemplis confirmem quantum hujus auctoritas valeat in bello, ab eodem Cn. Pompeio omnium rerum egregiarum exempla sumantur : qui quo die a vobis maritimo bello præpositus est imperator, tanta repente vilitas annonæ ex summa inopia et caritate rei frumentariæ consecuta est, unius hominis spe et nomine, quantam vix ex summa ubertate agrorum diuturna pax efficere potuisset. Jam accepta in Ponto calamitate, ex eo proelio de quo vos paulo ante invitus admonui, quum socii pertimuissent, hostium opes |
fama illius diei, quum populus Romanus universus, foro referto, omnibusque templis, ex quibus hic locus potest conspici, repletis, depoposcit sibi Cn. Pompeium unum imperatorem ad bellum commune omnium gentium ? Itaque, ut non dicam plura, neque confirmem exemplis aliorum quantum auctoritas valeat in bello, exempla omnium rerum egregiarum sumantur ab eodem Cn. Pompeio : die quo qui præpositus est a vobis imperator bello maritimo, vilitas annonæ consecuta est repente ex summa inopia et caritate rei frumentariæ, spe et nomine unius hominis, tanta quantum pax diuturna potuisset efficere ex summa ubertate agrorum. Jam calamitate accepta in Ponto, ex eo proelio de quo admonui vos paulo ante invitus, quum socii pertimuissent, opes animique hostium |
le bruit de ce jour, lorsque le peuple romain tout entier le forum étant-plein, et tous les temples, d'où ce lieu peut être aperçu, étant remplis, a demandé pour lui-même Cn. Pompée seul comme général pour cette guerre commune de (à) toutes les nations ? C'est-pourquoi, afin que je ne dise pas plus-de paroles, et ne prouve pas par les exemples des autres combien la réputation peut dans la guerre, que les exemples de toutes les actions remarquables soient pris de ce-même Cn. Pompée ; le jour dans lequel celui-ci fut préposé par vous comme général à la guerre maritime, un bas-prix des denrées suivit tout-à-coup au-sortir-d'une extrême disette et d'une cherté de la propriété de-grains (du blé), grâce à l'espérance et au nom d'un seul homme, aussi-grand qu'une paix longue eût pu le produire à-la-suite-d'une extrême fécondité des champs. D'un autre côté un malheur ayant été reçu (essuyé) dans le Pont, à-la suite de cette bataille de laquelle j'ai fait-souvenir vous peu auparavant ne-le-désirant pas (malgré moi), comme les alliés avaient craint, que les forces et l'ardeur des ennemis |
parler de ce jour où le peuple romain tout entier, couvrant le forum et remplissant tous les temples d'où l'on peut apercevoir cette tribune, désigna Pompée seul pour diriger cette guerre commune à toutes les nations ? Aussi, sans en dire davantage, sans chercher à vous prouver par des exemples étrangers quelle est à la guerre l'influence de la réputation, prenons chez ce même Pompée les exemples de tout ce qu'il y a de grand. Au jour où vous l'avez chargé de la guerre des pirates, on a vu, grâce à l'espoir que donnait le nom d'un seul homme, le prix des denrées, qui étaient extrêmement rares et chères, baisser tout à coup comme après une récolte extraordinaire et au sein d'une longue paix. Puis, quand, après le désastre du Pont, après cette bataille dont je n'ai parlé tout à l'heure que malgré moi, vos alliés se furent effrayés, que vos ennemis eurent repris confiance et ras- |
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animique crevissent, satis firmum
præsidium provincia non haberet, amisissetis Asiam, Quirites, nisi ad
ipsum discrimen ejus temporis divinitus Cn. Pompeium ad eas regiones
fortuna populi Romani attulisset. Hujus adventus et Mithridatem insolita
inflammatum victoria continuit, et Tigranem magnis copiis minitantem
Asiæ retardavit. Et quisquam dubitabit quid virtute profecturus sit, qui
tantum auctoritate profecerit, aut quam facile imperio atque exercitu
socios et vectigalia conservaturus sit, qui ipso nomine ac rumore
defenderit ? XVI. Age vero illa res quantam declarat ejusdem hominis apud hostes populi Romani auctoritatem, quod ex locis tam longinquis tamque diversis, tam brevi tempore, omnes uni huic se dediderunt ? quod Cretensium legati, quum in eorum insula noster imperator exercitusque esset, ad Cn. Pompeium in ultimas prope terras venerunt, eique se omnes Cretensium |
crevissent, provincia non haberet praesidium satis firmum, amisissetis Asiam, Quirites, nisi fortuna populi Romani attulisset divinitus ad discrimen ipsum ejus temporis Cn. Pompeium ad eas regiones. Adventus hujus et continuit Mithridatem inflammatum victoria insolita, et retardavit Tigranem minitantem Asiae magnis copiis. Et quisquam dubitabit quid profecturus sit virtute qui profecerit tantum auctoritate, aut quam facile conservaturus sit imperio atque exercitu socios et vectigalia, qui defenderit nomine ipso ac rumore? XVI. Age vero, quantam auctoritatem ejusdem hominis apud hostes populi Romani illa res declarat, quod, ex locis tam longinquis tamque diversis, tempore tam brevi, omnes se dediderunt huic uni? quod legati Cretensium, quum noster imperator exercitusque esset in insula eorum, venerunt ad Cn. Pompeium prope in terras ultimas, dixeruntque |
s'étaient augmentées, que la province n'avait pas de défense assez ferme, vous eussiez perdu l'Asie, Romains, si la fortune du peuple romain n'avait amené par-un-coup-du-ciel au moment-décisif même de ce temps Cn. Pompée vers ces pays. L'arrivée de celui-ci et contint Mithridate enflammé (enorgueilli) d'une victoire inaccoutumée, et retarda Tigrane qui menaçait l'Asie avec de grandes troupes. Et quelqu'un doutera de ce qu'est devant gagner par sa valeur celui qui a gagné tant par sa réputation, ou combien facilement il est devant sauver avec un commandement et une armée nos alliés et nos revenus, celui qui les a défendus par son nom même et le bruit de sa réputation? XVI. Mais allons, quelle-grande réputation de ce-même homme auprès des ennemis du peuple romain ce fait ne prouve-t-il pas, que, de lieux si lointains et si divers, en un temps si court, tous se sont rendus à lui seul ? que les députés des Crétois, lorsque notre général et notre armée étaient dans l'île d'eux, sont venus vers Cn. Pompée presque dans les terres les plus éloignées, et ont dit |
semblé de plus grandes forces, quand notre
province n'était plus suffisamment défendue, l'Asie était perdue pour
vous, Romains, si la fortune de la république n'eût fait apparaître
alors Pompée dans ce pays comme un envoyé du ciel. A son arrivée,
Mithridate, fier d'un triomphe nouveau pour lui, s'arrêta ; Tigrane, qui
menaçait l'Asie avec une armée considérable, n'osa pas s'avancer. Et
vous mettrez en doute ce que pourra la valeur d'un homme dont la
réputation a produit de tels effets ! vous douterez qu'avec un
commandement et une armée il ne sauve sans peine nos alliés et nos
tributaires, quand son nom seul et le bruit de son arrivée ont suffi
pour les défendre ? XVI. D'un autre côté, voulez-vous une preuve de la réputation de Pompée aux yeux des ennemis de Rome? voyez en si peu de temps, sur tant de points si éloignés et si divers, tous les peuples se soumettre à lui seul. Les députés des Crétois, bien qu'il y eût dans leur île une armée et un général de la république, vont trouver Pompée au bout du monde, et déclarent que c'est à lui qu'ils veulent livrer toutes les |
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civitates dedere velle dixerunt ? Quid ?
idem iste Mithridates, nonne ad eumdem Cn. Pompeium legatum usque in
Hispaniam misit ? eum quem Pompeius legatum semper judicavit, ii, quibus
semper erat molestum ad eum potissimum esse missum, speculatorem quam
legatum judicari maluerunt. Potestis igitur jam constituere, Quirites,
hanc auctoritatem, multis postea rebus gestis magnisque vestris judiciis
amplificatam, quantum apud illos reges, quantum apud exteras nationes
valituram esse existimetis. Reliquum est ut de felicitate (quam præstare de se ipso nemo potest, meminisse et commemorare de altero possumus), sicut æquum est homini de potestate deorum, timide et pauca dicamus. Ego enim sic existimo, Maximo, Marcello, Scipioni, |
se velle dedere ei omnes civitates Cretensium? Quid? iste idem Mithridates nonne misit legatum ad eumdem Cn. Pompeium usque in Hispaniam? eum quem Pompeius judicavit semper legatum, ii, quibus erat semper molestum missum esse potissimum ad eum, maluerunt judicari speculatorem quam legatum. Potestis igitur jam, Quirites, constituere quantum existimetis hanc auctoritatem, amplificatam multis rebus gestis postea, vestrisque judiciis magnis , valituram esse apud illos reges, quantum apud nationes exteras. Est reliquum ut dicamus timide et pauca, sicut est æquum homini de potestate deorum, de felicitate, quam nemo potest præstare de se ipso, possumus meminisse et commemorare de altero. Ego enim existimo sic, imperia mandata esse atque exercitus commissos saepius Maximo, Marcello, |
eux vouloir livrer à lui toutes les villes des Crétois? Quoi ? ce même, Mithridate n'a-t-il pas envoyé un ambassadeur à ce-même Cn. Pompée jusqu'en Espagne? cet homme que Pompée a jugé toujours être un ambassadeur, tandis que ces gens, a qui il était toujours désagréable un ambassadeur avoir été envoyé de préférence à lui, ont mieux aimé lui être regardé-comme espion que comme ambassadeur. Vous pouvez donc déjà, Romains, établir combien vous pensez cette réputation, augmentée par de nombreux exploits accomplis depuis, et par vos jugements grands (éclatants), devoir valoir auprès de ces rois-là , combien auprès des nations étrangères. Il est restant (il reste) que nous parlions timidement et en peu de mots, comme il est convenable à un homme parlant du pouvoir des dieux, du bonheur, que personne ne peut mettre-en-avant touchant soi-même, mais que nous pouvons nous rappeler et citer d'un autre. Car je pense ainsi, des commandements avoir été confiés et des armées confiées plus souvent à Fabius Maximus, à Marcellus, |
villes de la Crète. Mais quoi ! ce même
