Lysias

LYSIAS

 

XVII. PLAIDOYER SUR DES BIENS CONFISQUÉS.

 

ΠΡΟΣ ΤΟ ΔΗΜΟΣΙΟΝ ΠΕΡΙ ΤΩΝ ΕΡΑΤΩΝΟΣ ΧΡΗΜΑΤΩΝ

 


 

 

LYSIAS

 

DU PLAIDOYER SUR DES BIENS CONFISQUÉS.

 

Pour entendre le sujet de ce plaidoyer, il faut supposer des faits dont il ne parle pas. L'aïeul de celui qui plaide avait emprunté à un nommé Eraton deux talents, dont celui-ci lui paya l'intérêt tant qu'il vécut. Dès qu'il fut mort, les trois fils, Erasiphon, Eraton et Erasistrate, cessèrent tout paiement. Le père du demandeur obtint action pour toute la somme contre Erasistrate qui seul des frères était à Athènes, et gagna son procès contre lui. Erasistrate et le jeune Eraton moururent ; je suppose ce fait, dont l'auteur ne dit mot parce qu'il était assez connu ; Erasiphon resta seul possesseur des biens d'Eraton son père. Ses biens surent confisqués, on ignore à quel sujet le créancier de la succession répète ce qui doit lui revenir.

Après un court exorde où il éloigne l'idée qu'on avait de son talent pour la parole, il raconte comment il était créancier des biens d'Eraton, comment son père avait fait condamner en justice Erasistrate un de ses fils. Il preuve que tous les biens d'Eraton lui appartiennent de droit, qu'ils lui ont été adjugés par une sentence, et qu'il les a possédés quelque temps ; mais il déclare qu'il se borne à répéter le tiers, la part d'Erasistrate que son père a fait condamner en justice. Il prie les juges de lui être favorables.

 

[1] σως τινὲς ὑμῶν, ὦ ἄνδρες δικασταί, διὰ τὸ βούλεσθαί με ἄξιον εἶναί τινος ἡγοῦνται καὶ εἰπεῖν ἂν μᾶλλον ἑτέρου δύνασθαι. γὼ δὲ τοσούτου δέω περὶ τῶν μὴ, προσηκόντων ἱκανὸς εἶναι λέγειν, ὥστε δέδοικα μή, καὶ περὶ ὧν ἀναγκαῖόν μοί ἐστι λέγειν, ἀδύνατος ὦ τὰ δέοντα εἰπεῖν. Οἴμαι μὲν οὖν, ἐάν πάντα διηγήσωμαι τὰ πεπραγμένα ἡμῖν πρὸς Ἐράτωνα καὶ τοὺς ἐκείνου παῖδας, ῥαδίως ἐξ αὐτῶν ὑμᾶς εὑρήσειν ἃ προσήκει σκέψασθαι περὶ ταύτης τῆς διαδικασίας. ξ ἀρχῆς οὖν ἀκούσατε.

[2]ράτων ὁ Ἐρασιφῶντος πατὴρ ἐδανείσατο παρὰ τοῦ ἐμοῦ πάππου τάλαντα δύο. τι μὲν οὖν ἔλαβε τἀργύριον καὶ ὡς τοσοῦτόν γε ἐδεήθη δανείσασθαι, [καὶ] ὧν ἐναντίον ἐδόθη, μάρτυρας ὑμῖν παρέξομαι. δ᾽ ἐχρήσατο αὐτῷ καὶ ὅσα ὠφελήθη, οἱ μᾶλλόν τε ἐμοῦ εἰδότες καὶ παραγεγενημένοι οἷς ἐκεῖνος ἔπραττε διηγήσονται ὑμῖν καὶ μαρτυρήσουσι. Καί μοι κάλει μάρτυρας.