Mithridate n'a-t-il pas envoyé jusqu'en Espagne un ambassadeur à ce même
Pompée ? et Pompée l'a toujours regardé comme un ambassadeur véritable,
bien que ceux qui étaient jaloux que ce fût vers lui qu'on l'eût député
aient prétendu que c'était plutôt un espion qu'un ambassadeur. Vous
pouvez donc dès maintenant, Romains, vous figurer l'effet que doit
produire sur ces rois, sur les peuples étrangers, la réputation de
Pompée, encore augmentée par ses nouveaux exploits et par vos glorieux
témoignages. Il me reste à parler du bonheur, avantage que nul ne peut s'attribuer à soi-même, mais que l'on peut citer et rappeler lorsqu'il s'agit d'un autre ; parlons-en avec réserve, comme le doit faire l'homme quand il parle de la puissance des dieux. Pour ma part, j'estime que, si l'on confia si souvent des commandements et des armées à Fabius Maximus, à Marcellus, à Scipion, à Marius, ce ne fut pas seulement |
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Mario et ceteris magnis imperatoribus, non solum propter virtutem, sed etiam propter fortunam, sæpius imperia mandata atque exercitus esse commissos : fuit enim profecto quibusdam summis viris quædam ad amplitudinem et ad gloriam et ad res magnas bene gerendas divinitus adjuncta fortuna. De hujus autem hominis felicitate, de quo nunc agimus, hac utar moderatione dicendi, non ut in illius potestate fortunam positam esse dicam, sed ut præterita meminisse, reliqua sperare videamur, ne aut invisa diis immortalibus oratio nostra, aut ingrata esse videatur. Itaque non sum prædicaturus, Quirites, quantas ille res domi militiæque, terra marique, quantaque felicitate gesserit ; ut ejus semper voluntatibus non modo cives assenserint, socii obtemperarint, hostes obedierint ; sed etiam venti tempestatesque obsecundarint : hoc brevissime dicam, neminem unquam tam impudentem fuisse, qui a diis immortalibus tot et tantas res tacitus auderet |
Scipioni, Mario, et ceteris magnis imperatoribus non solum propter virtutem, sed etiam propter fortunam profecto enim quædam fortuna adjuncta fuit divinitus quibusdam viris summis ad amplitudinem et gloriam et ad bene gerendas res magnas. De felicitate autem hujus hominis, de quo agimus nunc, utar hac moderatione dicendi, non ut dicam fortunam positam esse in potestate illius, sed ut videamur meminisse præterita, sperare reliqua, ne nostra oratio videatur esse aut invisa diis immortalibus, aut ingrata. Itaque, Quirites, non sum prædicaturus quantas res ille gesserit domi militiæque, terra marique, quantaque felicitate ; ut non modo semper cives assenserint, socii obtemperarint hostes obedierint voluntatibus ejus, sed etiam venti tempestatesque obsecundarint: dicam brevissime hoc, neminem unquam fuisse tam impudentem qui auderet optare tacitus |
à Scipion, à Marius, et aux autres grands généraux, non-seulement pour leur valeur mais encore pour leur bonheur car certainement une certaine fortune fut ajoutée( accordée) par-un-don-du-ciel à quelques hommes éminents pour leur grandeur et leur gloire et pour bien faire les actions grandes (importantes). Mais quant au bonheur de cet homme, de qui nous parlons maintenant, j'userai de cette (d'une telle) modération de parler (de langage), non pas que je dise la fortune être placée en le pouvoir de lui, mais que nous semblions nous rappeler les faits passés, et espérer les faits qui-restent (à venir), de peur que notre langage ne paraisse être ou odieux aux dieux immortels, ou ingrat envers eux. C'est-pourquoi, Romains, je ne suis pas devant vanter quelles-grandes actions il a faites à l'intérieur et en guerre, sur terre et sur mer, et avec quel bonheur; comment non-seulement toujours les citoyens ont applaudi, les alliés se sont prêtés, les ennemis ont obéi aux volontés de lui, mais encore les vents et les saisons les ont secondées : je dirai très-brièvement ceci, personne jamais n'avoir été si impudent qui osât demander silencieux (tout bas) |
à cause de leur mérite, mais à cause de leur bonheur. Certains hommes éminents, en effet, ont reçu sans aucun doute du ciel une sorte de bonne fortune, qui contribue à leur grandeur et à leur gloire et leur fait accomplir d'éclatantes choses ; or, en parlant du bonheur de l'homme qui nous occupe, je veux être fidèle à cette modération que je m'impose, et, de peur que mon langage ne me fasse paraître aux yeux des dieux immortels impie ou ingrat, je ne dirai pas qu'il tient la fortune en son pouvoir, mais seulement qu'en nous rappelant le passé nous pouvons compter sur l'avenir. Je ne vanterai donc pas, Romains, les grandes choses qu'il a faites dans la paix comme à la guerre, sur terre comme sur mer, ni le bonheur avec lequel il les a achevées ; je ne répéterai pas qu'on a vu toujours ses volontés non-seulement applaudies par les citoyens, suivies par les alliés, exécutées par les ennemis, mais même secondées par les vents et les tempêtes. Je ne dirai qu'un mot : c'est que personne n'a jamais été assez impudent pour demander aux dieux, même dans le secret de son |
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optare, quot et quantas dii immortales ad
Cn. Pompeium detulerunt. Quod ut illi proprium ac perpetuum sit,
Quirites, quum communis salutis atque imperii, tum ipsius hominis causa,
sicuti facitis, velle et optare debetis. Quare quum et bellum ita necessarium sit, ut negligi non possit, ita magnum, ut accuratissime sit administrandum, et quum ei imperatorem præficere possitis, in quo sit eximia belli scientia, singularis virtus, clarissima auctoritas, egregia fortuna, dubitabitis, Quirites, quin hoc tantum boni, quod vobis a diis immortalibus oblatum et datum est, in rempublicam conservandam atque amplificandam conferatis? XVII. Quod si Romæ Cn. Pompeius privatus esset hoc tempore, tamen ad tantum bellum is erat deligendus atque mittendus. Nunc, quum ad ceteras summas utilitates hæc quoque opportunitas adjungatur, ut in iis ipsis locis adsit, ut |
a diis immortalibus tot et tantas res quot et quantas dii immortales detulerunt ad Cn. Pompeium. Quod debetis velle et optare, Quirites, sicuti facitis, ut sit proprium illi ac perpetuum, quum causa salutis communis atque imperii, tum hominis ipsius. Quare, quum et bellum sit ita necessarium, ut non possit negligi ita magnum, ut administrandum sit accuratissime, et quum possitis præficere ei imperatorem in quo sit scientia eximia belli, virtus singularis, auctoritas clarissima, fortuna egregia, dubitabitis, Quirites, quin conferatis in conservandam atque amplificandam rempublicam hoc tantum boni quod oblatum est et datum vobis a diis immortalibus? XVII. Quod si Cn. Pompeius, esset hoc tempore privatus Romæ, tamen is erat deligendus atque mittendus ad tantum bellum. Nunc, quum hæc opportunitas adjungatur quoque |
aux dieux immortels tant et de si-grandes choses que-nombreuses et grandes les dieux immortels en ont accordé à Cn. Pompée. Laquelle chose vous devez vouloir et souhaiter, Romains, comme vous le faites, qu'elle soit propre à lui et durable, tant à cause du salut commun et de l'empire, qu'à cause de l'homme lui-même. C'est-pourquoi, puisque et cette guerre est si nécessaire, qu'elle ne peut être négligée, si grande qu'elle doit être conduite très-soigneusement, et que vous pouvez mettre-à-la-tête d'elle un général en qui soit une science éminente de la guerre, une valeur singulière, une réputation très-brillante, un bonheur remarquable, douterez-vous, Romains, que vous ne deviez-appliquer à conserver et agrandir la république cette si-grande somme de bien qui est offerte et donnée à vous par les dieux immortels? XVII. Que si Cn. Pompée était en ce temps-ci simple-particulier à Rome, cependant il serait devant être choisi et devant être envoyé pour une si grande guerre. Maintenant, puisque cette commodité se joint encore |
coeur, d'aussi nombreux, d'aussi éclatants
succès, que ceux qu'ils ont prodigués d'eux-mêmes à Pompée. Puisse ce
bonheur ne l'abandonner jamais, Romains ! aussi bien pour le salut de
l'État que pour Pompée lui-même, vous devez le vouloir et le demander
aux dieux, et c'est ce que vous faites. En résumé, puisque la guerre est tellement indispensable qu'on ne saurait la différer, tellement grave qu'elle réclame tous nos soins, et que vous pouvez en charger un général qui se distingue par une connaissance profonde de l'art militaire, par une valeur extraordinaire, par une réputation brillante, par un bonheur rare, hésiterez-vous, Romains, à consacrer au salut et à l'agrandissement de l'empire cet insigne présent que les dieux vous ont offert et vous ont accordé ? XVII. Cn. Pompée vivrait aujourd'hui à Rome en simple particulier, que vous devriez encore le choisir et l'envoyer pour conduire une guerre si importante ; mais, puisqu'aux autres avantages que j'ai cités se joint cette heureuse circonstance qu'il est sur les lieux |
80 - 81
habeat exercitum, ut ab iis qui habent
accipere statim possit, quid exspectamus? aut cur non, ducibus diis
immortalibus, eidem, cui cetera summa cum salute reipublicæ commissa
sunt, hoc quoque bellum regium committimus? At enim vir clarissimus, amantissimus reipublicæ, vestris beneficiis amplissimis affectus, Q. Catulus, itemque summis ornamentis honoris, fortunæ, virtutis, ingenii præditus, Q. Hortensius, ab hac ratione dissentiunt : quorum ego auctoritatem apud vos multis locis plurimum valuisse et valere oportere confiteor ; sed in hac causa, tametsi cognoscitis auctoritates contrarias virorum fortissimorum et clarissimorum, tamen, omissis auctoritatibus, ipsa re et ratione exquirere possumus veritatem, atque hoc facilius, quod ea omnia, quæ adhuc a me dicta sunt, iidem isti vera esse concedunt, et necessarium bellum esse et magnum, et in uno Cn. Pom- |
ad ceteras utilitates summas, ut adsit in iis locis ipsis, ut habeat exercitum, ut possit accipere statim ab iis qui habent, quid exspectamus? aut cur, diis immortalibus ducibus, non committimus quoque hoc bellum regium eidem, cui cetera summa commissa sunt cum salute reipublicae? At enim vir clarissimus, amantissimus reipublicae, affectus vestris beneficiis amplissimis, Q. Catulus, itemque Q. Hortensius, praeditus summis ornamentis honoris, fortunæ, virtutis, ingenii, dissentiunt ab hac ratione quorum ego confiteor auctoritatem valere plurimum apud vos multis locis et oportere valere; sed in hac causa, tametsi cognoscitis auctoritates virorum fortissimorum et clarissimorum contrarias, tamen, auctoritatibus omissis, possumus exquirere veritatem re ipsa et ratione, atque hoc facilius, quod iidem isti concedunt omnia ea quae dicta sunt adhuc a me esse vera, bellum esse et necessarium |
aux autres avantages très-grands, qu'il est-présent dans ces lieux mêmes; qu'il a une armée, qu'il peut recevoir aussitôt des forces de ceux qui en ont, qu'attendons-nous ? ou pourquoi, les dieux immortels étant guides, ne confions-nous pas aussi cette guerre contre-les-rois à ce-même homme, à qui d'autres missions très-grandes ont été confiées avec salut de (pour) la république? Mais à la vérité un homme très-illustre, très-ami de la république, comblé de vos bienfaits les plus considérables, Q. Catulus, et de même Q. Hortensius, doué des plus hautes distinctions d'honneur, de fortune, de vertu, de génie, diffèrent de ce sentiment desquels je reconnais l'autorité pouvoir beaucoup auprès de vous en beaucoup de circonstances et devoir pouvoir beaucoup; mais dans cette question, bien que vous connaissiez les autorités d'hommes très-courageux et très-illustres être contraires, cependant, ces autorités étant laissées-de-côté, nous pouvons rechercher la vérité par le fait même et la raison, et par cela (d'autant) plus facilement, que ces mêmes hommes concèdent tous ces faits qui ont été dits jusqu'ici par moi, être vrais, la guerre être et nécessaire |
mêmes, qu'il commande une armée, et qu'il
peut y joindre tout de suite les secours des chefs qui ont là des
troupes, qu'attendons-nous, et pourquoi ne pas se hâter, sous les
auspices des dieux, de confier cette guerre contre les deux rois à
l'homme que nous avons chargé, si heureusement pour la république, de
tant de missions importantes ? Mais, dira-t-on, un homme d'un éminent mérite, dévoué de coeur à sa patrie, et qui a été de votre part l'objet de grandes distinctions, Q. Catulus, n'est pas de cet avis ; Q. Hortensius, personnage recommandable par ses dignités, sa fortune, son mérite, ses talents, s'y oppose également : je reconnais qu'en bien des circonstances leur autorité auprès de vous a été grande et devait l'être ; mais, dans l'affaire qui nous occupe, bien que vous connaissiez d'autres hommes courageux et distingués dont je pourrais citer l'opinion contraire, laissons de côté l'autorité, de part et d'autre, et recherchons la vérité d'après les faits et à l'aide de la raison : cela sera d'autant plus facile que nos adversaires conviennent eux-mêmes de tout ce que je vous ai dit jusqu'ici, savoir que la guerre est nécessaire, qu'elle |
82 - 83
peio summa esse omnia. Quid igitur ait
Hortensius ? si uni omnia tribuenda sint, unum. dignissimum esse
Pompeium ; sed ad unum tamen omnia deferri non oportere. Obsolevit jam ista oratio, re multo magis quam verbis refutata. Nam tu idem, Quinte Hortensi, multa, pro tua summa copia ac singulari facultate dicendi, et in senatu contra virum fortem A. Gabinium graviter ornateque dixisti, quum is de uno imperatore contra prædones constituendo legem promulgasset, et ex hoc ipso loco permulta item contra legem eam verba fecisti. Quid ? tum, per deos immortales, si plus apud populum Romanum auctoritas tua quam ipsius populi Romani salus et vera causa valuisset, hodie hanc gloriam atque hoc orbis terræ imperium teneremus ? an tibi tum imperium esse hoc videbatur, quum populi Romani legati, prætores quæsto- |
et magnum, et omnia esse summa in Cn. Pompeio uno. Quid ait igitur Hortensius ? si omnia tribuenda sint uni, Pompeium unum esse dignissimum ; sed tamen non oportere omnia deferri ad unum. Jam ista oratio obsolevit, refutata multo magis re quam verbis. Nam tu idem, Q. Hortensi, et dixisti multa in senatu graviter ornateque, pro tua copia summa ac facultate singulari dicendi, contra virum fortem, A. Gabinium, quum is promulgasset legem de uno imperatore constituendo contra praedones et fecisti item permulta verba ex hoc loco ipso contra eam legem. Quid? per deos immortales , si tum tua auctoritas valuisset apud populum Romanum plus quam salus populi Romani ipsius et vera causa, teneremus hodie hanc gloriam atque hoc imperium orbis terrae ? an videbatur tibi hoc esse imperium, tum quum legati populi Romani, |
et grande, et tout être éminent dans Cn. Pompée seul. Que dit donc Hortensius? si toutes choses devaient être remises à un-seul, Pompée seul être le plus digne; mais cependant ne falloir pas toutes choses être déférées à un seul. Déjà un tel langage est passé-de-mode, réfuté beaucoup plus par le fait que par les paroles. Car toi le même (aussi), Q. Hortensius, et tu as dit beaucoup de choses dans le sénat avec-poids et avec-grâce, d'après ton abondance très-grande et ton talent singulier de parler, contre un homme courageux, A Gabinius, lorsque celui-ci eut proposé la loi touchant un seul général devant-être-nommé contre les pirates, et tu as fait (prononcé) de même beaucoup-de paroles de ce lieu même contre cette loi. Quoi ? par les dieux immortels, si alors ton autorité eût eu de-l'influence auprès du peuple romain plus que le salut du peuple romain lui-même et la vraie question, conserverions-nous aujourd'hui cette gloire et cet empire du cercle de la terre (du monde) ? ou semblait-il à toi cela être un empire, alors que des ambassadeurs du peuple romain, |
est importante, et que Pompée réunit tous les talents au plus haut degré. Que dit donc Q. Hortensius ? que, s'il faut tout mettre entre les mains d'un seul homme, Pompée est le plus digne d'être choisi , mais qu'il ne faut pas tout mettre entre les mains d'un seul homme. C'est là un langage usé et réfuté plus encore par les faits que par mes paroles. C'est vous aussi, Q. Hortensius, qui, avec votre admirable et féconde éloquence, avez prononcé en plein sénat contre Gabinius, citoyen courageux, un discours aussi solide que séduisant, quand il proposa une loi qui chargeait Pompée seul du commandement contre les pirates ; du haut de cette même tribune, vous avez aussi parlé longuement contre cette proposition. Or, au nom des dieux, si, dans cette circonstance, votre autorité l'eût emporté aux yeux du peuple romain sur le salut de Rome et sur la vérité, aurions-nous encore aujourd'hui notre gloire et l'empire du monde ? Vous semblait-il que nous l'eussions, cet empire, quand les pirates s'emparaient des ambassadeurs, des préteurs, des questeurs du peu- |
84 - 85
resque capiebantur, quum ex omnibus
provinciis commeatu et privato et publico prohibebamur, quum ita clausa
erant nobis omnia maria, ut neque privatam rem transmarinam, neque
publicam jam obire possemus? XVIII. Quæ civitas antea unquam fuit, non dico Atheniensium, quæ satis late quondam mare tenuisse dicitur ; non Carthaginiensium, qui permultum classe maritimisque rebus valuerunt ; non Rhodiorum, quorum usque ad nostram memoriam disciplina navalis et gloria remansit : quæ civitas unquam antea tam tenuis, quæ tam parva insula fuit, quæ non portus suos, et agros, et aliquam partem regionis atque oræ maritimæ per se ipsa defenderet ? At, hercle, aliquot annos continuos ante legem Gabiniam ille populus Romanus, cujus usque ad nostram memoriam nomen invictum in navalibus pugnis permanserat, magna ac multo maxima parte non modo utilitatis, sed dignitatis atque imperii, caruit. Nos, quorum |
praetores quaestoresque capiebantur, quum prohibebamur commercio et privato et publico ex omnibus provinciis, quum omnia maria erant ita clausa nobis, ut possemus jam obire rem neque privatam neque publicam transmarinam? XVIII. Quae civitas fuit unquam antea. non dico Atheniensium, quae dicitur tenuisse mare quondam satis late; non Carthaginiensium, qui valuerunt permultum classe et rebus maritimis; non Rhodiorum, quorum disciplina navalis et gloria remansit usque ad nostram memoriam: quae civitas fuit unquam antea tam tenuis , quae insula tam parva, quae non defenderet ipsa per se suos portus, et agros, et aliquam partem regionis atque orae maritimae At, hercle, aliquot annos continuos ante legem Gabiniam, ille populus Romanus, cujus nomen remanserat invictum usque ad nostram memoriam in pugnis navalibus, caruit parte magna ac multo maxima non modo utilitatis, sed dignitatis atque imperii. |
des préteurs et des questeurs étaient pris, que nous étions privés de communication et particulière et publique de toutes les provinces, que toutes les mers étaient tellement fermées pour nous que nous ne pouvions plus entreprendre une affaire ni particulière ni publique d'outre-mer? XVIII. Quelle ville fut jamais auparavant, je ne dis pas celle des Athéniens qui est dite avoir occupé (dominé sur) la mer jadis assez au loin ; ni celle des Carthaginois, qui purent beaucoup par leur flotte et leurs forces maritines; ni celle des Rhodiens, dont le talent naval et la gloire a duré jusqu'à notre mémoire (époque) quelle ville fut jamais auparavant si faible, quelle île si petite, qui ne défendît elle-même par elle-même ses ports, et ses champs, et quelque partie du territoire et de la côte maritime? Mais, par Hercule, pendant quelques années consécutives avant la loi Gabinia, ce peuple romain, dont le nom était demeuré invincible jusqu'à notre mémoire (époque) dans les combats de-vaisseaux, a été privé d'une partie grande et de beaucoup la plus grande non-seulement de son avantage, mais de sa dignité et de son empire. |
ple romain? quand les communications, tant
privées que publiques, avec toutes nos provinces, étaient interrompues?