“Μάρτυρες”

[3]ως τοίνυν ὁ Ἐράτων ἔζη, τούς τε τόκους ἀπελαμβάνομεν καὶ τἆλλα τὰ συγκείμενα. πειδὴ δὲ ἐτελεύτησε καταλιπὼν ὑοὺς τρεῖς, Ἐρασιφῶντα καὶ Ἐράτωνα καὶ Ἐρασίστρατον, οὗτοι οὐδὲν ἔτι ἡμῖν τῶν δικαίων ἐποίουν. ν μὲν οὖν τῷ πολέμῳ, διότι οὐκ ἦσαν δίκαι, οὐ δυνατοὶ ἦμεν παρ᾽ αὐτῶν ἃ ὤφειλον πράξασθαι. πειδὴ δὲ εἰρήνη ἐγένετο, ὅτε περ πρῶτον αἱ ἀστικαὶ δίκαι ἐδικάζοντο, λαχὼν ὁ πατὴρ παντὸς τοῦ συμβολαίου Ἐρασιστράτῳ, ὅσπερ μόνος τῶν ἀδελφῶν ἐπεδήμει, κατεδικάσατο ἐπὶ Ξεναινέτου ἄρχοντος. Μάρτυρας δὲ καὶ τούτων παρέξομαι ὑμῖν. καί μοι κάλει μάρτυρας.

“Μάρτυρες”

[4] τι μὲν τὰ Ἐράτωνος δικαίως ἂν ἡμέτερα εἴη, ἐκ τούτων ῥᾴδιον εἰδέναι, ὅτι δὲ πάντα δημεύεται, ἐξ αὐτῶν <τῶν> ἀπογραφῶν. Τρεῖς γὰρ καὶ τέτταρες ἕκαστα ἀπογεγράφασι. Καίτοι τοῦτό γε παντὶ εὔγνωστον, ὅτι οὐκ ἂν παρέλιπον, εἴ τι ἄλλο τῶν Ἐράτωνος οἷόν τε ἦν δημεύειν, οἱ πάντα τὰ Ἐράτωνος ἀπογράφοντες καὶ ἃ ἐγὼ πολὺν ἤδη χρόνον κέκτημαι. ς μὲν οὖν ἡμῖν οὐδ᾽ ἑτέρωθεν εἰσπράξασθαι οἷόν τε, ἐὰν ὑμεῖς ταῦτα δημεύσητε, [5] εὔγνωστόν μοι δοκεῖ εἶναι. ς δὲ τὴν ἀμφισβήτησιν ἐποιησάμην πρός τε ὑμᾶς καὶ τοὺς ἰδιώτας, ἔτι ἀκούσατε.

ως μὲν γὰρ ἡμῖν οἱ Ἐρασιφῶντος οἰκεῖοι τούτων τῶν χρημάτων ἠμφεσβήτουν, ἅπαντα ἠξίουν ἐμὰ εἶναι, διότι ὑπὲρ ἅπαντος τοῦ χρέως ἀντιδικῶν πρὸς τὸν πατέρα ὁ Ἐρασίστρατος ἡττήθη. Καὶ τὰ μὲν Σφηττοῖ ἤδη τρία ἔτη μεμίσθωκα, τῶν δὲ Κικυννοῖ καὶ τῆς οἰκίας ἐδικαζόμην τοῖς ἔχουσι. Πέρυσι μὲν οὖν διεγράψαντό μου τὰς δίκας, ἔμποροι φάσκοντες εἶναι. Νυνὶ δὲ λαχόντος ἐν τῷ Γαμηλιῶνι μηνὶ οἱ ναυτοδίκαι οὐκ ἐξεδίκασαν. [6] πειδὴ δ᾽ ὑμῖν τὰ Ἐρασιφῶντος δημεύειν ἔδοξεν, ἀφεὶς τῇ πόλει τὼ δύο μέρει τὰ Ἐρασιστράτου ἀξιῶ μοι ψηφισθῆναι, διότι ταῦτά γε ἤδη καὶ πρότερον ἐγνώκατε ἡμέτερα εἶναι. ρισάμην οὖν ἐμαυτῷ τὸ τρίτον μέρος τῆς ἐκείνων οὐσίας οὐ τὴν ἀκρίβειαν ἐπισκεψάμενος, ἀλλὰ πολλῷ πλέον ἢ τὼ δύο μέρει τῷ δημοσίῳ ὑπολιπών. [7] ᾴδιον δὲ γνῶναι ἐκ τοῦ τιμήματος τοῦ ἐπιγεγραμμένου τοῖς χρήμασιν. παντα μὲν γὰρ πλείονος ἢ ταλάντου τετίμηνται, ὧν δ᾽ ἐγὼ ἀμφισβητῶ τῷ μὲν πέντε μνᾶς τῷ δὲ χιλίας δραχμὰς ἐπεγραψάμην. Καὶ εἰ πλείονος ἄξιά ἐστιν ἢ τοσούτου, ἀποκηρυχθέντων τὸ περιττὸν ἡ πόλις λήψεται.