quand toutes les mers nous étaient si bien fermées que nous ne pouvions
entreprendre aucun voyage, ni pour nous-mêmes, ni pour la république? XVIII. Y eut-il jamais un État (je ne parle pas d'Athènes, qui posséda, dit-on, jadis des forces maritimes assez considérables ; je ne parle pas de Carthage, qui fut si puissante par sa flotte et son commerce ; je ne parle pas des Rhodiens, dont l'habileté et la gloire navale subsistent encore), y eut-il jamais, dis-je, un État si faible, une île si petite, qui ne pût défendre par elle-même ses ports, son territoire et une partie des côtes ? Eh bien ! pendant plusieurs années de suite, avant la loi Gabinia, ce peuple romain, dont le nom, jusqu'à présent, était resté celui d'un peuple invincible sur mer, s'est vu privé de la plus grande partie non-seulement de ses revenus, mais même de sa dignité et de son empire. Nous, dont les ancêtres batti |
86 - 87
majores Antiochum regem classe Persenque superarunt, omnibusque navalibus pugnis Carthaginienses, homines in maritimis rebus exercitatissimos paratissimosque, vicerunt, ii nullo in loco jam prædonibus pares esse poteramus. Nos quoque, qui antea non modo Italiam tutam habebamus, sed omnes socios in ultimis oris auctoritate nostri imperii salvos præstare poteramus, tum quum insula Delos, tam procul a nobis in Ægæo mari posita, quo omnes undique cum mercibus atque oneribus commeabant, referta divitiis, parva, sine muro, nihil timebat ; iidem non modo provinciis, atque oris Italiæ maritimis, ac portubus nostris, sed etiam Appia jam via carebamus : et his temporibus non pudebat magistratus populi Romani in hunc ipsum locum escendere, quum eum vobis majores vestri exuviis nauticis et classium spoliis ornatum reliquissent ! |
Nos, quorum majores superarunt classe regem Antiochum Persenque, viceruntque omnibus praeliis navalibus Carthaginienses, homines exercitatissimos paratissimosque in rebus maritimis, ii poteramus jam in nullo loco esse pares prædonibus. Nos quoque, qui antea non modo habebamus Italiam tutam, sed poteramus præstare salvos omnes socios in oris ultimis auctoritate nostri imperii, tum quum insula Delos, posita tam procul a nobis in mari Ægaeo, quo omnes commeabant undique cum mercibus atque oneribus, referta divitiis, parva, sine muro, timebat nihil ; iidem carebamus non modo provinciis atque oris maritimis Italiæ, ac nostris portubus, sed etiam jam via Appia: et his temporibus non pudebat magistratus populi Romani escendere in hunc locum ipsum, quum vestri majores reliquissent eum vobis ornatum exuviis nauticis et spoliis classium ! |
Nous, dont les ancêtres vainquirent avec une flotte le roi Antiochus et Persée, et vainquirent dans toutes les batailles navales les Carthaginois, hommes très-exercés et très-bien-équipés dans les choses maritimes, ceux-ci (nous) nous ne pouvions plus en aucun lieu être égaux (tenir tête) aux pirates. Nous aussi, qui auparavant non-seulement avions (rendions) l'Italie sûre, mais pouvions rendre saufs tous nos alliés sur les rives les plus lointaines par l'autorité de notre empire, alors que l'île de Délos, placée si loin de nous dans la mer Égée, où tous abordaient de-toutes-parts avec des marchandises et des cargaisons, remplie de richesses, petite, sans mur, ne craignait rien, les mêmes (nous) nous étions privés non-seulement des provinces et des côtes maritimes de l'Italie, et de nos ports, mais même déjà de la voie Appienne : et dans ces temps honte-n'était point aux magistrats du peuple romain de monter à ce lieu même (la tribune), quand vos ancêtres avaient laissé lui à vous orné de dépouilles navales et de trophées de flottes ! |
rent sur mer Antiochus et Persée, et vainquirent dans toutes les batailles navales les Carthaginois, le peuple du monde le plus exercé et le mieux partagé en fait de forces maritimes, nous ne pouvions, sur aucun point, tenir tête aux pirates. Nous qui, précédemment, non-seulement protégions l'Italie, mais pouvions, par notre influence, faire respecter nos alliés sur les côtes les plus lointaines ; quand l'île de Délos, située si loin de nous dans la mer Égée, où abordaient de toutes parts les navigateurs avec leurs marchandises et leurs cargaisons, quand Délos, regorgeant de richesses, bien que fort petite et sans murailles, ne craignait rien ; nous, dis-je, nous nous voyions interdire le passage non-seulement dans nos provinces, sur toutes les côtes de l'Italie et dans nos ports, mais même sur la voie Appienne, et, à ce moment-là même, des magistrats du peuple romain ne rougissaient pas de monter à cette tribune, que vos pères vous avaient laissée ornée de dépouilles navales et de débris des flottes ennemies! |
88 - 89
XIX. Bono te animo tum, Q. Hortensi,
populus Romanus, et ceteros qui erant in eadem sententia, dicere
existimavit ea quæ sentiebatis ; sed tamen in salute communi idem populus Romanus dolori suo maluit quam auctoritati vestræ obtemperare. Itaque una lex, unus vir, unus annus, non modo nos illa miseria ac turpitudine liberavit, sed etiam effecit ut aliquando vere videremur omnibus gentibus ac nationibus terra marique imperare. Quo mihi etiam indignius videtur obtrectatum esse adhuc (Gabinio dicam, anne Pompeio, an utrique ? id quod est verius) ne legaretur A. Gabinius Cn. Pompeio expetenti ac postulanti. Utrum ille qui postulat legatum ad tantum bellum, quem velit, idoneus non est qui impetret, quum ceteri ad expilandos socios diripiendasque provincias, quos voluerunt, legatos eduxerint? an ipse, cujus lege salus ac dignitas populo |
XIX. Populus Romanus tum , Q. Hortensi, existimavit te, et ceteros qui erant in eadem sententia dicere bono animo ea quæ sentiebatis sed tamen in salute communi idem populus Romanus maluit obtemperare suo dolori quam vestræ auctoritati Itaque una lex, unus vir, unus annus non modo liberavit nos illa miseria ac turpitudine, sed etiam effecit ut aliquando videremur vere imperare omnibus gentibus ac nationibus terra marique. Quo videtur etiam mihi obtrectatum esse adhuc indignius (dicam Gabinio, anne Pompeio, an utrique? id quod est verius) ne A. Gabinius legaretur Cn. Pompeio expetenti ac postulanti. Utrum ille, qui postulat legatum quem velit ad tantum bellum, non est idoneus qui impetret, quum ceteri, ad expilandos socios diripiendasque provincias, eduxerint legatos quos voluerunt? an ipse, lege cujus salus ac dignitas |
XIX. Le peuple romain alors, Q. Hortensius, a pensé toi, et les autres qui étaient dans le même avis, dire avec une bonne intention ce que vous pensiez; mais cependant à-propos-du salut commun ce-même peuple romain a mieux-aimé obéir à sa douleur qu'à votre autorité. C'est-pourquoi une seule loi, un seul homme, une seule année non-seulement ont délivré nous de cette misère et de cette honte, mais encore ont fait qu'enfin nous parussions vraiment commander à tous les peuples et à toutes les nations sur terre et sur mer. Par quoi il semble même à moi avoir été fait-opposition encore plus indignement (dirai-je à Gabinius ou à Pompée, ou à l'un-et-l'autre? ce qui est plus vrai) pour qu'A. Gabinius ne fût pas adjoint à Cn. Pompée le désirant et le demandant. Est-ce-que celui-ci, qui demande pour lieutenant qui il veut pour une si-grande guerre, n'est pas digne qui l'obtienne (de l'obtenir), quand les autres, pour piller les alliés et ravager les provinces, ont emmené pour lieutenants ceux qu'ils ont voulu? ou-bien celui même, par la loi de qui le salut et la dignité |
XIX. Dans cette circonstance, le peuple romain n'a point douté, Q. Hortensius, que vous n'eussiez de bonnes intentions en parlant ainsi, vous et tous ceux qui partageaient votre opinion ; mais, quand il s'agissait du salut commun, ce même peuple a mieux aimé prendre conseil de sa douleur que de se rendre à votre autorité. Ainsi une seule loi, un seul homme, une seule année, non-seulement nous ont affranchis de tant de malheurs et de tant de honte, mais nous ont enfin fait paraître sur terre et sur mer comme les véritables maîtres de tous les peuples, de toutes les nations. Aussi trouvé-je plus odieux encore l'affront fait, dirai-je à Gabinius ou à Pompée, ou, ce qui est plus exact encore, à tous les deux ? d'avoir refusé Gabinius pour lieutenant à Pompée qui le désire et le demande. Le général qui, pour une guerre de cette importance, demande un lieutenant de son choix, n'est-il pas digne de l'obtenir, quand tous les autres ont emmené avec eux des hommes de leur choix pour aller dépouiller nos alliés et piller nos provinces ? ou bien celui qui, par une loi, a assuré le salut et la dignité du peuple romain et de toutes |
90 - 91
Romano atque omnibus gentibus constituta est, expers esse debet gloriæ ejus imperatoris atque ejus exercitus, qui consilio ipsius atque periculo est constitutus ? An C. Falcidius, Q. Metellus, Q. Caelius Latiniensis, Cn. Lentulus, quos omnes honoris causa nomino, quum tribuni plebis fuissent, anno proximo legati esse potuerunt ; in hoc uno Gabinio sunt tam diligentes, qui in hoc bello quod lege Gabinia geritur, in hoc imperatore atque exercitu quem per vos ipse constituit, etiam præcipuo jure esse deberet ? De quo legando spero consules ad senatum relaturos. Qui si dubitabunt aut gravabuntur, ego me profiteor relaturum ; neque me impediet cujusquam, Quirites, inimicum edictum, quominus fretus vobis vestrum jus beneficiumque defendam ; neque præter intercessionem quidquam audiam : de qua, ut arbitror, isti ipsi, qui minantur, etiam atque etiam quid liceat considerabunt. Mea quidem sententia, |
constituta est populo Romano atque omnibus gentibus, debet esse expers gloriæ ejus imperatoris atque ejus exercitus, qui constitutus est consilio atque periculo ipsius? An C. Falcidius, Q. Metellus, Q. Caelius Latiniensis, Cn. Lentulus, quos nomino omnes causa honoris, quum fuissent tribuni plebis, potuerunt esse legati anno proximo; sunt tam diligentes in hoc Gabinio uno, qui deberet esse etiam jure praecipuo, in hoc bello, quod geritur lege Gabinia, in hoc imperatore atque exercitu, quem constituit ipse per se ? Spero consules relaturos ad senatum de quo legando. Qui si dubitabunt aut gravabuntur, ego profiteor me relaturum; neque edictum inimicum cujusquam impediet me quominus, fretus vobis, defendam vestrum jus et beneficium ; neque audiam quidquam, praeter intercessionem: de qua, ut arbitror, isti ipsi qui minantur considerabunt etiam atque etiam quid liceat. |
ont été assurés au peuple romain et à toutes les nations, doit-il être ne-prenant-pas-part à la gloire de ce général et de cette armée, qui ont été établis par le conseil et le danger de lui-même? Est-ce-que, tandis que Falcidius, Q. Métellus, Q. Célius Latiniensis, Cn. Lentulus, que je nomme tous par honneur, après qu'ils eurent été tribuns du peuple, ont pu être lieutenants l'année suivante; et ils sont (on est) si scrupuleux pour ce Gabinius seul, qui devrait être même dans le droit principal, à-propos-de cette guerre, qui se fait par la loi Gabinia, à-propos-de ce général et de cette armée, qu'il a établis lui-même par lui-même? J'espère les consuls devoir faire-un-rapport au sénat sur lui devant être envoyé-comme-lieutanant. Lesquels s'ils hésitent ou se montrent-contrariés, je déclare moi devoir faire-un-rapport; et l'édit ennemi (injuste) de qui-que-ce-soit ne m'empêchera pas que, appuyé-sur vous, je défende votre droit et votre bienfait; et je n'écouterai quoi-que-ce-soit, hormis l'opposition des tribuns: à-propos-de laquelle, comme je pense, ceux-là mêmes qui menacent considéreront encore et encore (plus d'une fois) ce qui est-permis. |
les nations, doit-il être privé de partager la gloire du chef et de l'armée qui ont été choisis par ses conseils et à ses risques ? Eh quoi! C. Falcidius, Q. Métellus, Q. Célius Latiniensis, Cn. Lentulus, que je cite tous avec respect, ont bien pu, après avoir été tribuns du peuple, devenir lieutenants l'année suivante ; et l'on n'affiche de tels scrupules qu'à propos de Gabinius, qui, dans une guerre entreprise d'après la loi Gabinia, avec un général et une armée qu'il a obtenus de vous, devrait être préféré à tout autre ? J'espère bien que les consuls soumettront cette affaire au sénat ; s'ils hésitent ou qu'ils ne le fassent qu'avec peine, je déclare que je ferai moi-même une proposition. Et nul ne saurait m'empêcher, Romains, par un édit inique, de défendre, avec votre aide, vos droits et votre bienfait ; je ne reculerai que devant l'opposition des tribuns ; et, quant à cette opposition, ceux mêmes qui nous en menacent examineront plus d'une fois jusqu'où vont leurs droits. Suivant moi, Romains, |
92 - 93
Quirites, unus A. Gabinius, belli maritimi
rerumque gestarum auctor, comes Cn. Pompeio adscribitur, propterea quod
alter uni id bellum suscipiendum vestris suffragiis detulit, alter
delatum susceptumque confecit. XX. Reliquum est ut de Q. Catuli auctoritate et sententia dicendum esse videatur ; qui quum ex vobis quæreret, si in uno Cn. Pompeio omnia poneretis, si quid eo factum esset in quo spem essetis habituri, cepit magnum suæ virtutis fructum ac dignitatis, quum omnes, prope una voce, in eo ipso vos spem habituros esse dixistis. Etenim talis est vir, ut nulla res tanta sit ac tam difficilis, quam ille non et consilio regere, et integritate tueri, et virtute conficere possit. Sed in hoc ipso ab eo vehementissime dissentio, quod, quo minus certa est hominum ac minus diuturna vita, hoc magis respublica, dum per deos immortales licet, frui debet summi hominis vita atque virtute. |
Mea quidem sententia, Quirites, A. Gabinius unus, auctor belli maritimi rerumque gestarum, adscribitur comes Cn. Pompeio ; propterea quod alter detulit uni vestris suffragiis id bellum suscipiendum, alter confecit delatum et susceptum. XX. Est reliquum ut videatur dicendum esse de auctoritate et sententia Q. Catuli, qui, quum quæreret ex vobis, si poneretis omnia in Cn. Pompeio uno, si quid factum esset eo, in quo habituri essetis spem, cepit magnum fructum suae virtutis ac dignitatis, quum prope omnes dixistis una voce vos habituros esse spem in eo ipso. Etenim vir est talis, ut nulla res sit tanta et tam difficilis, quam ille non possit et regere consilio, et tueri integritate, et conficere virtute. Sed dissentio ab eo vehementissime in hoc ipso quod, quo vita hominum est minus certa ac minus diuturna. magis hoc respublica, dum licet per deos immortales, debet frui vita atque virtute hominis summi. |
A mon avis à la vérité, Romains A. Gabinius seul, conseiller de la guerre navale et des exploits accomplis, est adjoint pour compagnon à Cn. Pompée; parce que l'un a confié à un seul avec vos suffrages cette guerre à-entreprendre, l'autre a achevé la guerre confiée et entreprise. XX. Il est restant (il reste) qu'il semble devoir être parlé de l'autorité et de l'avis de Q. Catulus, qui, comme il demandait à vous, si vous placiez tout en Cn. Pompée seul, , si quelque chose arrivait de (malheur arrivait à) lui en qui vous auriez espérance, a recueilli un grand fruit de son mérite et de sa dignité, quand presque tous vous avez dit d'une voix vous devoir avoir espérance en lui-même. En effet l'homme est tel, qu'aucune affaire n'est d'un si-grand prix et si difficile, qu'il ne puisse et diriger par sa prudence, et soutenir par son intégrité, et achever par son courage. Mais je diffère de lui très-fortement en cela même que, d'autant la vie des hommes est moins certaine et moins longue, plus pour cela la république, pendant qu'il est permis par les dieux immortels, doit jouir de la vie et du talent d'un homme éminent. |
A. Gabinius, auteur de la guerre navale et
des succès qui l'ont suivie, est le seul homme qu'on puisse adjoindre à
Cn. Pompée, puisque l'un de ces deux personnages a obtenu de vous que
cette guerre fût confiée à un seul général, et que l'autre, après
l'avoir entreprise, l'a menée à fin. XX. Il me reste à parler de l'autorité et de l'opinion de Q. Catulus. Quand il vous disait : « Si vous mettez tous les pouvoirs aux mains de Pompée et qu'il lui arrive quelque malheur, en qui placerez-vous votre confiance ?» il a recueilli un fruit bien glorieux de sa valeur et de son mérite; car vous lui avez répondu tous à peu près d'une voix : « C'est sur vous, Catulus, que nous compterons. » C'est, en effet, un illustre citoyen, et il n'est point d'affaire si grave, si difficile, qu'il ne puisse diriger par sa prudence, soutenir par son intégrité et mener à fin par sa valeur. Mais je suis loin de partager cette fois son sentiment ; plus l'existence de l'homme est courte et incertaine, plus la république, tant que les dieux le permettent, doit jouir de la vie et du mérite d'un homme supérieur. |
94 - 95
At enim nihil novi fiat contra exempla
atque instituta majorum. Non dico hoc loco majores nostros semper in
pace consuetudini, in bello utilitati paruisse; semper ad novos casus
temporum novorum consiliorum rationes accommodasse ; non dicam duo bella
maxima, Punicum et Hispaniense, ab uno imperatore esse confecta, duasque
urbes potentissimas, quæ huic imperio maxime minabantur, Carthaginem
atque Numantiam, ab eodem Scipione esse deletas ; non commemorabo nuper
ita vobis patribusque vestris esse visum ut in uno C. Mario spes imperii
poneretur, ut idem cum Jugurtha, idem cum Cimbris, idem cum Teutonis
bellum administraret. In ipso Cn. Pompeio, in quo novi constitui nihil
vult Q. Catulus, quam multa sint nova, summa Q. Catuli voluntate,
constituta recordamini. XXI. Quid enim tam novum quam adolescentulum privatum exercitum difficili reipublicæ tempore conficere ? confecit : |
At enim inquit, nihil novi fiat contra exempla atque instituta majorum. Non dico hoc loco nostros majores semper paruisse in pace consuetudini, in bello utilitati ; semper accommodasse rationes novorum consiliorum ad novos casus temporum ; non dicam duo bella maxima Punicum et Hispaniense, confecta esse ab uno imperatore, duas urbes potentissimas, quae minabantur maxime huic imperio, Carthaginem atque Numantiam, deletas esse ab eodem Scipione; non commemorabo nuper visum esse vobis vestrisque patribus ut spes imperii poneretur in C. Mario uno, ita ut idem administraret bellum cum Jugurtha, idem cum Cimbris, idem cum Teutonis. Recordamini quam multa nova constituta sint, voluntate summa Q. Catuli, in Cn. Pompeio ipso, in quo Q. Catulus vult nihil novi constitui. XXI. Quid enim tam novum quam adolescentulum, privatum, conficere exercitum tempore difficili |
Mais en effet, dit-il que rien de nouveau ne se fasse contre les exemples et les institutions de nos ancêtres. Je ne dis point en ce lieu nos ancêtres toujours avoir obéi dans la paix à la coutume, dans la guerre à l'utilité ; toujours avoir adapté des plans de nouvelles résolutions à de nouvelles circonstances de temps; je ne dirai pas deux guerres très-grandes celle de-Carthage et celle d'-Espagne avoir été achevées par un seul général , deux villes très-puissantes, qui menaçaient le plus cet empire, Carthage et Numance avoir été détruites par le même Scipion ; je ne rappellerai pas naguère avoir paru-bon à vous et à vos pères , que l'espoir de l'empire fût mis en C. Marius seul, de-telle-sorte que le même dirigeait la guerre avec Jugurtha, le même la guerre avec les Cimbres, le même la guerre avec les Teutons. Rappelez-vous combien nombreuses des choses nouvelles ont été établies avec la bonne-volonté très-grande de Q.Catulus, pour Cn. Pompée lui-même, pour qui Q. Catulus veut rien de nouveau n'être établi. XXI. Quoi en effet de si nouveau que de voir un jeune homme, simple-particulier, compléter (lever) une armée dans un temps difficile |
ais, dit Catulus, n'admettons point
d'innovation contraire aux institutions et aux exemples de nos ancêtres.
Je ne répondrai pas à ce propos que toujours nos ancêtres ont obéi, en
temps de paix, aux usages, mais qu'en temps de guerre ils ont consulté
l'intérêt public ; que toujours dans des conjonctures nouvelles ils ont
adopté des plans nouveaux ; je ne dirai pas que deux guerres fort
considérables, la guerre d'Espagne et la guerre Punique, ont été
terminées par un seul général ; que deux villes puissantes, les plus
terribles ennemies de Rome, Carthage et Numance, ont été détruites par
le même Scipion ; je ne vous rappellerai pas que, naguère encore, vos
pères et vous avez jugé à propos de mettre toutes les espérances de la
république entre les mains de Marius seul, de telle sorte qu'il fit seul
la guerre à Jugurtha, aux Cimbres, aux Teutons ; songez seulement à
Pompée lui-même, pour qui Catulus ne veut point d'innovations,
rappelez-vous combien de choses nouvelles vous avez faites pour lui,
avec l'approbation sans réserve de Q. Catulus. XXI. Quoi de plus nouveau, en effet, que de voir un jeune homme, simple particulier, lever une armée dans les circonstances les plus |
96 - 97
huic præesse? praefuit : rem optime ductu suo gerere ? gessit. Quid tam præter consuetudinem quam homini peradolescenti, cujus a senatorio gradu ætas longe abesset, imperium atque exercitum dari, Siciliam permitti atque Africam, bellumque in ea administrandum ? Fuit in his provinciis singulari innocentia, gravitate, virtute ; bellum in Africa maximum confecit, victorem exercitum deportavit. Quid vero tam inauditum quam equitem Romanum triumphare? at eam quoque rem populus Romanus non modo vidit, sed etiam studio omni visendam et concelebrandam putavit. Quid tam inusitatum quam ut, quum duo consules clarissimi fortissimique essent, eques Romanus ad bellum maximum formidolosissimumque pro consule mitteretur ? missus est. Quo quidem tempore, quum esset nonnemo in senatu qui diceret non oportere mitti hominem privatum pro consule, L. Philippus dixisse dicitur : |