[8] να οὖν εἰδῆτε ὅτι ταῦτα ἀληθῆ ἐστι, μάρτυρας ὑμῖν παρέξομαι πρῶτον μὲν τοὺς μεμισθωμένους παρ᾽ ἐμοῦ τὸ Σφηττοῖ χωρίον, ἔπειτα τοῦ Κικυννοῖ τοὺς γείτονας, οἳ ἴσασιν ἡμᾶς ἤδη τρία ἔτη ἀμφισβητοῦντας, ἔτι δὲ τούς τε πέρυσιν ἄρξαντας, πρὸς οὓς αἱ δίκαι ἐλήχθησαν, καὶ τοὺς νῦν ναυτοδίκας. [9] ναγνωσθήσονται δὲ ὑμῖν καὶ αὗται αἱ ἀπογραφαί. κ τούτων γὰρ μάλιστα γνώσεσθε ὅτι οὔτε νεωστὶ ταῦτα τὰ χρήματα ἀξιοῦμεν ἡμέτερα εἶναι, οὔτε νυνὶ τῷ δημοσίῳ πλειόνων ἀμφισβητοῦμεν ἢ τῷ ἔμπροσθεν χρόνῳ τοῖς ἰδιώταις. Καί μοι κάλει μάρτυρας.

 “Μάρτυρες”

[10]τι μέν, ὦ ἄνδρες δικασταί, οὐ παρὰ τὸ δίκαιον ἀξιῶ μοι ψηφίσασθαι τὸ διαδίκασμα, ἀλλ᾽ αὐτὸς τῇ πόλει πολλὰ τῶν ἐμαυτοῦ ἀφεὶς τοῦτο ἀξιῶ μοι ἀποδοθῆναι, ἀποδέδεικται. δη δέ μοι δοκεῖ δίκαιον εἶναι καὶ δεηθῆναι ὑμῶν τε καὶ τῶν συνδίκων ἐναντίον ὑμῶν.

[1] Comme je fais des efforts pour valoir quelque chose, vous vous imaginez peut-être, Athéniens, que j'ai plus de talent qu'un autre pour la parole : mais je suis si éloigné d'être en état de parler sur des affaires étrangères, que je crains même de.ne pouvoir m'expliquer comme il faut sur les miennes. J'espère néanmoins qu'une simple exposition de ce qui s'est passé entre nous et Eraton et ses fils, vous suffira pour saisir la vérité dans la cause présente. Je vais donc reprendre les faits dès l'origine.

[2] Eraton, père d'Erasiphon, emprunta deux talents à mon aïeul, Et, afin de prouver qu'il a prié mon aïeul de lui prêter une telle somme et qu'elle lui a été remise, je vais produire pour témoins les personnes en présence desquelles il l'a reçue. Ceux qui l'ont fréquenté et qui sont mieux instruits que moi, vous diront eux-mêmes et vous attesteront l'usage qu'il en a fait et l'avantage qu'il en a tiré. Greffier, faites paraître les témoins,

Les témoins paraissent.