reipublicae? confecit : praeesse huic ? praefuit : gerere rem optime suo ductu? gessit. Quid tam praeter consuetudinem quam imperium atque exercitum dari homini peradolescenti, cujus aetas abesset longe a gradu senatorio, Siciliam permitti atque Africam, bellumque administrandum in ea? Fuit in his provinciis innocentia, gravitate, virtute singulari; confecit bellum maximum in Africa, deportavit exercitum victorem. Quid vero tam inauditum quam equitem Romanum triumphare? at populus Romanus non modo vidit eam rem quoque, sed etiam putavit visendam esse et concelebrandam omni studio. Quid tam inusitatum quam ut eques Romanus mitteretur pro consule ad bellum maximum formidolosissimumqne quum essent duo consules clarissimi fortissimique ? missus est. Quo tempore quidem, quum nonnemo esset in senatu qui diceret non oportere hominem privatum |
pour la république? il l'a complétée (levée): de le voir commander cette armée ? il l'a commandée: de le voir conduire l'entreprise très-bien par sa direction? il l'a conduite. Quoi de si contre la coutume que de voir un commandement et une armée être donnés à un homme extrêmement-jeune, dont l'âge était loin de la dignité sénatoriale, de voir la Sicile lui être confiée et l'Afrique, et la guerre devant être dirigée dans elle? Il a été dans ces provinces d'une intégrité, d'une sagesse, d'une valeur singulière; il a achevé la guerre la plus grande en Afrique, il a ramené son armée victorieuse. D'un-autre-côté quoi de si inouï que de voir un chevalier romain triompher? or le peuple romain non-seulement a vu cette chose aussi, mais encore a pensé elle devoir être vue et applaudie avec tout le zèle possible. Quoi de si inusité que de voir qu'un chevalier romain fût envoyé au-lieu-d'un consul pour une guerre très-grande et très-effrayante, quand il y avait deux consuls très-illustres et très-courageux? il a été envoyé. A cette époque même, comme quelques-uns étaient dans le sénat qui disaient ne pas falloir un homme simple-particulier |
difficiles pour la république ? Pompée en a levé une ; de le voir la commander ? il l'a commandée ; diriger la guerre avec succès ? il l'a fait aussi. Quoi de plus extraordinaire que de voir un homme si jeune, bien éloigné de l'âge requis pour être sénateur, chargé du commandement d'une armée ? de lui voir confier la Sicile, l'Afrique et les guerres qu'il fallait y soutenir ? Il s'est montré dans ces provinces d'une intégrité, d'une sagesse, d'une valeur admirables ; il a terminé en Afrique une guerre importante, et a ramené son aimée victorieuse. Quoi de plus inouï que de voir un chevalier romain honoré du triomphe ? Or, le peuple, romain n'a pas seulement été témoin de ce spectacle, mais il a cru devoir y courir et y applaudir avec le plus grand empressement. Quoi de plus contraire aux usages que de charger un chevalier romain, plutôt qu'un consul, d'une guerre terrible et des plus importantes, quand il y avait deux consuls d'un courage et d'une distinction rares ? On l'en a pourtant chargé. Et dans ce temps-là, comme quelques sénateurs disaient qu'il ne fallait pas envoyer un simple particulier à la place d'un con- |
98 - 99
Non se illum sua sententia pro consule,
sed pro consulibus mittere. Tanta in eo reipublicae bene gerendae spes
constituebatur, ut duorum consulum munus unius adolescentis virtuti
committeretur. Quid tam singulare quam ut ex senatusconsulto legibus
solutus consul ante fieret, quam ullum alium magistratum per leges
capere licuisset? quid tam incredibile quam ut iterum eques Romanus
senatusconsulto triumpharet? Quae in omnibus hominibus nova post hominem
memoriam constituta sunt, ea tam multa non sunt, quam haec quae in hoc
uno homine vidimus. Atque haec tot exempla, tanta ac tam nova, profecta
sunt in eumdem hominem a Q. Catuli atque a ceterorum ejusdem dignitatis
amplissimorum hominum auctoritate. XXII. Quare videant ne sit periniquum et non ferendum, illorum auctoritatem de Cn. Pompeii dignitate a vobis comprobatam semper esse ; vestrum ab illis de eodem homine judi- |
mitti pro consule, L. Philippus dicitur dixisse se, sua sententia, non mittere illum pro consule, sed pro consulibus. Tanta spes bene gerendae reipublicae constituebatur in eo, ut munus duorum consulum committeretur virtuti unius adolescentis. Quid tam singulare quam ut solutus legibus ex senatusconsulto fieret consul antequam licuisset per leges capere ullum alium magistratum? quid tam incredibile quam ut eques Romanus triumpharet iterum ex senatusconsulto? Ea quae constituta sunt nova in omnibus hominibus post memoriam hominem, non sunt tam multa quam haec quae vidimus in hoc homine uno. Atque haec tot exempla, tanta ac tam nova, profecta sunt in eumdem hominem ab auctoritate Q. Catuli atque ceterorum hominum amplissimorum ejusdem dignitatis. XXII. Quare videant ne sit periniquum et non ferendum, auctoritatem illorum de dignitate Cn. Pompeii comprobatam esse semper |
être envoyé au-lieu d'un consul, L. Philippus est dit avoir dit lui, de son avis, ne pas envoyer celui-ci (Pompée) au-lieu-d'un consul, mais au-lieu-des consuls. Un si-grand espoir de bien gouverner la république était mis eu lui, que la fonction des deux consuls était confiée au mérite d'un seul adolescent. Quoi de si singulier que de voir que dispensé des lois par un sénatusconsulte il devint consul avant qu'il lui eût été-permis par les lois de prendre (recevoir) aucune autre magistrature? quoi de si incroyable que de voir qu'un chevalier romain triomphât une-seconde-fois d'après un sénatusconsulte? Ces choses qui ont été établies nouvelles pour tous les hommes de mémoire d'hommes, ne sont pas si nombreuses que celles que nous avons vues établies pour cet homme seul. Et ces si-nombreux exemples, si-grands et si nouveaux, sont partis pour se porter sur ce-même homme de l'autorité de Q. Catulus et des autres hommes les plus considérables de la même dignité. XXII. C'est-pourquoi qu'ils voient (prennent-garde) qu'il ne soit fort-injuste et non supportable l'autorité de ceux-ci au-sujet-de la dignité de Cn. Pompée avoir été approuvée toujours |
sul, L. Philippus s'écria, dit-on, que
dans sa pensée Pompée allait remplacer non pas un consul, mais les deux
consuls. Ainsi il inspirait de si belles espérances, qu'on lui confiait,
malgré son âge, l'emploi des deux consuls. Quoi de plus singulier que de
le voir dispensé d'obéir aux lois par un sénatus-consulte, et nommé
consul avant l'âge où les lois lui eussent permis d'aspirer à toute
autre magistrature? Quoi de plus incroyable qu'un sénatus-consulte
décrétant un second triomphe pour un simple chevalier ? Non, les
innovations faites de mémoire d'homme pour qui que ce soit n'ont jamais
été si nombreuses que celles dont Pompée seul a été l'objet. Et toutes
ces distinctions, si brillantes, si neuves, ont été décrétées pour un
même citoyen, de l'avis de Q. Catulus et de tous les personnages les
plus illustres du même ordre. XXII. Qu'ils prennent donc garde que ce ne soit de leur part une injustice et une tyrannie, quand vous avez approuvé tout ce qu'ils ont demandé pour la gloire de Pompée, de refuser leur assentiment |
100 - 101
cium populique Romani auctoritatem
improbari : praesertim quum jam suo jure populus Romanus in hoc homine
suam auctoritatem, vel contra omnes qui dissentiunt, possit defendere ;
propterea quod, istis reclamantibus, vos unum illum ex omnibus
delegistis, quem bello praedonum praeponeretis. Hoc si vos temere
fecistis, et reipublicae parum consuluistis, recte isti studia vestra
suis consiliis regere conantur. Sin autem vos plus tum in republica
vidistis, vos, his repugnantibus, per vosmet ipsos dignitatem huic
imperio, salutem orbi terrarum attulistis : aliquando isti principes et
sibi, et ceteris, populi Romani universi auctoritati parendum esse
fateantur. Atque in hoc bello Asiatico et regio, non solum militaris
illa virtus, quae est in Cn. Pompeio singularis, sed aliae quoque
virtutes |
a vobis ; vestrum judicium de eodem homine et auctoritatem populi Romani improbari ab illis: praesertim quum populus Romanus jam possit defendere suo jure suam auctoritatem in hoc homine, vel contra omnes qui dissentiunt; propterea quod, istis reclamantibus, vos delegistis illum unum ex omnibus, quem praeponeretis bello praedonum. Si vos fecistis hoc temere, et consuluistis parum reipublicae, isti conantur recte regere vestra studia suis consiliis. Sin autem vos tum vidistis plus in republica, vos, his repugnantibus, attulistis per vosmet ipsos dignitatem huic imperio, salutem orbi terrarum: isti principes fateantur aliquando parendum esse et sibi et ceteris auctoritati populi Romani universi. Atque in hoc bello Asiatico et regio, non solum illa virtus militaris, quae est singularis in Cn. Pompeio sed aliae virtutes animi multae et magnae |
par vous; et votre jugement sur ce-même homme et l'autorité du peuple romain être désapprouvés par eux: surtout quand le peuple romain désormais peut défendre de son droit (à bon droit) son autorité au-sujet-de cet homme, même contre tous ceux qui différent-d'avis; parce que, ceux-ci réclamant (malgré leurs réclamations), vous avez choisi celui-là (Pompée) seul entre tous, que vous missiez (pour le mettre-à-la-tête) de la guerre des pirates. Si vous avez fait cela sans-réflexion, et avez veillé peu à l'intérêt de la république, ceux-ci s'efforcent avec raison de diriger vos voeux par leurs conseils. Mais-si vous alors vous avez vu plus (mieux) pour la république, vous, ceux-ci résistant (malgré leur résistance) vous avez apporté (procuré), par vous-mêmes la dignité à cet empire, le salut au cercle des terres (à l'univers) que ces premiers des citoyens avouent enfin devoir être obéi et par eux et par les autres à l'autorité du peuple romain tout-entier. Et dans cette guerre d'-Asie et contre-des-rois, non-seulement ce courage militaire, qui est éminent dans Cn. Pompée, mais les autres qualités de l'âme nombreuses et grandes |
à ce que vous voulez faire vous-mêmes pour ce grand homme, et de repousser ce que propose le peuple romain : le peuple a bien le droit de faire prévaloir sa volonté contre ceux qui s'y opposent, puisque c'est malgré les réclamations de ces mêmes hommes qu'il a chargé Pompée seul de la guerre des pirates. Si vous avez eu tort de faire ce choix, s'il a été funeste à la république, ils ont raison de vouloir régler vos voeux par leurs conseils ; mais si vous avez, dans cette circonstance, vu mieux qu'eux l'intérêt de l'État ; si vous avez, malgré eux et par votre propre impulsion, rendu la dignité à Rome et sauvé l'univers, que ces grands personnages reconnaissent donc enfin qu'eux et les autres doivent se soumettre à l'autorité du peuple romain. Dans cette guerre d'Asie, dirigée contre des rois, il n'est pas seulement besoin de cette valeur militaire, que Pompée possède à un éminent degré, il faut encore d'autres qualités nombreuses et grandes. |
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animi multae et magnae requiruntur.
Difficile est in Asia, Cilicia, Syria, regnisque interiorum nationum,
ita versari vestrum imperatorem, ut nihil aliud quam de hoste ac de
laude cogitet. Deinde, etiam si qui sunt pudore ac temperantia
moderatiores, tamen eos esse tales, propter multitudinem cupidorum
hominum, nemo arbitratur. Difficile est dictu, Quirites, quanto in odio
simus apud exteras nationes, propter eorum, quos ad eas per hos annos cum imperio misimus , injurias ac libidines. Quod enim fanum putatis in illis terris nostris magistratibus religiosum, quam civitatem sanctam, quam domum satis clausam ac munitam fuisse ? Urbes jam locupletes ac copiosae requiruntur, quibus causa belli propter diripiendi cupiditatem inferatur. Libenter haec coram cum Q. Catulo et Q. Hortensio disputarem, summis et clarissimis viris : noverunt enim sociorum vulnera, vident eorum calamitates, querimonias audiunt. |
requiruntur quoque. Difficile est in Asia, Cilicia, Syria, regnisque nationum interiorum, vestrum imperatorem versari ita ut cogitet nihil aliud quam de hoste ac de laude. Deinde, etiam si qui sunt moderatiores pudore ac temperantia, tamen nemo arbitratur eos esse tales, propter multitudinem hominum cupidorum. Difficile est dictu, Quirites, in quanto odio simus apud nationes exteras, propter injurias ac libidines eorum quos misimus ad eas cum imperio per hos annos. Quod enim fanum putatis fuisse religiosum nostris magistratibus in illis terris, quam civitatem sanctam, quam domum satis clausam ac munitam? Urbes locupletes ac copiosae jam requiruntur, quibus causa belli inferatur propter cupiditatem diripiendi. Disputarem haec libenter coram cum Q. Catulo et Q . Hortensio, viris summis et clarissimis noverunt enim vulnera sociorum, vident calamitates eorum audiunt querimonias. Putatis |
sont exigées aussi. Il est difficile dans l'Asie, dans la Cilicie, dans la Syrie, et dans les royaumes (États) des nations plus-au-dedans, votre général se conduire de-telle-sorte qu'il ne pense à rien autre chose qu'à l'ennemi et à la gloire. Ensuite, même si quelques-uns sont plus modérés par modestie et désintéressement, cependant personne ne pense eux être tels, à-cause-de la multitude des hommes cupides. Il est difficile à être dit (de dire), Romains, dans quelle-grande haine nous sommes auprès des nations étrangères, à cause des injustices et des désordres de ceux que nous avons envoyés vers elles avec un commandement pendant ces dernières années. En effet quel temple pensez-vous avoir été respecté par nos magistrats dans ces contrées, quelle ville pensez-vous avoir été sainte, quelle maison assez fermée et assez défendue ? Les villes riches et opulentes désormais sont recherchées, auxquelles une cause de guerre soit intentée à cause du désir de piller. Je discuterais cela volontiers publiquement avec Q. Catulus et Q. Hortensius, hommes éminents et très-illustres car ils connaissent les blessures de nos alliés, ils voient leurs malheurs, ils entendent leurs plaintes. Pensez-vous |
Dans l'Asie, dans la Cilicie, dans la
Syrie, chez des peuples plus reculés encore, il est bien difficile qu'un
général romain ne pense qu'à l'ennemi et à la gloire. S'il en est qui
soient vraiment purs et désintéressés, on ne les croit pas tels, à cause
du grand nombre de ceux que l'on a vus cupides. Il est impossible, en
effet , Romains de vous dire de quelle haine nous sommes l'objet chez
les peuples étrangers, grâce aux injustices et aux désordres des hommes
que nous avons envoyés dans ces contrées avec un commandement, pendant
cas dernières années. Croyez-vous qu'il y ait eu un temple que nos
magistrats aient respecté, une ville qu'ils aient épargnée, une maison
assez bien fermée, assez bien défendue contre leurs violences ? On
cherche maintenant quelles sont les villes les plus riches, les plus
opulentes, pour leur déclarer la guerre, parce qu'on est avide de
pillage. Je discuterais volontiers cette question avec Q. Catulus et Q.
Hortensius, ces deux hommes si distingués ; car ils connaissant les
plaies de nos alliés, ils ont sous les yeux leurs malheurs, ils
entendent leurs plaintes. Croyez-vous envoyer une armée contre vos enne- |
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Pro sociis vos contra hostes exercitum
mittere putatis, an hostium simulatione contra socios atque amicos? Quae
civitas est in Asia, quae non modo imperatoris aut legati, sed unius
tribuni militum animos ac spiritus capere possit? XXIII. Quare, etiam si quem habetis qui collatis signis exercitus regios superare posse videatur, tamen, nisi erit idem qui se a pecuniis sociorum, qui ab eorum conjugibus ac liberis, qui ab ornamentis fanorum atque oppidorum, qui ab auro gazaque regia manus, oculos, animum cohibere possit ; non erit idoneus qui ad bellum Asiaticum regiumque mittatur. Ecquam putatis civitatem pacatam fuisse, quae locuples sit ? ecquam esse locupletem, quae istis pacata esse videatur ? Ora maritima, Quirites, Cn. Pompeium non solum propter rei militaris gloriam, sed etiam propter animi continentiam, requisivit. Videbat enim populum Romanum non locupletari quotannis pecunia publica praeter paucos, neque nos quidquam
|
vos mittere exercitum pro sociis contra hostes, an, simulatione hostium, contra socios atque amicos? Quae civitas est in Asia, quae possit capere animos ac spiritus non modo imperatoris aut legati, sed unius tribuni militum ? XXIII. Quare, etiam si habetis quem qui videatur posse superare exercitus regios signis collatis, nisi idem erit qui possit se cohibere a pecuniis sociorum, qui manus, oculos, animum ab conjugibus ac liberis eorum, qui ab ornamentis fanorum atque oppidorum, qui ab auro gazaque regia, non erit idoneus, qui mittatur ad bellum Asiaticum regiumque. Ecquam civitatem putatis fuisse pacatam, quae sit locuples? ecquam esse locupletem, quae videatur istis esse pacata ? Ora maritima, Quirites, requisivit Cn. Pompeium non solum propter gloriam rei militaris, sed etiam propter continentiam animi. Videbat enim populum Romanum, praeter paucos, non locupletari quotannis |
vous envoyer une armée pour vos alliés contre vos ennemis, ou-bien, sous prétexte d'ennemis, contre vos alliés et vos amis ? Quelle ville y-a-t-il en Asie, qui puisse contenir (supporter) l'audace et l'insolence non-seulement d'un général ou d'un lieutenant, mais d'un seul tribun des soldats ? XXIII. C'est-pourquoi, même si vous avez quelqu'un qui semble pouvoir vaincre les armées des-rois, les étendards étant rapprochés, si le même n'est pas un homme qui puisse se tenir éloigné de l'argent des alliés, qui puisse éloigner ses mains, ses yeux, son âme des épouses et des enfants d'eux, qui puisse s'abstenir des ornements de leurs temples et de leurs villes, qui puisse s'abstenir de l'or et du trésor des-rois, il ne sera pas propre qui soit (à être) envoyé à la guerre de-l'Asie et contre-les-rois. Quelle ville pensez-vous avoir été traitée-en-amie, qui soit riche encore? quelle ville pensez-vous être riche, qui semble à ces hommes être amie ? La côte maritime, Romains, a demandé Cn. Pompée non-seulement à cause de sa gloire de la chose militaire (dans la guerre), mais encore à cause de la modération de son âme. Car elle voyait le peuple romain, excepté quelques hommes, n'être pas enrichi tous-les-ans |
mis pour défendre vos alliés, ou n'est-ce
pas contre vos amis, sous prétexte de combattre vos ennemis ? Y a-t-il
dans toute l'Asie une ville qui puisse suffire à la cupidité et à
l'insolence, je ne dis pas d'un général ou d'un lieutenant, mais
seulement d'un tribun ? XXIII. Aussi, eussiez-vous un homme qui parût capable de vaincre en bataille rangée les armées des deux rois, s'il n'est pas capable aussi de respecter les biens de nos alliés, leurs femmes et leurs enfants, les richesses qui ornent leurs temples et leurs villes, l'or et les trésors des rois, et de ne porter sur ces objets ni ses yeux, ni ses mains, ni ses désirs, cet homme-là n'est pas celui qu'il faut pour la guerre d'Asie contre les deux princes que nous combattons. Pensez-vous qu'il y ait une ville amie qui soit restée opulente, ou une ville opulente que ces hommes regardent comme amie ? Les provinces maritimes, Romains, ont demandé Pompée, non-seulement à cause de sa gloire militaire, mais aussi à cluse de sa modération. Elles voyaient, en effet, que ce n'était pas le peuple romain qui s'enrichissait, chaque |
106 - 107
aliud assequi classium nomine, nisi ut, detrimentis accipiendis, majore affici turpitudine videremur. Nunc, qua cupiditate homines in provincias, quibus jacturis, quibus conditionibus proficiscantur, ignorant videlicet isti qui ad unum deferenda esse omnia non arbitrantur ? Quasi vero Cn. Pompeium non quum suis virtutibus, tum etiam alienis vitiis, magnum esse videamus. Quare nolite dubitare quin huic uni credatis omnia, qui inter annos tot unus inventus sit, quem socii in urbes suas cum exercitu venisse gaudeant. Quod si auctoritatibus hanc causam, Quirites, confirmandam putatis, est vobis auctor vir bellorum omnium maximarumque rerum peritissimus, P. Servilius, cujus tantae res gestae terra marique exstiterunt, ut, quum de bello deliberetis, auctor vobis gravior esse nemo debeat ; est C. Curio, summis vestris bene- |
pecunia publica, neque nos assequi quidquam aliud nomine classium, nisi ut, accipiendis detrimentis, videremur affici majore turpitudine. Nunc videlicet isti, qui non arbitrantur omnia deferenda esse ad unum, ignorant qua cupiditate, quibus jacturis, quibus conditionibus homines proficiscantur in provincias? Quasi vero non videamus Cn. Pompeium esse magnum quum suis virtutibus, tum etiam vitiis alienis. Quare nolite dubitare quin credatis omnia huic uni, qui inter tot annos inventus sit unus quem socii gaudeant venisse in urbes suas cum exercitu. Quod si putatis, Quirites, hanc causam confirmandam auctoritatibus, auctor est vobis vir peritissimus omnium bellorum rerumque maximarum, P. Servilius, cujus res gestae terra marique exstiterunt tantae ut nemo debeat, quum deliberetis de bello, esse vobis auctor gravior; est C. Curio, praeditus |
par l'argent public (les revenus), et nous ne pas obtenir quelque chose d'autre par le nom de flottes, sinon que, en éprouvant des dommages, nous parussions être accablés d'une plus grande honte. Maintenant apparemment ces hommes, qui ne pensent pas tout devoir être confié à un seul, ignorent avec quelle avidité, avec quelles pertes, à quelles conditions des hommes partent pour les provinces? Comme si vraiment nous ne voyions pas Cn. Pompée être grand non-seulement par ses vertus, mais-aussi par les vices des-autres. C'est pourquoi ne veuillez pas douter que vous ne deviez-confier tout à celui-là seul, qui dans-l'espace-de tant-d'années a été trouvé le seul que nos alliés se réjouissent de voir venir dans leurs villes avec une armée. Que si vous pensez, Romains, cette cause devoir être appuyée par des autorités, pour autorité est à vous un homme très-habile dans toutes les guerres et les affaires les plus importantes, P. Servilius, dont les actions accomplies sur terre et sur mer ont été si-grandes, que personne ne doit, quand vous délibérez sur une guerre, être pour vous une autorité plus forte; pour autorité est C. Curion, doué |