[3] Tant qu'Eraton vécut l'intérêt de l'argent nous fut exactement remis, et les clauses du billet fidèlement exécutées. Il ne fut pas plutôt mort, que ses trois fils, Erasiphon, Eraton et Erasistrate, cessèrent tout paiement. Pendant la guerre où les tribunaux furent fermés, il ne sut pas possible de nous faire payer : dès que la paix fut faite, et que les tribunaux surent ouverts, mon père obtint action pour la somme totale contre Erasistrate qui seul des frères était à Athènes, et gagna son procès contre lui sous l'archonte Xénénète. Je vais produire des témoins de ces faits. Greffier, faites paraître les témoins.

Les témoins paraissent.

[4]  Il est facile de voir par là que nous aurions droit à tous les biens d'Eraton; on voit par les registres mêmes des questeurs que la confiscation les a tous absorbés. En effet, comme trois ou quatre personnes les ont inscrits à plusieurs reprises, il est évident qu'on n'a dû omettre aucune partie de ceux qui pouvaient être confisqués. Or, en les inscrivant tous, on a inscrit ceux mêmes dont je suis saisi depuis longtemps.[5]  Il me paraît donc indubitable que, si vous confisquez ces biens, il nous est impossible de nous faire payer d'ailleurs. Mais écoutez la raison qui nous fait répéter notre dette contre le trésor et contre des particuliers.

Tant que les parents d'Erasiphon disputaient au trésor les biens d'Eraton, je pensais qu'ils devaient tous m'appartenir, parcequ'Erasistrate, plaidant contre nous pour la dette entière, avait perdu sa cause. En conséquence j'ai déjà loué il y a trois ans la terre de Sphette. Je plaidais pour la terre de Cicynnes, et pour une maison à la ville, contre ceux qui les possédaient. L'année dernière, des particuliers, qui se disaient commerçants, intervinrent et traversèrent mon action. Les juges actuels du commerce, nommés dans le mois de Mars, n'ont pas encore prononcé. [6] Mais, puisque vous avez jugé à propos de confisquer les biens d'Erasiphon, j'abandonne au trésor les deux tiers des biens d'Eraton et je demande qu'on m'adjuge le tiers qui reste : la part d'Erasistrate, d'autant plus que vous avez déjà décidé qu'elle m'appartenait. Quand je dis le tiers des biens d'Eraton, je n'ai pas calculé exactement, et je laisse au trésor beaucoup plus des deux tiers. [7] C'est de quoi il est aisé de se convaincre par l'estimation des biens. Ils sont tous évalués à plus d'un talent ; or je répète d'un côté cinq mines, et de l'autre dix, et, supposé que la part qui me sera adjugée monte plus haut, le trésor s'emparera du surplus quand la vente aura été faite.

[8] Afin de certifier tout ce que j'avance, je produirai pour témoins ceux qui louèrent de moi la terre de Sphette, les voisins de celle de Cicynnes qui savent que je l'ai revendiquée, les citoyens qui étaient en charge l'année dernière, et qui devaient connaître de cette affaire, enfin les juges actuels du commerce : on vous lira aussi les registres du questeur. [9] Vous verrez surtout par cette lecture et par ces dépositions, que ce n'est pas depuis peu que nous revendiquons les biens qu'on nous dispute, et que nous ne répétons pas aujourd'hui contre le trésor une somme plus sorte que nous ne l'avons répétée par le passé contre des particuliers. Greffier, faites paraître les témoins.

Les témoins paraissent.

[10] J'ai prouvé, ce me semble, Athéniens, que c'est avec droit que je réclame la somme contestée, et qu'en ne répétant que cette somme, j'abandonne à la république une grande partie de ce qui m'appartient. Il ne me reste, sans doute, qu'à vous supplier, vous et les avocats du trésor, de m'être favorables, et de me rendre justice.