année, du produit des tributs, mais seulement quelques hommes, et que ce que nous appelons nos flottes ne nous sert qu'à nous faire essuyer de nouvelles pertes et de plus honteux affronts. Ceux qui ne veulent pas qu'on défère tous les pouvoirs à un seul ne savent donc pas avec quelle avidité, au moyen de quels engagements ruineux, à quelles conditions ces généraux partent pour les provinces? Eh ! ne voyons-nous pas que Pompée est aussi grand par les vices des autres que par ses propres vertus ? N'hésitez donc pas à confier tout à un seul homme, puisque, depuis tant d'années, il ne s'en est trouvé qu'un que nos alliés aient vu avec plaisir occuper leurs villes à la tête d'une armée. Vous faut-il des autorités pour justifier votre choix ? Vous avez celle d'un homme qui a la plus grande expérience de la guerre et des intérêts importants, de P. Servilius, dont les exploits sur terre et sur mer ont été si brillants que vous ne sauriez, en pareille matière, consulter personne de plus compétent ; vous avez celle de C. Curion, personnage comblé par vous de distinctions, |
108 - 109
ficiis maximisque rebus gestis, summo
ingenio et prudentia praeditus ; est Cn. Lentulus, in quo omnes, pro
amplissimis vestris honoribus, summum consilium, summam gravitatem esse
cognoscitis ; est C. Cassius, integritate, virtute, constantia
singulari. Quare videte ut horum auctoritatibus, illorum orationi qui
dissentiunt, respondere posse videamur. XXIV. Quae quum ita sint, C. Manili, primum istam tuam et legem, et voluntatem, et sententiam laudo vehementissimeque comprobo : deinde te hortor ut auctore populo Romano maneas in sententia, neve cujusquam vim aut minas pertimescas. Primum in te satis esse animi perseverantiaeque arbitror : deinde, quum tantam multitudinem cum tanto studio adesse videamus, quantum nunc iterum in eodem homine praeficiendo videmus, quid est quod aut de re aut de perficiendi facultate dubitemus? Ego autem, quidquid in me est |
vestris summis beneficiis, maximisque rebus gestis, summo ingenio et prudentia; est Cn. Lentulus, in quo omnes cognoscitis, pro vestris honoribus amplissimis, summum consilium, summam gravitatem esse; est C. Cassius, integritate, virtute, constantia singulari. Quare videte ut videamur posse respondere auctoritatibus horum orationi illorum qui dissentiunt. XXIV. Quum quae sint ita, C. Manili, laudo primum comproboque vehementissime et istam legem tuam, et voluntatem, et sententiam deinde hortor te ut maneas in sententia, populo Romano auctore, neve pertimescas vim aut minas cujusquam. Primum arbitror satis animi perseverantiaeque esse in te: deinde, quum videamus tantam multitudinem adesse cum tanto studio, quantum videmus nunc iterum in eodem homine praeficiendo, quid est quod dubitemus aut de re, aut de facultate perficiendi? Ego autem, |
de vos plus grands bienfaits, et de très-grandes choses faites, d'un éminent génie et d'une prudence éminente; pour autorisé est Cn. Lentulus, en qui tous vous reconnaissez, eu-égard-à vos honneurs très-considérables, une très-grande sagesse, une très-grande valeur être pour autorité; est C. Cassius, d'une intégrité, d'une valeur, d'une fermeté rare. C'est-pourquoi remarquez comme nous semblons pouvoir répondre par les autorités de ceux-ci au langage de ceux-là qui diffèrent-d'avis. XXIV. Puisque cela est ainsi, C. Manilius, je loue d'abord et j'approuve très-énergiquement et cette loi tienne, et cette intention tienne, et cet avis tien ensuite j'engage toi à ce que tu demeures dans ton sentiment, le peuple romain étant favorable, et à ce que tu ne craignes pas la violence ou les menaces de quelqu'un. D'abord je pense assez de courage et de persévérance être en toi: ensuite, puisque nous voyons une aussi-grande multitude être-présente avec un si-grand empressement, que nous la voyons aujourd'hui pour-la-seconde-fois au-sujet-d'un même homme devant être-mis-à-la tête de nos troupes, qu'y-a-t-il pour que nous doutions ou de la chose, ou du moyen de l'achever? Mais moi, |
qui a fait également de grandes choses, et
qui est aussi remarquable par son génie que par sa prudence ; vous avez
celle de Cn. Lentulus, en qui vous reconnaissez tous, ainsi que le font
voir les hautes dignités dont vous l'avez revêtu, une sagesse rare, un
mérite éminent ; vous avez C. Cassius, dont l'intégrité, la valeur, la
fermeté, sont au-dessus des éloges. Voyez donc si de telles autorités ne
semblent pas suffisantes pour répondre à ceux qui combattent notre
sentiment. XXIV. Voilà, C. Manilius, les raisons qui me font d'abord approuver et louer hautement et la loi, et vos intentions, et votre projet; puis, je vous engage à maintenir votre proposition, que le peuple romain appuie, et à ne vous laisser intimider ni par la violence ni par les menaces. Je vous crois, d'un côté, assez de courage et de persévérance pour la faire ; et, de l'autre, en présence d'une telle multitude et de l'empressement qu'elle met à vouloir encore une fois confier nos troupes au même chef, comment douter de l'utilité ou du succès de la proposition ? Pour moi, tout ce que j'ai de |
110- 111
studii, consilii, laboris, ingenii,
quidquid hoc beneficio populi Romani atque hac potestate praetoria,
quidquid auctoritate, fide, constantia possum, id omne ad hanc rem
conficiendam tibi et populo Romano polliceor ac defero. Testorque omnes
deos, et eos maxime qui huic loco temploque praesident, qui omnium
mentes eorum, qui ad rempublicam adeunt, maxime perspiciunt, me hoc
neque rogatu facere cujusquam, neque quo Cn. Pompeii gratiam mihi per
hanc causam conciliari putem, neque quo mihi ex cujusquam amplitudine
aut praesidia periculis, aut adjumenta honoribus quaeram : propterea
quod pericula facile, ut hominem praestare oportet, innocentia tecti
repellemus ; honores autem neque ab uno, neque ex hoc loco, sed eadem
nostra illa laboriosissima ratione vitae, si vestra voluntas feret,
consequemur. Quamobrem, quidquid in hac causa mihi susceptum est,
Quirites, id omne me rei- |
quidquid est in me studii, consilii, laboris, ingenii , quidquid possum hoc beneficio populi Romani atque hac potestate praetoria, quidquid auctoritate, fide, constantia, polliceor ac defero id omne tibi et populo Romano ad hanc rem conficiendam. Testorque omnes deos, et maxime eos qui praesident huic loco temploque, qui perspiciunt maxime mentes omnium eorum qui adeunt ad rempublicam, me facere hoc neque rogatu cujusquam, neque quo putem gratiam Cn. Pompeii conciliari mihi per hanc causam, neque quo quaeram mihi aut praesidia periculis, aut adjumenta honoribus, ex amplitudine cujusquam: propterea quod repellemus facile pericula, tecti innocentia, ut oportet hominem praestare; consequemur autem honores neque ab uno neque ex hoc loco, sed illa eadem ratione vitae nostra laboriosissima, si vestra voluntas feret. Quamobrem, Quirites, quidquid susceptum est mihi in hac causa, |
tout-ce-qui est en moi de zèle, de prudence, d'activité, de talent, tout-ce-que je puis par ce bienfait du peuple romain et par cette puissance de-préteur; tout-ce-que je puis par mon autorité, par ma bonne-foi, par ma fermeté, je promets et je consacre tout cela à toi et au peuple romain pour cette entreprise devant être achevée. Et j'atteste tous les dieux, et surtout ceux qui président à ce lieu et à ce temple, qui voient le mieux les âmes de tous ceux qui s'approchent des affaires-publiques, moi faire cela ni sur la demande de quelqu'un, ni pour que je pense la faveur de Cn. Pompée être acquise à moi par cette cause, ni pour que je cherche pour moi ou des appuis pour les périls, ou des soutiens pour les honneurs, dans la grandeur de quelqu'un attendu que nous repousserons facilement les périls, couverts par notre innocence, comme il faut un homme le montrer (faire); et que nous n'obtiendrons les honneurs ni d'un seul ni au-moyen-de ce lieu, mais par cette même manière de vivre qui est nôtre et très-laborieuse, si votre volonté le permet. C'est-pourquoi, Romains, tout-ce-qui a été entrepris par moi dans cette cause, |
zèle, de prudence, d'énergie, d'intelligence, tout ce que me donne de pouvoir cette charge de préteur, dont le peuple romain a daigné me revêtir, tout ce que mon crédit, ma probité, ma fermeté, me prêtent d'influence, je le mets au service de vous et du peuple romain pour la réussite de cette affaire. Je prends à témoin tous les dieux, et particulièrement ceux qui président à cette enceinte et à ce temple, et qui lisent dans les coeurs des citoyens qui traitent les affaires de l'État, que je n'agis ici à la sollicitation de personne, que je ne cherche point, en aidant à l'élévation d'un homme, à me préparer un secours contre les dangers ou un moyen d'arriver aux honneurs : les dangers, je saurai , comme le doit faire un homme de bien, les repousser par mon innocence ; les honneurs, ce n'est pas par la protection d'un homme, ni par mes discours à cette tribune, mais en persistant dans la carrière laborieuse que j'ai choisie, que j'espère y arriver, grâce à vos suffrages. Je proteste donc, Romains, que tout |
113- 114
publicae causa suscepisse confirmo ; tantumque abest ut aliquam bonam gratiam mihi quaesisse videar, ut multas etiam simultates partim obscuras, partim apertas, intelligam, mihi non necessarias, vobis non inutiles, suscepisse : sed ego me hoc honore praeditum, tantis vestris beneficiis affectum, statui, Quirites, vestram voluntatem, et reipublicae dignitatem, et salutem provinciarum atque sociorum, meis omnibus commodis et rationibus praeferre oportere. |
confirmo me suscepisse id omne causa reipublicae ; tantumque abest ut videar mihi quaesisse aliquam bonam gratiam, ut intelligam etiam suscepisse multas simultates, partim obscuras, partim apertas, non necessarias mihi, non inutiles vobis: sed ego statui, Quirites, oportere me praeditum hoc honore, affectum vestris beneficiis tantis praeferre vestram voluntatem, et dignitatem reipublicae, et salutem provinciarum atque sociorum, omnibus meis commodis et rationibus. |
j'affirme moi avoir entrepris tout cela pour la république; et tant s'en faut que je paraisse à moi-même avoir cherché quelque bonne faveur, que je comprends même moi avoir encouru de nombreuses inimitiés, en partie cachées, en partie découvertes, non nécessaires pour moi, non inutiles pour vous : mais moi, j'ai pensé, Romains, falloir (qu'il fallait) moi gratifié de cet honneur, comblé de vos bienfaits si-grands, préférer votre volonté, et la dignité de la république, et le salut des provinces et des alliés, à tous mes avantages et à tous mes intérêts. |
ce que j'ai entrepris dans cette circonstance, c'est dans l'intérêt de la république que je me le suis proposé ; et, bien loin d'avoir cherché à me concilier l'amitié de quelqu'un, je ne me dissimule pas que je me suis attiré bien des haines secrètes ou déclarées, haines fâcheuses pour moi, mais qui peut-être ne seront pas inutiles pour vous. J'ai résolu, Romains, après les fonctions dont vous m'avez honoré et les faveurs dont j'ai été comblé par vous, de préférer l'exécution de votre volonté et le salut des provinces et des alliés à mon propre bien et à mes propres intérêts. |